publié le 13 février 2001
Arrêt n° 3/2001 du 25 janvier 2001 Numéros du rôle : 1747, 1750 et 1751 En cause : les recours en annulation partielle des articles 45, 89 et 102 de la loi du 22 décembre 1998 modifiant certaines dispositions de la deuxième partie du Code jud La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et G. De Baets, et des juges P. Martens(...)
COUR D'ARBITRAGE
Arrêt n° 3/2001 du 25 janvier 2001 Numéros du rôle : 1747, 1750 et 1751 En cause : les recours en annulation partielle des articles 45, 89 et 102 de la
loi du 22 décembre 1998Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
22/12/1998
pub.
02/02/1999
numac
1999009006
source
ministere de la justice
Loi modifiant certaines dispositions de la deuxième partie du Code judiciaire concernant le Conseil supérieur de la Justice, la nomination et la désignation de magistrats et instaurant un système d'évaluation pour les magistrats
fermer modifiant certaines dispositions de la deuxième partie du Code judiciaire concernant le Conseil supérieur de la justice, la nomination et la désignation de magistrats et instaurant un système d'évaluation pour les magistrats, introduits par F. Bailly et autres.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et G. De Baets, et des juges P. Martens, A. Arts, R. Henneuse, M. Bossuyt et E. De Groot, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 30 juillet 1999 et parvenue au greffe le 2 août 1999, un recours en annulation partielle des articles 45 et 89 de la loi du 22 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1998 pub. 02/02/1999 numac 1999009006 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions de la deuxième partie du Code judiciaire concernant le Conseil supérieur de la Justice, la nomination et la désignation de magistrats et instaurant un système d'évaluation pour les magistrats fermer modifiant certaines dispositions de la deuxième partie du Code judiciaire concernant le Conseil supérieur de la justice, la nomination et la désignation de magistrats et instaurant un système d'évaluation pour les magistrats (publiée au Moniteur belge du 2 février 1999) a été introduit par F.Bailly, demeurant à 6900 Marche-en-Famenne, Pré du Chanoine 28, J. Boxus, demeurant à 5100 Jambes, rue Mazy 125, D. Colinet, demeurant à 1180 Bruxelles, avenue d'Orbaix 16, G. De Reytere, demeurant à 5500 Dinant, rue Cousen 11, L. Désir, demeurant à 4300 Waremme, avenue Joachim 15, R. Joly, demeurant à 5640 Mettet, rue de l'Estroit 37, J.-M. Mahieux, demeurant à 5620 Florennes, rue Gérard de Cambrai 27, C. Poncin, demeurant à 7500 Tournai, rue Barre Saint Brice 15, et C. Van Damme, demeurant à 1970 Wezembeek-Oppem, avenue du Martin-Pêcheur 1. b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 2 août 1999 et parvenue au greffe le 3 août 1999, un recours en annulation partielle de l'article 45 de la loi précitée a été introduit par G.Steffens, demeurant à 4800 Verviers, avenue Hanlet 27, P. Gorle, demeurant à 4800 Verviers, rue Victor Close 98, M. Dewart, demeurant à 4960 Malmédy, Biertasètsche 19, L. Stangherlin, demeurant à 4800 Verviers, rue Laoureux 16, R. Lennertz, demeurant à 4700 Eupen, Langesthal 44, J.-M. Freres, demeurant à 4040 Herstal, boulevard Zénobe Gramme 174, V. Reul, demeurant à 4700 Eupen, Birkenweg 28, T. Konsek, demeurant à 4845 Jalhay, Bansions 33, G. Rosewick, demeurant à 4700 Eupen, place du Marché 5 , A. Loozen, demeurant à 4830 Dolhain, Thier Hilettes 17, M.-R. Grimar, demeurant à 4890 Clermont-Thimister, Stockis 11, P. Schils, demeurant à 4840 Welkenraedt, Hoof 32A, A. Tilgenkamp, demeurant à 4701 Eupen, Libermé 25, E. Ortmann, demeurant à 4700 Eupen, Klinkeshöfchen 1A, O. Weber, demeurant à 4780 Saint-Vith, rue de Malmédy 93, R. Schmidt, demeurant à 4700 Eupen, Langesthal 52, A. Bourseaux, demeurant à 4711 Lontzen, rue Haute 13, l'Ordre des avocats d'Eupen, dont les bureaux sont établis à 4700 Eupen, Klötzerbahn 27, R. Lentz, demeurant à 4700 Eupen, Binsterweg 109, et E. Ohn, demeurant à 4700 Eupen, rue d'Aix-la-Chapelle 21. c. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 2 août 1999 et parvenue au greffe le 3 août 1999, un recours en annulation partielle des articles 45 et 102 de la même loi a été introduit par L.Stangherlin, demeurant à 4800 Verviers, rue Laoureux 16, et J.-M. Freres, demeurant à 4040 Herstal, boulevard Zénobe Gramme 174.
II. La procédure Par ordonnances des 2 et 3 août 1999, le président en exercice a désigné les juges des sièges respectifs conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application dans ces affaires des articles 71 ou 72 de la loi organique.
Par ordonnance du 22 septembre 1999, la Cour a joint les affaires.
Les recours ont été notifiés conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 28 septembre 1999.
L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 12 octobre 1999.
Le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire, par lettre recommandée à la poste le 12 novembre 1999.
Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 29 février 2000.
Des mémoires en réponse ont été introduits par : - les parties requérantes dans l'affaire n° 1750, par lettre recommandée à la poste le 28 mars 2000; - les parties requérantes dans l'affaire n° 1747, par lettre recommandée à la poste le 30 mars 2000; - L. Stangherlin, partie requérante dans l'affaire n° 1751, par lettre recommandée à la poste le 30 mars 2000.
Par ordonnances des 23 décembre 1999 et 29 juin 2000, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 30 juillet 2000 et 30 janvier 2001 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.
Par ordonnance du 30 mai 2000, la Cour a déclaré les affaires en état et fixé l'audience au 21 juin 2000 après avoir invité les parties à s'expliquer à l'audience sur la question de savoir si l'appartenance des chefs de corps au Conseil supérieur de la justice serait compatible avec les missions qu'ils exercent en application, notamment, des articles 259ter, §§ 1er et 4, 259bis-14, § 2, 259bis-16, § 2, et 408bis du Code judiciaire.
Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 30 mai 2000.
Par ordonnance du 20 juin 2000, le président en exercice a constaté que le juge H. Coremans, légitimement empêché, était remplacé comme membre du siège par le juge M. Bossuyt.
A l'audience publique du 21 juin 2000 : - ont comparu : . Me A. Kittel et Me G. Zians, avocats au barreau d'Eupen, pour les parties requérantes dans l'affaire n° 1750; . Me F. Tulkens, avocat au barreau de Bruxelles, et Me P. Gérard, avocat à la Cour de cassation, pour les parties requérantes dans l'affaire n° 1747; . Me C. Wijnants loco Me P. Peeters, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs P. Martens et E. De Groot ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - les affaires ont été mises en délibéré.
Par ordonnance du 21 décembre 2000, la Cour a constaté que le juge E. Cerexhe, légitimement empêché, était remplacé comme membre du siège par le juge R. Henneuse, a rouvert les débats et a fixé l'audience au 10 janvier 2001.
Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 22 décembre 2000.
A l'audience publique du 10 janvier 2001 : - ont comparu : . Me A. Kittel et Me G. Zians, avocats au barreau d'Eupen, pour les parties requérantes dans l'affaire n° 1750; . Me F. Tulkens, avocat au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes dans l'affaire n° 1747; . Me C. Wijnants loco Me P. Peeters, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs P. Martens et E. De Groot ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - les affaires ont été mises en délibéré.
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.
III. En droit - A Quant au recours dans l'affaire n° 1747 Position des requérants A.1. Les requérants demandent tout d'abord l'annulation des mots « de carrière » dans l'article 259bis-2, § 1er, alinéa 1er, du Code judiciaire, ainsi que l'annulation de l'article 259bis-3, § 2, 1°, du même Code. Ils sont tous juges suppléants et estiment que ces dispositions les affectent directement et défavorablement en ce qu'elles les empêchent de se présenter sur le quota des magistrats aux élections pour le Conseil supérieur de la justice et en ce que, si l'un d'entre eux était désigné par le Sénat parmi les membres non-magistrats, il devrait renoncer à sa qualité de magistrat suppléant.
A.2. Dans un moyen unique, les requérants soutiennent que les dispositions attaquées violent les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elles ont pour effet, si on les combine, d'écarter intégralement les magistrats suppléants de toute participation au Conseil supérieur de la justice, comme électeurs et comme membres, tant sur le quota des magistrats que sur celui des non-magistrats. Ils considèrent que cette exclusion est injustifiée alors qu'ils sont amenés à siéger à tous les degrés de juridiction, soit collégialement, soit seuls, pendant des périodes parfois très longues. Ils estiment que l'une ou l'autre des deux dispositions qu'ils attaquent doit être annulée.
A.3. Les requérants demandent ensuite l'annulation de l'article 21, alinéa 3, de la loi du 18 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/07/1991 pub. 04/04/2018 numac 2018030682 source service public federal interieur Loi organique du contrôle des services de police et de renseignement et de l'Organe de coordination pour l'analyse de la menace. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, modifié par celle du 22 décembre 1998, selon lequel le dossier des juges suppléants nommés avant le 1er octobre 1993 n'est transmis à la commission de nomination compétente pour présentation que pour autant que tous les avis individuels soient favorables. Ils estiment injustifiée cette différence de traitement entre ces juges suppléants et les autres candidats et ils rappellent l'arrêt de la Cour n° 56/99.
