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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 07 août 1999

Arrêt n 74/99 du 30 juin 1999 Numéro du rôle : 1360 En cause : le recours en annulation partielle de l'article 6, § 1 er , alinéas 3 et 4(...)

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1999021368
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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n 74/99 du 30 juin 1999 Numéro du rôle : 1360 En cause : le recours en annulation partielle de l'article 6, § 1er, alinéas 3 et 4, de la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population et aux cartes d'identité et modifiant la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques, inséré par l'article 2 de la loi du 12 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/12/1997 pub. 24/12/1997 numac 1997000896 source ministere de l'interieur Loi prévoyant l'apposition de certaines mentions sur la carte d'identité visée à l'article 6, § 1er, de la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population et aux cartes d'identité et modifiant la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques, et réglant l'emploi des langues pour ces mentions fermer prévoyant l'apposition de certaines mentions sur la carte d'identité visée à l'article 6, § 1er, de la loi précitée du 19 juillet 1991, et réglant l'emploi des langues pour ces mentions, introduit par le Gouvernement flamand.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, L. François, P. Martens, J. Delruelle, G. De Baets, E. Cerexhe, H. Coremans, A. Arts, R. Henneuse et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 22 juin 1998 et parvenue au greffe le 23 juin 1998, le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, a introduit un recours en annulation partielle de l'article 6, § 1er, alinéas 3 et 4, de la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population et aux cartes d'identité et modifiant la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques, inséré par l'article 2 de la loi du 12 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/12/1997 pub. 24/12/1997 numac 1997000896 source ministere de l'interieur Loi prévoyant l'apposition de certaines mentions sur la carte d'identité visée à l'article 6, § 1er, de la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population et aux cartes d'identité et modifiant la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques, et réglant l'emploi des langues pour ces mentions fermer prévoyant l'apposition de certaines mentions sur la carte d'identité visée à l'article 6, § 1er, de la loi précitée du 19 juillet 1991 et réglant l'emploi des langues pour ces mentions (publiée au Moniteur belge du 24 décembre 1997).

II. La procédure Par ordonnance du 23 juin 1998, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Par ordonnance du 14 juillet 1998, le président en exercice a prorogé jusqu'au 30 septembre 1998 le délai pour introduire un mémoire.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 15 juillet 1998; l'ordonnance du 14 juillet 1998 a été notifiée par les mêmes lettres.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 14 août 1998.

Le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire par lettre recommandée à la poste le 8 septembre 1998.

Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 14 octobre 1998.

Par ordonnance du 17 novembre 1998, le président en exercice, à la demande du Gouvernement flamand, a prorogé de quinze jours le délai prévu pour introduire un mémoire en réponse.

Cette ordonnance a été notifiée au Gouvernement flamand, par lettre recommandée à la poste le 17 novembre 1998.

Par ordonnances des 26 novembre 1998 et 26 mai 1999, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 22 juin 1999 et 22 décembre 1999 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Le Gouvernement flamand a introduit un mémoire en réponse par lettre recommandée à la poste le 30 novembre 1998.

Par ordonnance du 31 mars 1999, le président L. De Grève a soumis l'affaire à la Cour réunie en séance plénière.

Par ordonnance du même jour, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 20 avril 1999.

Cette dernière ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 1er avril 1999.

A l'audience publique du 20 avril 1999 : - ont comparu : . Me P. Van Orshoven, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement flamand; . Me E. Brewaeys, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs A. Arts et J. Delruelle ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. Objet des dispositions entreprises L'article 2 de la loi du 12 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/12/1997 pub. 24/12/1997 numac 1997000896 source ministere de l'interieur Loi prévoyant l'apposition de certaines mentions sur la carte d'identité visée à l'article 6, § 1er, de la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population et aux cartes d'identité et modifiant la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques, et réglant l'emploi des langues pour ces mentions fermer complète l'article 6, § 1er, de la loi du 19 juillet 1991 « relative aux registres de la population et aux cartes d'identité et modifiant la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques » (Moniteur belge du 3 septembre 1991).

