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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 01 mai 1998

Arrêt n° 34/98 du 1 er avril 1998 Numéro du rôle : 1066 En cause : le recours en annulation de l'article 15 du décret de la Communauté flamande du 8 juillet 1996 relatif à l'enseignement VII, introduit par l'a.s.b.l. Centraal Kathol La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, L(...)

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01/05/1998
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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 34/98 du 1er avril 1998 Numéro du rôle : 1066 En cause : le recours en annulation de l'article 15 du décret de la Communauté flamande du 8 juillet 1996 relatif à l'enseignement VII, introduit par l'a.s.b.l. Centraal Katholiek Schoolcomité van Antwerpen-Centrum et l'a.s.b.l. Katholiek Onderwijs Deurne.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, L. François, J. Delruelle, H. Coremans et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours.

Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 4 mars 1997 et parvenue au greffe le 5 mars 1997, l'a.s.b.l. Centraal Katholiek Schoolcomité van Antwerpen-Centrum, dont le siège social est établi à 2000 Anvers, Otto Veniusstraat 22, et l'a.s.b.l. Katholiek Onderwijs Deurne, dont le siège social est établi à 2100 Deurne, Paulus Beyestraat 85, ont introduit un recours en annulation de l'article 15 du décret de la Communauté flamande du 8 juillet 1996 relatif à l'enseignement VII (publié au Moniteur belge du 5 septembre 1996, errata au Moniteur belge du 22 novembre 1996).

II. La procédure.

Par ordonnance du 5 mars 1997, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 4 avril 1997.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 5 avril 1997.

Le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire, par lettre recommandée à la poste le 23 décembre 1997.

Par ordonnance du 27 mai 1997, le président L. De Grève a constaté que le mémoire du Gouvernement flamand avait été introduit après l'expiration du délai prescrit par l'article 85 de la loi organique et a déclaré que le Gouvernement flamand disposait d'un délai de huit jours pour introduire éventuellement des observations écrites à ce sujet.

Cette ordonnance a été notifiée au Gouvernement flamand par lettre recommandée à la poste le 28 mai 1997.

Le Gouvernement flamand a introduit des observations écrites par lettre recommandée à la poste le 6 juin 1997.

Par ordonnance du 17 juin 1997, la Cour a déclaré recevable le mémoire introduit le 23 décembre 1996 par le Gouvernement flamand.

Cette ordonnance a été notifiée au Gouvernement flamand par lettre recommandée à la poste le 19 juin 1997.

Le mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 24 juin 1997.

Les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse, par lettre recommandée à la poste le 22 juillet 1997.

Par ordonnances des 25 juin 1997 et 25 février 1998, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 4 mars 1998 et 4 septembre 1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 19 février 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 10 mars 1998.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 19 février 1998.

A l'audience publique du 10 mars 1998 : - ont comparu : . Me P. Taelman, avocat au barreau de Gand, pour les parties requérantes; . Me P. Devers, avocat au barreau de Gand, pour le Gouvernement flamand; - les juges-rapporteurs H. Coremans et L. François ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. Objet de la disposition attaquée.

L'article 15 du décret de la Communauté flamande du 8 juillet 1996 relatif à l'enseignement VII dispose : « Les services effectués en qualité de membre du personnel contractuel subventionné dans le cadre des projets mentionnés ci-après sont admissibles pour l'application de l'article 4 du décret du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'Enseignement communautaire et de l'article 6 du décret du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement subventionné et des centres psycho-médico-sociaux subventionnés.

Il s'agit des projets suivants : - l'encadrement des écoles maternelles comportant des migrants et situées dans les zones d'enseignement prioritaire, inscrit sous les numéros de projet I.24, II.10 et III.12 dans la convention 8285 relative aux contractuels subventionnés; - le développement de méthodes et de moyens de travail répondant aux besoins différenciés de l'encadrement psycho-médico-social des migrants, inscrit sous les numéros de projet I.9 et III.3 dans les conventions 7636 et 8285 relatives aux contractuels subventionnés.

Les services précités sont considérés comme étant effectués dans "une fonction" au sens des deux décrets relatifs au statut des membres du personnel précités.

L'ancienneté ainsi acquise ne peut être invoquée que pour l'engagement dans une fonction d'instituteur préscolaire, d'assistant social ou de maître d'étude-éducateur, dans les internats comme dans les externats.

