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Arrêt
publié le 27 juin 2003

Extrait de l'arrêt n° 37/2003 du 3 avril 2003 Numéros du rôle : 2585 et 2586 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 1 er , alinéa 1 er (...)

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cour d'arbitrage
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27/06/2003
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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 37/2003 du 3 avril 2003 Numéros du rôle : 2585 et 2586 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 1er, alinéa 1er, a), de la loi du 6 février 1970 relative à la prescription des créances à charge ou au profit de l'Etat et des provinces, et l'article 100, alinéa 1er, 1o, des lois sur la comptabilité de l'Etat, coordonnées par l'arrêté royal du 17 juillet 1991, posées par la Cour de cassation.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, M. Bossuyt, E. De Groot, A. Alen et J.-P. Moerman, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles Par deux arrêts du 22 novembre 2002 en cause du Gouvernement flamand contre respectivement L. Luciani et M. Van Steenhuyse, dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour d'arbitrage le 19 décembre 2002, la Cour de Cassation a posé des questions préjudicielles identiques, dont le libellé est le suivant : « Les articles 1er, alinéa 1er, a, de la loi du 6 février 1970 relative à la prescription des créances à charge ou au profit de l'Etat et des provinces et 100, alinéa 1er, 1o, de l'arrêté royal du 17 juillet 1991 portant coordination des lois sur la comptabilité de l'Etat violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que ces dispositions soumettent à un délai de prescription quinquennale les actions en réparation à charge de l'Etat, des communautés, des régions ou des provinces fondées sur les articles 1382 et 1383 du Code civil, en raison du préjudice subi à la suite de la nomination indue d'une personne à une fonction temporaire pour laquelle la personne prétendant pouvoir bénéficier de la réparation avait été classée plus favorablement, alors que les actions en réparation de droit commun à charge d'une autre personne morale que l'Etat, les communautés, les régions ou les provinces sont prescrites par trente ans en vertu de l'article 2262 du Code civil, applicable en l'espèce ? » (...) IV. En droit (...) B.1. L'article 1er de la loi du 6 février 1970 relative à la prescription des créances à charge ou au profit de l'Etat et des provinces forme désormais l'article 100 des lois sur la comptabilité de l'Etat, coordonnées par l'arrêté royal du 17 juillet 1991, qui énonce : « Sont prescrites et définitivement éteintes au profit de l'Etat, sans préjudice des déchéances prononcées par d'autres dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles sur la matière : 1o les créances qui, devant être produites selon les modalités fixées par la loi ou le règlement, ne l'ont pas été dans le délai de cinq ans à partir du premier janvier de l'année budgétaire au cours de laquelle elles sont nées; 2o les créances qui, ayant été produites dans le délai visé au 1o, n'ont pas été ordonnancées par les Ministres dans le délai de cinq ans à partir du premier janvier de l'année pendant laquelle elles ont été produites; 3o toutes autres créances qui n'ont pas été ordonnancées dans le délai de dix ans à partir du premier janvier de l'année pendant laquelle elles sont nées.

Toutefois, les créances résultant de jugements restent soumises à la prescription décennale; elles doivent être payées à l'intervention de la Caisse des dépôts et consignations. » En vertu de l'article 71, § 1er, de la loi spéciale de financement du 16 janvier 1989, cette disposition est applicable aux communautés et aux régions.

B.2. Avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 juin 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1998 pub. 17/07/1998 numac 1998009557 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions en matière de prescription fermer modifiant certaines dispositions en matière de prescription, le délai de prescription de droit commun était de trente ans. Le nouvel article 2262bis , § 1er, du Code civil, inséré par la loi susdite, énonce que les actions personnelles sont prescrites par dix ans, à l'exception des actions en réparation d'un dommage fondées sur une responsabilité extra-contractuelle, qui se prescrivent par cinq ans à partir du jour qui suit celui où la personne lésée a eu connaissance du dommage ou de son aggravation et de l'identité de la personne responsable, ces actions se prescrivant en tout état de cause par vingt ans à partir du jour qui suit celui où s'est produit le fait qui a provoqué le dommage. Lorsque l'action a pris naissance avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 juin 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1998 pub. 17/07/1998 numac 1998009557 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions en matière de prescription fermer, l'article 10 de cette loi dispose, à titre de mesure transitoire, que les nouveaux délais de prescription qu'elle institue ne commencent à courir qu'à partir de son entrée en vigueur.

B.3. La Cour est interrogée sur la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution de la prescription quinquennale en ce qu'elle s'applique à une demande d'indemnisation fondée sur une faute, une négligence ou une imprudence (articles 1382 et 1383 du Code civil).

Elle n'examine la constitutionnalité de la norme litigieuse qu'en ce qu'elle s'applique à cette catégorie d'actions en indemnisation et en ce que, au moment où a été introduite l'action, le délai de prescription était de cinq ans pour un dommage causé par une communauté et de trente ans pour un dommage causé par des particuliers.

