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Arrêt
publié le 25 janvier 2000

Extrait de l'arrêt n° 115/99 du 10 novembre 1999 Numéros du rôle : 1341 et 1460 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 8, alinéa 1 er , de l'arrêté-loi du 14 septembre 1918 concernant la législation pénale, l'a La Cour d'arbitrage, composée du président M. Melchior et du juge H. Boel, faisant fonction de p(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 115/99 du 10 novembre 1999 Numéros du rôle : 1341 et 1460 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 8, alinéa 1er, de l'arrêté-loi du 14 septembre 1918 concernant la législation pénale, l'article 10bis de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale et l'article 19 de la loi du 15 juin 1899 comprenant le titre Ier du Code de procédure pénale militaire, posées par la Cour de cassation.

La Cour d'arbitrage, composée du président M. Melchior et du juge H. Boel, faisant fonction de président, et des juges L. François, J. Delruelle, A. Arts, R. Henneuse et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles a. Par arrêt du 6 mai 1998 en cause de F.Leclercq contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 27 mai 1998, la Cour de cassation a posé les questions préjudicielles suivantes : 1. « L'article 8, alinéa 1er, de l'arrêté-loi du 14 septembre 1918 [concernant la législation pénale] viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'il édicte que les décisions de la Cour militaire ' sont prises à la majorité des voix ', sans imposer qu'elles le soient à l'unanimité de ses membres lorsqu'elles réforment un acquittement ou qu'elles aggravent les peines prononcées par le conseil de guerre, alors que l'article 211bis du Code d'instruction criminelle, applicable aux juridictions d'appel ordinaires, dispose que s'il y a eu jugement d'acquittement, la juridiction d'appel ne peut prononcer la condamnation qu'à l'unanimité de ses membres et que la même unanimité est nécessaire pour que la juridiction d'appel puisse aggraver les peines prononcées par le premier juge ? » 2.« Les articles 10bis de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale et 19, alinéa 2, du Code de procédure pénale militaire violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'ils disposent respectivement que les personnes attachées, à quelque titre que ce soit, à une fraction de l'armée se trouvant en territoire étranger ou celles qui sont autorisées à suivre un corps de troupe qui en fait partie, qui auront commis une infraction quelconque sur le territoire d'un Etat étranger, pourront être poursuivies en Belgique et que, lorsqu'en dehors du temps de guerre, une fraction de l'armée se trouve en territoire étranger, elles seront jugées par les juridictions militaires pour toutes les infractions commises par elles sur le territoire étranger, alors que les personnes non visées par ces dispositions légales échappent à cette compétence élargie des juridictions militaires ? » Cette affaire est inscrite sous le numéro 1341 du rôle de la Cour. b. Par arrêt du 20 octobre 1998 en cause de D.Nassel contre le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 4 novembre 1998, la Cour de cassation a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 8, alinéa 1er, de l'arrêté-loi du 14 septembre 1918 modifiant le Code pénal, le Code pénal militaire et le Code de procédure pénale militaire, relatif à, notamment, le mode de vote à la cour militaire et aux conseils de guerre, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, en tant qu'il dispose que les décisions de, notamment, la Cour militaire "sont prises à la majorité des voix", sans prescrire qu'elles sont prises à l'unanimité de ses membres lorsqu'elles modifient un acquittement ou qu'elles aggravent les peines infligées par le conseil de guerre, alors que l'article 211bis du Code d'instruction criminelle, applicable aux juridictions d'appel ordinaires, dispose que, s'il y a jugement d'acquittement, la juridiction d'appel ne peut prononcer la condamnation qu'à l'unanimité de ses membres, et que la même unanimité est requise pour que le juge d'appel puisse aggraver des peines prononcées contre le prévenu ? » Cette affaire est inscrite sous le numéro 1460 du rôle de la Cour. (...) IV. En droit (...) Les dispositions en cause et la compétence de la Cour B.1. La Cour de cassation interroge la Cour sur la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution, d'une part, de l'article 8, alinéa 1er, de l'arrêté-loi du 14 septembre 1918 et, d'autre part, de l'article 10bis de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale et de l'article 19, alinéa 2, de la loi du 15 juin 1899 comprenant le titre Ier du Code de procédure pénale militaire.

L'article 8, alinéa 1er, de l'arrêté-loi du 14 septembre 1918 modifiant le Code pénal, le Code pénal militaire et le Code de procédure pénale militaire dispose : « Les décisions de la cour militaire et des conseils de guerre sont prises à la majorité des voix. » L'article 10bis de la loi du 17 avril 1878 dispose : « Toute personne soumise aux lois militaires qui aura commis une infraction quelconque sur le territoire d'un Etat étranger pourra être poursuivie en Belgique.

