publié le 07 septembre 1999
Arrêt n° 55/99 du 26 mai 1999 Numéro du rôle : 1335 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 2, alinéa 1 er , du décret de la(...)
Arrêt n° 55/99 du 26 mai 1999 Numéro du rôle : 1335 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 2, alinéa 1er, du décret de la Région flamande du 21 décembre 1994 « portant ratification de l'arrêté du Gouvernement flamand du 16 novembre 1994 relatif à la désignation définitive des zones de dunes protégées et des zones agricoles ayant une importance pour les dunes et portant modification de la loi du 12 juillet 1973Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/1973 pub. 24/08/2010 numac 2010000473 source service public federal interieur Loi sur la conservation de la nature Traduction en langue allemande de la version fédérale fermer relative à la conservation de la nature », l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat et l'article 26, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, posée par le Conseil d'Etat.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges P. Martens, J. Delruelle, E. Cerexhe, H. Coremans et A. Arts, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par arrêt n° 73.218 du 23 avril 1998 en cause de la s.a. Kortrijk Centrum Oost contre la Région flamande, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 12 mai 1998, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 2, alinéa 1er, du décret du Conseil flamand du 21 décembre 1994 portant ratification de l'arrêté du Gouvernement flamand du 16 novembre 1994 relatif à la désignation définitive des zones de dunes protégées et des zones agricoles ayant une importance pour les dunes et portant modification de la loi du 12 juillet 1973Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/1973 pub. 24/08/2010 numac 2010000473 source service public federal interieur Loi sur la conservation de la nature Traduction en langue allemande de la version fédérale fermer relative à la conservation de la nature, l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat et l'article 26, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution coordonnée, lus isolément et en combinaison avec les articles 13, 142, 144, 145, 146, 160 et 187 de la Constitution coordonnée et avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que ces dispositions emportent qu'un justiciable n'est pas recevable à soumettre à l'appréciation d'un juge un grief concernant une inégalité de traitement commise lors de l'élaboration d'un acte administratif ratifié par décret, alors qu'il serait toutefois recevable à soumettre à l'appréciation du juge une inégalité de traitement résultant d'un acte administratif [non] ratifié par décret ou d'une disposition ayant force de loi ? » II. Les faits et la procédure antérieure La s.a. Kortrijk Centrum Oost a introduit auprès du Conseil d'Etat un recours visant à l'annulation d'un arrêté du Gouvernement flamand du 15 septembre 1993 désignant provisoirement comme zone de dunes protégée une parcelle sise à Koksijde-Sint-Idesbald et visant à l'annulation d'un arrêté du 30 janvier 1995 désignant définitivement cette parcelle comme zone de dunes protégée.
Le Conseil d'Etat estime ne plus être compétent pour annuler les arrêtés litigieux, ceux-ci ayant été confirmés respectivement par le décret du 26 janvier 1994 et par le décret du 21 décembre 1994.
Dans son dernier mémoire, la partie requérante devant le Conseil d'Etat soutient que cette juridiction demeure compétente, nonobstant la confirmation décrétale, pour apprécier la façon dont l'enquête publique relative à la désignation des zones de dunes protégées s'est effectuée dans la pratique, étant donné que la Cour s'est déclarée incompétente pour ce faire dans son arrêt n° 24/96 du 27 mars 1996, par lequel le recours en annulation du décret du 21 décembre 1994 a été rejeté. En décider autrement impliquerait, selon la partie requérante devant le Conseil d'Etat, qu'elle ne pourrait plus soumettre ses griefs y relatifs à aucun juge. Elle conclut qu'il convient, le cas échéant, de poser à ce sujet une question préjudicielle à la Cour.
Compte tenu de l'article 26, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, le Conseil d'Etat décide de poser la question préjudicielle formulée par la partie requérante.
III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 12 mai 1998, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.
La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 20 juin 1998.
L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 4 juin 1998.
Des mémoires ont été introduits par : - la s.a. Florizoone, dont le siège social est établi à 8620 Nieuport, Brugse Vaart 8, par lettre recommandée à la poste le 8 juillet 1998; - l'a.s.b.l. Fonds national d'entraide, dont le siège social est établi à 1040 Bruxelles, rue de la Loi 121, par lettre recommandée à la poste le 8 juillet 1998; - le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 15 juillet 1998; - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 17 juillet 1998; - la s.a. Kortrijk Centrum Oost, dont le siège social est établi à 8500 Courtrai, Damkaai 4, par lettre recommandée à la poste le 20 juillet 1998.
Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 16 septembre 1998.
Des mémoires en réponse ont été introduits par : - le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 13 octobre 1998; - l'a.s.b.l. Fonds national d'entraide, par lettre recommandée à la poste le 14 octobre 1998; - la s.a. Florizoone, par lettre recommandée à la poste le 14 octobre 1998; - la s.a. Kortrijk Centrum Oost, par lettre recommandée à la poste le 19 octobre 1998; - le Gouvernement flamand, par lettre recommandée à la poste le 19 octobre 1998.
Par ordonnances des 29 octobre 1998 et 28 avril 1999, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 12 mai 1999 et 12 novembre 1999 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.
Par ordonnance du 10 février 1999, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 3 mars 1999.
Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 11 février 1999.
A l'audience publique du 3 mars 1999 : - ont comparu : . Me J. Blancke, avocat au barreau de Louvain, pour la s.a. Kortrijk Centrum Oost; . Me J. Ghysels, avocat au barreau de Bruxelles, pour la s.a.
Florizoone et l'a.s.b.l. Fonds national d'entraide; . Me B. Staelens loco Me B. Bronders, avocats au barreau de Bruges, et loco Me P. Van Orshoven, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement flamand; - les juges-rapporteurs A. Arts et J. Delruelle ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.
IV. Objet des dispositions en cause 1. L'article 2, alinéa 1er, du décret de la Région flamande du 21 décembre 1994 « portant ratification de l'arrêté du Gouvernement flamand du 16 novembre 1994 relatif à la désignation définitive des zones de dunes protégées et des zones agricoles ayant une importance pour les dunes et portant modification de la loi du 12 juillet 1973Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/1973 pub. 24/08/2010 numac 2010000473 source service public federal interieur Loi sur la conservation de la nature Traduction en langue allemande de la version fédérale fermer relative à la conservation de la nature » dispose ce qui suit : « Art.2. L'arrêté du Gouvernement flamand du 16 novembre 1994 relatif à la désignation définitive de zones de dunes protégées et de zones agricoles ayant une importance pour les dunes est ratifié produisant ses effets à la date de son entrée en vigueur, étant entendu que les feuilles « Oostduinkerke 11/8' et `Nieuport 12/5' en annexe audit arrêté sont remplacées par les feuilles ` Oostduinkerke 11/8 ' et ` Nieuport 12/5 ' en annexe au présent décret. » 2. L'article 14, alinéa 1er, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées par l'arrêté royal du 12 janvier 1973, énonce : « La section statue par voie d'arrêts sur les recours en annulation pour violation des formes soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir, formés contre les actes et règlements des diverses autorités administratives ou contre les décisions contentieuses administratives.» 3. L'article 26, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage énonce : « La Cour d'arbitrage statue, à titre préjudiciel, par voie d'arrêt, sur les questions relatives à : 1° la violation par une loi, un décret ou une règle visée à l'article 26bis de la Constitution, des règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des Communautés et des Régions;2° sans préjudice du 1°, tout conflit entre décrets ou entre règles visées à l'article 26bis de la Constitution émanant de législateurs distincts et pour autant que le conflit résulte de leur champ d'application respectif;3° la violation par une loi, un décret ou une règle visée à l'article 26bis de la Constitution, des articles 6, 6bis et 17 de la Constitution.» V. En droit - A - A.1. La s.a. Kortrijk Centrum Oost rappelle les éléments de fait de l'instance principale ainsi que l'arrêt n° 24/96 de la Cour du 27 mars 1996.
La partie requérante devant le Conseil d'Etat estime que la décision du Conseil d'Etat de se déclarer incompétent emporte une différence de traitement qui n'est pas fondée sur un critère objectivement et raisonnablement justifié.
A.2.1. L'a.s.b.l. Fonds national d'entraide et la s.a. Florizoone souhaitent intervenir dans la présente affaire. Elles sont parties requérantes devant le Conseil d'Etat dans des affaires comparables à celle dont est saisie la Cour.