A.4. Ils ajoutent que l'annulation du seul mot « tous », dans la disposition entreprise, laisserait en vigueur un texte qui ne correspond pas à la portée de l'annulation prononcée et qu'il convient d'annuler tout l'article 21, alinéa 3, afin de permettre au législateur d'adapter le texte par une nouvelle loi.
Position du Conseil des ministres A.5. Le Conseil des ministres soutient que la Cour est incompétente pour censurer une option du Constituant. C'est en effet l'article 151, § 2, de la Constitution qui détermine la composition du Conseil supérieur et il ressort de ses travaux préparatoires que le Constituant a marqué son accord sur la manière dont le législateur avait l'intention d'exécuter cette nouvelle disposition constitutionnelle. Les mêmes travaux préparatoires indiquent que le Constituant a voulu qu'existe au sein du Conseil supérieur une parité entre, d'une part, les juges et officiers du ministère public et, d'autre part, les non-magistrats, parité qui n'est réalisable que si un choix est opéré concernant l'appartenance des magistrats suppléants à l'une ou l'autre catégorie.
Le Conseil des ministres conclut d'une analyse de l'article 87 du Code judiciaire et de l'article 151 de la Constitution qu'en utilisant le terme « magistrat de carrière », dans le sens de « magistrat professionnel » et occupé à temps plein, le législateur a agi conformément au choix du Constituant.
Il en est de même, selon le Conseil des ministres, de l'incompatibilité entre la qualité de juge suppléant et celle de membre du Conseil supérieur, le Constituant ayant fait référence aux incompatibilités prévues par le législateur, au cours des travaux préparatoires de l'article 151 de la Constitution.
A.6. Sur le fond du moyen, le Conseil des ministres répond que les magistrats de carrière et les juges suppléants n'appartiennent pas à des catégories de personnes comparables et il cite les articles 87, 102, 188, 192, 207bis, 293, 300, 331, 332 et 333 du Code judiciaire pour illustrer sa démonstration.
A.7. En ce qui concerne l'article 259bis-3, § 2, 1°, du Code judiciaire, le Conseil des ministres fait valoir que cet article n'affecte pas directement les requérants puisque ce n'est que dans l'hypothèse où leur candidature serait acceptée qu'ils devraient démissionner en tant que juges suppléants. Une telle démission serait donc la conséquence d'un choix délibéré, fait en connaissance de cause. Il en est de même des autres incompatibilités prévues à l'article 300 du Code judiciaire.
A.8. En ce qui concerne l'article 21, alinéa 3, du Code judiciaire, le Conseil des ministres, tenant compte de l'arrêt n° 56/99, déclare s'en référer à la sagesse de la Cour.
Mémoire en réponse des requérants A.9. En ce qui concerne l'argumentation développée par le Conseil des ministres au sujet des articles 259bis-2 et 259bis-3, du Code judiciaire, les requérants contestent que le Constituant se soit prononcé expressément sur l'assimilation de la notion de « juge » avec celle de « magistrat de carrière » et qu'il ait entendu écarter les juges suppléants de toute forme de participation, directe ou indirecte, à la composition du Conseil supérieur.
A.10. Quant au bien-fondé du moyen, les requérants répondent que l'objectif poursuivi, par l'instauration du Conseil supérieur, est d'assurer un meilleur fonctionnement de la justice et, en particulier, en matière de nomination et de promotion d'un juge, d'accès à la fonction de juge, de formation des juges, de plaintes relatives au fonctionnement de l'ordre judiciaire. Si on tient compte de cet objectif, il n'existe aucune différence entre magistrats effectifs et suppléants puisqu'ils sont, les uns et les autres, voués, sur la base des mêmes critères d'indépendance et d'impartialité, à exercer la fonction de juger. Ils sont donc manifestement comparables.
A.11. Pour le surplus, rien ne justifie, selon les requérants, que les magistrats suppléants puissent exercer leurs fonctions au quotidien mais qu'ils soient écartés de toute participation au Conseil supérieur. Il ne peut leur être opposé que cette exclusion provient d'un choix délibéré qu'ils ont fait puisque, si le candidat entend être élu sur le quota des non-magistrats, il perd ipso facto sa qualité de magistrat suppléant et s'il veut garder celle-ci, il ne peut participer au Conseil supérieur ni comme électeur ni comme membre éligible.
A.12. Quant aux effets dans le temps de l'annulation qu'ils demandent, les requérants s'en réfèrent à la sagesse de la Cour, tout en ajoutant que cette annulation ne devrait valoir que pour l'avenir, c'est-à -dire être effective pour les prochaines élections.
A.13. En ce qui concerne l'article 21, alinéa 3, nouveau de la loi du 18 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/07/1991 pub. 04/04/2018 numac 2018030682 source service public federal interieur Loi organique du contrôle des services de police et de renseignement et de l'Organe de coordination pour l'analyse de la menace. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, les requérants reproduisent leur argumentation mais ajoutent que l'annulation doit être prononcée ab initio, avec un effet rétroactif intégral.
Quant au recours dans l'affaire n° 1750 Position des requérants A.14. Les 17 premiers requérants agissent en leur qualité de magistrats et en tant que personnes privées utilisant la langue allemande. Ils estiment avoir un intérêt fonctionnel à ce que les plaintes qu'aurait à traiter le Conseil supérieur concernant leurs activités soient traitées de manière adéquate et à ce que l'ensemble des décisions du Conseil supérieur puissent être prises de manière non discriminatoire, y compris sur le plan linguistique.
A.15. L'Ordre des avocats d'Eupen, 18ème requérant, s'estime concerné par l'activité du Conseil supérieur en ce qu'il émet des avis sur le fonctionnement de la justice. Il souligne que, dans le cadre des nominations, un représentant de l'Ordre des avocats doit émettre un avis écrit et motivé qui, en vertu de la législation linguistique, doit être établi en langue allemande lorsqu'il émane de l'Ordre des avocats d'Eupen. Encore faut-il garantir, ajoute-t-il, que cet avis puisse être dûment pris en compte.
A.16. Le 19ème requérant, qui est avocat, considère que les avocats ont un intérêt personnel et professionnel à ce que les dossiers qui concernent les juridictions germanophones puissent être traités correctement puisque ces avocats vont être amenés à introduire des plaintes auprès du Conseil supérieur, en nom propre ou au nom de leurs clients. Il ajoute que de nombreuses fonctions judiciaires sont exercées, en priorité, par des personnes originaires du milieu des avocats et qu'une représentation des avocats francophones et néerlandophones est prévue au Conseil supérieur.
A.17. Le 20ème requérant estime que chaque personne privée est concernée par la loi attaquée et qu'il doit lui être effectivement possible d'introduire de manière efficace sa cause devant le Conseil supérieur, ce qui justifierait son intérêt à agir en tant que personne privée.
A.18. Les requérants considèrent que les dispositions de l'article 259bis du Code judiciaire qu'ils attaquent violent les articles 10 et 11 de la Constitution.
A.19. L'article 259bis-1 serait discriminatoire en ce qu'il ne prévoit pas qu'un membre du collège néerlandophone doive justifier de la connaissance de l'allemand, seul un membre du collège francophone devant satisfaire à cette exigence. Or, un candidat à une fonction judiciaire à Eupen qui a obtenu son diplôme en langue néerlandaise doit passer l'examen d'aptitude professionnelle organisé par le collège néerlandophone (article 259bis-8, § 1er). Il est également fait grief à l'article 259bis-1 de ne pas prévoir comment la preuve de la connaissance linguistique doit être apportée et de ne pas préciser quel niveau de connaissance est requis. Les requérants contestent que le recours à des interprètes soit satisfaisant et redoutent que le seul membre du Conseil supérieur comprenant l'allemand n'ait une trop grande influence sur la décision à prendre. En outre, puisque le seul membre connaissant l'allemand doit siéger à la commission de nomination (article 259bis-8, § 1er), la représentation des germanophones ne sera pas assurée au sein de la commission d'avis.
La discrimination provient, selon les requérants, de ce que, pour les candidats francophones et néerlandophones, la langue du diplôme correspond le plus souvent à la langue maternelle, ce qui facilite la présentation de l'examen. Dans la fonction publique, le candidat germanophone peut passer l'examen en allemand. C'était le cas également pour les examens d'aptitude et le concours d'admission au stage. Il n'existe aucun motif de s'écarter de cette pratique.
A.20. A l'article 259bis-2 du Code judiciaire, il est reproché de ne pas garantir que des candidats ayant une connaissance suffisante de l'allemand puissent être élus, aucune règle spécifique n'étant prévue, contrairement à ce qui est fait pour garantir les chances égales des femmes et des hommes. Compte tenu de la diffusion de la langue allemande dans les professions juridiques et dans la société civile, il eût pourtant été possible de désigner un nombre suffisant de personnes maîtrisant cette langue.
