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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 12 janvier 2000

Arrêt n° 134/99 du 22 décembre 1999 Numéro du rôle : 1418 En cause : le recours en annulation des articles 3 et 4 de la loi du 10 février 1998 portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérati La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et G. De Baets, et des juges H. Boel, L(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 134/99 du 22 décembre 1999 Numéro du rôle : 1418 En cause : le recours en annulation des articles 3 et 4 de la loi du 10 février 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/1998 pub. 20/03/1998 numac 1998000132 source ministere de l'interieur Loi portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie et de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie et de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie, introduit par A. Henneau et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et G. De Baets, et des juges H. Boel, L. François, H. Coremans, R. Henneuse et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 19 septembre 1998 et parvenue au greffe le 21 septembre 1998, A. Henneau, demeurant à 1400 Nivelles, rue Théodore Berthels 7/2, J. Adam, demeurant à 9000 Gand, Spiegelhofstraat 57, et S. Verhulst, demeurant à 7100 La Louvière, rue des Rentiers 45/16, ont introduit un recours en annulation des articles 3 et 4 de la loi du 10 février 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/1998 pub. 20/03/1998 numac 1998000132 source ministere de l'interieur Loi portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie et de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie et de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie (publiée au Moniteur belge du 20 mars 1998).

II. La procédure Par ordonnance du 21 septembre 1998, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 23 octobre 1998.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 4 novembre 1998.

Le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire par lettre recommandée à la poste le 4 décembre 1998.

Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 18 décembre 1998.

Par ordonnance du 13 janvier 1999, le président en exercice a prorogé de quinze jours le délai pour l'introduction d'un mémoire en réponse, suite à la demande du conseil des parties requérantes du 8 janvier 1999.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties requérantes, par lettre recommandée à la poste le 13 janvier 1999.

Les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse, par lettre recommandée à la poste le 29 janvier 1999.

Par ordonnances du 24 février 1999 et du 29 juin 1999, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 19 septembre 1999 et 19 mars 2000 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 27 octobre 1999, le président en exercice a complété le siège par le juge H. Coremans.

Par ordonnance du 27 octobre 1999, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 25 novembre 1999.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 28 octobre 1999.

A l'audience publique du 25 novembre 1999 : - ont comparu : . Me T. Vermeire loco Me P. Vande Casteele, avocats au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes; . le capitaine de gendarmerie J. Lacasse, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs R. Henneuse et M. Bossuyt ont fait rapport; - les parties précitées ont été entendues; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - En ce qui concerne le premier moyen A.1. Le premier moyen invoqué à l'appui de la requête est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, pris isolément et en combinaison avec les articles 16, 23 et 184 de la Constitution.

Ce moyen critique le fait que le législateur permet au Roi et au ministre, chacun en ce qui le concerne, d'imposer un remboursement qui peut aller jusqu'à la totalité des traitements perçus pendant la formation, qu'il n'a pas précisé les modalités de fixation et de remboursement et n'a pas davantage tenu compte du mode de désignation (d'office ou volontaire) du gendarme pour la formation ni de l'emploi occupé par celui-ci lors de la formation.

Ce faisant, le législateur, d'une part (première branche du moyen), porte une atteinte disproportionnée à la liberté du travail et au droit de propriété, garantis respectivement par les articles 23 et 16 de la Constitution, et opère ainsi une discrimination au détriment des gendarmes; dans leur mémoire en réponse, les parties requérantes critiquent en particulier le fait que la totalité du traitement est susceptible d'être réclamée et que la somme à rembourser est exigible immédiatement.

D'autre part (seconde branche du moyen), les critères ainsi établis par la loi du 10 février 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/1998 pub. 20/03/1998 numac 1998000132 source ministere de l'interieur Loi portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie et de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer, imprécis et incomplets, laissent au Roi et au ministre un pouvoir d'appréciation trop large, incompatible avec l'article 184 de la Constitution; les gendarmes sont dès lors privés, de manière discriminatoire, de l'intervention d'une assemblée démocratiquement élue, que garantit cette disposition constitutionnelle.