A.2.2. Selon le Conseil des ministres et le Gouvernement flamand, les mémoires en intervention sont irrecevables : ils renvoient à la jurisprudence de la Cour, dont il ressort que la seule qualité de partie dans une procédure analogue à celle dont est saisie la Cour à titre préjudiciel ne suffit pas pour justifier de l'intérêt à intervenir.
A.2.3. Les parties intervenantes soutiennent que l'arrêt de la Cour influera sur leurs affaires. Elles observent qu'elles aussi ont formulé une question préjudicielle dans leurs derniers mémoires. Elles produisent les arrêts du Conseil d'Etat nos 73.219 et 73.220 du 23 avril 1998, dans lesquels cette juridiction décide de remettre leur cause jusqu'à ce que la Cour ait statué sur la question préjudicielle présentement soumise.
A.3. Les parties intervenantes dénoncent aussi le fait que l'accès à un juge leur est refusé. Elles observent que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit à chacun le droit de porter un litige devant un tribunal.
Selon ces parties, la lecture combinée de la jurisprudence du Conseil d'Etat et de celle de la Cour révèle que, dans le cadre de la réglementation en matière de protection des dunes, l'accès au juge leur est refusé de façon injustifiée et que les articles 10 et 11 de la Constitution sont dès lors violés.
A.4.1. Le Conseil des ministres et le Gouvernement flamand soutiennent en ordre principal que la question préjudicielle n'est pas recevable.
Ils estiment que la s.a. Kortrijk Centrum Oost - l'une des parties requérantes dans l'affaire qui a conduit à l'arrêt n° 24/96 du 27 mars 1996 - soulève en réalité une question de droit qui a déjà été tranchée dans les considérants B.5.1 à B.5.3 de cet arrêt. Selon le Conseil des ministres et le Gouvernement flamand, la question est contraire à l'autorité de chose jugée de cet arrêt.
A.4.2. La s.a. Kortrijk Centrum Oost répond que la présente question préjudicielle porte sur un autre grief. Elle constate que son grief relatif à la différence de traitement lors de l'élaboration de l'arrêté litigieux ne peut être reçu par aucun juge.
Selon la partie requérante devant le Conseil d'Etat, cette discrimination ne s'est révélée qu'à la suite de l'arrêt précité et la présente question préjudicielle ne saurait logiquement méconnaître l'autorité de la chose jugée dudit arrêt.
A.4.3. A l'estime des parties intervenantes, la question préjudicielle est effectivement recevable. Les plus hautes juridictions sont toujours obligées de poser une question préjudicielle, comme le Conseil d'Etat l'a d'ailleurs fait en l'espèce. De plus, la question n'est pas identique à la question de droit tranchée par l'arrêt n° 24/96.
A.5.1. Le Conseil des ministres et le Gouvernement flamand font valoir que l'inégalité prétendue ne découle pas des dispositions qui font l'objet de la question, mais des dispositions constitutionnelles relatives à la Cour d'arbitrage et au Conseil d'Etat, et que la Cour n'est pas compétente pour se prononcer sur un choix opéré par le Constituant.
A.5.2. A l'estime de la s.a. Kortrijk Centrum Oost, le traitement inégal dénoncé ne résulte pas des articles 142 et 160 de la Constitution, mais de la circonstance spécifique que la disposition confirmée est le résultat d'une procédure préalable prévoyant une enquête publique. Selon la partie requérante devant la juridiction a quo, ni le régime de la ratification, ni les règles de compétence elles-mêmes de la Cour et du Conseil d'Etat ne sont à l'origine de l'inégalité dénoncée.
A.5.3. Les parties intervenantes font valoir que la Cour est effectivement compétente pour examiner l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat et que cet article ne représente pas intégralement une option du Constituant lui-même. A cet égard, elles renvoient à l'arrêt de la Cour n° 31/96 du 15 mai 1996 et soutiennent que la Cour a également considéré dans cet arrêt que la discrimination pouvait trouver son origine dans le défaut d'organisation d'un recours en annulation.
A.6.1. Le Conseil des ministres observe encore que la confirmation décrétale de l'arrêté portant protection des dunes n'est pas contestable en tant que telle : dans son arrêt n° 24/96 (considérant B.4.5), la Cour a déclaré que cette confirmation n'était pas dictée par l'objectif de priver les propriétaires des parcelles concernées d'une garantie juridictionnelle offerte à tous les citoyens, mais qu'elle se justifiait principalement par le but poursuivi par le décret, à savoir une protection rapide et efficace des dunes et des zones agricoles ayant une importance pour les dunes.
