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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 27 juin 1998

Arrêt n° 73/98 du 17 juin 1998 Numéro du rôle : 1153 En cause : le recours en annulation totale ou partielle du décret de la Région flamande du 4 février 1997 portant les normes de qualité et de sécurité pour chambres et chambres d'étudiants, La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges L. Françoi(...)

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27/06/1998
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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 73/98 du 17 juin 1998 Numéro du rôle : 1153 En cause : le recours en annulation totale ou partielle du décret de la Région flamande du 4 février 1997 portant les normes de qualité et de sécurité pour chambres et chambres d'étudiants, introduit par I. Andries-Verstraeten et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges L. François, J. Delruelle, H. Coremans, R. Henneuse et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 8 septembre 1997 et parvenue au greffe le 9 septembre 1997, un recours en annulation totale ou partielle du décret de la Région flamande du 4 février 1997 portant les normes de qualité et de sécurité pour chambres et chambres d'étudiants (publié au Moniteur belge du 7 mars 1997) a été introduit par : I.I. Andries-Verstraeten, demeurant à 2660 Hoboken, St.

Bernardsesteenweg 533, B. Baekelandt, demeurant à 8791 Waregem, Kortrijkseweg 200, M. Batens, demeurant à 2220 Hallaar, Schransstraat 36 A, F. Baudewyns, demeurant à 1933 Sterrebeek, Past.

Vandereyckenlaan 47, Belima, demeurant à 3110 Rotselaar, Broekstraat 58, C. Bessemans, demeurant à 3540 Herck-la-Ville, Rummenweg 125, les époux J. Bilsnijs, demeurant ensemble à 3360 Bierbeek, Sterrenlaan 42, M. Bollaerts, demeurant à 3001 Heverlee, Keibergstraat 34, T. Bormans, demeurant à 3800 Saint-Trond, Tichelrijlaan 5, J. Bosmans, demeurant à 3000 Louvain, Tiensevest 94, E. Bracke, demeurant à 9890 Asper, Ommegangstraat 22, L. Buelens, demeurant à 3000 Louvain, Tiensestraat 39, R. Buytaert, demeurant à 3511 Hasselt, Holrakkerstraat 1, A. D'Haeyer, demeurant à 3010 Kessel-Lo, Lange Lostraat 128, U. D'Hont, demeurant à 3020 Winksele, Hof ter Neppenlaan 7, la s.p.r.l. De Berkenheem, dont le siège social est établi à 1652 Alsemberg, Ingendaellaan 10, les époux J. De Cock-Van Holsbeek, demeurant ensemble à 9450 Haaltert, Stationsstraat 38, M. De Raeymaeker, demeurant à 3390 Tielt-Winge, Leuvensesteenweg 254 A, V. Decoster, demeurant à 3010 Kessel-Lo, Groeneweg 14, M. Decupere, demeurant à 3078 Meerbeek, Steenbergstraat 44 A, les époux F. Degroodt-Simons, demeurant ensemble à 3000 Louvain, Tiensestraat 274, G. Delbeke, demeurant à 9030 Mariakerke, Groenestaakstraat 52, P. Delimon, demeurant à 3391 Meensel-Kiezegem, Glabbeeksesteenweg 64, A. Depraetere, demeurant à 8510 Marke, Rootland 1, G. Desmeth, demeurant à 3052 Blanden, Kastanjelaan 15, K. Devaere, demeurant à 8500 Courtrai, Doorniksesteenweg 101, V. Devester, demeurant à 3001 Heverlee, Beeklaan 4, la société civile Devos, dont le siège social est établi à 3000 Louvain, Minderbroederstraat 25, R. Emmers, demeurant à 3000 Louvain, Bogaardenstraat 61, les époux M. Gerth-Withofs, demeurant ensemble à 3001 Heverlee, Alsembergstraat 46, les époux F. Gilbert-Lamproye, demeurant ensemble à 3360 Korbeek-Lo, Oude Baan 83, les époux J. Grade-Adams, demeurant ensemble à 3000 Louvain, Mechelsestraat 92, Haine, demeurant à 3370 Boutersem, Honsemsestraat 74, la société civile Het Zeel, dont le siège social est établi à 3001 Louvain, Geldenaaksebaan 458, la s.a. Immo Tess, dont le siège social est établi 3980 Tessenderlo, Geelsebaan 159, H. Marchand, demeurant à 8970 Poperinge, Switch Road 17, W. Marchand, demeurant à 2300 Turnhout, Lode Peetersplantsoen 13, les époux L. Martens-Dauwe, demeurant ensemble à 9988 Watervliet, Stee 25, J.-L. Martin, demeurant à 3000 Louvain, Quinten Metsijsplein 3, R. Matthys, demeurant à 3000 Louvain, O.-L.-Vrouwstraat 17, J. Mauel, demeurant à 3001 Heverlee, Tervuursesteenweg 235, R. Meeus, demeurant à 3390 Tielt, Dorpsstraat 3, A. Meulemans, demeurant à 3000 Louvain, Wandelingstraat 10, J. Morren, demeurant à 3010 Louvain, Koetsweg 13, D. Noblet, demeurant à 3000 Louvain, Minckelersstraat 86, F. Pardon, demeurant à 3140 Keerbergen, Konijnenweg 23, les époux M. Poot-Theunis, demeurant ensemble à 3980 Tessenderlo, Schoterweg 322, J. Putteneers-Cuveliers, demeurant à 3150 Haacht-Wakkerzeel, Standonkstraat 4, les époux H. Scheerlinck-Bovyn, demeurant ensemble à 9551 Herzele, Borsbekestraat 148, Y. Smets, demeurant à 3300 Tirlemont, Dokter Geensstraat 7, A. Standaert, demeurant à 9090 Melle, Oude Brusselseweg 29, les époux F. Thijs-Verwaest, demeurant ensemble à 3000 Louvain, Oudebaan 254, L. Timmermans, demeurant à 3390 Tielt, Heuvelstraat 18, L. Vaeremans, demeurant à 3010 Kessel-Lo, Lobergenbos 21, les époux J. Van Balen-Van Cleynenbreug, demeurant ensemble à 3001 Heverlee, Hertogstraat 49, B. Van Calster-Boffe, demeurant à 3461 Bekkevoort, Tiensebaan 40A, P. Van Cotthem, demeurant à 9400 Ninove, Krepelstraat 84, J. Van Den Eynde, demeurant à 3001 Heverlee, Tervuursesteenweg 36, J. Van Houtte, demeurant à 8760 Meulebeke, Vennensdreef 1, J. Van Lysebeth, demeurant à 2801 Heffen-Malines, Kleine Mierenstraat 7, A.-M. Van Royen, demeurant à 3390 Tielt, Beurtstraat 36 B, F. Van Steenweghen, demeurant à 3201 Langdorp, Doornbergweg 18, L. Vanacker, demeurant à 3001 Heverlee, Bronlaan 18, K. Vanbrabant, demeurant à 3010 Kessel-Lo, Lobergenbos 25, M. Vanden Daele, demeurant à 9000 Gand, Jozef Plateaustraat 43, P. Vanlaer, demeurant à 3360 Bierbeek, Oude Baan 114, H. Vanvuchelen-Huybreghs, demeurant à 3001 Heverlee, A. Meulemansstraat 17, L. Velghe-De Ganck, demeurant à 3018 Louvain, Privaatweg 4, les époux E. Vogelaers-Toeloose, demeurant ensemble à 3078 Meerbeek-Kortenberg, Klein Vilvoordestraat 55, F. Vrancken, demeurant à 3210 Lubbeek, Jachthuislaan 32, R. Wellens, demeurant à 3150 Wespelaar, Dijkstraat 6, les époux A. Witvrouw-Decupere, demeurant ensemble à 3590 Diepenbeek, Dautenstraat 42, et P. Zwaenepoel, demeurant à 9070 Destelbergen, Doolaegepark 35;

II. l'a.s.b.l. Syndicat national des propriétaires, dont le siège social est établi à 1180 Bruxelles, avenue Adolphe Dupuich 24.

II. La procédure Par ordonnance du 9 septembre 1997, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 7 octobre 1997.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 11 octobre 1997.

Des mémoires ont été introduits par : - le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 24 novembre 1997; - le Gouvernement wallon, rue Mazy 25-27, 5100 Namur, par lettre recommandée à la poste le 24 novembre 1997.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 18 décembre 1997.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - les parties requérantes, par lettre recommandée à la poste le 19 janvier 1998; - le Gouvernement wallon, par lettre recommandée à la poste le 19 janvier 1998.

