publié le 12 octobre 2005
Extrait de l'arrêt n° 147/2005 du 28 septembre 2005 Numéro du rôle : 3107 En cause : le recours en annulation du décret de la Communauté flamande du 3 mars 2004 relatif aux soins de santé primaires et à la coopération entre les prestataires La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R.(...)
COUR D'ARBITRAGE
Extrait de l'arrêt n° 147/2005 du 28 septembre 2005 Numéro du rôle : 3107 En cause : le recours en annulation du décret de la Communauté flamande du 3 mars 2004 relatif aux soins de santé primaires et à la coopération entre les prestataires de soins, introduit par l'a.s.b.l.
Association belge des syndicats médicaux et le Groupement des unions professionnelles belges de médecins spécialistes.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 19 octobre 2004 et parvenue au greffe le 20 octobre 2004, un recours en annulation du décret de la Communauté flamande du 3 mars 2004 relatif aux soins de santé primaires et à la coopération entre les prestataires de soins (publié au Moniteur belge du 20 avril 2004, troisième édition) a été introduit par l'a.s.b.l. Association belge des syndicats médicaux, dont le siège social est établi à 1050 Bruxelles, chaussée de Boondael 6, et le Groupement des unions professionnelles belges de médecins spécialistes, dont le siège est établi à 1050 Bruxelles, avenue de la Couronne 20. (...) II. En droit (...) Quant au décret attaqué B.1.1. Le décret attaqué entend, d'une part, exécuter, par la création d'initiatives de coopération dans le domaine des soins de santé primaires, le Protocole relatif aux soins de santé de première ligne conclu le 25 juillet 2001 entre le Gouvernement fédéral et les Gouvernements communautaires et régionaux. Il vise, d'autre part, à optimaliser les procédés de soins de santé primaires par la définition des missions, des objectifs et des principes de fonctionnement applicables en la matière (Doc. parl., Parlement flamand, 2003-2004, n° 1882/1, p.4).
Selon les travaux préparatoires, les soins de santé primaires constituent un pan essentiel du système des soins de santé, au sein duquel des méthodes fondées scientifiquement, acceptées socialement et orientées vers la pratique devraient être mises en oeuvre. Une offre uni-disciplinaire ne permet toutefois pas de rencontrer adéquatement cet objectif. La complémentarité des différents acteurs doit dès lors être mise à profit par la stimulation de la concertation et des échanges de données (ibid., p. 3).
B.1.2. Les dispensateurs de soins de santé primaires sont appelés à exercer tant des activités centrées sur l'usager, qui impliquent un contact individuel, que des activités, visant à la bonne organisation des soins de santé primaires, par lesquelles les prestataires de soins coordonnent leurs activités au sein d'un ressort déterminé (article 6).
B.1.3. Le Gouvernement flamand est habilité à agréer des formes de partenariats au niveau de la pratique et des initiatives de coopération dans le domaine des soins de santé primaires ainsi qu'à en subventionner les activités (articles 7 et 8).
Les initiatives de coopération tendent à fournir à l'usager des soins optimaux en favorisant tant l'adéquation entre l'offre et la demande de soins que la coopération entre les prestataires de soins. Elles informent la population sur l'offre de soins et s'efforcent d'optimiser l'accessibilité des soins de santé primaires (article 9).
Le Gouvernement flamand peut déterminer les tâches dévolues en principe aux initiatives de coopération qui sont susceptibles d'être accomplies par une autre personne morale (article 11).
Quant à la recevabilité B.2.1. La partie requérante qui fait valoir dans sa requête que la norme législative attaquée concerne les intérêts professionnels de ses membres et qui précise dans l'exposé des moyens en quoi cette norme affecterait défavorablement leurs intérêts, justifie à suffisance de l'intérêt requis pour l'introduction de son recours.
En l'espèce, les parties requérantes regroupent des médecins praticiens et ont pour but d'assurer la défense professionnelle de leurs membres, en ce compris sur le plan juridique. Elles ont dès lors intérêt à poursuivre l'annulation d'un décret qui règle les soins de santé primaires et la coopération entre prestataires de soins.
B.2.2. Selon le Gouvernement flamand, la requête serait toutefois irrecevable en ce que les moyens qui y sont pris ne détermineraient ni les dispositions décrétales attaquées, ni en quoi celles-ci violeraient les normes de référence invoquées.
