publié le 18 septembre 1998
Arrêt n° 84/98 du 15 juillet 1998 Numéro du rôle : 1202 En cause : la question préjudicielle relative à la loi du 20 juillet 1971 instituant des prestations familiales garanties, posée par le Tribunal du travail de Liège. La Cour d'arbitra composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges P. Martens, G. De Baets, E. Cerexh(...)
COUR D'ARBITRAGE
Arrêt n° 84/98 du 15 juillet 1998 Numéro du rôle : 1202 En cause : la question préjudicielle relative à la
loi du 20 juillet 1971Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
20/07/1971
pub.
19/08/2009
numac
2009000536
source
service public federal interieur
Loi instituant des prestations familiales garanties. - Coordination officieuse en langue allemande
fermer instituant des prestations familiales garanties, posée par le Tribunal du travail de Liège.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges P. Martens, G. De Baets, E. Cerexhe, A. Arts et R. Henneuse, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par jugement du 19 novembre 1997 en cause de M.-C. D'Harcourt contre l'Office national d'allocations familiales pour travailleurs salariés (en abrégé : O.N.A.F.T.S.), dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 26 novembre 1997, le Tribunal du travail de Liège a posé la question préjudicielle suivante : « La loi du 20 juillet 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1971 pub. 19/08/2009 numac 2009000536 source service public federal interieur Loi instituant des prestations familiales garanties. - Coordination officieuse en langue allemande fermer instituant des prestations familiales garanties, en ne se référant pas aux lois coordonnées sur les allocations familiales du 19 décembre 1939 quant au délai de prescription de l'action en répétition de l'indu, et spécifiquement à son article 120bis, ou en ne fixant aucun délai de prescription pour l'action en répétition des sommes indûment perçues, n'établit-elle pas une discrimination injustifiée et contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution, entre les allocataires des prestations familiales garanties sur la base de cette loi du 20 juillet 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1971 pub. 19/08/2009 numac 2009000536 source service public federal interieur Loi instituant des prestations familiales garanties. - Coordination officieuse en langue allemande fermer et les allocataires d'allocations familiales sur la base des lois coordonnées du 19 décembre 1939 ? » II. Les faits et la procédure antérieure La requérante devant le juge a quo s'est vu réclamer par l'O.N.A.F.T.S. une somme de 84.908 francs représentant des paiements indus qui lui ont été faits, à titre de prestations familiales garanties, entre le 1er octobre 1987 et le 30 septembre 1988. La requérante a introduit, le 27 novembre 1996, devant le Tribunal du travail de Liège, un recours contre la décision ordonnant la récupération de l'indu, décision qui lui a été notifiée le 1er octobre 1996.
Constatant que la loi du 20 juillet 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1971 pub. 19/08/2009 numac 2009000536 source service public federal interieur Loi instituant des prestations familiales garanties. - Coordination officieuse en langue allemande fermer instituant des prestations familiales garanties ne fixe aucun délai de prescription, de telle sorte que c'est la prescription trentenaire qui devrait être appliquée en l'espèce, le Tribunal du travail a posé à la Cour la question préjudicielle précitée.
III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 26 novembre 1997, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.
La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 12 décembre 1997.
L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 30 décembre 1997.
Des mémoires ont été introduits par : - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 23 janvier 1998; - l'Office national d'allocations familiales pour travailleurs salariés, dont les bureaux sont établis à 1000 Bruxelles, rue de Trèves 70, par lettre recommandée à la poste le 29 janvier 1998.
Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 24 février 1998.
Par ordonnance du 29 avril 1998, la Cour a prorogé jusqu'au 26 novembre 1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.
Par ordonnance du 27 mai 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 24 juin 1998 après avoir invité les parties à s'expliquer à l'audience sur l'incidence de l'article 44 de la loi du 22 février 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/02/1998 pub. 03/03/1998 numac 1998021087 source services du premier ministre Loi portant des dispositions sociales fermer portant des dispositions sociales.
Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 28 mai 1998.
