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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 15 septembre 1998

Arrêt n° 68/98 du 10 juin 1998 Numéro du rôle : 1164 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 39 de la loi du 13 juillet 1976 relative aux effectifs en officiers et aux statuts du personnel des forces armées, posée par le Con La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L(...)

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15/09/1998
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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 68/98 du 10 juin 1998 Numéro du rôle : 1164 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 39 de la loi du 13 juillet 1976 relative aux effectifs en officiers et aux statuts du personnel des forces armées, posée par le Conseil d'Etat.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L. François, G. De Baets, E. Cerexhe et R. Henneuse, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par arrêt n° 68.271 du 24 septembre 1997 en cause de E. Istace contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 15 octobre 1997, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 39 de la loi du 13 juillet 1976 relative aux effectifs en officiers et aux statuts du personnel des forces armées, pour autant qu'on puisse considérer qu'il n'a pas été implicitement abrogé par l'article 59, 5°, de la loi du 21 décembre 1990 portant statut des candidats du cadre actif, ne méconnaît-il pas les articles 6 et 6bis (actuellement 10 et 11) de la Constitution : en ce qu'il dispose que l'officier de complément issu à l'origine du cadre [lire : cadre temporaire] ne peut accéder au grade immédiatement supérieur qu'un an après les autres officiers subalternes du même grade et de même ancienneté dans ce grade, tout en ayant été transféré au préalable vers le cadre de complément avec maintien de son grade et de son ancienneté dans ce grade; et alors même que la disposition analogue pour les officiers de carrière, issus du cadre temporaire - en l'occurrence l'article 25, 2°, de la loi du 13 juillet 1976 -, a été abrogée explicitement par l'article 59, 5°, de la loi du 21 décembre 1990 portant statut des candidats du cadre actif; et alors même que l'article 44 de la loi du 13 juillet 1976 et l'article 5 de la loi du 21 décembre 1990 prescrivent un renvoi au statut des officiers de carrière pour les officiers de complément, recrutés par la voie directe, telle que celle-ci est visée notamment aux articles 2, 11 et 54 de la loi du 21 décembre 1990 ? » II. Les faits et la procédure antérieure Le requérant devant le Conseil d'Etat, officier de carrière à la force terrestre, a demandé à la haute juridiction administrative d'annuler la décision du 3 août 1993 par laquelle le lieutenant-colonel d'aviation Bayet rejette sa demande de nomination au grade de lieutenant. Un arrêté royal du 16 mars 1994 ayant modifié la prise de rang d'ancienneté de sous-lieutenant temporaire du requérant et celle de sous-lieutenant de complément, le requérant demande que son recours soit étendu à cet arrêté royal. Cette demande a été accueillie par le Conseil d'Etat.

Le requérant s'est engagé le 18 septembre 1984 comme candidat sous-officier de carrière à la force terrestre. Le 26 juin 1985, il est nommé au grade de sergent et admis dans le cadre des sous-officiers de carrière. Le 28 septembre 1988, il est nommé au grade de sous-lieutenant et admis d'office dans le cadre des officiers temporaires. A l'issue de la période de rengagement, le 1er octobre 1989, le requérant ne souhaite plus servir au sein des forces armées; il est mis en disponibilité. Il est toutefois transféré dans le cadre des officiers de réserve et prend rang d'ancienneté pour l'avancement au grade de sous-lieutenant à la date du 1er septembre 1988. Le 1er septembre 1990, le requérant exerce son droit de réintégration au sein du cadre des officiers temporaires. Il signe un rengagement de cinq ans et prend rang d'ancienneté pour l'avancement au grade de sous-lieutenant à la date du 28 septembre 1989. Par arrêté royal n° 28.082 du 2 juillet 1992, le requérant est admis dans le cadre des officiers de complément le 27 décembre 1992. Il prend rang d'ancienneté, pour sa nomination future au grade de lieutenant de complément, à la date du 28 septembre 1990. Le 15 juin 1993, le requérant demande à être nommé au grade de lieutenant avec effet au 29 septembre 1993. Un refus fondé sur l'article 39 de la loi du 13 juillet 1976 relative aux effectifs en officiers et aux statuts du personnel des forces armées est porté à sa connaissance le 20 septembre 1993. Il s'agit de l'acte attaqué.