A.21. L'article 259bis-4, § 4, serait discriminatoire en ce qu'il prévoit que chaque membre doit siéger dans une commission mais ne dit pas que le seul membre germanophone pourra siéger dans plusieurs commissions. La discrimination découlerait de ce que, à la commission d'avis, il n'y a pas de garantie de représentation d'un membre connaissant l'allemand.
A.22. A l'article 259bis-4, § 5, il est reproché de ne pas permettre au membre germanophone d'utiliser l'allemand comme langue de travail, externe ou interne, ce qui prive de sens l'exigence de la connaissance de cette langue. En outre, la présence d'un seul membre germanophone au sein de la commission chargée de la préparation et de l'organisation des examens ne suffit pas à garantir l'égalité de traitement des membres de langue allemande, le principe de la décision collégiale se trouvant ainsi « miné ».
A.23. L'article 259bis-9, § 1er, selon lequel l'examen doit être présenté dans la langue du diplôme, serait discriminatoire puisqu'il n'existe pas de possibilité d'obtenir un diplôme en langue allemande dans une université belge.
Si cette disposition devait être interprétée comme permettant implicitement l'organisation d'examens et de concours en langue allemande en ne prévoyant la présence que d'un membre maîtrisant cette langue, le législateur n'aurait pas pris, selon les requérants, les dispositions nécessaires pour qu'un candidat y soit examiné dans des conditions admissibles.
Par ailleurs, il est injustifié de ne pas exiger la présence d'un germanophone au sein de la commission de langue néerlandaise puisqu'un candidat de langue allemande pourrait y présenter l'examen.
Cette situation s'écarte de ce qui a été prévu aux articles 428bis, 428ter et 428quater du Code judiciaire, l'examen d'aptitude que doivent subir les avocats pouvant être présenté en allemand par un ressortissant d'un autre pays membre de l'Union européenne, devant une commission entièrement germanophone. Ainsi les étrangers germanophones seraient mieux traités que les Belges germanophones.
A.24. L'article 259bis-11 est, selon les requérants, discriminatoire en ce qu'il ne prévoit pas qu'un membre de la commission d'avis et d'enquête doive apporter la preuve de la connaissance de la langue allemande.
A.25. Enfin, puisqu'il découle de l'article 259bis-15 qu'une plainte établie en allemand ne sera pas traitée et ne fera pas l'objet d'une réponse en cette langue, les droits des justiciables de langue allemande seraient méconnus, alors que, en vertu de l'article 4 de la Constitution, cette langue bénéficie d'une protection constitutionnelle.
Position du Conseil des ministres A.26. Le Conseil des ministres considère que l'intérêt allégué par les requérants ne se distingue pas de celui qu'ont toutes les personnes de langue allemande de voir l'utilisation de leur langue prise en considération en matière judiciaire, les dispositions attaquées n'affectant pas directement leur situation juridique.
L'Ordre des avocats d'Eupen ne justifierait pas de l'intérêt requis, les dispositions attaquées ne réglant pas l'exercice de la profession d'avocat.
A.27. Selon le Conseil des ministres, c'est l'article 151, § 2, de la Constitution qui énonce que le Conseil supérieur, organe sui generis, est composé d'un collège francophone et d'un collège néerlandophone.
C'est donc le Constituant qui a décidé que l'allemand ne constituait un critère ni pour la composition ni pour le fonctionnement du Conseil supérieur. Il rappelle l'article 43, § 1er, de la Constitution ainsi que l'arrêt n° 90/94 de la Cour. Il souligne la référence faite aux dispositions attaquées, en projet, lors des travaux préparatoires de l'article 151 de la Constitution.
A.28. Quant aux moyens, à titre principal, le Conseil des ministres estime qu'ils critiquent une option purement politique et organisationnelle qu'il n'appartient pas à la Cour d'apprécier, les distinctions critiquées n'étant pas déraisonnables.
A.29. A titre subsidiaire, le Conseil des ministres fait observer, quant à l'article 259bis-1, § 3, dernier alinéa, qu'il ne fixe pas un quota mais un nombre minimum qui peut être dépassé. Il ajoute que le Conseil supérieur pourra consulter des experts (article 259bis-6, §§ 1er et 2), donc des traducteurs, et qu'il dispose d'un personnel dont il fixe le cadre organique et linguistique. Il fait une comparaison avec l'article 34, § 4, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
En ce qui concerne le niveau de connaissance de la langue allemande, le Conseil des ministres fait observer que l'article 45bis de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant l'emploi des langues en matière judiciaire n'est pas plus exigeant en ce qui concerne les connaissances linguistiques des magistrats nommés à Eupen.
Pour ce qui concerne le défaut de représentation au sein du collège néerlandophone, il souligne que c'est le collège francophone qui se chargera des affaires en langue allemande. L'article 45bis précité prévoit d'ailleurs que le candidat à une fonction judiciaire dans l'arrondissement d'Eupen doit avoir une connaissance de l'allemand et justifier, par son diplôme, qu'il a subi les examens de la licence en droit en langue française ou justifier de la connaissance du français.
A.30. En ce qui concerne l'article 259bis-2, le Conseil des ministres renvoie à ses considérations générales sur l'ensemble des moyens et rappelle qu'au sein de la Chambre des représentants, la Communauté germanophone ne dispose même pas d'un représentant, alors qu'ici il en est prévu au moins un.
A.31. Au sujet de l'article 259bis-8, § 1er, le Conseil des ministres rappelle son argumentation générale et souligne que le nombre de membres du collège francophone connaissant l'allemand dépendra des candidats qui se présenteront.
A.32. A propos de l'article 259bis-4, § 5, le Conseil des ministres répète que, selon lui, c'est l'article 151, § 2, alinéa 2, de la Constitution qui, en mentionnant que le Conseil supérieur est composé de deux collèges, a clairement indiqué que seules deux langues y seraient utilisées. Au surplus, rien n'empêche que le membre germanophone fasse usage de l'allemand au cours des travaux des commissions.
A.33. Au sujet de l'article 259bis-9, § 1er, alinéa 2, le Conseil des ministres renvoie à son argumentation déjà exprimée et juge inadéquate la comparaison avec les articles 428bis et 428ter du Code judiciaire : ces derniers concernent les avocats qui ne sont pas soumis au critère de nationalité, contrairement aux juges.
A.34. Quant à l'article 259bis-11 et à l'article 259bis-15, § 6, le Conseil des ministres renvoie à ses arguments précédents.
Mémoire en réponse des requérants A.35. Sur la recevabilité, les requérants réaffirment leur intérêt au recours, et ils estiment inadéquate la référence faite par le Conseil des ministres à l'arrêt n° 90/94 et contestent qu'ils critiqueraient un choix du Constituant.
A.36. Sur le fond, les requérants soutiennent, à titre principal, qu'ils ne critiquent pas l'opportunité d'une disposition législative.
Ils reprochent au législateur de ne pas avoir tenu compte de la création de juridictions de langue allemande, contrairement à ce qui a été fait dans les lois relatives au Conseil d'Etat et à la Cour d'arbitrage.
A.37. A titre subsidiaire, ils répondent, à propos de l'article 259bis-1, qu'il est organisé pour les candidats magistrats eupenois un examen portant sur la connaissance et sur le niveau de connaissance de l'allemand, alors que rien de semblable n'est prévu pour le Conseil supérieur. Les Belges germanophones ne peuvent avoir aucun contact direct avec celui-ci, à moins qu'ils ne se servent d'une autre langue, ce qui n'est exigé ni des Belges francophones ni des Belges néerlandophones.
A.38. A propos de l'article 259bis-2, les requérants font remarquer que la comparaison avec la Chambre n'est pas pertinente, les citoyens n'ayant normalement pas de contacts directs avec celle-ci.
Quant au recours dans l'affaire n° 1751 A.39. Les requérants sont respectivement président et vice-président du Tribunal de première instance d'Eupen. Nés le premier en 1950, le second en 1951, ils s'estiment atteints par l'article 102, §§ 1er et 2, de la loi attaquée.
Le premier, qui est chef de corps depuis 1988, est visé par les dispositions attaquées puisque, tant à l'expiration de sept que de quatorze années après leur entrée en vigueur, il remplira encore les conditions d'âge requises pour la poursuite de ses fonctions jusqu'en 2017.
Le second, qui a été installé comme vice-président en 1988, perd cette nomination à l'occasion de l'entrée en vigueur de la loi. Il s'estime directement lésé, étant désormais assujetti au mécanisme d'un mandat de trois années avec évaluation spécifique, ne pouvant recouvrer le bénéfice d'une nomination définitive qu'après neuf ans et à l'issue d'une évaluation finale.
Le premier requérant attaque aussi l'article 259bis-3, qui ne permet pas à un chef de corps d'être membre du Conseil supérieur. N'ayant pas l'intention de renoncer à ses fonctions, il estime avoir l'intérêt requis.
A.40. En ce qui concerne l'article 102, §§ 1er et 2, de la loi du 22 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1998 pub. 02/02/1999 numac 1999009006 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions de la deuxième partie du Code judiciaire concernant le Conseil supérieur de la Justice, la nomination et la désignation de magistrats et instaurant un système d'évaluation pour les magistrats fermer, les requérants soutiennent que les dispositions attaquées sont incompatibles avec l'article 152 de la Constitution, qui dispose que les juges sont nommés à vie, que l'article 151 nouveau ne peut le modifier et que la destitution, avant terme et sans leur consentement, de juges nommés à vie pour les fonctions qu'ils exercent constitue une discrimination par rapport aux autres magistrats, dont la nomination à vie n'est pas mise à néant.