L'article 1er de la loi du 19 juillet 1991 prévoit que dans chaque commune, des registres de la population doivent être tenus dans lesquels sont inscrites les personnes qui y ont établi leur résidence principale.

L'article 2 détermine les informations qui doivent être mentionnées dans ces registres. Aux termes de l'article 4, le ministre qui a l'Intérieur dans ses attributions organise l'inspection des registres de la population.

Avant d'être complété par la loi du 12 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/12/1997 pub. 24/12/1997 numac 1997000896 source ministere de l'interieur Loi prévoyant l'apposition de certaines mentions sur la carte d'identité visée à l'article 6, § 1er, de la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population et aux cartes d'identité et modifiant la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques, et réglant l'emploi des langues pour ces mentions fermer, l'article 6 de la loi du 19 juillet 1991 disposait : « § 1er. La commune délivre aux Belges et aux étrangers admis ou autorisés à s'établir dans le Royaume une carte d'identité valant certificat d'inscription dans les registres de la population. § 2. Le numéro d'identification du Registre national des personnes physiques est mentionné sur la carte d'identité lorsque son titulaire en exprime la demande par écrit. § 3. Le Roi détermine la forme, le contenu, la durée de validité, les modalités de fabrication, de délivrance et d'utilisation de la carte d'identité. Il fixe l'âge à partir duquel la détention et le port de la carte d'identité sont obligatoires ainsi que le montant maximum qui peut être perçu à charge du titulaire lors de la remise de la carte à celui-ci. Il détermine également les autorités et officiers publics sur la réquisition desquels la carte d'identité doit être présentée. § 4. Tout contrôle automatisé de la carte d'identité par des procédés de lecture optique ou autre doit faire l'objet d'un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres après avis de la commission consultative visée à l'article 12 de la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques. § 5. Les frais de fabrication des cartes d'identité délivrées aux citoyens belges et aux étrangers admis ou autorisés à s'établir dans le Royaume sont récupérés, à l'intervention respectivement du Ministre de l'Intérieur et du Ministre qui a l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers dans ses compétences, par voie de prélèvements d'office sur le compte ouvert au nom des communes auprès de la S.A. « Crédit communal de Belgique ». § 6. Le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, étendre l'application des dispositions des §§ 1er à 5 aux titres de séjour délivrés aux étrangers admis ou autorisés à séjourner dans le Royaume. » L'article 2 de la loi du 12 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/12/1997 pub. 24/12/1997 numac 1997000896 source ministere de l'interieur Loi prévoyant l'apposition de certaines mentions sur la carte d'identité visée à l'article 6, § 1er, de la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population et aux cartes d'identité et modifiant la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques, et réglant l'emploi des langues pour ces mentions fermer complète l'article 6, § 1er, de la loi du 19 juillet 1991 par les alinéas suivants, dont les deux derniers font l'objet de l'actuel recours en annulation : « Outre les mentions déterminées par le Roi en exécution du § 3, sont apposées [lire : apposés] au recto de la carte d'identité visée à l'alinéa 1er, dans la partie supérieure de celle-ci, les mots « Belgique », d'une part, et « carte d'identité », « carte d'identité d'étranger » ou « carte de séjour d'étranger », d'autre part, selon que son titulaire a la qualité respectivement de Belge, de ressortissant d'un Etat non membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen ou de ressortissant d'un Etat membre de cette Union ou de cet Espace.

Les mots visés à l'article précédent sont imprimés sur la carte d'identité d'abord dans la langue de la commune de délivrance du document ou dans la langue choisie par son titulaire parmi celles dont l'usage est autorisé dans les communes visées aux articles 6, 7 et 8 des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966, puis dans les deux autres langues nationales et en anglais.

