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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 27 août 1999

Arrêt n° 66/99 du 17 juin 1999 Numéro du rôle : 1336 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 20, § 1 er , 31, § 2, et 40, § 4, du décret de la Communauté flamande du 27 mars 1991 relatif au statut La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, (...)

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Arrêt n° 66/99 du 17 juin 1999 Numéro du rôle : 1336 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 20, § 1er, 31, § 2, et 40, § 4, du décret de la Communauté flamande du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement subventionné et des centres psycho-médico-sociaux subventionnés, posée par le Conseil d'Etat.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, L. François, P. Martens, J. Delruelle, G. De Baets, E. Cerexhe, H. Coremans, A. Arts, R. Henneuse et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles Par arrêt n 73.464 du 5 mai 1998 en cause de A. Joye contre l'a.s.b.l.

Pedagogisch Centrum Wagenschot, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 15 mai 1998, le Conseil d'Etat a posé les questions préjudicielles suivantes : - « Aux articles 20, § 1er, 31, § 3 [lire : § 2] et 40, § 4, du décret du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement subventionné et des centres psycho-médico-sociaux subventionnés il est fait usage, en ce qui concerne la désignation et la nomination des membres du personnel des établissements et centres libres subventionnés, du terme ' convention '; si, de ce fait, il convient d'interpréter ces articles en ce sens qu'il en résulte que l'accès au Conseil d'Etat en tant que juge d'annulation est dénié à ces membres du personnel, n'y a-t-il pas, en présence de cette interprétation, violation des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il n'existe aucun motif raisonnable pour leur dénier cet accès, ce contrairement aux membres du personnel, régis par le même décret, des établissements d'enseignement et centres officiels subventionnés - ainsi qu'aux membres du personnel de l'enseignement communautaire, dont le statut est réglé par le décret du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement communautaire -, et ce alors qu'à tout autre point de vue, leur statut ne présente pas de différences fondamentales avec celui de ces autres membres du personnel ? » - Dans le cas où il serait répondu à cette question qu'il n'y a pas violation, la question préjudicielle suivante est posée : « Les articles susvisés du décret du 27 mars 1991 violent-ils les articles 10 et 11 et l'article 24, § 4, de la Constitution, en ce que le législateur décrétal a, en l'absence de tout motif raisonnable, placé les membres du personnel des établissements et centres libres subventionnés sous le régime contractuel au lieu du régime statutaire, avec comme conséquence que ces membres du personnel n'ont pas accès au Conseil d'Etat en tant que juge d'annulation, ce contrairement aux membres du personnel des établissements et centres officiels subventionnés, régis par le même décret - et aux membres du personnel de l'enseignement communautaire, dont le statut est réglé par le décret du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement communautaire -, et ce alors qu'à tout autre point de vue leur statut ne présente pas de différences fondamentales avec celui de ces autres membres du personnel ? » II. Les faits et la procédure antérieure La décision de renvoi et le dossier de la procédure antérieure révèlent que le requérant devant le Conseil d'Etat a, par requête du 12 août 1991, demandé l'annulation d'une décision prise par l'autorité compétente de l'école libre subventionnée où il enseignait, décision par laquelle il a été informé que sa demande de mise en disponibilité pour convenance personnelle pour une période de cinq ans n'était pas accueillie.

Dans son rapport, le membre compétent de l'auditorat du Conseil d'Etat conclut à l'incompétence du Conseil d'Etat au motif que la mesure litigieuse n'émane pas d'une autorité administrative, eu égard à l'article 31 du décret du 27 mars 1991, qui prévoit que toute nomination dans l'enseignement libre intervient par convention.

L'auditeur renvoie également à un arrêt de la Cour de cassation du 4 octobre 1993, dans lequel cette Cour a considéré que « bien que ces membres du personnel [soient] ainsi soumis à un statut, leur emploi résulte d'un contrat de travail et n'est donc pas réglé statutairement » et que « dès lors, les juridictions du travail connaissent des contestations relatives aux dispositions précitées, conformément à l'article 578, 1°, du Code judiciaire ».