Par ordonnance du 25 février 1998, la Cour a prorogé jusqu'au 8 septembre 1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 29 avril 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 27 mai 1998.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 30 avril 1998.

Par ordonnance du 27 mai 1998, le président en exercice a désigné le juge R. Henneuse comme membre du siège en remplacement du juge P. Martens, légitimement empêché.

A l'audience publique du 27 mai 1998 : - ont comparu : . Me J. Ghysels, avocat au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes; . Me P. Van Orshoven, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement flamand; . Me V. Thiry, avocat au barreau de Liège, pour le Gouvernement wallon; - les juges-rapporteurs H. Coremans et L. François ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - Requête A.1. Les parties requérantes qui sont propriétaires d'un immeuble loué en tant que maison à chambres, maison d'étudiants ou maison de communauté d'étudiants ou dont une partie est louée comme chambre ou chambre d'étudiants, entrent dans le champ d'application du décret entrepris. L'a.s.b.l. Syndicat national des propriétaires a notamment pour objet la défense du droit de propriété immobilière et la défense des intérêts collectifs des propriétaires. Les parties requérantes justifient par conséquent de l'intérêt requis en droit pour agir en l'espèce devant la Cour.

A.2.1. Le premier moyen est pris de la violation des articles 6, § 1er, IV et VI, et 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles et de la violation de l'Union économique et monétaire belge.

A.2.2. Le décret entrepris ne se limite pas à imposer des normes de qualité et de sécurité mais règle le droit de mettre des chambres (d'étudiants) en location. Semblable réglementation relève du droit civil et ne s'inscrit pas dans la compétence régionale en matière de logement. Cette compétence porte uniquement sur l'établissement de normes générales en matière de logement et non de normes pour la mise en location d'habitations.

A.2.3. L'attestation de conformité, visée aux articles 10 à 15 du décret entrepris, est plus qu'un label de qualité à caractère régional ou local. Elle subordonne le droit de mise en location à un permis préalable et équivaut donc à une condition d'établissement, pour laquelle seule l'autorité fédérale est compétente.

L'imposition d'un permis ne satisfait pas aux conditions de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980. Le contrôle que les régions organisent et qui peut donner lieu à une sanction constitue la clé de voûte des normes prescrites. Il n'est donc pas nécessaire d'instaurer un permis préalable. Cela est corroboré par le constat que des sanctions pénales sont prévues pour le non-respect des normes décrétales et non pour la simple absence d'attestation de conformité.

A.2.4. En disposant aux articles 5 et 10 que le Gouvernement flamand fixe des prix indicatifs pour la location de chambres et que ces prix sont mentionnés dans l'attestation de conformité, la Région flamande mène une politique des prix, qui relève de la seule autorité fédérale.

Les régions ne peuvent s'approprier cette compétence ni en vertu d'une interprétation large des pouvoirs attribués ni en vertu de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980. En outre, la délégation illimitée accordée au Gouvernement flamand pour fixer ces prix indicatifs constitue également une violation des règles répartitrices de compétences (voy. l'arrêt n° 49 du 10 mars 1988).

A.2.5. La réglementation des loyers, le marché locatif et la liberté de contracter relèvent des éléments de base du marché intégré belge, en sorte que le décret entrepris touche à l'union économique et monétaire, matière réservée à l'autorité fédérale. La convergence des prix des biens et des services relève de l'union économique et monétaire.

A.3. Le deuxième moyen est pris de la violation des règles répartitrices de compétences, notamment de l'article 146 de la Constitution. L'article 19 du décret entrepris prévoit en effet une procédure d'apposition et de levée des scellés qui déroge au Code judiciaire, alors que l'organisation judiciaire et le droit judiciaire relèvent de la compétence exclusive de l'autorité fédérale.

A.4. Le troisième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que le décret entrepris établit une distinction, en ses articles 2, 6, 7 et 8, entre la location de chambres et de maisons à chambres, d'une part, et la location de chambres d'étudiants, de maisons d'étudiants et de maisons de communauté d'étudiants, d'autre part.

Le critère de distinction réside dans la circonstance que le locataire a la qualité d'étudiant. Ce critère n'est pas pertinent au regard du but poursuivi par le décret, qui consiste à prévoir des mesures de qualité et de sécurité différenciées pour l'occupation permanente ou temporaire d'une chambre. En effet, rien n'empêche qu'un étudiant habite en permanence dans sa chambre ou que quelqu'un ait temporairement sa résidence principale dans une chambre. Le fait que la chambre soit occupée durant l'année ne permet pas davantage d'ériger la qualité d'étudiant en critère de distinction, étant donné que les étudiants peuvent aussi habiter dans leur chambre pendant les vacances et que les non-étudiants peuvent ne pas habiter dans leur chambre pendant les vacances.

A considérer les effets de la distinction, le critère impose une charge excessive au bailleur. Le locataire qui perd la qualité d'étudiant au cours de l'année académique ne peut plus occuper de chambre d'étudiant et doit, le cas échéant, être expulsé, alors que le bailleur ne retrouvera pas tout de suite un nouvel étudiant locataire.

Par contre, la résidence principale du locataire serait un critère pertinent et proportionné.

A.5. Le quatrième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que le décret entrepris établit à l'article 3 une distinction entre, d'une part, les chambres d'étudiants et les maisons d'étudiants qui, à la date de l'entrée en vigueur du décret, ont été réalisées par des établissements d'enseignement en tant qu'équipements sociaux pour étudiants et grâce aux subventions sociales de la Communauté flamande et, d'autre part, les chambres d'étudiants et maisons d'étudiants qui, à la date de l'entrée en vigueur du décret, ont été réalisées par des particuliers.

Les catégories précitées se trouvent dans des situations comparables.

Or, en ce qui concerne les chambres d'étudiants déjà réalisées, seule la seconde catégorie est soumise à l'application du décret. Cette différence de traitement n'est pas justifiée. Les travaux préparatoires précisent certes que les maisons d'étudiants réalisées par l'autorité ont été construites selon une série de normes de qualité, mais ils ne précisent pas quelles normes sont visées. En outre, les particuliers offrent eux aussi des équipements de qualité.

S'il entre dans les intentions du législateur décrétal d'exonérer les équipements qui offrent déjà une qualité déterminée, le critère de distinction ne devrait pas être le mode de réalisation, mais le fait de répondre à certaines exigences de qualité, toutefois plus restreintes que celles fixées dans le décret. En effet, les équipements réalisés par l'autorité ne sont pas a priori d'une qualité supérieure. Il y a lieu de tenir compte non seulement des critères initiaux, fixés par l'autorité, mais également de l'entretien des bâtiments.

Par conséquent, il n'existe aucun critère de justification objectif et pertinent pour la différence de traitement.

A.6. Le cinquième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution et de l'interdiction d'arbitraire qu'ils contiennent en ce que l'article 3 du décret entrepris exclut du champ d'application les « bâtiments pour lesquels des normes de sécurité ou de qualité spécifiques ont été fixées par une loi, un décret ou un arrêté », sans préciser de quels bâtiments il s'agit.

De nombreuses règles de droit imposent des normes de sécurité et de qualité pour les bâtiments. Le législateur décrétal ne peut pas laisser au justiciable le soin d'en faire un inventaire et de conclure à l'applicabilité ou non du décret. L'un des principes de base de l'Etat de droit est la prévisibilité des règles de droit. Le caractère vague de la définition de la catégorie des bâtiments susceptibles d'être exonérés a pour effet que le champ d'application n'est pas suffisamment déterminé et que le décret peut donner lieu à une application arbitraire et imprévisible.

A.7. Le sixième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution en ce que l'article 2, 10°, du décret entrepris ne considère pas le locataire principal qui sous-loue des chambres comme bailleur au sens du décret. La situation de celui-ci n'est pourtant pas différente de celle du propriétaire, du copropriétaire, de l'usufruitier, de l'emphytéote, du superficiaire ou du mandataire qui donne en location.

Les travaux préparatoires font apparaître la volonté de faire entrer toute forme de location dans le champ d'application du décret. C'est précisément pour cette raison que le terme « personne qui sous-loue » a été remplacé par « fondé de pouvoirs [lire : mandataire] ». Un locataire principal n'agit cependant pas pour le propriétaire, mais en son nom propre, de sorte qu'il n'entre pas dans la notion de « mandataire ».

La différence de traitement, qui a pour conséquence que seul le propriétaire peut être tenu pour responsable sur le plan pénal en cas de non-respect du décret, n'est pas raisonnablement justifiée à la lumière du but et des effets de la mesure.

