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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 29 décembre 1999

Arrêt n° 124/99 du 25 novembre 1999 Numéro du rôle : 1444 En cause : le recours en annulation du décret de la Communauté flamande du 17 mars 1998 réglant le droit à la liberté d'information et la diffusion d'informations brèves par les radiod La Cour d'arbitrage, composée des présidents G. De Baets et M. Melchior, et des juges H. Boel, L(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 124/99 du 25 novembre 1999 Numéro du rôle : 1444 En cause : le recours en annulation du décret de la Communauté flamande du 17 mars 1998 réglant le droit à la liberté d'information et la diffusion d'informations brèves par les radiodiffuseurs, introduit par l'a.s.b.l. Ligue professionnelle de football.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents G. De Baets et M. Melchior, et des juges H. Boel, L. François, P. Martens, J. Delruelle, E. Cerexhe, H. Coremans, A. Arts et M. Bossuyt, assistée du référendaire B. Renauld, faisant fonction de greffier, présidée par le président G. De Baets, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 16 octobre 1998 et parvenue au greffe le 19 octobre 1998, l'a.s.b.l.

Ligue professionnelle de football, dont le siège social est établi à 1020 Bruxelles, avenue Houba de Strooper 145, a introduit un recours en annulation du décret de la Communauté flamande du 17 mars 1998 réglant le droit à la liberté d'information et la diffusion d'informations brèves par les radiodiffuseurs (publié au Moniteur belge du 17 avril 1998).

II. La procédure Par ordonnance du 19 octobre 1998, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 25 novembre 1998.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 28 novembre 1998.

Des mémoires ont été introduits par : - le Gouvernement de la Communauté française, place Surlet de Chokier 15-17, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 8 janvier 1999; - le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 11 janvier 1999; - le Gouvernement wallon, rue Mazy 25-27, 5100 Namur, par lettre recommandée à la poste le 11 janvier 1999.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 9 mars 1999.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - le Gouvernement de la Communauté française, par lettre recommandée à la poste le 7 avril 1999; - l'a.s.b.l. Ligue professionnelle de football, par lettre recommandée à la poste le 9 avril 1999; - le Gouvernement flamand, par lettre recommandée à la poste le 9 avril 1999; - le Gouvernement wallon, par lettre recommandée à la poste le 9 avril 1999.

Par ordonnances des 30 mars 1999 et 27 septembre 1999, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 16 octobre 1999 et 16 avril 2000 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 5 mai 1999, le président L. De Grève a soumis l'affaire à la Cour réunie en séance plénière.

Par ordonnance du 5 mai 1999, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 9 juin 1999.

Cette dernière ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 6 mai 1999.

A l'audience publique du 9 juin 1999 : - ont comparu : . Me F. Jongen, avocat au barreau de Bruxelles, pour la partie requérante; . Me V. Thiry, avocat au barreau de Liège, pour le Gouvernement wallon; . Me N. van Laer loco Me M. Uyttendaele, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement de la Communauté française; . Me P. Van Orshoven, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement flamand; - les juges-rapporteurs A. Arts et J. Delruelle ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. Objet des dispositions entreprises Le décret entrepris de la Communauté flamande du 17 mars 1998 règle le « droit à la liberté d'information » et la diffusion d'informations brèves par les radiodiffuseurs.

Aux termes de l'article 1er, le décret règle une matière communautaire. L'article 2 définit une série de notions, telles que « titulaire de l'exclusivité », « radiodiffuseur secondaire », « événement » et « organisateur ».

L'article 3 institue le principe de la liberté de collecter des informations pour chaque radiodiffuseur de la Communauté flamande ou agréé par elle.

S'agissant des événements qui font l'objet de droits de diffusion exclusifs, ce droit implique selon l'alinéa 2 de cet article : « a) le libre accès à l'événement, dans la mesure où celui-ci a lieu dans la région linguistique néerlandophone ou dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, l'organisme qui organise l'événement dans la région de Bruxelles-Capitale pouvant être considéré, en raison de son organisation, comme appartenant exclusivement à la Communauté flamande; b) le droit de faire des enregistrements dans la mesure où l'événement a lieu dans la région linguistique néerlandophone ou dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, l'organisme qui organise l'événement dans la région de Bruxelles-Capitale pouvant être considéré, en raison de son organisation, comme appartenant exclusivement à la Communauté flamande;c) le droit à la diffusion d'informations brèves.» L'article 4 prévoit une possibilité exceptionnelle pour l'organisateur de limiter le droit à l'accès et à l'enregistrement libres pour des raisons de sécurité et de prévention d'entraves au déroulement de l'événement.

En vertu de l'article 5, la diffusion d'informations brèves n'est autorisée que dans les journaux et les programmes d'actualité régulièrement programmés. Le contenu des informations brèves est déterminé en toute autonomie par le radiodiffuseur.

L'article 6 énonce : « La durée des informations brèves est limitée au temps requis pour la diffusion de l'information nécessaire sur l'événement et ne peut contenir au total plus de trois minutes de matériel sonore et/ou visuel de cet événement.

S'agissant en particulier des compétitions, la diffusion d'informations brèves sur une journée de compétition ne peut dépasser six minutes dans un journal par discipline sportive. Dans le cas d'un programme d'actualités, la durée ne peut être supérieure à quinze minutes. Le Gouvernement flamand peut établir des modalités particulières. » L'article 7 dispose : « § 1er. Le radiodiffuseur secondaire a en principe le droit de faire ses propres enregistrements tout en respectant la priorité matérielle dont bénéficient les radiodiffuseurs ayant acquis les droits de diffusion exclusifs.

Dans le cas d'événements sportifs, ce droit se limite aux images prises dans la marge de l'événement. Toutefois, cette restriction n'est pas applicable au cas où les titulaires de l'exclusivité enfreignent le droit énoncé au § 2, alinéa premier. En outre, cette restriction n'est pas d'application si les droits de diffusion exclusifs pour la Communauté flamande n'ont pas été acquis par un radiodiffuseur de la Communauté flamande ou agréé par elle. Au cas où les titulaires de l'exclusivité n'exerceraient pas leur droit de diffusion exclusif, les radiodiffuseurs secondaires sont libres d'enregistrer gratuitement des images de l'événement. § 2. Le radiodiffuseur secondaire a le droit de disposer, moyennant indemnisation équitable, des enregistrements et/ou signaux des titulaires de l'exclusivité et ce en vue d'une diffusion d'informations brèves.

Pour une émission d'informations brèves dans un journal, l'indemnité est fixée sur base des frais techniques exposés. Pour une émission d'informations brèves dans un programme d'actualités, il y a lieu de tenir compte également des droits de diffusion. § 3. En cas de relais du signal et/ou des enregistrements, le radiodiffuseur secondaire choisit librement les fragments sonores et/ou visuels qu'il utilise dans son émission d'informations brèves.

Le son qui accompagne les fragments visuels consiste en des sons ambiants. » Aux termes de l'article 8, en cas de relais du signal et/ou des enregistrements, le radiodiffuseur secondaire doit afficher visiblement la source sous la forme du logo des titulaires de l'exclusivité au cours de l'émission d'informations brèves.

L'article 9 énonce : « § 1er. En cas de relais du signal et/ou des enregistrements des titulaires de l'exclusivité, le radiodiffuseur secondaire peut émettre des informations brèves dès que les titulaires de l'exclusivité ont retransmis l'événement une première fois en tout ou en partie et en direct ou non.

Si le radiodiffuseur secondaire a lui-même fait les enregistrements, l'heure d'émission peut être librement choisie. § 2. Les informations brèves ne peuvent être retransmises hors du cadre d'un événement d'actualité à moins qu'il n'existe un lien direct entre son contenu et un autre événement d'actualité.

Les informations brèves peuvent être retransmises dans des programmes rétrospectifs. § 3. Les informations brèves peuvent être archivées mais leur retransmission est soumise aux conditions énoncées au § 2. » L'article 10 permet aux parties intéressées de déroger d'un commun accord aux dispositions des articles 6 à 9 inclus du décret.

