publié le 20 avril 2006
Extrait de l'arrêt n° 30/2006 du 1 er mars 2006 Numéro du rôle : 3713 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 55 et 60, § 1 er , alinéa(...)
Extrait de l'arrêt n° 30/2006 du 1er mars 2006 Numéro du rôle : 3713 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 55 et 60, § 1er, alinéa 1er, 3°, du décret de la Communauté française du 1er février 1993 fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subventionné et à l'article 50, § 1er, alinéa 1er, 3°, du décret de la Communauté française du 6 juin 1994 fixant le statut des membres du personnel subsidié de l'enseignement officiel subventionné, posée par la Cour du travail de Liège.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 9 mai 2005 en cause de J.-M. Kevelaer contre l'a.s.b.l.
Les écoles catholiques de Waremme et environs, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 2 juin 2005, la Cour du travail de Liège a posé la question préjudicielle suivante : « Compte tenu de la comparaison entre : - les articles 55 et suivants du décret de la Communauté française du 1er février 1993 fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subventionné, - les articles 45 et suivants du décret de la Communauté française du 6 juin 1994 fixant le statut des membres du personnel subsidié de l'enseignement officiel subventionné, - les articles 92 et suivants de l'arrêté royal du 22 mars 1969 fixant le statut des membres du personnel directeur et enseignant, du personnel auxiliaire d'éducation, du personnel paramédical, des établissements d'enseignement gardien, primaire, spécial, moyen, technique, artistique et normal de l'Etat, des internats dépendant de ces établissements et des membres du personnel du service d'inspection chargé de la surveillance de ces établissements, l'article 24, § 4, de la Constitution est-il violé : 1) par l'article 55 du décret précité du 1er février 1993, interprété en ce sens que le pouvoir organisateur, en principe, a la faculté et non l'obligation, de procéder à un engagement à titre définitif (ou, selon son choix, de procéder à un engagement à titre temporaire) dans un emploi vacant d'une fonction de promotion, de sorte que le candidat qui, au moment de son engagement, répond à toutes les conditions requises pour être engagé à titre définitif, peut n'être engagé qu'à titre temporaire, sans avoir droit à un engagement à titre définitif, alors que : a) en vertu de l'article 45 du décret précité du 6 juin 1994, le pouvoir organisateur, en principe, procède à une nomination à titre définitif dans un emploi vacant d'une fonction de promotion, de sorte que le candidat qui, au moment de sa nomination, répond à toutes les conditions requises pour obtenir une nomination à titre définitif, bénéficie d'une telle nomination, b) en vertu des articles 92 et suivants de l'arrêté royal précité du 22 mars 1969, les membres du personnel des établissements d'enseignement de la Communauté française sont nommés à titre définitif dans un emploi vacant d'une fonction de promotion, 2) par l'article 60, § 1er, alinéa 1er, 3°, du décret précité du 1er février 1993 et par l'article 50, § 1er, alinéa 1er, 3°, du décret précité du 6 juin 1994, interprétés en ce sens que le pouvoir organisateur a la faculté de procéder à un engagement (ou nomination) à titre temporaire dans un emploi vacant d'une fonction de promotion et ce, dans l'attente d'un engagement (ou nomination) à titre définitif, soit du bénéficiaire même de l'engagement (ou nomination) à titre temporaire, quand bien même il répond, au moment de cet engagement (ou de cette nomination), à toutes les conditions requises pour obtenir un engagement (ou nomination) à titre définitif, soit d'un autre candidat, alors qu'en vertu des articles 92 et suivants de l'arrêté royal précité du 22 mars 1969, les membres du personnel des établissements d'enseignement de la Communauté française sont toujours nommés à titre définitif dans un emploi vacant d'une fonction de promotion ? ». (...) III. En droit (...) B.1. Les articles 55 et 60, § 1er, du décret de la Communauté française du 1er février 1993 fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subventionné disposent : «