Par suite de cette prise de position de l'auditeur, le requérant devant le Conseil d'Etat demande dans son dernier mémoire qu'il soit posé à la Cour une question préjudicielle relative à la compatibilité avec la règle constitutionnelle de l'égalité du choix que le législateur décrétal a fait en plaçant le personnel des établissements d'enseignement et centres P.M.S. (centres psycho-médico-sociaux) libres subventionnés sous le régime contractuel au lieu du régime statutaire, ce qui emporte que ces membres du personnel n'ont pas accès au Conseil d'Etat.

III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 15 mai 1998, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 8 juin 1998.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 13 juin 1998.

Des mémoires ont été introduits par : - le Gouvernement de la Communauté française, place Surlet de Chokier 15-17, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 22 juillet 1998; - le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 24 juillet 1998.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 6 octobre 1998.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - le Gouvernement de la Communauté française, par lettre recommandée à la poste le 5 novembre 1998; - le Gouvernement flamand, par lettre recommandée à la poste le 10 novembre 1998.

Par ordonnances du 29 octobre 1998 et du 28 avril 1999, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 15 mai 1999 et 15 novembre 1999 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 10 février 1999, le président L. De Grève a soumis l'affaire à la Cour réunie en séance plénière.

Par ordonnance du même jour, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 17 mars 1999.

Cette dernière ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 11 février 1999.

A l'audience publique du 17 mars 1999 : - ont comparu : . Me P. Levert, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement de la Communauté française; . Me P. Devers, avocat au barreau de Gand, pour le Gouvernement flamand; - les juges-rapporteurs M. Bossuyt et R. Henneuse ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

IV. En droit - A - Position du Gouvernement de la Communauté française A.1.1. Selon le Gouvernement de la Communauté française, le décret du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement subventionné et des centres psycho-médico-sociaux subventionnés consacre la distinction qui a toujours été établie, s'agissant de la nature des relations de travail, entre, d'une part, les membres du personnel de l'enseignement organisé directement, dans le passé par l'Etat fédéral, et actuellement par les communautés et par les pouvoirs organisateurs de l'enseignement officiel subventionné et, d'autre part, les membres du personnel de l'enseignement libre subventionné.

L'emploi du terme « convention » dans le décret précité renvoie clairement à la notion de « contrat de travail », ce qui confirme le caractère contractuel de la relation de travail entre les membres du personnel subventionné de l'enseignement libre subventionné et les pouvoirs organisateurs dont ils dépendent.

A.1.2. En ce qui concerne la première question préjudicielle, le Gouvernement de la Communauté française se rallie à la thèse selon laquelle le Conseil d'Etat est incompétent pour connaître du contentieux qui oppose les membres du personnel de l'enseignement libre subventionné à leur employeur, dès lors que leurs relations de travail sont de nature contractuelle, si bien que les juridictions du travail sont compétentes.

Le Gouvernement reconnaît qu'il en découle une distinction pour ce qui est de la protection juridique, puisque, devant les juridictions du travail, et contrairement à la procédure devant le Conseil d'Etat, seule une indemnisation peut être obtenue, mais jamais l'annulation d'un acte entrepris. Cela ne signifie cependant pas que les règles constitutionnelles en matière d'égalité et de non-discrimination soient violées.

En premier lieu, les membres du personnel de l'enseignement qui est organisé directement par la communauté ou par les pouvoirs organisateurs et les membres du personnel de l'enseignement libre subventionné ne sont pas comparables, étant donné que leurs relations de travail sont différentes, statutaires pour les uns et contractuelles pour les autres. En outre, dans leurs effets, on ne saurait comparer les voies de recours qui peuvent être utilisées par les deux catégories à l'encontre des décisions prises à leur égard.

Le Gouvernement souligne ensuite que la Cour a déjà considéré que l'absence d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat ne signifie pas qu'il soit question de discrimination, dès lors qu'un recours était ouvert devant les juridictions de l'ordre judiciaire.

Tel est également le cas en l'espèce.

Le Gouvernement rappelle que l'article 24, § 4, de la Constitution, qui est déterminant en l'espèce, confirme les principes dégagés du Pacte scolaire, qui a consacré le caractère contractuel de l'engagement des enseignants dans l'enseignement libre subventionné.

