Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 14 juillet 2003

Extrait de l'arrêt n° 23/2003 du 12 février 2003 Numéros du rôle : 2365 et 2366 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 142, 157 et 174, 6 o , de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges L. François, (...)

source
cour d'arbitrage
numac
2003200689
pub.
14/07/2003
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 23/2003 du 12 février 2003 Numéros du rôle : 2365 et 2366 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 142, 157 et 174, 6o, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, posées par le Conseil d'Etat.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges L. François, P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles a. Par arrêt no 102.632 du 17 janvier 2002 en cause de J. De Jaeger contre l'Institut national d'assurance maladie-invalidité, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 7 février 2002, le Conseil d'Etat a posé les questions préjudicielles suivantes : 1. « L'article 174, 6o, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, interprété en ce sens que cette disposition n'est pas applicable aux récupérations visées à l'article 157, alinéa 1er, de la même loi coordonnée, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution coordonnée, combinés avec l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 14.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce que les actions en récupération des organismes assureurs à l'égard des assurés se prescrivent après deux ans, alors que ce délai de prescription n'est pas applicable aux récupérations à charge des dispensateurs de soins visées à l'article 157, alinéa 1er, de la même loi coordonnée ? » 2. « L'article 142 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, combiné avec l'article 157 de la même loi, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution coordonnée lus isolément, combinés avec, d'une part, l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, d'autre part, l'article 14.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dans la mesure où ces articles impliqueraient, d'une part, que les contestations concernant la récupération totale ou partielle, à charge d'un dispensateur de soins, des dépenses relatives aux prestations prises en charge par l'assurance soins de santé et indemnités, sont jugées par la commission de contrôle et la commission d'appel instituées auprès de l'INAMI et visées aux articles 142 et 157 de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 et, d'autre part, que l'examen des conclusions concernant une récupération ou bien l'imposition d'une interdiction d'appliquer le tiers payant est effectué par les fonctionnaires agissant au service et sur ordre du service du contrôle médical conformément aux articles 145, § 2, et 146 de la loi coordonnée du 14 juillet 1994, alors que tout litige entre l'assuré (ou, le cas échéant, le dispensateur de soins) et l'INAMI même est soumis aux juridictions ordinaires visées à l'article 167 de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 et aux articles 580 à 583 du Code judiciaire, avec les garanties offertes aux articles 138, 140, 145, 152 et 764 du Code judiciaire, notamment par l'intervention d'un auditorat indépendant et indivisible ? » b. Par arrêt no 102.633 du 17 janvier 2002 en cause de C. Magerman contre l'Institut national d'assurance maladie-invalidité, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 7 février 2002, le Conseil d'Etat a posé la deuxième question préjudicielle précitée.

Ces affaires sont inscrites sous les numéros 2365 et 2366 du rôle de la Cour. (...) IV. En droit (...) B.1. Dans l'affaire no 2365, le Conseil d'Etat pose deux questions préjudicielles au sujet de la compatibilité, d'une part, de l'article 174, 6o, et, d'autre part, de l'article 142 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994 (ci-après : loi AMI coordonnée) avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec des dispositions conventionnelles internationales. Dans l'affaire no 2366, le Conseil d'Etat pose une question préjudicielle qui est identique à la deuxième question posée dans l'affaire no 2365.

En ce qui concerne la recevabilité du « mémoire » de C. Magerman (affaire no 2366) B.2. Le 26 juillet 2002, J. De Jaeger (affaire no 2365) et C. Magerman (affaire no 2366) ont introduit une pièce commune intitulée « mémoire ». Ce « mémoire » commun doit être considéré comme le mémoire en réponse visé à l'article 89 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, d'autant plus qu'à cette date le délai d'introduction du mémoire visé à l'article 85 de la même loi spéciale était écoulé. Etant donné toutefois que J. De Jaeger est le seul à avoir déposé le mémoire visé au susdit article 85, le « mémoire » du 26 juillet 2002 n'est pas recevable en tant qu'il a également été déposé au nom de C. Magerman. Un mémoire en réponse ne peut en effet être recevable que lorsque le même auteur a déposé précédemment le mémoire recevable visé à l'article 85 de la loi spéciale précitée.

Le « mémoire » du 26 juillet 2002 est écarté des débats en tant qu'il a été introduit au nom de C. Magerman, qui n'est, dès lors, pas devenu partie à la cause.

