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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 25 avril 1998

Arrêt n° 35/98 du 1 er avril 1998 Numéro du rôle : 1080 En cause : le recours en annulation des articles 39 et 50 du décret-programme de la Communauté française du 25 juillet 1996 portant diverses mesures concernant les fonds budgét La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, (...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 35/98 du 1er avril 1998 Numéro du rôle : 1080 En cause : le recours en annulation des articles 39 et 50 du décret-programme de la Communauté française du 25 juillet 1996 portant diverses mesures concernant les fonds budgétaires, les bâtiments scolaires, l'enseignement et l'audiovisuel, introduit par l'a.s.b.l.

Fédération des étudiants francophones et M. Vrancken.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, G. De Baets, E. Cerexhe, A. Arts et R. Henneuse, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours.

Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 14 avril 1997 et parvenue au greffe le 15 avril 1997, l'a.s.b.l.

Fédération des étudiants francophones, dont le siège social est établi à 1210 Bruxelles, chaussée de Haecht 25, et M. Vrancken, demeurant à 4020 Liège, rue Grétry 2, ont introduit un recours en annulation des articles 39 et 50 du décret-programme de la Communauté française du 25 juillet 1996 portant diverses mesures concernant les fonds budgétaires, les bâtiments scolaires, l'enseignement et l'audiovisuel (publié au Moniteur belge du 16 octobre 1996).

II. La procédure.

Par ordonnance du 15 avril 1997, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 30 avril 1997.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 13 mai 1997.

Des mémoires ont été introduits par : - le Gouvernement de la Communauté française, place Surlet de Chokier 15-17, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 16 juin 1997; - le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 16 juin 1997.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 14 août 1997.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - les parties requérantes, par lettre recommandée à la poste le 15 septembre 1997; - le Gouvernement flamand, par lettre recommandée à la poste le 17 septembre 1997.

Par ordonnance du 30 septembre 1997, la Cour a prorogé jusqu'au 14 avril 1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 21 janvier 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 11 février 1998.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 22 janvier 1998.

A l'audience publique du 11 février 1998 : - ont comparu : . Me J. Bourtembourg, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement de la Communauté française; . Me P. Devers, avocat au barreau de Gand, pour le Gouvernement flamand; - les juges-rapporteurs E. Cerexhe et H. Boel ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. Les dispositions en cause.