A.2.1. Après avoir contesté l'intérêt à agir du premier requérant - son ancienneté de service déjà acquise (30 ans) couvrant la « période de rendement » qu'impliquerait toute nouvelle formation -, le Conseil des ministres estime que la branche de ce moyen prise de la violation des articles 16 et 23, combinés avec les articles 10 et 11 de la Constitution, est rédigée « de manière particulièrement confuse » et ne fait pas apparaître les discriminations critiquées. Dans leur mémoire en réponse, les parties requérantes précisent que « les articles 16, 23 et 184 consacrent chacun le principe de légalité », principe dont elles seraient privées du fait des dispositions litigieuses.

A.2.2. En ce qui concerne la seconde branche de ce moyen, le Conseil des ministres s'en réfère à l'arrêt de la Cour n° 34/96 du 15 mai 1996, plus précisément à son considérant B.3, dont il résulte que la Cour a admis que le libre choix de l'activité professionnelle pouvait être limité dans le chef des membres du personnel de la gendarmerie, eu égard aux missions spécifiques qui sont confiées à ce corps. Seule en réalité a été sanctionnée par la Cour la délégation trop large donnée au Roi, objection à laquelle, précisément, la loi du 10 février 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/1998 pub. 20/03/1998 numac 1998000132 source ministere de l'interieur Loi portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie et de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer en cause en l'espèce a entendu remédier : en effet, par celle-ci, le législateur exerce lui-même ses compétences en précisant tant les modalités permettant de fixer le montant de l'indemnité de rupture que la durée minimum de service effectif au-delà de laquelle ce remboursement ne sera pas exigé.

Le mémoire du Conseil des ministres expose ensuite la raison d'être de l'indemnité qu'il qualifie « de rupture »; il explique notamment que le caractère facultatif de la décision d'imposer un remboursement permet, d'une part, de couvrir la diversité des formations concernées et des charges réellement supportées par la gendarmerie et, d'autre part, de tenir compte des circonstances familiales ou sociales.

Le Conseil des ministres rappelle enfin que la décision d'imposer un remboursement est susceptible d'un recours devant et d'un contrôle par le Conseil d'Etat.

En ce qui concerne le deuxième moyen A.3. Le deuxième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 12, 23, alinéa 2, et 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution, les articles 1er et 2 de la convention n° 29 de l'Organisation internationale du travail, les articles 1er et 2 de la convention n° 105 de l'Organisation internationale du travail, l'article 6 de la convention n° 95 de l'Organisation internationale du travail relative à la protection de la rémunération, les articles 4, 14, 15 et 60 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article 48 du Traité C.E. et l'article 1er de la Charte sociale européenne.

Selon les parties requérantes, les dispositions en cause ont pour effet que l'obligation de remboursement s'impose de façon inéluctable, soit qu'il y ait démission volontaire soit qu'il y ait démission d'office consécutive à une absence irrégulière de plus de 10 jours.

Constituant une « sérieuse entrave à l'exercice de nouvelles activités professionnelles », les articles 3 et 4 de la loi du 10 février 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/1998 pub. 20/03/1998 numac 1998000132 source ministere de l'interieur Loi portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie et de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer portent atteinte aux dispositions citées au moyen, lesquelles garantissent le libre choix du travail et interdisent le travail forcé; en outre, ils portent atteinte à la liberté du travailleur de disposer de son salaire à son gré dès lors que les gendarmes, lors d'une démission volontaire ou non, doivent rembourser un traitement précédemment perçu.

A.4.1. Dans son mémoire, le Conseil des ministres souligne tout d'abord que les parties requérantes « se contentent d'énoncer des dispositions de droit interne et international sans concrètement préciser en quoi elles constituent une violation du principe d'égalité » et en conclut que, dans cette mesure, le moyen est partiellement irrecevable.

A.4.2. Quant au fond, outre la référence à l'arrêt précité n° 34/96 de la Cour, le Conseil des ministres conteste que l'indemnité de rupture restreigne la libre disposition du salaire; il est relevé notamment qu'aucune saisie immédiate sur salaire n'est prévue, que tout remboursement a une incidence sur le patrimoine sans nécessairement affecter le salaire et que cette indemnité peut être payée par un tiers, tel le nouvel employeur.

