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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 21 août 1998

Arrêt n° 61/98 du 4 juin 1998 Numéro du rôle : 1019 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 34 de la loi du 1 er août 1985 portant des mesures fiscales et autres, posée par la Commission pour l'aide aux victimes d' La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges P. Martens(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 61/98 du 4 juin 1998 Numéro du rôle : 1019 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 34 de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer portant des mesures fiscales et autres, posée par la Commission pour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges P. Martens, J. Delruelle, H. Coremans, A. Arts et M. Bossuyt, assistée du référendaire faisant fonction de greffier R. Moerenhout, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par décision du 27 novembre 1996 en cause de S.L. contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 5 décembre 1996, la Commission pour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence a posé la question préjudicielle de savoir si l'article 34 de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer portant des mesures fiscales et autres viole ou non le principe d'égalité inscrit dans la Constitution.

II. Les faits et la procédure antérieure Par jugement du 4 février 1993, le Tribunal correctionnel de Charleroi a condamné trois prévenus à des peines d'emprisonnement et à payer solidairement à S.L., qui s'était constituée partie civile, la somme de 500.000 francs.

Le jugement ne fit pas l'objet d'appel et est donc coulé en force de chose jugée.

Par requête introduite le 18 mai 1994, S.L. a sollicité, auprès de la Commission pour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence, une aide de 500.000 francs du chef d'un acte intentionnel de violence subi en date du 20 octobre 1991.

Devant la Commission, le délégué du ministre de la Justice fait valoir la prescription à peine de forclusion de la demande d'aide qui doit être introduite dans un délai d'un an à compter du jour où il a été statué sur l'action publique, en application de l'article 34, § 3, de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer.

La requérante demande alors que soit posée une question préjudicielle à la Cour parce que « le fait de fixer à un an le délai de prescription du recours civil résultant d'une infraction a pour conséquence que la situation de la concluante, laquelle a subi un grave dommage résultant d'une faute, est sensiblement plus défavorable lorsque cette faute constitue une infraction que lorsqu'elle n'en constitue pas une ».

La Commission pose alors la question préjudicielle mentionnée ci-dessus.

III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 5 décembre 1996, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 8 janvier 1997.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 18 janvier 1997.

Par ordonnance du 26 février 1997, le président en exercice a abrégé à quinze jours le délai pour introduire un mémoire uniquement en ce qui concerne le ministre de la Justice.

La décision de renvoi a été notifiée au ministre de la Justice conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 28 février 1997; l'ordonnance abrégeant le délai pour introduire le mémoire a été notifiée par la même lettre.

Par ordonnance du 25 mars 1997, la Cour a écarté le mémoire introduit par le ministre de la Justice par lettre recommandée à la poste le 21 février 1997 suite à une erreur administrative.

Cette ordonnance a été notifiée au ministre de la Justice par lettre recommandée à la poste le 2 avril 1997.

Des mémoires ont été introduits par : - S.L., demeurant à 6000 Charleroi, rue Carena 1/02/06, par lettre recommandée à la poste le 13 février 1997; - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 25 février 1997; - le ministre de la Justice, boulevard de Waterloo 115, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 18 mars 1997.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 1er avril 1997.

S.L. a introduit un mémoire en réponse, par lettre recommandée à la poste le 5 mai 1997.

Par ordonnances du 29 mai 1997 et du 25 novembre 1997, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 5 décembre 1997 et 5 juin 1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 17 décembre 1997, la Cour a reformulé la question et a chargé les juges-rapporteurs de recueillir des informations concernant l'incidence éventuelle de la loi du 17 février 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/1997 pub. 11/09/1997 numac 1997009532 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 30 et 34 de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence fermer « modifiant les articles 30 et 34 de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer portant des mesures fiscales et autres en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence » et de la loi du 18 février 1997 « modifiant, en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence, la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer portant des mesures fiscales et autres » sur le traitement des affaires à la Commission pour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence, plus particulièrement en ce qui concerne les délais et la rétroactivité.

Cette ordonnance ainsi que la mesure d'instruction ont été notifiées aux parties, aux avocats ainsi qu'au président de la Commission pour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence par lettres recommandées à la poste le 23 janvier 1998.