A.8. Le septième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution en ce que l'article 2, 10°, du décret entrepris vise également la mise à disposition d'une chambre à un membre de la famille vivant sous le même toit. Pareille situation diffère pourtant de la location de chambres à des personnes qui ne sont pas des membres de la famille du propriétaire.

Le décret entend réglementer deux formes d'habitation spécifiques, le logement en chambre et le logement en chambre d'étudiant. Que ce soit voulu ou non, une troisième forme d'habitation entre cependant dans le champ d'application du décret, à savoir la cohabitation de membres de la famille et même la cohabitation de partenaires non mariés. Si la mise à disposition de chambres aux propres enfants peut éventuellement encore être assimilée à une mise à disposition de chambres d'étudiants, il n'en va pas de même de la mise à disposition d'une chambre à un parent éventuellement nécessiteux ou isolé ou à un autre membre de la famille. Il s'agit de formes d'habitation très différentes, qui nécessitent une réglementation distincte.

Ce traitement égal de situations essentiellement différentes n'est pas objectivement et raisonnablement justifié. Il ressort des travaux préparatoires que l'article 2, 10°, a été conçu pour lutter contre les abus qui existeraient dans le secteur de la location classique de chambres et non pour soumettre au décret d'autres formules que la location de chambres d'étudiants ou la location de chambres ordinaires. Il n'est donc donné aucune justification pour l'assimilation de ces trois formes d'habitation précitées.

A.9. Le huitième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution en ce que l'article 17 du décret entrepris impose une amende disproportionnée en comparaison des amendes prévues dans des matières comparables.

L'amende prévue en cas d'infraction au décret entrepris peut atteindre 2.000.000 de francs, alors qu'une infraction au Code du logement, également approuvé récemment par le Parlement flamand, peut entraîner une amende de maximum 80.000 francs. Le fait de sanctionner différemment les loueurs de chambres et les loueurs d'habitations viole les articles 10 et 11 de la Constitution.

A.10. Le neuvième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution en ce que le décret entrepris, en son article 4, 4°, établit une différence de traitement entre, d'une part, les loueurs de chambres qui sont chauffées par un chauffage central, par des appareils électriques ou des appareils étanches à l'air fonctionnant au gaz avec cheminée ou évacuation par la façade, et d'autre part, les loueurs de chambres qui sont chauffées au moyen de poêles, de radiateurs au mazout ou d'appareils similaires.

Les chambres de la dernière catégorie ne sauraient satisfaire aux normes, bien que les sources de chaleur ne soient ni insuffisantes ni dangereuses. En effet, ce n'est pas parce qu'une chambre est chauffée au moyen d'un poêle à charbon, par exemple, qu'il y aurait un plus grand risque d'incendie. Par ailleurs, des appareils au gaz peuvent également provoquer des accidents graves. Les travaux préparatoires ne justifient pas cette distinction.

Mémoire du Gouvernement flamand A.11. En tant que les parties requérantes qui sont des personnes morales ne produisent pas à la première demande la preuve de la publication de leurs statuts aux annexes du Moniteur belge et la preuve que leurs organes compétents ont pris la décision d'introduire le recours en annulation dans les délais et selon les règles de l'art, leur recours est irrecevable.

En ce qui concerne l'intérêt des parties requérantes qui sont des personnes physiques, leurs titres de propriété ne prouvent pas que leurs bâtiments comprennent des chambres (d'étudiants) mises en location ou louées ou des chambres analogues, ni que ces chambres ne satisfont pas aux conditions minimales imposées par le décret.

S'agissant de l'intérêt de l'a.s.b.l. Syndicat national des propriétaires, l'objet social évoqué dans la requête en annulation revient à défendre des intérêts certes communs mais de toute façon individuels des membres de cette association.

A.12.1. En ce qui concerne le premier moyen, le décret puise principalement son titre de compétence dans l'article 6, § 1er, IV, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, aux termes duquel les régions sont compétentes pour le logement et la police des habitations qui constituent un danger pour la propreté et la salubrité publiques. Etant donné que les objectifs du décret concernent l'assainissement de quartiers défavorisés et souvent délabrés ainsi que la lutte contre l'exclusion, il peut aussi être renvoyé à la compétence régionale attribuée par l'article 6, § 1er, I, de la même loi spéciale en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire, cependant que les communautés, en vertu de l'article 5, § 1er, II, 2°, sont également responsables de la politique d'aide sociale.

Renvoyant tant à des avis du Conseil d'Etat qu'à des arrêts de la Cour, le Gouvernement flamand conclut qu'il n'y avait pas lieu en l'espèce de recourir à l'article 10 de la loi spéciale, en sorte que cette disposition ne saurait pas davantage être violée.

A.12.2. En tant qu'il part du principe que l'attestation de conformité subordonne l'exercice du droit de location à une autorisation préalable et s'analyse donc comme une condition d'établissement, le moyen est fondé sur une lecture erronée du décret et manque en fait.

Le décret interdit uniquement la mise en location d'une habitation ou de chambres qui ne satisfont pas aux normes de qualité prescrites sans qu'une attestation de conformité valable puisse être produite, ce qui signifie que deux conditions doivent être remplies cumulativement. Nul ne peut donc être sanctionné parce qu'il n'est pas en mesure de produire une attestation de conformité; cette sanction n'est possible que si la chambre en question ne satisfait pas aux normes. Les travaux préparatoires le confirment.

A.12.3. Le moyen manque également en fait en tant qu'il part du principe que le décret entrepris prévoit des mesures en matière de politique des prix, qui, aux termes de l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 3°, de la loi spéciale, relèvent de la compétence réservée à l'autorité fédérale.

En premier lieu, un loyer indicatif n'a aucune force obligatoire, en sorte que le décret n'impose ni directement ni indirectement un loyer déterminé, ni a fortiori une modération de ce loyer, élément qui est nécessaire pour qu'on puisse parler de politique des prix. Les loyers indicatifs doivent permettre aux locataires de mieux apprécier la qualité des chambres, matière pour laquelle le législateur décrétal est indéniablement compétent.

Pour le surplus, la réserve de compétence fédérale en matière de politique des prix signifie seulement que l'autorité régionale, dans l'exercice de ses pouvoirs, doit prendre en compte la politique générale des prix menée par l'autorité fédérale. En l'espèce, il ne saurait y avoir de problème puisque le législateur décrétal n'a pas déterminé de tarif et qu'il n'est pas encore question d'une politique fédérale en matière de loyers.

Enfin, la règle litigieuse, à supposer qu'elle ait une incidence indirecte sur les loyers, ne pourrait poser problème pour ce qui est de la répartition des compétences que si elle entravait excessivement l'autorité fédérale dans la gestion de la politique des prix qui lui a été confiée, ce qui n'est pas le cas.

A.12.4. Le Gouvernement flamand ne voit pas en quoi le décret entrepris porterait atteinte à l'« union économique et monétaire belge ». En effet, il pourrait difficilement être fait obstacle à une circulation des biens, dès lors que les biens concernés sont par hypothèse des biens immeubles.

A.12.5. Le moyen manque également en fait en tant qu'il reproche au législateur décrétal d'avoir délégué sa compétence au pouvoir exécutif, étant donné que le décret contient bel et bien des règles propres et ne constitue pas un décret-cadre qui contiendrait uniquement des objectifs et déléguerait toute législation matérielle au pouvoir exécutif.

A cet égard aussi, le moyen est non fondé puisqu'aucune disposition constitutionnelle ou législative ne contient un principe de légalité qui interdirait au législateur décrétal de confier des missions en matière de logement au gouvernement régional ou communautaire concerné, a fortiori lorsqu'il s'agit de simples modalités d'exécution d'une règle qui a, dans son essence, été édictée par le législateur décrétal lui-même. Il en découle que l'article 78 de la loi spéciale du 8 août 1980 reste pleinement applicable dans ce domaine, si bien que le Gouvernement peut effectivement se voir assigner des missions.

A.13. Le deuxième moyen est irrecevable en tant qu'il dénonce la violation de l'article 146 de la Constitution. Le moyen manque en fait en tant que les parties requérantes partent du principe qu'a été édictée une règle qui complète ou se substitue à des dispositions du Code judiciaire portant sur l'apposition des scellés et que l'article 19 du décret entrepris réglerait l'organisation ou la compétence judiciaire.