Un arrêté royal du 16 mars 1994, publié au Moniteur belge du 6 mai 1994, modifie la prise de rang d'ancienneté de sous-lieutenant temporaire du requérant et celle de sous-lieutenant de complément. Il est publié dans ces termes : « Par arrêté royal n° 265 du 16 mars 1994, les dispositions de l'arrêté royal du 10 janvier 1991 sont modifiées comme suit : Suite à sa réintégration dans le cadre des officiers temporaires à la date du 1er septembre 1990, le sous-lieutenant temporaire Istace, E., du corps de la logistique, prend rang d'ancienneté de sous-lieutenant temporaire à la date du 28 août 1989.

Les dispositions de l'arrêté royal du 2 juillet 1992 sont retirées en ce qui concerne le sous-lieutenant temporaire Istace, E., du corps de la logistique.

En application de l'arrêté royal du 24 septembre 1977, le sous-lieutenant temporaire Istace, E., prend rang d'ancienneté de sous-lieutenant de complément à la date du 28 août 1990 suite à son passage vers le cadre de complément. » III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 15 octobre 1997, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique par lettres recommandées à la poste le 20 novembre 1997.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 3 décembre 1997.

Des mémoires ont été introduits par : - E. Istace, demeurant à 4000 Liège, rue de l'Arbre Courte-Joie 120, par lettre recommandée à la poste le 11 décembre 1997; - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 29 décembre 1997.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 22 janvier 1998.

E. Istace a introduit un mémoire en réponse, par lettre recommandée à la poste le 11 février 1998.

Par ordonnance du 25 mars 1998, la Cour a prorogé jusqu'au 15 octobre 1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 29 avril 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 20 mai 1998.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 30 avril 1998.

A l'audience publique du 20 mai 1998 : - ont comparu : . Me P. Vande Casteele, avocat au barreau de Bruxelles, pour E. Istace; . le lieutenant-colonel J. Govaert, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs E. Cerexhe et H. Boel ont fait rapport; - les parties précitées ont été entendues; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

IV. Objet des dispositions en cause 1. L'article 39 de la loi du 13 juillet 1976 relative aux effectifs en officiers et aux statuts du personnel des forces armées dispose comme suit : « Les officiers de complément issus du cadre temporaire ne peuvent être nommés au grade immédiatement supérieur qu'un an après les officiers de carrière de même grade et de même ancienneté dans ce grade. Cette disposition reste applicable même si l'officier de complément a été entre-temps admis dans le cadre de carrière. » 2. L'article 59 de la loi du 21 décembre 1990 portant statut des candidats militaires du cadre actif dispose comme suit : « Sont abrogés : 5° les articles 6 à 32, 34 à 36 et 42 de la loi du 13 juillet 1976 relative aux effectifs en officiers et aux statuts du personnel des forces armées.» 3. L'article 44 de la loi du 13 juillet 1976 précitée énonce : « Sont applicables aux officiers de complément, les dispositions législatives et réglementaires qui ne sont pas incompatibles avec la présente loi et qui sont relatives : 1° au statut des officiers de carrière.Bénéficie de la bonification d'ancienneté prévue à l'article 37 de la loi du 1er mars 1958, l'officier de complément qui, avant son admission à une formation d'officier, a fait avec succès des études supérieures; 2° aux pensions militaires, y compris la majoration de deux ans de service actif prévue par l'article 4, alinéa 2, des lois coordonnées sur les pensions militaires;3° aux pensions des veuves et orphelins des membres de l'armée et de la gendarmerie.» 4. L'article 5 de la loi du 21 décembre 1990 portant statut des candidats militaires du cadre actif énonce : « Pour autant que ces dispositions ne soient pas incompatibles avec les dispositions de la présente loi, toutes les dispositions législatives et réglementaires relatives au statut des officiers de carrière, des sous-officiers de carrière ou des volontaires de carrière sont applicables aux candidats, selon la catégorie de personnel pour laquelle ils sont formés.» V. En droit - A - Mémoire de E. Istace A.1.1. Malgré l'analogie qui pourrait être invoquée avec l'article 25, § 2, de la loi du 13 juillet 1976 qui a fait l'objet de l'arrêt n° 3/96 de la Cour, des différences existent. D'abord, les officiers temporaires accèdent soit au cadre de complément, soit au cadre de carrière. Le requérant est officier de complément. Il est donc dans l'impossibilité d'accéder aux grades d'officier supérieur.