En ce qui concerne la violation des conventions de l'Organisation internationale du travail, il est relevé qu'elles n'ont pas d'effet direct et que les parties requérantes ne précisent pas en quoi elles seraient violées, le gendarme auquel est demandé une indemnité de rupture pouvant toujours décider de rester en fonction jusqu'à l'expiration de la période de rendement.

Par ailleurs, il est relevé qu'aucune conséquence pénale ou disciplinaire n'est attachée à une démission volontaire, assortie d'une indemnité de rupture, ou à une demande refusée.

En ce qui concerne enfin la violation de dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, outre le caractère imprécis de cette branche du moyen, il est souligné que la notion de travail forcé requiert, selon la jurisprudence de la Cour, que le travail soit effectué contre la volonté du travailleur et qu'il soit injuste et imposé, sans pouvoir être évité - conditions jugées inexistantes en l'espèce dès lors que les membres du personnel de la gendarmerie ont adhéré volontairement au statut du personnel.

En ce qui concerne le troisième moyen A.5.1. Le troisième moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 23 de la Constitution ainsi que de l'article 48 du Traité C.E. Selon les parties requérantes, les articles 3 et 4 en cause violent les dispositions reprises au moyen en ce que les gendarmes qui sollicitent un emploi offert, soit dans le secteur public, soit dans le secteur privé, subissent une entrave en raison de l'éventuel refus de la démission présentée ou en raison des frais qu'ils doivent rembourser à l'occasion de cette démission.

A.5.2. Selon le Conseil des ministres, le moyen pris de la violation de l'article 48 du Traité de Rome est irrecevable à un double titre.

D'une part, l'article 48, paragraphe 4, exclut de son champ d'application les emplois dans l'administration publique; d'autre part, la violation de cette disposition implique que des travailleurs d'autres Etats membres souhaitent travailler dans l'Etat membre concerné, hypothèse inapplicable en l'espèce puisque tous les éléments des activités en cause se situent dans le même Etat membre, à savoir la Belgique.

A.5.3. Dans leur mémoire en réponse, les parties requérantes s'en réfèrent à la jurisprudence de la Cour de justice, et notamment à l'arrêt du 15 décembre 1995 prononcé dans l'affaire Bosmans. A titre subsidiaire, elles demandent que soit posée à cette juridiction une triple question préjudicielle en interprétation, portant sur la compatibilité des dispositions attaquées avec les articles 5, 48 à 53 du Traité C.E. En ce qui concerne le quatrième moyen A.6.1. Le quatrième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution.

La démission d'office est, en ce qui concerne les gendarmes, la sanction disciplinaire la plus lourde et correspond à la révocation dans le statut des fonctionnaires. Il est discriminatoire d'ajouter à cette sanction, en ce qui concerne les seuls gendarmes, la sanction supplémentaire que constitue le remboursement.

A.6.2. Selon le Conseil des ministres, ce moyen repose sur une confusion et est non fondé. En effet, la procédure de démission d'office consécutive à une absence irrégulière ne peut être confondue avec une procédure disciplinaire et ce, notamment, en considération tant des travaux préparatoires des dispositions en cause que du fait que le conseil d'enquête - organe disciplinaire - n'intervient pas dans cette procédure.

Quant à ce dernier argument, les parties requérantes objectent que le conseil d'enquête ne doit pas être consulté pour certaines sanctions disciplinaires, sans que celles-ci, pour autant, ne perdent leur caractère disciplinaire.

En ce qui concerne le cinquième moyen A.7.1. Le cinquième et dernier moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 16 de la Constitution.

Les dispositions entreprises condamnent le gendarme concerné à choisir entre le bénéfice de l'article 4 de la Convention européenne des droits de l'homme et celui de l'article 16 de la Constitution. En effet, s'il exerce son droit à la démission, il subit une atteinte à son droit de propriété; à l'inverse, il peut conserver son patrimoine en renonçant à son droit à la démission, voire en cas de refus de celle-ci, mais cela se fait alors au détriment du droit garanti par l'article 4 de la Convention européenne des droits de l'homme.

A.7.2. Après avoir relevé le défaut de précision de la violation alléguée des articles 10 et 11 de la Constitution, le Conseil des ministres conteste la lecture selon laquelle les dispositions en cause porteraient atteinte à la propriété des salaires perçus durant la formation.