A.41. Les requérants ajoutent, dans un deuxième moyen, que la disposition entreprise viole de manière discriminatoire l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme puisque les juges de la catégorie concernée se trouvent, pendant la durée en principe illimitée de leurs fonctions, démis de celles-ci par l'intervention du législateur, sans que des motifs existent qui puissent être mis à leur charge. Ils estiment que la mesure n'était pas nécessaire et que les nouvelles règles pouvaient s'appliquer aux futures nominations ou prévoir soit le consentement de l'intéressé, soit une destitution pour des motifs légitimes.
A.42. Ils estiment discriminatoire de ne pas avoir prévu que les chefs de corps et les titulaires de mandats adjoints restent nommés à titre définitif, après l'entrée en vigueur de la loi, comme l'article 102, § 3, de la loi le prévoit pour les juges de la jeunesse nommés à titre définitif.
A.43. A l'égard des titulaires de mandats adjoints actuellement en fonction, mais n'exerçant pas encore la fonction depuis neuf ans, il y aurait une discrimination financière particulièrement lourde par rapport aux chefs de corps, aux titulaires de mandats adjoints en fonction depuis plus de neuf ans, aux juges de la jeunesse réputés nommés à titre définitif ainsi qu'aux autres magistrats, dans la mesure où le maintien des avantages financiers de leur fonction n'est pas garanti, lorsqu'ils ne sont pas nommés définitivement à l'expiration d'une période de trois années ou à l'occasion de l'évaluation finale. Ils déclarent ne pas apercevoir pourquoi le législateur traite différemment les titulaires de mandats adjoints, selon qu'ils sont en fonction depuis neuf ans ou non, et fait dépendre de cette condition la désignation définitive dans le nouveau régime concernant les mandats alors qu'il n'a pas prévu de réglementation similaire pour les chefs de corps.
A.44. Le premier requérant attaque également l'article 45 de la même loi, qui insère un article 259bis-3 dans le Code judiciaire, en ce qu'il exclut les chefs de corps de la composition du Conseil supérieur. Il estime cette exclusion discriminatoire. Une éventuelle surreprésentation des chefs de corps pouvait être évitée en fixant un quota maximum.
Position du Conseil des ministres A.45. Le Conseil des ministres conteste l'intérêt des deux requérants.
Il estime que la situation du premier requérant ne peut être affectée par les dispositions qu'il attaque.
En ce qui concerne l'article 102, §§ 1er et 2, il fait observer que le premier requérant est et reste magistrat du siège, qu'il continue de percevoir son traitement et les augmentations de traitement afférentes à sa fonction de chef de corps, que son mandat pourra être prolongé après sept ans et qu'il pourra poser sa candidature à un autre mandat de chef de corps.
Quant à l'article 45, il n'affectera le premier requérant que s'il décide de poser sa candidature au Conseil supérieur, auquel cas il aura le choix entre sa fonction et celle de membre du Conseil supérieur et c'est ce choix qui affectera sa situation.
A.46. La situation du second requérant ne serait pas davantage affectée puisqu'il reste magistrat du siège et vice-président et que la mention « bon », dont rien ne permet de penser qu'il ne l'obtiendra pas, entraînera une prolongation immédiate de son mandat adjoint de vice-président (article 259undecies, § 2).
A.47. Le Conseil des ministres rappelle que la Cour n'est pas compétente pour apprécier si les dispositions attaquées violent l'article 152 de la Constitution et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme dès lors qu'il n'est pas exposé en quoi leur méconnaissance constituerait une violation des articles 10, 11 ou 24 de la Constitution.
A.48. Le Conseil des ministres rappelle la justification, donnée dans les travaux préparatoires, de l'article 151, notamment en ce qui concerne la compatibilité du système des mandats avec l'article 152.
A.49. Concernant l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, le Conseil des ministres fait valoir que cette disposition n'implique pas nécessairement une nomination à vie mais bien que la durée de la nomination soit déterminée à l'avance et qu'il ne puisse y être mis fin arbitrairement. De toute façon, le nouveau système ne met pas en cause la nomination à vie.
A.50. Pour le reste, le Conseil des ministres estime que les requérants critiquent une option politique et organisationnelle qu'il n'appartient pas à la Cour d'apprécier. La jurisprudence de la Cour ne considère pas que la succession de deux règles dans le temps soit discriminatoire et elle ne reconnaît pas l'existence de droits acquis.
A.51. En ce qui concerne l'article 259bis-3, le Conseil des ministres estime qu'il doit être examiné en tenant compte de l'article 323bis du Code judiciaire, introduit par l'article 61 de la loi attaquée, dont il analyse les travaux préparatoires. Selon cette disposition, le chef de corps qui accepte une mission perd son mandat de chef de corps. Il cite également les travaux préparatoires de l'article 151 de la Constitution selon lesquels le principe du mandat doit permettre de prendre des mesures de gestion qualitative, en vue d'un meilleur fonctionnement des juridictions, et d'introduire des techniques de management.
Mémoire en réponse du premier requérant A.52. Le premier requérant rappelle que la disposition qu'il critique lui fera perdre, à terme, sa fonction de président pour laquelle il a été nommé à vie, le fait qu'il reste magistrat ou qu'il conserve son traitement n'y changeant rien. De même, s'il était élu au Conseil supérieur, il perdrait ses fonctions, ce qui est discriminatoire.
A.53. Sur le fond, le requérant souligne qu'il invoque la violation de l'article 152 de la Constitution et de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme mais combinés avec les articles 10 et 11 de la Constitution. En ce qui concerne la violation de l'article 152, il se réfère à l'avis donné par le professeur Scholsem (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-1121/3, pp. 33 à 39) et à la note établie par le procureur général et le premier président de la Cour de cassation (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1674/4). Il répète que la modification implicite et inconstitutionnelle de l'article 152 par le nouvel article 151 ne pouvait autoriser le législateur à adopter une norme inconstitutionnelle lors de la mise en oeuvre de l'article 151, alors qu'il disposait d'autres moyens non discriminatoires.
A.54. Le requérant rejette comme non pertinent l'argument tiré de l'article 323bis, alinéa 3, du Code judiciaire et constate qu'un chef de corps ne peut exercer simultanément une fonction au sein du Conseil supérieur, sauf si on manifeste une méfiance injustifiée à son égard. - B Quant au recours dans l'affaire n° 1747 En ce qui concerne les articles 259bis-2, § 1er, et 259bis-3, § 2, 1°, alinéa 1er, du Code judiciaire B.1. L'article 259bis-2, introduit dans le Code judiciaire par l'article 45 de la loi attaquée du 22 décembre 1998, concerne la désignation des membres du Conseil supérieur de la justice créé par l'article 151, § 2, de la Constitution. L'article 259bis-2 traite, dans son paragraphe 1er, de l'élection des membres magistrats, dans son paragraphe 2, de la nomination par le Sénat des membres non-magistrats.
La disposition attaquée est l'alinéa 1er du paragraphe 1er qui dispose : « Les magistrats sont élus, par scrutin direct et secret, parmi les magistrats de carrière en activité de service, par un collège électoral néerlandophone et un collège électoral francophone composés des magistrats du rôle linguistique correspondant à celui de la nomination. » Les requérants demandent à la Cour d'annuler les mots « de carrière ».
B.2. L'article 259bis-3, § 2, dispose : « Pendant la durée du mandat, l'appartenance au Conseil supérieur de la justice est incompatible avec l'exercice : 1° d'une fonction de magistrat suppléant;2° d'un mandat public conféré par voie d'élection;3° d'une charge publique d'ordre politique;4° d'un mandat de chef de corps.» Les requérants demandent l'annulation du 1° de cette disposition.
B.3. Le Conseil des ministres considère que la Cour n'est pas compétente pour connaître du recours. Il soutient que les requérants critiquent une option du Constituant exprimée dans le texte de l'article 151 de la Constitution ou à tout le moins dans ses travaux préparatoires, le Constituant ayant marqué son accord sur la manière dont le législateur avait l'intention d'exécuter l'article 151, § 2, au moyen notamment des dispositions attaquées, dispositions que le Constituant connaissait lorsqu'il a adopté l'article 151.
B.4. L'article 151, § 2, de la Constitution dispose : « Il y a pour toute la Belgique un Conseil supérieur de la Justice.
Dans l'exercice de ses compétences, le Conseil supérieur de la Justice respecte l'indépendance visée au § 1er.
Le Conseil supérieur de la Justice se compose d'un collège francophone et d'un collège néerlandophone. Chaque collège comprend un nombre égal de membres et est composé paritairement, d'une part, de juges et d'officiers du ministère public élus directement par leurs pairs dans les conditions et selon le mode déterminés par la loi et d'autre part, d'autres membres nommés par le Sénat à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, dans les conditions fixées par la loi. [ . ] » B.5. Si cette disposition établit la parité entre les magistrats et les non-magistrats, elle ne contient aucune indication sur le point de savoir si le Constituant visait les seuls magistrats de carrière ou s'il entendait y englober les magistrats suppléants. Ce n'est que dans l'article 259bis-2, § 1er, alinéa 1er, qu'apparaissent pour la première fois les mots dont les requérants demandent l'annulation.