Art. 55.Le pouvoir organisateur peut engager à titre définitif dans un emploi définitivement vacant d'une fonction de promotion, sauf : 1° s'il est tenu, par les dispositions en vigueur sur la réaffectation ou la remise au travail, d'engager à cet emploi un membre du personnel mis en disponibilité par défaut d'emploi;ou, 2° si, alors qu'il n'est pas tenu par ces dispositions, un membre du personnel est engagé dans cet emploi à la suite d'un changement d'affectation ou d'une mutation conformément aux conditions prévues à l'article 56 ». «
Art. 60.§ 1er. Une fonction de promotion peut être confiée temporairement dans les cas suivants : 1° si le titulaire de la fonction est temporairement absent;2° dans le cas visé à l'article 57;3° dans l'attente d'un engagement à titre définitif. Dans l'hypothèse visée à l'alinéa 1er, 3°, et au plus tard deux ans après sa désignation, le membre du personnel est engagé à titre définitif dans la fonction de promotion s'il répond à ce moment à toutes les conditions de l'article 59 et si le pouvoir organisateur ne l'a pas licencié de cette fonction de promotion selon les dispositions du Chapitre VIII. Cette limitation à deux ans n'est pas applicable à un emploi d'une fonction de promotion dans les classes uniques maternelles, primaires et écoles fondamentales comportant un seul emploi primaire, pour autant qu'aucun des membres du personnel du même pouvoir organisateur, qui remplit les conditions, ne se soit porté candidat.
Pendant cette période d'attente, le membre du personnel reste titulaire de l'emploi dans lequel il est engagé à titre définitif ».
B.2. Les articles 45 et 50, § 1er, du décret de la Communauté française du 6 juin 1994 fixant le statut des membres du personnel subsidié de l'enseignement officiel subventionné disposent : «
Art. 45.Un pouvoir organisateur procède à une nomination à titre définitif dans un emploi vacant d'une fonction de promotion sauf : 1° s'il est tenu, en vertu de la réglementation relative à la mise en disponibilité par défaut d'emploi et à la réaffectation, d'attribuer cet emploi à un membre du personnel mis en disponibilité;2° s'il a déjà attribué l'emploi par changement d'affectation conformément aux dispositions prévues à l'article 46 ». «
Art. 50.§ 1er. Une fonction de promotion peut être confiée temporairement : 1° si le titulaire de la fonction est temporairement absent;2° dans l'hypothèse visée à l'article 47;3° dans l'attente d'une nomination définitive. Pendant cette période, le membre du personnel reste titulaire de l'emploi dans lequel il est nommé définitivement.
Dans l'hypothèse visée à l'alinéa 1er, 3°, et au plus tard au terme d'un délai de deux ans, le membre du personnel est nommé définitivement dans la fonction de promotion s'il répond à ce moment à toutes les conditions de l'article 49 et si le pouvoir organisateur ne l'en a pas déchargé ».
B.3. Les articles 92 à 96 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 « fixant le statut des membres du personnel directeur et enseignant, du personnel auxiliaire d'éducation, du personnel paramédical, des établissements d'enseignement gardien, primaire, spécial, moyen, technique, artistique et normal de l'Etat, des internats dépendant de ces établissements et des membres du personnel du service d'inspection chargé de la surveillance de ces établissements » disposent : «
Art. 92.La nomination à une fonction de promotion ne peut avoir lieu qu'en cas de vacance d'emploi de la fonction à conférer.
Un emploi vacant d'une fonction de promotion ne peut être conféré par promotion que s'il n'a pas été conféré par réaffectation aux membres du personnel nommés à titre définitif à la fonction de promotion dont relève l'emploi à conférer mis en disponibilité par défaut d'emploi.
Un emploi vacant d'une fonction de promotion ne peut être attribué par promotion que s'il n'a pas été conféré par changement d'affectation.
Il peut être mis fin à toute désignation à titre temporaire à une fonction de promotion en vue de permettre le rappel provisoire à l'activité de service d'un membre du personnel nommé à titre définitif à ladite fonction mis en disponibilité par défaut d'emploi.
