Etaamb.openjustice.be
Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 28 juillet 2000

Arrêt n° 76/2000 du 21 juin 2000 Numéro du rôle : 1633 En cause : le recours en annulation de l'article 103 du décret de la Communauté flamande du 14 juillet 1998 relatif à l'enseignement IX, introduit par le Conseil des ministres. La Cour composée des présidents G. De Baets et M. Melchior, et des juges H. Boel, L. François, R. Henneuse,(...)

source
cour d'arbitrage
numac
2000021328
pub.
28/07/2000
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

Arrêt n° 76/2000 du 21 juin 2000 Numéro du rôle : 1633 En cause : le recours en annulation de l'article 103 du décret de la Communauté flamande du 14 juillet 1998 relatif à l'enseignement IX, introduit par le Conseil des ministres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents G. De Baets et M. Melchior, et des juges H. Boel, L. François, R. Henneuse, M. Bossuyt et E. De Groot, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président G. De Baets, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 1er mars 1999 et parvenue au greffe le 2 mars 1999, le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a introduit un recours en annulation de l'article 103 du décret de la Communauté flamande du 14 juillet 1998 relatif à l'enseignement IX (publié au Moniteur belge du 29 août 1998).

II. La procédure Par ordonnance du 2 mars 1999, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 23 mars 1999.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 27 mars 1999.

Par ordonnance du 11 mai 1999, le président en exercice a prorogé de huit jours le délai pour introduire un mémoire, à la demande du Gouvernement flamand.

Cette ordonnance a été notifiée au Gouvernement flamand, par lettre recommandée à la poste le 12 mai 1999.

Le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire par lettre recommandée à la poste le 17 mai 1999.

Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 19 mai 1999.

Le Conseil des ministres a introduit un mémoire en réponse par lettre recommandée à la poste le 18 juin 1999.

Par ordonnances des 29 juin 1999 et 29 février 2000, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 1er mars 2000 et 1er septembre 2000 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 2 décembre 1999, le président en exercice a complété le siège par le juge H. Coremans.

Par ordonnance du 2 décembre 1999, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 22 décembre 1999.

Cette dernière ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 2 décembre 1999.

A l'audience publique du 22 décembre 1999 : - ont comparu : . Me N. Van Laer loco Me M. Uyttendaele, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; . Me P. Devers, avocat au barreau de Gand, pour le Gouvernement flamand; - les juges-rapporteurs M. Bossuyt et R. Henneuse ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

Par ordonnance du 7 mars 2000, la Cour a constaté que le juge H. Coremans, légitimement empêché, était remplacé comme membre du siège par le juge E. De Groot, a rouvert les débats et a fixé l'audience au 29 mars 2000.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 8 mars 2000.

A l'audience publique du 29 mars 2000 : - ont comparu : . Me J.F. De Bock loco Me M. Uyttendaele, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; . Me O. Dugardyn, avocat au barreau de Bruxelles, loco Me P. Devers, avocat au barreau de Gand, pour le Gouvernement flamand; - les juges-rapporteurs M. Bossuyt et R. Henneuse ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. Objet des dispositions attaquées L'article 103 du décret de la Communauté flamande du 14 juillet 1998 relatif à l'enseignement IX insère dans le décret du 12 juin 1991 relatif aux universités dans la Communauté flamande une nouvelle section 8 qui est libellée comme suit : « Section 8 : Droits patrimoniaux sur les découvertes aux universités

Article 169ter.§ 1er. Les droits patrimoniaux des découvertes qui sont faites, dans le cadre de leurs missions de recherche, par les membres du personnel de l'université et du Fonds pour la Recherche scientifique ainsi que par les titulaires d'une bourse accordée par le Fonds pour la Recherche Scientifique, le Vlaams Instituut voor de Bevordering van het Wetenschappelijk-Technologisch Onderzoek in de Industrie ou une université flamande, appartiennent exclusivement à l'université. Dans cette même optique, l'université acquiert les droits patrimoniaux sur les découvertes faites par d'autres personnes qui font de la recherche à l'université pour autant que cette cession de droits soit confirmée dans une convention écrite avec les intéressés.

Il convient d'entendre par découvertes : des inventions susceptibles d'octroi de brevet, produits de culture, dessins et modèles, topographies de semi-conducteurs, programmes informatiques et bases de données qui peuvent être affectés à des fins commerciales en vue d'une application industrielle ou agricole. § 2. Le chercheur est tenu d'informer le service compétent au sein de l'université de sa découverte avant toute autre forme de publication.