L'article 11 charge le « Vlaams Commissariaat voor de Media » (Commissariat flamand aux médias) de veiller au respect des dispositions décrétales et à la prise de sanctions en cas d'infraction par les radiodiffuseurs. Aux termes de l'alinéa 2 de cet article, les articles 116quater, 116septies et 116octies des décrets relatifs à la radiodiffusion et à la télévision, coordonnés le 25 janvier 1995, s'appliquent par analogie.

L'article 12 habilite le Gouvernement flamand à coordonner les dispositions du décret entrepris avec celles des décrets relatifs à la radiodiffusion et à la télévision.

En vertu de l'article 13, les dispositions du décret ne s'appliquent pas aux contrats d'exclusivité conclus avant le 1er janvier 1998.

Enfin, l'article 14 dispose que le décret entre en vigueur le 1er juillet 1998.

IV. En droit - A - En ce qui concerne la recevabilité du recours Quant à la capacité d'agir de la partie requérante A.1.1. La partie requérante est une association sans but lucratif créée le 4 juin 1977 par quatorze associations de football actives à cette date en première division du championnat belge. L'a.s.b.l. Ligue professionnelle de football regroupe les clubs professionnels belges de football et a pour objet la promotion et le développement du football professionnel en Belgique. Elle organise notamment des championnats tels que la Nissan Cup.

A.1.2. Le Gouvernement flamand objecte que la partie requérante ne peut se prévaloir de la personnalité juridique s'il n'est pas établi que celle-ci a rempli toutes les conditions de publication imposées par la loi du 27 juin 1921Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/06/1921 pub. 19/08/2013 numac 2013000498 source service public federal interieur Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur les associations sans but lucratif.

A.1.3. La partie requérante joint au mémoire en réponse les extraits des annexes du Moniteur belge qui démontrent qu'elle a satisfait annuellement à toutes les formalités légales, notamment en ce qui concerne l'identité des membres du conseil d'administration qui ont décidé d'introduire l'actuel recours.

Elle produit en outre la preuve que la liste des membres a été déposée en août 1998 au greffe du Tribunal de première instance de Bruxelles.

En ce qui concerne l'intérêt de la partie requérante A.2.1. L'a.s.b.l. Ligue professionnelle de football déclare avoir un intérêt à l'annulation du décret litigieux, étant donné qu'il menace directement l'avenir du football professionnel belge que la partie requérante entend promouvoir et développer.

Les droits payés par les chaînes de télévision pour l'émission d'images des rencontres constituent la plus grande part des revenus des équipes professionnelles.

Le décret réduit la valeur des droits d'exclusivité accordés aux chaînes de télévision. Les titulaires de ces droits pourraient faire usage de la possibilité de revoir ou de résilier les contrats signés notamment par l'a.s.b.l. Ligue professionnelle de football avec Canal Plus et Pronet Services le 21 novembre 1996 ainsi qu'avec la R.T.B.F. et V.T.M. le 23 avril 1998.

Pareille rupture de contrat emporterait que l'a.s.b.l. Ligue professionnelle de football perde la majeure partie de ses revenus.

Le décret menace donc la partie requérante en sa qualité d'organisatrice de tournois tels que la Nissan Cup.

A.2.2. Le Gouvernement flamand déclare qu'il ne voit pas en quoi une association de 14 clubs de football qui évoluaient en première division au cours de la saison 1976-1977 pourrait être affectée directement par un décret qui accorde aux radiodiffuseurs flamands la liberté de collecter des informations et le droit à la diffusion d'informations brèves.

Seuls les titulaires de droits d'émission exclusifs pourraient être affectés directement. L'organisateur de l'événement n'est pas affecté, sauf éventuellement par l'article 3, alinéa 2, a) et b), du décret, aux termes duquel il doit tolérer l'accès à l'événement qu'il organise ainsi que la réalisation d'enregistrements.

L'a.s.b.l. Ligue professionnelle de football n'organise toutefois aucun événement : les rencontres auxquelles elle fait allusion sont organisées par des clubs de football, affiliés ou non à la requérante, de l'Union royale belge des sociétés de football-association ou par l'Union belge elle-même. La partie requérante ne représente pas toutes les associations de football affiliées à l'Union royale belge des sociétés de football-association, cependant que le décret ne porte pas seulement sur les « événements » organisés par les « clubs professionnels ». Le décret n'affecte donc en rien l'objet social de l'a.s.b.l. Ligue professionnelle de football. Subsidiairement, si la partie requérante devait malgré tout être considérée comme une organisatrice, son intérêt se limiterait aux dispositions de l'article 3, alinéa 2, a) et b), du décret.

Selon le Gouvernement flamand, la thèse de la partie requérante selon laquelle « le décret litigieux menace directement l'avenir du football professionnel » et « rend impossible l'organisation de tournois tels que la Nissan Cup » n'est pas étayée ou démontrée; « comment expliquer alors que ni l'Union royale belge des sociétés de football-association, ni les clubs individuels, ni un joueur (professionnel) de football n'entreprennent une action contre le décret ? » Le Gouvernement flamand ajoute que le contrat du 23 avril 1998 est postérieur à la publication du décret au Moniteur belge. Les conflits éventuels entre ce contrat et le décret ne sont pas le fait du décret.

Le contrat a été conclu en dépit du décret et est toujours en vigueur, de même que le contrat conclu avec Canal Plus.

A.2.3. L'a.s.b.l. Ligue professionnelle de football réplique que le décret entrepris a bel et bien pour effet, voire pour objet, d'agir sur la situation patrimoniale des organisateurs d'événements et des participants à ceux-ci. L'Union belge de football, la partie requérante et les clubs organisent des événements et les clubs participent à ceux-ci.

La partie requérante soutient qu'elle entend promouvoir et développer le football professionnel et qu'elle ne saurait représenter toutes les équipes de football. En vertu de l'article 3 de ses statuts, elle groupe toutes les équipes professionnelles belges et peut organiser, moyennant l'accord de l'Union royale belge des sociétés de football-association (U.R.B.S.F.A.), des compétitions entre les équipes professionnelles belges de football qui sont membres de l'association.

L'U.R.B.S.F.A. n'a pas introduit de recours parce que le décret cause essentiellement un préjudice aux équipes professionnelles et qu'elle savait que la Ligue introduirait un recours. Aucune équipe professionnelle n'a introduit un recours de sa propre initiative parce que toutes les équipes ont précisément décidé ensemble d'introduire le recours par l'entremise de la Ligue, qui est leur représentant naturel.

En ce qui concerne le contrat du 23 avril 1998, la partie requérante souligne que les négociations y relatives étaient déjà en cours depuis plus d'un an et que ce contrat portait encore sur la saison 1997-1998, ce qui prouve que les parties avaient espéré signer l'accord plus tôt.

A.2.4. Le Gouvernement wallon estime que la partie requérante justifie bel et bien de l'intérêt requis pour demander l'annulation des dispositions qui règlent l'accès des radiodiffuseurs à de telles manifestations sportives, leur enregistrement et l'émission d'informations brèves et qui peuvent influer sur les recettes des équipes professionnelles belges de football.

Sur le fond En ce qui concerne le premier moyen A.3.1. L'a.s.b.l. Ligue professionnelle de football dénonce la violation de l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles « en ce que le décret entrepris, qui oblige les organisateurs d'événements à tolérer que chaque média audiovisuel ait le droit de procéder à des enregistrements, viole la liberté de commerce des équipes de football, étant donné que celles-ci ne sont plus libres de négocier un droit d'exclusivité avec les chaînes de leur choix ».

A.3.2. Selon le Gouvernement flamand, le moyen est irrecevable à défaut d'exposé. L'ensemble du décret est attaqué, mais ce ne sont que les cinquième et sixième moyens qui permettent de déterminer quelles dispositions violeraient la ou les normes juridiques invoquées au moyen et en quoi résiderait la violation.

Le moyen manque également en fait : le décret n'empêche pas la conclusion de contrats d'exclusivité, ne fût-ce que pour les émissions en direct ou pour les reportages. L'information diffusée par les « radiodiffuseurs secondaires » est soumise à des conditions, notamment celle de respecter le droit de première diffusion du titulaire de l'exclusivité. A l'égard des organisateurs, la liberté de collecter des informations se limite à enregistrer des images en marge de l'événement.

