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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 17 août 1999

Arrêt n° 86/99 du 15 juillet 1999 Numéro du rôle : 1379 En cause : le recours en annulation des articles 2 et 3 du décret-programme de la Région wallonne du 17 décembre 1997 portant diverses mesures en matière d'impôts, taxes et redevances, d La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L(...)

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Arrêt n° 86/99 du 15 juillet 1999 Numéro du rôle : 1379 En cause : le recours en annulation des articles 2 et 3 du décret-programme de la Région wallonne du 17 décembre 1997 portant diverses mesures en matière d'impôts, taxes et redevances, de logement, de recherche, d'environnement, de pouvoirs locaux et de transports, insérant les articles 60bis et 66ter dans le Code des droits de succession, introduit par le Conseil des ministres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L. François, G. De Baets, E. Cerexhe et R. Henneuse, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 22 juillet 1998 et parvenue au greffe le 23 juillet 1998, le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a introduit un recours en annulation des articles 2 et 3 du décret-programme de la Région wallonne du 17 décembre 1997 portant diverses mesures en matière d'impôts, taxes et redevances, de logement, de recherche, d'environnement, de pouvoirs locaux et de transports (publié au Moniteur belge du 27 janvier 1998), qui insèrent les articles 60bis et 66ter dans le Code des droits de succession.

II. La procédure Par ordonnance du 23 juillet 1998, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 17 septembre 1998.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 6 octobre 1998.

Des mémoires ont été introduits par : - le Gouvernement wallon, rue Mazy 25-27, 5100 Namur, par lettre recommandée à la poste le 31 octobre 1998; - le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 2 novembre 1998.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 18 décembre 1998.

Le Conseil des ministres a introduit un mémoire en réponse, par lettre recommandée à la poste le 15 janvier 1999.

Par ordonnance du 16 décembre 1998, la Cour a prorogé jusqu'au 22 juillet 1999 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 5 mai 1999, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 26 mai 1999.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 6 mai 1999.

A l'audience publique du 26 mai 1999 : - ont comparu : . B. Druart, auditeur général des Finances, pour le Conseil des ministres; . Me P. Levert, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement wallon; . Me J. Dumon loco Me P. Van Orshoven, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement flamand; - les juges-rapporteurs E. Cerexhe et H. Boel ont fait rapport; - les parties précitées ont été entendues; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - A.1.1. Le premier moyen est pris de la violation de l'article 4, § 4, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, en ce que cette disposition n'autorise les régions qu'à modifier les tarifs et les exonérations des droits de succession et de mutation par décès, mais non la base d'imposition, ce qu'a pourtant fait l'article 2 du décret-programme du 17 décembre 1997 qui a inséré dans le Code des droits de succession un nouvel article 60bis.

A.1.2. Le Gouvernement wallon soutient que l'article 60bis ne fait qu'instaurer un taux réduit de taxation en cas de mutation du droit de propriété d'une entreprise en cas de décès ou de liquidation d'un régime matrimonial. Il ne fixe donc pas la base imposable, matière restée en effet de la compétence fédérale. La référence aux notions du Code des droits de succession, à savoir celles de part nette et de dette qui permettent d'évaluer l'actif imposable, est faite en corrélation avec le mécanisme d'exonération, matière dont nul ne conteste que la compétence y relative a été attribuée aux régions.

Même à supposer que, comme le Conseil des ministres le fait, l'on doive considérer que la Région wallonne a, en l'espèce, dans l'article 60bis attaqué, modifié la base imposable, cette modification peut se justifier au regard de la théorie des pouvoirs implicites. En effet, cette modification intervient accessoirement, à l'occasion de la mise en place d'un mécanisme de réduction du taux des droits de succession qui ressortit à la compétence de la Région wallonne. Cette scission est nécessaire, en effet, sauf à nier la compétence régionale de fixation des taux d'imposition. L'impact de la modification est marginal, dès lors qu'elle ne porte que sur une part nette précise d'un ensemble de biens compris dans l'actif imposable et se prête à un traitement différencié, s'agissant d'impôts régionaux.

A.1.3. Le Gouvernement flamand rappelle que l'article 4, § 4, de la loi spéciale de financement du 16 janvier 1989 dispose que le législateur fédéral reste compétent pour « fixer la base d'imposition des impôts visés à l'article 3, alinéa 1er, 4° à 7° inclus », dont font partie les droits de succession et de mutation par décès.