A des fins de protection de ses droits, l'université peut limiter la liberté de publication du chercheur, de manière raisonnable et durant un délai de 12 mois maximum. § 3. L'université a le droit exclusif d'exploiter la découverte. Dans le cadre de cette exploitation, l'université veille à ce qu'il ne soit porté préjudice à la possibilité d'utilisation des résultats de recherche à des fins d'enseignement et de recherche académiques. En cas d'exploitation, elle prend aussi en considération la possibilité d'attirer des activités vers l'université ou la région.

Le chercheur a le droit d'être informé des démarches faites par l'université par rapport à sa protection juridique et à l'exploitation de sa découverte.

Le chercheur a droit à une part équitable, fixée par règlement interne ou sur une base conventionnelle, des produits financiers que l'université acquiert de l'exploitation de la découverte. § 4. L'université peut transférer ses droits sur les découvertes sur une base générale ou individuelle, au chercheur tout en maintenant un droit inaliénable, non exclusif et gratuit sur l'utilisation de celles-ci à des fins scientifiques. L'université peut en outre négocier une part des recettes que le chercheur acquiert de l'exploitation de ces droits.

Sans préjudice des dispositions du § 5, le chercheur dispose de la possibilité de réclamer les droits sur sa découverte lorsque l'université omet, sans raison valable d'exploiter la découverte dans un délai raisonnable et au plus tard dans les trois années suivant la date de notification visée au § 2. § 5. Lorsque des formalités doivent être remplies en vue de l'acquisition d'une protection pour la découverte, ou que des délais doivent être respectés et que l'université omet de faire les démarches nécessaires dans un délai de six mois à compter de la notification, les droits sur la découverte, en ce compris les droits d'exploitation, reviennent au chercheur, sauf accords contraires entre le chercheur et l'université, sans préjudice du droit d'utilisation scientifique et de rémunération de l'université, visé au § 4.

Lorsque l'université remplit les formalités requises en temps utile, elle veille ensuite aux protection et exploitation géographiques de la découverte. Le cas échéant, elle notifie au plus tard deux mois avant l'expiration du Droit unionistique de priorité (Traité de Paris) par écrit au chercheur pour quels pays la protection a été demandée. Dans les pays restants, le chercheur dispose immédiatement du droit de demander lui-même la protection ainsi que d'exploiter la découverte, conformément aux accords intervenus entre l'université et le chercheur. § 6. La direction de l'université détermine un règlement interne définissant les modalités concrètes pour l'application des dispositions du présent article. A cet égard, la direction de l'université tient compte des conditions fixées par ou en vertu de la loi, du décret ou de la réglementation européenne concernant la propriété et l'exploitation des droits de propriété intellectuelle. § 7. Le présent article ne porte pas préjudice à la possibilité dans le chef de l'université de conclure des conventions de recherche et contrats de service avec des tiers conformément au décret du 22 février 1995 relatif aux services scientifiques ou sociaux offerts par les universités ou les écoles supérieures et concernant les relations des universités et écoles supérieures avec d'autres personnes morales. § 8. Le Gouvernement flamand peut étendre le champ d'application du présent article à d'autres établissements de recherche scientifique. » IV. En droit - A Position du Conseil des ministres (partie requérante) A.1. Le moyen unique est pris de la violation des règles de compétence et, en particulier, de la violation de l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 7°, et de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

En réglant les droits patrimoniaux sur les découvertes faites par les chercheurs des universités flamandes, le législateur décrétal a pris des mesures particulières concernant les droits de propriété intellectuelle, alors que l'autorité fédérale seule est compétente pour la propriété industrielle et intellectuelle.

Faisant référence à la jurisprudence de la Cour, le Conseil des ministres déclare que l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, de la loi spéciale du 8 août 1980 comporte une réserve de compétence non seulement en ce qui concerne la politique économique mais aussi, horizontalement, pour toutes les autres matières qui relèvent de la compétence des communautés et des régions. La propriété intellectuelle relève par conséquent de la compétence exclusive du législateur fédéral.

Le Conseil des ministres observe en outre que la disposition attaquée est « contraire à au moins six lois fédérales, trois directives et un règlement communautaire ainsi qu'à une convention internationale et à une loi uniforme Benelux ».