Le Gouvernement flamand observe ensuite que la liberté de commerce et d'industrie visée à l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 n'est pas absolue. Il importe uniquement de savoir si les restrictions qui sont apportées à cette liberté ne sont pas manifestement déraisonnables ou disproportionnées, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Pour le surplus, le moyen s'analyse, aux yeux du Gouvernement flamand, en une simple critique d'opportunité, que la Cour n'a pas à examiner.

A.3.3. Pour ce qui est du premier moyen, le Gouvernement de la Communauté française s'en remet à la sagesse de la Cour.

A.3.4. A l'estime du Gouvernement wallon, le moyen porte sur l'ensemble du décret, dans la mesure où le droit de faire des enregistrements est indissociable du droit d'accès et du droit de diffuser des informations brèves. Il apparaît de la défense du Gouvernement flamand que celui-ci a clairement compris les griefs.

Selon le Gouvernement wallon, le décret entend transposer en droit interne la directive européenne 89/552/CEE du 3 octobre 1989 (la directive dite « Télévision sans frontières »), ce qui relève incontestablement de la compétence des communautés et ce qui n'est d'ailleurs pas contesté.

Le Gouvernement wallon ne comprend toutefois pas pourquoi le décret prescrit qu'il est applicable à tous les « événements » et en particulier à toutes les rencontres de football, alors que l'article 3bis de la directive ne vise que les événements d'une importance majeure pour la société : seules les rencontres de football les plus importantes peuvent raisonnablement être soumises au décret.

En ce qu'il n'est pas exclusivement applicable à de tels événements importants, le décret viole, aux yeux du Gouvernement wallon, la disposition invoquée au moyen.

A.3.5. La partie requérante déclare effectivement viser, dans ses quatre premiers moyens, l'ensemble du décret, dont toutes les dispositions sont liées. Peut-être ne faudrait-il annuler que les articles 3 à 9, mais les autres dispositions sont indissolublement liées à ces articles et perdraient donc toute signification.

L'a.s.b.l. Ligue professionnelle de football soutient qu'il sera dorénavant impossible de conclure des contrats du genre de celui du 23 avril 1998. Ce n'est pas parce que la V.R.T. - probablement pour des raisons tactiques et en concertation avec le Gouvernement flamand - n'a pas encore invoqué le décret à l'égard de V.T.M. qu'elle s'abstiendra de le faire à l'avenir. Il est un fait certain qu'aucun radiodiffuseur flamand ne voudra encore conclure un tel contrat à l'avenir.

La partie requérante n'agit pas seulement en tant qu'organisatrice de compétitions, mais également en tant que représentante de l'ensemble des équipes qui organisent ou participent à des compétitions professionnelles de football.

Le Gouvernement flamand soutient à tort que la liberté de collecter des informations se limite, pour ce qui est des organisateurs, aux images en marge de l'événement. Chaque radiodiffuseur flamand dispose non seulement du droit d'émettre des images des compétitions, mais également de diffuser des interviews qu'il aura lui-même réalisées en marge de la rencontre. Ces deux aspects portent atteinte à la liberté de commerce.

La partie requérante soutient que sa liberté et celle de ses membres de commercer avec des chaînes de télévision concernant la retransmission en différé d'images de rencontres de football professionnel sont réduites à néant. Ce commerce représente 313 millions de francs ou 57 p.c. des recettes.

En outre, le décret porte atteinte à la liberté de commercer avec les spectateurs qui assistent aux rencontres dans le stade : étant donné que tous les téléspectateurs pourront voir les principales images sur toutes les chaînes, les équipes professionnelles seront obligées de vendre leurs cartes d'entrée en dessous du prix pour pouvoir conserver leur public.

Le prétendu droit des citoyens à l'information, qui est poursuivi par le décret, est dénué de tout fondement constitutionnel ou conventionnel. A défaut d'une définition précise du but poursuivi, les restrictions apportées à la liberté de commerce et d'industrie sont manifestement disproportionnées.

A.3.6. Le Gouvernement flamand réplique au Gouvernement wallon que le décret n'entend nullement donner exécution à la directive « Télévision sans frontières » et que la compétence de la Communauté n'est pas limitée par les directives de l'Union européenne, a fortiori par l'opinion du Gouvernement wallon concernant l' » importance » des événements.

En ce qui concerne le deuxième moyen A.4.1. Selon ce moyen, le décret entrepris viole l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles en ce que « celui-ci ne vise pas, en réalité, à garantir la liberté de collecter des informations, mais uniquement à organiser et à limiter la concurrence entre les chaînes de télévision, alors qu'en vertu de la disposition invoquée au moyen ' l'autorité fédérale est, en outre, seule compétente pour (...) le droit de la concurrence (...) ' ».

A.4.2. Selon le Gouvernement flamand, le deuxième moyen est irrecevable à défaut d'exposé, pour la même raison que le premier moyen.

Le Gouvernement flamand soutient ensuite que le moyen manque en fait puisqu'il est étranger au droit de la concurrence visé dans la loi spéciale. Par ailleurs, le décret s'applique de manière égale à tous les radiodiffuseurs flamands, aucun n'étant placé dans une situation plus avantageuse ou plus défavorable que ses concurrents.

Subsidiairement, dans la mesure où la Cour apercevrait une restriction de la concurrence entre les radiodiffuseurs, cette restriction n'est pas manifestement disproportionnée à la lumière de l'objectif décrétal, qui est de garantir la liberté d'information.

A.4.3. Selon le Gouvernement de la Communauté française, le décret s'inscrit dans le cadre de la réalisation du droit à l'épanouissement culturel et social garanti par l'article 23, alinéa 3, 5°, de la Constitution et dans le cadre de la transposition de la directive « Télévision sans frontières ».

Le décret est plus contraignant que les obligations imposées par cette directive, mais, pour les événements majeurs visés à l'article 3, paragraphe 1, de la directive, il est possible d'établir des règles plus strictes afin de garantir au public un large accès aux retransmissions télévisées. Pour le Gouvernement de la Communauté française, le législateur décrétal n'a dès lors pas excédé sa compétence. Les conséquences dénoncées sur la concurrence entre les producteurs de télévision n'emportent pas de violation des règles de compétence : ces conséquences sont inhérentes à l'exercice de la compétence communautaire dès lors que cette communauté assure le droit de chacun d'avoir accès aux images de la production culturelle.

A.4.4. A l'estime du Gouvernement wallon, le moyen est suffisamment clair.

Le Gouvernement wallon soutient que le décret, à l'instar de la directive « Télévision sans frontières », a pour objet d'assurer un large accès du public aux retransmissions télévisées.

Il relève qu'en vertu de l'article 10 de la loi spéciale, les communautés peuvent légiférer dans les matières pour lesquelles elles ne sont pas compétentes, mais qui sont nécessaires à l'exercice de leur compétence.

Il est requis à cet effet que la matière se prête à un règlement différencié - ce qui est le cas - et que l'incidence sur la matière elle-même ne soit que marginale. Le Gouvernement wallon observe, ainsi qu'il l'a fait à l'occasion du premier moyen, que le décret ne s'applique pas exclusivement, en l'espèce, aux événements d'une importance majeure pour la société. En tant que le décret empiète de manière non marginale sur la compétence fédérale dans le domaine du droit de la concurrence, la disposition invoquée au moyen est violée.

A.4.5. Tout comme pour le premier moyen, la partie requérante est disposée à limiter la portée du recours aux articles 3 à 9 du décret, mais il n'en demeure pas moins que les autres dispositions perdraient toute signification en cas d'annulation.

Selon l'a.s.b.l. Ligue professionnelle de football, le Gouvernement de la Communauté française se trompe lorsqu'il voit dans le décret la transposition de l'article 3bis de la directive « Télévision sans frontières ». Le Gouvernement flamand affirme lui-même que cette disposition a déjà été transposée par l'article 76 des décrets coordonnés le 25 janvier 1995 relatifs à la radiodiffusion et à la télévision, et non par le décret entrepris.

Pour la partie requérante, il est clair que les événements visés par le décret ne peuvent être assimilés aux événements d'intérêt social majeur visés à l'article 3bis de la directive.

A son estime, c'est à tort que le Gouvernement flamand soutient que le décret serait étranger au droit de la concurrence. La politique en matière de concurrence ne porte pas seulement sur le fait de privilégier ou non des concurrents, mais entend également agir sur le marché libre dans l'intérêt de tous les acteurs. La partie requérante observe que le Gouvernement flamand fait lui-même allusion à la limitation de monopoles, ce qui constitue évidemment une forme de réglementation de la concurrence.