B.2.3. Les parties requérantes précisent, dans le développement de la plupart de leurs moyens, tant les articles du décret qu'elles contestent que les dispositions qui seraient violées par ceux-ci.
Dans le cadre de son examen, la Cour se limitera cependant aux normes de référence pour lesquelles la requête expose explicitement en quoi elles seraient violées par les dispositions entreprises. Sous cette réserve, l'exception est rejetée.
B.2.4. Le Gouvernement flamand conteste encore la recevabilité de la requête en ce qu'elle invoque diverses dispositions de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 « relatif à l'exercice de l'art de guérir, de l'art infirmier, des professions paramédicales et aux commissions médicales », alors que l'intitulé de cet arrêté a été modifié, par la loi du 10 août 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/08/2001 pub. 01/09/2001 numac 2001022579 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi portant des mesures en matière de soins de santé fermer portant des mesures en matière de soins de santé, comme suit : « Arrêté royal n° 78 relatif à l'exercice des professions des soins de santé ».La requête ne satisferait dès lors pas aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
B.2.5. L'exposé des faits et des moyens contenu dans la requête fait apparaître de façon incontestable que les parties requérantes visent l'arrêté royal n° 78, tel qu'il s'applique actuellement. L'erreur matérielle portant sur son intitulé n'a du reste pas empêché le Gouvernement flamand de formuler adéquatement sa défense, de sorte qu'il est satisfait aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989.
B.2.6. L'exception est rejetée.
Quant au fond En ce qui concerne la recevabilité des moyens B.3.1. Les parties requérantes prennent un septième moyen dirigé contre l'article 10, § 1er, du décret en ce qu'il énumère une liste de tâches assumées par les initiatives de coopération alors que cette compétence appartiendrait au législateur fédéral.
B.3.2. Pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.
Abstraction faite du grief dirigé contre l'article 10, § 1er, 10°, du décret attaqué, le septième moyen, à défaut de préciser quelles dispositions il attaque et en quoi celles-ci violeraient les règles répartitrices de compétences, est trop imprécis pour être pris en considération.
B.3.3. Les parties requérantes prennent encore à l'appui de leur recours un huitième moyen. Celui-ci ne précise cependant d'aucune manière en quoi consisterait la violation alléguée des règles répartitrices de compétences.
En tant qu'il concerne les règles répartitrices de compétences, le huitième moyen est irrecevable.
B.3.4. Dans son mémoire en intervention, le Conseil des ministres conteste la validité de l'article 3 du décret attaqué.
B.3.5. L'article 85, alinéa 2, de la loi spéciale permet notamment au Conseil des ministres d'introduire un mémoire dans une affaire concernant un recours en annulation et d'y formuler des moyens nouveaux. Une telle intervention ne peut cependant ni modifier ni étendre le recours. Ce serait le cas lorsqu'un moyen nouveau est articulé contre une disposition qui n'est pas attaquée de manière recevable devant la Cour par les parties requérantes.
Bien que le recours soit dirigé contre l'ensemble du décret attaqué, aucun moyen n'y est pris contre son article 3, de sorte que le recours n'est pas recevable à son égard. En tant qu'il porte sur cette disposition, le nouveau moyen invoqué par le Conseil des ministres n'est pas recevable.
B.3.6. Le Conseil des ministres allègue également la violation des articles 10, 11 et 23, lus en combinaison avec les articles 33, 105 et 108, de la Constitution, et de l'article 78 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles en ce que les articles 5, 7, 8, 11 et 14 du décret attaqué accordent des compétences trop importantes au Gouvernement flamand.
B.3.7. Aucun moyen de la requête n'est dirigé contre les articles 5 et 14 du décret attaqué alors que ces dispositions sont visées par le nouveau moyen du Conseil des ministres. En tant qu'il porte sur ces dispositions, le nouveau moyen invoqué par le Conseil des ministres n'est pas recevable.