Les arguments invoqués au cours des travaux préparatoires, selon lesquels la disposition attaquée ne porterait pas sur les droits de propriété intellectuelle en tant que tels mais concernerait exclusivement le régime des droits patrimoniaux, sont irrelevants parce que les droits patrimoniaux constituent l'essence même des droits de propriété intellectuelle.

A.2. Selon le Conseil des ministres, le législateur décrétal ne peut pas davantage fonder la disposition attaquée sur l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, puisque les conditions d'application de cet article, telles qu'elles ont été fixées par la Cour, ne sont pas réunies. Le législateur décrétal ne démontre pas que la disposition attaquée est nécessaire à l'exercice de ses compétences ni que la matière réservée au législateur fédéral se prête à un traitement différencié. En outre, le décret ne répond en aucune manière à la condition de l'incidence marginale sur le domaine de compétence fédérale concerné puisque, d'une part, les droits patrimoniaux constituent l'essence même des droits de propriété intellectuelle et que, d'autre part, la disposition en cause est éventuellement contraire à diverses normes fédérales, supranationales et internationales.

Le Conseil des ministres demande à la Cour d'annuler la disposition attaquée.

Position du Gouvernement flamand A.3. Le Gouvernement flamand considère que le législateur décrétal est directement compétent sur la base de l'article 127, § 1er, alinéa 1er, 2°, de la Constitution, en vertu duquel la Communauté flamande est compétente pour l'ensemble de la matière de l'enseignement, sauf certaines exceptions à interpréter de façon restrictive, de sorte que, dans des domaines qui doivent être considérés comme une compétence interne d'enseignement, il peut déroger à la législation fédérale, même dans des matières qui pour le surplus sont réservées au législateur fédéral. Les communautés sont pleinement compétentes pour fixer le statut administratif et pécuniaire du personnel enseignant, à l'exception du régime de pensions. La recherche scientifique « des et par les universités » doit également être considérée comme une matière d'enseignement, de sorte que les communautés sont compétentes « pour la recherche scientifique qui se rapporte à l'enseignement, tant pour celle relative à l'enseignement (critère matériel) que pour celle réalisée par l'enseignement (critère organique) ». Cela concerne aussi bien la recherche scientifique fondamentale que la recherche scientifique appliquée, y compris les compétences résiduaires.

La disposition attaquée concerne le statut des membres du personnel des universités, du Fonds de la recherche scientifique et des bénéficiaires des bourses visées au paragraphe 1er de l'article attaqué, en particulier à l'égard des droits patrimoniaux sur les découvertes qu'ils font dans le cadre de leurs missions de recherche.

C'est donc un aspect de la relation de travail qui est réglé.

Le Gouvernement flamand déduit de ce qui précède que le législateur décrétal puise directement son pouvoir dans la compétence en matière d'enseignement que lui attribue la Constitution, à laquelle la répartition des compétences inscrite dans la loi spéciale du 8 août 1980 doit céder le pas.

A.4. En ordre subsidiaire, le Gouvernement flamand soutient que le législateur décrétal est compétent en la matière sur la base de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980.

Les tâches de recherche et de collaboration scientifiques constituent, à côté de l'enseignement académique, la mission des universités. La désignation des titulaires des droits patrimoniaux sur les découvertes et la réglementation du transfert éventuel de ces droits concernent par conséquent un aspect essentiel du statut du membre du personnel et touchent directement à l'organisation de l'enseignement universitaire.

Cela aurait peu de sens que le législateur décrétal règle par ailleurs le statut du personnel académique des universités s'il n'était pas compétent pour régler cet aspect des relations de travail. Une réglementation des droits patrimoniaux sur les découvertes doit permettre que la direction de l'université ait un contrôle sur la réalisation et sur l'utilisation de ces découvertes et que les résultats de ces dernières continuent de bénéficier à l'enseignement universitaire.

Le statut des découvertes du personnel des universités se prête à un règlement différencié par rapport aux découvertes réalisées en milieu industriel ou ailleurs : premièrement, parce que la recherche pratiquée dans les universités a également pour finalité la recherche fondamentale et qu'elle n'est pas destinée en premier lieu à être exploitée et à générer des bénéfices; deuxièmement, parce que le financement de la recherche scientifique dans les universités s'opère avec des moyens publics et, troisièmement, parce que les chercheurs universitaires concernés accomplissent leur mission en jouissant de l'entière liberté académique et non dans les liens d'un contrat de travail.