Sur le fond, l'a.s.b.l. Ligue professionnelle de football se rallie à la thèse du Gouvernement wallon en ce qui concerne l'application de l'article 10 de la loi spéciale : l'incidence de la réglementation sur le droit de la concurrence entre les radiodiffuseurs n'est pas marginale et l'atteinte à la compétence fédérale ne peut dès lors être justifiée sur la base de l'article 10 précité.

A.4.6. Le Gouvernement flamand réplique au Gouvernement wallon, ainsi qu'il l'a fait à propos du premier moyen, que le décret ne constitue absolument pas la transposition de la directive « Télévision sans frontières » et que la compétence de la Communauté n'est pas limitée par les directives de l'Union européenne, a fortiori par l'opinion du Gouvernement wallon quant à l' » importance » d'événements.

En ce qui concerne le troisième moyen A.5.1. Ce moyen dénonce la violation de l'article 79 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, « interprété à la lumière de l'article 16 de la Constitution, en ce que le décret attaqué a pour but d'exproprier les titulaires de droits sur les images de compétitions sportives et ce, même au profit de personnes privées, sans que soit poursuivi un objectif d'utilité publique, sans que soient respectées les procédures légales applicables et sans que soit accordée une juste et préalable indemnité aux propriétaires expropriés ».

A.5.2. Selon le Gouvernement flamand, ce moyen n'est pas davantage recevable, et ce à défaut d'exposé.

Le moyen manque en outre en fait, étant donné que le décret ne prévoit selon lui aucune expropriation. De toute manière, l'utilisation de la propriété peut être limitée au profit de l'intérêt général et l'article 7, § 2, alinéa 2, du décret prévoit certaines indemnités.

Pour le surplus, l'autorité peut demander aux citoyens privés auxquels s'applique une réglementation des sacrifices qui ne sont pas manifestement injustifiés ou disproportionnés en l'espèce.

Au reproche de la partie requérante selon lequel le décret ne prévoit aucune intervention d'un juge ni aucune procédure judiciaire, le Gouvernement flamand réplique que les communautés sont dénuées de toute compétence en la matière et que le législateur décrétal n'était pas contraint de prévoir une procédure judiciaire en indemnisation.

A.5.3. S'agissant de ce moyen, le Gouvernement de la Communauté française et le Gouvernement wallon s'en remettent à la sagesse de la Cour.

A.5.4. Pour ce qui est de la recevabilité du moyen, la partie requérante réitère sa position exposée dans le cadre des premier et second moyens.

Concernant le fondement de fait du moyen, la partie requérante soutient que le système des informations brèves crée une forme de copropriété forcée entre les titulaires originaires des droits sur les images des phases de jeu les plus importantes et l'ensemble des radiodiffuseurs. Cette copropriété forcée doit être considérée comme une expropriation intégrale de la partie requérante et de ses membres.

Les images en question perdent toute valeur patrimoniale, étant donné que personne ne voudra encore payer une somme pour ces droits si le décret garantit à chacun six à quinze minutes d'émission.

L'a.s.b.l. Ligue professionnelle de football considère que le décret fait bien plus qu'établir une servitude et que l'on ne saurait soutenir que le décret poursuit un objectif général.

Selon la partie requérante, le Gouvernement flamand soutient à tort que les indemnités prévues à l'article 7, § 2, du décret satisfont au prescrit de l'article 16 de la Constitution : elles ne sont pas destinées aux organisateurs qui sont titulaires des droits d'exploitation et qui sont privés de leur propriété en ce qui concerne les images visées, mais bien aux radiodiffuseurs.

Enfin, à l'estime de la partie requérante, la Communauté flamande n'avait pas à créer une instance ou une procédure, mais il suffisait de respecter la procédure judiciaire prévue par la loi.

En ce qui concerne le quatrième moyen A.6.1. L'a.s.b.l. Ligue professionnelle de football dénonce également la violation des règles répartitrices de compétences « et plus spécifiquement du principe selon lequel les libertés et droits fondamentaux sont de la compétence exclusive du législateur fédéral, en ce que le décret litigieux vise à consacrer et à organiser la liberté de collecter des informations ».

A.6.2. Selon le Gouvernement flamand, le quatrième moyen est lui aussi irrecevable à défaut d'un exposé clair, en l'espèce non seulement parce qu'il n'est pas précisé contre quelles dispositions du décret le moyen est dirigé, mais en outre parce qu'il n'est pas indiqué quelle règle serait violée : en effet, il n'existe point de « principe selon lequel les libertés et droits fondamentaux sont de la compétence exclusive du législateur fédéral ».

A l'estime du Gouvernement flamand, les « droits fondamentaux » ne sont pas, en tant que tels, une compétence qui a été attribuée exclusivement à un législateur déterminé par la Constitution ou en vertu de celle-ci et ils ne relèvent pas davantage de la compétence résiduelle du législateur fédéral. « Le fait que les législateurs décrétaux puissent eux aussi se mouvoir sur le terrain des droits fondamentaux ressort également des différentes dispositions de la Constitution elle-même qui les chargent explicitement de fixer les modalités de l'exercice de libertés et droits fondamentaux. » Le Gouvernement flamand cite encore l'avis détaillé des chambres réunies du Conseil d'Etat concernant le projet de décret, avis qui concluait aussi à la compétence du législateur décrétal.

Le Gouvernement flamand considère que la comparaison que la partie requérante établit avec l'arrêt n° 14/91 de la Cour n'est pas valable. « En effet, la Cour n'a pas déduit la compétence du législateur fédéral de régler le droit de réponse dans les médias - et d'ailleurs dans tous les médias - d'une compétence fédérale réservée quelconque en matière de libertés et droits fondamentaux, mais de la circonstance que le législateur spécial n'a pas attribué aux communautés cette ' institution (le droit de réponse) de protection de la personne, rendue indispensable par la liberté de la presse et la liberté d'expression '. » En l'occurrence, il ne s'agit pas du droit de réponse, mais de la liberté de collecter des informations et du droit de diffuser des informations brèves, droits qui ne sont pas accordés à des personnes externes, mais aux radiodiffuseurs eux-mêmes et qui supposent une intervention active dans leur chef.

A.6.3. Le Gouvernement de la Communauté française observe que, dans son avis relatif au projet de décret, le Conseil d'Etat a considéré que les communautés et les régions peuvent réglementer les droits et libertés dans les matières qui relèvent de leur sphère de compétence et que la Cour a considéré quant à elle, dans son arrêt n° 54/96, que, dans le cadre de leur compétence en matière culturelle, les communautés peuvent prendre toute initiative pour la promotion de la culture et pour concrétiser le droit de chacun à l'épanouissement culturel défini à l'article 23, alinéa 3, 5°, de la Constitution.

Les droits culturels recouvrent non seulement le droit à l'enseignement, mais également l'accès du citoyen à la production culturelle et sa participation à la vie culturelle de la société, garantis notamment par l'article 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

A.6.4. Le Gouvernement wallon s'en remet à la sagesse de la Cour pour ce qui est de ce moyen.

A.6.5. L'a.s.b.l. Ligue professionnelle de football réitère, en ce qui concerne la recevabilité du moyen, sa thèse exposée dans le cadre des trois moyens précédents.

Selon la partie requérante, le Gouvernement flamand soutient à tort que le moyen serait de surcroît irrecevable à défaut d'indiquer la disposition répartitrice de compétences dont la violation est dénoncée : le principe méconnu en l'espèce est indissociablement lié au principe selon lequel les communautés et les régions n'ont d'autre compétence que celles qui leur sont explicitement attribuées.

Sur le fond, la partie requérante observe que seul le Gouvernement de la Communauté française considère la liberté de collecter des informations comme un droit culturel au sens de l'article 23 de la Constitution. Les droits visés par cette disposition constitutionnelle sont des droits personnels par excellence. Du reste, ni les travaux préparatoires ni le mémoire du Gouvernement flamand n'invoquent l'article 23 comme fondement de compétence.

