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Arrêt
publié le 25 mars 2003

Extrait de l'arrêt n° 20/2003 du 30 janvier 2003 Numéro du rôle : 2499 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 145, alinéa 3, du Code civil, posée par la Cour d'appel de Gand. La Cour d'arbitrage, composée des pré après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : (...) IV. En droit (...) B.1.1. Le(...)

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25/03/2003
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Extrait de l'arrêt n° 20/2003 du 30 janvier 2003 Numéro du rôle : 2499 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 145, alinéa 3, du Code civil, posée par la Cour d'appel de Gand.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges L. François, P. Martens, M. Bossuyt, A. Alen et J.-P. Moerman, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : (...) IV. En droit (...) B.1.1. Les dispositions en cause figurent au titre V, chapitre Ier, du Code civil, qui traite des qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage. Elles énoncent : «

Art. 144.Nul ne peut contracter mariage avant dix-huit ans.

Art. 145.Le tribunal de la jeunesse peut, pour motifs graves, lever la prohibition de l'article précédent. La demande est introduite par requête soit par les père et mère, soit par l'un d'entre eux, soit par le tuteur, soit par le mineur à défaut de consentement des parents ou du tuteur.

La procédure est introduite à jour fixe. Le tribunal statue dans la quinzaine, les père et mère, le mineur et le futur conjoint convoqués et le procureur du Roi entendu.

L'appel doit être introduit dans la huitaine du prononcé et la Cour statue dans la quinzaine. Ni le jugement ni l'arrêt ne sont susceptibles d'opposition. » B.1.2. Le juge a quo interroge la Cour sur le point de savoir si l'article 145, alinéa 3, contient une discrimination en ce que cette disposition fait courir le délai d'appel à partir du prononcé du jugement du juge de la jeunesse.

La question préjudicielle ne précise pas à quelle règle la disposition litigieuse est comparée. Dans les motifs de l'arrêt de renvoi, il est cependant fait référence à la règle générale de l'article 1051 du Code judiciaire, selon laquelle le délai d'appel court à partir de la signification ou de la notification du prononcé en première instance.

B.2.1. La différence de traitement entre certaines catégories de personnes qui découle de l'application de procédures différentes devant des juridictions différentes dans des circonstances au moins partiellement différentes n'est pas discriminatoire en soi. Il ne pourrait y avoir de discrimination que si la différence de traitement qui découle de l'application de ces procédures allait de pair avec une limitation disproportionnée des droits des parties concernées.

B.2.2. La disposition litigieuse a été insérée dans le Code civil par la loi du 19 janvier 1990, qui a fixé à 18 ans l'âge à partir duquel il peut être contracté mariage et qui a remplacé par une procédure devant les juridictions de la jeunesse la procédure administrative au terme de laquelle une dispense peut être octroyée par le Roi. Le législateur estimait que la procédure devant les juridictions de la jeunesse offrait l'avantage d'entendre les parties et de permettre un recours (Doc. parl. , Chambre, 1988-1989, no 42/3, pp. 14-16; Doc. parl. , Sénat, 1988-1989, no 634/2, p. 3).

Selon la volonté expresse du législateur, la procédure prévoit des délais qui sont courts. Le traitement rapide de la demande visant à obtenir une dispense a été jugé nécessaire parce que la mesure touche à des situations sociales délicates et que les parties ne peuvent rester longtemps dans l'incertitude quant à l'issue de leur demande (Doc. parl. , Chambre, 1988-1989, no 42/3, pp. 14-16).

B.2.3. Le droit d'appel peut être soumis à des conditions de recevabilité particulières. La procédure qui est réglée à l'article 145 du Code civil doit faire l'objet d'une décision en première instance et en degré d'appel dans un délai de quinzaine. A la lumière des objectifs poursuivis par le législateur, il est pertinent de prévoir que l'opposition n'est pas permise et que l'appel doit être introduit à bref délai.

B.3. Toutefois, en prévoyant que le délai d'appel court à partir du prononcé du jugement, le législateur a pris une mesure qui n'est pas raisonnablement proportionnée à l'objectif poursuivi.

Cette règle, combinée avec celle qui exclut l'opposition, peut avoir comme conséquence - les articles 770 et 792 du Code judiciaire n'apportant pas une garantie d'information équivalente à la signification qui est de règle, ni même à la notification dont la loi fait le point de départ du délai dans certains cas - qu'une partie qui a fait défaut pour une raison indépendante de sa volonté ne soit en mesure d'exercer aucun recours. Cette atteinte aux droits de la défense est disproportionnée aux objectifs poursuivis. Cette règle peut avoir pour effet de priver le mineur lui-même d'une voie de recours alors que le législateur entendait protéger celui-ci contre des mesures dilatoires de ses parents lorsque leurs intérêts s'opposent.

B.4. La question appelle une réponse affirmative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 145, alinéa 3, du Code civil viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il fait courir le délai d'appel à partir du prononcé du jugement du juge de la jeunesse.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 30 janvier 2003.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

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