Il est relevé en outre que, à supposer même qu'il soit porté atteinte au droit de propriété, celle-ci serait justifiée au regard de l'article 1er, alinéa 2, du Protocole additionnel : l'intérêt général auquel se réfère cette disposition est établi en effet à la lecture du considérant B.3.2 de l'arrêt précité n° 34/96, lequel se réfère à l'intérêt général et à la continuité du service public pour admettre le principe du remboursement des frais de formation. - B - Les dispositions attaquées B.1.1. Les parties requérantes demandent l'annulation des articles 3 et 4 de la loi du 10 février 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/1998 pub. 20/03/1998 numac 1998000132 source ministere de l'interieur Loi portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie et de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer, lesquels modifient respectivement les articles 31 et 33 de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie.

B.1.2. Avant sa modification par la loi du 10 février 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/1998 pub. 20/03/1998 numac 1998000132 source ministere de l'interieur Loi portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie et de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer, l'article 31 de la loi du 27 décembre 1973 disposait : « La démission doit être donnée par écrit.

Elle n'a d'effet que lorsqu'elle est acceptée : 1° par le Roi pour les officiers;2° par le Ministre de la Défense nationale pour les sous-officiers. Elle peut être refusée par le Ministre de la Défense nationale, s'il estime qu'elle est contraire à l'intérêt du service. » L'article 3 de la loi du 10 février 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/1998 pub. 20/03/1998 numac 1998000132 source ministere de l'interieur Loi portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie et de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer complète comme suit cet article 31 : « La décision acceptant la démission du membre du personnel, peut être assortie de l'obligation pour le membre du personnel qui en est l'objet, de verser à la gendarmerie la totalité ou une partie de l'indemnité calculée conformément aux alinéas 5, 6 et 7.

Cette obligation ne peut toutefois pas être imposée au membre du personnel qui, à l'expiration de sa formation de base, a effectué un nombre minimum d'années de service qui correspond à une fois et demi la durée de cette formation de base.

L'indemnité est dégressive. Elle s'élève à une fraction du traitement payé pendant la formation de base. Le numérateur de cette fraction est constitué de la différence entre le nombre minimum d'années de service fixé à l'alinéa 5 et le nombre d'années de service déjà effectuées. Le dénominateur de cette fraction est le minimum fixé à l'alinéa 5.

Pour chaque formation supplémentaire du niveau de l'enseignement supérieur, est comptée une année supplémentaire de service à effectuer par année de formation supplémentaire suivie à charge de l'autorité. » B.1.3. Avant sa modification par la loi du 10 février 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/1998 pub. 20/03/1998 numac 1998000132 source ministere de l'interieur Loi portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie et de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer, l'article 33 de la loi du 27 décembre 1973 disposait : « § 1er. Peut être démis d'office de son emploi le membre du personnel de carrière qui s'est rendu coupable de faits graves incompatibles avec son état de membre du personnel de la gendarmerie. § 2. La mesure est prise après consultation d'un conseil d'enquête : 1° pour les officiers, par le Roi, sur rapport motivé du Ministre de la Défense nationale;2° pour les sous-officiers, par le Ministre de la Défense nationale.» L'article 4 de la loi du 10 février 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/1998 pub. 20/03/1998 numac 1998000132 source ministere de l'interieur Loi portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie et de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer complète comme suit cet article 33 : « La décision de démission d'office peut être assortie de l'obligation, pour le membre du personnel qui en est l'objet, de verser à la gendarmerie une indemnité calculée conformément à l'article 31, alinéas 5, 6 et 7. » En ce qui concerne la recevabilité B.2. Le Conseil des ministres conteste l'intérêt du requérant A. Henneau au motif que les dispositions attaquées ne peuvent affecter celui-ci directement et défavorablement.

Pour qu'un requérant justifie de l'intérêt à agir, il faut que le risque que les dispositions attaquées puissent lui être appliquées soit réel.

Etant donné que l'obligation de payer une indemnité ne peut être imposée à un membre du personnel qui a accompli, après sa formation de base, un nombre d'années de service minimum correspondant à une fois et demie la durée de cette formation de base, le requérant A. Henneau, qui a, selon les informations communiquées à la Cour, une ancienneté de service de 30 ans, ne démontre pas qu'il soit susceptible, sur la base des dispositions attaquées, de se voir réclamer une indemnité de rupture.