Les titres des rubriques en regard desquelles sont apposées sur la carte d'identité les données personnelles spécifiques au titulaire y figurent en premier lieu dans la langue de la commune de délivrance du document ou dans celle choisie par son titulaire, suivant la distinction opérée à l'alinéa précédent, puis en anglais. » IV. En droit - A - A.1.1. Le Gouvernement flamand demande l'annulation des alinéas 3 et 4 de l'article 6, § 1er, de la loi du 19 juillet 1991, tel qu'il a été complété par l'article 2 de la loi du 12 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/12/1997 pub. 24/12/1997 numac 1997000896 source ministere de l'interieur Loi prévoyant l'apposition de certaines mentions sur la carte d'identité visée à l'article 6, § 1er, de la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population et aux cartes d'identité et modifiant la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques, et réglant l'emploi des langues pour ces mentions fermer, dans la mesure où les dispositions entreprises sont applicables aux cartes d'identité délivrées par les communes qui sont situées dans la région de langue néerlandaise et dans la région de langue française.

Un moyen unique dénonce la violation de l'article 129, § 1er, 1°, et § 2, premier tiret, deuxième phrase, de la Constitution.

Les dispositions entreprises prescrivent la langue dans laquelle certains mots et titres de rubriques doivent être imprimés sur les cartes d'identité, alors que cette compétence est dévolue, selon le Gouvernement flamand, soit aux communautés, pour ce qui concerne les communes établies dans la région de langue néerlandaise ou de langue française (à l'exception des communes visées aux articles 7 et 8 des lois linguistiques) (article 129, § 1er, 1°, de la Constitution lu en combinaison avec l'article 129, § 2, premier tiret, première phrase), soit au législateur spécial, pour ce qui concerne les communes à statut linguistique spécial (article 129, § 2, premier tiret, deuxième phrase, de la Constitution).

A.1.2. Dans la requête, le Gouvernement flamand commente en premier lieu l'avis du 6 février 1997 (n° L. 26.041/2) dans lequel la deuxième chambre de la section de législation du Conseil d'Etat a considéré que les mentions préimprimées sur la carte d'identité sont rédigées non par les communes, mais par un service dépendant de l'autorité fédérale (Doc. parl., Sénat, 1996-1997, n° 1-571/1, p. 12, et n° 1-571/5, p. 18). La carte d'identité serait donc un document « mixte », qui émanerait partiellement de l'administration centrale, pour ce qui concerne les données préimprimées, et partiellement de l'administration communale, pour ce qui est du contenu de la carte d'identité.

A cette thèse, le Gouvernement flamand oppose les arguments suivants : - jusqu'à présent, pour les actes des autorités locales, il n'a jamais été établi une telle distinction entre les mentions préimprimées et les mentions à apposer; - pareille distinction n'a aucun sens, a fortiori à la lumière du critère, utilisé dans cet avis, de la « nature et de la destination » de la carte d'identité; - l'avis perd de vue que la législation linguistique n'est pas applicable aux termes, phrases, formules et formulaires en tant que tels, mais bien aux actes des autorités administratives; - l'avis fait une interprétation large de la notion de « services dont l'activité s'étend au-delà de la région linguistique dans laquelle ils sont établis », alors qu'il échet d'interpréter strictement les exceptions à la compétence de principe des communautés en matière d'emploi des langues; - l'avis va à contre-courant de l'arrêt n° 33.376 du 20 décembre 1991 de la quatrième chambre de la section d'administration du Conseil d'Etat, dans lequel il est considéré que l'emploi des langues sur la carte d'identité constitue un emploi des langues d'un service local, ce qui implique que cet emploi des langues relève, dans les régions de langue française et de langue néerlandaise, de la compétence respective de la Communauté française et de la Communauté flamande.

A.1.3. Le Gouvernement flamand critique ensuite également l'avis des chambres réunies de la section de législation du Conseil d'Etat du 12 mars 1997 relatif à la proposition de décret déposée au Parlement flamand (Doc., Parlement flamand, 1996-1997, n° 550/2, pp. 4-19).