Art. 93.La vacance d'emploi de la fonction de promotion à conférer est portée à la connaissance des membres du personnel par avis inséré au Moniteur belge .
Cet avis indique les conditions requises dans le chef des candidats à la fonction, ainsi que la forme et le délai dans lesquels les candidatures doivent être introduites.
Art. 94.§ 1er. Tout membre du personnel nommé à titre définitif à une fonction de promotion, peut, à sa demande, obtenir un changement d'affectation dans un autre emploi vacant de sa fonction.
Ce changement d'affectation produit ses effets le 1er janvier suivant, sauf dans l'enseignement de promotion sociale où il produit ses effets le 1er septembre suivant. § 2. Le membre du personnel qui désire obtenir un changement d'affectation dans un autre établissement de la même zone ou dans une autre zone introduit, par pli recommandé, une demande motivée par des circonstances exceptionnelles auprès du Ministre dans le courant du mois d'octobre, ou, en ce qui concerne l'enseignement de promotion sociale, dans le courant de la première quinzaine du mois de mars.
Il en adresse copie au président de la commission interzonale d'affectation dans le même délai.
Le Ministre n'accorde le changement d'affectation que moyennant avis favorable de la commission précitée. § 3. Sauf dans l'enseignement de promotion sociale, un changement d'affectation peut s'opérer provisoirement dans un emploi non vacant, si cet emploi est libéré pour une année scolaire au moins.
Le changement d'affectation dans un emploi non vacant s'opère selon les modalités définies au § 2. § 4. Le membre du personnel qui a obtenu un changement d'affectation sur base du § 3 est définitivement affecté dans l'emploi qu'il occupe, le 1er jour du mois qui suit la vacance de cet emploi. § 5. L'emploi dont était titulaire un membre du personnel affecté conformément au § 3 est vacant si celui-ci ne réintègre pas cet emploi après deux années scolaires consécutives. § 6. Le § 2 ne s'applique pas au personnel du service d'inspection.
Art. 95.La nomination à une fonction de promotion se fait par Nous.
Art. 96.Peuvent seuls être nommés à une fonction de promotion, les membres du personnel qui ont introduit leur candidature dans la forme et dans le délai fixés par l'appel aux candidats ».
Quant à l'article 55 du décret du 1er février 1993 (première partie de la question préjudicielle) B.4. En prévoyant, dans l'interprétation retenue par le juge a quo, que le pouvoir organisateur dans l'enseignement libre subventionné peut choisir de pourvoir par un engagement à titre définitif ou par un engagement à titre temporaire à un emploi vacant dans une fonction de promotion (telle, en l'espèce, une fonction de directeur d'école), l'article 55 du décret du 1er février 1993 crée une différence de traitement entre les candidats à un tel emploi selon que cet emploi relève de l'enseignement libre subventionné, d'une part, ou de l'enseignement officiel subventionné ou de l'enseignement de la Communauté, d'autre part, dès lors que dans ces cas, l'autorité ne dispose pas d'un tel choix : l'engagement est fait à titre définitif, en vertu de l'article 45 du décret du 6 juin 1994 et des articles 92 et suivants de l'arrêté royal du 22 mars 1969 respectivement et dans les conditions fixées par ces dispositions.
La première partie de la question préjudicielle porte sur la compatibilité de cette différence de traitement avec l'article 24, § 4, de la Constitution.
C'est en règle au juge a quo qu'il appartient d'interpréter les normes qui sont applicables au litige qui lui est soumis. La Cour tient dès lors compte de cette interprétation dans sa réponse aux questions préjudicielles.