Il en est de même des personnes qui sont attachées à quelque titre que ce soit à une fraction de l'armée se trouvant en territoire étranger ou de celles qui sont autorisées à suivre un corps de troupe qui en fait partie. » L'article 19 de la loi du 15 juin 1899 comprenant le titre Ier du Code de procédure pénale militaire - dont seul l'alinéa 2 est en cause - dispose : « En temps de guerre, les personnes attachées à l'armée, à quelque titre que ce soit, et celles autorisées à suivre un corps de troupes sont jugées par la juridiction militaire pour toutes les infractions qui peuvent leur être imputées, à l'exception de celles visées à l'article 23 et qui ont été commises sur le territoire belge.

Lorsqu'en dehors du temps de guerre, une fraction de l'armée se trouve en territoire étranger, les personnes qui y sont attachées, à quelque titre que ce soit, et celles autorisées à suivre un corps de troupe qui en fait partie, sont jugées par les juridictions militaires pour toutes les infractions commises par elles sur le territoire étranger. » B.2. Le Conseil des ministres met en doute la compétence de la Cour pour connaître d'un arrêté-loi, en l'espèce celui précité du 14 septembre 1918.

S'il est vrai que les arrêtés-lois ne figurent pas expressément parmi les normes soumises au contrôle de la Cour par l'article 142 de la Constitution et par les articles 1er et 26 de la loi spéciale sur la Cour d'arbitrage, le Constituant et le législateur spécial ne peuvent que les avoir implicitement visés dès lors que leur sont reconnus exactement les mêmes effets qu'aux lois proprement dites, d'autant que leur processus exceptionnel d'élaboration n'a pu comporter les mêmes garanties que celui des lois.

La Cour est compétente pour connaître de la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution de l'arrêté-loi du 14 septembre 1918; l'exception soulevée par le Conseil des ministres est rejetée.

Quant au fond B.3. Aux termes de l'article 157, alinéa 1er, de la Constitution : « Des lois particulières règlent l'organisation des tribunaux militaires, leurs attributions, les droits et obligations des membres de ces tribunaux, et la durée de leurs fonctions. » B.4. En prévoyant ainsi que des lois particulières règlent, notamment, l'organisation des tribunaux militaires, la Constitution pose qu'une différence de traitement est admissible en principe, mais n'a pas dispensé le législateur de tout égard aux articles 10 et 11.

En ce qui concerne l'article 8, alinéa 1er, de l'arrêté-loi du 14 septembre 1918 (affaire portant le numéro 1341 du rôle, première question, et affaire portant le numéro 1460 du rôle) B.5. L'article 8, alinéa 1er, précité, prévoit que les décisions de la Cour militaire sont prises à la majorité des voix, notamment en cas d'aggravation des peines prononcées en première instance, alors que, dans la même hypothèse, l'article 211bis du Code d'instruction criminelle prévoit, s'agissant des juridictions d'appel ordinaires, que les décisions doivent être prises à l'unanimité.

Une différence de traitement est donc opérée entre justiciables, s'agissant de la majorité selon laquelle doit être décidée une aggravation de la peine prononcée en première instance, entre ceux relevant de la Cour militaire et ceux relevant des juridictions d'appel ordinaires.

B.6. La différence de traitement entre certaines catégories de personnes qui résulte de l'application de procédures différentes devant des juridictions différentes et dans des circonstances au moins partiellement différentes n'est pas discriminatoire en soi. Il ne pourrait y avoir de discrimination que si la différence de traitement résultant de l'application de ces procédures allait de pair avec une limitation disproportionnée des droits des parties concernées.

B.7. L'article 211bis du Code d'instruction criminelle, inséré par la loi du 10 octobre 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/10/1967 pub. 10/09/1997 numac 1997000085 source ministere de l'interieur Loi contenant le Code judiciaire - Traduction allemande des articles 728 et 1017 fermer (article 3), reproduit l'article 140, alinéas 2 et 3, de la loi du 18 juin 1869 sur l'organisation judiciaire, alinéas insérés par l'article 2 de la loi du 4 septembre 1891.

Les travaux préparatoires de la loi du 4 septembre 1891 indiquent que l'unanimité qu'elle impose désormais, pour aggraver la peine prononcée en première instance, visait à compenser la réduction, de cinq à trois, du nombre des conseillers composant les chambres correctionnelles des cours d'appel; ainsi a-t-il été relevé (Doc. parl., Sénat, 1890-1891, rapport de la Commission de la justice, n° 97, pp. 3 et 4) que : « Le projet de loi fait un nouveau pas dans la même voie, en réduisant à trois le nombre des conseillers appelés à statuer en appel dans les affaires correctionnelles et à former la chambre des mises en accusation.