En ce qui concerne la violation des règles répartitrices de compétences B.4.1. Un premier, un quatrième et un cinquième moyens sont pris de la violation des règles répartitrices de compétences par les articles 2, 2° et 18°, et 4 du décret attaqué en ce qu'ils énoncent les tâches qui reviennent aux dispensateurs de soins de santé primaires et leur font obligation d'établir, si l'intérêt de l'usager le nécessite, un dossier d'accompagnement, voire un plan de soins. L'article 4 du décret attaqué énonce : « § 1er. Pour l'accomplissement des missions, définies à l'article 3, les dispensateurs de soins remplissent les tâches suivantes : 1° offrir un premier accueil qualifié en cas de problèmes de santé;2° soigner, accompagner et suivre les usagers souffrant de problèmes de santé aigus ou chroniques;3° contribuer à la prévention de l'apparition ou de l'aggravation des problèmes de santé;4° assister les usagers dans leur autonomie, les intervenants de proximité, les volontaires et les autres prestataires de soins;5° assurer sa part de responsabilité de la continuité des soins. § 2. Les dispensateurs de soins accomplissent ces tâches dans le cadre de leur expertise professionnelle. Si l'intérêt de l'usager le nécessite, ils établissent, sur demande ou non de l'usager ou de son représentant, un dossier d'accompagnement et s'arrangent entre eux, ainsi qu'avec d'autres prestataires de soins et des organisations, services et personnes offrant des soins plus spécialisés. Ces tâches peuvent être précisées dans un plan des soins. Le plan des soins peut être mis en oeuvre et/ou suivi par le dispensateur de soins, d'initiative ou sur la demande de l'usager ou son représentant. Au besoin, les usagers sont renvoyés de manière ciblée. Après renvoi par un autre prestataire de soins ou par une organisation, service ou personne offrant des soins plus spécialisés, les dispensateurs de soins délivrent les soins adéquats. » Selon l'article 2, 2°, du décret attaqué, le dossier d'accompagnement s'entend du « document qui reprend par usager, sur la base d'une évaluation de l'autonomie et d'une définition de la demande de soins, les soins appropriés que le prestataire de soins envisage de dispenser ou estime nécessaire[s] et qui peut être rectifié en fonction de l'évolution des nécessités de soins ».
En vertu de l'article 2, 18°, du même décret, le plan de soins consiste dans « un arrangement écrit concernant les soins destinés à un usager qui est basé sur un ou plusieurs dossiers d'accompagnement et qui peut être rectifié en fonction de l'évolution des nécessités de soins ».
B.4.2. L'article 5, § 1er, I, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles attribue aux communautés la compétence en matière de politique de santé, sous réserve des exceptions qu'il détermine.
Il ressort clairement des travaux préparatoires de l'article précité que la réglementation de l'exercice de l'art de guérir et des professions paramédicales ne relève pas des matières concernant la politique de santé qui ont été transférées aux communautés en tant que matières personnalisables (Doc. parl., Sénat, 1979-1980, n° 434/1, p. 7).
La compétence de principe des communautés en matière de politique de santé resterait sans objet si la réserve en ce qui concerne l'exercice de l'art de guérir était interprétée de façon extensive et visait tous les aspects de la relation entre les patients et les médecins. Un exercice efficace de la compétence qui lui a été attribuée suppose nécessairement que le législateur décrétal puisse, dans sa réglementation, prendre en compte certains aspects de cette relation.
Bien que l'arrêté royal n° 78 précité ne donne pas de définition de ce qu'il y a lieu d'entendre par « exercice de l'art médical », il peut être déduit de l'article 2, § 1er, alinéa 2, et § 2, alinéa 3, de cet arrêté - qui détermine quels actes doivent être considérés comme exercice illégal de l'art médical - qu'un acte relève de l'exercice de l'art médical lorsqu'il a notamment pour objet ou lorsqu'il est présenté comme ayant pour objet, à l'égard d'un être humain, entre autres, l'examen de l'état de santé, le dépistage de maladies et de déficiences, l'établissement du diagnostic ou l'instauration ou l'exécution du traitement d'un état pathologique, physique ou psychique, réel ou supposé.
B.4.3. Les dispositions mentionnées au B.4.1 ne sauraient être interprétées de manière telle qu'elles porteraient atteinte à la liberté thérapeutique et de diagnostic du médecin, garantie notamment par les articles 11 et 12 de l'arrêté royal n° 78, par l'article 130, § 1er, alinéa 2, de la loi sur les hôpitaux coordonnée par l'arrêté royal du 7 août 1987 et par l'article 73 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994. Ces dispositions attaquées ne peuvent non plus être interprétées comme portant atteinte à l'article 35duodecies de l'arrêté royal n° 78 ou à l'arrêté royal du 3 mai 1999 relatif au dossier médical général.