B.5. Bien que l'égalité de traitement des établissements d'enseignement et des membres du personnel constitue le principe, l'article 24, § 4, de la Constitution n'exclut pas un traitement différencié, à la condition que celui-ci soit fondé « sur les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur ». Pour justifier, au regard du principe d'égalité et de non-discrimination, une différence de traitement entre les établissements d'enseignement et les membres du personnel des réseaux d'enseignement, il ne suffit cependant pas d'indiquer l'existence de différences objectives entre ces établissements et ces membres du personnel. Il doit encore être démontré qu'à l'égard de la matière réglée, la distinction en cause est pertinente pour justifier raisonnablement une différence de traitement. En outre, le principe d'égalité en matière d'enseignement ne saurait être dissocié des autres garanties établies par l'article 24 de la Constitution, en particulier la liberté d'enseignement.
B.6. En l'espèce, les travaux préparatoires des décrets du 1er février 1993 et du 6 juin 1994 montrent que le législateur décrétal a entendu doter les deux réseaux d'enseignement de dispositions fixant la situation juridique du personnel aussi proches que possible l'un de l'autre et aussi proches que possible de celles applicables dans l'enseignement de la Communauté (Doc. parl., Conseil de la Communauté française, 1992, n° 61/1, p. 3; ibid., 1993-1994, n° 156/1, p. 2, et n° 156/2, p.1), tout en tenant compte, comme l'observait le Conseil d'Etat dans son avis précédant le décret du 1er février 1993, de ce qu'il existe, lorsque l'on compare l'enseignement libre et l'enseignement officiel, « une différence fondamentale entre une situation de droit administratif et une relation de travail de droit privé » (Doc. parl., Conseil de la Communauté française, 1992, n° 61/1, p. 60).
B.7. La différence de rédaction entre l'article 55 du décret du 1er février 1993 (« Le pouvoir organisateur peut engager à titre définitif ... ») et l'article 45 du décret du 6 juin 1994 (« Un pouvoir organisateur procède à une nomination à titre définitif ... ») sur laquelle le juge a quo fonde la différence de traitement en cause, selon laquelle, dans le seul enseignement libre, le pouvoir organisateur a la faculté d'engager à titre temporaire un candidat à une fonction de promotion, n'a pas été évoquée au cours des travaux préparatoires des normes en cause. Lors de l'examen de l'article 40 du décret du 1er février 1993 (aujourd'hui abrogé par le décret du 19 décembre 2002) qui prévoyait une règle analogue en matière de fonction de recrutement, la question fut posée de « la faculté laissée au pouvoir organisateur d'engager, à titre définitif, dans un emploi vacant d'une fonction de recrutement » (Doc. parl., Conseil de la Communauté française, 1992, n° 61/2, p. 24). Le ministre précisa ce qui suit : « [...] quand un emploi est vacant, le pouvoir organisateur, tout comme le ministre lui-même, peut désigner dans cet emploi un membre définitif. En d'autres termes, cet article fixe les conditions dans lesquelles un pouvoir organisateur peut conférer un emploi à titre définitif, sans que soit réglée la durée endéans laquelle cette fonction doit réellement être affectée. A défaut de répondre aux critères des articles 40 et 41, il sera fait application de l'article 43 » (ibid., p. 25).
En ce qui concerne l'enseignement officiel subventionné, l'article 46 de l'avant-projet de décret soumis à l'avis du Conseil d'Etat (devenu l'article 45 en cause) prévoyait : « Un pouvoir organisateur ne peut conférer par voie de nomination à titre définitif un emploi vacant d'une fonction de promotion qu'à condition : 1° qu'il ne soit pas tenu, conformément aux dispositions en vigueur en la matière, de conférer cet emploi par réaffectation ou remise au travail à un membre de son personnel mis en disponibilité par défaut d'emploi;2° que l'emploi ne soit pas déjà conféré par changement d'affectation à un membre du personnel répondant aux conditions prévues à l'article 47 » (Doc.parl., Conseil de la Communauté française, 1993-1994, n° 156/1, p. 47).