Par lettre du 20 février 1998, le président de la Commission précitée a fourni les renseignements demandés.

Par ordonnance du 25 mars 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 29 avril 1998 après avoir chargé le greffier de notifier aux parties la lettre du 20 février 1998 précitée et invité les parties à introduire un mémoire complémentaire le 21 avril 1998 au plus tard sur l'incidence éventuelle de la loi du 17 février 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/1997 pub. 11/09/1997 numac 1997009532 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 30 et 34 de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence fermer sur leur appréciation de la conformité aux articles 10 et 11 de la Constitution de l'article 34 de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer portant des mesures fiscales et autres, avant sa modification par la loi du 17 février 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/1997 pub. 11/09/1997 numac 1997009532 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 30 et 34 de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence fermer.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 26 mars 1998.

A l'audience publique du 29 avril 1998 : - ont comparu : . Me X. Attout, avocat au barreau de Charleroi, pour S.L.; . O. Crabbe, conseiller adjoint au ministère de la Justice, pour le ministre de la Justice; . Me J. Sohier, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs J. Delruelle et A. Arts ont fait rapport; - les parties précitées ont été entendues; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

IV. Objet de la disposition en cause L'article 34, § 3, de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer portant des mesures fiscales et autres dispose : « A peine de forclusion, la demande d'aide doit être présentée dans le délai d'un an à compter, selon le cas, soit du jour où il aura été statué sur l'action publique par une décision passée en force de chose jugée, soit de la décision de la juridiction d'instruction. » V. En droit - A - Mémoire de S.L. A.1. L'article 34, § 3, de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer viole les articles 10 et 11 de la Constitution parce qu'il fait naître une différence de traitement entre les victimes d'un acte intentionnel de violence selon qu'elles poursuivent les auteurs de cet acte en vue de leur indemnisation sur la base des principes généraux d'indemnisation découlant des articles 1382 et suivants du Code civil ou sur la base de l'article 34, § 3, de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer.

Or, par son arrêt du 21 mars 1995, la Cour « aligne le délai de prescription de l'action civile découlant d'une infraction sur le délai de prescription de droit commun ». Cet arrêt était relatif à une matière basée sur le concept de faute. Dans le présent cas d'espèce, l'indemnisation se fonde sur la notion de solidarité puisque l'Etat belge se substitue aux débiteurs normaux.

La différence de traitement quant au délai de prescription entre l'indemnisation basée sur la notion de faute et celle basée sur la notion de solidarité n'est pas raisonnablement justifiée, « dans la mesure où l'insolvabilité des débiteurs normaux des victimes d'actes intentionnels ne peut leur être reprochée et, par conséquent, leur être préjudiciable pour poursuivre l'indemnisation à laquelle ils ont droit ».

Par ailleurs, « si l'on se situe exclusivement au niveau du cadre d'indemnisation des actes intentionnels de violence 'basée sur la responsabilité objective' et 'qui découle de la solidarité entre les citoyens' », cette disposition est également discriminatoire. Elle établit, en effet, un déséquilibre entre les requérants selon que l'acte intentionnel de violence a été commis par un ou plusieurs auteurs, que ces auteurs sont connus ou inconnus, incarcérés ou en liberté. Le délai d'un an est excessivement court lorsqu'il s'agit de constater l'insolvabilité de plusieurs auteurs, d'auteurs inconnus ou incarcérés.

Mémoire du Conseil des ministres A.2. L'article 34, § 3, de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer n'instaure aucune différence de traitement entre les victimes en ce qui concerne la condition de délai pour l'introduction d'une demande d'aide. Il n'y a donc pas de catégorie particulière de justiciables qui seraient traités de manière discriminatoire, la loi étant la même pour tous.