L'argumentation du Gouvernement flamand ne convainc pas. L'avis du Conseil d'Etat n'empêche pas la Cour d'examiner si le décret viole ou non les règles de compétence.

Le Gouvernement flamand se contredit également lorsqu'il affirme, d'une part, que le titre de compétence réside dans l'article 127, § 1er, de la Constitution et dans l'article 4, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 et, d'autre part, concernant le cinquième moyen, que « le décret entrepris ne règle aucune matière culturelle ».

La partie requérante conclut que le législateur décrétal a effectivement entendu reconnaître un droit prétendument fondamental, sans toutefois attendre la consécration de ce principe par le législateur fédéral.

En ce qui concerne le cinquième moyen A.7.1. Ce moyen dénonce la violation de l'article 127, § 2, de la Constitution, « en ce que l'article 3 du décret attaqué rend le libre accès et le droit de faire des enregistrements applicables aux événements qui ont lieu dans la région de langue néerlandaise ou dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale pour autant que l'organisateur puisse être considéré, en raison de son organisation, comme appartenant exclusivement à la Communauté flamande ».

A.7.2. Le Gouvernement flamand soutient que le moyen repose manifestement sur un malentendu : en effet, l'application territoriale du décret n'est pas déterminée en premier lieu par l'endroit où se déroulent les événements, mais par les radiodiffuseurs « de la Communauté flamande ou agréés par elle » (article 2, 1° et 2°, du décret). Le Conseil d'Etat a lui aussi estimé que ce critère représentait un point de rattachement adéquat pour l'exercice de la compétence territoriale de la Communauté flamande.

Pour ce qui est des obligations imposées aux organisateurs d'événements, en particulier d'événements « bruxellois », « ce ne sont toutefois pas les g activités ' de l'organisateur qui sont pertinentes, étant donné que le décret litigieux ne règle pas de matière culturelle ou l'enseignement de cet organisateur ». Dans cette hypothèse, le lien avec la Communauté flamande se déduit uniquement de son organisation. Les caractéristiques de l'événement en tant qu' » activité » ne sont pas en mesure de rendre la localisation exclusive, comme l'exige la Cour.

Le Gouvernement flamand observe également que les dispositions du décret attaquées dans ce moyen s'inspiraient d'ailleurs de l'avis du Conseil d'Etat.

A.7.3. Le Gouvernement de la Communauté française estime que le décret règle une matière culturelle au sens de l'article 127, § 1er, de la Constitution et que le décret ne peut dès lors avoir force de loi qu'à l'égard des institutions établies dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qui peuvent être considérées, en raison de leurs activités, comme appartenant exclusivement à la Communauté flamande. « En prévoyant un droit au libre accès et à l'enregistrement des événements qui se déroulent dans la région de langue néerlandaise ou dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, pour autant que l'organisme qui organise l'événement puisse être considéré, en raison de son organisation, comme appartenant exclusivement à la Communauté flamande, le décret querellé a, dès lors, manifestement violé les règles de répartition de compétences, et plus particulièrement, l'article 127, § 2, de la Constitution. » A.7.4. Le Gouvernement wallon se rallie à la thèse du Gouvernement de la Communauté française.

A.7.5. La partie requérante trouve confuses les explications du Gouvernement flamand concernant le fondement du décret. Il est déjà apparu ci-avant qu'il existe une contradiction entre la thèse selon laquelle le décret est fondé sur les compétences en matière culturelle et la thèse actuelle selon laquelle le décret ne règle aucune matière culturelle.

Le décret règle incontestablement une matière culturelle et non une matière personnalisable. Il ne pouvait dès lors prévoir qu'il était applicable aux organisateurs d'événements établis dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, en raison de leurs activités et non de leur organisation. Selon l'a.s.b.l. Ligue professionnelle de football, il importe peu à cet égard que la violation soit le résultat d'une suggestion du Conseil d'Etat.

A.7.6. A l'estime du Gouvernement flamand, la thèse du Gouvernement de la Communauté française et du Gouvernement wallon repose sur le même malentendu que celui que contenait déjà la requête.

Le décret ne règle aucune matière culturelle d'institutions bruxelloises, mais bien des matières culturelles des radiodiffuseurs agréés par la Communauté flamande, auxquels est conféré le droit de faire des enregistrements. S'il est vrai qu'ils peuvent également exercer ce droit à Bruxelles, il faut que l'événement soit organisé par un organisme flamand.

A.7.7. Selon le Gouvernement de la Communauté française, le Gouvernement flamand reste en défaut de démontrer en quoi le décret concerne une matière personnalisable, alors qu'il s'agit de la seule matière pour laquelle il peut être recouru au critère de l' » organisation » de l'établissement.

Dès lors que le décret n'est pas fondé sur l'article 128, § 2, de la Constitution et que le Gouvernement flamand reconnaît que le décret a été adopté dans le cadre des compétences culturelles visées à l'article 127, § 1er, de la Constitution, le cinquième moyen est fondé aux yeux du Gouvernement de la Communauté française.

A.7.8. Le Gouvernement wallon estime lui aussi que le décret ne règle aucune matière personnalisable, mais bien une matière culturelle, dont le champ d'application est exclusivement déterminé par l'article 127, § 1er, de la Constitution, en sorte que le moyen est fondé.

En ce qui concerne le sixième moyen A.8.1. Le dernier moyen dénonce la violation des articles 10 et 11 de la Constitution « en ce que le législateur décrétal flamand, en instaurant un droit à la diffusion d'informations brèves pour une durée égale de trois minutes sans tenir compte du caractère particulier de l'événement, a prévu indûment un traitement égal des organisateurs d'événements qui sont objectivement de nature différente ».

A.8.2. Le Gouvernement flamand part du principe que le moyen est dirigé contre le membre de phrase « et ne peut contenir au total plus de trois minutes de matériel sonore et/ou visuel de cet événement » figurant à l'article 6, alinéa 1er, du décret.

Il fait valoir qu'il n'est nullement question, en l'espèce, de situations inégales. « La partie requérante perd en effet de vue que le décret entrepris ne parle que de liberté de collecter des informations (g news access '), et donc par définition d'informations ou de reportages courts a posteriori, la nature de l'événement ne jouant aucun rôle. Aucun amateur de football ne décidera de ne plus se rendre dans le stade au motif qu'il pourra peut-être voir, après la rencontre, à la télévision, un reportage de tout au plus trois minutes. » Selon le Gouvernement flamand, il s'avère que le public ne préfère dans la pratique regarder une rencontre à la télévision que si la diffusion est intégrale et annoncée, ce qui ne fait aucune différence pour le titulaire de l'exclusivité, eu égard à son « droit de première diffusion ».

Pour le reste, l'on n'aperçoit pas pourquoi des contrats d'exclusivité sont encore toujours conclus et respectés, alors que les événements sont, selon la partie requérante, « privés de leur substance par la règle des trois minutes ».

Etant donné que la durée des « informations brèves » est limitée au temps requis pour la diffusion de l'information nécessaire au sujet de l'événement, avec un maximum de trois minutes, il est inutile, selon le Gouvernement flamand, d'établir une distinction supplémentaire.

Pour le surplus, le Gouvernement flamand relève que le moyen contient une série de suggestions au sujet de la politique à mener (ne pas consacrer de reportage à toutes les rencontres, ne pas diffuser tous les buts inscrits, etc.) qu'il n'appartient pas à la Cour d'apprécier et qui ne sont pas conformes à l'objectif du décret attaqué, c'est-à-dire le droit du citoyen à l'information.

A.8.3. Le Gouvernement de la Communauté française et le Gouvernement wallon s'en remettent à la sagesse de la Cour pour ce qui est de ce moyen.

A.8.4. La partie requérante conteste la thèse du Gouvernement flamand reproduite au A.8.2.