Enfin, l'incidence sur la matière fédérale réservée est marginale, étant donné que ne sont visées ici que les découvertes faites par les membres du personnel des universités et du Fonds ainsi que par les boursiers travaillant dans les universités, et ce dans le cadre de leur mission. Le droit d'auteur n'est pas repris dans la réglementation décrétale. Par ailleurs, la possibilité est donnée de transférer les droits patrimoniaux au chercheur.

Contrairement à ce que laisse entendre le Conseil des ministres, la réglementation en cause ne constitue une rupture ni avec la tendance exprimée par la législation fédérale, qui, pour autant qu'elle existe, ne contient pas une réglementation univoque en ce qui concerne les découvertes faites dans le cadre d'un emploi, ni avec la réglementation supranationale.

Le Gouvernement flamand demande à la Cour de rejeter le recours.

Réponse du Conseil des ministres A.5. Selon le Conseil des ministres, la disposition attaquée n'a nullement été adoptée dans le cadre du statut du personnel enseignant mais bien dans le cadre de la compétence relative à la recherche scientifique. La recherche scientifique est une compétence accessoire qui doit être distinguée de la compétence principale en matière d'enseignement et qui a été attribuée, non par la Constitution mais bien par la loi spéciale du 8 août 1980. Le législateur décrétal était par conséquent tenu de respecter la réserve horizontale de compétence prévue en faveur de l'autorité fédérale par l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, de la loi spéciale du 8 août 1980. Cette réserve de compétence est applicable à l'ensemble du système de la répartition des compétences organisé par la loi spéciale du 8 août 1980 et exprimait la volonté de faire relever en particulier la matière de la propriété intellectuelle de la compétence exclusive de l'autorité fédérale. Le législateur décrétal a donc outrepassé ses compétences.

A.6. Le Conseil des ministres estime qu'il n'est pas satisfait aux conditions permettant l'application de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980. Il n'est pas nécessaire que la Communauté flamande réglemente les droits patrimoniaux concernant les découvertes réalisées par les universités pour qu'elle puisse exercer ses compétences en matière de recherche scientifique. La disposition attaquée n'est pas non plus nécessaire à l'organisation et au fonctionnement de la recherche scientifique dans les établissements universitaires en Flandre. On ne peut pas davantage admettre la thèse selon laquelle les droits patrimoniaux sur les découvertes se prêteraient à un régime différencié et qu'ils n'auraient qu'une incidence marginale sur les compétences du législateur fédéral, étant donné que les droits patrimoniaux constituent l'essence des droits intellectuels, puisqu'ils signifient qu'est réservé à l'inventeur l'ensemble des avantages économiques de son invention.

Le Conseil des ministres demande dès lors d'annuler la disposition concernée. - B B.1. Le recours en annulation concerne l'article 103 du décret de la Communauté flamande du 14 juillet 1998 relatif à l'enseignement IX. Cette disposition règle les droits patrimoniaux sur les « découvertes » faites dans les universités, à l'exclusion des droits moraux. On entend par « découvertes », les inventions brevetables, les obtentions végétales, les dessins et modèles, les topographies de semi-conducteurs, les programmes informatiques et les bases de données qui peuvent être affectés à des fins commerciales en vue d'une application industrielle ou agricole. Les droits d'auteur ne sont donc pas visés.

Aux termes de la disposition attaquée, les droits patrimoniaux sur les « découvertes » réalisées, dans le cadre de leurs missions de recherche, par les membres du personnel des universités et du Fonds de la recherche scientifique ainsi que par les titulaires d'une bourse désignée dans cette disposition appartiennent exclusivement à l'université. L'université acquiert les droits patrimoniaux sur les inventions d'autres personnes que les personnes précitées pour autant seulement qu'il existe une disposition contractuelle en ce sens.

L'université a le droit exclusif d'exploiter l'invention. Le chercheur a droit à une part équitable, fixée par un règlement interne ou sur une base conventionnelle, des revenus financiers que l'université retire de l'exploitation de l'invention. L'université peut céder ses droits sur des inventions au chercheur. Celui-ci a en outre la faculté de réclamer les droits sur son invention si l'université néglige d'exploiter celle-ci dans un délai déterminé.

