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Arrêt
publié le 10 août 2002

Extrait de l'arrêt n° 70/2002 du 18 avril 2002 Numéro du rôle : 2121 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 5, 8, 10 et 14 de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syn La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. François, P(...)

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Extrait de l'arrêt n° 70/2002 du 18 avril 2002 Numéro du rôle : 2121 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 5, 8, 10 et 14 de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel militaire des forces terrestre, aérienne et navale et du service médical, posées par le Conseil d'Etat.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. François, P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles Par arrêt n° 91.392 du 6 décembre 2000 en cause de l'a.s.b.l. Action et Liberté et autres contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 26 janvier 2001, le Conseil d'Etat a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. Les articles 8, 10 et 14 de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel militaire des forces terrestre, aérienne et navale et du service médical, en ce qu'ils ne visent que les seules organisations représentatives au sens de l'article 5 de cette loi, pour ce qui est des comités de concertation de base, du Comité du contentieux, de la perception de la prime syndicale, du contrôle des épreuves d'examen et de concours et de réunions durant les heures de service à l'exclusion des organisations syndicales qui sont agréées au sens de l'article 12 de la loi du 11 juillet 1978 ne violent-ils pas les articles 10 et 11 de la Constitution ? 2. L'article 5 de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel militaire des forces terrestre, aérienne et navale et du service médical, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il considère comme représentative de plein droit pour l'application de la loi du 11 juillet 1978, ' toute organisation syndicale agréée au sens de l'article 12 qui est affiliée à une organisation syndicale représentée au Conseil national du travail ', alors que, d'une part, les organisations qui siègent au Conseil national du travail n'apparaissent, dans les faits, nullement représentatives du personnel visé à l'article 1er de la loi du 11 juillet 1978 précitée et alors que, d'autre part, l'effet de cette représentativité de plein droit a pour conséquence qu'une seule organisation syndicale professionnelle de militaires peut être considérée comme représentative, conformément à l'alinéa 2 de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel militaire des forces terrestre, aérienne et navale et du service médical ? » (...) IV. En droit (...) Les dispositions en cause B.1. La loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel militaire des forces terrestre, aérienne et navale et du service médical, modifiée par la loi du 21 avril 1994, distingue deux catégories d'organisations syndicales : celles qu'elle qualifie de « représentatives » et celles qui ne sont qu'« agréées ».

Aux termes de l'article 5 de la loi : « Est considérée comme représentative pour siéger dans le comité de négociation : 1° toute organisation syndicale, agréée au sens de l'article 12, qui est affiliée à une organisation syndicale représentée au Conseil national du Travail;2° l'organisation syndicale agréée au sens de l'article 12, qui compte le plus grand nombre d'affiliés cotisants en service actif parmi les organisations syndicales autres que celles visées au 1°.» Aux termes de l'article 12 de la loi : « Sont agréées par le Roi, les organisations syndicales : 1° qui défendent les intérêts de toutes les catégories de militaires ou des anciens militaires ou de leurs ayants droit;2° qui exercent leur activité sur le plan national;3° dont les buts ne constituent pas une entrave au fonctionnement des forces armées;4° qui ne sont liées, sous aucune forme, à une autre organisation syndicale agréée en application du présent article;5° qui, à l'exception des organisations syndicales affiliées à une organisation syndicale représentée au Conseil national du Travail : - groupent exclusivement comme membres les militaires visés à l'article 1er et les anciens militaires; - ne sont liées, sous aucune forme, à des organisations qui défendent d'autres intérêts que ceux des militaires et des anciens militaires ou de leurs ayants droit; - ont publié leurs statués [lire : statuts] et la liste de leurs dirigeants responsables au Moniteur belge .

Le Roi fixe la procédure : 1° d'agrément;2° de retrait de l'agrément lorsqu'une ou plusieurs conditions d'agrément ne sont pas ou ne sont plus remplies.» La loi réserve aux organisations syndicales « représentatives » des prérogatives qu'elle dénie aux organisations syndicales « agréées ».