L'article 39 du décret-programme de la Communauté française du 25 juillet 1996 dispose comme suit : « A l'article 16 du même décret, partiellement annulé par l'arrêt n° 11/96 de la Cour d'arbitrage, sont apportées les modifications suivantes : 1° l'alinéa 2 est remplacé par la disposition suivante : "Toutefois, par décision motivée, les autorités universitaires peuvent refuser l'inscription d'un étudiant : 1° lorsque cet étudiant a fait l'objet d'une mesure d'exclusion pour raisons disciplinaires d'une institution d'enseignement supérieur, universitaire ou non universitaire, l'étudiant ayant été appelé ou entendu;2° à partir de l'année académique 1996-1997, lorsque cet étudiant est visé à l'article 27, §§ 4 ou 7, 1° à 6°, 8° et 9°, de la loi du 27 juillet 1971 sur le financement et le contrôle des institutions universitaires;à partir de l'année académique 1997-1998, lorsque cet étudiant est visé à l'article 27, § 7, 7°, de la même loi; 3° lorsque l'étudiant demande son inscription à un programme de cours qui ne donne pas lieu à financement par la Communauté française." 2° l'alinéa suivant est ajouté : "Sauf dérogation accordée par le Gouvernement, dans les conditions qu'il détermine, nul ne peut être inscrit aux études conduisant aux grades académiques prévus à l'article 6, §§ 1er à 3, s'il n'a pas fait la preuve d'une maîtrise suffisante de la langue française.Cette preuve peut être apportée : a) soit par la réussite d'un examen organisé à cette fin par une ou par plusieurs institutions universitaires, suivant des dispositions arrêtées par le Gouvernement sur avis collégial des recteurs et après consultation du CIUF;b) soit par l'attestation de succès à l'un des examens d'admission prévus à l'article 10, § 1er, e), et à l'article 10, § 2;c) soit par la possession d'un diplôme, belge ou étranger, sanctionnant le cycle final d'études secondaires ou un cycle d'études supérieures suivis dans un établissement dont la langue d'enseignement est la langue française;d) soit par la possession d'un diplôme, belge ou étranger, sanctionnant le cycle final d'études secondaires ou un cycle d'études supérieures suivis dans un établissement dont la langue d'enseignement est partiellement la langue française, si, après examen du programme d'études suivi dans le cadre de ces études, le Gouvernement assimile, en vue de l'application de la présente disposition, la possession de ce diplôme à celle d'un diplôme repris sous c);le Gouvernement fixe la liste des diplômes ainsi assimilés." » L'article 50 du décret-programme précité dispose en ces termes : « § 1er. L'article 27, § 7, de la même loi, inséré par la loi du 21 juin 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/06/1985 pub. 15/02/2012 numac 2012000076 source service public federal interieur Loi relative aux conditions techniques auxquelles doivent répondre tout véhicule de transport par terre, ses éléments ainsi que les accessoires de sécurité. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, est remplacé par la disposition suivante : Outre les étudiants visés au § 4, ne sont pas pris en compte pour le financement à partir de l'année budgétaire 1998 : 1° les étudiants qui, après avoir été régulièrement inscrits deux fois dans une même année d'études, quel que soit le domaine, dans l'enseignement universitaire subventionné ou organisé par la Communauté française, sans l'avoir réussie, s'y inscrivent dans les cinq ans qui suivent leur dernier échec;2° les étudiants qui, après avoir été régulièrement inscrits trois fois dans une même année d'études, quel que soit le domaine ou la catégorie, dans l'enseignement supérieur subventionné ou organisé par la Communauté française, sans l'avoir réussie, s'y inscrivent dans les cinq ans qui suivent leur dernier échec;3° les étudiants qui, après avoir été régulièrement inscrits trois fois dans une même année d'études ou toute autre subdivision d'études, quelle que soit la discipline étudiée, dans un système d'enseignement relevant de l'enseignement supérieur, belge ou étranger, sans l'avoir réussie, s'inscrivent dans l'enseignement universitaire dans les cinq ans qui suivent leur dernier échec;4° les étudiants qui s'inscrivent à des études conduisant à un grade de premier ou de deuxième cycle, alors qu'ils ont déjà obtenu, dans les cinq années qui précèdent la demande d'inscription, soit deux grades académiques visés à l'article 6, §§ 2 et 4, du décret du 5 septembre 1994 relatif au régime des études universitaires et des grades académiques, soit deux grades visés aux articles 15 et 18, § 2, du décret du 5 août 1995 fixant l'organisation générale de l'enseignement supérieur en Hautes Ecoles, soit un grade académique visé à l'article 6, §§ 2 et 4, du décret du 5 septembre 1994 précité et un grade visé aux articles 15 ou 18, § 2, du décret du 5 août 1995 précité. Par dérogation à l'alinéa précédent, les étudiant(e)s détenteurs(trices) à la fois du grade d'accoucheur(euse) et du grade d'infirmier(ère) gradué(e) sont réputé(e)s n'avoir obtenu qu'un seul grade visé à l'article 15 du décret du 5 août 1995 précité; 5° les étudiants qui s'inscrivent à des études conduisant à un grade de troisième cycle visé à l'article 6, § 5, du décret du 5 septembre 1994 relatif au régime des études universitaires et des grades académiques, alors qu'ils ont déjà obtenu, dans les cinq années qui précèdent la demande d'inscription, un grade identique;6° les étudiants qui, dans les cinq ans qui suivent leur dernier échec, s'inscrivent à la deuxième année des études conduisant au grade de candidat en médecine ou de candidat en science dentaire, alors qu'ils ont déjà été pris trois fois en compte pour le financement des deux premières années de ces mêmes études;7° les étudiants qui, dans les cinq ans qui suivent leur dernier échec, s'inscrivent à la deuxième année des études conduisant à un grade de candidat avec une qualification déterminée autre que celle visée au 6°, alors qu'ils ont déjà été pris trois fois en compte pour le financement des deux premières années de ces mêmes études;8° les étudiants qui, à la date prévue à l'article 30, § 1er, n'ont pu faire la preuve qu'ils satisfont aux conditions d'admissibilité aux études universitaires prévues par le décret du 5 septembre 1994 relatif au régime des études universitaires et des grades académiques;9° les étudiants qui s'inscrivent à une année d'études du deuxième cycle des études conduisant au grade de docteur en médecine et qui, devant être titulaires, pour l'accès au troisième cycle, de l'attestation, prévue à l'article 14, § 2bis, du décret du 5 septembre 1994 relatif au régime des études universitaires et des grades académiques, ne disposent pas de cette attestation. § 2. L'article 6, § 3, 1°, de l'arrêté royal du 4 août 1972 fixant les règles pour la détermination du nombre d'étudiants dans les institutions universitaires dont question à l'article 27, § 1er, de la loi du 27 juillet 1971 relative au financement et au contrôle des institutions universitaires, est abrogé. » IV. En droit. - A - Requête.