A.14. En ce qui concerne le troisième moyen, le traitement inégal allégué pourrait uniquement conduire à l'annulation des normes de faveur, laquelle serait sans intérêt pour les parties requérantes. Les normes spécifiques applicables aux chambres d'étudiant sont justifiées par le caractère temporaire et à temps partiel du logement dans de telles chambres. Il est vrai que la catégorie des étudiants ne correspond à la réalité que de manière simplificatrice et approximative, mais elle se base sur un critère connu et facile à utiliser. Lorsque le locataire perd sa qualité d'étudiant, l'ex-chambre d'étudiant doit satisfaire aux conditions plus rigoureuses d'une chambre à louer ordinaire, en sorte que le moyen manque également en fait. La proposition des parties requérantes consistant à remplacer le critère d'« étudiant » par celui de « résidence principale » relève de l'opportunité, ce qui excède la compétence de la Cour.

A.15. Le quatrième moyen est lui aussi irrecevable à défaut d'intérêt.

En effet, aucun des requérants n'est affecté directement et défavorablement par les normes préférentielles édictées pour des personnes autres qu'eux-mêmes. L'application de l'adage cessante ratione legis, cessat dispositio ne saurait violer le principe d'égalité. Il serait absurde d'imposer à nouveau des normes de qualité pour des chambres qui doivent déjà y satisfaire ou qui y répondent de facto. Etant donné que l'exception attaquée au moyen est temporaire, elle peut difficilement être considérée comme manifestement déraisonnable.

A.16. Le cinquième moyen est lui aussi irrecevable à défaut d'intérêt du fait qu'il critique un avantage dont bénéficient d'autres personnes que les parties requérantes en vertu des dispositions entreprises, dont l'annulation n'apporterait rien aux parties requérantes. Il s'agit à nouveau d'une application de l'adage dont il est question au A.15 et donc du principe de proportionnalité. Il serait absurde d'imposer des normes de qualité aux chambres qui doivent déjà y répondre pour d'autres motifs. Pour ce qui est de la définition vague de cette catégorie dérogatoire, les propriétaires concernés seront sans aucun doute au courant d'éventuelles normes de qualité particulières, en sorte qu'une énumération est superflue et risque même d'être incomplète.

A.17. Le sixième moyen est lui aussi irrecevable à défaut d'intérêt des parties requérantes à l'annulation de la disposition que critique ce moyen : la circonstance que les personnes qui sous-louent se trouveraient dans une situation plus favorable que la leur peut difficilement les affecter défavorablement. Le moyen n'est pas fondé, car il est superflu de rendre un locataire principal responsable du respect des normes qui doivent, par hypothèse, déjà être observées par le bailleur principal. En outre, le traitement inégal est justifié par la circonstance que le bailleur principal est mieux placé que la personne qui sous-loue pour remédier aux vices constatés.

A.18. Le septième moyen est irrecevable puisque les parties requérantes n'ont pas intérêt à l'annulation de la disposition attaquée au moyen, à moins de démontrer que leur situation relève de l'hypothèse visée. Le moyen manque en fait puisque l'interprétation extensive faite par les parties requérantes est contraire à l'objectif poursuivi par le législateur décrétal, tandis que l'on peut et que l'on doit opter pour une interprétation conforme à la Constitution. En outre, une chambre qui est, gratuitement ou non, mise à la disposition d'un « membre de la famille vivant sous le même toit » peut tout aussi bien répondre à des normes de qualité élémentaires.

A.19. Le huitième moyen est irrecevable étant donné que la hauteur de la sanction pénale maximale, a fortiori lorsque l'on laisse au juge une marge d'appréciation très large, relève de la pure opportunité, ce qui échappe à la censure de la Cour. Le moyen n'est pas fondé étant donné que le maximum de l'amende se justifie par le caractère lucratif de l'infraction.

A.20. Le neuvième moyen est uniquement recevable dans la mesure où les parties requérantes démontrent qu'elles mettent en location une chambre équipée d'un poêle à charbon, ou d'un chauffage au pétrole ou au mazout. Pour ce qui est du bien-fondé du moyen, chacun sait que les poêles précités offrent moins de garanties en matière de protection contre l'incendie et sont responsables de tous les cas d'intoxication au monoxyde de carbone dus à des appareils de chauffage. Le traitement inégal dénoncé n'est donc pas manifestement injustifié.

Mémoire du Gouvernement wallon A.21. Par son mémoire, le Gouvernement wallon déclare intervenir dans l'affaire et s'en remettre provisoirement à la sagesse de la Cour, sous réserve d'autres prises de position dans un mémoire en réponse.

Mémoire en réponse des parties requérantes A.22. En vertu de l'article 2 de l'arrêté du Gouvernement flamand du 11 décembre 1985, le Gouvernement flamand ne peut être valablement représenté que par un seul ministre, de l'accord des autres ministres compétents. Etant donné qu'il n'est pas fait mention d'un accord avec le ministre qui est compétent pour l'aménagement du territoire, ni d'une désignation conforme à l'article 4 de l'arrêté du Gouvernement, le ministre compétent pour le logement ne dispose pas de la capacité d'agir requise et le mémoire du Gouvernement flamand est irrecevable.

A.23. S'agissant de la recevabilité du recours introduit par des personnes morales, la s.p.r.l. De Berkenheem et la s.p.r.l. Devos ont produit à la Cour la décision d'introduire un recours.

Pour ce qui est de l'intérêt, certaines des parties requérantes produisent les baux existants pour la location de chambres ou de chambres d'étudiants, démontrant de la sorte qu'elles sont défavorablement affectées par les conditions limitatives en matière de location. Il suffit d'ailleurs que les parties requérantes soient susceptibles d'être affectées directement et défavorablement dans leur situation juridique. Elles doivent donc uniquement démontrer qu'elles sont propriétaires d'un bien immobilier affecté au logement pour qu'il puisse être question d'un intérêt suffisant. Pour ce qui est de l'intérêt de l'a.s.b.l. Syndicat national des propriétaires, il est renvoyé à l'arrêt n° 9/96 de la Cour.

A.24.1. En ce qui concerne le premier moyen, le Conseil d'Etat a reconnu dans un avis récent que le droit de mettre en location et la relation contractuelle entre preneur et bailleur relèvent des compétences résiduaires de l'Etat (Doc., Parlement flamand, 1996-1997, n° 717/1, p.24). En instaurant, par le biais de l'attestation de conformité, un permis en vue de la mise en location, le législateur décrétal empiète sur la compétence de l'autorité fédérale. Le Gouvernement flamand reconnaît ne pas avoir invoqué l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 et estime par conséquent que l'intervention dans le droit locatif n'est pas nécessaire pour exercer les compétences en matière de logement, d'aménagement du territoire et d'économie.

A.24.2. L'attestation de conformité est un permis. La thèse du Gouvernement flamand selon laquelle le bailleur dont les chambres ne satisfont pas aux normes imposées ne peut pas être poursuivi s'il est en possession d'une attestation de conformité ne peut être suivie. En effet, en vertu de l'article 159 de la Constitution, le juge devra, le cas échéant, ignorer une attestation illégale.

A.24.3. Eu égard à l'affichage et aux mentions obligatoires que prévoit le décret, le loyer indicatif sera déterminant pour le loyer effectif. Par ailleurs, le Gouvernement flamand reconnaît que la qualité du logement est influencée par le rapport entre la qualité et le prix.

A.24.4. L'union économique et monétaire n'implique pas seulement la libre circulation des biens, mais également un marché intégré. Tant la réglementation des loyers que le marché locatif et la liberté de contracter sont des éléments de base du marché intégré belge. En outre, il y a la libre circulation des services. Lorsque la formation des prix d'un service n'est réglementée que dans une seule entité de l'union, il peut en résulter un glissement du marché.

A.24.5. La mission du Gouvernement va au-delà de l'exécution du décret. Elle inclut la réglementation d'aspects substantiels.

A.25. Le deuxième moyen est recevable. La circonstance que la compétence du juge de paix en matière d'apposition de scellés relèverait de sa juridiction gracieuse n'y change rien. La compétence juridictionnelle relève des tâches du législateur fédéral et inclut également la « juridiction gracieuse ». Par ailleurs, le juge de paix fait partie de l'organisation judiciaire.

Les dispositions du Code judiciaire relatives à l'apposition des scellés sont également applicables aux chambres et chambres d'étudiant données en location par les époux, auteurs ou copropriétaires.

A.26. En ce qui concerne le troisième moyen, la constatation que le critère de distinction n'est pas pertinent aurait pour conséquence que les normes prévues pour les chambres d'étudiant doivent s'appliquer à toutes les chambres. En cas d'annulation, le législateur décrétal devra à tout le moins se prononcer à nouveau sur les normes à appliquer. Les parties requérantes ne demandent pas à la Cour d'apprécier l'opportunité mais bien le caractère raisonnable.