Selon l'a.s.b.l. Ligue professionnelle de football, la spécificité du football emporte qu'il est le seul événement dont l'essence peut être résumée en trois minutes d'images, en sorte que seuls les organisateurs de rencontres de football et les participants à celles-ci subissent de façon à ce point radicale l'atteinte portée à leur liberté de commerce et à leur droit de propriété. Eu égard à cette spécificité, les organisateurs de rencontres de football pouvaient se prévaloir d'un traitement spécial par le législateur décrétal. - B - En ce qui concerne la recevabilité du recours Quant à la capacité d'agir de la partie requérante B.1.1. Le Gouvernement flamand soutient que l'a.s.b.l. Ligue professionnelle de football n'a pas la capacité requise pour ester en justice en tant qu'association dotée de la personnalité juridique tant qu'elle n'a pas fourni la preuve qu'elle satisfait aux conditions de publicité visées dans la loi du 27 juin 1921Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/06/1921 pub. 19/08/2013 numac 2013000498 source service public federal interieur Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer « accordant la personnalité civile aux associations sans but lucratif et aux établissements d'utilité publique ».

B.1.2. Une copie des statuts de la partie requérante, tels qu'ils ont été publiés dans les annexes du Moniteur belge, était déjà jointe à la requête.

L'a.s.b.l. Ligue professionnelle de football a également joint à son mémoire en réponse une copie des extraits des annexes du Moniteur belge concernant l'identité des membres du conseil d'administration ainsi qu'un document émanant du greffe du Tribunal de première instance de Bruxelles attestant que la liste des membres de l'association a été déposée pour l'année 1998.

B.1.3. Dès lors que les conditions de publicité ont été respectées, l'exception est rejetée.

Quant à l'intérêt de la partie requérante B.2.1. Le Gouvernement flamand soutient également que la partie requérante ne justifie pas de l'intérêt requis en droit.

B.2.2. Selon ses statuts, l'a.s.b.l. Ligue professionnelle de football entend promouvoir et développer le football professionnel en Belgique.

Son objet social peut être directement et défavorablement affecté par le décret entrepris, qui concerne la collecte d'informations lors d'événements publics, en ce compris les rencontres de football.

B.2.3. L'exception d'irrecevabilité est rejetée.

Sur le fond Quant à l'objet du décret entrepris B.3. Le décret entrepris n'a d'autre objet que de garantir aux radiodiffuseurs de la Communauté flamande ou agréés par elle la possibilité de diffuser des informations concernant des événements accessibles au public, même lorsque la personne ou l'association qui organise l'événement a réservé par contrat les droits de diffusion concernés à un ou plusieurs radiodiffuseurs.

Des dispositions ayant cette portée font en principe partie de la réglementation relative à la radiodiffusion et la télévision, pour laquelle les communautés sont compétentes en vertu de l'article 4, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

Quant au quatrième moyen B.4.1. Dans son quatrième moyen, la partie requérante fait valoir que l'ensemble du décret concerne des libertés et droits fondamentaux, matière qui relèverait de la compétence résiduelle de l'autorité fédérale.

Etant donné que ce moyen est celui dont l'accueil conduirait à l'annulation la plus étendue, il est examiné en premier lieu.

B.4.2. L'article 19 de la Constitution garantit la liberté de manifester ses opinions en toute matière. D'après l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, le droit à la liberté d'expression comprend « la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées ». D'après l'article 19, paragraphe 2, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, cette même liberté comprend celle « de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce ».

B.4.3. Par les dispositions entreprises, le législateur décrétal intervient activement à l'égard de contrats d'exclusivité qui restreignent l'exercice de la liberté garantie par les dispositions précitées.

B.4.4. La consécration, par la Constitution et les traités internationaux, de droits et libertés fondamentaux ne signifie en aucune manière que leur réglementation n'appartiendrait, en tant que telle, qu'à l'autorité fédérale. C'est à chaque autorité qu'il appartient d'en assurer le respect en les concrétisant lorsqu'elle exerce les compétences qui sont les siennes.

B.4.5. Le moyen ne peut être accueilli.

En ce qui concerne le premier moyen B.5.1. Dans ce moyen, l'a.s.b.l. Ligue professionnelle de football dénonce la violation de l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles « en ce que le décret entrepris, qui oblige les organisateurs d'événements à tolérer que chaque média audiovisuel ait le droit de procéder à des enregistrements, viole la liberté de commerce des équipes de football, étant donné que celles-ci ne sont plus libres de négocier un droit d'exclusivité avec les chaînes de leur choix ».

B.5.2. L'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles dispose : « Les matières visées à l'article 107quater de la Constitution sont : VI. En ce qui concerne l'économie : En matière économique, les Régions exercent leurs compétences dans le respect des principes de la libre circulation des personnes, biens, services et capitaux et de la liberté de commerce et d'industrie, ainsi que dans le respect du cadre normatif général de l'union économique et de l'unité monétaire, tel qu'il est établi par ou en vertu de la loi, et par ou en vertu des traités internationaux ».

Bien que l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 s'inscrive dans l'attribution de compétences aux régions en ce qui concerne l'économie, cette disposition traduit la volonté expresse du législateur spécial de maintenir une réglementation de base uniforme de l'organisation de l'économie dans un marché intégré.

Les communautés aussi doivent dès lors, dans l'exercice de leurs compétences, respecter le principe de la liberté de commerce et d'industrie.

B.5.3. La liberté de commerce et d'industrie ne peut être conçue comme une liberté absolue. Le législateur compétent peut être amené - que ce soit dans le secteur économique ou dans d'autres secteurs - à limiter la liberté d'action des personnes ou des entreprises concernées, ce qui aura nécessairement une incidence sur la liberté de commerce et d'industrie. Les communautés ne violeraient la liberté de commerce et d'industrie visée à l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 que si elles limitaient cette liberté sans qu'existe une quelconque nécessité pour ce faire ou si cette limitation était manifestement disproportionnée au but poursuivi ou portait atteinte à ce principe en manière telle que l'union économique et monétaire serait compromise.

B.5.4.1. Selon les auteurs de la proposition qui a conduit au décret attaqué, l'autorité devait agir pour protéger le droit à l'information : « Au vu de ce qui se passe au niveau européen et international dans les médias, l'on peut affirmer que de nouvelles chaînes commerciales apparaîtront sur l'écran flamand et ce, bien plus vite que ce que l'on pourrait croire. En voyant ce qui s'est passé à l'étranger, il est quasiment certain que, dans la lutte entre les concurrents, l'arme du contrat d'exclusivité sera utilisée plus rapidement et plus souvent qu'aujourd'hui. [...] Les conséquences des contrats d'exclusivité sont claires : ils conduisent non seulement à une spirale des coûts, mais ils constituent avant tout une lourde menace pour le droit à l'information, du fait que la liberté de collecter des informations - pour la presse écrite aussi - s'en retrouve compromise » (Doc., Parlement flamand, S.E. 1995, n° 82-1, p. 2).

Dans les développements de leur proposition, les auteurs renvoient à de récents exemples de limitation de droits d'exclusivité en Allemagne, en France, au Royaume-Uni et en Suisse, et également à la recommandation n° R(91) 5 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe du 11 avril 1991, qui prévoit le droit de diffuser des fragments d'événements importants qui font l'objet d'un droit d'exclusivité (ibid., p. 2).

Au cours des travaux préparatoires, un des auteurs de la proposition a souligné que « le principe des auteurs de la proposition de décret est l'intérêt général. Chaque spectateur a droit à l'information d'intérêt général. Cela est essentiel pour ce membre » (Doc., Parlement flamand, S.E. 1995, n° 82-7, p. 6 B voy. également ibid., p. 19, et Ann., Parlement flamand, 3 mars 1998, p. 15).

B.5.4.2. Le législateur décrétal a entendu garantir à tous les radiodiffuseurs de la Communauté flamande ou agréés par elle la possibilité de diffuser des informations concernant des événements accessibles au public, même lorsque les droits de diffusion concernés ont été réservés à un ou plusieurs radiodiffuseurs.

B.5.5.1. En ce qui concerne les événements qui font l'objet de droits de diffusion exclusifs, l'article 3, alinéa 2, du décret précise que le droit à la libre collecte des informations pour les radiodiffuseurs de la Communauté flamande ou agréés par elle implique le libre accès à l'événement ainsi que le droit de l'enregistrer et de diffuser des informations brèves qui y sont relatives.