B.6. S'il est vrai que, au cours des discussions qui ont précédé la modification de l'article 151 de la Constitution, il a été affirmé que cette disposition doit être lue « conjointement avec la proposition » qui allait devenir la loi attaquée (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1675/1, p. 2; n° 1677/1, p. 114), il reste que le Constituant a donné délégation au législateur pour déterminer les conditions auxquelles sont soumises tant l'élection des magistrats que la nomination des membres non-magistrats. C'est donc dans la loi par laquelle le législateur a usé de la délégation qui lui était faite que se trouve la disposition normative qui fait grief aux requérants.
Il s'ensuit que la Cour est compétente pour connaître du recours.
B.7. Le rôle des juges suppléants est décrit de la manière suivante à l'article 87 du Code judiciaire : « Il y a des juges suppléants auprès du tribunal de première instance, du tribunal du travail et du tribunal de commerce; ils n'ont pas de fonctions habituelles et sont nommés pour remplacer momentanément, soit les juges, soit les membres du ministère public lorsqu'ils sont empêchés. » Des juges suppléants peuvent également être nommés au siège des justices de paix et des tribunaux de police (article 64 du Code judiciaire).
B.8. Pour pouvoir être nommé juge suppléant, il faut être docteur ou licencié en droit et avoir, pendant au moins cinq ans, suivi le barreau, exercé des fonctions judiciaires ou la profession de notaire ou exercé des fonctions de conseiller, d'auditeur, d'auditeur adjoint, de référendaire près la Cour de cassation, de référendaire, de référendaire adjoint au Conseil d'Etat ou les fonctions de référendaire à la Cour d'arbitrage ou des fonctions de référendaire ou de juriste de parquet près les cours d'appel et près les tribunaux de première instance ou exercé des fonctions académiques ou scientifiques en droit (article 192 du Code judiciaire). Des conditions identiques sont exigées pour être nommé juge de paix suppléant, le candidat devant en outre être âgé d'au moins 30 ans (article 188 du Code judiciaire).
B.9. Les juges suppléants exercent leurs fonctions dans les mêmes conditions que les magistrats de carrière et ils doivent satisfaire aux mêmes exigences d'impartialité et d'indépendance. Ils sont soumis aux mêmes règles de discipline et relèvent des mêmes autorités disciplinaires que les magistrats effectifs (article 413 du Code judiciaire). Ils sont directement cités devant la cour d'appel, tout comme les magistrats de carrière, lorsqu'ils sont prévenus d'avoir commis un délit dans l'exercice de leurs fonctions (article 483 du Code d'instruction criminelle) ou hors de leurs fonctions (article 479 du Code d'instruction criminelle).
B.10. Si les juges suppléants sont en grande partie, et sur des points essentiels, assimilés aux magistrats professionnels, leur statut diffère cependant de celui de ceux-ci en ce qu'ils exercent la plupart du temps, à titre principal, la profession d'avocat ou celle de notaire. L'article 300 du Code judiciaire les soumet aux mêmes incompatibilités que les magistrats de carrière mais il fait exception en ce qui concerne « l'exercice des professions d'avocat et de notaire et les activités que celles-ci leur permettent ».
B.11. En raison de cette différence de statut, le législateur pouvait, sans violer le principe d'égalité, considérer que, dans un collège composé paritairement de magistrats et de non-magistrats, seuls les magistrats professionnels seraient électeurs et éligibles lors des élections permettant de désigner les juges et les officiers du ministère public qui siégeraient au sein du Conseil supérieur. Cette exclusion est d'autant plus justifiée que, parmi les personnes que le Sénat peut nommer comme membres non-magistrats figurent notamment au moins quatre avocats, en vertu de l'article 259bis-1, § 3, 1°.
B.12. En revanche, l'incompatibilité de la qualité de membre du Conseil avec celle de juge suppléant n'est pas raisonnablement justifiée. La seule circonstance que le Constituant avait fait référence, dans les travaux préparatoires de l'article 151, aux incompatibilités prévues par le législateur (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1675/1, p. 6) et que l'incompatibilité critiquée figurait déjà dans la version initiale de la disposition entreprise ne suffit pas à justifier que la personne nommée par le Sénat qui serait en outre juge suppléant soit obligée de démissionner de cette fonction pour pouvoir siéger au Conseil supérieur de la justice. Celui-ci se trouvera privé du concours de personnes qui, à leur expérience d'avocat, ajoutent celle que leur donne l'exercice occasionnel de leurs fonctions judiciaires.
B.13. Il y a donc lieu d'annuler le 1° dans l'article 259bis-3, § 2, du Code judiciaire.
B.14. L'annulation demandée aurait des effets disproportionnés si elle permettait de contester la composition actuelle du Conseil supérieur et la légalité de ses actes. Il convient donc, comme le suggèrent d'ailleurs les requérants dans leur mémoire en réponse, de ne donner effet à l'annulation que pour l'avenir.
En vertu de l'article 8, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, il y a lieu de maintenir les effets de la disposition en cause jusqu'aux prochaines nominations qui seront faites par le Sénat.
En ce qui concerne l'article 21, alinéa 3, de la loi du 18 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/07/1991 pub. 04/04/2018 numac 2018030682 source service public federal interieur Loi organique du contrôle des services de police et de renseignement et de l'Organe de coordination pour l'analyse de la menace. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, modifié par l'article 89 de la loi du 22 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1998 pub. 02/02/1999 numac 1999009006 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions de la deuxième partie du Code judiciaire concernant le Conseil supérieur de la Justice, la nomination et la désignation de magistrats et instaurant un système d'évaluation pour les magistrats fermer B.15. L'article 21 de la loi du 18 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/07/1991 pub. 04/04/2018 numac 2018030682 source service public federal interieur Loi organique du contrôle des services de police et de renseignement et de l'Organe de coordination pour l'analyse de la menace. - Coordination officieuse en langue allemande fermer modifiant les règles du Code judiciaire relatives à la formation et au recrutement des magistrats traite, dans ses alinéas 2, 3 et 4, des conditions et des modalités relatives aux juges suppléants qui sont candidats à une nomination en qualité de magistrat effectif. L'alinéa 2 dispose, dans la version qui résulte de la modification introduite par la loi attaquée : « Les juges suppléants nommés avant le 1er octobre 1993 et les juges suppléants nommés avant le 1er octobre 1993 auxquels démission honorable a été accordée pour cause d'incompatibilité, sont réputés avoir réussi l'examen d'aptitude professionnelle prévu par l'article 259bis-9 du même Code. » B.16. Dans le système de nomination antérieur à la création du Conseil supérieur, le ministre de la Justice, avant de procéder aux nominations, devait recueillir l'avis du comité du ressort où la nomination devait intervenir (article 259ter, § 1er ancien, du Code judiciaire).
B.17. L'article 3 de la loi du 9 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 09/07/1997 pub. 01/01/1998 numac 1997009637 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 259bis du Code judiciaire et 21 de la loi du 18 juillet 1991 modifiant les règles du Code judiciaire relatives à la formation et au recrutement des magistrats type loi prom. 09/07/1997 pub. 13/08/1997 numac 1997009638 source ministere de la justice Loi contenant des mesures en vue de résorber l'arriéré judiciaire dans les cours d'appel fermer avait complété l'alinéa 2 de cet article 21, qui disposait alors : « Lors de la présentation pour la nomination aux fonctions visées par les articles 187, 188, 190 à 194, 207, § 2, 208 et 209 du Code judiciaire, le ministre de la Justice tiendra uniquement compte, en ce qui concerne les juges suppléants précités, de ceux qui ont obtenu un avis favorable et unanime de la part du comité d'avis. » Par son arrêt n° 56/99 du 26 mai 1999, la Cour a considéré que l'exigence d'unanimité n'était ni pertinente, ni proportionnée à l'objectif poursuivi et elle a annulé les mots « et unanime » dans la disposition précitée.
B.18. La loi attaquée a modifié l'article 259ter, § 1er, qui dispose désormais qu'avant que le Roi ne procède à la nomination, le ministre de la Justice demande l'avis du chef de corps de la juridiction d'accueil et de la juridiction d'origine ainsi que d'un représentant du barreau.
B.19. La même loi a introduit un alinéa 3 dans l'article 21 de la loi du 18 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/07/1991 pub. 04/04/2018 numac 2018030682 source service public federal interieur Loi organique du contrôle des services de police et de renseignement et de l'Organe de coordination pour l'analyse de la menace. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, qui dispose : « Le dossier des juges suppléants, nommés avant le 1er octobre 1993, n'est transmis à la commission de nomination compétente pour présentation que pour autant que tous les avis individuels soient favorables. » B.20. Dès lors que les juges suppléants nommés avant le 1er octobre 1993 sont réputés avoir réussi l'examen d'aptitude professionnelle prévu par l'article 259bis-9 du Code judiciaire, il n'est pas déraisonnable de subordonner leur nomination à des appréciations données par des personnes qualifiées.
B.21. Toutefois, en exigeant que tous les avis soient favorables pour que le dossier d'un de ces juges suppléants soit soumis à la commission de nomination, le législateur a pris une mesure qui n'est ni pertinente ni proportionnée à l'objectif poursuivi.
B.22. Au contraire de celle d'un avis favorable ou très favorable, l'exigence d'unanimité des avis donnés ne confère pas en effet, quant aux qualités professionnelles des personnes nommées, une garantie qui justifie le risque créé en donnant à chaque auteur des avis recueillis un pouvoir de veto.