Il n'est pas autorisé d'invoquer cette ancienneté, pour l'année scolaire 1996-1997, afin de bénéficier du régime de priorité applicable aux candidats qui étaient en service auprès du pouvoir organisateur ou de l'organe de direction local au cours de l'année scolaire 1995-1996 et peuvent se prévaloir, pour l'année scolaire 1996-1997, de la priorité visée par l'article 23, § 1er, 1°, du décret du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement subventionné et des centres psycho-médico-sociaux subventionnés ou par l'article 21 du décret du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'Enseignement communautaire.

L'ancienneté susvisée est également admise pour l'application de la réglementation relative à la mise en disponibilité par défaut d'emploi, la réaffectation et la remise au travail.

Les membres du personnel peuvent acquérir une ancienneté de deux ans au maximum par application du présent article. » Cette disposition produit ses effets le 1er janvier 1996 (article 18 du même décret).

L'article 6 du décret du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement subventionné et des centres psycho-médico-sociaux subventionnés dispose : « Pour calculer l'ancienneté de service : § 1er. a) le nombre de jours de prestations fournies en qualité de membre du personnel temporaire dans un emploi à prestations complètes comprend tous les jours civils du début à la fin de la période d'activité ininterrompue, y compris les congés de détente et les vacances de Noël et de Pâques, s'ils tombent dans cette période. Ce nombre est multiplié par 1,2. Le nombre de jours de prestations rendues en une autre qualité que celle de membre du personnel temporaire dans un emploi à prestations complètes est calculé du début à la fin d'une période ininterrompue d'activité de service, y compris les vacances d'été; par dérogation à ce qui précède, pour le personnel des centres, le nombre de jours de prestations fournies en qualité de membre du personnel nommé à titre définitif ou désigné à titre temporaire dans une fonction à prestations complètes comprend tous les jours civils du début à la fin de la période d'activité ininterrompue, y compris les vacances d'été; b) les jours de prestations fournies dans un emploi à prestations incomplètes, comptant au moins la moitié du nombre d'heures requis pour l'emploi à prestations complètes, sont pris en considération comme jours de prestations rendues dans un emploi à prestations complètes.Le nombre de jours de prestations rendues dans un emploi ne comptant pas la moitié du nombre d'heures requis pour un emploi à prestations complètes est diminué de moitié; c) le nombre de jours de prestations rendues dans deux ou plusieurs emplois à prestations complètes ou incomplètes occupés simultanément ne peut jamais dépasser le nombre de jours de prestations rendues dans un emploi à prestations complètes, occupé pendant la même période;d) les services rendus dans une fonction de maître ou de professeur de religion n'entrent en ligne de compte que pour le calcul de l'ancienneté de service dans ladite fonction;ces services peuvent avoir été rendus dans un autre réseau. Dans l'enseignement confessionnel libre, les services entrent également en ligne de compte pour le calcul de l'ancienneté dans d'autres fonctions, si la religion enseignée fait partie des cours dispensés par le pouvoir organisateur; e) trente jours font un mois;f) sont considérés comme des services dans l'enseignement subventionné et dans les centres, les services subventionnés rendus par le membre du personnel dans la position d'activité de service, ainsi que les congés qui lui sont accordés conformément à l'article 51. Sont également considérés comme des services, les périodes pendant lesquelles le membre du personnel se trouve dans la position administrative de mise en disponibilité prévue à l'article 56, a), b), c) et e);g) il ne peut être acquis qu'une ancienneté de service de 360 jours au maximum par année scolaire. § 2. Pour le calcul de l'ancienneté de service, les services précités ne sont pris en considération que lorsqu'ils sont rendus dans une fonction principale. » L'article 23, § 1er, 1°, du même décret dispose : « Sont prioritaires pour les désignations temporaires : 1° les candidats qui sont porteurs d'un titre requis, jugé suffisant ou équivalent et qui comptent, auprès du pouvoir organisateur de la fonction à conférer, au moins 240 jours d'ancienneté de service dans une fonction principale, répartis sur deux années scolaires au moins; ».

IV. En droit. - A - Requête.

A.1.1. Les deux parties requérantes ont pour objet social, entre autres, l'organisation de l'enseignement libre à caractère catholique.