Le Conseil des ministres rappelle que la Cour a considéré que cette mesure n'était pas disproportionnée à l'objectif poursuivi et observe que c'est précisément ce motif licite qui fonde le mode d'adoption du décret en cause.
A.6.2. Les parties intervenantes déclarent que le but n'est pas de critiquer le mécanisme de la confirmation décrétale et qu'elles ne souhaitent pas aborder ce problème.
A.7.1. Le Gouvernement flamand soutient en outre que la question préjudicielle compare injustement des actes administratifs confirmés par une loi formelle avec des actes administratifs non confirmés et avec des lois formelles en tant que telles. A l'estime du Gouvernement flamand, il n'existe pas d'inégalité de traitement entre, d'une part, les citoyens qui contestent des actes administratifs confirmés par le pouvoir législatif concerné et, d'autre part, les citoyens qui contestent des actes administratifs en tant que tels ou des décisions du pouvoir législatif, mais uniquement entre les citoyens qui contestent respectivement des décisions administratives et des décisions ayant force de loi.
A.7.2. Selon les parties intervenantes, les catégories qu'il convient de distinguer en l'espèce (à savoir des formalités afférentes à un arrêté confirmé ou non par un décret) sont bel et bien comparables : il s'agit dans les deux cas de formalités à caractère administratif, qui peuvent en principe être déférées à la censure du Conseil d'Etat.
A.8. Dans la mesure où la différence de traitement devrait encore être justifiée, le Gouvernement flamand rappelle l'arrêt de la Cour n° 67/92 du 12 novembre 1992 (B.11.2) : « Par ailleurs, la circonstance que les citoyens ne disposeront pas [...] à l'égard de l'acte de réfection des mêmes garanties juridictionnelles que celles dont ils ont bénéficié à l'égard de l'acte annulé est objectivement justifiée; elle tient à la différence que le Constituant a établie en matière de contrôle de validité des normes entre les actes législatifs et les actes de nature administrative ». - B - Quant aux interventions de l'a.s.b.l. Fonds national d'entraide et de la s.a. Florizoone B.1.1. L'a.s.b.l. Fonds national d'entraide et la s.a. Florizoone souhaitent intervenir dans la présente affaire. Dans leurs mémoires en intervention, elles affirment être parties requérantes devant le Conseil d'Etat dans des affaires comparables et que l'arrêt de la Cour exercera une influence sur ces affaires.
B.1.2. L'article 87, § 1er, de la loi spéciale sur la Cour d'arbitrage dispose que lorsque la Cour statue, à titre préjudiciel, sur les questions visées à l'article 26, toute personne justifiant d'un intérêt dans la cause soumise à la juridiction qui ordonne le renvoi peut adresser un mémoire à la Cour dans les trente jours de la publication prescrite par l'article 74 et est, de ce fait, réputée partie au litige.
La seule qualité de partie dans une procédure analogue à celle qui a donné lieu à la question préjudicielle ne suffit pas pour démontrer l'intérêt requis par l'article 87, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989.
Compte tenu toutefois de ce que, dans les deux affaires qu'elles ont introduites devant le Conseil d'Etat, la société et l'association prénommées ont demandé qu'il soit posé à la Cour une question préjudicielle et que le Conseil d'Etat a tenu les affaires en délibéré jusqu'à ce que la Cour ait répondu à la question posée dans la présente affaire, il est admis qu'en l'espèce, les parties qui demandent à intervenir justifient d'un intérêt suffisant.
Quant à la question préjudicielle B.2. La question préjudicielle porte sur la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément et en combinaison avec d'autres dispositions constitutionnelles et conventionnelles, des dispositions en cause « en ce que ces dispositions emportent qu'un justiciable n'est pas recevable à soumettre à l'appréciation d'un juge un grief concernant une inégalité de traitement commise lors de l'élaboration d'un acte administratif ratifié par décret, alors qu'il serait toutefois recevable à soumettre à l'appréciation du juge une inégalité de traitement résultant d'un acte administratif [non] ratifié par décret ou d'une disposition ayant force de loi ».