B.23. Il s'ensuit que les juges suppléants nommés avant le 1er octobre 1993 sont traités de manière discriminatoire par rapport aux autres candidats à une fonction judiciaire.
B.24. Il convient donc d'annuler l'alinéa 3 de l'article 21 précité.
Quant au recours dans l'affaire n° 1750 En ce qui concerne l'intérêt B.25. Les 16 premiers requérants sont des magistrats de carrière qui déclarent agir du chef des activités professionnelles qu'ils exercent, les uns à la Cour d'appel de Liège, les autres au sein de juridictions ayant leur siège, soit à Eupen, soit à Verviers et Eupen, soit à Saint-Vith en ce qui concerne le 16e requérant. Le 17e requérant agit en qualité de juge suppléant au Tribunal de première instance d'Eupen.
Le 18e requérant est l'Ordre des avocats d'Eupen, le 19e, un avocat domicilié à Eupen, le 20e, un docteur en droit domicilié à Eupen.
Les 17 premiers requérants déclarent également agir en leur qualité de personnes privées utilisant la langue allemande.
B.26. Les 17 premiers requérants, en leur qualité de magistrats et de juge suppléant, justifient d'un intérêt suffisant à attaquer des dispositions qui concernent un organe amené à jouer un rôle important dans la carrière des magistrats, dès lors qu'ils soutiennent que cet organe ne pourrait traiter convenablement des dossiers établis en langue allemande qui pourraient les concerner.
B.27. L'Ordre des avocats du barreau d'Eupen, organisme soumis au principe de spécialité et dont les missions sont fixées par la loi, ne peut justifier de l'intérêt requis que s'il attaque des dispositions qui touchent aux missions qui lui sont limitativement attribuées par les articles 455 à 471 du Code judiciaire.
Les dispositions attaquées intéressent les avocats en ce qu'elles touchent à l'organisation de l'ordre judiciaire, à son fonctionnement et à son contrôle. Mais elles ne règlent pas l'exercice de la profession d'avocat et sont étrangères à la déontologie et à la discipline des avocats.
L'Ordre des avocats d'Eupen ne peut donc faire valoir qu'un intérêt indirect. Son recours est irrecevable.
B.28. Quant aux 19ème et 20ème requérants, ils ne pourraient être qu'éventuellement et indirectement affectés par le fonctionnement du Conseil supérieur. Admettre la recevabilité d'un tel recours reviendrait à accueillir l'action populaire, ce que le Constituant n'a pas voulu. Il en est de même des autres requérants en ce qu'ils déclarent agir en tant que personnes privées utilisant la langue allemande.
B.29. Le recours n'est recevable qu'en ce qu'il est introduit par les 17 premiers requérants et uniquement en ce qu'ils invoquent leur qualité de magistrat.
En ce qui concerne la compétence de la Cour B.30. Le Conseil des ministres soutient que, en disposant à l'article 151, § 2, alinéa 2, de la Constitution, que le Conseil supérieur, organe sui generis, est composé d'un collège francophone et d'un collège néerlandophone, le Constituant aurait lui-même décidé que l'allemand ne constitue un critère ni pour la composition ni pour le fonctionnement du Conseil supérieur.
Il ajoute que l'article 151 a été adopté par le Constituant alors qu'il connaissait la proposition de loi qui contenait la disposition attaquée, que les travaux préparatoires soulignent que la proposition de révision de l'article 151 devait se lire conjointement avec cette proposition de loi et que le Constituant a ainsi donné son consentement à la manière dont le législateur avait l'intention d'exécuter l'article 151 de la Constitution.
B.31. Il ne peut être déduit de l'article 151, § 2, précité de la Constitution que le Constituant, parce qu'il ne s'est pas soucié lui-même des intérêts des magistrats de langue allemande, aurait implicitement invité le législateur à ne pas les prendre en compte.
Il ne peut davantage être tiré argument d'un silence du Constituant ou d'une approbation implicite qu'il aurait donnée à une loi avant son adoption pour en déduire que cette loi serait une norme de valeur constitutionnelle échappant à la compétence de la Cour.
Les dispositions qui font grief aux requérants se trouvent exclusivement dans des textes législatifs. Il s'agit donc de normes dont la Cour doit, lorsqu'elle en est saisie, contrôler la constitutionnalité, sous peine de méconnaître la compétence que lui attribue l'article 1er de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
B.32. L'exception d'incompétence est rejetée.
En ce qui concerne le fond B.33. En raison de l'irrecevabilité du recours en ce qu'il est introduit par des personnes qui invoquent les unes leur qualité de personnes privées l'autre sa qualité d'avocat, les moyens ne sont examinés qu'en ce qu'ils invoquent des discriminations au détriment des magistrats de langue allemande.
B.34. Le premier grief des requérants est dirigé contre l'article 259bis-1 du Code judiciaire. Ils lui reprochent d'exiger qu'un membre seulement du collège francophone justifie de la connaissance de l'allemand, de ne pas formuler une exigence identique à l'égard du collège néerlandophone, de ne pas prévoir comment la preuve de la connaissance linguistique doit être apportée et de ne pas préciser de quel niveau doit être cette connaissance.
B.35. Les missions attribuées au Conseil supérieur par l'article 151, § 2, de la Constitution n'exigent pas que soit garantie une représentation en son sein de chaque catégorie de magistrats. Le Constituant a exigé une parité entre néerlandophones et francophones et la loi en cause garantit que le groupe de magistrats compte, par collège, au moins un membre d'une cour ou du ministère public près une cour, un membre du siège, un membre du ministère public et un membre par ressort de la cour d'appel. Il a ainsi exclu toute autre répartition géographique que celle qui est prévue par cette dernière exigence, s'en remettant, pour le surplus, aux équilibres qui résulteraient du suffrage. Une représentation garantie des magistrats exerçant leurs fonctions dans l'arrondissement judiciaire d'Eupen aurait faussé cet équilibre et créé une discrimination au détriment des magistrats des autres arrondissements.
B.36. Il est vrai qu'il existe une différence objective entre, d'une part, les magistrats exerçant leurs fonctions dans l'arrondissement judiciaire de Verviers et d'Eupen ou à la Cour d'appel de Liège lorsque la langue de la procédure est l'allemand, et d'autre part, les magistrats exerçant leurs fonctions dans d'autres arrondissements : seuls les premiers doivent justifier de la connaissance de la langue allemande.
Pour apprécier dans quelle mesure il y a lieu de prendre en considération cette différence, le législateur a pu raisonnablement tenir compte des dispositions de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant l'emploi des langues en matière judiciaire.
B.37. A cet égard, la Cour constate que nul ne peut être nommé magistrat dans l'arrondissement d'Eupen « s'il ne justifie de la connaissance de la langue allemande, et en outre s'il ne justifie par son diplôme qu'il a subi les examens de la licence en droit en langue française ou s'il ne justifie de la connaissance de la langue française » (article 45bis, § 1er). De même, pour être nommé à une fonction judiciaire à la Cour d'appel de Liège, le candidat doit justifier par son diplôme qu'il a subi les examens du doctorat ou de la licence en droit en langue française, six conseillers au moins devant, en outre, justifier de la connaissance de la langue allemande (article 43bis, § 1er). Enfin, en ce qui concerne les juridictions de l'arrondissement judiciaire de Verviers, certains magistrats doivent justifier de la connaissance de la langue allemande (article 45bis, § 2), mais ils doivent tous avoir subi les examens du doctorat ou de la licence en droit en langue française (article 43, § 1er, alinéa 1er, combiné avec l'article 1er).
B.38. Il s'ensuit que tous les magistrats de la catégorie à laquelle appartiennent les requérants connaissent la langue française et qu'il ne peut être présumé qu'ils auraient des difficultés à communiquer avec les membres francophones du Conseil supérieur.
B.39. C'est en tenant compte de la situation réelle des magistrats germanophones, telle qu'elle se déduit des dispositions précitées de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant l'emploi des langues en matière judiciaire qu'il convient d'examiner les griefs des requérants.
B.40. L'article 259bis-1 prévoit que le Conseil supérieur comprend un collège néerlandophone et un collège francophone composés chacun de vingt-deux membres dont une moitié de magistrats et une moitié de non-magistrats. Il dispose, en son dernier alinéa : « Au moins un membre du collège francophone doit justifier de la connaissance de l'allemand. » B.41. Il ne peut être déduit de cette disposition que les magistrats qui sont amenés à exercer leurs fonctions totalement ou partiellement en langue allemande ne pourraient pas être compris par les membres du Conseil supérieur ou que les dossiers qui concernent ces magistrats ne pourraient être correctement traités par celui-ci.
Les magistrats germanophones belges ont obtenu leur diplôme en langue française, de telle sorte qu'il n'est pas déraisonnable de n'exiger la connaissance de l'allemand que d'un membre du collège francophone.
Enfin, il va de soi que le Conseil supérieur devra prendre connaissance des pièces écrites en langue allemande en recourant, au besoin, à des interprètes ou à des traducteurs.