Il ne justifie dès lors pas de l'intérêt requis en droit. Le recours est irrecevable en ce qu'il est introduit par A. Henneau.

Quant au fond B.3. Selon les travaux préparatoires, les articles 3 et 4 de la loi du 10 février 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/1998 pub. 20/03/1998 numac 1998000132 source ministere de l'interieur Loi portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie et de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer visent à tenir compte de l'arrêt de la Cour n° 34/96 du 15 mai 1996. Ainsi a-t-il été exposé : « Ces dispositions concernent l'indemnité qui peut être exigée en cas de démission acceptée ou de démission d'office suite à une absence irrégulière de plus de dix jours et pour autant, bien évidemment, que le membre du personnel concerné n'a pas presté un nombre minimum d'années. Ce régime d'indemnisation avait déjà été inséré dans les articles 31 et 33 de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie, par la loi du 9 décembre 1994 portant modification de certaines dispositions relatives à la gendarmerie et au statut de son personnel (Moniteur belge du 30 décembre 1994, p. 32454). Ces textes insérés ont toutefois été annulés par l'arrêt n° 34/96 de la Cour d'arbitrage du 15 mai 1996 (Moniteur belge du 12 juin 1996, p. 16028), estimant qu'ils octroyaient une trop grande délégation au Roi.

C'est pourquoi les dispositions exécutoires qui avaient déjà été prises entre-temps (voir à ce sujet l'arrêté royal du 20 décembre 1995 relatif à l'entrée en vigueur de dispositions de la loi du 9 décembre 1994 portant modification de certaines dispositions relatives à la gendarmerie et au statut de son personnel et modifiant l'arrêté royal du 25 avril 1979 relatif à l'emploi et au retrait d'emploi du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie, notamment les articles 5 et 6 (Moniteur belge du 9 janvier 1996, p. 405), ont été transférées vers les articles 31 et 33 de la loi statutaire susmentionnée du 27 décembre 1973. Ce faisant, une suite adéquate est donnée à l'arrêt précité. » (Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 1199/1, pp. 2 et 3) B.4. Les parties requérantes allèguent que les articles 3 et 4 de la loi du 10 février 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/1998 pub. 20/03/1998 numac 1998000132 source ministere de l'interieur Loi portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie et de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer sont discriminatoires à trois égards.

Tout d'abord, ils priveraient leurs destinataires du bénéfice de l'intervention du législateur prescrite par l'article 184 de la Constitution. Ensuite, ils porteraient atteinte à la liberté du travail et au droit de propriété. Enfin, ils traiteraient les gendarmes de façon discriminatoire en comparaison des autres fonctionnaires.

En ce qui concerne la violation des articles 10 et 11 combinés avec l'article 184 de la Constitution B.5. Selon les parties requérantes, les articles 3 et 4 de la loi du 10 février 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/1998 pub. 20/03/1998 numac 1998000132 source ministere de l'interieur Loi portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie et de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer laissent, sur différents points, au Roi et au ministre de la Défense un pouvoir d'appréciation trop large, incompatible avec le prescrit de l'article 184 de la Constitution.

B.6.1. Aux termes de l'article 184 de la Constitution : « L'organisation et les attributions de la gendarmerie font l'objet d'une loi. » En attribuant au pouvoir législatif la compétence de régler l'organisation et les attributions de la gendarmerie, l'article 184 de la Constitution garantit que cette matière fera l'objet de décisions prises par une assemblée délibérante démocratiquement élue. Bien que cette disposition réserve ainsi, en cette matière, la compétence normative au législateur fédéral - lequel doit en régler lui-même les éléments essentiels -, elle n'exclut toutefois pas que soit laissé un pouvoir limité d'exécution au Roi.

B.6.2. Les dispositions attaquées ont été adoptées afin de conformer la loi aux règles constitutionnelles rappelées par l'arrêt n° 34/96 du 15 mai 1996 : les modifications apportées par la loi du 9 décembre 1994 aux articles 31 et 33 de la loi du 27 décembre 1973 étaient critiquables en ce qu'elles laissaient au Roi le pouvoir discrétionnaire de fixer le montant du remboursement et en ce que la loi ne déterminait pas la durée minimale de la période dite « de rendement ».