A.1.2. Le premier grief part de ce que, dans son arrêt de renvoi, le Conseil d'Etat a relevé que, dans la législation actuelle, il est possible d'accéder directement au cadre de complément, sans devoir passer dans l'antichambre du cadre temporaire et donc sans devoir subir un retard à l'avancement (à l'occasion d'épreuves de passage).

Loin de dissuader le recrutement par voie indirecte, le législateur du 20 mai 1994 décide de prévoir un recrutement pour le cadre de complément par la voie directe. Il apparaît manifestement déraisonnable de prétendre encore maintenir « des règles de passage préexistantes », dès lors que la loi du 21 décembre 1990 établit que, d'une part, le sort d'une partie du personnel, relevant d'un statut supprimé pour l'avenir, n'est plus réglé par une disposition défavorable - celle-ci (l'article 25, § 2) étant même explicitement abrogée par le législateur lui-même - et que, d'autre part, le sort de la catégorie du personnel auquel le requérant souhaita accéder (à savoir le cadre de complément) se trouve modifié avantageusement par la disparition du retard à l'avancement, ce retard ne se concevant évidemment que dans le cadre d'épreuves de passage et disparaissant en cas de recrutement direct.

La différence de traitement dénoncée est non seulement devenue caduque mais elle ne trouve même plus une justification quelconque.

C'est d'autant plus le cas que le législateur du 21 décembre 1990 a même décidé de supprimer explicitement la différence de traitement que constituait le retard à l'avancement après admission dans le cadre de carrière ou de complément, en abrogeant l'article 25, § 2, de la loi du 13 juillet 1976 (article 59, 5°).

A.1.3. Le second grief s'articule sur le caractère illégitime de l'exclusion du bénéfice de l'abrogation du retard à l'avancement à l'ancienneté. La discrimination est évidente dès lors que seuls certains anciens officiers temporaires bénéficient de l'avancement à l'ancienneté sans retard d'un an et que, s'il est établi que d'autres officiers temporaires sont encore retardés à l'avancement au grade immédiatement supérieur, ceci ne résulte que de l'application soit d'une disposition qui laisse au Roi une compétence large pour déterminer qui sera encore retardé à l'avancement à l'ancienneté (article 61, alinéa 4, de la loi du 21 décembre 1990), soit de l'article 39 de la loi du 13 juillet 1976, lequel article n'est effectivement pas « explicitement » abrogé par l'article 59, 5°, de la loi du 21 décembre 1990.

Tant les articles 61, alinéa 4, et 59, 5°, que ledit article 39 sont inconstitutionnels, dès lors que le premier article concède au Roi la faculté de déroger à l'abrogation de l'article 25, § 2, de la loi du 13 juillet 1976, décidée par l'article 59, 5°, de la loi du 21 décembre 1990, et que le second article n'abroge pas de façon explicite l'article 39 de la loi du 13 juillet 1976.

Mémoire du Conseil des ministres A.2.1. L'article 39 de la loi du 13 juillet 1976 ne figure pas parmi les dispositions abrogées par l'article 59, 5°, de la loi du 21 décembre 1990. La référence dans la question préjudicielle à l'article 44 de la loi du 13 juillet 1976 n'est pas pertinente : l'article 39, alinéa 2, prévoit justement dans le chef des officiers de carrière issus, par le biais du cadre de complément, du cadre temporaire un régime dérogatoire à celui applicable aux officiers de carrière. Ces dispositions sont dès lors manifestement incompatibles avec les dispositions législatives relatives au statut des officiers de carrière. L'article 5 précité n'est manifestement applicable ni aux officiers temporaires, ni aux officiers de complément qui passent dans le cadre des officiers de carrière. La référence à cet article dans la question préjudicielle manque dès lors de pertinence.

