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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 06 décembre 2002

Arrêt n° 159/2002 du 6 novembre 2002 Numéro du rôle : 2283 En cause : le recours en annulation des articles 2, 4° et 5°, et 38 du décret de la Région wallonne du 12 avril 2001 relatif à l'organisation du marché régional de l'électricité, intr La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R.(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 159/2002 du 6 novembre 2002 Numéro du rôle : 2283 En cause : le recours en annulation des articles 2, 4° et 5°, et 38 du décret de la Région wallonne du 12 avril 2001 relatif à l'organisation du marché régional de l'électricité, introduit par les intercommunales Ipalle, Intradel, I.C.D.I. et I.B.W. La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, L. Lavrysen et J.-P. Snappe, assistée du greffier P.- Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 30 octobre 2001 et parvenue au greffe le 31 octobre 2001, un recours en annulation des articles 2, 4° et 5°, et 38 du décret de la Région wallonne du 12 avril 2001 relatif à l'organisation du marché régional de l'électricité (publié au Moniteur belge du 1er mai 2001) a été introduit par la société coopérative intercommunale à responsabilité limitée Ipalle, dont le siège social est établi à 7503 Froyennes, Chemin de l'Eau Vive 1, la société coopérative intercommunale à responsabilité limitée Intradel, dont le siège social est établi à 4040 Herstal, Port de Herstal, Pré Wigi, l'Association intercommunale pour la collecte et la destruction des immondices de la région de Charleroi, dont le siège social est établi à 6001 Charleroi, rue de la Vieille place 51, et la Société coopérative intercommunale du Brabant wallon, dont le siège social est établi à 1400 Nivelles, rue de la Religion 10.

II. La procédure Par ordonnance du 31 octobre 2001, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé qu'il n'y avait pas lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 25 janvier 2002.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 31 janvier 2002.

Par ordonnance du 5 mars 2002, le président en exercice a prorogé de vingt jours le délai pour l'introduction d'un mémoire, à la suite de la demande du Gouvernement wallon du 4 mars 2002.

Cette ordonnance a été notifiée au Gouvernement wallon par lettre recommandée à la poste le 5 mars 2002.

Le Gouvernement wallon, rue Mazy 25-27, 5100 Namur, a introduit un mémoire, par lettre recommandée à la poste le 28 mars 2002.

Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 17 avril 2002.

Les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse, par lettre recommandée à la poste le 21 mai 2002.

Par ordonnance du 27 mars 2002, la Cour a prorogé jusqu'au 30 octobre 2002 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 6 juin 2002, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 27 juin 2002, après avoir invité les parties à répondre à l'audience à la question suivante : « Lors du calcul de la quantité de dioxyde de carbone émise par une filière de production hybride, telle l'incinération de déchets, pour l'application de l'article 2, 5°, du décret, la part de dioxyde de carbone produite par l'incinération de la fraction organique biodégradable des déchets est-elle déduite du total de la quantité de dioxyde de carbone émise ? » Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 11 juin 2002.

A l'audience publique du 27 juin 2002 : - ont comparu : . Me P. Boucquey loco Me E. Gillet, avocats au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes; . Me J. Sambon, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement wallon; - les juges-rapporteurs P. Martens et L. Lavrysen ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - Quant à la recevabilité A.1.1. Les requérantes estiment qu'elles disposent de l'intérêt requis pour agir devant la Cour, étant donné qu'elles produisent toutes quatre de l'électricité en Wallonie à partir de l'incinération de la fraction organique biodégradable des déchets. Leur situation est directement et défavorablement affectée par les dispositions attaquées qui, dans certaines interprétations faites par leurs auteurs, les excluent entièrement de la catégorie d'électricité verte produite à partir de sources d'énergie renouvelables. Les conséquences de cette exclusion leur sont particulièrement défavorables, en ce qu'elles ne bénéficieront pas des mesures de soutien financier prévues par le décret, qu'elles ne recevront pas de certificats verts et qu'elles pourraient ne pas jouir du bénéfice du droit de priorité en cas de congestion du réseau, ce qui entraînerait une perte de production.

