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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 20 mai 1998

Arrêt n° 24/98 du 10 mars 1998 Numéro du rôle : 1048 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 17 de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 9 septembre 1993 portant modification du Code du logement pour la Régio La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 24/98 du 10 mars 1998 Numéro du rôle : 1048 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 17 de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 9 septembre 1993 portant modification du Code du logement pour la Région de Bruxelles-Capitale et relative au secteur du logement social, et l'article 9 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises, posées par le Conseil d'Etat.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L. François, P. Martens, J. Delruelle, G. De Baets, E. Cerexhe, H. Coremans, A. Arts, R. Henneuse et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles Par arrêt n° 63.275 du 22 novembre 1996 en cause de la Fédération des sociétés coopératives de logement à Bruxelles et autres contre la Société du logement de la Région de Bruxelles-Capitale, et en cause de la Région de Bruxelles-Capitale, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 3 février 1997, le Conseil d'Etat a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. L'article 17 de l'ordonnance du 9 septembre 1993 portant modification du Code du logement pour la Région de Bruxelles-Capitale et relative au secteur du logement social viole-t-il les articles 9, 20 et 78 de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, rendus applicables à la Région de Bruxelles-Capitale par les articles 4, 8 et 38 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises ? 2. En ce qu'il organise un contrôle exorbitant par rapport au droit commun qui ne peut s'opérer que sur les normes législatives adoptées par les organes de la Région de Bruxelles-Capitale et que ce contrôle, à la différence de certains contrôles particuliers qui pèsent sur la Région de Bruxelles-Capitale, ne peut se justifier par aucun intérêt public supérieur (protection des minorités ou protection du rôle de capitale de Bruxelles), l'article 9 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises ne viole-t-il pas les articles 10 et 11 de la Constitution ? » II.Les faits et la procédure antérieure Divers recours ont été introduits contre un règlement de la Société du logement de la Région de Bruxelles-Capitale pris en exécution de l'article 17 de l'ordonnance précitée du 9 septembre 1993. La question de la conformité, d'une part, de cet article 17 avec les règles de compétence, et, d'autre part, de l'article 9 de la loi sur les institutions bruxelloises avec les articles 10 et 11 de la Constitution ayant été soulevée, les questions préjudicielles précitées sont posées à la Cour.

III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 3 février 1997, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 28 février 1997.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 13 mars 1997.

Des mémoires ont été introduits par : - le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, rue Ducale 7-9, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 11 avril 1997; - le Gouvernement wallon, rue Mazy 25-27, 5100 Namur, par lettre recommandée à la poste le 14 avril 1997; - l'a.s.b.l. Fédération des sociétés coopératives de logement à Bruxelles, dont le siège social est établi à 1200 Bruxelles, avenue Albert Dumont 10, et la société coopérative de locataires Germinal, dont le siège social est établi à 1140 Bruxelles, avenue Constant Permeke 83/33, par lettre recommandée à la poste le 14 avril 1997; - la s.a. Foyer anderlechtois, dont le siège social est établi à 1070 Bruxelles, chaussée de Mons 595, la s.c. Le logement molenbeekois, dont le siège social est établi à 1080 Bruxelles, Parvis Saint-Jean-Baptiste 27, et l'a.s.b.l. Association du logement social, dont le siège social est établi à 1080 Bruxelles, avenue des Gloires Nationales 84, boîte 11, par lettre recommandée à la poste le 14 avril 1997.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 29 avril 1997.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - l'a.s.b.l. Fédération des sociétés coopératives de logement à Bruxelles et la société coopérative de locataires Germinal, par lettre recommandée à la poste le 27 mai 1997; - la s.a. Foyer anderlechtois et autres, par lettre recommandée à la poste le 29 mai 1997; - le Gouvernement wallon, par lettre recommandée à la poste le 29 mai 1997; - le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, par lettre recommandée à la poste le 30 mai 1997.

Par ordonnances des 25 juin 1997 et 22 janvier 1998, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 3 février 1998 et 3 août 1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 17 décembre 1997, le président M. Melchior a soumis l'affaire à la Cour réunie en séance plénière.

