publié le 23 mai 2006
Extrait de l'arrêt n° 42/2006 du 15 mars 2006 Numéro du rôle : 3738 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 82 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, posée par la Cour d'appel de Liège. La Cour d'arbitrage, comp après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédu(...)
Extrait de l'arrêt n° 42/2006 du 15 mars 2006 Numéro du rôle : 3738 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 82 de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central type loi prom. 08/08/1997 pub. 04/06/1998 numac 1998015038 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, faite à Strasbourg le 8 novembre 1990 fermer sur les faillites, posée par la Cour d'appel de Liège.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 16 juin 2005 en cause de A. Ruelle contre la s.a.
Credimo, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 24 juin 2005, la Cour d'appel de Liège a posé la question préjudicielle suivante : « N'existe-t-il pas une discrimination injustifiée au regard des articles 10 et 11 de la Constitution entre la situation de l'affectant hypothécaire et celle de la caution dès lors que l'article 82 de la loi sur les faillites fait profiter la seconde de l'excusabilité obtenue par le failli alors qu'il ne prévoit pas la libération du premier, bien que tous les deux, personnes physiques, aient accepté de soutenir le failli à titre gratuit ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la recevabilité de la question préjudicielle B.1.1. La s.a. Credimo soutient que la réponse à la question préjudicielle n'est pas nécessaire à la résolution du litige à l'occasion duquel elle est posée et que le juge a quo considère à tort que l'article 82 de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central type loi prom. 08/08/1997 pub. 04/06/1998 numac 1998015038 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, faite à Strasbourg le 8 novembre 1990 fermer avant sa modification par la loi du 4 septembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/09/2002 pub. 21/09/2002 numac 2002009854 source service public federal justice Loi modifiant la loi du 8 août 1997 sur les faillites, le Code judiciaire et le Code des sociétés fermer n'est pas applicable au litige dont il est saisi.
B.1.2. La question préjudicielle n'indique pas si la rédaction dans laquelle l'article 82, dont l'alinéa 1er est seul en cause, est soumis au contrôle de la Cour est celle qui lui a été donnée par la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central type loi prom. 08/08/1997 pub. 04/06/1998 numac 1998015038 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, faite à Strasbourg le 8 novembre 1990 fermer ou par la loi du 4 septembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/09/2002 pub. 21/09/2002 numac 2002009854 source service public federal justice Loi modifiant la loi du 8 août 1997 sur les faillites, le Code judiciaire et le Code des sociétés fermer. La motivation de l'arrêt montre cependant que le juge a quo, tout en considérant que la date du jugement d'excusabilité rendu en l'espèce (6 juin 2002) pourrait impliquer que la première rédaction soit prise en compte, constate que celle-ci a été censurée par l'arrêt n° 69/2002 rendu sur question préjudicielle et l'écarte au profit de la deuxième, même si elle a également été censurée par la Cour dans l'arrêt n° 114/2004 rendu sur un recours en annulation, la Cour en ayant cependant maintenu les effets jusqu'au 31 juillet 2005.
B.1.3. C'est au juge a quo qu'il appartient, en règle, de déterminer les dispositions législatives qu'il soumet au contrôle de la Cour. Il n'appartient pas aux parties de le contester.
B.2.1. Le Conseil des ministres soutient que la question préjudicielle est sans objet dès lors que les effets de la disposition en cause, annulée par l'arrêt n° 114/2004, ont cessé d'être maintenus après le 31 juillet 2005 et que cette disposition est dès lors censée n'avoir jamais existé.
B.2.2. Compte tenu du maintien des effets des dispositions en cause et de la date à laquelle les faits soumis au juge a quo se sont produits, celui-ci est appelé à en faire application dans la solution du litige qui est pendant devant lui. La Cour se doit donc de répondre à la question telle qu'elle a été posée.
Quant au fond B.3.1. L'article 82, alinéa 1er, de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central type loi prom. 08/08/1997 pub. 04/06/1998 numac 1998015038 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, faite à Strasbourg le 8 novembre 1990 fermer disposait, dans la rédaction qui lui a été donnée par la loi du 4 septembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/09/2002 pub. 21/09/2002 numac 2002009854 source service public federal justice Loi modifiant la loi du 8 août 1997 sur les faillites, le Code judiciaire et le Code des sociétés fermer : «
Art. 82.L'excusabilité éteint les dettes du failli et décharge les personnes physiques qui, à titre gratuit, se sont rendues caution de ses obligations ».
B.3.2. L'article 9 de la loi du 20 juillet 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/2005 pub. 29/07/2005 numac 2005021101 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses type loi prom. 20/07/2005 pub. 28/07/2005 numac 2005021098 source service public federal chancellerie du premier ministre, service public federal justice et service public federal finances Loi modifiant la loi du 8 août 1997 sur les faillites, et portant des dispositions fiscales diverses fermer « modifiant la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central type loi prom. 08/08/1997 pub. 04/06/1998 numac 1998015038 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, faite à Strasbourg le 8 novembre 1990 fermer sur les faillites, et portant des dispositions fiscales diverses », remplace l'article 82, alinéa 1er, précité, par l'alinéa suivant : « Si le failli est déclaré excusable, il ne peut plus être poursuivi par ses créanciers ».
La même loi organise, en ce qui concerne les cautions personnelles du failli, un système qui leur permet d'être déchargées de leur engagement par le tribunal, pour autant qu'elles répondent aux conditions prévues par l'article 80, alinéa 3, tel qu'il a été modifié par l'article 7 de la loi du 20 juillet 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/2005 pub. 29/07/2005 numac 2005021101 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses type loi prom. 20/07/2005 pub. 28/07/2005 numac 2005021098 source service public federal chancellerie du premier ministre, service public federal justice et service public federal finances Loi modifiant la loi du 8 août 1997 sur les faillites, et portant des dispositions fiscales diverses fermer précitée. Enfin, plusieurs dispositions transitoires règlent la situation des faillites en cours et non encore clôturées au moment de l'entrée en vigueur de la loi, soit le 7 août 2005.