En ce qui concerne les dispositions en cause, applicables à l'époque de l'instruction de la cause de l'intéressé B.3. En vertu de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, les médecins et les praticiens de l'art dentaire doivent s'abstenir de prescrire des examens et des traitements inutilement onéreux, ainsi que d'exécuter ou de faire exécuter des prestations superflues à charge du régime d'assurance obligatoire soins de santé et indemnités. Les autres dispensateurs de soins doivent également s'abstenir d'exécuter des prestations inutilement onéreuses ou superflues lorsqu'ils sont autorisés à prendre eux-mêmes l'initiative de ces prestations. Le caractère inutilement onéreux des examens et des traitements ainsi que le caractère superflu des prestations doivent être évalués en rapport avec les examens, traitements et prestations qu'un dispensateur de soins prescrit, exécute ou fait exécuter dans des circonstances similaires (article 73, alinéas 2 à 4).

Une Commission de contrôle, instituée auprès du Service du contrôle médical, est chargée de constater les manquements aux dispositions de l'article 73, alinéas 2, 3 et 4 (article 142, § 1er). A l'époque de l'instruction de la cause de l'intéressé, chaque section provinciale de la Commission de contrôle était composée de trois magistrats, parmi lesquels le président, et de médecins, dont une moitié était désignée par les organismes d'assurance et l'autre par les organisations représentatives du corps médical (article 144, § 1er).

Lorsque le Service du contrôle médical, une commission de profils ou un organisme assureur estime qu'un dispensateur de soins transgresse les dispositions de l'article 73, il peut en saisir la Commission de contrôle (article 145, § 1er). Un médecin-inspecteur, qui est chargé de faire rapport auprès de la section compétente, est désigné parmi le personnel du Service du contrôle médical. Le rapporteur présente l'exposé des faits mis à charge de l'intéressé. Il peut intervenir dans les débats d'audience (article 145, § 2). Les sections de la Commission de contrôle ne peuvent prendre de décision qu'après avoir convoqué les intéressés à comparaître à l'audience. L'intéressé peut se faire assister par un avocat ou toute autre personne de son choix.

La décision de la Commission de contrôle doit être motivée (article 145, § 3). Le dispensateur de soins concerné, le Service du contrôle médical et les organismes assureurs peuvent interjeter appel des décisions de la Commission de contrôle (article 145, § 4).

Une Commission d'appel, instituée auprès du Service du contrôle médical, statue sur les appels (article 142, § 2). A l'époque de l'instruction de la cause de l'intéressé, chacune des deux sections de la Commission d'appel était composée de trois magistrats, dont un président. Chaque section comportait pour le surplus des membres médecins, parmi lesquels la moitié était désignée par les organismes assureurs et l'autre moitié par les organisations représentatives des médecins. Seuls les magistrats avaient voix délibérative (article 144, § 2).

Sans préjudice des poursuites pénales ou disciplinaires, la Commission de contrôle et la Commission d'appel, après avoir constaté tout manquement aux dispositions de l'article 73, récupèrent totalement ou partiellement auprès du dispensateur de soins les dépenses relatives aux prestations à charge de l'assurance soins de santé et indemnités (article 157, alinéa 1er). Outre ces récupérations, elles peuvent interdire d'appliquer le régime du tiers payant pour les prestations dispensées par le dispensateur de soins concerné (article 157, alinéa 2).

Les décisions définitives de la Commission de contrôle et de la Commission d'appel sont exécutoires de plein droit. Les sommes portent intérêt de plein droit à partir du premier jour qui suit l'expiration du délai de remboursement fixé par la décision. En cas de défaillance du débiteur, l'Administration de la taxe sur la valeur ajoutée, de l'enregistrement et des domaines peut être chargée de recouvrer les sommes dues (article 157, alinéa 3).

Les autres contestations relatives aux droits et obligations résultant de la législation et de la réglementation concernant l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités relèvent de la compétence du tribunal du travail (article 167). L'action en récupération de la valeur des prestations indûment octroyées se prescrit par deux ans (article 174, 6o).

En ce qui concerne la première question préjudicielle dans l'affaire no 2365 B.4. La question préjudicielle porte sur la compatibilité de l'article 174, 6o, de la loi AMI coordonnée avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 14.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, lorsque l'article 174, 6o, précité est interprété en ce sens qu'il n'est pas applicable aux récupérations visées à l'article 157, alinéa 1er, de la même loi coordonnée.