En tant que le décret vise un ensemble de mesures destinées à améliorer la dispensation des soins dans l'intérêt du patient sans toutefois intervenir dans la manière dont sont exercés l'art médical et l'art paramédical, en particulier en ce qui concerne la liberté thérapeutique et de diagnostic, les dispositions attaquées s'inscrivent dans la sphère de compétence du législateur décrétal.
Il appartiendra au juge compétent d'examiner si la façon dont le Gouvernement flamand donne exécution au décret attaqué respecte les règles répartitrices de compétences.
B.4.4. Les premier, quatrième et cinquième moyens ne peuvent être accueillis.
B.5.1. Un deuxième et un troisième moyens sont pris de la violation des règles répartitrices de compétences par l'article 2, 19°, ainsi que par les articles 8 à 13 du décret attaqué en ce qu'ils excluent le médecin-spécialiste des dispensateurs de soins de santé primaires ainsi que des initiatives de coopération qui peuvent voir le jour entre ceux-ci.
B.5.2. S'il est vrai que le législateur décrétal, incompétent pour régler l'exercice de l'art de guérir, ne peut empêcher les médecins spécialistes d'accomplir les actes médicaux auxquels a trait le décret attaqué, il peut toutefois s'opposer à ce que ces actes aient les effets juridiques ou administratifs visés par ledit décret.
Comme il est mentionné au B.4.3, le décret attaqué ne peut avoir pour effet ni de limiter, ni d'habiliter le Gouvernement à limiter, la liberté thérapeutique des médecins spécialistes, le libre choix du médecin par son patient ou la communication d'informations entre praticiens prévue par les articles 13 et 14 de l'arrêté royal n° 78.
Le législateur décrétal n'empiète dès lors pas sur les compétences de l'autorité fédérale en la matière.
B.5.3. Les deuxième et troisième moyens ne peuvent être accueillis.
B.6.1. Un sixième moyen tend à l'annulation de l'article 7 du décret attaqué en ce qu'il habilite le Gouvernement flamand à agréer des formes de partenariat au niveau de la pratique alors que l'article 35duodecies de l'arrêté royal n° 78 confie au Roi le soin de réglementer l'organisation et l'agrément de la pratique de groupe et de divers partenariats.
B.6.2. Le législateur décrétal est compétent pour améliorer la qualité de la dispensation des soins pour autant qu'il n'interfère pas dans l'activité médicale ou paramédicale en tant que telle.
En ce que les règles concernant la structure et l'organisation de la pratique sont étrangères à une telle activité, ces règles ne gouvernent pas l'exercice de l'art de guérir et des professions paramédicales et peuvent donc être adoptées par le législateur décrétal.
B.6.3. Le sixième moyen ne peut être accueilli.
B.7.1. Par un septième moyen, les parties requérantes poursuivent l'annulation de l'article 10, § 1er, 10°, du décret attaqué en vertu duquel les initiatives de coopération surveillent le régime de permanence des prestataires de soins.
L'article 9, § 2, de l'arrêté royal n° 78 prévoit, quant à lui, que la commission médicale définit les besoins en matière de service de garde et qu'elle surveille le fonctionnement de ceux-ci.
B.7.2. Il ressort des travaux préparatoires que le législateur décrétal n'a pas entendu confier aux initiatives de coopération la tâche d'organiser le régime des permanences en lieu et place des prestataires de soins. Celles-ci ne sont appelées à assumer qu'un rôle de stimulation et de soutien en la matière (Doc. parl., Parlement flamand, 2003-2004, n° 1882/1, p. 20).
La Cour constate encore que la surveillance assumée par l'initiative de coopération n'affecte pas, fût-ce indirectement, la dimension médicale ou paramédicale de la relation existant entre le patient et le prestataire de soins.
Cette surveillance ne relève donc pas de l'exercice de l'art de guérir et des professions paramédicales.
B.7.3. Le septième moyen ne peut être accueilli.
B.8.1. Le Conseil des ministres prend un neuvième moyen de la violation du principe de proportionnalité dans l'exercice des compétences attribuées au législateur décrétal en ce que celui-ci aurait dû conclure un accord de coopération en la matière avec l'Etat fédéral.