La répartition de ces prérogatives fait l'objet des articles 8, 10, 13 et 14 de la loi, qui disposent : «

Art. 8.§ 1er. Le Roi crée des comités de concertation de base du personnel militaire qu'Il charge de tout ou partie des attributions qui, dans les entreprises privées, sont confiées aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail.

Le président, les membres de la délégation de l'autorité et leurs remplaçants sont désignés par le Ministre de la Défense nationale.

La délégation des organisations syndicales représentatives est composée au maximum de trois membres, que l'organisation choisit librement parmi les militaires du cadre actif en service actif qui appartiennent à une unité ou à un service dont la localisation habituelle se situe dans le secteur pour lequel le comité concerné est compétent.

Tant la délégation de l'autorité que la délégation des organisations syndicales représentatives peuvent s'adjoindre des techniciens.

Le Roi détermine les modalités relatives à la composition et au fonctionnement des comités de concertation de base. [...] » «

Art. 10.§ 1er. Le Roi crée un comité du contentieux qui a pour mission de donner un avis à propos de tout contentieux résultant de l'application de la présente loi.

Le comité du contentieux comprend : 1° soit une délégation des organisations syndicales représentatives si seules des organisations syndicales représentatives sont impliquées dans le contentieux, soit une délégation des organisations syndicales agréées si au moins une organisation syndicale agréée mais non représentative est mise en cause dans le contentieux;2° une délégation de l'autorité. [...] » «

Art. 13.Sauf dans les cas déterminés par le Roi, et sans préjudice des dispositions du règlement de discipline, les organisations syndicales agréées peuvent, aux conditions fixées par le Roi : 1° intervenir auprès des autorités habilitées à statuer, dans l'intérêt collectif du personnel qu'elles représentent ou dans l'intérêt particulier d'un membre de ce personnel;2° afficher des avis dans les locaux de services;3° recevoir la documentation relative aux matières énoncées aux articles 2, 7 et 8.

Art. 14.Aux conditions fixées par le Roi, et sans préjudice des autres prérogatives que la présente loi leur confère, les organisations syndicales représentatives peuvent : 1° exercer les prérogatives des organisations syndicales agréées;2° percevoir les cotisations syndicales dans les locaux pendant les heures de service;3° sans préjudice des prérogatives du jury, assister aux examens publics de recrutement et aux concours de même nature;4° organiser des réunions dans les locaux.» Quant aux questions préjudicielles B.2. La première question préjudicielle porte sur la discrimination qui proviendrait de ce que la loi réserve certaines prérogatives aux organisations syndicales représentatives tandis que la seconde question conteste la pertinence des critères auxquels doit satisfaire une organisation syndicale pour être considérée comme représentative.

La critique formulée dans la seconde question préjudicielle étant plus fondamentale, puisqu'elle s'en prend à la définition même de l'organisation syndicale représentative, il convient de l'examiner en premier lieu.

Quant à la seconde question préjudicielle B.3. Le Conseil d'Etat interroge la Cour sur l'existence d'une éventuelle discrimination entre les organisations syndicales qui sont considérées comme représentatives en vertu de l'article 5, 1°, et les organisations syndicales agréées qui, à l'exception de celle qui est désignée à l'article 5, 2°, ne sont pas considérées comme représentatives. D'après la question, les articles 10 et 11 de la Constitution pourraient être violés, d'une part, en ce que la seule affiliation à une organisation syndicale représentée au Conseil national du travail ne garantit nullement que l'organisation syndicale concernée est représentative, dans les faits, du personnel militaire, et, d'autre part, en ce que cette disposition a pour conséquence qu'une seule organisation syndicale agréée non affiliée à une organisation syndicale représentée au Conseil national du travail peut être considérée comme représentative.

B.4. Les travaux préparatoires de la loi du 11 juillet 1978 indiquent que celle-ci « s'inspire des dispositions poursuivant le même but, qui sont applicables aux agents des services publics et qui ont fait l'objet de la loi du 19 décembre 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/1974 pub. 05/10/2012 numac 2012000586 source service public federal interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, en tenant compte toutefois des particularités et de la spécificité des forces armées » (Doc. parl. , Chambre, 1977-1978, n° 149/1, p. 1).