B.4. Dans les arrêts nos 32/96, 75/97, 5/99, 85/2001, 42/2002 et 64/2002, la Cour a estimé qu'en soumettant à la prescription quinquennale les actions dirigées contre l'Etat, le législateur avait pris une mesure en rapport avec le but poursuivi qui est de permettre de clôturer les comptes de l'Etat dans un délai raisonnable. Il a en effet considéré qu'une telle mesure était indispensable, parce qu'il faut que l'Etat puisse, à une époque déterminée, arrêter ses comptes : c'est une prescription d'ordre public et nécessaire au point de vue d'une bonne comptabilité (Pasin. 1846, p. 287).

Lors des travaux préparatoires de la loi du 6 février 1970, il fut rappelé que, « faisant pour plus de 150 milliards de dépenses par an, manoeuvrant un appareil administratif lourd et compliqué, submergé de documents et d'archives, l'Etat est un débiteur de nature particulière » et que « des raisons d'ordre imposent que l'on mette fin aussitôt que possible aux revendications tirant leur origine d'affaires arriérées » (Doc. parl. , Chambre, 1964-1965, no 971/1, p. 2; Doc. parl. , Sénat, 1966-1967, no 126, p. 4).

B.5. Dans l'arrêt no 32/96, la Cour est toutefois arrivée à la constatation que le délai de prescription quinquennale n'est pas raisonnablement justifié en ce qu'il s'applique à des demandes d'indemnisation du préjudice causé à des propriétés par des travaux exécutés par l'Etat. Dans ce cas, il s'agit en effet de créances nées d'un préjudice qui peut n'apparaître que plusieurs années après que les travaux ont été exécutés. Les réclamations tardives s'expliquent, le plus souvent, non par la négligence du créancier mais par l'apparition tardive du dommage.

B.6. Dans l'arrêt no 75/97, la Cour a décidé que ce raisonnement n'est pas pertinent à l'égard des actions qui opposent l'Etat à ses cocontractants en matière de marchés publics. En effet, de tels litiges naissent de l'inexécution ou de la mauvaise exécution de conventions que les cocontractants ont librement conclues avec l'Etat et dont les clauses renseignent les parties sur la nature, la portée et l'ampleur de leurs obligations.

B.7. Dans l'arrêt no 5/99, la Cour a décidé que le raisonnement de l'arrêt no 32/96 ne peut davantage être appliqué à des créances ayant pour objet de réparer un préjudice qui est causé par la décision, qualifiée de fautive, de rémunérer inégalement des travailleurs.

L'hypothèse examinée concernait des actions qui résultaient d'une relation de travail existant entre la province et des membres de son personnel dont les droits et obligations sont fixés préalablement dans un ensemble de règles statutaires ayant fait l'objet d'une publicité et dont chacun est censé connaître la portée.

B.8. Dans l'arrêt no 85/2001, la Cour a décidé que le raisonnement de l'arrêt no 32/96 ne peut s'appliquer lorsque la personne préjudiciée pouvait agir immédiatement contre l'autorité susceptible d'être déclarée responsable, sans qu'elle doive attendre que le Conseil d'Etat ait statué sur le recours qu'elle avait introduit contre la décision administrative attaquée. Dans les arrêts nos 42/2002 et 64/2002, la Cour a confirmé cette position.

B.9. Dans les affaires présentes, les personnes préjudiciées pouvaient agir immédiatement contre l'autorité susceptible d'être déclarée responsable, sans qu'elles dussent attendre que le Conseil d'Etat ait statué sur le recours qu'elles avaient introduit contre la décision du ministre nommant indûment à une fonction temporaire une autre personne que la personne prétendant pouvoir bénéficier de la réparation.

B.10. Ces personnes ne se trouvent pas dans une situation essentiellement différente de tout demandeur en réparation qui doit agir, dans le délai légal, contre l'autorité dont la responsabilité extra-contractuelle peut être engagée.

Leur situation n'est pas comparable à celle de personnes qui se trouvent dans l'impossibilité d'agir dans le délai légal parce que leur dommage ne s'est manifesté qu'après son expiration.

B.11. Le raisonnement de l'arrêt no 32/96 ne peut donc leur être appliqué.

En soumettant à la prescription quinquennale de telles actions, le législateur a pris une mesure qui n'est pas disproportionnée au but poursuivi.

B.12. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 100 des lois sur la comptabilité de l'Etat, coordonnées par l'arrêté royal du 17 juillet 1991, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'il prévoit un délai de prescription de cinq ans pour les actions en dommages et intérêts fondées sur la responsabilité extra-contractuelle des pouvoirs publics lorsque le préjudice et l'identité de la personne qui en est responsable peuvent immédiatement être constatés.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 3 avril 2003, par le siège précité, dans lequel les juges A. Alen et J.-P. Moerman, légitimement empêchés, sont remplacés, pour le prononcé, respectivement par les juges L. Lavrysen et J.-P. Snappe, conformément à l'article 110 de la même loi.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, A. Arts.

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