A.27. Pour ce qui est du quatrième moyen, la disposition entreprise est susceptible d'être défavorable aux parties requérantes du fait qu'elle crée une distorsion de concurrence. Si les chambres des établissements d'enseignement répondent aux normes décrétales, il s'agit d'une disposition superflue. Si ces chambres sont soumises à d'autres normes, on ne voit pas pourquoi ces normes ne pourraient s'appliquer aux chambres d'étudiant du secteur privé.

A.28. S'agissant du cinquième moyen, le champ d'application du décret peut créer une situation imprévisible et imprécise pour ce qui est des normes devant être respectées. Le Gouvernement flamand dit que le propriétaire doit être au courant des régimes spécifiques relatifs aux normes de qualité, mais il ne précise pas ces catégories dérogatoires.

A.29. En ce qui concerne le sixième moyen, les parties requérantes soulignent qu'un propriétaire qui loue sa maison peut être obligé de transformer sa maison en une « maison à chambres » si le locataire sous-loue des chambres de la maison.

A.30. En ce qui concerne le septième moyen, il ressort de la réponse du Gouvernement flamand que la distinction entre loger dans une chambre et habiter dans une maison résiderait dans la circonstance que le logement n'est pas limité à une seule chambre. Voilà qui soulève des questions concernant l'objet du décret. Si l'on ne précise pas quelles parties de la maison sont visées, l'application du décret est arbitraire.

A.31. Pour ce qui est du huitième moyen, le Gouvernement flamand ne répond pas aux questions relatives à la proportionnalité des amendes en comparaison des amendes prévues par le Code du logement.

A.32. En ce qui concerne le neuvième moyen, il n'est pas expliqué pourquoi tous les appareils au gaz ne sont pas interdits. La justification du traitement inégal, avancée par le Gouvernement flamand, n'est pas pertinente.

Mémoire en réponse du Gouvernement wallon A.33. Le Gouvernement wallon formule des réserves en ce qui concerne la recevabilité du recours en tant qu'il est introduit par des personnes morales et se rallie en outre aux exceptions d'irrecevabilité pour défaut d'intérêt soulevées par le Gouvernement flamand.

A.34.1. Par référence à la jurisprudence de la Cour et aux avis du Conseil d'Etat, le Gouvernement wallon soutient que la compétence en matière de logement comprend les normes en matière de sécurité, de santé et d'habitabilité. La loi spéciale ne limite pas la compétence du législateur décrétal à certains types de logements. Il en découle que l'autorité fédérale n'est pas compétente en la matière, même si cela implique une restriction de sa compétence en matière de droit civil et en particulier en matière de législation sur les loyers.

A.34.2. Le pouvoir d'édicter des normes en matière de sécurité, de santé et d'habitabilité comprend celui d'en régler le respect, même si cela implique une restriction de la libre circulation des biens et la restriction d'autres libertés ou droits. Sans préjudice de l'article 11 de la loi spéciale du 8 août 1980, les régions peuvent prévoir des sanctions civiles.

A.34.3. En édictant une disposition qui soumet la location à un permis préalable, le législateur décrétal a en tout état de cause satisfait aux conditions prévues par l'article 10 de la loi spéciale précitée.

Le Gouvernement wallon ne voit pas en quoi le décret entrepris établirait une condition d'accès à la profession.

A.34.4. En tant que le premier moyen concerne l'union économique et monétaire ainsi que la politique des prix, le Gouvernement wallon se rallie au mémoire du Gouvernement flamand.

A.35. Le deuxième moyen est irrecevable étant donné que l'article 146 de la Constitution ne relève pas des dispositions que la Cour peut faire intervenir dans son contrôle. En outre, le moyen manque en fait puisque l'article 19 est étranger à la procédure d'apposition des scellés telle qu'elle est organisée par le Code judiciaire.

A.36. Les autres moyens sont relatifs à l'opportunité. La Cour ne peut se prononcer à cet égard que si la mesure est manifestement disproportionnée au but poursuivi. Pareille disproportion n'est pas prouvée en l'espèce. - B - Quant à la recevabilité En ce qui concerne la recevabilité du mémoire du Gouvernement flamand B.1.1. Les parties requérantes contestent la recevabilité du mémoire du Gouvernement flamand et renvoient à cet égard à l'article 2 de l'arrêté du Gouvernement flamand du 11 décembre 1985 « portant désignation des membres du Gouvernement flamand, poursuites et diligences desquels sont exercées les actions de la Communauté flamande ou de la Région flamande ». Etant donné que le titre de compétence du décret entrepris est à la fois - selon le mémoire du Gouvernement flamand lui-même - le logement et l'aménagement du territoire, mais qu'il n'est pas fait mention d'un accord avec le ministre compétent pour l'aménagement du territoire, ni d'une désignation au sens de l'article 4 de l'arrêté susdit du Gouvernement, le ministre compétent pour le logement ne disposerait pas, conformément à la disposition citée, de la capacité nécessaire pour exercer une action de sa propre initiative au nom du Gouvernement flamand.

B.1.2. L'article 2 de l'arrêté précité énonce : « Les actions dans lesquelles la Communauté flamande et la Région flamande agissent en tant que défendeur concernant les matières qui sont de la compétence [...] de plusieurs membres du Gouvernement flamand sont exercées, poursuites et diligences d'un d'entre eux, après concertation.

A défaut d'accord, l'action est exercée, poursuites et diligences du membre désigné conformément à l'article 4 du présent arrêté. » L'article 4 de cet arrêté énonce : « Toute autre action dans laquelle la Communauté flamande et la Région flamande interviennent en tant que défendeur ou demandeur est exercée, poursuites et diligences d'un membre du Gouvernement flamand qui est désigné, cas par cas, par ce Gouvernement. » B.1.3. Etant donné que l'exception soulevée ne peut être fondée que si le décret entrepris touche notamment à l'aménagement du territoire, l'examen de la recevabilité du mémoire du Gouvernement flamand se confond avec celui de la compétence de la Région flamande en ce qui concerne le décret entrepris.

En ce qui concerne la capacité d'agir des parties requérantes qui sont des personnes morales B.2.1. Le Gouvernement flamand et le Gouvernement wallon estiment que le recours est irrecevable dès lors que les parties requérantes qui sont des personnes morales ne produisent pas à la première demande la preuve de la publication de leurs statuts aux annexes du Moniteur belge et la preuve que leurs organes compétents ont décidé dans les délais et de façon régulière d'introduire le recours en annulation.

B.2.2. L'article 7, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 dispose : « Si le recours est introduit ou l'intervention est faite par une personne morale, cette partie produit, à la première demande, la preuve, selon le cas, de la publication de ses statuts aux annexes du Moniteur belge, ou de la décision d'intenter ou de poursuivre le recours ou d'intervenir. » Ces exigences doivent entre autres permettre à la Cour de vérifier si la décision d'introduire le recours a été prise par l'organe compétent de la personne morale.

B.2.3. Les pièces qui ont été déposées en annexe à la requête ou ultérieurement sur invitation écrite du greffe font apparaître que les conditions de l'article 7, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sont remplies, sauf pour ce qui est de la société civile Het Zeel et la s.a. Immo Tess.

La s.a. Immo Tess a uniquement produit ses statuts. La société civile Het Zeel n'a produit ni ses statuts ni la décision d'introduire le recours. La Cour ne peut donc apprécier si la décision d'introduire un recours a été prise par l'organe compétent.

B.2.4. La s.p.r.l. De Berkenheem et la s.p.r.l. Devos ont, il est vrai, produit à la Cour une décision d'introduire le recours, mais celle-ci émane dans les deux cas de l'assemblée générale. A défaut d'une extension statutaire des compétences de l'assemblée générale des sociétés respectives, la Cour constate que les décisions d'ester en justice n'ont pas été prises par l'organe compétent.

B.2.5. En tant qu'il est introduit par la société civile Het Zeel, la s.a. Immo Tess, la s.p.r.l. De Berkenheem et la s.p.r.l. Devos, le recours est irrecevable.

B.3.1. Le Gouvernement wallon soutient que l'a.s.b.l. Syndicat national des propriétaires ne possède pas la capacité requise pour ester en justice en tant qu'association dotée de la personnalité juridique, étant donné qu'elle ne produit pas la preuve du respect des obligations en matière de publicité fixées par les articles 9, 10 et 11 de la loi du 27 juin 1921Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/06/1921 pub. 19/08/2013 numac 2013000498 source service public federal interieur Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer relative aux associations sans but lucratif.

B.3.2. L'association sans but lucratif requérante n'a pas, avant la clôture des débats, produit la preuve qu'elle a, conformément à l'article 10 de la loi du 27 juin 1921Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/06/1921 pub. 19/08/2013 numac 2013000498 source service public federal interieur Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, déposé la liste de ses membres au greffe du tribunal civil.