B.5. La différence de traitement entre les deux catégories d'organisations syndicales a été voulue par le législateur dès l'adoption de la loi du 19 décembre 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/1974 pub. 05/10/2012 numac 2012000586 source service public federal interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, dont les articles 7 et 8 réservent aux organisations représentatives le droit de siéger dans le comité commun à l'ensemble des services publics, dans le comité des services publics fédéraux, communautaires et régionaux, dans le comité des services publics provinciaux et locaux, dans les comités de secteurs et dans les comités particuliers. Ces dispositions établissent divers critères de représentativité auxquels il doit être satisfait pour siéger dans lesdits comités.

B.6. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 19 décembre 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/1974 pub. 05/10/2012 numac 2012000586 source service public federal interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités. - Coordination officieuse en langue allemande fermer que ce choix correspond à la volonté du Gouvernement « d'avoir devant lui des interlocuteurs valables et responsables avec lesquels il puisse négocier efficacement » et, pour atteindre ce but, de ne « négocier qu'avec des syndicats capables de porter des responsabilités effectives sur le plan national » et d'éviter l'émiettement syndical qui « signifierait la mort de ces négociations » (Doc. parl. , Sénat, S.E. 1974, n° 367/2, p. 10).

B.7. L'article 5 de la loi du 11 juillet 1978 présentait toutefois deux différences par rapport aux dispositions de la loi du 19 décembre 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/1974 pub. 05/10/2012 numac 2012000586 source service public federal interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités. - Coordination officieuse en langue allemande fermer.

B.8.1. L'article 8 de la loi du 19 décembre 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/1974 pub. 05/10/2012 numac 2012000586 source service public federal interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités. - Coordination officieuse en langue allemande fermer exigeait que, pour siéger dans un comité de secteur (§ 1er, 1°) ou dans un comité particulier (§ 2, 1°), l'organisation syndicale répondant aux critères pour siéger dans les comités généraux en vertu de l'article 7 compte, en outre, « un nombre d'affiliés cotisants représentant au moins 10 % de l'effectif de l'ensemble ». Cette exigence a toutefois été supprimée par l'article 2 de la loi du 15 janvier 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/01/2002 pub. 25/01/2002 numac 2002002003 source service public federal personnel et organisation Loi modifiant la loi du 19 décembre 1974 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités et la loi du 1er septembre 1980 relative à l'octroi et au paiement d'une prime syndicale à certains membres du personnel du secteur public fermer, publiée au Moniteur belge du 25 janvier 2002.

B.8.2. En outre, l'article 8 de la loi du 19 décembre 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/1974 pub. 05/10/2012 numac 2012000586 source service public federal interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités. - Coordination officieuse en langue allemande fermer disposait qu'une autre organisation syndicale pouvait siéger dans les comités de secteur et dans les comités particuliers, pour autant qu'elle satisfasse à certaines conditions, parmi lesquelles l'exigence de compter un nombre d'affiliés cotisants représentant « au moins 10 p.c. de l'effectif des services relevant du comité ». Cette disposition n'a pas été modifiée par la loi du 15 janvier 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/01/2002 pub. 25/01/2002 numac 2002002003 source service public federal personnel et organisation Loi modifiant la loi du 19 décembre 1974 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités et la loi du 1er septembre 1980 relative à l'octroi et au paiement d'une prime syndicale à certains membres du personnel du secteur public fermer.

A l'origine, l'article 5, 2°, de la loi du 11 juillet 1978 formulait une exigence identique. Celle-ci a été supprimée par la loi du 21 avril 1994, le législateur ayant constaté, à l'époque, d'une part, qu'« aucune organisation syndicale n'[atteignait] le cap des 10 %, ce qui [posait] un problème en ce qui concerne la représentativité de fait » (Doc. parl. , Chambre, 1993-1994, n° 1266/1, p. 2) et, d'autre part, qu'il y avait « autant de militaires affiliés à des organisations professionnelles qu'à des organisations interprofessionnelles » (Doc. parl. , Sénat, 1993-1994, n° 998/2, p. 3).