B.4. Il ressort des éléments de la cause que la question préjudicielle porte sur le point de savoir si l'article 82, alinéa 1er, de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central type loi prom. 08/08/1997 pub. 04/06/1998 numac 1998015038 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, faite à Strasbourg le 8 novembre 1990 fermer, tel que le juge a quo le considère applicable au litige pendant devant lui, n'établit pas une différence de traitement qui serait injustifiée en ce qu'il décharge les seules personnes physiques qui se sont engagées comme cautions personnelles à l'exclusion de celles qui ont, en garantie de l'engagement d'un commerçant, consenti une hypothèque sur un immeuble dont elles sont propriétaires.
La Cour limite son examen à cette différence de traitement.
B.5. Les dispositions en cause font partie de la législation sur les faillites, qui vise essentiellement à réaliser un juste équilibre entre les intérêts du débiteur et ceux des créanciers.
La déclaration d'excusabilité constitue pour le failli une mesure de faveur qui lui permet de reprendre ses activités sur une base assainie et ceci, non seulement dans son intérêt, mais aussi dans celui de ses créanciers ou de certains d'entre eux qui peuvent avoir intérêt à ce que leur débiteur reprenne ses activités sur une telle base, le maintien d'une activité commerciale ou industrielle pouvant en outre servir l'intérêt général (Doc. parl., Chambre, 1991-1992, n° 631/1, pp. 35 et 36).
Il ressort des travaux préparatoires que le législateur s'est soucié de tenir « compte, de manière équilibrée, des intérêts combinés de la personne du failli, des créanciers, des travailleurs et de l'économie dans son ensemble » et d'assurer un règlement humain qui respecte les droits de toutes les parties intéressées (Doc. parl., Chambre, 1991-1992, n° 631/13, p. 29).
Par la loi du 4 septembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/09/2002 pub. 21/09/2002 numac 2002009854 source service public federal justice Loi modifiant la loi du 8 août 1997 sur les faillites, le Code judiciaire et le Code des sociétés fermer modifiant la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central type loi prom. 08/08/1997 pub. 04/06/1998 numac 1998015038 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, faite à Strasbourg le 8 novembre 1990 fermer sur les faillites, le Code judiciaire et le Code des sociétés, le législateur a entendu atteindre les objectifs originaires avec encore davantage d'efficacité (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1132/001, p. 1).
B.6.1. En décidant de faire bénéficier certains coobligés du failli des effets de l'excusabilité accordée à celui-ci, le législateur s'écarte du droit patrimonial civil, en vertu duquel « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » (article 1134, alinéa 1er, du Code civil) et « quiconque est obligé personnellement est tenu de remplir ses engagements sur tous ses biens mobiliers ou immobiliers, présents et à venir » (article 7 de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851). Il convient d'examiner spécialement si la mesure litigieuse n'a pas de conséquences disproportionnées pour l'une des parties concernées par la faillite.
B.6.2. Lorsque, spécialement en matière économique, le législateur estime devoir sacrifier l'intérêt des créanciers au profit de certaines catégories de débiteurs, cette mesure s'inscrit dans l'ensemble de la politique économique et sociale qu'il entend poursuivre. La Cour ne pourrait censurer les différences de traitement qui découlent des choix qu'il a faits que si ceux-ci étaient manifestement déraisonnables.
B.7. La différence de traitement critiquée repose sur un critère objectif : la personne qui donne un immeuble en garantie ne risque de perdre que ce bien.
Afin notamment que cette personne connaisse la portée de son engagement, l'article 76 de la loi hypothécaire prévoit que l'hypothèque doit être consentie en principe par acte notarié. La forme authentique est une condition essentielle de la validité de l'hypothèque en raison précisément de la gravité de l'engagement du débiteur qui exige une protection particulière. L'intervention d'un officier public spécialisé, et qui a une obligation de conseil et d'information, est justifiée parce qu'il s'agit d'actes techniques et complexes dont la rédaction ne peut être laissée aux parties.
B.8. Le critère est pertinent à la lumière des objectifs mentionnés en B.5. En permettant que puissent être libérées de leurs obligations les personnes qui se sont engagées sur l'ensemble de leur patrimoine, le législateur entend protéger une catégorie de personnes qu'il considère de prime abord comme plus vulnérables que celles qui ne s'engagent qu'à concurrence d'un immeuble déterminé.
B.9. Il relève de l'appréciation du législateur de décider si, malgré la différence mentionnée en B.7, il convient de protéger également ces dernières. Mais, en raison de cette différence, l'absence d'une telle protection ne peut être considérée comme incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
B.10. La question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 82, alinéa 1er, de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central type loi prom. 08/08/1997 pub. 04/06/1998 numac 1998015038 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, faite à Strasbourg le 8 novembre 1990 fermer sur les faillites, tel qu'il a été remplacé par la loi du 4 septembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/09/2002 pub. 21/09/2002 numac 2002009854 source service public federal justice Loi modifiant la loi du 8 août 1997 sur les faillites, le Code judiciaire et le Code des sociétés fermer, en ce qu'il ne s'applique pas aux personnes physiques qui, à titre gratuit, ont consenti, en tant que garantie, une hypothèque sur un immeuble, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 15 mars 2006.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président, M. Melchior.