Cependant, conformément à la jurisprudence de la Cour, cette réserve doit être interprétée de manière particulièrement restrictive. La compétence fédérale en question ne porte pas sur la base d'imposition mais sur le fait de fixer la base d'imposition.

Puisque la base d'imposition est l'assiette sur laquelle est calculé l'impôt dans un cas concret, le fait de « fixer la base d'imposition » est la procédure administrative du calcul de la base imposable, la « fixation » au sens de « fixation » chiffrée, en vue de l'établissement de l'impôt, c'est-à-dire généralement l'établissement d'un titre imposable dans le chef d'un contribuable concret qui en devient redevable.

La compétence que l'article 4, § 4, de la loi spéciale de financement réserve à l'autorité fédérale pour « fixer la base d'imposition » est donc limitée aux règles relatives à la manière uniforme dont procède l'Administration de la T.V.A., de l'enregistrement et des domaines pour (faire) évaluer la totalité ou une partie des biens successoraux, qui doivent ou peuvent être déclarés pour leur valeur vénale, conformément aux articles 19, 20, 111 et 122 du Code des droits de succession. Les dispositions décrétales critiquées n'ont pas touché à cette manière uniforme de procéder.

A.1.4. Le Conseil des ministres, dans son mémoire en réponse, prend acte de l'arrêt de la Cour du 9 décembre 1998 (n° 128/98), dans lequel elle semble rejeter les distinctions traditionnelles pour l'application de la loi spéciale de financement : « La loi spéciale de financement ne fait pas de distinction entre 'la matière imposable' et "la base d'imposition ». Pareille interprétation et la limitation de la notion de "fixation de la base imposable" aboutissent à entendre les compétences attribuées aux régions de manière extensive et à restreindre dans la même mesure celles qui continuent de relever de la compétence du législateur fédéral, alors que l'on aurait pu croire que l'établissement d'un impôt fédéral (ce que reste un impôt régional, comme le confirme le point B.7.2, alinéa 1er, de l'arrêt n° 128/98) serait resté de la compétence du législateur fédéral, sauf les éléments entrant dans la notion d'établissement de l'impôt qui sont explicitement attribués aux régions par la loi spéciale.

Il déclare, partant, s'en référer à la sagesse de la Cour.

A.2.1. Le deuxième moyen est pris de la violation de l'article 4, § 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, combiné avec l'article 170 de la Constitution.

L'article 2 du décret du 17 décembre 1997 litigieux fait plus que simplement modifier le taux d'imposition du Code des droits de succession : il modifie la structure du tarif de ces droits, il suspend l'application d'un élément de ce tarif, il instaure une exonération nouvelle et un tarif réduit et fixe des conditions pour l'octroi de ce taux réduit ou de cette exonération, en violation des dispositions visées au dispositif du moyen.

A.2.2. Le Gouvernement wallon renvoie à l'argumentation développée au premier moyen, de laquelle il ressort que, d'une part, il n'y a pas en l'espèce modification de la base d'imposition, mais simplement modification du taux d'imposition, et que, d'autre part, la notion d'exonération visée à l'article 4, § 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 doit s'entendre comme un terme générique recouvrant à la fois les termes immunisation, immunité, réduction et abattement.

A.3.1. Le troisième moyen est pris de la violation de l'article 170 de la Constitution, combiné avec l'article 4 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions.

Il résulte de ces dispositions que le législateur fédéral dispose de la compétence en matière d'établissement des impôts et de la compétence résiduaire en matière d'établissement des impôts régionaux.

La fixation de la matière imposable continue, en vertu de l'article 170 de la Constitution, de relever du législateur fédéral.

A.3.2. Le Gouvernement wallon renvoie à nouveau à l'argumentation développée au premier moyen.

A.4.1. Le quatrième moyen est pris de la violation de l'article 170 de la Constitution combiné avec l'article 4, § 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions. L'article 2 attaqué viole la compétence du législateur fédéral dans la mesure où, instaurant un droit de succession unique à plusieurs successeurs ensemble, il détermine le contribuable.