En vue de concrétiser cet objet social, elles ont créé une série d'écoles à Anvers et à Deurne.

A.1.2. En 1993, les deux parties requérantes ont participé au projet relatif aux contractuels subventionnés « Encadrement des écoles maternelles comportant des migrants et situées dans les zones d'enseignement prioritaire », figurant dans la convention 8285 sous le numéro de projet III.12. Ce projet a pour objet la formation d'instituteurs maternels qualifiés provenant des communautés d'immigrés, via un programme parallèle. Les personnes qui ont choisi cette formation ont été engagées comme contractuels subventionnés, travaillant à temps partiel dans une école maternelle et suivant une formation à temps partiel dans une haute école. C'est dans ce cadre que la première partie requérante a conclu un contrat de travail avec Nadia Laaboud et que la seconde partie requérante a conclu un contrat de travail avec Nadia Zekhnini.

La disposition entreprise modifie avec effet rétroactif la relation de travail nouée entre les parties requérantes et les contractuels subventionnés concernés en y attachant des effets qui n'étaient ni connus ni prévisibles au commencement de cette relation. En effet, elle permet aux membres du personnel concernés d'acquérir une ancienneté de service de deux ans, en plus du certificat d'aptitude d'instituteur maternel.

La disposition entreprise affecte directement, au moins potentiellement, la situation juridique des parties requérantes, du fait qu'elle crée, dans le chef des cocontractants des parties requérantes, des droits nouveaux et imprévus lors de la naissance de cette relation de travail, et que les contractuels subventionnés concernés peuvent invoquer directement ces droits à l'égard des parties requérantes après avoir achevé avec succès leurs études. La situation juridique des parties requérantes est susceptible d'être affectée défavorablement par la disposition entreprise du fait que l'ancienneté accordée aux membres du personnel concernés et la priorité qui en découle lors d'une désignation temporaire, et lors d'une nomination définitive ultérieure, ont pour effet d'obliger les parties requérantes à désigner, voire nommer, les personnes précitées avant d'autres candidats plus familiarisés avec les objectifs pédagogiques prônés par les parties requérantes, en particulier avec le caractère confessionnel de l'enseignement qu'elles dispensent, ainsi qu'avec le modèle pédagogique auquel elles se réfèrent.

A.2.1. Quant au fond, les parties requérantes dénoncent la violation de l'article 24, § 1er, de la Constitution. La liberté d'enseignement implique dans le chef du pouvoir organisateur la liberté de choisir le personnel qu'il recrute en vue de réaliser les objectifs pédagogiques propres. Le libre choix des membres du personnel garantit notamment la liberté pédagogique, comprise dans la liberté d'enseignement.

La disposition entreprise affecte de façon déraisonnable et disproportionnée cette liberté de principe en ce qu'elle accorde une ancienneté de deux ans aux contractuels engagés dans le cadre du projet précité, ce qui implique par conséquent leur priorité pour une désignation temporaire dans une des écoles maternelles organisées par les parties requérantes.

Cette priorité hypothèque le libre choix des pouvoirs organisateurs lorsqu'ils désignent ou nomment des membres du personnel.

A.2.2. L'octroi de la priorité aux membres du personnel qui ont déjà fourni des prestations en tant qu'instituteur maternel à part entière peut en règle générale se justifier en ce que le pouvoir organisateur a l'occasion de juger les mérites de l'intéressé non seulement durant la procédure de recrutement mais aussi durant la période où la fonction est exercée. L'on peut en particulier vérifier si l'intéressé est capable de réaliser les objectifs pédagogiques prônés par le pouvoir organisateur. Pour les écoles catholiques, c'est la philosophie chrétienne qui est alors centrale.

Toutefois, en se voyant attribuer de façon rétroactive une certaine ancienneté et par conséquent une priorité en vue d'une désignation, certains contractuels subventionnés acquièrent des droits vis-à-vis du pouvoir organisateur qui les a engagés. Du fait que ces conséquences n'étaient à l'époque ni prévisibles ni connues et que les membres du personnel concernés n'ont été engagés qu'en tant qu'auxiliaires, les critères d'engagement habituels n'ont pas été utilisés. Le caractère « interréseaux » du projet en question a également pour conséquence qu'un pouvoir organisateur d'une école catholique peut engager les membres du personnel concernés alors que ceux-ci suivent la formation pédagogique théorique dans un établissement d'enseignement relevant d'un autre réseau, même éventuellement sans avoir suivi l'enseignement de la religion. Tous ces éléments indiquent qu'il y a restriction de la liberté d'enseignement.

