publié le 03 mai 2004
Extrait de l'arrêt n° 59/2004 du 31 mars 2004 Numéro du rôle : 2738 En cause : le recours en annulation de l'article 7 de la loi du 24 décembre 2002 « modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un sy La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R.(...)
COUR D'ARBITRAGE
Extrait de l'arrêt n° 59/2004 du 31 mars 2004 Numéro du rôle : 2738 En cause : le recours en annulation de l'article 7 de la
loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
24/12/2002
pub.
31/12/2002
numac
2002003520
source
ministere des finances
Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale
fermer « modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale », introduit par la s.p.r.l. « Raison Pierre - S.P.R.L. Fiduciaire » et autres.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, L. Lavrysen et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 25 juin 2003 et parvenue au greffe le 27 juin 2003, un recours en annulation de l'article 7 de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer « modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale » (publiée au Moniteur belge du 31 décembre 2002, deuxième édition) a été introduit par la s.p.r.l. « Raison Pierre - S.P.R.L. Fiduciaire », dont le siège est établi à 4101 Jemeppe-sur-Meuse, quai des Carmes 65, la s.c.r.i.s.
Lasco, dont le siège est établi à 1380 Lasne, route de l'Etat 5, la s.p.r.l. Expertell, dont le siège est établi à 1435 Hévillers, rue de Bayau 4, la s.p.r.l. Fiduciaire Fisconseils, dont le siège est établi à 6280 Gerpinnes, rue de Bertransart 61, la s.p.r.l. Bureau J.H., dont le siège est établi à 1460 Ittre, rue Paisible 6, la s.p.r.l.
Algrain-Lekeu Fiduciaire, dont le siège est établi à 7340 Colfontaine, rue du Pachy 52, la s.p.r.l. Fiduciaire Optimum, dont le siège est établi à 4480 Engis, rue de la Croix 7, la s.p.r.l. Fiduciaire Hugues Tenret, dont le siège est établi à 6010 Couillet, route de Philippeville 157, la s.p.r.l. Cabinet d'expertise comptable Silvio Petta & Cie, dont le siège est établi à 4650 Herve, rue des Martyrs 59, la s.p.r.l. Assistance Développement Industrie et Commerce, dont le siège est établi à 1400 Nivelles, faubourg de Bruxelles 71, la s.p.r.l. Fiduciaire Cuvelier, dont le siège est établi à 7350 Thulin, rue Jean Jaurès 10B, la s.p.r.l. Beurlet Bois, dont le siège est établi à 6900 Roy, rue de Grusone 20, la s.p.r.l. Williams, dont le siège est établi à 1180 Bruxelles, chaussée de Drogenbos 169, et la s.p.r.l. Fiduciaire 2001, dont le siège est établi à 4950 Waimes, rue Géréon 1. (...) II. En droit (...) Quant à l'objet du recours B.1.1. Les sociétés requérantes poursuivent l'annulation de l'article 7 de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale, qui complète l'article 196 du Code des impôts sur les revenus 1992 (C.I.R. 1992) par un paragraphe 2 ainsi rédigé : « Dans le chef des sociétés qui ne bénéficient pas du taux de l'impôt fixé conformément à l'article 215, alinéa 2, pour l'exercice d'imposition afférent à la période imposable au cours de laquelle l'immobilisation incorporelle ou corporelle a été acquise ou constituée : 1° la première annuité d'amortissement portant sur des immobilisations acquises ou constituées pendant l'exercice comptable n'est prise en considération à titre de frais professionnels qu'en proportion de la partie de l'exercice comptable au cours de laquelle les immobilisations sont acquises ou constituées;2° par dérogation à l'article 62, le montant global des frais accessoires au prix d'achat est amorti de la même manière que le montant en principal de la valeur d'investissement ou de revient des immobilisations concernées.» B.1.2. Cette disposition s'inscrit dans une réforme globale de l'impôt des sociétés par laquelle le législateur entend « réduire de façon substantielle le taux de cet impôt », et ceci, « dans un cadre budgétairement neutre, ce qui signifie que diverses dépenses fiscales devront être réduites et qu'il sera par ailleurs mis fin à certaines anomalies du régime fiscal actuel » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1918/001, p. 7).
Elle modifie le régime fiscal des amortissements, d'une part, en ne permettant plus la prise en compte de la première annuité, à titre de frais professionnels, que prorata temporis, alors qu'elle pouvait être déduite complètement jusqu'à l'entrée en vigueur de la disposition attaquée, et d'autre part, en prescrivant que les frais accessoires ne pourront dorénavant être amortis que de la même manière que la valeur d'investissement elle-même.
B.1.3. La disposition attaquée ne s'applique qu'aux sociétés qui ne peuvent pas bénéficier du taux réduit de l'impôt des sociétés fixé conformément à l'article 215, alinéa 2, du C.I.R. 1992 pour l'exercice concerné. L'article 215, alinéa 2, du C.I.R. 1992 dispose : « Lorsque le revenu imposable n'excède pas 322.500 EUR, l'impôt est toutefois fixé comme suit : 1° sur la tranche de 0 à 25.000 EUR : 24,25 p.c.; 2° sur la tranche de 25.000 EUR à 90.000 EUR : 31 p.c. 3° sur la tranche de 90.000 EUR à 322.500 EUR : 34,5 p.c. ».
B.1.4. Il ressort de l'examen de la requête que les griefs des requérantes portent uniquement sur le critère retenu pour distinguer les sociétés qui sont soumises au nouveau régime de celles qui bénéficient du régime ancien, qu'elles jugent plus favorable.