Par ordonnance du même jour, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 14 janvier 1998.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 18 décembre 1997.

A l'audience publique du 14 janvier 1998 : - ont comparu : . Me J. Autenne et Me M. Uyttendaele loco Me R. Witmeur, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale; . Me V. Thiry, avocat au barreau de Liège, pour le Gouvernement wallon; . Me T. Vandenput, avocat au barreau de Bruxelles, pour la s.a. Foyer anderlechtois et autres; . Me S. Depré loco Me P. Lambert, avocats au barreau de Bruxelles, pour l'a.s.b.l. Fédération des sociétés coopératives de logement à Bruxelles et la société coopérative de locataires Germinal; - les juges-rapporteurs R. Henneuse et M. Bossuyt ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

IV. En droit - A - Mémoire du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale A.1. En ce qui concerne la première question préjudicielle, cette partie s'en réfère, à ce stade de la procédure, à la sagesse de la Cour.

A.2.1. En ce qui concerne la seconde question préjudicielle, il est tout d'abord relevé que le caractère d'acte de nature législative des ordonnances, après des controverses doctrinales, n'est finalement plus contesté. Dès lors que l'article 9 en cause soumet les ordonnances à un contrôle auquel ne sont soumis ni les décrets, ni les lois, il traite de façon discriminatoire la Région de Bruxelles-Capitale par rapport aux autres entités fédérées. Il est souligné, à titre préalable, que la Région de Bruxelles-Capitale, en qualité de personne morale de droit public, est protégée par les articles 10 et 11 de la Constitution; cela ressort notamment des arrêts de la Cour n° 13 et n° 31/91, la Région de Bruxelles-Capitale répondant en particulier aux conditions et caractéristiques que précisent ces deux arrêts.

A.2.2. Si la différence de traitement en cause se fonde sur une différence objective (il s'agit d'ordonnances, d'une part, de décrets et de lois, d'autre part), elle n'est pas, par contre, raisonnablement justifiée.

A.2.3. Comme il ressort des travaux préparatoires de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises, le statut particulier de la Région de Bruxelles-Capitale a été justifié par la poursuite de deux objectifs : la volonté de préserver le rôle de capitale nationale et internationale de Bruxelles, d'une part, et la nécessité d'un compromis assurant « l'absence de discrimination de la minorité flamande » au sein de cette Région, d'autre part.

Ces considérations expliquent les particularités de cette Région, telles que la dualité de structure de ses institutions (article 17 de la loi spéciale), l'appartenance de ses président et vice-président à des groupes linguistiques différents (article 27), la composition paritaire du Gouvernement (article 34), le mécanisme de contrôle qui pèse sur les ordonnances en matière d'urbanisme, d'aménagement du territoire, de travaux publics et de transports (article 45) et la sonnette d'alarme (article 31). Ces particularités peuvent trouver leur justification dans le compromis qu'elles assurent, dans un intérêt public supérieur au sens où la Cour a entendu cette notion dans ses arrêts n° 18/90 et n° 90/94.

A.2.4. A l'inverse des particularités précitées, le contrôle de constitutionnalité particulier organisé par l'article 9 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 ne peut être justifié.

Il est tout d'abord dénué de pertinence au regard du double objectif de protection du rôle de capitale de Bruxelles et de sa minorité flamande, ces objectifs étant en effet « soit directement protégés par l'article 142 de la Constitution, soit par les dispositions de la loi spéciale du 12 janvier 1989 » citées ci-dessus.

Par ailleurs, il s'agit d'un contrôle tout à fait exorbitant par rapport au droit commun; il est de jurisprudence constante qu'il n'appartient pas aux juridictions de contrôler la constitutionnalité des lois, cette appréciation appartenant au seul pouvoir législatif, souverain dans son domaine. La seule dérogation à ce principe, instituée par l'article 142 de la Constitution au bénéfice de la Cour d'arbitrage, se limite au contrôle des règles que cet article vise.

Enfin, le contrôle de constitutionnalité en cause porte atteinte à un principe essentiel de l'Etat fédéral, celui de l'autonomie des entités fédérées. Il a pour effet de restreindre l'autonomie de la Région de Bruxelles-Capitale par rapport aux autres entités fédérées, sans que cette restriction soit justifiée par les particularités de cette Région.