Cette violation est encore aggravée par le fait que, en raison de l'effet rétroactif de la disposition entreprise, le principe fondamental de la sécurité juridique est affecté.

A.3.1. Les parties requérantes dénoncent ensuite la violation de l'article 24, § 4, de la Constitution en ce que la disposition entreprise crée une inégalité de traitement entre les personnes qui suivent la formation classique d'instituteur maternel et celles qui suivent la formation parallèle. Celles qui suivent la formation classique peuvent obtenir leur diplôme après trois ans, sans pour autant pouvoir revendiquer la moindre ancienneté. Il n'est pas certain que ces personnes auront fourni suffisamment de prestations utiles deux ans après la fin de leurs études pour entrer en ligne de compte comme candidat prioritaire. En outre, elles sont soumises au régime de réaffectation. Le groupe restreint des personnes qui peuvent choisir la formation parallèle peuvent en revanche, dans un délai de cinq ans, obtenir un diplôme et simultanément se constituer une ancienneté suffisante pour être considérées comme candidat prioritaire. De ce fait, elles obtiennent automatiquement le statut de membre du personnel libre de réaffectation.

Les effets que la disposition entreprise attache au fait de suivre la voie parallèle pour obtenir le diplôme d'instituteur maternel privilégient les travailleurs interculturels sans que cela soit raisonnablement justifiable. D'une part, l'objectif consistant à faciliter le passage du statut de contractuel subventionné à une fonction ordinaire est déjà réalisé par la mise sur pied de la formation parallèle; d'autre part, le souci de ne pas perdre l'expérience acquise est excessif, étant donné que l'ancienneté accordée n'est pas limitée à l'établissement d'enseignement dans lequel l'instituteur maternel était précédemment occupé comme contractuel subventionné. En effet, les intéressés peuvent de ce fait aboutir dans un environnement de travail tout à fait différent.

A.3.2. A cela s'ajoute que l'octroi d'une ancienneté à des personnes qui ne sont pas encore en possession du titre requis ou jugé suffisant constitue une atteinte à l'égalité par rapport à d'autres membres du personnel occupés comme contractuels subventionnés dans l'enseignement.

A.4. Enfin, les parties requérantes dénoncent la violation des articles 10 et 11 de la Constitution en ce que la mesure litigieuse crée une discrimination entre les personnes qui suivent actuellement la formation parallèle et celles qui ont déjà obtenu ou obtiendront de façon régulière le diplôme d'instituteur maternel ou qui enseignent dans le cadre d'un projet autre que celui des contractuels subventionnés en question. Celles qui relèvent de la première catégorie peuvent déjà se constituer une ancienneté de service au cours de leur formation, alors que ce n'est pas le cas des personnes qui relèvent de la deuxième catégorie. Cette différence de traitement n'a pas été justifiée par le législateur décrétal.

Mémoire du Gouvernement flamand.

A.5.1. L'avantage, pour les membres du personnel concernés, du régime instauré par la norme entreprise n'est effectivement acquis qu'à la fin de la formation parallèle unique de cinq ans, c'est-à-dire au plus tôt en juin 1998. Etant donné que la convention relative aux contractuels subventionnés a été adaptée à partir du 1er septembre 1997 en ce sens que l'emploi des deux institutrices maternelles interculturelles avec lesquelles les parties requérantes ont conclu un contrat de travail a été transféré du projet III.12 (enseignement libre subventionné) au projet II.10 (enseignement officiel subventionné), cet avantage ne sera pas acquis dans l'enseignement libre subventionné, mais dans l'enseignement officiel subventionné, en sorte que les parties requérantes perdent leur intérêt à attaquer la norme litigieuse.

A.5.2. Etant donné que le régime de priorité entrepris ne devient effectif qu'à la fin de la formation, celui-ci reste inopérant lorsque les contrats de travail qui s'inscrivent dans le cadre du projet sont résiliés par l'une des parties avant que le titre requis ait été obtenu. Les parties requérantes ont résilié en juin 1996 le contrat de travail des contractuels subventionnés concernés, mais ont retiré ce préavis deux mois plus tard. De ce fait, les parties requérantes ont consciemment accepté l'application de la norme entreprise et perdent leur intérêt à attaquer cette même norme.