Cette réduction nous semble complètement justifiée. [...] Après des débats animés, la Chambre s'est prononcée en faveur de cette importante réforme, et elle s'est ralliée à un amendement du Gouvernement, établissant une garantie nouvelle en faveur de la défense du prévenu : « S'il y a jugement d'acquittement ou ordonnance de non-lieu rendus par un tribunal de première instance en matière répressive, la Cour saisie de l'appel ne pourra prononcer la condamnation ou le renvoi qu'à l'unanimité de ses membres. La même unanimité sera exigée pour que la Cour puisse aggraver les peines prononcées contre l'inculpé. » Cette disposition répond à l'objection la plus sérieuse élevée contre la réduction du nombre des conseillers siégeant à la chambre correctionnelle ou à la chambre des mises en accusation. » B.8.1. En application de l'article 105 du Code de procédure pénale militaire et de l'article 1er de l'arrêté royal du 18 août 1914 déterminant la composition de la Cour militaire en temps de guerre, celle-ci est composée de cinq membres.

Les chambres correctionnelles des cours d'appel sont, pour leur part, composées de trois conseillers en application de l'article 109bis, § 3, du Code judiciaire.

Les chambres correctionnelles des tribunaux de première instance jugeant en appel des jugements des tribunaux de police sont composées de trois juges en application de l'article 92, § 1er, 3°, du même Code.

B.8.2. En considération de la composition plus restreinte des chambres correctionnelles d'appel par rapport à la composition de la Cour militaire, d'une part, et de l'intérêt de la bonne administration de la justice - dès lors qu'il s'agit d'aggraver la peine prononcée en première instance -, d'autre part, il n'apparaît pas déraisonnable que, pour de telles décisions, la règle de l'unanimité soit prescrite au niveau des chambres correctionnelles des cours d'appel et non pas devant la Cour militaire; la Cour observe en particulier que, vu la composition respective de ces juridictions, cette différence de traitement n'aboutit pas à ce que la décision d'aggraver une peine prononcée en première instance puisse être prise par un nombre plus réduit de membres devant la Cour militaire que devant les chambres correctionnelles : en effet, l'application de la règle de la majorité à un siège composé de cinq membres aboutit nécessairement à ce que trois membres au moins - soit à tout le moins le même nombre de conseillers dont l'unanimité est requise par l'article 211bis - soient favorables à la décision d'aggraver la peine originaire.

Par ailleurs, l'exigence du vote au scrutin secret au sein de la Cour militaire est de nature à garantir l'indépendance des membres militaires de cette juridiction qui sont de grades différents.

B.8.3. Il résulte de ce qui précède que les droits des justiciables déférés devant la Cour militaire ne sont pas, du fait du mode de vote retenu par l'article 8, alinéa 1er en cause, limités de façon disproportionnée; cette disposition ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

En ce qui concerne l'article 10bis de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale et l'article 19, alinéa 2, de la loi du 15 juin 1899 comprenant le titre Ier du Code de procédure pénale militaire (affaire portant le numéro 1341 du rôle, seconde question) B.9.1. En vertu des articles 3 et 4 du Code pénal, la compétence des juridictions belges est limitée, en matière pénale, aux infractions commises sur le territoire du Royaume; celles commises en dehors de ce territoire sont toutefois punissables « dans les cas déterminés par la loi », au nombre desquels figure l'hypothèse visée à l'article 10bis de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale, relative aux infractions commises par les militaires (alinéa 1er) et les personnes attachées à ou autorisées à suivre un corps d'armée (alinéa 2).

B.9.2. Par ailleurs, alors que l'article 21 du Code de procédure pénale militaire attribue aux juridictions militaires la connaissance de « toutes les infractions aux lois pénales militaires ou de droit commun » commises par les personnes relevant de ces tribunaux, l'article 23 du même Code déroge toutefois à cette compétence générale en précisant diverses matières - notamment fiscales - dans lesquelles les militaires relèvent de la seule compétence des juridictions ordinaires.