A.4.2. Le Gouvernement wallon souligne que s'il est question de plusieurs successeurs, c'est uniquement à raison des conditions mises à la réduction du droit. Cette exigence a été inscrite dans l'article 60bis pour rencontrer l'hypothèse de la transmission de titres, comme actif imposable.

A.5.1. Le cinquième moyen est pris de la violation de l'article 11 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions.

L'article 2 du décret du 17 décembre 1997 viole cette disposition dans la mesure où il accorde une réduction des droits de succession, alors que l'article 11 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 interdit explicitement aux régions d'accorder des réductions sur les droits de succession.

A.5.2. Le Gouvernement wallon soutient que l'article 11 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 recourt à la notion de réductions d'impôt.

Si l'on veut donner un effet utile à cette disposition, il faut admettre qu'elle ne saurait se confondre avec celle de notion de modification du taux d'imposition visée à l'article 4, § 2, de la même loi.

Il renvoie pour le surplus à l'argumentation développée au premier moyen.

A.6.1. Le sixième moyen est pris de la violation de l'article 172 de la Constitution combiné avec l'article 4, § 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions.

Les dispositions visées au dispositif du moyen imposent d'interpréter restrictivement la compétence des régions en matière d'exonérations.

Ainsi, seules les régions pourraient modifier celles-ci et non en créer de nouvelles.

Or, l'article 2 du décret du 17 décembre 1997 crée une exonération en faveur d'autres catégories de certains successeurs et, par voie de conséquence, viole les dispositions visées au dispositif du moyen.

A.6.2. Le Gouvernement wallon soutient que le sixième moyen est irrecevable, l'article 172 de la Constitution n'étant pas une norme répartitrice de compétences. L'article 172 ne fait que répartir une compétence entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Sur le fond, l'article 2 du décret du 17 décembre 1997 n'exonère en rien du paiement des droits de succession mais instaure seulement un nouveau taux d'imposition. Le moyen manque donc aussi en fait.

A.6.3. Le Conseil des ministres réplique que, contrairement à ce que soutient le Gouvernement wallon, l'article 172, alinéa 2, paraît bien être indirectement une règle répartitrice de compétences. Il réserve à chaque législateur (fédéral, régional ou communautaire) le pouvoir d'établir des exemptions ou modérations d'un impôt relevant de sa compétence. Quand il s'agit d'un impôt fédéral (ce que restent les droits de succession), le pouvoir d'établir des exemptions ou modérations revient au législateur fédéral et pas à un autre législateur.

A.7.1. Le septième moyen est pris de la violation de l'article 5, §§ 3 et 4, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions.

L'article 2 du décret du 17 décembre 1997 instaure implicitement un nouveau délai de paiement des droits de succession normaux, alors que seul le législateur fédéral est compétent pour fixer les règles de procédure en la matière.

A.7.2. Le Gouvernement wallon estime que ce moyen manque en fait. En effet, le Conseil des ministres confond le délai de paiement de l'impôt et la réunion des conditions pour obtenir la réduction du tarif des droits de succession instituées par l'article 60bis. Cette disposition ne précise nullement qu'elle déroge à l'article 77 du Code des droits de succession, au contraire de ce qu'elle précise pour les articles 48 et 48.2 de ce Code. Ainsi, ce n'est qu'implicitement que le Conseil des ministres croit pouvoir le déduire de la condition inscrite à l'article 60bis, § 3, 4° et 5°.

Quant à la critique faite de l'arrêté du Gouvernement wallon du 30 avril 1998, elle est inopérante, cette norme échappant à la censure de la Cour.

A.8.1. Le huitième moyen est pris de la violation de l'article 5, § 4, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions. L'article 2 du décret du 17 décembre 1997 instaure des règles de procédure au mépris de la compétence du législateur fédéral.

A.8.2. Le Gouvernement wallon estime que ce moyen manque en fait, le Conseil des ministres confondant la notion de règles de procédure et la réunion des conditions pour obtenir la réduction du tarif des droits de succession instituées par l'article 60bis.

A.9.1. Le neuvième moyen est pris de la violation de l'article 5, § 4, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions. L'article 2 du décret du 17 décembre 1997 fait intervenir la Région dans le service de l'impôt. Ce faisant, le législateur décrétal violerait à nouveau l'article 5, § 4, précité.

A.9.2. Le Gouvernement wallon soutient que le moyen manque en fait, à défaut de démontrer en quoi les dispositions entreprises modifieraient le service des impôts.