A.5.3. Subsidiairement, le Gouvernement flamand soutient que l'intérêt des parties requérantes est limité à l'annulation de la mention « III.12 » figurant au premier tiret de l'alinéa 2 de la norme entreprise.

Mémoire en réponse.

A.6.1. La circonstance que les parties requérantes ne peuvent être affectées directement et défavorablement dans leur situation juridique par le régime entrepris qu'à partir de la fin juin 1998 ne permet pas de conclure à l'absence d'intérêt. Il suffit qu'elles soient susceptibles d'être affectées directement et défavorablement par la norme entreprise.

A.6.2. Le transfert des deux emplois de l'enseignement libre subventionné à l'enseignement officiel subventionné, après l'introduction du recours, n'est pas davantage de nature à faire disparaître l'intérêt des parties requérantes. Le caractère objectif du recours en annulation s'oppose à ce qu'une partie litigante, par une attitude visant uniquement à saper l'intérêt invoqué par une autre partie litigante, prive la Cour de la possibilité de trancher un recours introduit antérieurement.

A.6.3. Le transfert n'est ni établi ni prouvé. En outre, il ne peut en soi mettre fin aux conséquences des contrats de travail conclus entre les parties requérantes et les contractuels subventionnés précités. En ce qui concerne l'acquisition d'une ancienneté de deux ans et les effets juridiques qui y sont attachés, la disposition entreprise renvoie au décret du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement subventionné et des centres psycho-médico-sociaux subventionnés. Ce décret accorde la priorité à un candidat pour une désignation temporaire dans une fonction de recrutement, à condition de remplir cumulativement les deux exigences suivantes : être en possession du titre requis, jugé suffisant ou équivalent, et compter, auprès du pouvoir organisateur de la fonction à conférer, au moins 240 jours d'ancienneté de service dans la fonction principale, répartis sur deux années scolaires au moins.

Il s'ensuit que le transfert ne fait pas obstacle à ce que l'avantage du régime instauré par la norme entreprise soit acquis à l'égard des parties requérantes. Etant donné que les membres du personnel concernés ont été occupés pendant quatre années scolaires auprès des parties requérantes dans le cadre du projet III.12 de la convention 8285 relative aux contractuels subventionnés, ils peuvent en tout état de cause, dès qu'ils ont obtenu leur diplôme, invoquer vis-à-vis des parties requérantes leur priorité en vue d'une désignation temporaire dans une fonction de recrutement.

A.6.4. Même si l'on admettait que les parties requérantes savaient déjà, lors du retrait des préavis, quelle aurait été la réglementation incluse dans la disposition entreprise, il ne s'en déduit pas qu'en retirant les préavis, elles auraient perdu leur intérêt à attaquer cette norme. En effet, les moyens invoqués reposent sur des dispositions qui sont d'ordre public et il ne peut, ni explicitement ni tacitement, y être renoncé. En outre, les membres du personnel concernés, au moment du préavis en question, remplissaient déjà les conditions précitées pour être prioritaires.

Enfin, les parties requérantes signalent que la menace de sanctions proférée par le ministre flamand de l'Enseignement et de la Fonction publique a été déterminante pour le retrait des préavis.

A.6.5. Pour ce qui est de l'étendue de l'annulation demandée, les parties requérantes estiment que « l'annulation doit nécessairement au moins s'étendre à l'ensemble du premier tiret de l'alinéa 2 ainsi qu'à l'ensemble de l'alinéa 4 » de la disposition litigieuse. - B - Quant au recours.

B.1. Les parties requérantes sont toutes deux des pouvoirs organisateurs d'une école maternelle de l'enseignement libre subventionné qui ont engagé un contractuel subventionné en exécution d'un projet qui vise à soutenir les écoles maternelles accueillant des enfants immigrés dans certaines zones, en organisant une formation d'instituteur maternel qualifié. Cette formation consiste à travailler à temps partiel dans une école maternelle et à suivre à temps partiel des cours dans une haute école pédagogique. Aux personnes qui ont suivi avec succès cette formation de cinq ans, il est accordé, par application de l'article 15 du décret de la Communauté flamande du 8 juillet 1996 relatif à l'enseignement VII, pour certaines fonctions de recrutement, notamment celle d'instituteur maternel, une ancienneté de service de deux ans, ce qui signifie qu'elles sont prioritaires pour l'engagement dans une fonction d'enseignement ordinaire.