Selon le Gouvernement flamand, les chambres réunies se sont rendues compte de l'incohérence de la distinction entre les mentions préimprimées et les mentions à apposer sur la carte d'identité et ont « situé » l'ensemble de la carte d'identité - donc avec toutes les mentions - dans le cadre des relations avec les services dont l'activité s'étend au-delà de la région linguistique dans laquelle ils sont établis.

S'il en est ainsi, il était superflu, à l'estime du Gouvernement flamand, d'invoquer l'article 129, § 2, deuxième tiret, deuxième phrase, de la Constitution pour justifier la compétence fédérale.

Du reste, il convient de constater, selon le Gouvernement flamand, que le fait de « situer » la carte d'identité ne répond pas à l'actuelle question de savoir si la carte d'identité émane ou non d'un service local. Le Gouvernement flamand estime qu'il en est ainsi, compte tenu tant de l'article 164 de la Constitution et des articles 1er et 6 de la loi du 19 juillet 1991 que des travaux préparatoires des lois linguistiques du 2 août 1963, dans lesquels la carte d'identité est citée comme exemple d'un certificat délivré par un service local (article 14).

Le fait que la délivrance des cartes d'identité s'inscrive dans le cadre de l' » association à la gestion » n'est pas pertinent aux yeux du Gouvernement flamand » : « les actes d' »association à la gestion » émanant des services locaux et en premier lieu des administrations communales sont eux aussi, en tout état de cause, des actes des services locaux qui sont soumis en tant que tels à la législation sur l'emploi des langues en matière administrative qui leur est applicable et dont une modification dans la région de langue néerlandaise ou française ressortit respectivement à la Communauté flamande et à la Communauté française ».

Le Gouvernement flamand soutient ensuite que le fait de « situer » la carte d'identité dans les relations entre le citoyen et l'administration centrale n'enlève rien à la compétence de principe des communautés de décider dans quelle langue la carte d'identité doit être établie. Le Gouvernement flamand renvoie à cet égard aux arrêts de la Cour nos 26/90 du 14 juillet 1990 (considérants 10.B.2 - 10.B.3) et 90/94 du 22 décembre 1994 (considérant B.5.14).

Pour ce qui est de la référence, faite dans l'avis des chambres réunies de la section de législation du Conseil d'Etat, à l'absence d'une observation quelconque de la section de législation concernant la compétence de l'autorité fédérale relativement au projet de ce qui allait devenir la loi du 19 juillet 1991, le Gouvernement flamand réplique que le silence autour d'une question de compétence peut difficilement être assimilé à une réponse à cette question et que la loi du 19 juillet 1991 ne contient, quoi qu'il en soit, aucune disposition relative à l'emploi des langues en ce qui concerne la carte d'identité.

Le Gouvernement flamand relève également que le législateur fédéral a uniquement réglé l'emploi des langues pour les mentions génériques et non pour les mentions individuelles, matière qui relève des communautés. « En faisant à nouveau une distinction entre les mentions préimprimées et les mentions à apposer [...], le législateur est retombé dans les incohérences susdécrites de l'avis de la deuxième chambre du Conseil d'Etat, qui avaient pourtant été « corrigées » de manière assez manifeste dans l'avis des chambres réunies. Il va sans dire que l'avis des chambres réunies et, partant, la compétence du législateur fédéral s'en retrouvent sapés. » Enfin, le Gouvernement flamand fait remarquer que le Gouvernement fédéral a principalement inféré la compétence du législateur de l'arrêt du Conseil d'Etat du 6 novembre 1996, qui a imposé une contrainte à l'autorité fédérale et non à la Communauté flamande. Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat n'a toutefois pas considéré que la situation illégale devait être régularisée par le biais d'une loi, mais bien que la partie défenderesse devait adapter l'arrêté royal du 29 juillet 1985 de manière à délivrer à la partie requérante une carte d'identité qui soit conforme à la législation linguistique. « La « compétence » de l'Etat fédéral - par l'entremise de son pouvoir exécutif - pour rendre un arrêté royal conforme à la législation linguistique n'implique toutefois pas qu'il soit compétent - cette fois par le biais de son pouvoir législatif - pour modifier la législation linguistique. » A.2.1. Le Conseil des ministres fait valoir que la réglementation en question entre dans le champ d'application de l'article 129, § 2, deuxième tiret, de la Constitution et non des dispositions de cet article constitutionnel dont le Gouvernement flamand dénonce la violation.