A.10.1. Le dixième moyen est libellé comme suit : « L'article 3 insère un nouvel article 66ter dans le Code des droits de succession. Cet article prévoit qu'il est tenu compte de la base imposable sur laquelle le nouvel article 60bis a été appliqué pour déterminer la progressivité du tarif. Ce principe est appliqué en prévoyant que la base sur laquelle le taux réduit a été appliqué, est ajoutée fictivement (c'est-à-dire uniquement pour calculer la progressivité du taux) à la part successorale du bénéficiaire de la réduction établie par l'article 60bis.

Dans la mesure où l'article 2 serait annulé par la Cour d'arbitrage, l'article 3 devrait corrélativement suivre le même sort. Les moyens recevables et fondés contre l'article 2 doivent dès lors être étendus en ce qui concerne l'article 3. » A.10.2. Le Gouvernement wallon soutient que le moyen doit être rejeté dans la mesure où il a été démontré que les critiques formées à l'encontre de l'article 60bis ne sont pas fondées. - B - B.1. Le recours est dirigé contre les articles 2 et 3 du décret-programme de la Région wallonne du 17 décembre 1997 portant diverses mesures en matière d'impôts, taxes et redevances, de logement, de recherche, d'environnement, de pouvoirs locaux et de transports, qui sont libellés comme suit : «

Art. 2.Dans le Code des droits de succession, il est inséré, pour la Région wallonne, un article 60bis libellé comme suit : '

Art. 60bis.§ 1er. Par dérogation aux articles 48 et 48.2, le droit de succession est fixé à 3 % sur la part nette dans une entreprise pour autant que la succession, ou la liquidation du régime matrimonial consécutive au décès : 1° comprenne des biens composant une universalité, une branche d'activité ou un fonds de commerce au moyen desquels le de cujus ou son conjoint exerçait, au jour du décès, une exploitation industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou forestière;2° comprenne la pleine propriété de titres d'une société dont le siège de direction effective est situé dans un Etat membre de l'Union européenne et qui se livre à une exploitation industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou forestière. L'ensemble des titres qui ont été transmis doit représenter au moins 25 % des droits de vote à l'assemblée générale.

Au cas où l'ensemble des titres qui ont été transmis représente moins de 50 % des droits de vote à l'assemblée générale, un pacte d'actionnariat doit en outre être conclu portant sur au moins 50 % des droits de vote à l'assemblée générale. Dans ce pacte d'actionnariat les parties s'engagent à respecter les conditions visées au § 3 du présent article. § 2. Par part nette, il faut entendre la valeur de l'ensemble des biens visés au § 1er, 1°, ou la valeur des titres visés au § 1er, 2°, diminuée des dettes, à l'exclusion de celles contractées spécialement pour acquérir ou conserver d'autres biens. § 3. La disposition reprise au § 1er n'est applicable qu'à condition que : 1° l'entreprise poursuive une activité pendant au moins cinq ans après le décès;2° le nombre de travailleurs dans l'entreprise, exprimé en unités de temps plein, soit maintenu au moins à 75 % et ce, d'année en année durant les cinq premières années après le décès;3° les avoirs investis dans une exploitation visée au § 1er, 1°, ou le capital social d'une société visée au § 1er, 2°, ne diminuent pas à la suite de prélèvements ou de distributions au cours des cinq premières années après le décès;4° les successeurs remettent au receveur compétent, lors de la déclaration de succession, une attestation délivrée par le Gouvernement de la Région wallonne qui confirme que les conditions requises sont remplies.Le Gouvernement de la Région wallonne détermine les modalités de la demande et de la délivrance de ladite attestation; 5° les successeurs ayant bénéficié de la réduction prévue par le présent article doivent en outre, pendant la période de cinq ans après le décès, fournir annuellement la preuve que les conditions pour bénéficier du tarif réduit restent remplies.Le Gouvernement de la Région wallonne détermine les modalités de cette preuve annuelle.'

