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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 03 décembre 1999

Arrêt n° 118/99 du 10 novembre 1999 Numéro du rôle : 1423 En cause : le recours en annulation de l'article 8 du décret de la Région flamande du 17 mars 1998 modifiant le décret du 28 avril 1993 portant réglementation pour la Région flamande d La Cour d'arbitrage, composée des présidents G. De Baets et M. Melchior, et des juges H. Boel, L(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 118/99 du 10 novembre 1999 Numéro du rôle : 1423 En cause : le recours en annulation de l'article 8 du décret de la Région flamande du 17 mars 1998 modifiant le décret du 28 avril 1993 portant réglementation pour la Région flamande de la tutelle administrative des communes, introduit par F. Marivoet et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents G. De Baets et M. Melchior, et des juges H. Boel, L. François, A. Arts, R. Henneuse et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président G. De Baets, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 1er octobre 1998 et parvenue au greffe le 2 octobre 1998, F. Marivoet, demeurant à 2520 Ranst-Emblem, Kesselsesteenweg 8, G. Papen, demeurant à 2960 Brecht, Spechtendreef 115, G. Lauwers, demeurant à 2100 Deurne, Ter Rivierenlaan 163, et J. Westerlinck, demeurant à 2060 Anvers, Tulpstraat 24, ont introduit un recours en annulation de l'article 8 du décret de la Région flamande du 17 mars 1998 modifiant le décret du 28 avril 1993 portant réglementation pour la Région flamande de la tutelle administrative des communes (publié au Moniteur belge du 10 avril 1998).

II. La procédure Par ordonnance du 2 octobre 1998, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 30 octobre 1998.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 6 novembre 1998.

Le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire par lettre recommandée à la poste le 18 décembre 1998.

Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 28 décembre 1998.

Les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse par lettre recommandée à la poste le 27 janvier 1999.

Par ordonnances du 30 mars 1998 et du 27 septembre 1999, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 1er octobre 1999 et 1er avril 2000 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 14 juillet 1999, le juge H. Boel remplaçant le président L. De Grève, légitimement empêché, a complété le siège par le juge A. Arts.

Par ordonnance du 14 juillet 1999, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 29 septembre 1999.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 15 juillet 1999.

A l'audience publique du 29 septembre 1999 : - ont comparu : . Me L. Lenaerts, avocat au barreau d'Anvers, pour les parties requérantes; . Me B. Staelens, avocat au barreau de Bruges, pour le Gouvernement flamand; - les juges-rapporteurs M. Bossuyt et R. Henneuse ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - Position des parties requérantes A.1. Les requérants demandent l'annulation de l'article 8 du décret de la Région flamande du 17 mars 1998 modifiant le décret du 28 avril 1993 portant réglementation pour la Région flamande de la tutelle administrative des communes. La disposition entreprise exclut les entreprises portuaires communales autonomes du champ d'application du décret, qui règle la tutelle administrative des régies communales autonomes.

A l'appui de leur intérêt au recours en annulation, les second et quatrième requérants font valoir qu'ils sont membres du personnel de l'entreprise portuaire communale autonome d'Anvers (« Gemeentelijk Autonoom Havenbedrijf Antwerpen »).

Les droits et obligations du personnel en cause sont d'ordre statutaire et sont régis par des statuts et règlements fixés unilatéralement. Il en va de l'intérêt des requérants qu'il y ait une tutelle administrative sur les règlements et décisions de l'entreprise portuaire communale autonome d'Anvers.

Les premier et troisième requérants estiment puiser un intérêt dans le fait qu'ils sont représentants d'une organisation syndicale représentative et qu'ils s'occupent en cette qualité, sur le plan professionnel, de la défense des intérêts des membres du personnel des entreprises portuaires communales autonomes.

Dans le premier moyen, les requérants soutiennent que la disposition décrétale entreprise viole les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 162, alinéa 2, 6°, de la Constitution, qui dispose que la loi consacre l'application de l'intervention de l'autorité de tutelle ou du pouvoir législatif fédéral pour empêcher que la loi soit violée ou l'intérêt général blessé. Le Conseil d'Etat a lui aussi, dans son avis concernant le décret entrepris, souligné l'obligation de prévoir une tutelle administrative. La disposition décrétale entreprise contient une différence de traitement injustifiée en ce qu'elle ne rend pas la tutelle administrative ainsi réglée applicable aux entreprises portuaires communales autonomes.