A.1.2. Le Gouvernement wallon estime qu'en l'absence d'informations précises au sujet de l'adoption des statuts des requérantes dans le respect des dispositions législatives, de la désignation des organes de ces personnes morales et du respect des règles relatives à la publicité de cette désignation, ainsi que de l'existence d'une délibération adéquate de la part de l'organe compétent, il n'est pas possible de déterminer si le recours des quatre sociétés requérantes est recevable.

A.1.3. En annexe à leur mémoire en réponse, les parties requérantes communiquent à la Cour les pièces qui montrent qu'elles ont introduit leur requête dans le respect de toutes les procédures et formalités légales et statutaires en vigueur.

A.1.4. Le Gouvernement wallon s'interroge ensuite sur le caractère licite de l'intérêt à agir dont les parties requérantes se prévalent, étant donné qu'en aucune manière, leurs statuts, qui définissent leur objet social comme portant sur le traitement des déchets, entendu comme l'élimination, le ramassage, l'exploitation des décharges et le recyclage des déchets, ne les habilitent à être productrices d'électricité.

A.1.5. Les parties requérantes répondent que si la production d'électricité n'est pas visée explicitement par les dispositions de leurs statuts relatives à leur objet social, cette activité est implicitement, mais certainement, comprise dans les missions qu'elles poursuivent, étant donné que la production d'électricité par incinération des déchets ménagers constitue une manière de traiter les déchets, c'est-à-dire un procédé permettant d'utiliser lesdits déchets comme combustible pour produire de l'énergie sous forme d'électricité ou de chaleur. Elles ajoutent que la production d'électricité par ce procédé constitue également une valorisation, une transformation, un recyclage des déchets, ce qui est spécifiquement visé par leurs statuts. Elles précisent enfin que le décret du 27 juin 1996 relatif aux déchets, le Plan wallon des déchets ainsi que la directive 2000/76/CEE du Parlement européen et du Conseil du 4 décembre 2000 sur l'incinération des déchets prévoient, voire exigent que la chaleur produite par l'incinération soit valorisée, notamment par la production d'électricité ou de chaleur.

A.1.6. Le Gouvernement wallon estime enfin qu'à la lecture des recours, il convient d'en limiter l'étendue à l'article 2, 5°, et à la seconde phrase de l'alinéa 3 du paragraphe 2 de l'article 38.

Premier moyen A.2.1. Les requérantes prennent un premier moyen de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il ressort des travaux parlementaires que ne peut être considérée comme électricité verte, au sens de l'article 2, 4° et 5°, du décret, l'électricité produite à partir de l'incinération de la fraction organique biodégradable des déchets, ou que l'incinération de cette fraction n'est pas un procédé mettant en oeuvre une source d'énergie renouvelable, au sens de l'article 2, 4°, alors que d'autres techniques de production d'électricité à partir de la fraction organique biodégradable des déchets, et particulièrement la biométhanisation, ont été reconnues comme des procédés mettant en oeuvre une source d'énergie renouvelable et comme permettant la production d'électricité verte.

A.2.2. Les requérantes exposent que s'il ne ressort pas du texte des articles 2, 4° et 5°, du décret que l'incinération de la fraction organique biodégradable des déchets puisse être exclue de la définition de l'électricité verte, il se déduit de l'examen des différentes moutures des avant-projets, ainsi que des travaux préparatoires du décret et des déclarations qu'ils reproduisent, que le Gouvernement et le législateur wallons ont entendu exclure l'incinération des déchets de la définition de l'électricité verte.

A.2.3. Elles estiment que cette exclusion établit une différence de traitement entre des procédés similaires de production d'électricité.

En effet, tous les procédés utilisant la fraction biodégradable des déchets devant être considérés comme sources d'énergie renouvelables, ils sont tous susceptibles de produire de l'électricité verte. En particulier, l'incinération et la biométhanisation de la fraction organique biodégradable des déchets constituent des procédés identiques à maints égards. La distinction opérée entre ces procédés par le législateur wallon est dès lors non justifiée.

A.2.4. Le Gouvernement wallon fait remarquer que le moyen ne précise pas la ou les catégories de personnes qui se verraient appliquer un traitement discriminatoire au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, et estime qu'il appartiendra à la Cour d'apprécier la recevabilité de moyens ainsi formulés.

A.2.5. Les requérantes répondent à cet argument que leur recours comporte une comparaison entre les personnes qui produisent de l'électricité au départ de l'incinération de la fraction organique biodégradable des déchets et celles qui en produisent au départ de la même source, mais sans incinération.