Selon le Conseil des ministres, c'est ce qui ressort explicitement de l'avis du 6 février 1997 (n° L. 26.041/2) de la section de législation du Conseil d'Etat comme de l'exposé des motifs du projet dont est issue la loi entreprise (Doc. parl., Sénat, 1996-1997, n° 1-571/1, pp. 2-6).

De cet avis et de l'exposé des motifs, le Conseil des ministres déduit ce qui suit : « - la confection, l'établissement, la délivrance, la possession et l'utilisation d'une carte d'identité produisent des effets qui dépassent la sphère de droit interne; - la confection et la diffusion, auprès des administrations communales, du modèle général, uniforme pour l'ensemble du Royaume et reconnu sur le plan international, de la carte d'identité sont l'uvre d'un service fédéral du ministère de l'Intérieur; - l'apposition des données personnalisées sur la carte d'identité par les administrations communales se fait conformément à la législation sur l'emploi des langues en matière administrative. A cet égard, la loi en question ne modifie en rien la situation existante; elle ne fait que la confirmer et la consolider.

L'on peut ainsi considérer à bon droit que la confection et la distribution des cartes d'identité vierges sont effectuées par un service dont l'activité s'étend au-delà de la région linguistique dans laquelle ce service est établi (article 129, § 2, deuxième tiret, de la Constitution). » A.2.2. Le Conseil des ministres observe ensuite qu'il n'existe pas de définition légale de ce qu'il convient d'entendre par « emploi des langues ».

Selon le Conseil des ministres, les mentions litigieuses ne sont que des inscriptions et des mentions préimprimées qui n'ont, en soi, pas de contenu immédiat.

Une langue n'est donc « employée » que lorsqu'un document est constitué et pourvu de contenu, ce qui se fait en l'espèce en y apportant des données relatives à son utilisateur.

A.3. Le Gouvernement flamand réplique que le Conseil des ministres nie ainsi que les dispositions législatives attaquées règlent l'emploi des langues parce que les mentions et rubriques en question figurant sur une « carte d'identité vierge » sont dépourvues de contenu. « En d'autres termes : à défaut de « matière », il n'y a pas de « matière administrative » et l'on ne peut pas davantage régler l'emploi des langues. » L'exposé des motifs cité par le Conseil des ministres souligne l'importance du document dont l'emploi des langues est réglé, mais en réalité, rien n'est réglé, sauf une « boîte vide », constate le Gouvernement flamand.

A l'estime du Gouvernement flamand, le Conseil des ministres contredit la section d'administration comme la section de législation du Conseil d'Etat. D'un point de vue matériel, les arrêts d'annulation de la section d'administration portaient exclusivement sur les mentions préimprimées de la carte d'identité, qui devaient, tout comme les mentions à apposer, être conformes à la législation linguistique. Si le législateur fédéral entendait donner exécution à ces arrêts, ces dispositions peuvent difficilement régler autre chose que l'emploi des langues en matière administrative. Que tel était le cas est confirmé, selon le Gouvernement flamand, dans l'avis du 6 février 1997 (n° L. 26.041/2) de la section de législation du Conseil d'Etat, cité par le Conseil des ministres.

A.4.1. In fine de son mémoire, le Conseil des ministres fait encore valoir : « Par ailleurs, l'on ne saurait reprocher à l'autorité d'un Etat, composé de plusieurs régions linguistiques, où règne en principe la liberté linguistique, qui est membre d'une communauté internationale en quête d'intégration, où plusieurs langues sont parlées et utilisées, d'établir des documents qui sont destinés à être concrétisés sur le territoire de l'Etat lui-même conformément au régime linguistique en vigueur et à être utilisés dans le cadre des rapports internationaux comme preuve de l'identité de l'utilisateur et de sa qualité de Belge ou d'étranger admis au séjour. » A.4.2. Le Gouvernement flamand estime que cet argument manque en fait : les dispositions litigieuses n'établissent aucun document, mais règlent la façon dont les documents doivent être établis, plus particulièrement en ce qui concerne la langue à utiliser.