A.2.5. Le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale ajoute enfin que la disposition en cause établit, outre une différence injustifiée entre régions, une différence entre les habitants de celles-ci, ceux des Régions wallonne et flamande, d'une part, et ceux de la Région de Bruxelles-Capitale, d'autre part. Ces derniers bénéficient en effet, à l'inverse des premiers, d'un contrôle de constitutionnalité global, incluant le contrôle du respect des droits fondamentaux, lequel ne peut être justifié au regard du principe d'égalité.

Mémoire et mémoire en réponse des s.a. Foyer anderlechtois, s.c. Le logement molenbeekois et a.s.b.l. Association du logement social A.3.1. En ce qui concerne la première question préjudicielle, est abordée en premier lieu la question de savoir si l'acte attaqué devant le Conseil d'Etat constitue ou non la manifestation d'un pouvoir réglementaire. Tant par référence à l'analyse faite sur ce point par l'auditorat qu'en considération de celles des matières énumérées à l'article 17 de l'ordonnance qui dépassent les limites de l'organisation interne du service, il est conclu que le règlement visé à l'article 17 précité constitue bien la manifestation d'un pouvoir réglementaire.

Cependant, cette première question préjudicielle échappe à la compétence de la Cour. En effet, elle n'a pas trait à la répartition des compétences entre l'Etat, les communautés et les régions mais pose en réalité la question de l'étendue du pouvoir qui peut être confié par un législateur à une entité autonome.

A.3.2. En ce qui concerne la seconde question préjudicielle, il est allégué, à titre principal, que cette question ne porte pas sur l'égalité entre citoyens ou groupes de citoyens mais entre des normes législatives. Or, dans la logique de l'arrêt n° 49/94 de la Cour, les normes législatives - celles de Bruxelles-Capitale comme celles des deux autres régions - ne sont pas bénéficiaires des articles 10 et 11 de la Constitution, la violation de ces dispositions ne pouvant dès lors être invoquée.

A titre subsidiaire, les ordonnances ne sont pas comparables aux autres normes législatives. A titre très subsidiaire, le contrôle de constitutionnalité en cause apparaît à la fois adéquat, par rapport au compromis recherché, et proportionné, en ce qu'il s'agit d'un contrôle restreint qui n'empêche pas la Région d'exercer ses compétences.

Mémoire du Gouvernement wallon A.4. A ce stade de la procédure, le Gouvernement wallon déclare s'en remettre à la sagesse de la Cour, sous réserve d'une prise de position ultérieure.

Mémoire de l'a.s.b.l. Fédération des sociétés coopératives de logement à Bruxelles (« FESOCOLAB ») et de la société coopérative de locataires Germinal A.5. S'agissant de la première question préjudicielle, il s'avère, au vu de sa formulation comme de la mention des articles 20 et 78 de la loi spéciale, qu'il est demandé à la Cour de se prononcer sur un problème de répartition de compétences, non pas entre l'Etat, les communautés et les régions mais entre les organes de la Région de Bruxelles-Capitale; la question ainsi posée porte sur le pouvoir du législateur bruxellois de déléguer un pouvoir réglementaire à l'organisme public qu'il a créé, et en aucun cas sur la compétence matérielle de la Région bruxelloise en matière de logement social. La Cour est dès lors incompétente pour répondre à la première question préjudicielle.

A.6. En ce qui concerne la seconde question préjudicielle, il est souligné que le contrôle renforcé qui pèse sur les ordonnances, s'il est organisé par l'article 9 en cause, trouve toutefois son origine dans la Constitution elle-même, à savoir dans son article 134. La formulation de son deuxième alinéa implique que seuls les décrets doivent avoir une valeur parfaitement équivalente à celle de la loi; le Constituant autorise le législateur spécial à accorder à certaines régions le pouvoir de prendre des décrets tandis que d'autres seront habilitées à prendre des normes d'une autre nature, dont le législateur spécial aura déterminé la force et le régime juridique. Il est relevé que, à l'inverse de la possibilité ainsi ouverte de différencier les régions sur le plan des normes qu'elles adoptent, le Constituant a traité de façon uniforme les communautés, en décidant que toutes trois adoptent des décrets qui ont force de loi.