A.2.6. Sur le fond, le Gouvernement wallon fait valoir que les requérantes émettent une critique hypothétique : le moyen serait fondé si l'électricité produite à partir de l'incinération de la fraction organique biodégradable des déchets ne pouvait être considérée comme électricité verte au sens de l'article 2, 5°, du décret, ou si l'incinération de la fraction organique biodégradable des déchets ne pouvait être considérée comme un procédé mettant en oeuvre une source d'énergie renouvelable au sens de l'article 2, 4°, du décret. Or, la fraction organique biodégradable des déchets est considérée, par l'article 2, 4°, comme source d'énergie renouvelable. Le dispositif décrétal ne promeut aucune technologie particulière, aucune filière de production spécifique, mais se concentre sur le critère d'émission de dioxyde de carbone : la définition d'électricité verte englobe toutes les filières de production qui recourent aux sources d'énergie renouvelables pour autant qu'elles assurent une économie d'au moins 10 p.c. de production de dioxyde de carbone. Il s'ensuit que les incinérateurs, dans la mesure où ils utilisent les déchets organiques biodégradables et assurent une économie de dioxyde de carbone d'au moins 10 p.c., constituent une filière de production d'électricité verte. Il en conclut que le moyen, reposant sur une interprétation erronée de l'article 2, 5°, est non fondé.

A.2.7. Les parties requérantes répondent que le Gouvernement ne justifie pas raisonnablement pour quelles raisons la biométhanisation a toujours été considérée, dans les travaux préparatoires, comme un mode de production d'électricité verte, alors que l'incinération a toujours été exclue du régime privilégié accordé aux modes de production d'électricité verte. Elles répètent que cette distinction de traitement n'est pas justifiée au regard de l'objectif du législateur, et qu'elle est disproportionnée.

Deuxième moyen A.3.1. Les requérantes prennent un deuxième moyen de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que, dans une certaine interprétation des dispositions attaquées, le seuil de 10 p.c. d'économie de dioxyde de carbone doit être atteint tant par les procédés qui ont recours aux sources d'énergie renouvelables que par la cogénération de qualité, alors qu'une telle exigence revient à mettre sur pied d'égalité des procédés de production d'électricité qui ne sont pas comparables.

A.3.2. Elles exposent que la cogénération consiste à produire à la fois de la chaleur et de l'électricité. Elle est qualifiée de « cogénération de qualité » lorsqu'elle réalise une économie d'énergie par rapport à la production séparée des mêmes quantités de chaleur et d'électricité dans des installations modernes de référence. Ces systèmes utilisant essentiellement de l'électricité fossile pour fonctionner, il est légitime que, pour se voir attribuer le label « électricité verte », ils doivent attester d'une économie de dioxyde de carbone. Les ressources mondiales d'énergie fossile étant limitées, l'utilisation de sources renouvelables est déjà un objectif en soi. La cogénération permet une économie de combustible fossile, mais en proportion très minime en comparaison de l'économie réalisée par l'utilisation de sources d'énergie renouvelables. L'intérêt de son utilisation doit donc résider aussi, nécessairement, dans l'économie réalisée sur les émissions. Tel n'est pas le cas de l'utilisation de sources d'énergie renouvelables. Le seuil de dioxyde de carbone évité fixé par le législateur wallon pour qualifier de « verte » l'électricité produite à partir de ces sources est donc à la fois disproportionné et inadéquat.

A.3.3. Le Gouvernement wallon expose qu'est ici en jeu l'objectif même du législateur : pour aboutir aux critères de réduction de dioxyde de carbone définis par le Protocole de Kyoto, il faut que la production d'énergie en génère moins. Le label d'électricité verte ne sera octroyé qu'aux filières de production qui participent à cette économie d'émission de dioxyde de carbone. Dans cette optique, seul un critère de résultat est retenu par le législateur, indépendamment de la technologie utilisée par les producteurs d'électricité. Il considère qu'en voulant intégrer une distinction fondée sur la technologie employée, les requérantes en viennent à contester l'objectif poursuivi par le législateur, puisqu'au regard de cet objectif, toutes les filières de production doivent être placées sur un pied d'égalité : le critère d'économie de dioxyde de carbone s'applique tant aux filières de production d'électricité recourant à la cogénération de qualité qu'aux filières recourant aux sources d'énergie renouvelables puisque l'objectif du législateur est de ne qualifier d'électricité verte que l'électricité émanant d'une filière de production participant à l'économie en cause.