A.1. Les parties requérantes justifient leur intérêt à agir par la considération que la disposition attaquée a pour effet qu'un nombre important d'étudiants ne sont plus pris en compte pour le financement des institutions universitaires et que de tels étudiants risquent, si la disposition attaquée est maintenue dans l'ordre juridique, de se voir refuser leur inscription dans l'institution universitaire de leur choix dès le moment où ils deviennent exclusivement une charge financière pour celle-ci.

A.2. Un premier moyen est pris de la violation de « l'article 25, § 3 » (lire 24, § 3) de la Constitution, combiné avec l'article 13.2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

La violation d'une disposition internationale relative aux libertés et aux droits fondamentaux, en l'occurrence l'article 13.2 du Pacte précité, entraîne par voie de conséquence une violation de l'article 24, § 3, de la Constitution.

L'effet de standstill résultant de la lecture combinée de l'article 24, § 3, de la Constitution et de l'article 13.2 du Pacte international s'impose à la Belgique pour la détermination de l'accès à l'enseignement supérieur. La disposition attaquée du décret a pour effet de réduire l'accès à l'enseignement supérieur et de restreindre de manière grave et importante l'accès à l'enseignement universitaire pour un nombre important d'étudiants.

A.3. Un second moyen est pris de la violation de l'article 24, § 1er, de la Constitution et du principe de la proportionnalité.

La disposition attaquée du décret impose des critères particulièrement restrictifs en matière de financement des étudiants, en telle sorte qu'elle a pour effet de permettre à la Communauté française d'échapper à son obligation de subventionnement qui découle de l'article 24, § 1er, de la Constitution.

Certes, la Cour a considéré que la liberté de l'enseignement implique que les pouvoirs organisateurs disposent d'un droit conditionnel au subventionnement de leur école. Cette possibilité de restreindre le droit au subventionnement ne peut cependant conduire la Communauté à limiter de manière excessive les catégories d'étudiants susceptibles de bénéficier d'un financement.

Mémoire du Gouvernement de la Communauté française.

A.4. Il ne ressort pas clairement du recours s'il est dirigé contre le seul article 50 du décret-programme ou s'il porte également sur l'article 39 de ce décret. Si le préambule de la requête évoque bien ces deux articles, la requête ne se réfère plus ensuite qu'au seul article 50 du décret-programme et n'invoque plus jamais que « la » disposition attaquée. Une exception obscuri libelli doit donc être soulevée sur ce point, d'autant plus que les requérants ne présentent pas d'intérêt à agir spécifiquement contre l'article 39.

Les requérants ne justifient pas non plus de l'intérêt à agir en l'espèce contre l'article 50 du décret attaqué. D'abord, l'association sans but lucratif, première partie requérante, ne précise en rien le lien qui existerait entre son objet social et la volonté de contester les dispositions attaquées. En l'espèce, la disposition litigieuse vise non pas les étudiants mais des institutions universitaires, la protection des intérêts de celles-ci n'étant pas visée par les statuts de l'association sans but lucratif. Par ailleurs, le second requérant est étudiant en première licence en biologie à l'Université de Liège et ne donne aucune explication quant à son intérêt personnel à intervenir dans une cause qui concerne un décret relatif au financement des étudiants inscrits en candidature. On peut s'appuyer sur l'autorité de plusieurs arrêts de la Cour (nos 32/90, 28/91, 47/92) pour fonder cette position. En particulier, l'arrêt n° 38/94 du 10 mai 1994 considère que des étudiants ne sont pas affectés directement et défavorablement par une disposition qui détermine le mode de calcul du financement de l'université, même si une telle disposition peut avoir des répercussions indirectes sur leur situation.

A.5. A titre subsidiaire, le premier moyen manque en droit.