Dans le second moyen, les requérants reprochent à la disposition attaquée de violer les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elle établit une distinction entre, d'une part, les régies communales autonomes en général, à l'exception des entreprises portuaires, et, d'autre part, les entreprises portuaires communales autonomes.

Les travaux préparatoires de la disposition attaquée n'avancent aucun objectif licite pour l'exclusion litigieuse. L'article 1er de l'arrêté royal du 10 avril 1995, qui énumère les activités industrielles et commerciales pour lesquelles une régie communale autonome peut être créée, cite les ports et d'autres activités dans une seule catégorie.

La distinction établie vise à défendre les intérêts de certains milieux et ne repose donc pas sur un critère objectif, mais sur un critère purement subjectif. La distinction instaurée n'est pas davantage adéquate, étant donné que la Constitution impose une tutelle administrative et que le décret a pour effet que les seules entreprises pour lesquelles une tutelle peut aujourd'hui être instituée en sont privées, ce qui fait que le décret est sans objet.

Par ailleurs, le décret garantit aux régies communales autonomes à créer autres que les entreprises portuaires l'institution d'une tutelle administrative. La circonstance que le décret relatif aux ports qui doit encore être édicté envisage une tutelle spécifique ne justifie pas davantage l'absence d'une telle réglementation dans l'intervalle.

Position du Gouvernement flamand A.2.1. En ordre principal, le Gouvernement flamand estime que le recours en annulation est irrecevable à défaut d'intérêt dans le chef des parties requérantes.

Les parties qui invoquent leur qualité de membre du personnel de l'entreprise portuaire communale autonome d'Anvers n'ont qu'un intérêt fort indirect, qui s'assimile presque à une action populaire.

Le recours des autres requérants est lui aussi irrecevable à défaut d'intérêt, vu l'absence d'intérêt personnel et vu qu'ils introduisent le recours en nom propre et non en tant que représentants d'une organisation syndicale afin de sauvegarder les prérogatives de l'organisation syndicale elle-même.

A.2.2. Pour ce qui est du fond de l'affaire, le Gouvernement flamand expose dans le détail le cadre dans lequel la disposition entreprise doit être située. Il est souligné que le législateur décrétal n'a jamais eu l'intention de rendre impossible toute forme de tutelle administrative sur les entreprises portuaires communales autonomes. Le législateur décrétal a uniquement estimé qu'il était souhaitable, eu égard au secteur spécifique et extrêmement commercial et concurrentiel dans lequel les entreprises précitées sont actives, de prévoir une réglementation distincte dans le décret relatif aux ports qui est en projet.

De l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat relatif au projet qui a conduit à la disposition décrétale entreprise, il ne se déduit pas que les règles relatives à la tutelle administrative ne pourraient être diversifiées.

A.2.3. Le Gouvernement flamand souligne que le législateur fédéral a lui aussi prévu une certaine différenciation en la matière. Alors qu'auparavant seules des régies communales ordinaires pouvaient mener des activités commerciales ou concurrentielles, cette distinction a été modifiée en ce sens que seules des régies communales autonomes peuvent actuellement mener des activités à caractère industriel ou commercial. Le fait, précisément, qu'il est accordé une plus grande autonomie a des implications pour le règlement de la tutelle administrative. Il serait contradictoire d'accorder une plus grande autonomie pour certaines activités si l'on vidait cette autonomie de sa substance en instaurant une réglementation de la tutelle administrative qui s'appliquerait indistinctement à toutes les entreprises.

C'est à tort que les requérants estiment qu'il n'existe pas de rapport raisonnable entre les moyens employés et le but visé. La tutelle administrative n'est pas rendue impossible, elle est simplement intégrée dans une réglementation spécifique, adaptée aux entreprises portuaires.

Mémoire en réponse des parties requérantes A.3.1. Les parties requérantes exposent en long et en large les antécédents de la disposition décrétale entreprise. Il ressort de la genèse de cette disposition que le Gouvernement flamand a instauré l'exclusion litigieuse bien qu'il ait été admis, sur la base de l'avis du Conseil d'Etat, que les actes des régies communales autonomes nécessitaient une tutelle.

A.3.2. Les parties requérantes estiment justifier de l'intérêt requis en droit, et ce contrairement à ce que soutient le Gouvernement flamand.

Les requérants qui agissent en qualité de membres du personnel de l'entreprise portuaire communale autonome d'Anvers ont souligné que leur statut était déterminé par les règlements du conseil d'administration, qui ne peuvent pas faire l'objet d'une tutelle administrative, par suite de la réglementation attaquée. Une éventuelle réglementation à venir dans le décret relatif aux ports ne saurait remédier à cette situation.