Quant à l'intérêt.

B.2.1. Selon le Gouvernement flamand, les parties requérantes ne justifient pas de l'intérêt requis en droit, d'une part, parce que les emplois interculturels en question ont été transférés de l'enseignement libre à l'enseignement officiel, de sorte que le bénéfice de la priorité serait acquis dans l'enseignement officiel, et, d'autre part, parce que les parties requérantes, en retirant un préavis de licenciement antérieur, auraient accepté les conséquences de cet engagement.

B.2.2. La première partie requérante, l'a.s.b.l. Centraal Katholiek Schoolcomité van Antwerpen-Centrum, a, aux termes de l'article 3 de ses statuts, pour objet « l'éducation et la formation de la jeunesse dans un esprit chrétien, en organisant, gérant et soutenant l'enseignement libre catholique et toutes structures et activités qui s'y rapportent ».

La deuxième partie requérante, l'a.s.b.l. Katholiek Onderwijs Deurne, a, aux termes de l'article 4 de ses statuts, pour objet « l'éducation et le développement chrétiens des enfants en organisant, exerçant, gérant, étendant, développant et soutenant l'enseignement libre à caractère confessionnel catholique, ainsi que des activités culturelles, sportives, pré- et parascolaires ».

B.2.3. En leur qualité de pouvoirs organisateurs de l'enseignement libre, les parties requérantes peuvent être affectées directement et défavorablement par une disposition décrétale qui, en octroyant la priorité à certains membres du personnel, contrarie le recrutement de personnel qui s'inscrit dans le concept pédagogique qu'elles sont en droit de défendre sur la base d'une conception philosophique confessionnelle déterminée.

B.2.4. L'exception d'irrecevabilité est rejetée.

Quant au fond.

B.3. Les parties requérantes dénoncent la violation des articles 10, 11 et 24, §§ 1er et 4, de la Constitution.

En ce qui concerne l'article 24, § 1er, de la Constitution.

B.4.1. Les parties requérantes font valoir que la disposition entreprise, qui accorde avec effet immédiat aux candidates-institutrices maternelles qu'elles occupent depuis 1993 en tant que contractuelles subventionnées, une ancienneté de service de deux ans assortie d'une priorité en vue de la désignation dans une fonction d'enseignement, porte atteinte à leur liberté de recruter du personnel, ce qui compromettrait sérieusement, en violation de l'article 24, § 1er, de la Constitution, la spécificité de l'enseignement qu'elles dispensent, fondé sur une conception philosophique catholique.

B.4.2. Les objectifs de la disposition entreprise ont été exposés comme suit lors des travaux préparatoires : « Cette réorientation d'immigrés vers des fonctions ordinaires dans l'enseignement s'inscrit dans la ligne du plan politique de 1991 qui vise à construire une équipe éducative multiculturelle, dans laquelle les immigrés occupent une position normale et ne sont plus adjoints via des fonctions complémentaires dans des emplois temporaires. [...] Compte tenu de leur grande expérience et de leurs états de services, il est prévu qu'à leur entrée en service, les services prestés dans les projets de contractuels subventionnés seront pris en compte, avec un maximum de deux ans, pour déterminer l'ancienneté. » (Doc., Parlement flamand, 1995-1996, n° 310/1, pp. 7-8) Ces précisions font apparaître que la disposition entreprise entend faciliter le passage des immigrés engagés dans un projet de contractuels subventionnés vers une fonction ordinaire dans l'enseignement et éviter que l'expérience acquise au bénéfice des écoles maternelles accueillant des immigrés dans les zones prioritaires ne soit perdue.

B.4.3. Les parties requérantes ne sont pas opposées au principe de la participation à des projets visant à soutenir les écoles maternelles accueillant des immigrés dans des zones prioritaires. Leur critique porte sur la limitation de leur choix du personnel, qui découle de la priorité accordée aux contractuels subventionnés en question.