Dans cette interprétation, les dispositions constitutionnelles et les dispositions conventionnelles internationales précitées pourraient être violées en ce que les actions en récupération des organismes assureurs visées à l'article 174, 6o, se prescrivent après deux ans, alors que ce délai de prescription ne serait pas applicable aux récupérations visées à l'article 157, alinéa 1er, de la loi AMI précitée.

B.5. L'article 174, 6o, de la loi AMI coordonnée énonce : « L'action en récupération de la valeur des prestations indûment octroyées à charge de l'assurance soins de santé se prescrit par deux ans, à compter de la fin du mois au cours duquel ces prestations ont été remboursées ».

L'article 157, alinéa 1er, de la même loi dispose : « Sans préjudice des poursuites pénales ou disciplinaires, les Commissions visées à l'article 142, après avoir constaté tout manquement aux dispositions de l'article 73, récupèrent totalement ou partiellement auprès du dispensateur de soins les dépenses relatives aux prestations à charge de l'assurance soins de santé et indemnités. » B.6.1. Selon le Conseil des ministres, le principe d'égalité et de non-discrimination ne peut être violé dès lors que la différence de traitement, en matière de délai de prescription, entre l'assuré social, d'une part, et le dispensateur de soins, d'autre part, concerne deux catégories de personnes qui ne sont pas comparables en l'espèce.

B.6.2. Il ne faut pas confondre différence et non-comparabilité. Les différences relevées n'empêchent pas qu'il s'agisse de divers cas de récupération en matière d'assurance obligatoire soins de santé et indemnités.

B.6.3. L'exception est rejetée.

B.7.1. L'article 174, 6o, de la loi AMI coordonnée figurait déjà dans la loi du 9 août 1963 instituant et organisant un régime d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité (article 106, § 1er, 6o).

Aux termes des travaux préparatoires de l'article 106 de l'époque, cette disposition fixe « le délai de prescription uniformément à deux années; [elle] précise qu'il ne peut être renoncé au bénéfice des prescriptions visant les cas de paiements de prestations » (Doc. parl. , Chambre, 1962-1963, no 527/1, p. 32). En cas de prescription, l'organisme assureur ne pourra pas se retourner vers l'assuré (ibid. , no 527/16, p. 179).

B.7.2. La réglementation concernant la récupération des dépenses relatives à l'exécution d'examens ou de traitements inutilement onéreux et de prestations superflues, figurant désormais à l'article 157 de la loi AMI coordonnée, a été insérée par la loi du 22 décembre 1989. Il appert des travaux préparatoires que le législateur a voulu un contrôle des abus de la liberté thérapeutique, indépendant de l'appréciation déontologique.Il a confié ce contrôle au Service du contrôle médical de l'INAMI. L'appréciation des manquements constatés a été confiée à la Commission de contrôle et à la Commission d'appel (Doc. parl. , Chambre, 1989-1990, no 975/1, pp. 17 à 20).

B.8.1. La Cour examine si l'article 174, 6o, de la loi AMI coordonnée, interprété comme ne s'appliquant pas aux récupérations visées à l'article 157, alinéa 1er, de la même loi, est compatible avec le principe constitutionnel d'égalité et de non-discrimination.

B.8.2. Le législateur a pu prendre en compte la spécificité des deux types de récupérations.

Avec le juge a quo , la Cour constate que les récupérations visées à l'article 174, 6o, concernent uniquement des prestations remboursées indûment - autrement dit, sans motif - par l'assurance soins de santé.

Cette disposition règle les rapports entre l'organisme assureur et son assuré. Dans ces conditions, il peut être admis, en vue notamment d'éviter une insécurité juridique, qu'un délai de prescription court soit prévu pour ces récupérations.

En revanche, les récupérations visées à l'article 157, alinéa 1er, concernent des prestations qui, de prime abord, ont été dûment payées mais qui, après examen, peuvent s'avérer constitutives d'abus de la liberté thérapeutique ou de diagnostic. La Cour relève avec le juge a quo que les abus ne peuvent être constatés qu'après avoir procédé à un examen approfondi et compliqué sur le plan technique et après avoir comparé pendant une période plus ou moins longue le comportement adopté en matière de prescriptions et de prestations. Un bref délai de prescription de deux ans, prenant cours, de surcroît, à compter de la fin du mois au cours duquel le paiement des prestations a été effectué, serait incompatible avec l'objectif poursuivi par le législateur, à savoir lutter contre des examens et des traitements inutilement onéreux et contre des prestations superflues à charge du régime d'assurance obligatoire soins de santé et indemnités.