B.8.2. Il appartient aux autorités exerçant des compétences complémentaires d'apprécier l'opportunité de faire application de l'article 92bis de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.
B.8.3. L'absence de coopération n'est pas constitutive en l'espèce d'une violation des règles répartitrices de compétences.
En effet, le Conseil des ministres ne démontre pas en quoi l'élaboration d'un accord de coopération serait indispensable à la mise en oeuvre d'une politique de dispensation des soins cohérente.
B.8.4. Le neuvième moyen ne peut être accueilli.
En ce qui concerne la violation du principe d'égalité et de non-discrimination B.9.1. Dans leur deuxième moyen, les parties requérantes allèguent une violation des articles 10 et 11 de la Constitution en ce que le médecin spécialiste est exclu de la liste des dispensateurs de soins de santé primaires.
B.9.2. Selon l'article 2, 19°, du décret attaqué, il y a lieu d'entendre par « dispensateur de soins » de santé primaires : « un pharmacien, médecin, diététicien, kinésithérapeute, logopédiste, dentiste, infirmier, sage-femme ou praticien d'une autre discipline fixée par le Gouvernement flamand, hormis le médecin-spécialiste, y compris les entités juridiques ou de fait qui les regroupent dans une structure mono- ou multidisciplinaire ».
L'article 2, 9°, du décret attaqué définit l'« offre de soins plus spécialisés » comme : « les soins habituellement dispensés par ou sous l'autorité d'un médecin-spécialiste, d'un hôpital ou d'une autre organisation, service ou personne qui, par la réglementation ou par la nature et les conditions des soins, n'appartiennent pas aux soins de santé primaires ».
B.9.3. L'article 2, 4°, du décret entrepris définit ainsi les « soins de santé primaires » : « les soins offerts par des dispensateurs dans ce segment des soins de santé auquel les usagers ont recours pour un premier accueil qualifié, traitement ou accompagnement plus continu de problèmes de santé, sur renvoi ou non par un autre prestataire de soins ou une organisation, service ou personne offrant des soins plus spécialisés ».
B.9.4. En excluant les médecins spécialistes de la définition des dispensateurs de soins de santé primaires, le législateur décrétal a pris une mesure en rapport avec l'objectif qu'il poursuit, qui consiste à favoriser l'organisation et le bon fonctionnement d'un réseau constitué par des praticiens qui assurent habituellement et effectivement des soins de santé de proximité (Doc. parl., Parlement flamand, 2003-2004, n° 1882/1, pp. 4, 9 et 11).
B.9.5. La Cour doit encore examiner si la mesure en cause n'emporte pas des effets disproportionnés à l'égard des médecins spécialistes.
Certains soins de santé primaires se rapprochent, tant par leur nature que par les circonstances dans lesquelles ils sont prodigués, d'actes que des médecins spécialistes sont d'ordinaire appelés à poser.
A cet égard, la Cour constate toutefois que l'article 5, § 2, du décret attaqué habilite le Gouvernement flamand à déterminer dans quelles conditions particulières des médecins spécialistes peuvent concourir aux soins de santé primaires, dans le cadre de la continuité des soins.
L'habilitation donnée au Gouvernement par cette disposition ne lui permet en aucune façon de déroger au principe selon lequel, lorsqu'une norme établit une différence de traitement entre certaines catégories de personnes, celle-ci doit se fonder sur une justification objective et raisonnable qui s'apprécie par rapport au but et aux effets de la norme considérée. Il reviendra au juge compétent de sanctionner les normes d'exécution de ce décret qui ne seraient pas compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
Pour le surplus, et comme il a été constaté en B.5.2, le décret attaqué ne saurait être interprété comme limitant la liberté thérapeutique des médecins spécialistes ou comme restreignant le libre choix de son médecin par le patient.
B.9.6. Le deuxième moyen ne peut être accueilli.
En ce qui concerne la violation de la liberté d'association B.10.1. Les parties requérantes allèguent, dans un huitième moyen, la violation des articles 27 de la Constitution, 11 de la Convention européenne des droits de l'homme et 8 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels en ce que l'article 12 du décret attaqué imposerait, d'une part, des conditions d'agrément drastiques aux initiatives de coopération tout en en excluant le médecin spécialiste et conférerait, d'autre part, au Gouvernement une habilitation extrêmement large en la matière.