B.3.3. En tant qu'il est introduit par l'a.s.b.l. Syndicat national des propriétaires, le recours n'est pas recevable.

Quant à l'intérêt B.4.1. Le Gouvernement flamand et le Gouvernement wallon soutiennent qu'aucune des parties requérantes ne justifie de l'intérêt requis pour demander l'annulation du décret entrepris. Ils font valoir que les particuliers ne sont pas directement et défavorablement affectés par le décret entrepris. Leurs titres de propriété ne prouveraient pas que leurs bâtiments consistent en des chambres (pour étudiants) mises en location ou données en location ou comprennent de telles chambres, ni que ces chambres ne satisfont pas aux conditions minimales prévues par le décret.

B.4.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme entreprise.

B.4.3. Les propriétaires d'un bâtiment qui est ou peut être mis en location ou mis à disposition comme maison à chambres, maison d'étudiants ou maison de communauté d'étudiants ou dont une partie est ou peut être mise en location comme chambre ou chambre d'étudiant peuvent être affectés directement et défavorablement par un décret qui soumet la location de telles habitations et chambres à certaines normes de qualité et de sécurité.

B.4.4. L'exception ne peut être accueillie.

Quant au fond En ce qui concerne le décret entrepris B.5. Le décret entrepris vise à imposer des normes de qualité et de sécurité pour les chambres d'étudiants et les autres chambres louées ou mises en location.

Par chambre d'étudiant, le décret entend toute chambre individuelle dans une maison d'étudiants ou dans une maison de communauté d'étudiants (article 2, 7°). Une maison d'étudiants est tout bâtiment ou partie de bâtiment dans lequel une ou plusieurs chambres sont mises en location ou qui sont louées à un ou plusieurs étudiants, y compris les espaces communs (article 2, 5°). Une maison de communauté d'étudiants est tout bâtiment ou partie de bâtiment qui est intégralement loué par une ou plusieurs personnes et sous-loué à un ou plusieurs étudiants (article 2, 6°). Par étudiant, le décret entend toute personne inscrite dans une institution d'enseignement en vue d'une formation (article 2, 11°).

Au sens du décret, une chambre est toute chambre dans une maison à chambres destinée au ou faisant office de logement d'un ou de plusieurs locataires et qui n'est pas une chambre d'étudiant (article 2, 3°). Une maison à chambres est tout bâtiment comprenant une ou plusieurs chambres mises en location ou louées, et, le cas échéant, les espaces communs, et qui n'est pas une maison d'étudiants ou une maison de communauté d'étudiants (article 2, 4°).

Outre une série de dispositions communes relatives à la hauteur minimale, aux possibilités d'éclairage et d'aération, à l'équipement sanitaire, au chauffage et à la vie privée (article 4), le décret contient des normes spécifiques, mutuellement dérogatoires, pour les chambres (articles 6 et 7) et les chambres d'étudiants (article 8).

Les communes peuvent prévoir des normes complémentaires sous le contrôle du Gouvernement flamand (article 9).

L'article 10, § 1er, alinéa 1er, du décret entrepris dispose que la conformité des chambres, chambres d'étudiants, maisons à chambres, maisons d'étudiants et maisons de communauté d'étudiants aux normes en question est fixée dans une attestation de conformité, dont le modèle est déterminé par le Gouvernement flamand. Les articles 11 à 15 du décret entrepris règlent l'octroi, la péremption et le retrait de cette attestation de conformité.

Le Gouvernement flamand fixe des loyers indicatifs pour la location de chambres dans des maisons à chambres, maisons d'étudiants et maisons de communauté d'étudiants, compte tenu de la qualité, de la superficie, des équipements et de la localisation (article 5).

L'attestation de conformité mentionne le loyer indicatif (article 10, § 1er, alinéa 2).

Les chambres et chambres d'étudiants qui ne remplissent pas les normes de qualité et de sécurité sont soumises à la « redevance » visant à lutter contre la désaffectation et la dégradation (article 16). Les bailleurs de telles chambres ou chambres d'étudiants sont passibles d'une amende de 100 à 100.000 francs s'ils ne sont pas en mesure de produire une attestation de conformité (article 17).

Les articles 18 à 21 confèrent au bourgmestre et aux fonctionnaires régionaux des missions et compétences en matière de contrôle du respect du décret.

Quant aux dispositions répartitrices de compétences Premier moyen B.6. Les parties requérantes demandent l'annulation totale ou partielle du décret entrepris pour cause de violation des articles 6, § 1er, IV et VI, et 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles et pour cause de violation de l'union économique et monétaire belge. Leur critique à cet égard porte toutefois uniquement sur les articles 5, 10 à 15 et 19 du décret. La Cour limite dès lors son examen à ces dispositions.

B.7.1. En vertu de l'article 6, § 1er, IV, de la loi spéciale précitée, « le logement et la police des habitations qui constituent un danger pour la propreté et la salubrité publiques » sont des matières régionales.

B.7.2. Les parties requérantes reconnaissent que la Région flamande est compétente, en vertu de cette disposition, pour fixer des normes de qualité et de sécurité pour les habitations. Elles estiment toutefois que le décret entrepris n'impose pas des normes générales en matière d'habitations, mais bien des normes pour la location d'habitations. Une telle réglementation relèverait du droit civil et ne ressortirait donc pas à la compétence de la Région flamande.

B.7.3. Le Constituant et le législateur spécial, dans la mesure où ils n'en disposent pas autrement, ont attribué aux communautés et aux régions toute la compétence d'édicter les règles propres aux matières qui leur ont été transférées. Par l'article 6, § 1er, IV, précité, la matière du logement et de la police des habitations qui constituent un danger pour la propreté et la salubrité publiques a été transférée aux régions dans son ensemble.

D'une part, le législateur décrétal est en principe libre d'exercer ses compétences à l'égard des catégories de logements qu'il détermine, en l'espèce les chambres, chambres d'étudiants, maisons à chambres, maisons d'étudiants et maisons de communauté d'étudiants louées ou mises en location. D'autre part, l'exercice de ces compétences ne porte pas atteinte au pouvoir de l'autorité fédérale de régler les rapports contractuels entre le preneur et le bailleur lors de la location d'un bien, l'incidence des dispositions en cause sur le régime contractuel demeurant de la compétence de cette autorité.

B.8.1. Selon les parties requérantes, l'attestation de conformité visée aux articles 10 à 15 subordonne le droit de mise en location à un permis préalable et équivaut donc à une condition d'établissement, pour laquelle seule l'autorité fédérale est compétente.

B.8.2. La compétence réservée au législateur fédéral, par l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980, de régler les conditions d'accès à la profession comprend notamment le pouvoir de fixer des règles relatives à l'accès à certaines professions, à l'implantation d'établissements commerciaux, aux exigences de capacités propres à l'exercice de certaines professions ou à la protection de titres professionnels.

B.8.3. L'attestation de conformité contestée par les requérants n'est pas une condition de mise en location et n'est pas une condition d'établissement; ainsi qu'il ressort des articles 17 et 19 du décret, cette attestation préserve de sanction pénale ou d'apposition de scellés le bailleur d'une chambre, chambre d'étudiant, maison à chambres, maison d'étudiants ou maison de communauté d'étudiants dont il est constaté qu'elles ne satisfont pas aux normes de sécurité et de qualité. Les articles 10 à 15 n'ont donc pas la portée que les requérants leur attribuent et ne violent pas la compétence du législateur fédéral.

Cette constatation n'est pas contredite par l'hypothèse selon laquelle une attestation de conformité irrégulière serait ignorée par le juge, et ce en vertu de l'article 159 de la Constitution. Semblable hypothèse pourrait uniquement affaiblir la signification de l'attestation de conformité en tant que document servant à préserver d'une sanction, mais n'implique pas qu'il pourrait de ce fait être question d'une condition d'établissement ou d'accès à la profession.

B.9.1. En disposant aux articles 5 et 10 du décret que le Gouvernement flamand établit des prix indicatifs pour la location de chambres et que ces prix indicatifs doivent être mentionnés dans l'attestation de conformité, la Région flamande mènerait, selon les parties requérantes, une politique des prix, pour laquelle seule l'autorité fédérale est compétente. De surcroît, la délégation illimitée accordée au Gouvernement flamand pour fixer les loyers indicatifs méconnaîtrait la compétence du législateur fédéral.

B.9.2. En vertu de l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980, l'autorité fédérale est compétente pour la politique des prix. Cette réserve de compétence ne peut cependant aller jusqu'à enlever aux régions la compétence de fixer des montants indicatifs dans des matières qui leur ont été attribuées.