B.8.3. En prévoyant à l'article 174, 6o, un délai de prescription court de deux ans en ce qui concerne les récupérations des organismes assureurs visées dans cette disposition, alors que ce délai de prescription n'est pas applicable aux récupérations visées à l'article 157, alinéa 1er, le législateur a pris une mesure qui n'est pas sans justification raisonnable.

B.9. La première question préjudicielle dans l'affaire no 2365 appelle une réponse négative.

En ce qui concerne la deuxième question préjudicielle dans l'affaire no 2365 et la question préjudicielle dans l'affaire no 2366 B.10. La question préjudicielle comporte deux parties. Il est tout d'abord demandé à la Cour d'examiner si le fait de déférer à la Commission de contrôle et à la Commission d'appel précitées les contestations relatives aux récupérations visées dans la question, à charge d'un dispensateur de soins, constitue une violation des articles 10 et 11 de la Constitution. Il est ensuite demandé à la Cour si l'enquête et les constatations se rapportant aux récupérations visées ou à l'exclusion du régime du tiers payant, en ce qu'elles sont confiées à des fonctionnaires agissant sur ordre du Service du contrôle médical, sont conformes à ces mêmes dispositions constitutionnelles, lues conjointement ou non avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 14.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

En ce qui concerne la première partie de la question B.11. La question préjudicielle ne mentionne pas l'article 144 de la Constitution. Pour répondre à la première partie de la question préjudicielle, la Cour doit néanmoins inclure cette disposition constitutionnelle dans son contrôle.

En effet, en disposant que les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux, l'article 144 accorde à tous une garantie qui ne peut être retirée à certains.

S'il apparaissait qu'une catégorie de personnes est privée du droit de saisir les tribunaux à propos d'une contestation portant sur un droit civil, cette différence de traitement ne pourrait être justifiée puisqu'elle se heurterait à l'article 144 précité. Elle violerait donc les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.12. Pour répondre à la première partie de la question préjudicielle, la Cour doit vérifier si c'est à juste titre que le législateur, en confiant à une juridiction administrative les contestations relatives aux manquements à l'article 73, alinéas 2, 3 et 4, de la loi AMI coordonnée, a considéré implicitement les droits en cause comme des droits politiques.

B.13. La loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, prévoit un système d'intervention dans les frais de prestations médicales. Le bon fonctionnement de ce système suppose que les dispensateurs de soins, qui sont associés à l'application de cette loi et qui collaborent en cela avec un service public, ne prescrivent ni n'exécutent des prestations inutilement onéreuses ou superflues à charge du régime d'assurance obligatoire soins de santé et indemnités.

Le dispensateur de soins qui n'observe pas les dispositions de l'article 73 de la loi coordonnée peut se voir réclamer le remboursement total ou partiel des dépenses prises en charge par l'assurance obligatoire. En outre, le dispensateur de soins peut être exclu du régime du tiers payant. Cette sanction répond à l'atteinte au bon fonctionnement de l'assurance obligatoire. Elle consiste à retirer temporairement un avantage, à savoir celui de voir rembourser les prestations de santé.

B.14. Les contestations en cause ont donc pour objet l'appréciation du respect des obligations du prestataire de soins en tant qu'il collabore à un service public. Lorsqu'elle statue en la matière, la Commission de contrôle ou la Commission d'appel agit à l'égard d'une fonction qui se trouve dans un rapport tel avec les prérogatives de puissance publique de l'Etat qu'elle se situe en dehors de la sphère des litiges de nature civile au sens de l'article 144 de la Constitution. Il s'ensuit que le législateur a pu qualifier le litige concernant la récupération des dépenses et l'exclusion du régime du tiers payant de contestation qui a pour objet un droit politique, au sens de l'article 145 de la Constitution.

Le législateur a donc pu, en application de la possibilité que lui offre l'article 145 de la Constitution, confier le contentieux relatif à un tel droit politique à une juridiction administrative disposant en la matière d'une compétence de pleine juridiction, créée en application de l'article 146 de la Constitution.