Enfin, le Gouvernement estime que les voies de recours dont disposent les deux catégories de membres du personnel sont équivalentes. Si le requérant, dans le cas présent, avait accès au Conseil d'Etat, l'annulation de la décision entreprise n'emporterait pas qu'il obtienne le congé demandé. Le seul intérêt de son recours consisterait à faire établir une faute du pouvoir organisateur, sur la base de laquelle il peut exiger une indemnisation devant les juridictions du travail. Le résultat est le même s'il s'adresse directement au tribunal du travail.

A.1.3. Relativement à la deuxième question préjudicielle, le Gouvernement renvoie à l'argumentation développée antérieurement. Il ajoute que l'article 24, § 4, de la Constitution ne s'oppose pas, sous certaines conditions, à ce qu'il soit opéré un traitement différencié entre des membres du personnel.

Pour le surplus, le Gouvernement considère que la question préjudicielle porte sur l'opportunité d'un choix, en ce qu'il est demandé à la Cour d'apprécier la décision du législateur décrétal quant à la nature de la relation de travail entre un membre du personnel de l'enseignement libre subventionné et un pouvoir organisateur. La Cour est toutefois incompétente pour apprécier si une mesure instaurée par décret est opportune ou souhaitable, ainsi qu'il ressort de sa jurisprudence constante. Enfin, il est rappelé que la relation de travail contractuelle repose, pour l'enseignement libre subventionné, sur une tradition et que de manière générale aussi, la relation de travail entre un employeur comme personne privée et un travailleur est de nature contractuelle. Le Gouvernement conclut que les deux questions préjudicielles appellent une réponse négative.

A.1.4. Dans son mémoire en réponse, le Gouvernement de la Communauté française n'ajoute rien à sa position reproduite ci-avant. Il demande toutefois que le mémoire en réponse du Gouvernement flamand soit écarté des débats. Dans son mémoire, le Gouvernement flamand avait déclaré qu'il communiquerait sa position après avoir pris connaissance des mémoires des parties devant le Conseil d'Etat, ce qui est contraire aux principes du débat contradictoire.

Position du Gouvernement flamand A.2.1. Dans son mémoire, le Gouvernement flamand se borne à déclarer qu'il intervient en l'affaire et qu'il se réserve explicitement le droit d'exposer son point de vue dans un mémoire ultérieur, après avoir pris connaissance des mémoires des parties dans l'affaire au fond. Il renvoie à cet égard à la jurisprudence de la Cour, qui admet une telle pratique.

A.2.2. Dans son mémoire en réponse, le Gouvernement flamand s'en remet à la sagesse de la Cour pour ce qui est de la réponse aux questions préjudicielles et se rallie aux observations du Gouvernement de la Communauté française.

Il ajoute que la différence de traitement entre les membres du personnel de l'enseignement subventionné et ceux de l'enseignement officiel trouve son fondement dans les caractéristiques propres des pouvoirs organisateurs et dès lors dans l'article 24, § 4, de la Constitution. Il estime également trouver appui dans la jurisprudence de la Cour.

Le décret du 27 mars 1991 entend uniformiser les droits et obligations du personnel enseignant des différents réseaux d'enseignement, dans le cadre toutefois des compétences dont dispose la Communauté en matière d'enseignement. A cet égard, le Gouvernement se demande si la Communauté est compétente pour déterminer, pour l'enseignement subventionné, quelle est la nature de l'occupation des enseignants et donc pour déterminer le caractère contractuel ou statutaire. Si la Communauté imposait un statut de droit public à l'enseignement subventionné, cela n'aurait, en effet, pas seulement des conséquences pour la solution du litige au Conseil d'Etat mais également pour le droit de la sécurité sociale et le droit du travail, qui sont des matières fédérales. Si l'on part du principe que la Communauté est sans compétence en la matière, la différence de traitement soumise à la Cour résulte directement de la répartition constitutionnelle des compétences et ne saurait être contraire au principe d'égalité. - B - Quant au mémoire en réponse du Gouvernement flamand B.1. Le Gouvernement de la Communauté française conteste la recevabilité du mémoire en réponse du Gouvernement flamand en ce que celui-ci s'est limité à déclarer dans son premier mémoire qu'il intervenait dans la procédure et se réservait le droit de préciser son point de vue dans un mémoire ultérieur.

Malgré son caractère sommaire, ce mémoire peut être considéré comme un mémoire au sens de l'article 85 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, en sorte que le Gouvernement flamand intervient valablement dans la procédure; son mémoire en réponse est recevable.