La Cour a eu l'occasion de juger à plusieurs reprises qu'elle n'est pas compétente pour connaître de moyens pris de la violation directe de conventions internationales. En l'occurrence, c'est la violation de l'article 13.2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qui constituerait une violation de l'article 24, § 3, de la Constitution. Par ailleurs, et en toute hypothèse, ce n'est pas le caractère gratuit de l'enseignement qui est mis en cause par l'article attaqué du décret de la Communauté française mais seulement son accessibilité. Et de ce point de vue, en ce qu'elle prévoit que certains étudiants ne sont pas pris en considération pour le financement de l'université, notamment après plusieurs échecs répétés, la disposition ne concerne pas l'accessibilité à l'enseignement universitaire mais seulement le maintien de certains étudiants pour la prise en considération de son financement.

A.6. Toujours à titre subsidiaire, la portée du second moyen est difficile à comprendre. On ne voit pas en quoi la disposition attaquée constituerait une quelconque violation de la liberté de l'enseignement ou une quelconque mesure préventive à ce propos. Les requérants se contentent d'affirmations et n'explicitent en rien en quoi le principe de proportionnalité serait atteint en l'espèce, sinon par une locution (« citer chiffre et étude ») qui ne permet pas à la Communauté française de répondre en connaissance de cause à des arguments chiffrés.

Pour le surplus, la liberté d'enseignement n'empêche pas que l'Etat établisse des normes minimales d'admission quant à l'aptitude des candidats à suivre l'enseignement dispensé.

Mémoire du Gouvernement flamand.

A.7. Le mémoire est introduit par application de l'article 85 de la loi spéciale du 6 janvier 1989; il déclare s'en remettre provisoirement à la sagesse de la Cour, renvoyant, pour autant que de besoin, à son arrêt n° 41/90 du 21 décembre 1990, IV, considérant B.1.

Mémoire en réponse des parties requérantes.

Concernant la recevabilité du recours.

A.8. Les dispositions litigieuses du décret qui ont pour effet de restreindre l'accès des étudiants à l'enseignement supérieur de la Communauté française entrent bien dans le champ de l'objet social de l'association sans but lucratif, première partie requérante, qui est notamment de défendre les intérêts des étudiants des établissements d'enseignement supérieur situés en Communauté française. En ce qui concerne le second requérant, les dispositions attaquées sont en l'espèce susceptibles d'avoir une influence directe sur sa situation individuelle dans la mesure où, s'il devait recommencer une nouvelle fois sa première licence, il se verrait plus que probablement opposer un refus d'inscription.

Quant au fond.

A.9. La Cour est compétente pour connaître de la violation du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, même combiné avec l'article 24, § 3, de la Constitution. En outre, les dispositions attaquées concernent l'accessibilité à l'enseignement universitaire dans la mesure où les étudiants qui ne seront pas pris en compte pour le financement des établissements universitaires de la Communauté française pourront se voir refuser leur inscription. Sous cet angle, l'article 13.2 du Pacte précité garantit l'accès à l'enseignement universitaire.

Mémoire en réponse du Gouvernement flamand.

A.10. Il faut adhérer pleinement à la réfutation du premier moyen exposée par le Gouvernement de la Communauté française dans son mémoire en réponse. On peut encore utilement faire référence à l'arrêt de la Cour n° 47/97 du 14 juillet 1997 et en particulier à son considérant B.3.2, alinéa 1er. - B - Quant à la recevabilité.

B.1.1. Le Gouvernement de la Communauté française conteste la recevabilité du recours en tant qu'il porte sur les articles 39 et 50 du décret-programme de la Communauté française du 25 juillet 1996 portant diverses mesures concernant les fonds budgétaires, les bâtiments scolaires, l'enseignement et l'audiovisuel. Il conteste l'intérêt à agir tant de l'association sans but lucratif que du second requérant, qui est étudiant en première licence en biologie à l'Université de Liège.

B.1.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme entreprise.

Quant à la première requérante.

B.2.1. La première requérante est l'a.s.b.l. Fédération des étudiants francophones.

B.2.2. Lorsqu'une association sans but lucratif se prévaut d'un intérêt collectif, il est requis que son objet social soit d'une nature particulière et, dès lors, distinct de l'intérêt général; que cet intérêt ne soit pas limité aux intérêts individuels des membres; que la norme entreprise soit susceptible d'affecter l'objet social; que celui-ci soit réellement poursuivi, ce qui doit ressortir d'activités concrètes et durables de l'association.