Contrairement à ce que soutient la partie requérante, le décret n'empêche pas la conclusion de contrats d'exclusivité et n'entrave pas le libre choix du cocontractant. Il restreint toutefois la portée de tels contrats en octroyant aux radiodiffuseurs secondaires le droit de procéder à des enregistrements ou de diffuser des informations brèves, aux conditions et modalités prévues par le décret : - La diffusion d'informations brèves n'est autorisée que dans les journaux et les programmes d'actualité régulièrement programmés (article 5). Les informations brèves ne peuvent être retransmises hors du cadre d'un événement d'actualité à moins qu'il n'existe un lien direct entre son contenu et un autre événement d'actualité. Les informations brèves peuvent être retransmises dans des programmes rétrospectifs (article 9, § 2). La durée des informations brèves est limitée au temps requis pour la diffusion de l'information nécessaire sur l'événement et ne peut contenir au total plus de trois minutes de matériel sonore et/ou visuel de cet événement (par « événements », l'article 2, 4°, entend les « événements accessibles au public »).

S'agissant en particulier des compétitions, la diffusion d'informations brèves sur une journée de compétition ne peut dépasser six minutes dans un journal par discipline sportive. Dans le cas d'un programme d'actualités, la durée ne peut être supérieure à quinze minutes. Le Gouvernement flamand peut établir des modalités particulières (article 6). - Le radiodiffuseur secondaire qui fait ses propres enregistrements doit respecter la priorité matérielle dont bénéficient les radiodiffuseurs ayant acquis les droits de diffusion exclusifs. Dans le cas d'événements sportifs, le droit de faire ses propres enregistrements se limite aux images prises en marge de l'événement (article 7, § 1er). Si le droit d'accès et d'enregistrement peut, dans des cas exceptionnels, être limité, l'organisateur doit donner la priorité aux radiodiffuseurs qui ont acquis des droits de diffusion exclusifs (article 4). - Le radiodiffuseur secondaire a le droit de disposer, moyennant l'indemnisation visée par le décret (article 7, § 2), des enregistrements et/ou signaux des titulaires de l'exclusivité et ce en vue d'une diffusion d'informations brèves, dans le respect du droit de première émission du ou des titulaires de l'exclusivité (article 9, § 1er) et en affichant visiblement le logo du ou des titulaires de l'exclusivité en vue de mentionner la source au cours de l'émission d'informations brèves (article 8). Au demeurant, les parties intéressées peuvent déroger de commun accord aux dispositions des articles 6 à 9 inclus du décret (article 10). - Les dispositions décrétales ne sont pas applicables aux contrats d'exclusivité conclus avant le 1er janvier 1998 (article 13).

B.5.5.2. Il résulte de ce qui précède que le législateur décrétal a entendu réaliser un équilibre entre, d'une part, laisser les radiodiffuseurs de la Communauté flamande ou agréés par celle-ci collecter librement des informations sur les événements accessibles au public et, d'autre part, sauvegarder les intérêts des organisateurs d'événements et ceux des radiodiffuseurs qui ont acquis un droit de diffusion exclusif de ces événements. Dès lors que, d'une part, la restriction du droit d'exclusivité est nécessaire dans l'intérêt général et que, d'autre part, le législateur décrétal prévoit une série de mesures protégeant le droit de diffusion exclusif, il n'a pas, en l'espèce, limité de façon manifestement disproportionnée la liberté de commerce.

B.5.6. Selon le Gouvernement wallon, le législateur décrétal flamand a été néanmoins au-delà de ce qui était nécessaire en ce que le décret - qui, selon la partie intervenante, entend transposer en droit interne la directive européenne 89/552/CEE du 3 octobre 1989 (la directive dite « Télévision sans frontières ») - est applicable à tous les « événements » et en particulier à toutes les rencontres de football, alors que l'article 3bis de la directive ne vise que les événements « d'une importance majeure pour la société », en sorte que seules les rencontres de football les plus importantes peuvent raisonnablement être soumises au décret.

Bien que la directive dite « Télévision sans frontières » ait été mentionnée à plusieurs reprises au cours des travaux préparatoires (Doc., Parlement flamand, S.E. 1995, n° 82-2, pp. 31-33, ibid., n° 82-7, pp. 5-6, et Ann., Parlement flamand, 1997-1998, n° 29 du 3 mars 1998, p. 15), le décret n'est pas la transposition de l'article 3bis de cette directive. Cet article a été inséré par la directive 97/36/CE du 30 juin 1997 et a été concrétisé en Communauté flamande par l'article 35 du décret du 28 avril 1998 (Moniteur belge du 20 mai 1998, pp. 16172 et s.) (voy. actuellement l'article 76 des décrets coordonnés relatifs à la radiodiffusion et à la télévision).

B.5.7. Le moyen ne peut être accueilli.

En ce qui concerne le deuxième moyen B.6.1. Selon ce moyen, le décret entrepris viole l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles en ce qu'il « ne vise pas, en réalité, à garantir la liberté de collecter des informations, mais uniquement à organiser et à limiter la concurrence entre les chaînes de télévision, alors qu'en vertu de la disposition invoquée au moyen ' l'autorité fédérale est, en outre, seule compétente pour (...) le droit de la concurrence (...) ' ».

B.6.2. L'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles dispose : « Les matières visées à l'article 107quater de la Constitution sont : VI. En ce qui concerne l'économie : L'autorité fédérale est, en outre, seule compétente pour : 4° le droit de la concurrence et le droit des pratiques du commerce, à l'exception de l'attribution des labels de qualité et des appellations d'origine, de caractère régional ou local;».

B.6.3. Selon les travaux préparatoires de la loi spéciale, le droit de la concurrence englobe toutes les lois et réglementations portant des règles destinées à garantir une concurrence active entre les opérateurs commerciaux. Furent cités, à titre d'exemples, l'arrêté royal n° 62 du 13 janvier 1935 permettant l'institution d'une réglementation économique de la production et de la distribution, la loi du 27 mai 1960 sur la protection contre l'abus de la puissance économique et le projet qui est devenu la loi du 5 août 1991 sur la protection de la concurrence économique (Doc. parl., Chambre, 1988, n° 516/6, p. 134).

B.6.4. Ainsi qu'il a été exposé plus haut, le décret entend garantir aux radiodiffuseurs de la Communauté flamande ou agréés par elle, dans la matière de la radiodiffusion et de la télévision, pour laquelle les communautés sont compétentes en vertu de l'article 4, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, une possibilité de diffuser des informations concernant des événements accessibles au public.

B.6.5. Les dispositions décrétales peuvent avoir pour effet que les titulaires de l'exclusivité voient celle-ci affectée par la libre collecte d'informations permise aux radiodiffuseurs secondaires, mais cette conséquence est l'incidence à la fois nécessaire et marginale de la mise en oeuvre de la compétence propre dans une matière qui se prête à un règlement différencié.

Dès lors, dans la mesure où les dispositions en cause touchent à la matière de la concurrence, la compétence de les prendre peut se fonder sur l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

B.6.6. Le moyen ne peut être accueilli.

En ce qui concerne le troisième moyen B.7.1. Ce moyen dénonce la violation de l'article 79 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, « interprété à la lumière de l'article 16 de la Constitution, en ce que le décret attaqué a pour but d'exproprier les titulaires de droits sur les images de compétitions sportives et ce, même au profit de personnes privées, sans que soit poursuivi un objectif d'utilité publique, sans que soient respectées les procédures légales applicables et sans que soit accordée une juste et préalable indemnité aux propriétaires expropriés ».

B.7.2. Certes, les organisateurs d'événements et les radiodiffuseurs qui sont titulaires du droit d'exclusivité doivent tolérer que les radiodiffuseurs de la Communauté flamande ou agréés par elle accèdent librement à de tels événements, les enregistrent et diffusent des informations brèves qui y sont relatives. Les restrictions qui découlent des dispositions entreprises ne sauraient toutefois être considérées comme une expropriation au sens de l'article 16 de la Constitution.

B.7.3. Le moyen ne peut être accueilli.

En ce qui concerne le cinquième moyen B.8.1. Ce moyen dénonce la violation de l'article 127, § 2, de la Constitution, « en ce que l'article 3 du décret attaqué rend le libre accès et le droit de faire des enregistrements applicables aux événements qui ont lieu dans la région de langue néerlandaise ou dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale pour autant que l'organisateur puisse être considéré, en raison de son organisation, comme appartenant exclusivement à la Communauté flamande ».