L'intérêt des requérants qui agissent en leur fonction de représentants d'une organisation syndicale représentative est lui aussi indéniable, dès lors qu'ils agissent à titre professionnel en vue de la défense des membres du personnel et qu'ils peuvent également les assister dans certaines procédures.

A.3.3. Pour ce qui est du fond de l'affaire, il est rappelé que la disposition entreprise viole l'article 162, alinéa 2, 6°, de la Constitution en ce qu'aucune tutelle administrative n'est possible à l'égard des entreprises portuaires communales autonomes. Une réglementation envisagée pour l'avenir n'enlève rien au fait que le conseil d'administration prend chaque semaine des décisions qui affectent le statut du personnel, sans possibilité de tutelle.

Il est encore rappelé qu'il n'existe pas de justification raisonnable au traitement distinct des entreprises portuaires communales autonomes par rapport à toutes les autres régies communales autonomes. La référence au contexte commercial et concurrentiel dans lequel travaillent les entreprises portuaires ne constitue pas une motivation suffisante pour n'exclure que les entreprises portuaires, dès lors que cet argument vaut aussi pour les autres régies communales autonomes.

Ainsi la réglementation entreprise a-t-elle pour effet qu'il est prévu une tutelle administrative pour l'exploitation des voies navigables et des aéroports, mais non pour les ports. Les requérants concluent que le législateur décrétal n'a poursuivi aucun objectif légitime, que la distinction n'est ni objective ni adéquate et qu'il n'existe en tout état de cause aucun rapport raisonnable entre les moyens employés et le but visé. - B - Quant à la disposition entreprise B.1.1. Le décret du 17 mars 1998 modifiant le décret du 28 avril 1993 portant réglementation pour la Région flamande de la tutelle administrative des communes règle la tutelle administrative des régies communales ordinaires et des régies communales autonomes. L'article 8 entrepris dispose que cette nouvelle forme de tutelle n'est pas applicable aux entreprises portuaires communales autonomes.

B.1.2. La Cour observe qu'après l'introduction du recours en annulation, le décret de la Communauté flamande du 2 mars 1999 portant sur la politique et la gestion des ports maritimes a été édicté, lequel règle notamment la tutelle administrative des entreprises portuaires. A l'audience, les parties requérantes ont exprimé l'opinion que ce dernier décret n'affecte pas leur recours.

Quant à la recevabilité du recours en annulation B.2.1. Les deuxième et quatrième requérants agissent en leur qualité de membres du personnel de l'entreprise portuaire communale autonome d'Anvers. Ils font valoir que les droits et obligations du personnel de l'entreprise portuaire sont régis par des statuts et règlements fixés unilatéralement, en sorte qu'il y va de leur intérêt que ces décisions puissent faire l'objet d'une tutelle administrative.

B.2.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme entreprise.

B.2.3. Les services décentralisés bénéficient d'une certaine autonomie et liberté de gestion. La tutelle administrative est le pouvoir dont dispose l'autorité de tutelle pour empêcher que les pouvoirs décentralisés abusent de leur autonomie pour poser des actes contraires à la loi ou à l'intérêt général.

Cette tutelle administrative s'inscrit dans le cadre des relations entre l'autorité et les pouvoirs décentralisés et n'a pas pour objet de protéger directement les intérêts individuels des membres du personnel. Ceux-ci disposent d'autres moyens au cas où une autorité administrative prendrait des décisions de nature à leur faire grief.

Les requérants n'apportent aucun élément concret dont il apparaîtrait qu'ils sont ou pourraient, en raison de la disposition litigieuse, être affectés personnellement et directement dans leur situation par l'absence d'une tutelle administrative sur les entreprises portuaires autonomes.

Il résulte de ce qui précède que les deuxième et quatrième requérants ne justifient pas de l'intérêt requis et que le recours est irrecevable en ce qui les concerne.

B.3.1. Selon les termes de la requête, les premier et troisième requérants sont des représentants d'organisations syndicales représentatives. Ils déclarent défendre à titre professionnel, dans cette fonction, les intérêts du personnel de l'entreprise portuaire communale autonome d'Anvers et en déduisent leur intérêt à agir devant la Cour.

B.3.2. Les requérants ne justifient pas de l'intérêt requis, étant donné qu'ils ne font pas apparaître en quoi la disposition attaquée porterait atteinte aux prérogatives liées à l'exercice de leur fonction syndicale.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 10 novembre 1999.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, G. De Baets.

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