Art. 3.Dans le Code des droits de succession, il est inséré, pour la Région wallonne, un article 66ter, libellé comme suit : '

Art. 66ter.En cas d'application de l'article 60bis, la base sur laquelle le droit de succession a été perçu s'ajoute à l'émolument successoral du bénéficiaire de la réduction pour déterminer le droit de succession progressif applicable à cet émolument.' » B.2.1. Le Conseil des ministres déclare que les articles 2 et 3 du décret-programme de la Région wallonne du 17 décembre 1997 portant diverses mesures en matière d'impôts, taxes et redevances, de logement, de recherche, d'environnement, de pouvoirs locaux et de transports, insérant les articles 60bis et 66ter dans le Code des droits de succession, contiennent des dispositions relatives à la matière imposable et à la base d'imposition des droits de succession et excéderaient par conséquent la compétence de la Région wallonne, en violation de l'article 170 de la Constitution et de l'article 4, §§ 2 et 4, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 sur le financement des communautés et des régions.

B.2.2. La loi spéciale de financement du 16 janvier 1989 détermine les moyens dont disposent les communautés et les régions pour exercer leurs compétences. Aux termes de l'article 3, alinéa 1er, 4°, de cette loi spéciale, les droits de succession et de mutation par décès sont un impôt régional; c'est-à-dire un impôt fédéral dont la recette est, en l'espèce totalement, attribuée à la région.

Le droit de succession et le droit de mutation par décès constituent chacun un impôt qui naît au décès d'un habitant du Royaume (droit de succession) ou d'un non-habitant du Royaume dans la succession duquel figurent des biens immeubles situés en Belgique (droit de mutation par décès).

Ces droits sont levés sur l'universalité des biens transmis par héritage; lorsque le défunt n'est pas un habitant du Royaume, la masse est limitée aux biens immobiliers situés en Belgique.

En vertu de l'article 4, § 2, de la loi spéciale de financement du 16 janvier 1989, les régions peuvent modifier le « taux d'imposition » et les « exonérations » des droits de succession et des droits de mutation par décès, cependant que le législateur fédéral reste compétent, conformément à l'article 4, § 4, « pour fixer la base d'imposition ». Aucune modification de la fixation de la base d'imposition ne peut cependant être effectuée qu'avec l'accord des gouvernements de région. La loi spéciale de financement ne fait pas de distinction entre « la matière imposable » et « la base d'imposition ».

B.2.3. Il ressort des travaux préparatoires de la loi spéciale de financement du 16 janvier 1989 que le maintien de la compétence fédérale en matière de fixation de la base d'imposition des droits de succession et des droits de mutation par décès est fondé sur la considération « que la base imposable reste déterminée par le législateur national pour éviter des difficultés pratiques. Il est en effet indispensable de conserver la même méthode d'évaluation des biens de la succession, tant des éléments de l'actif que du passif » (Doc. parl., Chambre, 1988-1989, n° 635/18, p. 275).

Cette justification fait apparaître qu'en réservant à l'autorité fédérale le pouvoir de fixer la base d'imposition, le législateur spécial a voulu éviter qu'il soit porté atteinte au régime uniforme de la fixation de la valeur de l'universalité des biens recueillis et à l'application de ce régime.

En l'espèce, cette valeur est estimée par les personnes appelées à la succession (article 19 du Code des droits de succession) et elle est établie, sur la base de cette déclaration, par l'administration fédérale, à savoir le receveur des droits de succession (article 35).

Toute personne déposant une déclaration peut demander au receveur qu'il soit procédé à l'évaluation par des experts. L'estimation « sert de base à la liquidation de l'impôt » (article 20). L'administration fédérale peut, si elle le souhaite, requérir une expertise de contrôle lorsqu'elle considère que l'évaluation figurant dans la déclaration de succession est insuffisante (article 111). Dans ce cas, l'évaluation donnée par les experts « détermine la valeur vénale du bien au point de vue de la perception de l'impôt » (article 119).

B.2.4. Selon le Conseil des ministres, les articles 60bis et 66ter tels qu'ils ont été insérés par le décret attaqué auraient porté atteinte à la compétence fédérale de fixer la base d'imposition. La critique concerne le tarif réduit en cas de succession à une entreprise ou à une société familiale ainsi que la fixation de la valeur nette de l'actif et des parts qui s'y rapportent. Elle porte aussi sur l'exonération qui serait créée en faveur de certaines catégories de successeurs.