Une formulation identique était utilisée en ce qui concerne l'article 26 (fonctions de recrutement) et l'article 38 (fonctions de sélection) (ibid., pp. 44 et 46). Le Conseil d'Etat proposa une autre rédaction en ce qui concerne les fonctions de recrutement en faisant observer : «
Art. 26.1. Contrairement à ce qui est prévu pour la nomination à un emploi vacant d'une fonction de promotion, le 1° ne mentionne pas la remise au travail parmi les procédures qu'il faut épuiser avant de pourvoir à la vacance d'un emploi d'une fonction de recrutement par une nomination définitive; cette omission doit être réparée ou, si elle est volontaire, dûment justifiée dans l'exposé des motifs. 2. Au 1°, les mots ' conformément aux dispositions en vigueur en la matière ' sont inutiles et doivent être omis.3. Afin d'assurer en matière de mobilité externe la transposition à l'enseignement officiel subventionné de la règle inscrite à l'article 40, 2°, du décret du 1er février 1993, il convient de remplacer les mots ' par changement d'affectation ' figurant au 2° par les mots ' par mutation ou par changement d'affectation '. Sous réserve d'être adapté aux observations 1 à 3, le texte suivant est proposé : '
Art. 26.Le pouvoir organisateur peut nommer à titre définitif dans un emploi vacant d'une fonction de recrutement sauf : 1° s'il est tenu de conférer ...; 2° si l'emploi n'a pas déjà été conféré par mutation ... ' » (ibid., p. 60). Par renvoi, la même remarque était faite pour les articles 38 et 46 (ibid., pp. 64 et 65). Le texte du projet soumis au Conseil de la Communauté française ne fut cependant pas celui proposé par le Conseil d'Etat mais un texte autrement formulé qui devint l'article 5 du décret du 6 juin 1994 (ibid., p. 28). La raison pour laquelle le Gouvernement s'écarta du texte proposé par le Conseil d'Etat ne fut évoquée ni dans l'exposé des motifs, ni dans le rapport de la Commission de l'enseignement, de la formation et de la recherche.
B.8.1. Compte tenu de l'exigence d'égalité que fonde l'article 24, § 4, de la Constitution, la circonstance que le lien établi avec l'enseignant serait de nature contractuelle dans l'enseignement libre et de nature statutaire dans l'enseignement officiel subventionné et dans l'enseignement de la Communauté, ne suffirait pas, en l'absence d'autre justification, à rendre admissible la différence de traitement en cause, alors qu'il est vrai qu'en vertu de l'article 97, alinéa 1er, 8°, de l'arrêté royal du 22 mars 1969, nul ne peut être nommé à une fonction de promotion de la catégorie du personnel directeur et enseignant s'il n'est titulaire du brevet de promotion en rapport avec la fonction à conférer et qu'en vertu de l'article 49, 5°, du décret du 6 juin 1994, le candidat à une fonction de promotion dans l'enseignement officiel subventionné doit avoir suivi une formation spécifique.
B.8.2. La Cour constate cependant que les dispositions en cause peuvent faire l'objet d'une autre interprétation que celle retenue par le juge a quo. Il apparaît en effet des travaux préparatoires des décrets que le législateur a entendu, dans les deux cas, que les emplois vacants soient, par priorité, accordés aux enseignants faisant l'objet de mesures de réaffectation ou de mise en disponibilité par défaut d'emploi, qu'il s'agisse de fonctions de recrutement, de sélection ou de promotion (Doc. parl., Conseil de la Communauté française, 1992, n° 61/1, pp. 11, 13 et 54, et n° 61/2, p. 23; ibid., 1993-1994, n° 156/1, pp. 9, 11 et 13, et n° 156/2, p. 20). Le rapport précédant le décret du 6 juin 1994 indique à cet égard : « Cet article précise qu'un pouvoir organisateur ne peut procéder à une nomination définitive qu'après avoir satisfait à ses obligations en matière de réaffectation. Avant de nommer, le pouvoir organisateur a aussi la faculté d'accorder un changement d'affectation à l'un des membres de son personnel, nommé à titre définitif, ou d'accorder une mutation à un membre du personnel issu d'un autre pouvoir organisateur.