B.2. Le Conseil des ministres prend un moyen unique de la violation des règles de compétence et, en particulier, de l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 7°, et de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. Selon le Conseil des ministres, le décret empiète sur la compétence réservée au législateur fédéral en matière de propriété industrielle et intellectuelle et les conditions d'application de l'article 10 de la loi spéciale ne sont pas remplies.

Le Gouvernement flamand affirme, en ordre principal, que le décret règle le statut du personnel universitaire et, en ordre subsidiaire, que l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 peut être invoqué.

B.3.1. Sauf les exceptions mentionnées à l'article 127, § 1er, alinéa 1er, 2°, de la Constitution, le Constituant a attribué aux communautés toute la compétence d'édicter les règles propres à la matière de l'enseignement. Parmi ces règles figurent également celles qui se rapportent au statut du personnel enseignant en général et à celui du personnel enseignant de l'enseignement communautaire en particulier.

B.3.2. La recherche scientifique réalisée par et dans les universités doit également être considérée comme une matière d'enseignement.

L'article 6bis de la loi spéciale du 8 août 1980 répartit entre les différents législateurs la compétence pour régler la recherche scientifique, selon le système dit de l'exercice parallèle de compétences exclusives : chaque législateur - fédéral, communautaire, régional - est compétent pour régler la recherche scientifique se rapportant aux matières qui ressortissent à ses compétences.

B.3.3. Selon l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 7°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, tel qu'il a été modifié par la loi spéciale du 8 août 1988, l'autorité fédérale est seule compétente pour la propriété industrielle et intellectuelle.

En vue de préciser la notion de « propriété industrielle et intellectuelle », les travaux préparatoires de la loi spéciale du 8 août 1988 contiennent une énumération des lois de base qui existaient alors en matière de propriété industrielle, de brevets, de modèles, de marques et de propriété des obtentions végétales » qui, avec leurs arrêtés d'exécution, demeurent de la compétence exclusive de l'autorité nationale » (Doc. parl., Chambre, 1988, n° 516/6, pp. 136).

Cette énumération exprime la volonté du législateur spécial de considérer comme une matière fédérale la réglementation en matière de propriété intellectuelle et industrielle.

B.4.1. La répartition des compétences entre l'Etat fédéral et les communautés repose sur un système de compétences exclusives qui implique que toute situation juridique soit en principe réglée par un seul et unique législateur. Lorsqu'une réglementation a, comme en l'espèce, des liens avec plusieurs attributions de compétences, la Cour doit rechercher où se trouve l'élément prépondérant de la relation juridique réglée.

B.4.2. Les inventions que réalisent, dans le cadre de leur mission de recherche, les membres du personnel de l'université et les chercheurs qui leur sont assimilés par le décret représentent une part essentielle des fonctions remplies par ces personnes dans l'exercice de la mission pour laquelle elles ont été désignées.

Le règlement des conséquences patrimoniales de ces inventions fait partie du règlement de la relation de travail des personnes concernées et est donc intrinsèquement lié à leur statut, qui peut être réglé par les communautés.

B.4.3. La compétence du législateur fédéral en matière de propriété industrielle et intellectuelle exige que lorsque le législateur décrétal règle les droits patrimoniaux sur les inventions réalisées dans les universités, il se limite à ce qui est nécessaire pour mener une politique efficace en matière d'enseignement universitaire. Il doit notamment veiller à ne pas rendre impossible ou exagérément difficile l'exercice de la compétence fédérale.

Cette condition est remplie en l'espèce. Compte tenu de son champ d'application restreint et clairement délimité, d'une part, et de la spécificité du règlement des droits patrimoniaux sur les inventions réalisées dans les universités, d'autre part, la réglementation attaquée ne porte pas atteinte à la compétence du législateur fédéral en matière de propriété intellectuelle et industrielle, en général, et à son pouvoir de régler le régime des inventions faites dans les liens d'une relation de travail, en particulier.

B.4.4. Toutefois, les considérations exposées en B.4.2 et B.4.3 ne valent pour les établissements de recherche scientifique visés au paragraphe 8 de la disposition attaquée qu'à la condition que ces derniers fassent partie de l'organisation de l'enseignement en Communauté flamande. Etant donné l'objet du décret, ledit paragraphe 8 doit s'interpréter en ce sens.

Par ces motifs, la Cour sous réserve de l'interprétation mentionnée au B.4.4, rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 21 juin 2000.

Le greffier, L. Potoms Le président, G. De Baets

^