B.8.2. Ainsi qu'il a été exposé plus haut, le législateur décrétal est compétent, en l'espèce, en vertu de ses attributions en matière de radiodiffusion et de télévision. L'article 4, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 considère cette matière comme une matière culturelle au sens de l'article 127, § 1er, 1°, de la Constitution.

B.8.3. Pour ce qui est du champ d'application territorial des matières visées à l'article 127, § 1er, de la Constitution, le paragraphe 2 de cet article dispose : « Ces décrets ont force de loi respectivement dans la région de langue française et dans la région de langue néerlandaise, ainsi qu'à l'égard des institutions établies dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qui, en raison de leurs activités, doivent être considérées comme appartenant exclusivement à l'une ou à l'autre communauté. » B.8.4. L'article 3, alinéa 1er, du décret attaqué garantit à « chaque radiodiffuseur de la Communauté flamande ou agréé par elle » un droit à la libre collecte des informations. Ce droit porte sur des « événements », c'est-à-dire, selon la définition qui en est donnée à l'article 2, 4°, du décret, toute « manifestation accessible au public ».

L'article 3, alinéa 2, du décret entrepris, visé dans ce moyen, dispose : « S'agissant des événements faisant l'objet de droits de diffusion exclusifs, ce droit implique : « a) le libre accès à l'événement, dans la mesure où celui-ci a lieu dans la région linguistique néerlandophone ou dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, l'organisme qui organise l'événement dans la région de Bruxelles-Capitale pouvant être considéré, en raison de son organisation, comme appartenant exclusivement à la Communauté flamande; b) le droit de faire des enregistrements dans la mesure où l'événement a lieu dans la région linguistique néerlandophone ou dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, l'organisme qui organise l'événement dans la région de Bruxelles-Capitale pouvant être considéré, en raison de son organisation, comme appartenant exclusivement à la Communauté flamande;c) le droit à la diffusion d'informations brèves.» B.8.5. Le décret ne garantit le droit à la libre collecte des informations qu'à l'égard des « radiodiffuseurs de la Communauté flamande ou agréés par elle ».

Compte tenu de la sphère de compétence matérielle en matière de radiodiffusion et de télévision, ce critère permet de localiser adéquatement le régime décrétal dans la sphère de compétence territoriale de la Communauté flamande.

B.8.6. En vertu de l'article 3, alinéa 2, litterae a) et b), du décret, les radiodiffuseurs de la Communauté flamande ou agréés par elle peuvent faire valoir leur droit d'accès et d'enregistrement dans les limites territoriales tracées par le décret.

Pour ce qui est du droit à la diffusion d'informations brèves garanti au littera c), la sphère d'application territoriale du décret n'est en revanche pas déterminée. Il ne s'ensuit cependant pas que les radiodiffuseurs de la Communauté flamande ou agréés par elle pourraient exiger le respect du droit à la diffusion d'informations brèves à l'égard de radiodiffuseurs qui échappent à l'autorité de la Communauté flamande ou à l'égard d'événements qui se produisent en dehors de la sphère de compétence territoriale du législateur décrétal.

Lue en combinaison avec l'ensemble des dispositions décrétales et compte tenu de l'objectif du législateur décrétal tel qu'il ressort des travaux préparatoires, cette disposition doit être interprétée en ce sens que les radiodiffuseurs de la Communauté flamande ou agréés par elle ne peuvent faire valoir le droit à la diffusion d'informations brèves qu'à l'égard de radiodiffuseurs de la Communauté flamande ou agréés par elle qui ont acquis des droits de diffusion exclusifs d'événements pour la Communauté flamande, mais, dans cette hypothèse, quel que soit le lieu où ces événements se déroulent.

Vu sous cet angle, le champ d'application de l'article 3, alinéa 2, littera c), du décret reste limité aux « radiodiffuseurs de la Communauté flamande ou agréés par elle » et demeure dès lors dans la sphère de compétence territoriale du législateur décrétal, fixée par l'article 127, § 2, de la Constitution.

B.8.7. En ce qui concerne la liberté d'accès et d'enregistrement, le décret dispose expressément en son article 3, alinéa 2, litterae a) et b), qu'elle concerne chaque événement qui se déroule dans la région de langue néerlandaise et dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, dans la mesure où l'organisme qui organise l'événement en région de Bruxelles-Capitale peut être considéré « en raison de son organisation » comme appartenant exclusivement à la Communauté flamande.

S'agissant des matières culturelles, comme en l'espèce, les décrets communautaires ne sont applicables dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qu'à l'égard des institutions qui y sont établies et qui, « en raison de leurs activités », doivent être considérées comme appartenant exclusivement à l'une ou à l'autre communauté (article 127, § 2, de la Constitution). Par contre, en vertu de l'article 128, § 2, de la Constitution, l'appartenance de telles institutions à une communauté en raison de leur « organisation » concerne le champ d'application territorial des décrets communautaires relatifs aux matières personnalisables.

En tant que le décret contient des obligations qui seraient applicables, en vertu des litterae a) et b) de l'article 3, alinéa 2, aux institutions établies dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qui, en raison de leur organisation - et non en raison de leurs activités - doivent être considérées comme appartenant exclusivement à la Communauté flamande, le décret est entaché d'excès de compétence territoriale et doit être annulé dans cette mesure.

En ce qui concerne le sixième moyen B.9.1. Le dernier moyen dénonce la violation des articles 10 et 11 de la Constitution « en ce que le législateur décrétal flamand, en instaurant un droit à la diffusion d'informations brèves pour une durée égale de trois minutes sans tenir compte du caractère particulier de l'événement, a prévu indûment un traitement égal des organisateurs d'événements qui sont objectivement de nature différente ». L'a.s.b.l. Ligue professionnelle de football estime que les organisateurs de matches de football peuvent prétendre à un traitement particulier.

B.9.2. Le décret accorde aux radiodiffuseurs de la Communauté flamande ou agréés par elle un droit à la diffusion d'informations brèves concernant des événements dans des journaux et des programmes d'actualité régulièrement programmés. Il est précisé à l'article 6 que la durée des informations brèves « est limitée au temps requis pour la diffusion de l'information nécessaire sur l'événement et ne peut contenir au total plus de trois minutes de matériel sonore et/ou visuel de cet événement. » B.9.3. Le décret est applicable à tout « événement » défini à son article 2, 4°, comme étant « une manifestation accessible au public ».

Le droit à la diffusion d'informations brèves est d'application sans distinction entre les matches de football et les autres événements.

B.9.4. La Cour ne peut critiquer un traitement identique que si deux catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes font l'objet d'un traitement identique sans qu'apparaisse une justification raisonnable.

B.9.5. En ce qui concerne la durée de la diffusion d'informations brèves, il n'existe pas entre les organisateurs de matches de football et les organisateurs d'autres événements une différence telle qu'il en découlerait pour le législateur décrétal l'obligation de prévoir une réglementation spécifique pour la catégorie citée en premier lieu.

Contrairement à l'affirmation de la partie requérante, rien ne démontre que le football soit « le seul événement dont l'essence peut être résumée en trois minutes d'images ».

Le législateur décrétal a, par ailleurs, tenu compte des intérêts des organisateurs de compétitions sportives et des détenteurs de l'exclusivité de tels événements : l'article 6, alinéa 2, du décret énonce en effet : « S'agissant en particulier des compétitions, la diffusion d'informations brèves sur une journée de compétition ne peut dépasser six minutes dans un journal par discipline sportive. Dans le cas d'un programme d'actualités, la durée ne peut être supérieure à quinze minutes. Le Gouvernement flamand peut établir des modalités particulières ».

Il s'ensuit que le législateur décrétal n'a pas agi de manière manifestement déraisonnable en réglant la durée des informations brèves de manière égale pour les matches de football et les autres compétitions sportives.

B.9.6. Le moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs, la Cour - annule les litterae a) et b) de l'article 3, alinéa 2, du décret de la Communauté flamande du 17 mars 1998 réglant le droit à la liberté d'information et la diffusion d'informations brèves par les radiodiffuseurs, en tant qu'ils concernent des institutions établies dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qui, en raison de leur organisation, doivent être considérées comme appartenant exclusivement à la Communauté flamande; - rejette le recours pour le surplus.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 25 novembre 1999.

Le greffier, f.f., B. Renauld.

Le président, G. De Baets.

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