En vertu de l'article 23, alinéa 2, et de l'article 19, alinéa 1er, du Code de procédure pénale militaire, cette exception n'est toutefois pas applicable lorsque les infractions en ces matières sont commises à l'étranger par des militaires ou, en temps de guerre, par des personnes autorisées à les suivre; de même l'article 19, alinéa 2, en cause défère-t-il, en dehors du temps de guerre, les personnes autorisées à suivre l'armée à la compétence des juridictions militaires pour toutes les infractions commises sur le territoire étranger, sans exclure les infractions dans les matières visées à l'article 23. Dans ces matières, les infractions restent dès lors de la compétence des juridictions militaires, lorsqu'elles sont commises sur le territoire étranger.

B.9.3. S'agissant des infractions commises à l'étranger, les personnes attachées à un corps d'armée ou autorisées à le suivre, voient la compétence des juridictions belges étendue auxdites infractions, d'une part, et sont privées de la compétence des juridictions ordinaires à l'égard de celles de ces infractions visées à l'article 23 du Code de procédure pénale militaire, d'autre part. C'est cette double différence de traitement dont il est demandé à la Cour d'apprécier la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

En ce qui concerne l'article 10bis de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale du Code d'instruction criminelle B.10.1. L'article 10bis en cause a été inséré dans la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale par l'article 1er de la loi du 14 juillet 1951.

Selon les travaux préparatoires, l'extension de compétence des juridictions belges aux infractions commises à l'étranger par les militaires et les civils les accompagnant visait à éviter les impunités de droit ou de fait susceptibles de jouer en faveur des personnes précitées afin, d'une part, de protéger la réputation de la Belgique et, d'autre part, d'assurer le maintien de la discipline au sein de l'armée (Doc. parl., Chambre, 1950-1951, n° 374, pp. 1 à 3).

B.10.2. En étendant la compétence des juridictions belges aux infractions commises à l'étranger par les militaires et les personnes attachées à la troupe ou autorisées à la suivre, le législateur a pris une mesure pertinente au regard des objectifs poursuivis. Applicable tant aux militaires qu'à ceux qui les assistent ou les accompagnent - et évoluent dès lors dans le même milieu -, cette mesure, en garantissant la répression effective des infractions que ces personnes commettraient à l'étranger, est de nature à contribuer tant au maintien de la discipline que requiert l'efficacité des opérations militaires qu'à la sauvegarde du crédit de la Belgique à l'égard de l'Etat étranger comme de sa population.

La différence de traitement selon que les personnes sont ou non soumises à cette mesure, n'affecte pas de manière disproportionnée les droits de ceux auxquels elle s'applique et est dès lors raisonnablement justifiée.

En ce qui concerne l'article 19, alinéa 2, du Code de procédure pénale militaire B.11.1. L'article 19, alinéa 2, attribue aux juridictions militaires, en dehors du temps de guerre, la compétence de juger « toutes les infractions » commises par les personnes attachées à la troupe ou autorisées à la suivre, dès lors que ces infractions ont été commises sur le territoire étranger.

Cette disposition a été insérée dans le Code de procédure pénale militaire par la loi du 25 novembre 1948. Selon ses travaux préparatoires, cette modification législative visait à maintenir, en temps de paix, la compétence des juridictions militaires pour les infractions commises à l'étranger par les personnes accompagnant l'armée, cette compétence n'étant assurée à l'époque qu'en temps de guerre (article 19 originaire de la loi du 15 juin 1899). Ainsi a-t-il été exposé (Doc. parl., Sénat, 1947-1948, rapport, n° 520, 28 septembre 1948) : « La remise de l'armée sur pied de paix aurait pour effet de mettre fin à cette compétence puisque celle-ci, aux termes de la loi de 1899, ne vaut que pour le temps de guerre. » B.11.2. Par ailleurs, l'article 19, alinéa 1er, réglemente les mêmes infractions commises à l'étranger par les mêmes personnes en temps de guerre; cette disposition résulte de la modification de l'article 19 originaire de la loi du 15 juin 1899 par la loi du 27 février 1958, laquelle avait un double objet.

D'une part, l'article 1er de cette loi insère dans le Code pénal militaire un article 57bis, qui érige en infraction de droit belge, en ce qui concerne les militaires ou ceux qui les accompagnent, le fait de contrevenir, à l'étranger, à la législation locale en diverses matières, notamment fiscales et de roulage.

D'autre part, les articles 3 et 5 modifient l'article 19, alinéa 1er, et 23 du Code de procédure pénale militaire, cette modification étant inspirée, selon les travaux préparatoires, par un souci de cohérence (Doc. parl., Sénat, 1956-1957, n° 54, séance du 11 décembre 1956, avis du Conseil d'Etat, p. 11) : « En ce qui concerne la compétence des juridictions militaires, la situation faite aux personnes attachées à l'armée ou autorisées à suivre un corps de troupes, dont il est question à l'article 19, n'est pas la même que celle faite aux militaires, dont il est question à l'article 23.