B.4.4. La liberté d'enseignement garantie par l'article 24, § 1er, de la Constitution comprend la liberté, pour le pouvoir organisateur, de choisir le personnel qui sera chargé de mener à bien la réalisation des objectifs pédagogiques propres. Cette liberté n'est toutefois pas illimitée et ne s'oppose pas à ce que le législateur compétent y apporte des restrictions, à condition qu'elles soient raisonnablement justifiées et proportionnées au but et aux effets de la mesure.

B.4.5. En l'espèce, la restriction critiquée du libre choix du personnel résulte d'une mesure des pouvoirs publics qui la justifie, mesure qui, envisagée dans le contexte plus large de l'intégration sociale des immigrés, vise spécifiquement à offrir, par la formation d'instituteurs maternels qualifiés, un soutien aux écoles maternelles accueillant des immigrés dans des zones prioritaires délimitées lors de la mise sur pied du projet.

La mesure n'est disproportionnée ni au regard de l'objectif visé ni quant à ses effets.

L'attribution d'une ancienneté de service de deux ans, et la priorité qui y est liée concernant l'engagement dans une fonction d'enseignement ordinaire d'instituteur maternel, d'assistant social ou de maître d'études-éducateur, dont bénéficient les personnes qui ont suivi la formation spéciale et ont été occupées dans les conditions particulières décrites au B.1, présente un rapport immédiat avec l'objectif mentionné au B.4.2.

La mesure ne porte pas atteinte aux articles 15 et 16 du décret du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement subventionné et des centres psycho-médico-sociaux subventionnés, en vertu desquels ces membres du personnel doivent respecter les obligations et incompatibilités découlant de la spécificité du projet pédagogique. Elle ne signifie pas que les pouvoirs organisateurs qui, en tant que dispensateurs d'enseignement dans les zones prioritaires, ont volontairement collaboré au projet visé au B.1 seraient privés du libre choix de leur personnel parmi l'ensemble des prioritaires ou de la possibilité de mettre un terme, conformément au statut applicable, au contrat de travail des personnes dont il est apparu qu'elles ne répondent pas aux exigences du projet pédagogique de l'établissement concerné.

B.4.6. Il résulte de ce qui précède que la restriction du libre choix du personnel, dénoncée par les parties requérantes, n'est pas de nature à affecter de façon déraisonnable la liberté d'enseignement garantie par l'article 24, § 1er, de la Constitution.

B.4.7. Le moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne les articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution.

B.5.1. Les parties requérantes font valoir que la disposition entreprise crée un double traitement inégal qui est injustifiable et qui viole par conséquent les articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution.

B.5.2. La disposition entreprise créerait tout d'abord une inégalité entre la catégorie des personnes qui suivent ou ont suivi la formation classique d'instituteur maternel et la catégorie des personnes qui suivent la formation parallèle. Ensuite, la disposition entreprise créerait une inégalité entre la catégorie des contractuels subventionnés qui suivent la formation parallèle d'instituteur maternel et la catégorie des autres membres du personnel qui travaillent dans l'enseignement comme contractuels subventionnés.

B.6. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

L'article 24, § 4, de la Constitution réaffirme expressément, en matière d'enseignement, les principes d'égalité et de non-discrimination.

B.7. Les personnes qui suivent la formation classique peuvent obtenir leur diplôme après trois ans, sans pouvoir revendiquer à ce titre une ancienneté quelconque. Les personnes qui suivent la formation parallèle peuvent obtenir, après cinq ans, un diplôme et - en vertu de la disposition entreprise - une ancienneté de deux ans. La distinction entre ces catégories de personnes est fondée sur un critère objectif.

En octroyant, par une mesure d'application immédiate, une ancienneté de deux ans aux personnes qui suivent la formation parallèle et qui, dans le cadre de cette formation, fournissent des prestations pendant cinq ans dans une école maternelle, le législateur décrétal prend une mesure pertinente, et qui n'est pas disproportionnée car elle compense la durée particulièrement longue de la formation.

B.8. En raison de l'objectif du décret, les personnes qui, au cours de leur formation d'instituteur maternel qualifié, sont engagées dans l'enseignement comme contractuels subventionnés ne sauraient être comparées, dans leur situation juridique, aux personnes qui fournissent des prestations dans l'enseignement en tant que contractuels subventionnés en dehors du cadre d'une telle formation.

B.9. Le moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 1er avril 1998.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, L. De Grève.

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