A.3.4. Les requérantes répondent qu'elles critiquent qu'il ne soit pas fait de distinction entre la cogénération de qualité utilisant des combustibles fossiles et la production d'électricité au départ de sources d'énergie renouvelables, et répètent qu'elles considèrent ce traitement identique comme discriminatoire, d'une part parce que l'on ne tient pas compte de l'économie d'émissions de dioxyde de carbone réalisée par le fait même de recourir à des sources d'énergie renouvelables, et d'autre part parce que l'on ne tient pas compte de l'économie des réserves mondiales de sources d'énergie fossiles que réalise le recours à des sources d'énergie renouvelables, alors que cette économie est au coeur de toute politique écologique actuelle.

Troisième moyen A.4.1. Les requérantes prennent un troisième moyen de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que, dans une certaine interprétation des dispositions attaquées, le calcul de l'économie de dioxyde de carbone réalisée, pour vérifier si le seuil de 10 p.c. est atteint, doit être effectué en tenant compte de l'intégralité du dioxyde de carbone produit par le procédé de production d'électricité reposant sur l'utilisation de sources d'énergie renouvelables, alors qu'une telle exigence revient à comptabiliser en défaveur des procédés utilisant des sources d'énergie renouvelables une électricité produite à partir de combustibles fossiles.

A.4.2. Elles exposent que les déchets ne sont considérés comme sources d'énergie renouvelables qu'à concurrence de la fraction organique biodégradable. Elles ajoutent que le ministre wallon des Transports, de la Mobilité et de l'Energie considère que les installations d'incinération de déchets sont des installations hybrides de production d'électricité, fonctionnant à la fois avec du combustible fossile et de l'énergie renouvelable. En vertu de l'article 38 du décret, s'agissant d'une installation hybride, il est tenu compte de l'ensemble des émissions de l'installation pour calculer le seuil de 10 p.c. d'économie de dioxyde de carbone.

A.4.3. Les requérantes estiment que l'application du même seuil de 10 p.c. d'économie de dioxyde de carbone à tous les procédés utilisant des sources d'énergie renouvelables opère une discrimination injustifiée entre ces sources elles-mêmes, car l'incinération de la fraction organique biodégradable des déchets serait automatiquement exclue comme procédé permettant de produire de l'électricité verte, alors qu'elle figure dans la liste des sources d'énergie renouvelables.

A.4.4. Le Gouvernement wallon remarque que le moyen est contradictoire, car les parties requérantes y requièrent, à la fois, un traitement équivalent de toutes les installations de production, qu'elles soient hybrides ou non, et un traitement spécifique pour l'incinération de la fraction organique biodégradable des déchets.

A.4.5. Il précise que si l'incinération concerne exclusivement d'autres déchets que la fraction organique biodégradable des déchets, l'électricité produite ne pourra être reconnue comme électricité verte. Par contre, si elle concerne exclusivement la fraction organique biodégradable des déchets, l'électricité produite est reconnue comme électricité verte, puisqu'au niveau de la combustion du combustible, elle génère un taux de 100 p.c. d'économie de dioxyde de carbone. Enfin, si l'incinération concerne partiellement la fraction organique biodégradable des déchets, car elle intègre également d'autres déchets ou d'autres combustibles, l'électricité produite peut être reconnue comme électricité verte, si le critère d'économie de 10 p.c. est atteint. Dans cette hypothèse, et contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l'ensemble de l'électricité produite, en tout ou en partie à partir de sources d'énergies renouvelables, peut recevoir la qualification d'électricité verte pour autant que l'économie de dioxyde de carbone réalisée par l'ensemble de l'installation de production atteigne 10 p.c. par rapport aux installations de référence.

A.4.6. Le Gouvernement wallon expose que l'objectif du législateur est bien que toute l'installation, dans son processus de production, participe à la réduction des émissions de dioxyde de carbone. La prise en compte de la totalité des émissions est donc pertinente et adéquate. Il ajoute que la précision apportée par la seconde phrase de l'article 38, § 2, alinéa 3, du décret, en ce qui concerne les installations hybrides, est redondante avec l'article 2, 5°, du décret.