Ainsi, [...], le pouvoir organisateur doit impérativement réaffecter tout d'abord les membres de son personnel, avant de procéder à une nomination définitive. Il a aussi la faculté d'opérer un changement d'affectation.
A ce propos, si on compare aux autres statuts, on constate qu'une telle disposition existe également dans le statut du personnel de l'enseignement libre subventionné, où l'on parle à ce propos de ' mutation interne ' (celle-ci consistant en un changement d'affectation interne au sein d'un même pouvoir organisateur » (ibid., p. 20).
B.8.3. Ces considérations, communes aux deux décrets, indiquent que ces dispositions - et notamment l'article 55 du décret du 1er février 1993 et l'article 45 du décret du 6 juin 1994, en cause - n'ont pas pour objet de prévoir que la nomination ou l'engagement de l'enseignant doit ou non être fait à titre définitif mais d'imposer à celui qui engage ou qui nomme de prendre en compte, avant de décider, la situation des enseignants que ces dispositions désignent. Les rédactions, évoquées en B.7, tant de l'avant-projet de décret concernant l'enseignement officiel subventionné (« un pouvoir organisateur ne peut conférer par voie de nomination à titre définitif [...] qu'à condition [...] ») que du texte proposé le 20 décembre 1993 par le Conseil d'Etat (« Le pouvoir organisateur peut nommer à titre définitif [...] sauf [...] ») et celle, identique, retenue dans le décret du 1er février 1993 montrent une identité de conception, confirmée non seulement par les travaux préparatoires mais aussi par le tableau comparatif des trois régimes dressé à la suite du rapport précédant le décret du 6 juin 1994 (Doc. parl., Conseil de la Communauté française, 1993-1994, n° 156/2, pp. 74 et 75).
B.8.4. Il s'ensuit, quant au décret du 6 juin 1994, que l'emploi des mots « Un pouvoir organisateur procède à une nomination à titre définitif ... » n'indique pas que ce pouvoir serait tenu de procéder à une nomination à titre définitif dès que les conditions visées à l'article 45 du décret du 6 juin 1994 sont remplies - l'article 52 du décret n'indique d'ailleurs pas que la nomination qu'il vise est une nomination à titre définitif - mais qu'il ne peut y procéder que si ces conditions sont remplies; quant à l'arrêté royal du 22 mars 1969, ses articles 92 et 96 emploient différentes expressions et n'indiquent pas non plus que l'autorité serait tenue de procéder à une nomination à titre définitif; il s'ensuit que la différence de traitement évoquée dans la première partie de la question préjudicielle est inexistante.
B.9. Dans cette interprétation, la question préjudicielle appelle, en sa première partie, une réponse négative.
Quant à l'article 60, § 1er, du décret du 1er février 1993 (deuxième partie de la question préjudicielle) B.10. En prévoyant, dans l'interprétation retenue par le juge a quo, que le pouvoir organisateur dans l'enseignement libre subventionné (comme dans l'enseignement officiel subventionné) peut pourvoir à un emploi vacant dans une fonction de promotion par un engagement (ou une nomination) à titre temporaire dans l'attente d'un engagement (ou d'une nomination) à titre définitif de la personne désignée ou d'un autre candidat (qui, par exemple, ne disposerait pas encore de l'ancienneté requise), l'article 60, § 1er, du décret du 1er février 1993 établit une différence de traitement entre les candidats à un tel emploi selon que cet emploi relève de l'enseignement (libre ou officiel) subventionné ou de l'enseignement de la Communauté, dès lors que, dans le second cas, l'engagement est fait à titre définitif en vertu des articles 92 et suivants de l'arrêté royal du 22 mars 1969 et dans les conditions fixées par ces dispositions.
B.11. La Cour n'examine la seconde partie de la question qu'en tant qu'elle porte sur l'article 60, § 1er, du décret du 1er février 1993 et non sur l'article 50, § 1er, du décret du 6 juin 1994 dès lors que celui-ci, applicable au personnel subsidié de l'enseignement officiel subventionné, ne fait pas partie des dispositions applicables au litige dont est saisi le juge a quo ; une réponse de la Cour à cet égard ne peut donc contribuer à la résolution de ce litige.