Selon le Gouvernement flamand, « le Conseil des ministres entend manifestement par là qu'il serait ridicule que la carte d'identité belge soit différente selon qu'elle est délivrée par des communes relevant du ressort, en cette matière, de l'Etat fédéral, de la Communauté française ou de la Communauté flamande, en d'autres termes, qu'aucune autonomie des Etats fédérés ne peut être tolérée en la matière ».

Le Gouvernement flamand répond à cela en renvoyant à la jurisprudence de la Cour (notamment l'arrêt n° 56/96 du 15 octobre 1996, considérant B.25) : « Une différence de traitement dans des matières où les communautés et les régions disposent de compétences propres est la conséquence possible de politiques distinctes permises par l'autonomie qui leur est accordée par la Constitution ou en vertu de celle-ci ». - B - B.1. L'article 6, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 19 juillet 1991 dispose que « la commune délivre aux Belges et aux étrangers admis ou autorisés à s'établir dans le Royaume une carte d'identité valant certificat d'inscription dans les registres de la population ».

L'article 2 de la loi du 12 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/12/1997 pub. 24/12/1997 numac 1997000896 source ministere de l'interieur Loi prévoyant l'apposition de certaines mentions sur la carte d'identité visée à l'article 6, § 1er, de la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population et aux cartes d'identité et modifiant la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques, et réglant l'emploi des langues pour ces mentions fermer a complété cet alinéa 1er par trois nouveaux alinéas, dont les deux derniers sont attaqués par le Gouvernement flamand pour ce qui concerne la compétence de régler l'emploi des langues en cette matière.

Les alinéas 3 et 4 attaqués de l'article 6, § 1er, précité, prescrivent la langue dans laquelle doivent figurer, au recto de la carte d'identité, les mots « Belgique » et « carte d'identité », « carte d'identité d'étranger » ou « carte de séjour d'étranger », ainsi que les mentions déterminées par le Roi en exécution de l'article 6, § 3 (actuellement, conformément à l'arrêté royal du 29 juillet 1985, les mentions « Nom », « Prénoms », « Nationalité », « Date de naissance », « Lieu de naissance », « Sexe », « Autorité », « Signature du titulaire », « Adresse », « N° Carte d'identité » et « Valide du B au », dénommées ci-après « les titres des rubriques »).

Aux termes de l'article 6, § 1er, alinéa 3, de la loi du 19 juillet 1991, les mots précités « sont imprimés sur la carte d'identité d'abord dans la langue de la commune de délivrance du document ou dans la langue choisie par son titulaire parmi celles dont l'usage est autorisé dans les communes visées aux articles 6, 7 et 8 des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966, puis dans les deux autres langues nationales et en anglais ».

Aux termes de l'article 6, § 1er, alinéa 4, de la loi du 19 juillet 1991, les titres des rubriques précités « figurent en premier lieu [sur la carte d'identité] dans la langue de la commune de délivrance du document ou dans celle choisie par son titulaire, suivant la distinction opérée à l'alinéa précédent, puis en anglais ».

Les dispositions attaquées ne règlent pas la langue dans laquelle peuvent figurer les données personnelles sur les cartes d'identité.

B.2. La partie requérante allègue que les dispositions attaquées sont contraires à l'article 129, § 1er, 1°, et § 2, premier tiret, deuxième phrase, de la Constitution. Le Conseil des ministres affirme que le législateur fédéral était compétent pour adopter les dispositions attaquées, sur la base de l'article 129, § 2, deuxième tiret, de la Constitution.