A l'audience publique du 24 juin 1998 : - ont comparu : . Me R. Ergec, avocat au barreau de Bruxelles, loco Me M. Firket, avocat au barreau de Liège, pour l'Office national d'allocations familiales pour travailleurs salariés; . Me J.-M. Wolter, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs P. Martens et G. De Baets ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.
IV. En droit - A - Mémoire du Conseil des ministres A.1. Il ressort de la jurisprudence de la Cour que la mesure critiquée ne pourrait faire l'objet d'une censure que s'il apparaissait qu'elle est manifestement disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi.
A.2. A supposer que les deux catégories de personnes visées dans la question préjudicielle soient comparables, la différence dénoncée est raisonnablement justifiée.
A.3. En réalité, la différence ne provient pas de la loi du 20 juillet 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1971 pub. 19/08/2009 numac 2009000536 source service public federal interieur Loi instituant des prestations familiales garanties. - Coordination officieuse en langue allemande fermer mais de l'article 120bis des lois coordonnées sur les allocations familiales, qui prévoit que, dans cette matière, l'action en répétition d'indu est prescrite après cinq ans, ce qui pourrait amener la Cour à reformuler la question.
A.4. Le régime d'allocations familiales garanti par la loi du 20 juillet 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1971 pub. 19/08/2009 numac 2009000536 source service public federal interieur Loi instituant des prestations familiales garanties. - Coordination officieuse en langue allemande fermer est différent des autres régimes d'allocations familiales : il ne s'apparente en rien à un régime d'assurance, il est entièrement financé par l'Etat et seuls les plus défavorisés peuvent prétendre à leur bénéfice. Il s'agit d'un système résiduaire qui suppose que l'allocataire ne bénéficie pas d'allocations dans un système existant de sécurité sociale belge ou étranger.
A.5. Les causes de l'indu ne sont pas les mêmes dans les deux systèmes d'allocations familiales : dans le système général, l'indu résulte de l'absence de prise en charge ou de non-cohabitation avec l'enfant bénéficiaire; dans le système organisé par la loi du 20 juillet 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1971 pub. 19/08/2009 numac 2009000536 source service public federal interieur Loi instituant des prestations familiales garanties. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, un paiement est indu si des allocations familiales sont dues dans un autre système - ce qui est le cas dans l'espèce soumise au Tribunal du travail - ou si des ressources ont été cachées.
A.6. Les deux systèmes reposent donc sur des philosophies de base différentes. Ces différences permettent de considérer que l'application de la prescription de 30 ans est adéquate au but poursuivi, qui est de faire bénéficier d'allocations familiales des personnes qui n'y ont pas droit en vertu des systèmes existants.
A.7. La mesure n'est pas disproportionnée si on tient compte de ce que la constatation de l'indu peut prendre plusieurs années.
A.8. On ne se trouve pas en présence d'une atteinte flagrante au principe d'égalité, telle que celle qu'a constatée la Cour dans son arrêt n° 36/92 (allocations familiales aux jeunes filles et non aux jeunes garçons). On se trouve plutôt dans une situation comparable à celle qui a donné lieu à l'arrêt n° 56/97 (perte du droit aux allocations d'orphelin si le parent survivant se marie ou s'établit en ménage).
A.9. Une loi en projet prévoit d'aligner la prescription sur celle qui est applicable en matière d'allocations familiales, c'est-à -dire la prescription quinquennale. Cet élément est toutefois insuffisant pour en déduire que le système actuel est discriminatoire.
Mémoire de l'O.N.A.F.T.S. A.10. La différence de traitement dénoncée par la question préjudicielle se justifie par les particularités du financement des divers régimes existants. - B - B.1. Aux termes de l'article 120bis des lois relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés, coordonnées le 19 décembre 1939, tel qu'il a été modifié par l'arrêté royal n° 68 du 10 novembre 1967 : « L'action en répétition des prestations payées indûment se prescrit par cinq ans à partir de la date à laquelle le paiement a été effectué.
Outre les causes prévues au Code civil, la prescription est interrompue par la réclamation des paiements indus notifiée au débiteur par lettre recommandée à la poste.