Dès lors que la différence de traitement litigieuse trouve son origine dans la Constitution elle-même, sa mise en cause impliquerait l'appréciation d'un choix opéré par le Constituant, ce à quoi la Cour, selon sa jurisprudence (arrêts nos 90/94 et 16/94), se refuse. La Cour doit donc également se déclarer incompétente pour répondre à la seconde question préjudicielle.

Mémoire en réponse du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale A.7.1. En ce qui concerne la première question préjudicielle, il est relevé que la portée du terme « compétence » utilisé à l'article 9 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles n'a été précisée ni lors des travaux préparatoires de cette disposition, ni par la Cour.

Pour cerner cette notion, il y a lieu de prendre en considération les compétences dites accessoires des communautés et des régions, destinées à leur permettre de mettre en oeuvre les compétences matérielles qui leur ont été attribuées; les règles qui édictent ces compétences accessoires, dont l'article 9 précité, constituent des règles répartitrices ou attributives de compétences.

S'agissant de la conformité de l'octroi d'un pouvoir réglementaire à un organisme d'intérêt public avec les articles 20 et 78 de la loi spéciale du 8 août 1980, celle-ci n'est pas contestable, en considération, d'une part, des nombreux cas dans lesquels le législateur y a recouru et, d'autre part, du fait que la doctrine et la jurisprudence ont établi deux principes qui consacrent la légalité d'un certain pouvoir réglementaire dans le chef des organismes d'intérêt public; il s'agit, d'une part, de la présomption selon laquelle le personnel d'un tel organisme se trouve vis-à-vis de lui dans une relation statutaire et, d'autre part, de la nature réglementaire - et non contractuelle - reconnue aux relations entre ces organismes et leurs usagers. La Cour a d'ailleurs, dans son arrêt n° 30/96 du 15 mai 1996, admis le principe d'une délégation par le pouvoir législatif d'une compétence réglementaire à des autorités autres que le pouvoir exécutif. A.7.2. S'agissant de la portée de l'article 17, alinéa 1er, de l'ordonnance du 9 septembre 1993, il est tout d'abord souligné que le but essentiel de cette dernière, comme l'indique l'arrêt de la Cour n° 36/95 du 25 avril 1995, est d'organiser l'encadrement juridique de l'octroi des subsides aux sociétés immobilières de service public, lequel octroi constitue, aux termes de l'article 6 de l'ordonnance, la mission essentielle de la Société du logement de la Région bruxelloise. L'article 17 a pour objet de préciser les obligations qui conditionneront l'octroi et l'utilisation desdits subsides, la voie contractuelle (contrat de gestion) constituant néanmoins, comme il ressort du paragraphe 2 de l'article 17, le principe de base en matière d'octroi de subsides. Afin de suppléer aux lenteurs ou aux difficultés que peut présenter cette voie contractuelle individualisée, l'article 17 impose à la société du logement de la région bruxelloise d'élaborer un contrat général d'adhésion.

Nonobstant le terme de « règlement » utilisé, il ressort notamment de la version néerlandaise dudit terme que le législateur régional a entendu non pas conférer un pouvoir réglementaire à la société du logement, mais bien, au contraire, lui imposer une contrainte, à savoir encadrer de manière stricte son pouvoir de fixer les termes du contrat d'adhésion nommé « règlement », et ce par une énumération précise des matières à convenir. Il s'ensuit que l'article 17 ne peut être analysé comme privant le Gouvernement d'un pouvoir réglementaire qui serait délégué à la société du logement; il en est d'autant moins ainsi que, d'une part, les articles 5, 10 et 33 confient au Gouvernement le soin de prendre les mesures d'exécution de l'ordonnance et que, d'autre part, il conserve la tutelle sur la Société du logement de la Région de Bruxelles-Capitale.