B.10.2. L'article 12 du décret attaqué dispose : « § 1er. Les représentants locaux suivants peuvent adhérer à une initiative de coopération dans le domaine des soins de santé primaires et sont invités à cet effet : a) les représentants locaux des prestataires de soins actifs dans le ressort de l'initiative de coopération dans le domaine des soins de santé primaires;b) les représentants locaux des intervenants de proximité et des usagers;c) les représentants locaux des volontaires. L'initiative de coopération dans le domaine des soins de santé primaires admet comme membre toute organisation, tout service ou tout groupement, visés à l'alinéa premier, qui le souhaite ou s'engage à respecter les dispositions du présent décret, à moins qu'il n'existe des motifs fondés pour leur refus. Une décision de refus est communiquée de manière motivée à l'organisation, au service ou au groupement en question et à l'administration. § 2. L'agrément d'une initiative de coopération dans le domaine des soins de santé primaires n'intervient que si les services d'aide familiale, les médecins de famille, les centres de services locaux, les centres publics d'aide sociale, les maisons de repos proposant ou non des lits [MRS], les infirmiers, les sages-femmes et les services d'aide sociale et de soutien à domicile des mutualités sont représentés par des délégués locaux.
Si une ou plusieurs des catégories de prestataires de soins, visées à l'alinéa premier, font défaut dans le ressort d'une initiative de coopération dans le domaine des soins de santé primaires, cette condition d'agrément devient nulle vis-à -vis de cette catégorie de prestataires de soins.
Si une ou plusieurs des catégories de prestataires de soins, visées à l'alinéa premier, ne sont pas disposées à se faire représenter dans le ressort d'une initiative de coopération dans le domaine des soins de santé primaires, cette condition d'agrément devient nulle vis-à -vis de cette catégorie de prestataires de soins, à la condition qu'outre les médecins de famille, les infirmiers et les sages-femmes, au moins trois des catégories restantes, visées à l'alinéa premier, soient représentées. § 3. L'agrément d'une initiative de coopération dans le domaine des soins de santé primaires n'intervient que si, pour le ressort de l'initiative en question, au moins la moitié des soins organisés est représentée par catégorie de prestataires de soins qui font partie de l'initiative de coopération dans le domaine des soins de santé primaires.
Le Gouvernement flamand arrête les modalités à cet effet et peut assortir d'exceptions l'obligation prévue à l'alinéa premier ».
B.10.3. L'article 27 de la Constitution dispose : « Les Belges ont le droit de s'associer; ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive ».
B.10.4. En vertu de l'article 1er, 2°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, modifiée par la loi spéciale du 9 mars 2003, la Cour est compétente pour contrôler des normes législatives dans le cadre d'un recours en annulation, au regard des articles du titre II « Des Belges et de leurs droits » et des articles 170, 172 et 191 de la Constitution.
Toutefois, lorsqu'une disposition conventionnelle liant la Belgique a une portée analogue à une ou plusieurs des dispositions constitutionnelles précitées, les garanties consacrées par cette disposition conventionnelle constituent un ensemble indissociable avec les garanties inscrites dans les dispositions constitutionnelles en cause.
Il s'ensuit que, lorsqu'est alléguée la violation d'une disposition du titre II ou des articles 170, 172 ou 191 de la Constitution, la Cour tient compte, dans son examen, des dispositions de droit international qui garantissent des droits et libertés analogues.
B.10.5. L'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme énonce : « 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts. 2. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.Le présent article n'interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l'exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l'administration de l'Etat ».
L'article 8 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui concerne la liberté syndicale, est étranger à l'objet du décret attaqué.
B.10.6. L'article 27 de la Constitution reconnaît le droit de s'associer, comme celui de ne pas s'associer, et interdit de soumettre ce droit à des mesures préventives. Il n'empêche toutefois pas le législateur de prévoir des modalités de fonctionnement et de contrôle lorsque l'association est subventionnée par les pouvoirs publics.
B.10.7. L'article 12 du décret attaqué ne comporte pas de mesure préventive interdite par l'article 27 de la Constitution.
B.10.8. Comme il a été exposé en B.9, l'exclusion des médecins spécialistes des initiatives de coopération poursuit un objectif légitime et constitue une mesure pertinente par rapport à cet objectif.