A.4.7. Enfin, le Gouvernement wallon n'aperçoit pas en quoi, selon les requérantes, l'application du même seuil d'économie à tous les procédés utilisant des sources d'énergie renouvelables revient à opérer une discrimination non justifiée entre les sources d'énergie renouvelables elles-mêmes, puisque précisément toutes les sources d'énergie renouvelables sont mises sur le même pied.

A.4.8. Les requérantes répondent que le mode de calcul qu'elles dénoncent est doublement discriminatoire. D'une part, il ne tient pas compte de l'économie naturelle de dioxyde de carbone générée par les modes de production d'électricité à partir des déchets, alors que la production d'électricité par incinération des déchets évite directement et nécessairement que la même quantité d'électricité doive être produite par une autre technique, ce qui revient à générer une économie de dioxyde de carbone de l'ordre de 70 p.c., équivalente à la fraction organique biodégradable des déchets. D'autre part, en ne tenant compte que du dioxyde de carbone généré par l'ensemble du procédé, le législateur a choisi un critère disproportionné qui a pour effet d'exclure l'incinération de la fraction organique biodégradable des modes de production d'électricité verte, alors que s'il avait pris en compte uniquement la part biodégradable, l'incinération aurait pu, pour cette part, recevoir des certificats verts.

Quatrième moyen A.5.1. Les requérantes prennent un quatrième moyen de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec les articles 3, paragraphe 1, et 11, paragraphes 2 et 3, de la directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité, ainsi qu'avec l'article 3 de la directive 91/156/CEE du Conseil du 18 mars 1991 modifiant la directive 75/442/CEE relative aux déchets.

A.5.2. Elles exposent que la différence de traitement qu'elles dénoncent viole les dispositions de droit européen qu'elles citent et qui consacrent les principes d'égalité et de non-discrimination entre entreprises de production d'électricité, entre utilisateurs du réseau, ainsi que le principe de valorisation des déchets et la hiérarchie des modes de gestion des déchets. Elles ajoutent que les dispositions qu'elles attaquent sont également en contradiction avec le Plan wallon des déchets « horizon 2010 ».

A.5.3. Le Gouvernement wallon estime qu'à l'instar du premier, le quatrième moyen se fonde sur une interprétation erronée de l'article 2, 5°, du décret, et que dès lors il n'est pas fondé.

A.5.4. Les requérantes répondent que le décret offre un traitement plus avantageux à une technique, la biométhanisation, qui, sur le plan de la hiérarchie des modes de gestion des déchets, vient après l'incinération, ce qui est contraire aux dispositions de droit européen visées au moyen. - B - Quant à la recevabilité du recours B.1.1. Les requérantes ont fait parvenir à la Cour, en annexe à leur requête et à leur mémoire en réponse, les documents prouvant qu'elles jouissent de la personnalité juridique et que les décisions d'introduire le recours ont été prises par les organes statutairement compétents à cette fin.

B.1.2. Les requérantes font valoir que les dispositions qu'elles attaquent ont un effet direct et défavorable sur leur activité de production d'électricité. Le Gouvernement wallon doute de la licéité de l'intérêt des requérantes au recours en annulation, eu égard à la définition de leurs objets sociaux respectifs qui ne leur permettraient pas d'exercer cette activité.

B.1.3. Les statuts de l'intercommunale Ipalle précisent qu'elle a pour but, entre autres, « le traitement des déchets ménagers », et qu'elle peut faire « toutes opérations et participer à toutes activités se rattachant directement ou indirectement à cet objet ». Aux termes de ceux de l'intercommunale Intradel, l'exécution de l'objet social de la société « comporte notamment les missions suivantes : 1° l'élimination des déchets ménagers [...] ainsi que tous regroupements, transports et valorisations afférents à cette activité ; 2° le recyclage et toutes autres utilisations des déchets précités ». En vertu de ses statuts, l'intercommunale I.C.D.I. a pour objet « la collecte et la destruction des [...] déchets, déchets ménagers et assimilés » et « la réalisation des activités relatives aux déchets prévues par le Plan wallon des déchets ». Enfin, l'intercommunale I.B.W. a pour but, en vertu de ses statuts, « l'exécution de services au profit de communes en matière de traitement, de collectes et de transport des déchets ».