A.8. En ce qui concerne le seconde question préjudicielle, l'argument tiré de l'article 134 de la Constitution - et des limites que le prétendu choix opéré par le Constituant imposerait au contrôle pouvant être opéré, en l'espèce, par la Cour - est contesté; l'habilitation donnée au législateur spécial de déterminer la force juridique des décrets et ordonnances, d'une part, implique qu'il ne l'a pas fait lui-même et, d'autre part, n'a pas pour effet de dispenser ce législateur spécial de respecter les articles 10 et 11 de la Constitution. L'objet du débat ne porte pas sur la nature juridique des ordonnances mais sur la seule question de la conformité au principe d'égalité du contrôle renforcé institué par l'article 9 en cause sur celles-ci.

Mémoire en réponse de l'a.s.b.l. Fédération des sociétés coopératives de logement à Bruxelles et de la société coopérative de locataires Germinal A.9.1. En ce qui concerne la première question préjudicielle, il est vrai que la Cour a déjà procédé à un contrôle de la constitutionnalité d'une délégation de compétence, mais dans des hypothèses inapplicables en l'espèce. Il s'agissait chaque fois d'un contrôle se situant dans le cadre de la compétence directe de la Cour, soit sur la base de l'article 24, § 5, soit sur la base d'une disposition constitutionnelle édictant une matière réservée, dont la violation était invoquée en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution. La question posée en l'espèce est tout autre, dès lors que la violation des articles 9, 20 et 78 de la loi spéciale n'est invoquée qu'en ce qu'ils déterminent la compétence des gouvernements in abstracto : ils ne constituent pas en eux-mêmes des normes de contrôle et le juge a quo ne les relie pas avec de telles normes de contrôle.

A.9.2. En ce qui concerne la seconde question préjudicielle, à supposer que la Cour s'estime compétente pour y répondre, le mémoire en réponse déclare s'en remettre à la sagesse de la Cour.

Mémoire en réponse du Gouvernement wallon A.10.1. En ce qui concerne la première question préjudicielle, il ressort des motifs de la décision de renvoi et des pièces de procédure que le problème est celui de la légalité de l'octroi d'une compétence réglementaire à un organisme d'intérêt public, et non celui du respect des règles qui déterminent les compétences de l'Etat, des communautés et des régions. Lorsque la Cour sanctionne des délégations accordées par le législateur au pouvoir exécutif, il s'agit chaque fois d'hypothèses où la Constitution ou la loi spéciale réserve certaines attributions au seul législateur (cf. arrêts nos 9/90, 33/92, 45/94, 81/95, 11/96, 30/96 et 43/96) : or, aucune des règles visées par la question préjudicielle ne réserve au législateur régional le règlement des diverses matières énumérées à l'article 17, § 1er, de l'ordonnance du 9 septembre 1993. La Cour est dès lors incompétente pour répondre à la première question préjudicielle.

A.10.2. En ce qui concerne la seconde question préjudicielle, le Gouvernement wallon relève que la jurisprudence de la Cour implique que, comme les autres personnes morales de droit public, les régions et les communautés peuvent se prévaloir des articles 10 et 11 de la Constitution. Par ailleurs, s'il est vrai que, à l'inverse de ce qui est fait pour les communautés, le Constituant (article 134) n'a précisé lui-même ni les normes régionales, ni leur force juridique - mais a habilité le législateur à le faire -, il n'en reste pas moins que l'article 134 précité n'édicte pas lui-même des règles de contrôle différentes pour la Région de Bruxelles-Capitale, d'une part, et les autres entités fédérées, d'autre part.

Pour le surplus, s'agissant de cette seconde question, le Gouvernement wallon s'en remet à la sagesse de la Cour. - B - En ce qui concerne la première question préjudicielle B.1. La première question posée par le Conseil d'Etat est formulée comme suit : « L'article 17 de l'ordonnance du 9 septembre 1993 portant modification du Code du logement pour la Région de Bruxelles-Capitale et relative au secteur du logement social viole-t-il les articles 9, 20 et 78 de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, rendus applicables à la Région de Bruxelles-Capitale par les articles 4, 8 et 38 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises ? » B.2. L'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 9 septembre 1993 modifie le Code du logement en ce qui concerne le secteur du logement social; comme il ressort de ses travaux préparatoires, cette ordonnance répond à la nécessité de réorganiser les modes d'intervention des sociétés immobilières de service public (Doc., Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, 1992-1993, n° A-167/2, p. 18).