B.42. La Cour constate que l'article 73, § 3, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat n'exige la connaissance suffisante de l'allemand que d'un conseiller, un greffier et deux auditeurs; que l'article 34, § 4, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage n'exige la connaissance de l'allemand que d'un membre de la Cour et qu'aucune exigence n'est formulée à l'égard de la Cour de cassation. Ces dispositions n'ont jamais empêché ces juridictions d'entendre des plaidoiries en allemand, de prendre connaissance de conclusions ou de mémoires rédigés dans cette langue et de rendre des décisions en allemand chaque fois que la loi le leur impose.
B.43. Le législateur a pu raisonnablement considérer qu'il convenait de prendre, à l'égard du Conseil supérieur, une disposition comparable à celles qui s'appliquent aux trois juridictions supérieures dont la compétence territoriale s'étend à toute la Belgique.
B.44. Sans doute la loi ne précise-t-elle pas le niveau de connaissance requis et la manière de la démontrer. Il appartient aux autorités chargées d'exécuter la loi de déterminer, le cas échéant, ses modalités d'application, sans qu'il puisse être présumé qu'elles le feront de manière discriminatoire.
B.45. Les requérants critiquent également l'article 259bis-2. Cette disposition décrit de quelle manière les magistrats sont élus et selon quelle procédure les non-magistrats sont nommés par le Sénat. Ils lui reprochent de ne pas garantir que des candidats ayant effectivement une connaissance suffisante de l'allemand puissent être choisis.
B.46. Les requérants s'en prennent à l'article 259bis-4, § 4, selon lequel : « Chaque membre du Conseil supérieur siège dans une des commissions des collèges.
Chaque collège désigne les membres de ses commissions à la majorité des deux tiers de ses membres. » Ils estiment cette disposition discriminatoire en ce qu'il n'est pas prévu que le seul membre qui doit justifier de la connaissance de la langue allemande puisse siéger dans plusieurs commissions.
B.47. Les requérants attaquent l'article 259bis-4, § 5, qui dispose : « Le collège néerlandophone et ses commissions effectuent leurs activités en néerlandais. Le collège francophone et ses commissions effectuent leurs activités en français.
L'assemblée générale et les commissions réunies effectuent leurs activités en néerlandais et en français. Dans ce contexte, les membres utilisent la langue du collège auquel ils appartiennent.
Le Conseil supérieur prend les mesures nécessaires en vue de la traduction. » Ils estiment que le membre du Conseil supérieur qui justifie d'une connaissance de la langue allemande ne pourra l'utiliser dans les travaux du Conseil et qu'on peut d'ailleurs se demander quel est le sens de cette exigence.
B.48. Par les griefs résumés en B.45, B.46 et B.47, les requérants s'attaquent non aux dispositions qui y sont mentionnées mais à des omissions du législateur.
Ces griefs reprennent, présentés différemment, les griefs qui ont été examinés et rejetés en B.34 à B.44. Pour les mêmes motifs que ceux qui y sont exprimés, ces griefs ne peuvent être retenus.
B.49. Les requérants critiquent l'article 259bis-9, § 1er, alinéa 2, qui dispose : « L'examen d'aptitude professionnelle et le concours d'admission au stage judiciaire visent à évaluer la maturité et la capacité nécessaires à l'exercice de la fonction de magistrat et sont effectués dans la langue du diplôme de docteur ou de licencié en droit du candidat. » Ils estiment que cette disposition est discriminatoire puisque les candidats de langue allemande ne pourront se servir de leur langue maternelle. Ils ajoutent que, si cette disposition peut être interprétée comme permettant d'organiser les examens et concours en langue allemande, la présence d'un seul germanophone au sein du Conseil supérieur serait insuffisante pour les organiser convenablement.
B.50. En prévoyant que l'examen et le concours sont présentés dans la langue du diplôme, le législateur a pris une mesure qui est en concordance avec les dispositions de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, mentionnées en B.37.
Les 17 requérants, qui sont tous des magistrats de carrière, n'indiquent pas en quoi la catégorie de personnes à laquelle ils appartiennent serait discriminée par des dispositions relatives à des épreuves qu'ils ne devront pas subir. La référence qu'ils font aux articles 428bis et 428ter du Code judiciaire n'est pas pertinente : ils concernent les examens auxquels sont soumis les avocats membres d'un pays de l'Union européenne qui doivent pouvoir circuler et s'installer dans d'autres pays de l'Union. Tel n'est pas le cas des magistrats, qui ne peuvent accéder à leurs fonctions que s'ils sont de nationalité belge.
B.51. Les requérants critiquent l'article 259bis-11 qui traite des commissions d'avis et d'enquête. Ils lui font grief de ne pas prévoir qu'un membre devra apporter la preuve de la connaissance de la langue allemande, le membre germanophone faisant nécessairement partie de la commission de nomination.
B.52. Les requérants font grief à l'article 259bis-15, qui concerne le traitement des plaintes, de ne pouvoir traiter en allemand celles qui seraient rédigées en cette langue.
B.53. Les griefs résumés en B.51 et B.52 se confondent avec ceux qui ont été examinés et rejetés en B.34 à B.44. Pour les motifs qui y sont exprimés, ils ne peuvent être admis.
B.54. Il s'ensuit que le recours dans l'affaire n° 1750 doit être rejeté.
Quant au recours dans l'affaire n° 1751 B.55. Les requérants demandent l'annulation de l'article 102, §§ 1er et 2, de la loi du 22 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1998 pub. 02/02/1999 numac 1999009006 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions de la deuxième partie du Code judiciaire concernant le Conseil supérieur de la Justice, la nomination et la désignation de magistrats et instaurant un système d'évaluation pour les magistrats fermer, qui dispose : « § 1er. A partir du premier jour du quatrième mois suivant la première publication au Moniteur belge de l'entrée en fonction des membres du Conseil supérieur, les chefs de corps qui, au moment de l'entrée en vigueur de l'article 259quater du Code judiciaire, sont nommés à titre définitif, et qui, le cas échéant, sont délégués conformément aux articles 327 et 327bis du même Code, sont réputés être désignés à la fonction de chef de corps et être en même temps nommés à la fonction de magistrat dans les cours et tribunaux ou dans les parquets près ces cours et tribunaux où ils exercent des fonctions.
Ils peuvent : 1° soit mettre dans le mois suivant la publication visée à l'alinéa premier, leur fonction de chef de corps à disposition.Dans ce cas, un nouveau chef de corps est désigné pour la durée non écoulée du mandat, selon la procédure visée à l'article 259quater. Le nouveau chef de corps appartient au même régime linguistique et ce, par dérogation à l'article 43, § 4, alinéa 2, 43bis, § 4, alinéa 2, 43ter, § 3, alinéa 3 et 43quater, alinéa 2, de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. Les chefs de corps sortants continuent à exercer leur fonction jusqu'à la désignation du nouveau chef de corps; 2° soit continuer à exercer leur fonction de chef de corps pendant une durée de sept ans.Au terme de ce mandat, ils peuvent encore poser une seule fois leur candidature pour cette fonction conformément à l'article 259quater du même Code.
Après la remise à disposition de la fonction de chef de corps visée au 1° ou au terme du mandat visé au 2°, ils continuent à percevoir à titre personnel le traitement et les augmentations salariales y afférents, et ce jusqu'au jour de leur mise à la retraite, de leur démission, de leur destitution ou, le cas échéant, de leur nomination ou désignation à une autre fonction. § 2. Pour les titulaires d'un mandat adjoint qui sont nommés à ces fonctions au moment de l'entrée en vigueur de l'article 259quinquies du même Code, la période de neuf ans prend cours à partir du moment où ils ont pris ces fonctions, et ils sont réputés être nommés magistrat dans les cours et tribunaux où ils exercent des fonctions. » Quant à la recevabilité B.56. Le premier requérant est, depuis le 31 août 1988, président du Tribunal de première instance d'Eupen. Il peut être directement et défavorablement affecté par les dispositions attaquées puisqu'elles lui laissent, au maximum, la possibilité de conserver ses fonctions de président pendant quatorze ans à partir du 2 août 2000 alors que, si le législateur avait, comme le suggère le requérant, rendu les dispositions nouvelles inapplicables aux magistrats en fonction, il resterait président jusqu'au 23 septembre 2017, date à laquelle il aura l'âge de 67 ans. Il importe peu qu'il reste, actuellement, chef de corps ou qu'il conserve, ultérieurement, les avantages pécuniaires liés à cette fonction. Le seul fait d'obliger le requérant à quitter ses fonctions plus tôt que ne le prévoyaient les dispositions anciennes justifie son intérêt à demander leur annulation.
B.57. Il en est de même du second requérant. Vice-président du Tribunal de première instance d'Eupen depuis janvier 1988, il avait vocation à le demeurer jusqu'à l'âge de la retraite, sous l'empire des dispositions anciennes, sauf s'il décidait lui-même d'y renoncer ou de postuler une autre fonction dans la magistrature. Ni le maintien d'avantages financiers, ni la possibilité d'être prolongé dans son mandat adjoint de vice-président, s'il obtient la mention « bon », ne peuvent affecter son intérêt à l'annulation de dispositions qui mettent en cause le caractère irrévocable de fonctions auxquelles il a été nommé, sans aucune limite, par un arrêté royal du 22 décembre 1997.
B.58. Les fins de non-recevoir sont rejetées.