D'autre part, une violation des articles 10 et 11 de la Constitution n'est concevable que si la différence de traitement affecte des catégories de personnes se trouvant dans des situations suffisamment comparables. La référence à l'arrêt de la Cour du 21 mars 1995 n'est pas pertinente. En l'espèce, il y a lieu de constater que le législateur n'impose pas de délai différent selon la catégorie de victimes d'actes intentionnels de violence, que le concept de faute est totalement absent puisque l'aide de l'Etat repose sur un principe de solidarité collective et non sur une présomption de faute, que, en l'absence de tout droit civil, la demande d'aide ne saurait être qualifiée de recours civil et qu'il ne peut être question d'une différence entre victimes selon que l'acte intentionnel de violence pour lequel il est demandé une aide constitue ou non une infraction puisque tel est toujours le cas. « Surabondamment, il faut constater que ni ' les intérêts que le législateur de 1985 a voulu protéger ', ni le caractère subsidiaire du recours à la Commission, n'empêchent que, comme dans toutes autres matières de droit, des délais soient instaurés par la loi, à peine de forclusion, pour l'introduction des demandes en justice. » La Convention européenne du Conseil de l'Europe du 24 novembre 1983 « relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes », qui constitue l'une des sources de la loi belge du 1er août 1985, prévoit d'ailleurs cette possibilité.

Il convient aussi d'insister sur l'indépendance totale entre l'instance judiciaire relative à l'action civile et l'instance devant la Commission : la requête peut être présentée devant la Commission alors même que le requérant ne peut pas encore se prévaloir d'une décision fixant les dommages et intérêts qui lui seraient dus. Certes, l'article 31, § 1er, subordonne l'aide à l'exigence que la réparation du dommage ne puisse être assurée de façon effective et suffisante par d'autres moyens. Il résulte toutefois des travaux préparatoires et de la plupart des commentaires de doctrine que cette condition n'est pas appelée à jouer de manière absolue.

Enfin, « la seule existence d'un délai de forclusion n'emporte pas par elle-même 'une grave limitation des droits d'une victime' ». En effet, même si cette victime ignore la plus ou moins grande insolvabilité de l'auteur des faits, elle peut toujours introduire une demande d'aide à titre conservatoire, ce qui interrompra valablement le délai de forclusion, conformément aux principes de l'article 18 du Code judiciaire. Subsidiairement enfin, il faut relever que l'existence de délais de forclusion d'un an pour saisir le juge compétent se retrouve dans de nombreuses autres matières. « Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'article 34 de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer n'opère aucune distinction entre 'catégories' de justiciables différents. La seule existence d'un court délai, prescrit à peine de forclusion, pour introduire une demande ne peut pas être considérée comme une 'grave limitation de droits' ni comme hors de proportion par rapport au but légitime poursuivi par le législateur.

En conséquence, cette disposition ne viole pas les articles 10 et 11 ni d'autres principes de la Constitution. » Mémoire du ministre de la Justice La loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer, basée sur le concept de solidarité collective, se borne à organiser une procédure permettant à une victime de demander une aide matérielle dans le cas où celle-ci ne peut être indemnisée par une autre voie. « La seule différence de traitement qui puisse être envisagée est celle d'une victime d'un acte de violence intentionnel et une victime d'un délit autre qu'un acte de violence, dans la mesure où cette dernière ne peut pas s'adresser à la Commission. » Cette différenciation est justifiée par la considération que les victimes d'actes intentionnels de violence doivent être plus particulièrement protégées. Le délai de forclusion étant le même pour toutes ces victimes, l'article 34, § 3, de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer ne saurait être discriminatoire.

L'arrêt de la Cour du 21 mars 1995 n'est pas invoqué de manière pertinente. La requérante considère, à tort, que l'aide qui peut être accordée par la Commission est semblable à l'action en responsabilité du droit civil. Or, cette aide n'est pas un droit subjectif fondé sur une idée de faute de l'Etat mais sur une idée de solidarité collective. C'est d'ailleurs à la lumière de cette dernière idée que peuvent être comprises les notions de subsidiarité et de montant maximum figurant dans la loi. La procédure devant la Commission n'éteint pas l'action civile contre le responsable de l'agression. « En fait, il n'existe qu'une discrimination, puisque la situation de la victime d'un agresseur solvable est évidemment plus favorable que celle d'une victime d'un agresseur insolvable. La loi sur la commission tend précisément à rencontrer ce type de problème d'ordre social.