L'article 129, § 1er, 1°, de la Constitution dispose : « Les Conseils de la Communauté française et de la Communauté flamande, chacun pour ce qui le concerne, règlent par décret, à l'exclusion du législateur fédéral, l'emploi des langues pour : 1° les matières administratives;».

L'article 129, § 2, de la Constitution dispose : « Ces décrets ont force de loi respectivement dans la région de langue française et dans la région de langue néerlandaise, excepté en ce qui concerne : - les communes ou groupes de communes contigus à une autre région linguistique et où la loi prescrit ou permet l'emploi d'une autre langue que celle de la région dans laquelle ils sont situés. Pour ces communes, une modification aux règles sur l'emploi des langues dans les matières visées au § 1er ne peut être apportée que par une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa; - les services dont l'activité s'étend au-delà de la région linguistique dans laquelle ils sont établis; - les institutions fédérales et internationales désignées par la loi dont l'activité est commune à plus d'une communauté. » B.3. Les dispositions contestées ne concernent pas la forme ou le contenu des cartes d'identité. Elles ont pour objet de régler l'emploi des langues pour un document officiel destiné aux particuliers et constituent par conséquent une réglementation relative à l'emploi des langues en matière administrative.

Sans préjudice des exceptions désignées à l'article 129, § 2, de la Constitution en ce qui concerne les communes, les services et les institutions qui y sont visés, l'emploi des langues en matière administrative est une matière que l'article 129, § 1er, 1°, de la Constitution a confiée aux communautés. Cette compétence est distincte des compétences matérielles respectives de l'Etat, des communautés et des régions. Il ne résulte donc pas de la compétence de l'autorité fédérale pour régler la matière des cartes d'identité que le législateur fédéral serait de ce seul fait compétent pour déterminer dans quelle langue les cartes d'identité doivent être établies.

B.4. La Cour doit par conséquent examiner si la réglementation contestée peut être fondée sur une des exceptions visées à l'article 129, § 2, de la Constitution, en l'espèce l'exception prévue au deuxième tiret de ce paragraphe, c'est-à-dire si l'établissement des cartes d'identité relève d'un service dont l'activité s'étend au-delà de la région linguistique dans laquelle ce service est établi.

Le choix des termes et les travaux préparatoires de cette disposition constitutionnelle (Doc. parl., Sénat, 1969-1970, n° 390, p. 15) font apparaître que le Constituant a voulu se référer au cadre conceptuel des lois sur l'emploi des langues, dans lesquelles une distinction est faite entre les services locaux (articles 9 et suivants), les services régionaux (articles 32 et suivants) et les services centraux et d'exécution (articles 39 et suivants).

B.5. C'est à tort que l'on déduirait de l'article 164 de la Constitution, en vertu duquel la rédaction des actes de l'état civil et la tenue des registres relèvent exclusivement des autorités communales, que les cartes d'identité en tant que telles sont également l'affaire d'un « service local », c'est-à-dire un service dont l'activité ne s'étend pas à plus d'une commune (article 9 des lois sur l'emploi des langues en matière administrative).

Cette disposition constitutionnelle, qui confirme la compétence de l'autorité pour inscrire, à l'intervention des communes, dans les actes ad hoc et les registres qu'elles doivent tenir, des données relatives à l'état civil des personnes qui y demeurent, n'empêche pas que d'autres autorités puissent établir, dans le cadre de leur compétence, comme en l'espèce en ce qui concerne les cartes d'identité, des normes se rapportant à l'identité des personnes.

Il ne peut donc être inféré de l'article 164 de la Constitution que les cartes d'identité seraient en tant que telles l'affaire d'un « service local » au sens des lois sur l'emploi des langues en matière administrative.