En l'espèce, le décret n'habilite le Gouvernement de région qu'à fixer des prix indicatifs pour la location de chambres dans des maisons à chambres, des maisons d'étudiants et des maisons de communauté d'étudiants, compte tenu de la qualité, de la superficie, des équipements et de la localisation (article 5). En vertu de l'article 10, ce loyer indicatif doit être mentionné dans l'attestation de conformité. Le loyer indicatif ne lie pas les parties et ne présente donc pas le caractère d'une mesure contraignante de politique des prix.

B.9.3. En habilitant le Gouvernement à fixer de tels loyers indicatifs, le législateur régional n'a pas porté atteinte à la compétence fédérale et il ne peut être réputé avoir habilité le Gouvernement à intervenir dans la sphère de compétence de l'autorité fédérale.

B.10.1. Selon les parties requérantes, le décret attaqué porte atteinte à l'union économique et monétaire, matière réservée à l'autorité fédérale en vertu de l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980.

B.10.2. Bien que le susdit article 6, § 1er, VI, alinéa 3, s'inscrive dans l'attribution de compétences aux régions en ce qui concerne l'économie, cette disposition traduit la volonté expresse du législateur spécial de maintenir une réglementation de base uniforme de l'organisation de l'économie dans un marché intégré.

B.10.3. Les parties requérantes font certes valoir que la réglementation des loyers, le marché locatif et la liberté contractuelle font partie des éléments de base du marché intégré belge, que « la convergence des prix des biens et services » relève de l'union économique et que la formation des prix d'un service peut entraîner un glissement du marché dans une seule entité de l'union, mais elles n'indiquent pas en quoi la réglementation de base uniforme de l'organisation de l'économie dans un marché intégré pourrait être compromise. En tout état de cause, des loyers indicatifs, qui ne sont que l'expression d'une estimation par l'autorité et qui ne lient pas les parties en cause dans l'élaboration de leur contrat, ne portent pas atteinte au cadre normatif général de l'union économique, tel qu'il est fixé par la loi ou en vertu de celle-ci.

B.11. Le moyen ne peut être accueilli dans aucune de ses branches.

Deuxième moyen B.12.1. Les parties requérantes font valoir que « les règles qui déterminent les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions, en particulier l'article 146 de la Constitution » sont violées en ce que l'article 19 entrepris prévoit une procédure d'apposition et de levée des scellés qui déroge à celle du Code judiciaire, alors que l'organisation judiciaire et le droit judiciaire relèvent de la compétence exclusive de l'autorité fédérale.

B.12.2. L'article 19 du décret entrepris énonce : « Le bourgmestre et les fonctionnaires régionaux, visés à l'article 15, apposent les scellés sur les chambres mises en location ou louées qui ne répondent pas aux normes de sécurité et de qualité des articles 4, 6 et 7 et sur les chambres d'étudiant mises en location ou louées qui ne répondent pas aux normes de sécurité et de qualité des articles 4 et 8, lorsque le bailleur est incapable de produire une attestation de conformité valable.

Lorsque l'apposition de scellés entraîne l'expulsion impérative, le bourgmestre prend les initiatives nécessaires en vue d'un relogement des habitants concernés.

Dans les dix jours après l'apposition des scellés, le bailleur peut former un recours contre cette décision auprès de la Députation permanente. La Députation permanente juge le recours dans les soixante jours suivants. Ce recours n'a aucun effet suspensif. » L'apposition des scellés, prévue par cette disposition, est une mesure de sécurité à caractère administratif qui ne présente aucun rapport, ni avec l'organisation judiciaire ni avec une mesure conservatoire ou exécutoire dans un litige judiciaire entre des parties.

B.12.3. Le moyen ne peut être retenu.

Quant à la recevabilité du mémoire du Gouvernement flamand B.13. Dès lors qu'il est démontré que la matière réglée par le décret entrepris, dans les limites des moyens invoqués, trouve un fondement de compétence suffisant dans l'article 6, § 1er, IV, de la loi spéciale du 8 août 1980, le mémoire du Gouvernement flamand est recevable (voy. B.1.3).

Quant aux articles 10 et 11 de la Constitution Troisième moyen B.14.1. Les parties requérantes invoquent la violation des articles 10 et 11 de la Constitution en ce que le décret entrepris établit, en ses articles 2, 6, 7 et 8, une distinction entre la location de chambres et de maisons à chambres, d'une part, et la location de chambres d'étudiants, de maisons d'étudiants et de maisons de communauté d'étudiants, d'autre part.

B.14.2. L'article 2 définit ce que le décret entend par chambre, maison à chambres, maison d'étudiant, maison de communauté d'étudiants et chambre d'étudiant (B.5).

Les articles 6 et 7 contiennent des normes spécifiques pour les chambres : « Une chambre qui ne dispose pas d'équipements permettant de cuisiner, ni d'un bain ou d'une douche, a une superficie d'au moins 12 m2 lorsqu'elle est occupée par une seule personne. Cette superficie est agrandie de 6 m2 par personne supplémentaire.

Les locataires des chambres visées au premier alinéa disposent dans les espaces communs, dans une proportion par rapport au nombre de chambres de la maison à chambres à fixer par le Gouvernement flamand, d'équipements permettant de cuisiner, et d'un bain ou d'une douche. Le Gouvernement flamand fixe les normes auxquelles ces équipements et l'espace commun doivent satisfaire. » (article 6) « A défaut d'équipements permettant de cuisiner, et d'un bain ou d'une douche dans les espaces communs visés à l'article 6, ces équipements doivent être présents dans la chambre. Dans ce cas, la superficie minimale mentionnée à l'article 6 est agrandie de 3 m2. » (article 7) L'article 8 contient des normes spécifiques pour les chambres d'étudiants : « § 1er. La chambre d'étudiant construite ou réalisée après l'entrée en vigueur du présent décret suite à une rénovation ou à une transformation d'une habitation en maison d'étudiants ou en maison de communauté d'étudiants, a une superficie d'au moins 12 m2.

Sans préjudice de l'application du troisième alinéa, la chambre d'étudiants construite ou réalisée avant l'entrée en vigueur du présent décret suite à une rénovation ou à une transformation d'une habitation en maison d'étudiants ou en maison de communauté d'étudiants conformément aux dispositions en vigueur en matière d'aménagement du territoire et d'urbanisme, la délivrance d'une attestation de conformité ne peut pas faire l'objet d'un refus pendant une période de dix ans après l'entrée en vigueur du présent décret sur base de la norme de superficie fixée au premier alinéa lorsque la chambre d'étudiants a une superficie d'au moins 9 m2.

Une chambre d'étudiant pour laquelle aucune attestation de conformité n'a été demandée dans un délai de 3 ans après l'entrée en vigueur du présent décret est assimilée à une chambre d'étudiant, telle que visée au premier alinéa. § 2. Toute maison d'étudiants ou de communauté d'étudiants doit disposer d'un espace commun. Lorsque l'espace commun est utilisé comme cuisine, sa superficie doit au moins atteindre 1,5 m2 par chambre d'étudiant sans pour autant être moins grand que 6 m2. La hauteur libre entre le plafond et le sol doit au moins comprendre deux mètres et vingt centimètres. § 3. Toute maison d'étudiants ou de communauté d'étudiants doit disposer d'un espace destiné à remiser autant de vélos qu'il y a de chambres d'étudiants. § 4. Toute maison d'étudiants ou de communauté d'étudiants doit disposer d'un bain ou d'une douche par groupe ou par partie de groupe de six étudiants. » B.14.3. Le législateur décrétal a motivé de la manière suivante l'instauration de normes spécifiques en matière de sécurité et de qualité : « Ce décret entend imposer une série de normes minimales uniformes applicables à l'ensemble du pays flamand. Certaines de ces normes, telles celles qui concernent les possibilités d'aération, le chauffage, la vie privée et la sécurité en matière d'incendie, sont communes aux chambres et aux chambres d'étudiants.

Habiter dans une chambre et habiter dans une chambre d'étudiant étant cependant des formes d'habitation fort différentes, des normes spécifiques sont également prévues dans l'un et l'autre cas. A cet égard, l'on part essentiellement du principe qu'habiter dans une chambre constitue une forme plus définitive d'habitation, alors qu'habiter dans une chambre d'étudiant ne présente qu'un caractère temporaire. » (Doc., Parlement flamand, 1996-1997, n° 437/1, pp. 2-3) B.14.4. Le législateur décrétal a donc imposé des normes plus strictes quant à la superficie, aux équipements sanitaires et aux possibilités de cuisiner en ce qui concerne les chambres mises en location ou louées à des non-étudiants. La distinction repose sur un critère qui est non seulement objectif mais également pertinent. Les locataires ordinaires peuvent être réputés résider plus régulièrement dans leur logement que la majorité des occupants de chambres d'étudiants. Le législateur décrétal peut dès lors raisonnablement considérer que les chambres ordinaires doivent être soumises à des normes de qualité plus sévères que les chambres d'étudiants.