Quant à la recevabilité B.2.1. Le Conseil des Ministres conteste la recevabilité du recours.
B.2.2. Les parties requérantes se considèrent toutes comme des petites ou moyennes entreprises (ci-après : P.M.E.), et bénéficient ou non, selon les années, du taux réduit de l'impôt des sociétés. Elles sont dès lors directement et défavorablement atteintes par une disposition qui lie un avantage fiscal au fait de bénéficier du taux réduit, puisqu'elles ne profiteront pas de cet avantage chaque année, alors que tel aurait pu être le cas si un autre critère avait été retenu par le législateur.
B.2.3. Par ailleurs, s'il est vrai qu'une annulation du critère incriminé aurait pour effet que toutes les sociétés, sans distinction, seraient désormais soumises au nouveau régime de déductibilité des amortissements, ce qui aurait pour effet d'aggraver la situation des requérantes, il n'en résulte pas qu'elles seraient dépourvues d'intérêt à en demander l'annulation. En effet, par cette annulation, elles recouvreraient une chance de voir leur situation réglée plus favorablement par le législateur.
B.2.4. Le recours est recevable.
Quant au fond B.3.1. Parallèlement aux objectifs généraux de la réforme, tels qu'ils sont décrits en B.1.2, le législateur avait le souci, exprimé à plusieurs reprises au cours des travaux préparatoires de la loi, de « revaloriser » le statut fiscal des P.M.E « pour stimuler l'investissement sur fonds propres » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1918/001, p. 6), ce qui explique qu'il a adopté « un certain nombre de mesures spécifiques complémentaires visant, en premier lieu, à accroître les moyens propres de ces entreprises » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1918/006, p. 7).
B.3.2. L'exclusion des sociétés qui bénéficient du taux de l'impôt réduit conformément à l'article 215, alinéa 2, du C.I.R. 1992, du nouveau régime fiscal des amortissements est une mesure qui, d'après les travaux préparatoires, doit contribuer à atteindre cet objectif spécifique concernant les PME : le législateur, considérant qu'« une application univoque des nouvelles règles d'amortissement dans le chef de toutes les sociétés résidentes ne serait donc pas, sur ce plan, opportune et raisonnable au regard des objectifs globaux poursuivis par la réforme », a jugé qu'il convenait « d'établir une distinction entre les sociétés qui ont le caractère de PME et les autres, [...] [car] les possibilités d'autofinancement sont en général plus limitées dans le chef des premières, de sorte que l'application des nouvelles règles d'amortissement dans leur chef serait en contradiction avec d'autres dispositions proposées en vue de renforcer les moyens d'investissement des P.M.E. » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1918/001, p. 41).
B.4. S'il est justifié que le législateur prévoie un régime dérogatoire pour les P.M.E., en fonction des objectifs qu'il poursuit, la Cour doit néanmoins examiner si le critère qu'il a retenu à cette fin n'est pas discriminatoire. Pour être compatible avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, le critère sur lequel repose la différence de traitement en cause doit être objectif et pertinent par rapport à l'objet de la mesure considérée et au but qu'elle poursuit.
B.5. Comme l'a fait observer la section de législation du Conseil d'Etat dans l'avis qu'elle a rendu au sujet de la disposition en cause (ibid., p. 110), le montant absolu du bénéfice imposable au cours d'un exercice social déterminé n'est pas pertinent pour apprécier s'il s'agit d'une société ayant le caractère de P.M.E., puisqu'il y a d'importantes sociétés auxquelles il arrive de réaliser, au cours d'un exercice déterminé, un bénéfice imposable ne dépassant pas le seuil fixé par l'article 215 du C.I.R. 1992. Par ailleurs, il y a des P.M.E. à qui il arrive de réaliser un bénéfice imposable supérieur à ce seuil, sans qu'elles en perdent, pour autant, le caractère de P.M.E. Enfin, certaines P.M.E., bien qu'ayant réalisé un bénéfice imposable inférieur à ce seuil, ne peuvent bénéficier du taux réduit car elles ne remplissent pas les autres conditions de l'article 215 du C.I.R. 1992.
B.6. La mise en oeuvre du critère retenu par la disposition attaquée aura donc pour conséquence que certaines P.M.E. ne pourront pas bénéficier de l'exception prévue par celle-ci, alors qu'elles se trouvent, par rapport aux objectifs spécifiques poursuivis par le législateur à leur égard, dans une situation semblable à celle des P.M.E. qui en bénéficieront.
B.7. Il s'ensuit que le critère retenu n'est pas pertinent et que l'article 7 de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
B.8. Toutefois, afin d'éviter l'apparition, par l'annulation totale ou partielle de l'article 7 de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer, d'une insécurité juridique et fiscale plus grande encore que celle qui est créée par cette disposition elle-même, il convient d'en maintenir les effets, en application de l'article 8, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, pour l'exercice d'imposition en cours.
Par ces motifs, la Cour - annule, dans l'article 196, § 2, du Code des impôts sur les revenus 1992, inséré par l'article 7 de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer, les mots « dans le chef des sociétés qui ne bénéficient pas du taux de l'impôt fixé conformément à l'article 215, alinéa 2, pour l'exercice d'imposition afférent à la période imposable au cours de laquelle l'immobilisation incorporelle ou corporelle a été acquise ou constituée »; - maintient les effets de la disposition annulée pour l'exercice d'imposition 2004.
Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 31 mars 2004.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président, M. Melchior.