B.6. Il échet certes d'observer que, dans les travaux préparatoires de l'article 14 de la loi du 2 août 1963 sur l'emploi des langues en matière administrative, la carte d'identité est citée comme exemple d'un certificat délivré par un service local : « Il [le service local] agit de même pour la rédaction des certificats, déclarations et autorisations délivrées aux particuliers (art. 14); cela vise, par exemple, tous les certificats délivrés par les services de la population, extraits de registres de population, certificats de bonne vie et murs, cartes d'identité, passeports, etc. » (Doc. parl., Sénat, 1962-1963, n° 304, p. 19) Ces travaux préparatoires, qui datent du milieu de l'année 1963, ne sont toutefois pas concluants, compte tenu des modifications de nature et de fonction de la carte d'identité : « Il importe de préciser que la carte d'identité de type européen telle qu'elle est régie par l'arrêté royal du 29 juillet 1985 en tant qu'elle est délivrée aux Belges diffère fondamentalement de celle qui était régie par l'arrêté royal du 26 janvier 1967. Alors que cette dernière carte était établie, au moment de sa délivrance, par le préposé de l'administration communale, toutes les mentions figurant au recto de la carte de type européen y sont apposées à l'initiative du ministère de l'Intérieur. Elles proviennent en effet d'un document de base imprimé par le Registre national et reproduit ensuite par un procédé photographique au centre de production pour constituer la carte définitive. » (Doc. parl., Sénat, 1996-1997, n° 1-571/1, p. 3) B.7. S'agissant de la nature et de la fonction de la carte d'identité, il faut observer que celle-ci sert non seulement de certificat d'inscription dans les registres de la population (article 6, § 1er, de la loi du 19 juillet 1991), mais aussi de certificat d'identité et de nationalité et, en outre, de document accepté par de plus en plus d'Etats - en particulier des Etats membres du Conseil de l'Europe - comme valant document de voyage : « Enfin, il y a lieu d'observer que le passeport délivré par les autorités communales sous le contrôle du ministre des Affaires étrangères comporte des mentions plurilingues (s'agissant de l'indication de la nature du document, dans toutes les langues en usage dans l'Union européenne, et s'agissant des titres des rubriques en regard desquelles sont apposées les données d'identification spécifiques au titulaire, dans les trois langues nationales et en anglais). Etant donné que la carte d'identité peut être utilisée en lieu et place du passeport dans les Etats membres du Conseil de l'Europe en vertu de l'Accord européen précité du 13 décembre 1957, on peut soutenir, par identité de motif, qu'elle puisse comporter également des mentions plurilingues, dont l'anglais étant l'une des langues officielles du Conseil de l'Europe.

Le présent projet de loi vise à la fois à concrétiser l'appartenance de la Belgique à l'Union européenne et à rencontrer le souci de maintenir unilingues les mentions personnelles spécifiques au titulaire de la carte d'identité [...] ». (Ibid., pp. 5-6) B.8. Contrairement au régime antérieur dans lequel les communes étaient chargées de compléter les cartes d'identité en y inscrivant les données tirées de leurs propres registres, un document de base établi par les services fédéraux au moyen des données tirées du registre national est désormais fourni aux communes. Les services communaux se limitent à vérifier si les données du document de base correspondent à celles des registres de la population et à convoquer l'intéressé pour apposer sa signature et fournir une photo d'identité.

Le document de base signé par l'employé communal et le citoyen est renvoyé au service de production central, qui est chargé de la fabrication proprement dite de la carte d'identité et de la mention de toutes les données figurant au recto, en ce compris la reproduction photographique des signatures.

B.9. Bien que la carte d'identité soit finalement délivrée par la commune (article 6, § 1er, de la loi du 19 juillet 1991), il convient de constater - sans qu'on puisse en conclure que le législateur serait compétent pour régler l'emploi des langues pour tous les actes rédigés par une commune dans le cadre de l'exécution d'une tâche fédérale - que désormais la carte d'identité relève essentiellement d'un service dont l'activité s'étend au-delà de la région linguistique dans laquelle ce service est établi. Par conséquent, le législateur fédéral est compétent, sur la base de l'article 129, § 2, deuxième tiret, de la Constitution, pour déterminer les langues dans lesquelles les mentions visées dans les dispositions contestées figurant au recto des cartes d'identité doivent être rédigées.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 30 juin 1999.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, L. De Grève.

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