B.12. Compte tenu de l'exigence d'égalité que fonde l'article 24, § 4, de la Constitution, la circonstance que l'enseignant relèverait tantôt de la Communauté, tantôt d'un pouvoir organisateur (libre ou officiel) subventionné ne suffit pas, en l'absence d'autre justification, à rendre admissible la différence de traitement en cause.
B.13. La Cour constate cependant que les articles 92 et suivants de l'arrêté royal du 22 mars 1969 peuvent faire l'objet d'une autre interprétation que celle retenue par le juge a quo dès lors que ces dispositions n'indiquent pas que l'autorité serait tenue de procéder à une nomination à titre définitif. Il est certes exact que cet arrêté ne contient pas de disposition analogue à l'article 60 du décret du 1er février 1993 et à l'article 50 du décret du 6 juin 1994. L'article 92, alinéa 3, de l'arrêté royal du 22 mars 1969 vise cependant l'hypothèse d'une désignation à titre temporaire. De plus, le tableau dressé à la suite du rapport précédant le décret du 6 juin 1994 (Doc. parl., Conseil de la Communauté française, 1993-1994, n° 156/2, p. 76) montre que le ministre compétent attribue des fonctions de promotion à titre temporaire.
Dans cette interprétation, la différence de traitement évoquée dans la deuxième partie de la question préjudicielle est inexistante.
B.14. Dans cette interprétation, la question préjudicielle appelle, dans sa deuxième partie, une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : 1. - Dans l'interprétation selon laquelle l'article 55 du décret de la Communauté française du 1er février 1993 « fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subventionné » permet au pouvoir organisateur de choisir de pourvoir par un engagement à titre définitif ou par un engagement à titre temporaire à un emploi vacant dans une fonction de promotion, alors que l'article 45 du décret de la Communauté française du 6 juin 1994 « fixant le statut des membres du personnel subsidié de l'enseignement officiel subventionné » et les articles 92 et suivants de l'arrêté royal du 22 mars 1969 « fixant le statut des membres du personnel directeur et enseignant, du personnel auxiliaire d'éducation, du personnel paramédical, des établissements d'enseignement gardien, primaire, spécial, moyen, technique, artistique et normal de l'Etat, des internats dépendant de ces établissements et des membres du personnel du service d'inspection chargé de la surveillance de ces établissements » prévoient des nominations à titre définitif, l'article 55 précité viole l'article 24, § 4, de la Constitution. - Dans l'interprétation selon laquelle les engagements et nominations prévus par l'article 55 du décret précité du 1er février 1993, par l'article 45 du décret précité du 6 juin 1994 et par les articles 92 et suivants de l'arrêté royal précité du 22 mars 1969 peuvent être faits à titre temporaire, l'article 55 précité ne viole pas l'article 24, § 4, de la Constitution. 2. - Dans l'interprétation selon laquelle l'article 60, § 1er, du décret précité du 1er février 1993 permet au pouvoir organisateur de l'enseignement libre subventionné de pourvoir à un emploi vacant dans une fonction de promotion par un engagement à titre temporaire dans l'attente d'un engagement à titre définitif de la personne désignée ou d'un autre candidat, alors que l'article 92 de l'arrêté royal précité du 22 mars 1969 prévoit que la nomination est faite à titre définitif dans l'enseignement de la Communauté, l'article 60, § 1er, précité viole l'article 24, § 4, de la Constitution. - Dans l'interprétation selon laquelle l'engagement prévu par l'article 60, § 1er, du décret précité du 1er février 1993 et la nomination prévue par les articles 92 et suivants de l'arrêté royal précité du 22 mars 1969 peuvent être faits à titre temporaire, l'article 60, § 1er, précité ne viole pas l'article 24, § 4, de la Constitution.
Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 1er mars 2006.
Le greffier, L. Potoms.
Le président, M. Melchior.