La mesure ne concerne de surcroît que les associations de praticiens qui entendent être reconnues et subventionnées par la Communauté flamande ou qui demandent de telles subventions. Elle n'interdit, ni n'impose, à quiconque de créer ou d'intégrer une association déterminée.
B.10.9. Le Gouvernement flamand est appelé à préciser les modalités afférentes à cet agrément et peut assortir celles-ci de certaines exceptions. Il n'agit toutefois que dans le respect des principes établis par le décret et explicités par les travaux préparatoires de celui-ci (Doc. parl., Parlement flamand, 2003-2004, n° 1882/1, pp. 21 et 22).
B.10.10. Compte tenu de ce qui précède, l'article 12 du décret attaqué ne viole pas l'article 27 de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme.
B.10.11. Le huitième moyen ne peut être accueilli.
En ce qui concerne la violation du principe de légalité B.11.1. Le Conseil des ministres prend un dixième moyen de la violation des articles 10, 11 et 23, lus en combinaison avec les articles 33, 105 et 108, de la Constitution, et de l'article 78 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles en ce que le décret comporterait une série de délégations trop importantes au profit du Gouvernement flamand.
B.11.2. L'article 23, alinéa 3, 2°, de la Constitution fait obligation au législateur de garantir le droit à la protection de la santé. Cet article ne prohibe pas que des délégations soient données à un gouvernement. Toutefois, à travers elles, un gouvernement ne saurait combler l'imprécision des principes arrêtés par le législateur compétent lui-même ou affiner des options insuffisamment détaillées.
B.11.3. Selon l'article 7, §§ 2 et 4, du décret attaqué, le Gouvernement flamand arrête, le cas échéant, les conditions d'agrément et de subventionnement des formes de partenariat au niveau de la pratique.
Toutefois, le législateur décrétal précise, au paragraphe 3 du même article, que les conditions d'agrément portent, entre autres, sur la forme juridique, la permanence, l'uni- ou la multidisciplinarité, l'accès au dossier, le groupe cible et le lieu d'établissement.
En outre, le Gouvernement doit se référer à l'article 6, § 2, du décret attaqué, selon lequel le niveau de la pratique s'entend du niveau où le contact individuel entre le dispensateur de soins et l'usager a lieu et où, au besoin, une concertation multidisciplinaire concernant l'usager est mise en place (Doc. parl., Parlement flamand, 2003-2004, n° 1882/1, p. 14).
B.11.4. L'article 8 du décret attaqué dispose que le Gouvernement flamand agrée et subventionne les initiatives de coopération dans le domaine des soins de santé primaires et fixe leur ressort. Celles-ci doivent toutefois avoir la forme d'une association sans but lucratif.
Par ailleurs, il ressort des travaux préparatoires que les activités visées doivent dépasser la seule pratique et se situer à un niveau où les prestataires de soins coordonnent leurs activités au sein d'un ressort déterminé, comme le prévoit l'article 6, § 2, alinéa 2, du décret attaqué (Doc. parl., Parlement flamand, 2003-2004, n° 1882/1, p. 15). Ces initiatives doivent répondre aux objectifs du décret et comporter les mesures qui sont mentionnées à son article 9.
B.11.5. Le Gouvernement flamand est également habilité par l'article 11 du décret attaqué à déterminer les tâches dévolues, en principe, à l'initiative de coopération, mais qui peuvent être accomplies par une autre personne morale.
Ces délégations doivent toutefois être interprétées, conformément aux travaux préparatoires et à la lumière de l'économie générale du décret attaqué, en tenant compte notamment du gain en efficacité escompté ainsi que de la complexité de certaines questions de santé (Doc. parl., Parlement flamand, 2003-2004, n° 1882/1, pp. 20 et 21).
B.11.6. Il découle de ce qui précède que les compétences qui ont été déléguées au Gouvernement flamand sont limitées par des choix opérés par le législateur décrétal lui-même. Pour le surplus, c'est aux juridictions compétentes qu'il appartient de contrôler l'usage que fera le Gouvernement de ces délégations.
B.11.7. Le dixième moyen ne peut être accueilli.
Par ces motifs, la Cour rejette le recours.
Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 28 septembre 2005.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président, M. Melchior.