Quant à la compétence B.59. La Cour est sans compétence pour apprécier si une disposition législative viole directement l'article 152 de la Constitution ou l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
B.60. La requête invoque toutefois la violation de ces dispositions en ce qu'elles sont combinées avec les articles 10 et 11 de la Constitution. Dans cette mesure, la Cour est compétente pour connaître du recours et, dans la même mesure, le déclinatoire de compétence soulevé par le Conseil des ministres est rejeté.
Quant au fond B.61. Aux termes de l'article 152 de la Constitution : « Les juges sont nommés à vie. Ils sont mis à la retraite à un âge déterminé par la loi et bénéficient de la pension prévue par la loi.
Aucun juge ne peut être privé de sa place ni suspendu que par un jugement.
Le déplacement d'un juge ne peut avoir lieu que par une nomination nouvelle et de son consentement. » B.62. L'article 151, révisé, de la Constitution dissocie la nomination en qualité de juge, qui reste une nomination à vie, et la désignation des juges en qualité de chef de corps ou à d'autres fonctions, qu'il énumère, qui est faite pour une durée déterminée par la loi. Les paragraphes 5 et 6 de l'article 151 disposent : « § 5. Le premier président de la Cour de cassation, les premiers présidents des cours et les présidents des tribunaux sont désignés par le Roi à ces fonctions dans les conditions et selon le mode déterminés par la loi.
Cette désignation se fait sur présentation motivée de la Commission de nomination et de désignation compétente, à la majorité des deux tiers conformément aux modalités déterminées par la loi et après évaluation de la compétence et de l'aptitude. Cette présentation ne peut être refusée que selon le mode déterminé par la loi et moyennant motivation.
Dans le cas de désignation à la fonction de premier président de la Cour de cassation ou de premier président des cours, les assemblées générales concernées de ces cours émettent un avis motivé selon le mode déterminé par la loi, préalablement à la présentation visée à l'alinéa précédent.
Le président et les présidents de section de la Cour de cassation, les présidents de Chambre des cours et les vice-présidents des tribunaux sont désignés à ces fonctions par les cours et tribunaux en leur sein, dans les conditions et selon le mode déterminés par la loi.
Sans préjudice des dispositions de l'article 152, la loi détermine la durée des désignations à ces fonctions. § 6. Selon le mode déterminé par la loi, les juges, les titulaires des fonctions visées au § 5, alinéa 4, et les officiers du ministère public sont soumis à une évaluation. » B.63. La loi attaquée a exécuté les dispositions précitées de l'article 151 de la Constitution en introduisant un article 259quater dans le Code judiciaire.
Les dispositions attaquées, citées en B.55, contiennent les mesures transitoires qui s'appliquent aux magistrats en fonction à la date qu'elles précisent.
B.64. Les requérants estiment que les mesures transitoires sont incompatibles avec l'article 152 de la Constitution, auquel serait également contraire l'article 151 nouveau, en ce qu'elles aboutiraient à destituer avant terme et sans leur consentement des juges légitimement nommés à vie pour ces fonctions, ce qui constituerait une discrimination manifeste de ces magistrats par rapport à ceux dont la nomination à vie n'est pas affectée.
B.65. Le premier requérant estime que le législateur aurait pu atteindre l'objectif recherché par des mesures plus respectueuses des intérêts des personnes concernées soit en ne rendant les dispositions nouvelles applicables qu'aux situations futures, soit en les subordonnant à leur consentement, soit en imposant une destitution pour motifs légitimes.
B.66. La Cour n'est pas compétente pour apprécier si l'article 151 nouveau viole l'article 152 de la Constitution. Elle ne peut donc examiner si le principe des mandats à terme, consacré par l'article 151, viole les articles 10 et 11 de la Constitution, quelles que soient les dispositions avec lesquelles ceux-ci sont combinés. Elle peut seulement examiner s'il est discriminatoire d'avoir rendu les dispositions appliquant ce principe applicables aux magistrats qui exerçaient les fonctions mentionnées à l'article 151, § 5, en vertu d'une nomination antérieure à la mise en vigueur des dispositions nouvelles.
B.67. C'est au législateur qu'il appartient d'apprécier si les réformes que le Constituant a jugées nécessaires en matière de justice doivent faire l'objet d'une application immédiate ou si elles peuvent se réaliser progressivement. Il ne pourrait cependant réaliser cet objectif en traitant de manière discriminatoire la catégorie de personnes qui sont personnellement atteintes par les mesures nouvelles ou en leur imposant des sacrifices disproportionnés.
B.68. En permettant, d'une part, aux chefs de corps qui sont en fonction de continuer à exercer leurs fonctions pendant une durée de sept ans et de poser leur candidature pour un second mandat de sept ans et en leur garantissant, d'autre part, s'ils ont mis leur fonction de chef de corps « à disposition » ou s'ils ont continué à l'exercer pendant sept ans, à l'issue de leur mandat, le traitement et les augmentations salariales y afférents, jusqu'au jour de leur retraite, le législateur a pris des mesures qui sont de nature à préserver les droits des intéressés dans une mesure compatible avec la poursuite des objectifs d'intérêt général qu'il estimait devoir réaliser sans retard.
B.69. En ce qui concerne les mandats adjoints, le législateur a prévu que la période de neuf ans pour laquelle ces fonctions seront désormais attribuées prend cours au moment où leurs titulaires ont pris ces fonctions. Il n'a pas prévu explicitement qu'ils pourraient obtenir une reconduction de leur mandat mais il ressort de l'article 259undecies, § 2, que la mention « bon » entraînera la prolongation immédiate de ces mandats.
B.70. Il apparaît dès lors que le législateur a pris, à l'égard des catégories de personnes auxquelles appartiennent les requérants, des mesures qui ne sont pas manifestement disproportionnées par rapport à l'objectif qu'il entendait réaliser au plus tôt.
B.71. Les moyens ne sont pas fondés.
B.72. Les requérants attaquent également le 4° de l'article 259bis-3, § 2, en ce qu'il rend incompatible l'appartenance au Conseil supérieur avec l'exercice d'un mandat de chef de corps.
B.73. Il ressort des travaux préparatoires de l'article 151 de la Constitution que le législateur a voulu que, pendant leur mandat de sept ans, les chefs de corps assument pleinement leurs responsabilités en ce qui concerne le fonctionnement de la juridiction qu'ils dirigent, qu'ils y introduisent des méthodes de gestion modernes afin d'en assurer un meilleur fonctionnement et qu'ils puissent mener à bien le plan de gestion qu'ils doivent désormais joindre à leur candidature (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1675/1, pp. 2 et 12).
B.74. Il n'est pas déraisonnable d'estimer que l'accomplissement de semblable mission exige du chef de corps qu'il se consacre entièrement à sa fonction et qu'il n'en cumule pas l'exercice avec les prestations que requiert la participation au Conseil supérieur.
B.75. Par ailleurs, les missions du Conseil supérieur consistent, notamment, à faire, en matière de nominations et de désignations, des présentations sur la base d'un dossier de nomination qui comprend les avis des chefs de corps concernés (article 259ter, § 1er et § 4). La commission d'avis et d'enquête du Conseil supérieur doit également recevoir des rapports annuels qui sont généralement établis par les chefs de corps (article 259bis-14, § 2); elle peut ordonner aux chefs de corps de mener une enquête (article 259bis-16, § 2); elle ne peut exercer aucune compétence disciplinaire (article 151, § 3, 8°, de la Constitution), tandis que les chefs de corps sont des autorités disciplinaires (article 408bis du Code judiciaire). Il peut dès lors être présumé que les chefs de corps qui feraient partie du Conseil supérieur pourraient, plus souvent que les autres personnes qui y siègent, se trouver dans des situations de conflit d'intérêts ou d'incompatibilité qui les amèneraient à se déporter fréquemment, en vertu de l'article 259bis-19, § 1er, in fine, ce qui nuirait au bon fonctionnement du Conseil.
B.76. Le moyen n'est pas fondé.
B.77. Le recours dans l'affaire n° 1751 doit être rejeté.
Par ces motifs, la Cour - annule le 1° dans l'article 259bis-3, § 2, du Code judiciaire, introduit par l'article 45 de la loi du 22 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1998 pub. 02/02/1999 numac 1999009006 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions de la deuxième partie du Code judiciaire concernant le Conseil supérieur de la Justice, la nomination et la désignation de magistrats et instaurant un système d'évaluation pour les magistrats fermer modifiant certaines dispositions de la deuxième partie du Code judiciaire concernant le Conseil supérieur de la justice, la nomination et la désignation de magistrats et instaurant un système d'évaluation pour les magistrats; - maintient les effets de la disposition annulée, en ce qui concerne la composition et les actes du Conseil supérieur de la justice, jusqu'aux prochaines nominations qui seront faites par le Sénat en application de l'article 259bis-2, § 2, du Code judiciaire; - annule l'alinéa 3 de l'article 21 de la loi du 18 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/07/1991 pub. 04/04/2018 numac 2018030682 source service public federal interieur Loi organique du contrôle des services de police et de renseignement et de l'Organe de coordination pour l'analyse de la menace. - Coordination officieuse en langue allemande fermer modifiant les règles du Code judiciaire relatives à la formation et au recrutement des magistrats, introduit par l'article 89 de la loi précitée du 22 décembre 1998; - rejette les recours pour le surplus.
Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 25 janvier 2001.
Le greffier, L. Potoms.
Le président, M. Melchior.