Le présent article n'est pas applicable si les prestations payées indûment ont été obtenues à la suite de manoeuvres frauduleuses ou de déclarations fausses ou sciemment incomplètes. » B.2. Lorsque l'article 44 de la loi du 22 février 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/02/1998 pub. 03/03/1998 numac 1998021087 source services du premier ministre Loi portant des dispositions sociales fermer portant des dispositions sociales (publiée au Moniteur belge du 3 mars 1998, première édition) sera en vigueur, une disposition identique figurera dans la loi du 20 juillet 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1971 pub. 19/08/2009 numac 2009000536 source service public federal interieur Loi instituant des prestations familiales garanties. - Coordination officieuse en langue allemande fermer instituant des prestations familiales garanties. Cet article remplace en effet l'article 9 de la loi du 20 juillet 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1971 pub. 19/08/2009 numac 2009000536 source service public federal interieur Loi instituant des prestations familiales garanties. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, qui ne comporte aucune disposition relative à la prescription de l'action en répétition d'indu, par la disposition suivante : « § 1er. L'action en répétition des prestations payées indûment se prescrit par cinq ans à partir de la date à laquelle le paiement a été effectué. En aucun cas, la répétition des prestations indûment payées ne sera possible après l'expiration de ce délai.
Outre les causes prévues au Code civil, la prescription est interrompue par la réclamation des paiements indus notifiée au débiteur par lettre recommandée à la poste.
L'alinéa 1er n'est pas applicable si les prestations payées indûment ont été obtenues à la suite de manoeuvres frauduleuses ou de déclarations fausses ou sciemment incomplètes. § 2. L'Office national peut renoncer à la récupération des prestations payées indûment lorsque : 1° le recouvrement s'avère contre-indiqué pour des raisons sociales ou techniquement impossibles [lire : impossible];2° le recouvrement s'avère trop aléatoire ou trop onéreux par rapport au montant des sommes à recouvrer.» B.3. En vertu de l'article 53 de la loi précitée du 22 février 1998, l'article 44 sera en vigueur « le 1er jour du deuxième trimestre qui suit celui au cours duquel la présente loi aura été publiée au Moniteur belge ». L'article 44 n'était donc pas applicable à la décision qui fait l'objet du recours pendant devant le Tribunal du travail.
B.4. Il s'ensuit que la réclamation des sommes qu'aurait perçues indûment la requérante devant le juge a quo se prescrit par trente ans, délai applicable aux répétitions d'indus qui ne font pas l'objet d'une disposition prévoyant une prescription plus courte.
B.5. Le régime des prestations familiales garanties et celui des allocations familiales correspondent à des objectifs différents et sont financés différemment : alors que le système des allocations familiales s'analyse comme un régime d'assurance financé par des cotisations, celui des prestations familiales vise à permettre à l'enfant qui ne peut bénéficier de ces allocations d'obtenir néanmoins le bénéfice de prestations financées par l'Etat ou par l'O.N.A.F.T.S. B.6. Ces différences objectives ne suffisent cependant pas à justifier que l'indu puisse être réclamé pendant cinq ans dans le premier cas, pendant trente ans dans le second. En effet, dans l'un et l'autre cas, les allocations doivent permettre au bénéficiaire de faire face aux frais d'éducation et d'entretien d'un enfant et les raisons de ne pas permettre que des réclamations de paiements indus puissent être faites au-delà d'un certain délai, hormis les cas de fraude, sont identiques dans les deux cas.
B.7. Il s'ensuit que la question préjudicielle appelle une réponse affirmative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : La loi du 20 juillet 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1971 pub. 19/08/2009 numac 2009000536 source service public federal interieur Loi instituant des prestations familiales garanties. - Coordination officieuse en langue allemande fermer instituant des prestations familiales garanties viole les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'elle ne fixe aucun délai de prescription particulier pour l'action en répétition de sommes indûment perçues.
Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 15 juillet 1998.
Le greffier, L. Potoms Le président, M. Melchior