B.14.5. Le moyen ne peut être accueilli.

Quatrième moyen B.15.1. Aux termes de l'article 3, premier tiret, entrepris, le décret n'est pas applicable aux « chambres d'étudiants et aux maisons d'étudiants qui en date de l'entrée en vigueur du [...] décret ont été réalisées par les institutions d'enseignement comme équipements sociaux pour étudiants à l'aide de subventions sociales de la Communauté flamande ».

Les parties requérantes soutiennent que cette disposition viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que les chambres d'étudiants et maisons d'étudiants précitées sont traitées autrement que les chambres d'étudiants et maisons d'étudiants aménagées avant l'entrée en vigueur du décret par des particuliers, sans que cette différence de traitement soit raisonnablement justifiée.

B.15.2. La distinction entre chambres d'étudiants et maisons d'étudiants, selon qu'elles ont été aménagées par des établissements d'enseignement - officiels comme libres - grâce à des subventions publiques, ou par des particuliers, repose sur un critère qui est non seulement objectif mais aussi pertinent. L'amendement qui a conduit à l'article entrepris a été justifié comme suit : » L'expérience apprend que ces logements pour étudiants présentent déjà un niveau de qualité élevé. » Il ressort en effet des travaux préparatoires que l'octroi de subventions sociales par la Communauté flamande était soumis « au respect d'une série de critères et à l'autorisation du département de l'enseignement » (Doc., Parlement flamand, 1996-1997, n° 437/4, p. 2, et n° 437/6, p. 12). Est ainsi exceptée du champ d'application du décret entrepris une catégorie qui pouvait être réputée déjà satisfaire à des normes de qualité et de sécurité minimales.

B.15.3. Le moyen ne peut être accueilli.

Cinquième moyen B.16.1. Aux termes de l'article 3, deuxième tiret, entrepris, le décret n'est pas applicable aux « bâtiments pour lesquels des normes de sécurité ou de qualité spécifiques ont été fixées par une loi, un décret ou un arrêté ».

Les parties requérantes font valoir que cette disposition viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elle ne permet pas d'établir quels bâtiments sont concernés, si bien que le décret pourrait donner lieu à une application arbitraire et imprévisible.

B.16.2. La distinction entre les bâtiments pour lesquels des normes de sécurité et/ou de qualité spécifiques ont été fixées par une loi, un décret ou un arrêté et les bâtiments pour lesquels ce n'est pas le cas, est fondée sur un critère qui est non seulement objectif mais également pertinent. Ces normes spécifiques sont généralement justifiées par l'affectation particulière des bâtiments, comme les homes pour personnes âgées et les entreprises d'hébergement, laquelle affectation diffère fondamentalement de celle des chambres et chambres d'étudiants visées dans le décret. Est ainsi exceptée du champ d'application du décret entrepris une catégorie qui est soumise à certaines normes de qualité et de sécurité en fonction de son affectation spécifique.

B.16.3. Le moyen ne peut être accueilli.

Sixième moyen B.17.1. Les parties requérantes dénoncent la violation des articles 10 et 11 de la Constitution en ce que l'article 2, 10°, entrepris dispose qu'il y a lieu d'entendre par « bailleur » « toute personne physique ou toute personne juridique qui, en tant que propriétaire, copropriétaire, usufruitier, emphytéote, détenteur d'un droit de superficie ou fondé de pouvoir [lire : mandataire], loue ou met à la disposition une maison à chambres ou une chambre, une maison d'étudiants ou une maison de communauté d'étudiants ou une chambre d'étudiant contre paiement ou gratuitement », et en ce que l'article précité ne considère donc pas le locataire principal qui sous-loue les chambres comme bailleur au sens du décret. Il s'ensuivrait qu'en cas de non-respect des obligations du décret, seul le propriétaire pourrait être tenu pour responsable sur le plan pénal.

B.17.2. A la suite d'un amendement, le terme « personne qui sous-loue » a été remplacé à l'article 2, 10°, par le terme « mandataire ». En l'absence d'une définition dérogatoire, un mandataire, au sens du droit commun, est une personne qui agit pour le compte d'une autre, en l'espèce le propriétaire ou le titulaire d'un droit réel.

B.17.3. La distinction entre le locataire principal qui sous-loue les chambres et le bailleur au sens du décret repose sur un critère qui est non seulement objectif mais également pertinent au regard du but poursuivi. Il se déduit des travaux préparatoires que le législateur décrétal n'a pas voulu assimiler le locataire principal à un bailleur-propriétaire (Doc., Parlement flamand, 1996-1997, n° 437/6, p. 11) : par conséquent, les obligations du décret s'adressent au premier chef à la personne responsable de la qualité du logement qui doit être assurée lors de la mise en location. La mesure n'est pas disproportionnée, puisqu'elle ne porte pas atteinte à l'objectif du décret attaqué considéré dans son ensemble et qu'elle est axée sur les obligations du propriétaire ou du titulaire d'un autre droit réel ou de leur mandataire. Il suffit que le propriétaire, copropriétaire, usufruitier, emphytéote, superficiaire ou mandataire soit rendu responsable du respect du décret; responsabiliser dans une même mesure le locataire principal irait au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif poursuivi.

B.17.4. Le moyen ne peut être accueilli.

Septième moyen B.18.1. Les parties requérantes dénoncent la violation des articles 10 et 11 de la Constitution en ce que l'article 2, 10°, entrepris viserait également la mise à disposition « gratuite » d'une chambre à un membre de la famille habitant sous le même toit et assimilerait de ce fait, dans le chef du bailleur, la mise à disposition à une location.

B.18.2. L'objectif et l'économie générale du décret entrepris font ressortir que l'habitation sous le même toit de membres de la famille, tels que la personne avec qui l'on vit, les enfants, les petits-enfants, les parents ou autres membres de la famille - qu'ils soient ou non dans le besoin -, n'entre pas dans le champ d'application du décret.

B.18.3. Le moyen ne peut être retenu.

Huitième moyen B.19.1. Les parties requérantes dénoncent la violation des articles 10 et 11 de la Constitution en ce que l'article 17 entrepris prévoit une amende qui est disproportionnée par rapport aux amendes prévues dans des décrets comparables. L'amende maximale pouvant être infligée au bailleur qui loue une habitation ne répondant pas aux conditions prévues par le Code flamand du logement s'élève à 80.000 francs (article 20, § 1er, du décret du 15 juillet 1997), alors que l'amende maximale s'élève en l'espèce à 2 millions de francs.

B.19.2. La Cour observe que l'amende maximale critiquée est certes un multiple élevé de celle prévue par le Code flamand du logement, mais que l'amende minimale ne s'élève qu'au double. Il appartient au législateur décrétal d'apprécier quelle marge doit être laissée au juge pénal pour qu'il puisse prononcer, en fonction des circonstances concrètes, une peine proportionnée, notamment, à la gravité des manquements et au caractère plus ou moins lucratif de la location de chambres et de chambres d'étudiants, souvent nombreuses dans une même habitation.

B.19.3. Le moyen ne peut être retenu.

Neuvième moyen B.20.1. Les parties requérantes dénoncent la violation des articles 10 et 11 de la Constitution en ce que l'article 4, 4°, entrepris dispose que seul le chauffage central, les appareils électriques et les appareils étanches à l'air fonctionnant au gaz avec cheminée ou évacuation par la façade entrent en ligne de compte comme éléments de chauffage, si bien que les chambres chauffées à l'aide d'autres moyens ne peuvent pas satisfaire aux normes décrétales et ne pourraient dès lors être louées ou mises en location.

B.20.2. Cette différence de traitement est en rapport avec l'objectif poursuivi par le législateur décrétal consistant à prévoir un chauffage suffisant et, surtout, pouvant être utilisé en toute sécurité.

Les parties requérantes ne produisent aucun élément concret démontrant que les chambres ou chambres d'étudiants chauffées par d'autres moyens que ceux indiqués dans le décret peuvent offrir un même niveau de chaleur et de sécurité que celui qui est visé par l'article 4, 4°, du décret. Elles ne démontrent pas que le législateur décrétal aurait considéré à tort d'autres appareils de chauffage comme étant moins efficaces ou moins sûrs.

B.20.3. Le moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 17 juin 1998.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, L. De Grève.

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