A.2.2. L'article 39, alinéa 2, de la loi précitée du 13 juillet 1976 énonce clairement la situation des officiers de carrière issus du cadre de complément mais appartenant auparavant au cadre temporaire : ces officiers ne peuvent être nommés au grade immédiatement supérieur qu'un an après les militaires de carrière de même grade et de même ancienneté dans ce grade. Il reprend dans les mêmes termes l'article 25 de la même loi à propos duquel la Cour a constaté, dans son arrêt n° 3/96 du 9 janvier 1996, qu'il ne violait pas les articles 10 et 11 de la Constitution. Il va de soi qu'une même volonté du législateur que celle à laquelle fait référence l'arrêt précité de la Cour relatif à l'article 25, § 2, de la loi du 13 juillet 1976 (considérant B.7.1) a prévalu en ce qui concerne l'article 39 dont il est actuellement question.

Si (ex absurdo) l'article 39 n'existait pas, le législateur aurait d'ailleurs créé une discrimination entre, d'une part, les officiers de carrière issus du cadre temporaire et passés directement dans le cadre de carrière (auxquels l'article 25, § 2, serait appliqué) et, d'autre part, les officiers de carrière issus du cadre temporaire et passés dans le cadre de carrière par le biais d'un passage intermédiaire dans le cadre de complément (auxquels l'article 39 ne serait dans l'hypothèse pas appliqué).

La réponse à la question préjudicielle posée est évidente : l'article 39 de la loi du 13 juillet 1976 relative aux effectifs en officiers et aux statuts du personnel des forces armées ne méconnaît pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Mémoire en réponse de E. Istace A.3. Dès lors que l'article 25, § 2, de la loi du 13 juillet 1976 a été explicitement abrogé par l'article 59, 5°, de la loi du 21 décembre 1990, c'est à bon droit que le Conseil d'Etat - et non le requérant - a retenu une interprétation permettant de conclure à l'abrogation implicite de l'article 39. La référence à l'article 44 de la loi du 13 juillet 1976 est d'autant plus pertinente que le Conseil d'Etat relève que - dorénavant - les officiers de complément seront recrutés par la voie directe. Un tel recrutement exclut donc la notion de passage d'un cadre à l'autre; par voie de conséquence, ceci exclut également toute perte d'ancienneté (puisqu'il n'y a plus d'épreuves de passage). La perte d'ancienneté n'est donc manifestement pas inhérente à la qualité de militaire de complément.

L'abrogation - implicite dans le cas de l'article 39 et explicite dans le cas de l'article 25, § 2 - de la perte d'ancienneté n'est d'ailleurs manifestement pas incompatible avec le statut du militaire de carrière. Tous les militaires seraient, dans ce cas, soumis aux mêmes règles d'avancement; ceci est d'autant plus normal que les militaires de complément peuvent dorénavant être recrutés par voie directe (ce qui exclut la notion d'épreuves de passage d'un cadre vers l'autre et donc la perte d'ancienneté qu'entraînerait un tel passage).

C'est à bon droit que le Conseil d'Etat s'interroge s'il n'y a pas lieu de considérer que l'article 39 de la loi du 13 juillet 1976 a été implicitement abrogé. Une telle interprétation permettrait de concilier le prescrit de la loi avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

Enfin, il est inexact de soutenir qu'en considérant l'article 39 comme « n'existant pas », le législateur aurait « d'ailleurs » créé une autre discrimination, « puisque certains officiers temporaires subiraient encore un retard à l'avancement et d'autres pas ». Il suffit de constater que, si effectivement « certains officiers subissent encore un retard, tandis que d'autres ne le subissent pas », ce retard à l'ancienneté est imposé de façon discriminatoire.