Il est cependant vrai que le législateur se tourne vers une procédure plus souple et a le projet de substituer au délai d'un an, un délai de trois ans. » Mémoire en réponse de S.L. A.3. Même si l'arrêt du 21 mars 1995 est basé sur le concept de faute, il ne saurait être indifférent en l'espèce. Doit en effet prévaloir « une notion élargie du précepte d'intervention de l'Etat, au profit de tous les préjudiciés, nonobstant le délai de prescription de la loi spéciale, et ce, à l'équivalence des délais de prescription qui ont été jugés par ledit arrêt ».

L'article 34, § 3, est par ailleurs intrinsèquement discriminatoire.

En effet, les victimes d'actes intentionnels de violence ne se trouvent pas sur le même pied d'égalité à partir du moment où court le délai de prescription. Sont discriminées les victimes qui n'ont pu respecter l'exigence du délai en raison de la difficulté de se rendre compte de l'insolvabilité de l'auteur, difficulté indépendante de leur volonté.

Tel ne serait pas le cas si le délai de prescription prenait cours « à partir du moment où chaque victime a pu constater l'insolvabilité de son auteur ». Ce n'est qu'à partir de cet instant que toutes les victimes se trouvent dans la même situation. - B - B.1.1. La question préjudicielle, reformulée par la Cour, énonce : « L'article 34 de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer portant des mesures fiscales et autres viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution ? » B.1.2. De la motivation de la décision de renvoi, il apparaît que la Commission pour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence interroge la Cour sur la compatibilité de l'article 34, § 3, de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer portant des mesures fiscales et autres avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.1.3. Ce paragraphe dispose : « A peine de forclusion, la demande d'aide doit être présentée dans le délai d'un an à compter, selon le cas, soit du jour où il aura été statué sur l'action publique par une décision passée en force de chose jugée, soit de la décision de la juridiction d'instruction. » L'article 4 de la loi du 17 février 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/1997 pub. 11/09/1997 numac 1997009532 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 30 et 34 de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence fermer, modifiant les articles 30 et 34 de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer portant des mesures fiscales et autres en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence, a porté ce délai de un an à trois ans.

B.2. En vertu de l'article 26, § 2, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, c'est au juge qui pose une question préjudicielle qu'il appartient d'apprécier si la réponse à cette question est indispensable à la solution du litige qu'il doit trancher.

C'est au juge a quo et à lui seul qu'il appartient de statuer sur l'applicabilité dans le temps d'une norme invoquée devant lui. La Cour ne peut dès lors examiner si la loi nouvelle peut trouver à s'appliquer aux faits du litige.

La Cour répond à la question posée en tant qu'elle porte sur l'article 34, § 3, de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer avant sa modification par la loi du 17 février 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/1997 pub. 11/09/1997 numac 1997009532 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 30 et 34 de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence fermer.

B.3. Selon la partie requérante devant le juge a quo, la disposition litigieuse violerait les articles 10 et 11 de la Constitution pour deux raisons. Tout d'abord, elle fait naître une différence de traitement entre les victimes d'un acte intentionnel de violence parce que le délai de prescription est différent de celui qui est prévu pour les actions fondées sur les articles 1382 et suivants du Code civil.

Ensuite, elle ne tient pas compte des différences entre victimes selon que l'acte a été commis par un ou plusieurs auteurs, que ces auteurs sont connus ou inconnus, incarcérés ou en liberté.

B.4.1. Les travaux préparatoires de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer font apparaître que le législateur a jugé « équitable de prévoir une participation financière de l'Etat dans l'indemnisation de la victime là où la prévention de la criminalité n'a pas empêché la perpétration d'un acte intentionnel de violence ».

Le fondement de l'intervention de l'Etat n'est nullement « une présomption de faute qui pèserait sur l'Etat n'ayant pu empêcher l'infraction » mais « un principe de solidarité collective entre les membres d'une même nation ». « Le projet ne correspond donc en rien à une idée d'atténuation de la responsabilité des auteurs d'infractions, ni à une idée de responsabilité de l'Etat » (Doc. parl., Sénat, 1984-1985, n° 873/1, p. 17, et n° 873/2/1°, p. 5).

Le législateur a dès lors opté pour un régime d'aide subsidiaire (article 31, § 1er, 1, de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer), dont le montant est fixé en équité et ne peut dépasser les sommes fixées par le législateur (article 33 de cette loi).