B.1.4. Dans le contexte actuel de la gestion des déchets, il est raisonnable de considérer que la production d'électricité par incinération des déchets constitue une manière d'éliminer ceux-ci d'une manière respectueuse de l'environnement. Bien que l'objet social tel qu'il est défini par les statuts des requérantes ne prévoie pas explicitement l'activité de production d'électricité, il peut être admis que cette activité en fait implicitement partie. Les requérantes justifient dès lors de l'intérêt requis à l'annulation des dispositions qu'elles attaquent.

Quant à l'étendue du recours B.2.1. Le Gouvernement wallon considère qu'il convient d'exclure du recours l'article 2, 4°, du décret, étant donné qu'il ne ferait pas l'objet de critiques de la part des requérantes.

B.2.2. Les requérantes critiquent la définition, donnée par l'article 2, 5°, du décret, de la notion d' « électricité verte », en ce que l'électricité produite à partir de la fraction organique biodégradable des déchets n'y serait pas incluse.

B.2.3. L'article 2, 5°, du décret, définit la notion d'« électricité verte » comme étant l'électricité produite, notamment, à partir de « sources d'énergie renouvelables ». Cette notion est définie par l'article 2, 4°, du décret. Les deux dispositions doivent donc être lues ensemble, et le recours doit être considéré comme dirigé aussi bien contre l'article 2, 5°, que contre l'article 2, 4°.

B.3.1. Le Gouvernement wallon considère encore qu'il convient de limiter le recours, en ce qui concerne l'article 38 du décret, à la seconde phrase de l'alinéa 3 du paragraphe 2 de cette disposition.

B.3.2. Le troisième moyen, dirigé contre l'article 38, critique le fait que le calcul de l'économie de dioxyde de carbone réalisée par la filière de production d'électricité verte soit fait sur l'intégralité du dioxyde de carbone produit, que l'installation soit qualifiée d'« hybride » ou non.

B.3.3. Cette critique ne visant que la seconde phrase de l'alinéa 3 du deuxième paragraphe de l'article 38, il s'ensuit que le recours est limité à cette seule partie de la disposition.

Quant aux dispositions attaquées B.4.1. Les dispositions utiles, pour l'examen du recours, de l'article 2 du décret de la Région wallonne du 12 avril 2001 relatif à l'organisation du marché régional de l'électricité énoncent : « Pour l'application du présent décret, il y a lieu d'entendre par : [...] '4° sources d'énergie renouvelables' : toute source d'énergie, autre que les combustibles fossiles et la fission nucléaire, dont la consommation ne limite pas son utilisation future, notamment l'énergie hydraulique, l'énergie éolienne, l'énergie solaire, l'énergie géothermique, le biogaz, les produits et déchets organiques de l'agriculture et de l'arboriculture forestière et la fraction organique biodégradable des déchets; '5° électricité verte ' : électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables ou de cogénération de qualité dont la filière de production génère un taux minimum de 10 % d'économie de dioxyde de carbone par rapport aux émissions de dioxyde de carbone, définies et publiées annuellement par la CWAPE, d'une production classique dans des installations modernes de référence visées à l'article 2, 3°; l'électricité produite à partir d'installations hydroélectriques ou de cogénération de qualité est limitée à une puissance inférieure à 20 mégawatts (MW); [...] ».

B.4.2. L'article 38, § 2, du même décret dispose : « Un certificat vert sera attribué pour un nombre de kWh produits correspondant à un MWh divisé par le taux d'économie de dioxyde de carbone.

Le taux d'économie de dioxyde de carbone est déterminé en divisant le gain en dioxyde de carbone réalisé par la filière envisagée par les émissions de dioxyde de carbone de la filière électrique classique dont les émissions sont définies et publiées annuellement par la CWAPE. Ce taux d'économie de dioxyde de carbone est limité à 2.

Les émissions de dioxyde de carbone envisagées à l'alinéa précédent sont celles produites par l'ensemble du cycle de production de l'électricité verte, englobant la production du combustible, les émissions lors de la combustion éventuelle et, le cas échéant, le traitement des déchets. Dans une installation hybride, il est tenu compte de l'ensemble des émissions de l'installation.