On doit considérer que l'article 39 n'existe plus; à tout le moins, il ne trouve plus à s'appliquer, ceci sous peine de mener à une discrimination. Si certains (anciens) officiers temporaires subissent une discrimination au travers d'une application inexacte de l'article 25, § 2, il leur appartient de soulever cette discrimination devant les juridictions compétentes. Il n'y a pas d'égalité dans l'illégalité; il n'y a pas d'égalité dans la discrimination. - B - B.1. La question préjudicielle posée par le Conseil d'Etat est formulée comme suit : « L'article 39 de la loi du 13 juillet 1976 relative aux effectifs en officiers et aux statuts du personnel des forces armées, pour autant qu'on puisse considérer qu'il n'a pas été implicitement abrogé par l'article 59, 5°, de la loi du 21 décembre 1990 portant statut des candidats du cadre actif, ne méconnaît-il pas les articles 6 et 6bis (actuellement 10 et 11) de la Constitution : en ce qu'il dispose que l'officier de complément issu à l'origine du cadre [lire : cadre temporaire] ne peut accéder au grade immédiatement supérieur qu'un an après les autres officiers subalternes du même grade et de même ancienneté dans ce grade, tout en ayant été transféré au préalable vers le cadre de complément avec maintien de son grade et de son ancienneté dans ce grade; et alors même que la disposition analogue pour les officiers de carrière, issus du cadre temporaire - en l'occurrence l'article 25, 2°, de la loi du 13 juillet 1976 -, a été abrogée explicitement par l'article 59, 5°, de la loi du 21 décembre 1990 portant statut des candidats du cadre actif; et alors même que l'article 44 de la loi du 13 juillet 1976 et l'article 5 de la loi du 21 décembre 1990 prescrivent un renvoi au statut des officiers de carrière pour les officiers de complément, recrutés par la voie directe, telle que celle-ci est visée notamment aux articles 2, 11 et 54 de la loi du 21 décembre 1990 ? » Quant à la première partie de la question préjudicielle B.2. L'article 39 de la loi du 13 juillet 1976 relative aux effectifs en officiers et aux statuts du personnel des forces armées dispose : « Les officiers de complément issus du cadre temporaire ne peuvent être nommés au grade immédiatement supérieur qu'un an après les officiers de carrière de même grade et de même ancienneté dans ce grade.

Cette disposition reste applicable même si l'officier de complément a été entre-temps admis dans le cadre de carrière. » L'article 59 de la loi du 21 décembre 1990 portant statut des candidats militaires du cadre actif dispose : « Sont abrogés : 5° les articles 6 à 32, 34 à 36 et 42 de la loi du 13 juillet 1976 relative aux effectifs en officiers et aux statuts du personnel des forces armées.» L'article 59, 5°, ne visant pas l'article 39 de la loi du 13 juillet 1976 précitée, cette disposition n'a pas été abrogée.

B.3.1. L'article 25 de la loi du 13 juillet 1976 précitée dispose : § 2. Les officiers et les sous-officiers temporaires admis dans le cadre de carrière ne peuvent accéder au grade immédiatement supérieur qu'un an après les militaires de carrière de même grade et de même ancienneté dans ce grade. » Cet article 25 a été abrogé par l'article 59 de la loi du 21 décembre 1990 précitée.

B.3.2. L'article 61 de la loi précitée du 21 décembre 1990, figurant à son chapitre IX intitulé « Dispositions transitoires et finales », prévoit cependant que : « Les militaires du cadre temporaire en service qui ont au moins quatre ans de service dans leur catégorie du cadre temporaire à la date de la mise en vigueur de la présente loi terminent leur engagement ou rengagement.

Ils sont cependant autorisés à contracter un rengagement pour le terme, exprimé en années complètes, nécessaire afin de leur donner l'occasion de poser en 1991 et 1992 leur candidature pour un passage sans pour autant pouvoir dépasser la durée maximum de dix ans de service dans leur catégorie de personnel.