La Cour constate que les articles 31 et 33 de la loi du 27 décembre 1973, tels qu'ils ont été complétés par les articles 3 et 4 attaqués, règlent désormais de façon substantielle les conditions et modalités de l'indemnité dite « de rupture » : sont précisés la période de service au-delà de laquelle aucun remboursement ne peut être demandé (période de rendement) - égale à une fois et demi la durée de la formation de base -, le mode de calcul de l'indemnité - laquelle est dégressive et correspond à une fraction du traitement payé durant la formation de base - de même que la période de rendement correspondant aux formations complémentaires.

Ce faisant, le législateur a réglé les conditions et modalités essentielles de l'indemnité de rupture, de telle sorte que les aspects de celle-ci qui seraient, selon les parties requérantes, laissés à l'appréciation du pouvoir exécutif - à supposer que tel soit le cas - ne peuvent être réputés l'être en violation de l'article 184 de la Constitution. Tel est le cas notamment du caractère facultatif de la décision d'imposer un remboursement : si ce pouvoir d'appréciation permet, selon les travaux préparatoires (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1199/3, p. 4), de tenir compte de « circonstances sociales et familiales », il ne peut toutefois être interprété comme dispensant l'autorité appelée à statuer, au vu le cas échéant desdites circonstances, du respect du principe d'égalité.

B.6.3. Le moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne l'atteinte à la liberté du travail et au droit de propriété B.7.1. En plusieurs de leurs moyens, les parties requérantes allèguent que les dispositions attaquées violent diverses dispositions constitutionnelles et internationales et portent ainsi une atteinte excessive à la liberté du travail.

B.7.2. Les dispositions litigieuses permettent de réclamer au membre du personnel de la gendarmerie qui démissionne ou qui est démis d'office « la totalité ou une partie de l'indemnité », calculée conformément à l'article 31 nouveau, alinéas 5 à 7, de la loi du 27 décembre 1973.

Les contraintes imposées par les dispositions litigieuses sont la contrepartie du bénéfice retiré de la formation que les gendarmes ont reçue aux frais de la collectivité. Elles se justifient aussi par le souci de disposer d'un effectif suffisant pour assurer les missions confiées à la gendarmerie.

En considération des conditions et modalités au respect desquelles ils conditionnent une éventuelle indemnité de rupture, les articles 3 et 4 de la loi du 10 février 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/1998 pub. 20/03/1998 numac 1998000132 source ministere de l'interieur Loi portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie et de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté du travail (supra, B.6.2).

B.8. Selon les parties requérantes, l'obligation de rembourser tout ou partie des traitements perçus durant les périodes de formation affecterait également le droit de propriété portant sur lesdits traitements.

Pour les motifs indiqués au B.7.2, l'obligation de remboursement d'une partie des traitements perçus dont bénéficient les gendarmes durant leur formation, qui peut être imposée à ceux d'entre eux qui quittent la gendarmerie avant l'expiration de la période de rendement, ne porte pas une atteinte injustifiée au droit de ceux-ci au respect de leurs biens.

En ce qui concerne la différence de traitement entre les gendarmes et les autres fonctionnaires B.9. Les parties requérantes allèguent enfin que l'article 4 de la loi du 10 février 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/1998 pub. 20/03/1998 numac 1998000132 source ministere de l'interieur Loi portant modification de la loi du 27 décembre 1973 relative au statut du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie et de la loi du 11 juillet 1978 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer, qui prévoit la possibilité d'assortir d'une indemnité de rupture la décision de démission d'office, traiterait de façon discriminatoire les gendarmes par rapport aux autres fonctionnaires, dont la révocation n'est pas assortie de cette sanction complémentaire.

B.10. Le moyen présuppose que l'éventuelle indemnité de rupture, qui peut être demandée aux gendarmes démis d'office qui ont suivi une formation, s'analyse comme une sanction disciplinaire s'ajoutant à la sanction de la démission d'office. Une telle analyse ne peut être admise, compte tenu des raisons qui justifient l'indemnité critiquée, laquelle peut également être exigée en cas de démission volontaire d'un gendarme ayant bénéficié d'une formation.

Le moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 22 décembre 1999.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

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