Seul l'article 17 de cette ordonnance est visé par la question préjudicielle. En son paragraphe 1er, il prévoit que la Société du logement de la Région bruxelloise élabore un règlement régissant diverses matières, au nombre de dix, lequel règlement ne s'applique toutefois pas à la société immobilière de service public qui a conclu un contrat de gestion avec la Société du logement. En ce qui concerne cette dernière hypothèse, le paragraphe 2 de l'article 17 détermine les matières qui doivent être réglées dans le contrat de gestion, de même que sa durée, et en prévoit l'évaluation à mi-course.

B.3.1. Les normes dont le juge a quo demande à la Cour de vérifier le respect sont les articles 9, 20 et 78 de la loi spéciale du 8 août 1980, applicables à la Région de Bruxelles-Capitale en vertu des articles 4, 8 et 38 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises.

B.3.2. L'article 78 de la loi spéciale du 8 août 1980 dispose : « Le Gouvernement n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la Constitution et les lois et décrets portés en vertu de celle-ci. » L'article 20 de la même loi spéciale dispose : « Le Gouvernement fait les règlements et les arrêtés nécessaires pour l'exécution des décrets, sans pouvoir jamais ni suspendre les décrets eux-mêmes, ni dispenser de leur exécution. » Enfin, l'article 9 de la même loi dispose : « Dans les matières qui relèvent de leurs compétences, les Communautés et les Régions peuvent créer des services décentralisés, des établissements et des entreprises, ou prendre des participations en capital.

Le décret peut accorder aux organismes précités la personnalité juridique et leur permettre de prendre des participations en capital.

Sans préjudice de l'article 87, § 4, il en règle la création, la composition, la compétence, le fonctionnement et le contrôle. » B.4. Il ressort des motifs de l'arrêt, du rapport de l'auditeur ainsi que des dispositions législatives auxquelles renvoie l'arrêt du Conseil d'Etat que la question préjudicielle a pour objet de savoir si la Région de Bruxelles-Capitale pouvait octroyer à un organisme autonome, la Société du logement de la Région bruxelloise, le pouvoir d'élaborer un « règlement » régissant dix matières déterminées par le Conseil régional bruxellois.

B.5.1. Aux termes de l'article 9, alinéa 2, de la loi spéciale du 8 août 1980, l'ordonnance qui accorde la personnalité juridique à un service décentralisé doit en régler la composition, la compétence, le fonctionnement et le contrôle.

En indiquant lui-même dans quelles matières la compétence attribuée aux communautés et aux régions par l'alinéa 1er de l'article 9 ne peut être exercée que par décret, c'est-à-dire en réservant certaines compétences aux autorités législatives des communautés et des régions, le législateur spécial a exprimé une exigence qui doit être considérée comme une règle répartitrice de compétences, au sens de l'article 1er, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

B.5.2. D'une part, la Cour constate que le pouvoir d'adopter un « règlement » accordé à la Société du logement de la Région bruxelloise par l'article 17, § 1er, de l'ordonnance ne consiste pas en une délégation à cet organisme du soin de définir sa propre compétence, compétence qui ne peut être réglée, en vertu de l'article 9, alinéa 2, de la loi spéciale du 8 août 1980, que par le législateur régional. En effet, le pouvoir conféré par l'ordonnance concerne le seul aménagement technique de dix matières que le législateur bruxellois a déterminées lui-même dans l'ordonnance.

B.5.3. D'autre part, le pouvoir qui est reconnu à la Société du logement de la Région bruxelloise d'adopter un « règlement » ne constitue pas non plus une délégation à un organisme autonome d'un pouvoir réglementaire général qui seul peut être exercé, en vertu des articles 20 et 78 de la loi spéciale du 8 août 1980, par le Gouvernement bruxellois. Il faut constater d'ailleurs que les articles 5, 10 et 33 de l'ordonnance contestée confient au Gouvernement bruxellois le soin de prendre les mesures d'exécution de l'ordonnance.