Les passages des militaires visés dans cet article s'effectuent suivant les règles et la procédure fixées par la loi du 13 juillet 1976 relative aux effectifs en officiers et aux statuts du personnel des forces armées et ses arrêtés d'exécution sans que les militaires temporaires concernés ne doivent satisfaire aux conditions d'ancienneté de service fixées aux articles 22, 1°, 23, 1°, 24, 1°, 27, 1°, et 28, 1°, de la loi du 13 juillet 1976 et sans qu'il soit tenu compte de l'ancienneté de service des candidats pour les classer.

Le Roi arrête les mesures transitoires nécessaires à l'application de ces dispositions. » B.3.3. De même l'article 89 de la loi du 20 mai 1994 relative aux statuts du personnel militaire, qui remplace avec effet au 1er janvier 1991 l'article 61 précité, maintient-il, en son paragraphe 3, la référence à la loi du 13 juillet 1976; cet article 89 dispose : § 3. Les passages des militaires visés dans cet article s'effectuent suivant les règles et la procédure fixées par la loi du 13 juillet 1976 relative aux effectifs en officiers et aux statuts du personnel des forces armées et ses arrêtés d'exécution sans que les militaires temporaires concernés ne doivent satisfaire aux conditions d'ancienneté de service fixées aux articles 22, 1°, 23, 1°, 24, 1°, 27, 1°, et 28, 1°, de la loi du 13 juillet 1976 et sans qu'il soit tenu compte de l'ancienneté de service des candidats pour les classer.

B.3.4. Les considérations développées par le requérant devant le Conseil d'Etat et devant la Cour, selon lesquelles l'article 25, § 2, de la loi du 13 juillet 1976 serait abrogé pour certains officiers du cadre temporaire, sont sans pertinence : les termes de l'article 61 de la loi du 21 décembre 1990 précitée et ses travaux préparatoires incluent la disposition dont il s'agit dans son champ d'application.

B.4. Il résulte de ce qui précède que les considérations du requérant qui allègue une différence de traitement entre les officiers de carrière issus du cadre temporaire et les officiers issus du cadre de complément, les premiers ne subissant plus le retard d'une année d'avancement, se fondent sur une interprétation erronée des articles 59 et 61 de la loi du 21 décembre 1990. Aucune de ces deux dispositions ne supprime en effet le retard d'une année à l'avancement par rapport aux militaires de carrière ni pour les officiers temporaires ni pour les officiers de complément.

B.5. La différence de traitement alléguée n'existant pas, la première partie de la question préjudicielle appelle une réponse négative.

Quant à la deuxième partie de la question préjudicielle B.6.1. La question préjudicielle fait encore référence à l'article 44 de la loi précitée du 13 juillet 1976.

B.6.2. L'article 44 de la loi du 13 juillet 1976 dispose ainsi : « Sont applicables aux officiers de complément, les dispositions législatives et réglementaires qui ne sont pas incompatibles avec la présente loi et qui sont relatives : 1° au statut des officiers de carrière.Bénéficie de la bonification d'ancienneté prévue à l'article 37 de la loi du 1er mars 1958, l'officier de complément qui, avant son admission à une formation d'officier, a fait avec succès des études supérieures; 2° aux pensions militaires, y compris la majoration de deux ans de service actif prévue par l'article 4, alinéa 2, des lois coordonnées sur les pensions militaires;3° aux pensions des veuves et orphelins des membres de l'armée et de la gendarmerie.» B.6.3. L'article 44 précité prévoit que les règles applicables au cadre de carrière sont applicables au cadre de complément lorsqu'elles ne sont pas incompatibles avec la loi du 13 juillet 1976. L'article 39 de la loi du 13 juillet 1976, prévoyant précisément une règle relative au retard à l'avancement des officiers de complément qui déroge aux règles applicables aux officiers de carrière, instaure une telle incompatibilité. Il en résulte que la différence de traitement alléguée n'existe pas.

B.7. La seconde partie de la question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 39 de la loi du 13 juillet 1976 relative aux effectifs en officiers et aux statuts du personnel des forces armées ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 10 juin 1998.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

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