B.15. Compte tenu de l'article 145 de la Constitution, le fait d'attribuer la connaissance de litiges portant sur des droits politiques à une juridiction administrative plutôt que de confier ce contentieux à une juridiction de l'ordre judiciaire ne peut constituer une violation du principe d'égalité et de non-discrimination.

En ce qui concerne la deuxième partie de la question B.16. Dans la seconde partie de la question préjudicielle, la juridiction a quo demande à la Cour si les dispositions constitutionnelles précitées sont violées en ce que « l'examen et les conclusions concernant une récupération ou bien l'imposition d'une interdiction d'appliquer le tiers payant sont effectuées par les fonctionnaires agissant au service et sur ordre du service du contrôle médical conformément aux articles 145, § 2, et 146 [de la loi AMI coordonnée], alors que tout litige entre l'assuré (ou, le cas échéant, le dispensateur de soins) et l'INAMI même » est soumis aux tribunaux ordinaires et aux garanties offertes par ceux-ci, entre autres, par le biais de l'intervention d'un auditorat indépendant et indivisible.

B.17. La différence de traitement entre certaines catégories de personnes qui résulte de l'application de procédures différentes devant des juridictions différentes et dans des circonstances différentes n'est pas discriminatoire en soi. Il ne pourrait y avoir de discrimination que si la différence de traitement résultant de l'application de ces procédures entraînait une limitation disproportionnée des droits des personnes concernées.

B.18. En vertu de l'article 144, § 1er, de la loi AMI coordonnée, tel qu'il s'appliquait à l'époque de l'examen de la cause de l'intéressé, chaque section provinciale de la Commission de contrôle était composée de trois magistrats, parmi lesquels le président, et de membres appartenant à la même catégorie professionnelle que le dispensateur de soins à charge duquel les constatations ont été faites. Chacune des deux sections de la Commission d'appel était constituée de trois magistrats et de membres médecins.

Aux termes de l'article 145, § 3, de la loi coordonnée, les sections de la Commission de contrôle ne peuvent prendre une décision qu'après avoir convoqué l'intéressé à comparaître à l'audience et celui-ci peut se faire assister dans tous les actes de la procédure, ainsi qu'à l'audience, par un avocat ou toute autre personne de son choix. En outre, chaque décision doit être motivée, à peine de nullité.

Etant donné que, pour le surplus, les autres règles de procédure régissant le fonctionnement de la Commission de contrôle et de la Commission d'appel sont arrêtées par le Roi (article 145, § 5, dernier alinéa), elles échappent au pouvoir de contrôle de la Cour. Le législateur, lorsqu'il confère une habilitation, est censé n'avoir pas voulu autoriser que les droits des personnes concernées soient limités de manière disproportionnée. C'est au juge ordinaire et au juge administratif qu'il appartient d'apprécier ces règles de fonctionnement.

Compte tenu de la technicité de la matière, il n'est pas déraisonnable que l'instruction préliminaire soit confiée à des fonctionnaires de l'INAMI et que ceux-ci participent aux débats à l'audience. L'absence d'intervention d'un auditorat indépendant ne suffit pas pour conclure qu'il aurait été porté atteinte de manière disproportionnée aux droits des personnes concernées. Elle n'empêche pas les parties de se défendre librement et de contester utilement le contenu des enquêtes et des constatations qui leur sont opposées.

B.19. En tant qu'elles concernent l'enquête et les constatations relatives au respect, par le dispensateur de soins, des dispositions légales et réglementaires afférentes à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, les dispositions en cause ne sont pas incompatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément ou combinés avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 14.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

B.20. La deuxième question préjudicielle dans l'affaire no 2365 et la question préjudicielle dans l'affaire no 2366 appellent une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - L'article 174, 6o, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, interprété en ce sens que cette disposition n'est pas applicable aux récupérations visées à l'article 157, alinéa 1er, de la même loi coordonnée, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 14.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. - L'article 142 de la même loi coordonnée ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il défère à une juridiction administrative les contestations relatives à la récupération et à l'exclusion du régime du tiers payant visées à l'article 157 de la même loi coordonnée. Il ne viole pas non plus ces dispositions constitutionnelles, considérées isolément ou lues conjointement avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 14.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en tant qu'il concerne l'enquête et les constatations relatives au respect, par le dispensateur de soins, des dispositions légales et réglementaires afférentes à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 12 février 2003.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, A. Arts.

^