B.6. Il résulte de ce qui précède que l'article 17, § 1er, de l'ordonnance pouvait, sans méconnaître les articles 9, 20 et 78 de la loi spéciale du 8 août 1980, accorder à la Société du logement de la Région bruxelloise le pouvoir d'adopter le « règlement » régissant les dix matières visées par l'ordonnance.

La première question préjudicielle appelle une réponse négative.

En ce qui concerne la seconde question préjudicielle B.7. La seconde question préjudicielle posée par le Conseil d'Etat est formulée comme suit : « En ce qu'il organise un contrôle exorbitant par rapport au droit commun qui ne peut s'opérer que sur les normes législatives adoptées par les organes de la Région de Bruxelles-Capitale et que ce contrôle, à la différence de certains contrôles particuliers qui pèsent sur la Région de Bruxelles-Capitale, ne peut se justifier par aucun intérêt public supérieur (protection des minorités ou protection du rôle de capitale de Bruxelles), l'article 9 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises ne viole-t-il pas les articles 10 et 11 de la Constitution ? » B.8. L'article 9 de la loi précitée du 12 janvier 1989 dispose : « Les juridictions ne peuvent contrôler les ordonnances qu'en ce qui concerne leur conformité à la présente loi et à la Constitution, à l'exception des articles de la Constitution visés par l'article 107ter, § 2, 2° et 3°, [actuellement l'article 142] de celle-ci et des règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des Communautés et des Régions.

En cas de non-conformité, elles refusent l'application de l'ordonnance. » B.9.1. Le Conseil d'Etat demande à la Cour si, en soumettant les ordonnances bruxelloises à un contrôle particulier, le législateur spécial a violé le principe d'égalité et de non-discrimination.

B.9.2. Les normes législatives adoptées par l'Etat, les communautés et les régions sont toutes soumises au contrôle de constitutionnalité confié à la Cour d'arbitrage par l'article 142 de la Constitution. Les ordonnances adoptées par la Région de Bruxelles-Capitale sont, en outre, soumises au contrôle juridictionnel restreint prévu par l'article 9 de la loi spéciale du 12 janvier 1989.

B.10. Il ressort de la Constitution, en ses articles 1er, 2 et 3, que la Belgique est un Etat fédéral et que chacune des communautés et régions puise dans ces dispositions le fondement d'une autonomie plus ou moins étendue, laquelle se traduit par l'attribution de compétences.

En attribuant au législateur spécial le pouvoir de préciser l'étendue de l'autonomie des régions et des communautés, le Constituant lui a laissé une liberté d'appréciation d'où il résulte que ces entités ne doivent pas nécessairement être traitées identiquement à tous égards.

Cette autonomie implique qu'il ne suffit pas de constater que les ordonnances bruxelloises font l'objet d'un contrôle « exorbitant » pour en déduire que le législateur spécial a violé le principe d'égalité.

B.11. L'article 9 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 a été adopté en exécution des articles 39 et 134 de la Constitution.

Aux termes de ces deux dispositions, le Constituant a chargé le législateur spécial, d'une part, de créer les organes régionaux et de leur attribuer des compétences « dans le ressort et selon le mode » qu'il établit et, d'autre part, de déterminer la force juridique des règles que prennent ces organes régionaux, toujours « dans le ressort et selon le mode » qu'il établit.

Le Constituant a ainsi permis lui-même au législateur spécial de régler différemment, dans le « ressort » de chacune des trois régions de l'Etat belge, les attributions et le fonctionnement des organes régionaux et de déterminer la force juridique des règles prises par ces organes régionaux.

B.12. Il résulte de ce qui précède que la portée de la question préjudicielle est en réalité de demander à la Cour de se prononcer sur un choix que le Constituant a fait lui-même, ce qui ne relève pas de la compétence de la Cour.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : 1. L'article 17 de l'ordonnance du 9 septembre 1993 portant modification du Code du logement pour la Région de Bruxelles-Capitale et relative au secteur du logement social ne viole pas les articles 9, 20 et 78 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, rendus applicables à la Région de Bruxelles-Capitale par les articles 4, 8 et 38 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises.2. La Cour n'est pas compétente pour répondre à la seconde question préjudicielle. Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 10 mars 1998.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

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