Quant à l'objet des questions préjudicielles B.2.1. Les questions préjudicielles portent sur les articles 20, § 1er, 31, § 2, et 40, § 4, du décret du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement subventionné et des centres psycho-médico-sociaux subventionnés.

Ces dispositions énoncent : «

Art. 20.§ 1er. Dans les établissements et centres de l'enseignement libre subventionné, toute désignation à titre temporaire dans une fonction de recrutement et toute modification que l'on y apporte doivent être confirmées par écrit. La convention indiquera au moins : 1° la dénomination et l'adresse du pouvoir organisateur et de l'établissement ou du centre où le membre du personnel occupera un emploi;2° l'identité du membre du personnel;3° la fonction à exercer et, s'il s'agit d'un professeur, le cours, la spécialité et le volume de la charge;4° la désignation dans un emploi vacant ou non vacant, et, dans ce dernier cas, le nom du titulaire de l'emploi et, le cas échéant, le nom du membre du personnel absent qui le remplace temporairement;5° le cas échéant, les devoirs et incompatibilités complémentaires. La convention de désignation temporaire est établie en deux exemplaires au moins, dont une [est] destinée au membre du personnel. » «

Art. 31.[...] § 2. Dans les établissements et centres de l'enseignement libre subventionné, toute nomination dans une fonction de recrutement et toute modification que l'on y apporte, est confirmée par écrit. La convention indiquera au moins : 1° la dénomination et l'adresse du pouvoir organisateur et de l'établissement ou du centre où le membre du personnel occupe un emploi;2° l'identité du membre du personnel;3° la fonction à exercer et le volume de la charge;4° le cas échéant, les devoirs et incompatibilités complémentaires. La convention de nomination est établie en deux exemplaires au moins, dont l'un est destiné au membre du personnel. » «

Art. 40.[...] § 4. La nomination visée au § 1er doit être consignée de la façon déterminée à l'article 31, § 2 et § 3. » B.2.2. Le Conseil d'Etat demande à la Cour, dans la première question préjudicielle, si ces dispositions violent les articles 10 et 11 de la Constitution dans l'hypothèse où le terme « convention » figurant dans ces dispositions est interprété en ce sens qu'elles ont pour effet que ces membres du personnel se voient, sans « motif raisonnable », refuser l'accès au Conseil d'Etat en tant que juge d'annulation, contrairement aux membres du personnel, entrant dans le champ d'application du décret, des établissements d'enseignement et centres officiels subventionnés et contrairement aux membres du personnel de l'enseignement communautaire, alors qu'à tout autre point de vue, leur situation juridique ne présenterait pas de différences fondamentales.

B.2.3. Au cas où la réponse à la première question préjudicielle serait négative, le Conseil d'Etat demande si les dispositions précitées du décret du 27 mars 1991 violent les articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution en ce que le législateur décrétal a, « en l'absence de tout motif raisonnable », placé les membres du personnel des établissements d'enseignement et centres libres subventionnés sous le régime contractuel au lieu du régime statutaire, ce qui emporte que ces membres du personnel n'ont pas accès au Conseil d'Etat, contrairement au personnel des établissements de l'enseignement officiel subventionné et de l'enseignement communautaire, alors qu'à tout autre point de vue, leur situation juridique ne présenterait pas de différences fondamentales.

B.2.4. La différence de traitement visée dans les deux questions porte sur la protection juridictionnelle différente accordée au personnel enseignant en cas de litige survenant entre le pouvoir organisateur en sa qualité d'employeur et le personnel enseignant qu'il occupe. Dans l'enseignement libre subventionné, ces litiges relèvent de la compétence des juridictions du travail; dans l'enseignement officiel, certains litiges relèvent de la compétence du Conseil d'Etat. Par rapport à cette différence, les deux questions appellent la même réponse.

Quant au fond B.3.1. La situation juridique du personnel de l'enseignement officiel subventionné, de même que celle du personnel de l'enseignement de la Communauté, telle qu'elle est régie par le décret du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement communautaire, est fondée sur une désignation unilatérale et est de nature statutaire.