Les différents coefficients d'émission de dioxyde de carbone de chaque filière considérée sont approuvés par la CWAPE. » B.4.3. Les articles 37 et suivants du décret mettent en place une procédure de « certificats verts », représentant une aide à la production d'électricité verte, accompagnée d'une obligation faite aux fournisseurs de respecter un pourcentage minimum de fourniture d'électricité verte à leurs clients pris globalement. Les certificats verts permettent aux fournisseurs de prouver que le quota qui leur est imposé est atteint.

Quant au fond Premier et quatrième moyens B.5.1. Les premier et quatrième moyens font grief à l'article 2, 4° et 5°, d'exclure de la définition de « l'électricité verte » l'électricité produite à partir de l'incinération de la fraction organique biodégradable des déchets ou d'exclure cette technique de la catégorie des procédés mettant en oeuvre une source d'énergie renouvelable. Les parties requérantes considèrent que cette exclusion ressort des travaux parlementaires des dispositions attaquées. Il en découlerait, selon elles, une discrimination contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution, considérés isolément (premier moyen) ou lus en combinaison avec les articles 3, paragraphe 1, et 11, paragraphes 2 et 3, de la directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité, ainsi que l'article 3 de la directive 91/156/CEE du Conseil du 18 mars 1991 modifiant la directive 75/442/CEE relative aux déchets (quatrième moyen), entre les producteurs d'électricité par incinération de déchets et les producteurs d'électricité utilisant d'autres procédés, notamment la biométhanisation des déchets.

B.5.2. La Cour constate que le texte des dispositions attaquées n'exclut nullement que l'électricité produite à partir de l'incinération de la fraction organique biodégradable des déchets soit considérée comme de l'électricité verte, puisque la fraction organique biodégradable des déchets est expressément visée par l'article 2, 4°, du décret parmi les « sources d'énergie renouvelables », conformément à l'article 2, 5°, du décret. Ces textes ne visant aucun mode de production particulier de l'électricité au départ de la fraction organique biodégradable des déchets, il ne peut donc en être déduit, contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, que le législateur aurait traité différemment, de ce point de vue, le procédé d'incinération et le procédé de biométhanisation.

B.5.3. La circonstance que le texte de l'avant-projet de décret comportait explicitement l'exclusion critiquée, ainsi que les déclarations transcrites dans les documents parlementaires qui soutiendraient la thèse de l'exclusion, ne peuvent prévaloir sur le texte du décret.

B.5.4. Les moyens ne sont pas fondés.

Deuxième moyen B.6.1. Par le deuxième moyen, les requérantes font grief aux dispositions qu'elles attaquent de traiter de manière identique les procédés de production d'électricité par cogénération de qualité et par incinération des déchets ménagers, en ce qui concerne la réduction des émissions de dioxyde de carbone exigée pour qu'ils soient considérés comme filière produisant de l'électricité « verte », alors que ces procédés ne seraient pas comparables.

B.6.2. Les requérantes estiment que, s'il est légitime d'exiger une économie significative d'émissions de dioxyde de carbone pour la technique de la cogénération de qualité, qui utilise des combustibles fossiles, la même exigence n'est pas justifiée pour les techniques qui produisent de l'électricité au départ de sources d'énergie renouvelables, l'avantage pour l'environnement étant déjà, en ce qui concerne ces dernières, réalisé par le simple fait de l'utilisation de ces sources.

B.7. Il ressort des travaux préparatoires du décret attaqué que le législateur décrétal wallon poursuivait « trois objectifs prioritaires, d'importance équivalente », parmi lesquels « la protection de l'environnement ». Cet objectif impliquait « le respect du Protocole de Kyoto[, qui] oblige la Belgique et la Wallonie à utiliser parcimonieusement et judicieusement l'électricité et à développer la production d'électricité à partir des énergies renouvelables et de la cogénération de qualité » (Doc., Parlement wallon, 2000-2001, n° 177/1, p. 8). La notion d' « électricité verte » est définie comme « l'électricité que la Région entend promouvoir dans un but de protection de l'environnement, de respect des engagements de Kyoto et dans une perspective de développement durable ». Pour que l'électricité soit considérée comme « électricité verte », et puisse donc faire l'objet d'aides à la production de la part des autorités publiques, « elle doit avoir une puissance inférieure à 20 MW, être produite à partir de sources d'énergies renouvelables ou de cogénération de qualité, et l'ensemble de la filière de production (préparation du combustible et combustion éventuelle lors de la production d'électricité) doit permettre de réduire de 10 p.c. les émissions de dioxyde de carbone par rapport aux émissions dues à une filière de production classique produisant le même nombre de kWh et, pour la cogénération de qualité, en tenant compte de la chaleur produite » (ibid., pp. 12-13).