L'article 32 de la loi détermine par ailleurs de manière limitative les dommages qui peuvent être pris en considération pour l'octroi de l'aide. Ces principes de subsidiarité et d'appréciation en équité sont jugés essentiels par le législateur (Doc. parl., Sénat, 1984-1985, n° 873/2/1°, pp. 7 et 8).

L'article 35 de la loi prévoit pour sa part que les aides allouées par les décisions de la commission sont liquidées par le ministre de la Justice en fonction des disponibilités du Fonds.

Il résulte enfin des travaux préparatoires que l'indemnisation est extraordinaire, « ce qui signifie que son octroi ne peut jamais être réclamé comme un droit » (Doc. parl., 1984-1985, n° 873/2/1°, p. 19).

B.4.2. Les principes de subsidiarité, de fixation en équité, d'indemnisation exceptionnelle et forfaitaire et de solidarité qui sont à la base de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer justifient objectivement et raisonnablement les différences de traitement entre les actions fondées sur les articles 1382 et suivants du Code civil et les demandes d'aide fondées sur la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer, en particulier quant au délai dans lequel elles doivent être introduites.

B.5. La Cour doit encore examiner si le législateur n'a pas méconnu les articles 10 et 11 de la Constitution en traitant de la même manière, quant au délai de forclusion de la demande, toutes les victimes, sans distinguer si l'acte a été commis par un ou plusieurs auteurs, si ces auteurs sont connus ou inconnus, incarcérés ou en liberté.

B.6. C'est au législateur qu'il revient d'apprécier, sous le contrôle de la Cour, si des situations sont à ce point différentes qu'elles doivent faire l'objet de mesures spécifiques. Une réglementation uniforme n'est contraire au principe d'égalité et de non-discrimination que lorsque des catégories de personnes qui se trouvent dans des situations essentiellement différentes sont traitées de façon identique sans qu'existe pour cela une justification raisonnable. Les principes qui ont conduit à la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer et qui sont rappelés au B.4.2 permettent de justifier objectivement et raisonnablement le traitement identique de toutes les victimes d'actes de violence quant au délai d'introduction de l'action. Le législateur a consciemment limité l'indemnisation accordée, en n'excluant pas une politique législative progressive ultérieure. Il n'est donc pas déraisonnable que le législateur impose à toutes les victimes un même délai pour introduire leur demande, sans égard au fait que l'auteur de l'acte soit connu ou inconnu, que l'acte ait été commis par un ou plusieurs auteurs et que celui-ci ou ceux-ci soient détenus ou non.

B.7. Certes, la loi du 23 juillet 1991 modifiant les articles 31 et 34 de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer portant des mesures fiscales et autres a inséré dans l'article 34, § 2, une disposition particulière sur la base de laquelle la demande peut être introduite, lorsque l'auteur est resté inconnu, dès l'expiration d'un délai de deux ans prenant cours à la date de la constitution de partie civile (délai qui a été ramené à un an par l'article 4 de la loi du 17 février 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/1997 pub. 11/09/1997 numac 1997009532 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 30 et 34 de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence fermer modifiant les articles 30 et 34 de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer portant des mesures fiscales et autres en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence).

Cette disposition ne contient toutefois aucun délai de forclusion mais offre au contraire aux victimes la possibilité complémentaire d'introduire déjà la demande, lorsque l'auteur est inconnu, sans devoir attendre qu'une décision judiciaire passée en force de chose jugée ait statué sur l'action publique ou qu'une décision ait été prise par la juridiction d'instruction, étant donné que de telles décisions peuvent longtemps faire défaut lorsque l'auteur est inconnu.

B.8. Le fait que le délai de forclusion d'un an a été porté à trois ans par l'article 4 de la loi du 17 février 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/1997 pub. 11/09/1997 numac 1997009532 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 30 et 34 de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence fermer ne permet pas de conclure que le législateur considérait que l'ancien délai d'un an était discriminatoire. Les principes d'égalité et de non-discrimination ne s'opposent pas à ce que le législateur améliore la situation des victimes d'actes de violence.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 34, § 3, de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer portant des mesures fiscales et autres ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 4 juin 1998.

Le greffier f.f., R. Moerenhout.

Le président, M. Melchior

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