En ce qui concerne la source de la relation juridique dans l'enseignement libre subventionné, le décret soumis à la Cour utilise, par opposition à la situation juridique du personnel de l'enseignement officiel subventionné, le terme « convention ». Les travaux préparatoires confirment que le personnel de l'enseignement libre subventionné est dans un lien contractuel même s'il est désormais régi principalement par les dispositions du décret et non plus par la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux contrats de travail (Doc., Conseil flamand, 1990-1991, n° 471/1, pp. 19, 21 et 22; ibid., n° 470/4, pp. 3 et 12).

B.3.2. Le juge a quo demande à la Cour si cette différence de traitement n'est pas contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution et à l'article 24, § 4, de la Constitution, qui précise le principe d'égalité en matière d'enseignement.

L'article 24, § 4, de la Constitution dispose : « Tous les élèves ou étudiants, parents, membres du personnel et établissements d'enseignement sont égaux devant la loi ou le décret.

La loi et le décret prennent en compte les différences objectives, notamment les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur, qui justifient un traitement approprié. » B.3.3. Bien que le traitement égal des membres du personnel soit le principe, l'article 24, § 4, de la Constitution permet un traitement différent, à condition qu'il soit fondé sur les caractéristiques propres aux pouvoirs organisateurs.

Une de ces caractéristiques est précisément la nature juridique des pouvoirs organisateurs, qui sont des personnes morales ou des établissements de droit privé dans l'enseignement libre subventionné, et des personnes morales ou des établissements de droit public dans l'enseignement officiel subventionné, ce qui peut déterminer la nature différente, dans les deux réseaux respectifs, de la relation juridique entre les membres du personnel et leur employeur.

Les travaux préparatoires de l'article 24, § 4, de la Constitution renvoient, à titre d'exemple de différence objective fondée sur les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur, à la situation juridique du personnel avec lequel un pouvoir organisateur conclut un contrat de travail dans l'enseignement libre (Doc. parl., Sénat, S.E., 1988, n° 100-1°/1, p. 6).

B.3.4. Le principe d'égalité en matière d'enseignement ne saurait être dissocié des autres garanties contenues à l'article 24 de la Constitution.

L'article 24, § 1er, de la Constitution l'affirme : l'enseignement est libre. Cette disposition implique, d'une part, que la dispensation d'un enseignement n'est pas une matière réservée aux pouvoirs publics et, d'autre part, qu'un pouvoir organisateur de l'enseignement libre subventionné, tant qu'il s'en tient aux dispositions concernant le subventionnement, le contrôle qualitatif et l'équivalence des diplômes et certificats - conditions qui ne sont pas en cause en l'espèce -, peut offrir un enseignement qui, contrairement à celui de l'enseignement officiel, est basé sur une conception philosophique, idéologique ou religieuse de son choix.

La liberté d'enseignement implique la liberté, pour le pouvoir organisateur, de choisir le personnel qui sera chargé de mener à bien la réalisation des objectifs pédagogiques propres. La liberté de choix a donc des répercussions sur les rapports de travail entre ce pouvoir organisateur et son personnel et justifie que la désignation et la nomination du personnel de l'enseignement libre subventionné se fassent par contrat.

B.4. L'article 144 de la Constitution attribue à la connaissance exclusive des tribunaux judiciaires les litiges qui ont pour objet des droits civils. En tant qu'ils désignent et nomment les membres de leur personnel de la manière régie par les dispositions soumises à la Cour, les pouvoirs organisateurs de l'enseignement libre subventionné ne sont pas des autorités administratives et ne relèvent donc pas de la compétence du Conseil d'Etat.

La différence de traitement en cause, sur le plan de la garantie juridictionnelle offerte respectivement au personnel de l'enseignement libre et à celui de l'enseignement officiel, trouve dès lors sa justification dans la Constitution elle-même.

B.5. Il résulte de ce qui précède que les deux questions préjudicielles appellent une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 20, § 1er, 31, § 2, et 40, § 4, du décret de la Communauté flamande du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement subventionné et des centres psycho-médico-sociaux subventionnés ne violent pas les articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution en ce que le législateur décrétal a, dans l'enseignement libre subventionné, placé ces membres du personnel sous le régime contractuel, avec la conséquence que le Conseil d'Etat n'est pas compétent pour connaître des litiges relatifs à leur désignation et à leur nomination.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 17 juin 1999.

Le griffier, L. Potoms.

Le président, L. De Grève.

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