B.8. Compte tenu de la nécessité, reconnue au niveau mondial, de réduire les émissions de dioxyde de carbone, il revient aux différents législateurs belges, dans l'exercice de leurs compétences, de mettre en oeuvre une politique efficace tendant à cette réduction. Les mesures visant à promouvoir les techniques de production d'électricité qui permettent une économie de rejet de dioxyde de carbone, et, parmi elles, les dispositions attaquées, participent de cette politique au niveau de la Région wallonne.

B.9. Eu égard à l'importance de cet objectif, il est justifié de réserver l'aide publique destinée à encourager certaines techniques de production d'électricité à celles qui contribuent à l'économie d'émissions en question, qu'elles se caractérisent par la mise en oeuvre d'un procédé de cogénération ou par le recours aux sources renouvelables d'énergie.

B.10. Le moyen n'est pas fondé.

Troisième moyen B.11.1. Le troisième moyen fait grief aux dispositions attaquées de prendre en compte, pour calculer l'économie de rejet de dioxyde de carbone générée par la technique de production d'électricité exigée pour obtenir la qualification d'électricité verte, la quantité de dioxyde de carbone produite par l'ensemble de la filière de production (article 2, 5°), ce qui implique que « dans une installation hybride, il est tenu compte de l'ensemble des émissions de l'installation » (article 38, § 2, alinéa 3, dernière phrase). Les requérantes estiment qu'en tenant compte du dioxyde de carbone généré par l'ensemble du procédé, le législateur a adopté une mesure disproportionnée, car elle a pour effet d'exclure des modes de production d'électricité verte l'incinération de la fraction organique biodégradable des déchets.

B.11.2. Les parties requérantes soutiennent en outre que le mode de calcul qu'elles critiquent engendre des effets disproportionnés parce qu'il ne tient pas compte de l'économie de dioxyde de carbone générée par l'utilisation de déchets en lieu et place de combustible fossile.

L'incinération des déchets permet d'éviter que l'électricité ainsi produite ne doive l'être par une autre technique, classique, au départ de combustible fossile, ce qui permettrait d'économiser bien plus de dioxyde de carbone que les 10 p.c. exigés par l'article 2, 5°, du décret.

B.12. L'objectif du législateur, en réservant les aides publiques destinées à encourager la production d'électricité « verte » aux techniques qui génèrent une économie du dioxyde de carbone, est de contribuer à atteindre les exigences fixées par le Protocole de Kyoto, du 11 décembre 1997, à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Il est conforme à cet objectif de tenir compte de l'ensemble des émissions de dioxyde de carbone produites par le procédé de production d'électricité.

La mesure est, dès lors, pertinente par rapport à cet objectif.

B.13. Contrairement à ce que semblent soutenir les parties requérantes, la disposition n'a pour effet d'exclure la production d'électricité par incinération de déchets ménagers que si les techniques mises en oeuvre produisent une quantité de dioxyde de carbone qui ne permet pas à l'ensemble de la filière de se conformer à l'exigence de réduction des émissions de 10 p.c. par rapport aux installations de référence. Il faut remarquer, comme l'expose le Gouvernement wallon, que la quantité de dioxyde de carbone produit par la combustion de « la fraction organique biodégradable des déchets » est considérée comme nulle, en vertu du principe du cycle court du carbone appliqué à la biomasse. Il s'ensuit que les installations de production d'électricité par récupération de l'énergie générée par l'incinération de déchets ménagers dont la qualité et l'efficacité satisfont à l'exigence de réduction des émissions peuvent bénéficier de l'aide publique sous la forme de l'octroi de certificats verts. La mesure n'est dès lors pas disproportionnée.

B.14. Le moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 6 novembre 2002.

Le greffier, P.- Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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