B.2.5. Les dispositions de l'article 60bis ne touchent pas à la composition et aux règles d'évaluation de l'universalité des biens recueillis. Elles ne portent donc pas atteinte à la base d'imposition mais se limitent aux taux d'imposition, dans le premier cas en appliquant le tarif réduit tantôt à la part des biens immeubles et à la part des biens meubles et tantôt à la part correspondante de la somme des parts nettes (article 60bis, §§ 1er et 2), dans l'autre cas en déterminant à quelles conditions et sur quelle part des biens recueillis le tarif réduit est accordé (article 60bis, § 3). Ces dispositions concernent la tarification et demeurent en tant que telles dans la compétence dont disposent les régions en matière de taux d'imposition et d'exonérations. En effet, pour que cette compétence ait un sens, elle doit aussi inclure le pouvoir de déterminer dans quelles circonstances le taux d'imposition ou l'exonération modifiés sont applicables.

B.3.1. Le Conseil des ministres affirme aussi que les articles 2 et 3 du décret du 17 décembre 1997 contiennent des dispositions relatives à la détermination des règles de procédure en matière de droits de succession et de droits de mutation par décès et excèdent la compétence de la Région wallonne.

B.3.2. L'article 60bis, § 3, 4°, dispose que le tarif réduit pour les entreprises et sociétés familiales est applicable pour autant que cette application soit formellement sollicitée dans la déclaration et que l'attestation délivrée par la Région wallonne, certifiant que les conditions en matière d'emploi et de capital sont remplies, soit jointe à la déclaration.

L'article 60bis, § 3, 5°, impose aux héritiers qui ont bénéficié du tarif réduit l'obligation de fournir chaque année la preuve, pendant cinq ans, que les conditions requises sont remplies à titre permanent.

Ce faisant, le législateur décrétal se borne à indiquer les renseignements que le redevable doit fournir lorsqu'il souhaite bénéficier du tarif réduit. Ces dispositions ne portent pas atteinte aux règles de procédure fédérales.

B.4.1. Le Conseil des ministres allègue aussi que l'article 2 du décret du 17 décembre 1997 excède la compétence de la Région wallonne en ce qu'il règle partiellement le service de l'impôt sans reprendre totalement celui-ci à l'Etat.

B.4.2. En vertu de l'article 5, § 3, alinéa 1er, de la loi spéciale de financement du 16 janvier 1989, l'Etat assure gratuitement le service des impôts tels que, notamment, les droits de succession et les droits de mutation par décès, à moins que la région n'en dispose autrement.

B.4.3. L'article 60bis, qui prévoit un tarif réduit pour les entreprises et sociétés familiales, lie le bénéfice de ce tarif à certaines conditions. Les héritiers qui souhaitent bénéficier du tarif réduit doivent joindre à leur déclaration une attestation, délivrée par la Région wallonne, indiquant qu'il est satisfait aux conditions.

Le contrôle en cette matière relève du service de l'impôt en cause, que la Région wallonne peut assurer conformément à l'article 5, § 3, alinéa 1er, de la loi spéciale de financement du 16 janvier 1989. La réglementation attaquée n'implique pas un alourdissement du service fédéral.

B.5.1. Le Conseil des ministres déclare que le décret attaqué excède la compétence de la Région wallonne en ce que le tarif réduit accordé aux entreprises et sociétés familiales reviendrait à accorder une exemption, alors que l'article 172 de la Constitution réserverait l'établissement des exemptions à une « loi ».

B.5.2. En vertu de l'article 4, § 2, de la loi spéciale de financement du 16 janvier 1989, les régions sont compétentes pour modifier les exonérations des droits de succession et des droits de mutation par décès.

La modification des exonérations implique que celles-ci peuvent être supprimées ou instaurées. Même si le tarif réduit accordé aux entreprises et sociétés familiales devait être considéré comme une exemption, il ne constituerait pas, compte tenu de la compétence attribuée aux régions, un excès de compétence.

L'article 172, alinéa 2, de la Constitution, qui dispose que « nulle exemption ou modération d'impôt ne peut être établie que par une loi », ne porte pas atteinte à cette compétence du législateur décrétal.

Dans cette disposition, le terme « loi » n'a pas pour portée, compte tenu de l'article 170 de la Constitution, de réserver au législateur fédéral la compétence d'établir des exemptions ou des modérations d'impôt.

B.6. Les moyens ne peuvent être admis.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 15 juillet 1999.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

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