B.9. Il est conforme à l'objectif mentionné en B.6 de sélectionner les interlocuteurs qui siégeront dans les structures de concertation et de négociation afin d'assurer une concertation sociale permanente et efficace et de préserver la paix sociale. Il n'est pas déraisonnable d'admettre en tout cas les organisations syndicales qui sont actives au niveau fédéral ou qui, à tout le moins, font partie d'une organisation syndicale constituée à ce niveau et qui défendent également les intérêts de toutes les catégories du personnel. Une telle exigence est en effet de nature à garantir dans une certaine mesure que les revendications relatives à une catégorie du personnel soient formulées en tenant compte de la situation des autres travailleurs subordonnés.

B.10. Il en est de même pour la condition d'affiliation à une organisation syndicale représentée au Conseil national du travail (C.N.T.).

Une telle condition n'est pas discriminatoire dans son principe en ce qu'elle n'est qu'une manière indirecte d'exiger l'affiliation à une organisation ou fédération interprofessionnelle incluant le secteur privé et le secteur public.

Certes, la loi du 29 mai 1952 organique du Conseil national du travail laisse au Roi un choix quant aux organisations représentées à ce conseil. Mais de ce que le législateur s'est abstenu de mentionner dans la loi elle-même les critères objectifs, précis et préétablis que le Roi devrait appliquer, il ne pourrait être déduit qu'il L'aurait implicitement autorisé à méconnaître les principes d'égalité et de non-discrimination et à ignorer les recommandations répétées de l'Organisation internationale du travail (B.I.T., Bulletin officiel , Vol. LXX, 1987, Série B, n° 2, p. 24).

Si large et si imprécise soit-elle, l'habilitation donnée au Roi par l'effet combiné des dispositions en cause et de l'article 2, § 2, de la loi du 29 mai 1952 ne Lui permet en aucune façon de déroger au principe selon lequel, lorsqu'une norme établit une différence de traitement entre certaines catégories de personnes, celle-ci doit se fonder sur une justification objective et raisonnable qui s'apprécie par rapport au but et aux effets de la norme considérée. C'est au juge administratif qu'il appartient d'annuler la décision par laquelle le Roi aurait accueilli ou rejeté la candidature d'une organisation syndicale en Se fondant sur une conception illégale ou discriminatoire de la notion de représentativité.

B.11. Il s'ensuit que l'article 5, 1°, de la loi du 11 juillet 1978 ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il accorde une représentativité de droit aux organisations syndicales affiliées à une organisation syndicale représentée au C.N.T., pour autant que le législateur veille en outre à compléter la liste des organisations syndicales représentatives en y ajoutant un nombre suffisant d'organisations qui justifient d'une réelle représentativité de fait.

A cet égard, il paraît disproportionné par rapport au but poursuivi de n'admettre à siéger, à côté des organisations affiliées à une organisation syndicale représentée au C.N.T., qu'une seule organisation syndicale, quelle que soit la manière dont se répartissent les affiliations entre les différentes organisations.

B.12. Il est vrai, comme le souligne le Conseil des ministres, qu'il serait porté atteinte à l'efficacité de la concertation et de la négociation, et donc aux intérêts des militaires, s'il était permis à toute organisation syndicale agréée d'y participer. Mais ces inconvénients peuvent être évités en limitant le nombre d'organisations admises en fonction de leur représentativité de fait.

B.13. Il est vrai également que le système actuel n'a pas pour effet que la concertation ou la négociation soient menées avec des interlocuteurs étrangers au personnel de l'armée : l'article 4, § 2, de la loi du 11 juillet 1978 impose que la moitié des mandataires des organisations syndicales représentatives délégués au comité de négociation soient militaires, et l'article 8, § 1er, alinéa 3, de la même loi prévoit que les délégations des organisations syndicales représentatives auprès des comités de concertation de base doivent être composées de militaires « du cadre actif en service actif qui appartiennent à une unité ou à un service dont la localisation habituelle se situe dans le secteur pour lequel le comité concerné est compétent ».

B.14. Il reste cependant que le système actuel peut aboutir à ce que les militaires soient représentés, en majorité, par des personnes qui n'ont pas un lien suffisant avec eux pour représenter véritablement leurs intérêts.

