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Arrêt
publié le 30 août 2004

Extrait de l'arrêt n° 72/2004 du 5 mai 2004 Numéro du rôle : 2718 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 219 du Code des impôts sur les revenus 1992, posée par la Cour d'appel de Bruxelles. La Cour d'arbitrage, comp après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédu(...)

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30/08/2004
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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 72/2004 du 5 mai 2004 Numéro du rôle : 2718 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 219 du Code des impôts sur les revenus 1992, posée par la Cour d'appel de Bruxelles.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot et L. Lavrysen, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 4 juin 2003 en cause de la s.a. Gogimmo contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 16 juin 2003, la Cour d'appel de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 219 du Code des impôts sur les revenus 1992, dans la version qui était applicable pour l'exercice d'imposition 1995, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, interprété en ce sens qu'une cotisation distincte spéciale de 300 % à raison des dépenses visées à l'article 57 qui ne sont pas justifiées par la production de fiches individuelles et d'un relevé récapitulatif doit en tout état de cause être établie sans modération, sans que le juge puisse vérifier si le contribuable démontre irréfragablement que tant lui-même que le bénéficiaire des revenus ont régulièrement inscrit ces honoraires dans leur comptabilité respective, alors qu'il n'est pas contesté que l'impôt a été payé par le bénéficiaire des revenus, de sorte qu'il est établi que le Trésor n'a subi aucun préjudice du fait de cette négligence ? » Le 1er juillet 2003, en application de l'article 72, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, les juges-rapporteurs L. Lavrysen et P. Martens ont informé la Cour qu'ils pourraient être amenés à proposer de rendre un arrêt de réponse immédiate.

La s.a. Gogimmo, ayant son siège social à 1030 Bruxelles, boulevard Lambertmont 113, a introduit un mémoire justificatif.

Par ordonnance du 8 octobre 2003, la Cour a décidé de poursuivre l'examen de l'affaire suivant la procédure ordinaire. (...) III. En droit (...) B.1. La Cour est interrogée au sujet de la cotisation spéciale à l'impôt des sociétés frappant les « commissions secrètes ». La disposition en cause est l'article 219 du Code des impôts sur les revenus 1992 (C.I.R. 1992), tel qu'il était applicable pour l'exercice d'imposition 1995.

La disposition précitée renvoie, en ce qui concerne son champ d'application matériel, à l'article 57 du C.I.R. 1992. Lorsqu'une société ne justifie pas, dans le délai fixé, les sommes visées dans cet article (c'est-à-dire les commissions, courtages, honoraires et avantages de toute nature qu'elle paie à des bénéficiaires, pour lesquels ces sommes constituent des revenus professionnels, ou encore les rémunérations et pensions versées aux membres ou anciens membres du personnel ainsi qu'aux administrateurs et gérants) par la production des fiches individuelles et des relevés récapitulatifs qui sont prescrits par la loi, mentionnant intégralement l'identité du bénéficiaire, elle est redevable d'une cotisation spéciale à l'impôt des sociétés.

B.2.1. Il peut se déduire de la question préjudicielle que le juge a quo demande à la Cour si la disposition litigieuse établit une discrimination en ce qu'elle n'opère aucune distinction entre, d'une part, les sociétés qui n'ont pas justifié les dépenses en question de la manière prescrite, alors que toutes les données ont néanmoins été entièrement reprises dans la comptabilité, de sorte que les montants du bénéficiaire ont été ou ont pu être taxés et, d'autre part, les sociétés qui n'ont pas justifié ces dépenses de la manière prescrite et ne les ont pas davantage reprises dans leur comptabilité.

B.2.2. En imposant une obligation stricte de justification, le législateur a voulu s'assurer de la collaboration effective des contribuables. Une société est sanctionnée si elle ne respecte pas cette obligation spéciale d'identification et si elle empêche ainsi le fisc de vérifier que lesdits paiements ont bien subi, dans le chef du bénéficiaire, le régime fiscal qui leur est applicable.

Lors de l'introduction de la cotisation spéciale, initialement dans l'article 132 du Code des impôts sur les revenus 1964, il a été déclaré que le but était de porter la cotisation à un niveau tel qu'aucune société n'ait encore intérêt à ne plus justifier de tels montants selon les formalités légales (Doc. parl., Chambre, 1979-1980, n° 323/1).La cotisation spéciale a donc un caractère dissuasif.

B.2.3. Le fait de ne pas produire de fiches individuelles ni de relevé récapitulatif constitue, selon la loi, une indication suffisante pour que la cotisation spéciale soit établie. La loi ne fait aucun lien entre la déduction des frais professionnels et leur imposition ou non dans le chef des bénéficiaires. De plus, il n'est pas nécessaire qu'il y ait intention frauduleuse.

La Cour doit vérifier si la mesure est raisonnablement justifiée en tant qu'elle s'applique d'une manière aussi générale et absolue. La requérante devant le juge a quo, à la demande de laquelle la question préjudicielle a été posée, soutient à ce propos que la cotisation spéciale ne pourrait pas être établie lorsque l'administration de la preuve dans les formes exigées par la loi n'a pas été respectée mais que toutes les données ont été reprises intégralement dans la comptabilité, de sorte que le bénéficiaire a été ou a pu être taxé sur ces montants.

B.3.1. Il est légitime que le législateur veille à prévenir la fraude fiscale et à préserver les intérêts du Trésor, par souci de justice et pour remplir au mieux les tâches d'intérêt général dont il a la charge.

La cotisation spéciale à l'impôt des sociétés a pour objet de contraindre les contribuables à remplir leur obligation de fournir à l'administration fiscale, dans les formes et les délais légaux, les renseignements qui lui permettront de procéder à la taxation des bénéficiaires des revenus. La mesure est pertinente par rapport aux objectifs du législateur puisqu'elle permet de lutter contre la fraude fiscale en décourageant la pratique des commissions secrètes.

B.3.2. Admettre que la cotisation spéciale ne pourrait pas être établie lorsque le contribuable n'a pas respecté l'obligation spéciale de justification mais que toutes les données ont été reprises intégralement dans la comptabilité, de sorte que le bénéficiaire a été ou a pu être taxé sur ces montants, ferait perdre à la sanction une grande part de son efficacité et la priverait de l'effet dissuasif escompté par le législateur. En effet, le contribuable ne sera pas incité à collaborer avec le fisc si le fait de s'en abstenir aboutit seulement à ce qu'il puisse être procédé à des redressements, lors d'un contrôle fiscal, sans qu'une cotisation spéciale puisse être infligée. Il est en outre particulièrement difficile, sinon presque impossible, de vérifier si le contribuable négligent a agi de bonne foi.

B.3.3. La loi du 27 novembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/11/2002 pub. 10/12/2002 numac 2002003512 source ministere des finances Loi modifiant l'article 219 du Code des impôts sur les revenus 1992 fermer modifiant l'article 219 du Code des impôts sur les revenus 1992 a complété l'article 219 par un alinéa 4, libellé comme suit, qui est d'application à partir de l'exercice d'imposition 2003 : « Cette cotisation n'est pas applicable si le contribuable démontre que le montant des dépenses, visées à l'article 57, est compris dans une déclaration introduite par le bénéficiaire conformément à l'article 305. » Dès lors que la mesure en cause n'est pas sans pertinence par rapport à l'objectif poursuivi et qu'elle n'est pas manifestement disproportionnée à celui-ci, elle n'est pas discriminatoire pour le seul motif que le législateur a jugé une nouvelle règle préférable à l'ancienne.

B.4. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 219 du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il s'applique à l'exercice d'imposition 1995, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 5 mai 2004.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, A. Arts.

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