Il suffit de noter, à cet égard, qu'en temps de guerre, les personnes visées à l'article 19 sont jugées par des juridictions militaires pour toutes les infractions, y compris celles prévues par l'article 23, alors que pour ces dernières infractions les militaires relèvent en principe de la juridiction ordinaire.

Le projet L.4742 entend rapprocher la situation des personnes appartenant à ces deux catégories.

Sous l'empire des articles 19 et 23 modifiés, en temps de paix comme en temps de guerre, ces deux catégories de personnes seront désormais jugées par les juridictions militaires pour les infractions visées à l'article 23 commises à l'étranger et par les juridictions ordinaires pour les mêmes infractions commises en Belgique. » Conformément à ce souci de cohérence, l'article 23, alinéa 2, et l'article 19, alinéa 1er, nouveaux maintiennent - le premier en ce qui concerne les militaires et le second pour les personnes attachées à la troupe ou autorisées à la suivre en temps de guerre - la compétence des juridictions militaires pour les infractions dans les matières visées à l'article 23, dès lors qu'elles sont commises sur un territoire étranger.

B.12.1. La seconde question préjudicielle posée par le juge a quo dans l'affaire portant le numéro 1341 du rôle, en ce qu'elle vise l'article 19, alinéa 2, interroge la Cour sur la compatibilité de cette disposition avec le principe d'égalité en ce que les personnes attachées à une fraction ou accompagnant la troupe, en dehors du temps de guerre, « seront jugées par les juridictions militaires pour toutes les infractions commises par elles sur le territoire étranger, alors que les personnes non visées par ces dispositions légales échappent à cette compétence élargie des juridictions militaires ».

B.12.2. Il ressort des articles 19, alinéas 1er et 2, 21 et 23, alinéas 1er et 2, précités que, s'agissant des infractions commises à l'étranger, aucune différence de traitement n'est opérée quant à l'étendue de la compétence des juridictions militaires entre, d'une part, les personnes attachées à la troupe ou autorisées à la suivre en temps de paix et, d'autre part, celles qui leur sont comparables, à savoir les mêmes personnes considérées en temps de guerre et les militaires : les infractions commises par ces personnes à l'étranger, en ce compris dans les matières visées à l'article 23 du Code de procédure pénale militaire, relèvent pour l'ensemble des personnes précitées de la compétence des juridictions militaires. La Cour observe, à l'inverse, qu'il n'y a pas davantage de différence de traitement entre les personnes citées ci-dessus en ce qui concerne les infractions dans les matières visées à l'article 23, dès lors qu'elles ont été commises en Belgique : en effet, dans cette hypothèse, il ressort des dispositions précitées que seules les juridictions ordinaires sont compétentes.

B.12.3. En l'absence d'infraction à la loi belge, il n'existe aucune raison de soumettre des personnes qui ne sont pas attachées à l'armée ou autorisées à suivre un corps de troupe à la compétence des juridictions militaires.

B.13. Il résulte de ce qui précède que la question préjudicielle portant sur l'éventuelle non-compatibilité avec le principe d'égalité de l'article 10bis de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale et de l'article 19, alinéa 2, du Code de procédure pénale militaire appelle une réponse négative.

B.14. L'ensemble des questions appellent en conséquence une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : 1. L'article 8, alinéa 1er, de l'arrêté-loi du 14 septembre 1918, en tant qu'il édicte que les décisions de la Cour militaire « sont prises à la majorité des voix », sans imposer qu'elles le soient à l'unanimité de ses membres lorsqu'elles réforment un acquittement ou qu'elles aggravent les peines prononcées par le Conseil de guerre, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.2. L' article 10bis de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, en tant qu'il dispose que les personnes attachées, à quelque titre que ce soit, à une fraction de l'armée se trouvant en territoire étranger ou celles qui sont autorisées à suivre un corps de troupe qui en fait partie, qui auront commis une infraction quelconque sur le territoire d'un Etat étranger, pourront être poursuivies en Belgique.3. L'article 19, alinéa 2, de la loi du 15 juin 1899 comprenant le titre Ier du Code de procédure pénale militaire ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'il dispose que les personnes attachées, à quelque titre que ce soit, à une fraction de l'armée se trouvant en territoire étranger ou celles autorisées à suivre un corps de troupe qui en fait partie seront, en dehors du temps de guerre, jugées par les juridictions militaires pour toutes les infractions commises sur le territoire étranger. Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 10 novembre 1999.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

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