Il s'ensuit que, en ce qu'elle porte sur l'article 5, 2°, de la loi du 11 juillet 1978 et dans la mesure indiquée ci-avant, la seconde question préjudicielle appelle une réponse affirmative.

Quant à la première question préjudicielle B.15. La première question préjudicielle porte sur les différences de traitement, établies par les articles 8, 10 et 14 de la loi du 11 juillet 1978, entre les organisations syndicales représentatives au sens de l'article 5 de cette loi et les organisations syndicales agréées au sens de l'article 12 de la même loi, quant à la possibilité de siéger dans les comités visés aux articles 8 et 10 et à l'exercice des prérogatives réservées par l'article 14 aux premières.

B.16. Les comités de concertation de base du personnel militaire, visés à l'article 8 de la loi du 11 juillet 1978, ont été créés dans leur forme actuelle par la loi du 21 avril 1994, afin qu'il soit possible « de soumettre nombre de problèmes pratiques à la concertation sur le plan local » (Doc. parl. , Chambre, 1993-1994, n° 1266/4, p. 2).

B.17. Le comité du contentieux, visé à l'article 10 de la loi du 11 juillet 1978, a été installé par la loi du 21 avril 1994 « afin de régler d'éventuels contentieux relatifs à l'application de la loi » (Doc. parl. , Chambre, 1993-1994, n° 1266/4, p. 3). Les organisations syndicales représentatives en font toujours partie. Les organisations syndicales agréées sont invitées à y participer lorsque l'une d'entre elles est impliquée dans le contentieux.

B.18. En ce qui concerne les prérogatives reconnues aux organisations syndicales représentatives par l'article 14 de la loi du 11 juillet 1978, l'exposé des motifs précise que « ces prérogatives sont similaires à celles qui sont reconnues aux organisations syndicales des agents des services publics » (Doc. parl. , Chambre, 1977-1978, n° 149/1, p. 5).

B.19. Le législateur peut estimer raisonnablement qu'il serait contraire à l'intérêt des services de l'armée d'admettre qu'un nombre illimité d'organisations syndicales puissent siéger au sein des comités de concertation et du comité du contentieux visés aux articles 8 et 10 de la loi et exercer les prérogatives énumérées à l'article 14 de la loi.

B.20. Le nombre des organisations syndicales agréées n'étant pas limité et l'article 12, qui fixe les conditions de leur agrément, ne formulant aucune exigence de représentativité, le législateur peut leur refuser le droit d'exercer de telles prérogatives pour les réserver aux organisations qui assument une responsabilité plus large dans la négociation et la concertation.

B.21. Toutefois, la combinaison des articles 5, 8, 10 et 14 aboutit à ce que, outre les organisations syndicales auxquelles l'article 5, 1°, reconnaît une représentativité de droit, une seule organisation justifiant d'une représentativité de fait pourra siéger aux comités de concertation et au comité du contentieux, et exercer les prérogatives de l'article 14. Une telle limitation est de nature à porter une atteinte disproportionnée à l'exercice de la liberté syndicale, pour le motif exprimé en B.14.

B.22. Il s'ensuit que les articles 8, 10 et 14 de la loi du 11 juillet 1978 sont incompatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que les organisations syndicales représentatives qu'ils visent ne sont que celles mentionnées à l'article 5 actuel de la loi.

Il en irait autrement si l'article 5 de la loi définissait les organisations considérées comme représentatives en fonction de critères non discriminatoires, échappant aux reproches formulés en B.11 à B.14.

B.23. Dans cette mesure, la première question préjudicielle appelle une réponse affirmative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - L'article 5, 2°, de la loi du 11 juillet 1978 « organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel militaire des forces terrestre, aérienne et navale et du service médical » viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il dispose qu'une seule organisation syndicale agréée au sens de l'article 12 de la même loi est considérée comme représentative pour siéger dans le comité de négociation. - Les articles 8, 10 et 14 de la même loi violent les articles 10 et 11 de la Constitution en tant que les organisations syndicales représentatives qu'ils visent ne sont que celles mentionnées à l'article 5 de cette loi.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 18 avril 2002.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux. M. Melchior.

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