B.3. La critique de la partie requérante devant le Conseil d'Etat et des parties intervenantes devant la Cour porte en premier lieu sur le fait qu'un arrêté, dont ces parties contestent devant le Conseil d'Etat qu'il ait été adopté de façon régulière, a été confirmé par le législateur décrétal, avec la conséquence que la juridiction susdite n'est plus compétente pour statuer sur cet arrêté.
B.4. En tant que cette critique dénonce un traitement inégal dans l'élaboration de l'arrêté du Gouvernement flamand du 16 novembre 1994, qui a été confirmé par le décret du 21 décembre 1994 conformément aux conditions prévues par le décret du 14 juillet 1993, il y a lieu de constater que l'arrêté est devenu une norme décrétale dès la date de son entrée en vigueur en vertu de l'article 2 du décret de confirmation précité.
Cette confirmation ne dispense pas la Cour d'examiner des moyens selon lesquels le législateur décrétal, qui s'est approprié les dispositions de l'arrêté du Gouvernement flamand, violerait une des dispositions constitutionnelles dont la Cour doit assurer le respect.
Mais des irrégularités formelles dont l'arrêté aurait été vicié avant sa confirmation et qui sont les seules invoquées ne seront pas examinées par la Cour, même si elles sont présentées comme violant les articles 10 et 11 de la Constitution.
Il s'ensuit que la question préjudicielle en cette branche appelle une réponse négative.
B.5. En tant que la critique de la partie requérante devant le Conseil d'Etat et des parties intervenantes est dirigée contre l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, la question préjudicielle appelle également une réponse négative, dès lors qu'il ne découle nullement des dispositions mêmes de cet article que le Conseil d'Etat serait incompétent pour se prononcer sur un moyen qui dénonce une différence de traitement dans l'élaboration d'un acte administratif.
Cet article précise, au contraire, que le Conseil d'Etat statue sur les recours « pour violation des formes soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité ».
L'absence dénoncée de contrôle juridictionnel ne découle pas, en l'espèce, de l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, mais de la confirmation par l'article 2 du décret du 21 décembre 1994.
B.6.1. La critique de la partie requérante devant le Conseil d'Etat et des parties intervenantes porte aussi sur l'article 26, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
B.6.2. La différence de traitement évoquée dans la question préjudicielle tient à la distinction entre, d'une part, le contrôle d'actes administratifs par les cours et tribunaux de l'ordre judiciaire et par le Conseil d'Etat et, d'autre part, le contrôle de normes législatives par la Cour d'arbitrage.
La circonstance que les citoyens ne disposent pas des mêmes garanties juridictionnelles à l'égard d'un acte législatif que celles dont ils bénéficient à l'égard d'un acte administratif est objectivement justifiée; elle tient à la différence que le Constituant a établie en matière de contrôle de validité des normes entre les actes législatifs et les actes de nature administrative.
Il n'appartient pas à la Cour de se prononcer sur un choix effectué par le Constituant.
B.7. Telle qu'elle est formulée, la question préjudicielle invite encore la Cour à exercer un contrôle au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec les articles 13, 142, 144, 145, 146, 160 et 187 de la Constitution et avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
La lecture combinée des articles 10 et 11 et des dispositions constitutionnelles et conventionnelles précitées ne conduit pas, en l'espèce, à une autre conclusion.
B.8. Il résulte de ce qui précède que la question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 2, alinéa 1er, du décret de la Région flamande du 21 décembre 1994 « portant ratification de l'arrêté du Gouvernement flamand du 16 novembre 1994 relatif à la désignation définitive des zones de dunes protégées et des zones agricoles ayant une importance pour les dunes et portant modification de la loi du 12 juillet 1973Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/1973 pub. 24/08/2010 numac 2010000473 source service public federal interieur Loi sur la conservation de la nature Traduction en langue allemande de la version fédérale fermer relative à la conservation de la nature », l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat et l'article 26, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution, ni lus isolément ni combinés avec les articles 13, 142, 144, 145, 146, 160 et 187 de la Constitution et avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme en ce que ces dispositions emportent qu'un justiciable n'est pas recevable à soumettre à l'appréciation d'un juge un grief concernant une inégalité de traitement commise lors de l'élaboration d'un acte administratif confirmé par décret.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 26 mai 1999.
Le greffier, L. Potoms.
Le président, L. De Grève.