B.2.3. La première partie requérante qui, selon ses statuts, a notamment pour objectif de promouvoir les intérêts de l'enseignement supérieur, est susceptible d'être affectée par les articles 39 et 50 attaqués du décret qui déterminent les conditions de réinscription et de financement des étudiants qui ont déjà suivi des cours dans l'enseignement supérieur. Comme elle satisfait également en tant qu'association sans but lucratif aux conditions énumérées sous B.2.2, elle justifie de l'intérêt requis en droit.

Quant au second requérant.

B.3. Le second requérant, qui fait actuellement des études universitaires, peut être affecté directement par l'article 39 attaqué du décret puisqu'il pourrait à l'avenir se voir refuser une réinscription s'il ne satisfaisait pas aux dispositions prévues par cet article. En revanche, en sa qualité d'étudiant, il n'est pas affecté directement et défavorablement par l'article 50 attaqué du même décret, qui détermine les conditions du financement des institutions d'enseignement supérieur lorsqu'elles réinscrivent des étudiants ayant déjà suivi des cours dans l'enseignement supérieur.

S'il est vrai qu'une telle disposition pourrait avoir des répercussions indirectes sur sa situation, il n'en demeure pas moins que ce sont les institutions d'enseignement supérieur elles-mêmes qui sont directement visées par cette disposition. Le second requérant ne justifie donc pas de l'intérêt requis en droit pour attaquer l'article 50 du décret.

Quant au premier moyen.

B.4.1. Le premier moyen est pris de la violation de l'article 24, § 3, de la Constitution combiné avec l'article 13.2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en ce que les dispositions attaquées du décret auraient pour effet de limiter les conditions d'accès à l'enseignement supérieur et porteraient en particulier atteinte à l'obligation de standstill inscrite dans l'article 13.2 précité du Pacte.

B.4.2. Le droit à l'enseignement garanti par l'article 24, § 3, de la Constitution ne fait pas obstacle à une réglementation de l'accès à l'enseignement, en particulier de l'enseignement dispensé au-delà du temps de scolarité obligatoire, en fonction des possibilités et des besoins de la communauté et de l'individu.

Par ailleurs, les parties ne démontrent pas et la Cour n'aperçoit pas en quoi les dispositions attaquées du décret vont à l'encontre de l'obligation de standstill qui résulte de la combinaison de l'article 24, § 3, de la Constitution avec l'article 13.2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. L'article 13.2 c) de ce Pacte porte que l'enseignement supérieur « doit être rendu accessible [...] en fonction des capacités de chacun ».

Il n'empêche donc pas que les articles 39 et 50 attaqués du décret prévoient des dispositions autorisant le refus d'inscription ou supprimant le financement de certains étudiants, notamment lorsque ceux-ci n'ont pas réussi à plusieurs reprises des épreuves universitaires ou lorsqu'ils ne satisfont pas aux critères spécifiques d'admission qui peuvent être fixés pour certaines études.

B.4.3. Le premier moyen n'est pas fondé.

Quant au second moyen.

B.5.1. Un second moyen est pris de la violation de l'article 24, § 1er, de la Constitution, en ce que les critères particulièrement restrictifs imposés en matière de financement des étudiants permettraient à la Communauté française d'échapper à l'obligation de subventionnement qui découle de l'article 24, § 1er, de la Constitution.

B.5.2. La liberté d'enseignement ne fait pas obstacle à ce qu'une réglementation limite le droit au subventionnement de l'enseignement.

Le droit au subventionnement est limité, en effet, d'une part, par le pouvoir de la communauté de lier les subventions à des exigences tenant à l'intérêt général, entre autres celles d'un enseignement de qualité dispensé à des étudiants dont la capacité n'a pas été mise en cause par des échecs répétés dans l'enseignement supérieur, et, d'autre part, par la nécessité de répartir les moyens financiers disponibles pour les diverses missions de la communauté.

En l'espèce, le législateur décrétal a réalisé un équilibre entre ces différents impératifs en adoptant les mesures attaquées, notamment en prévoyant la suppression du financement des candidats-étudiants qui souhaitent se réinscrire dans un cycle d'enseignement supérieur alors qu'ils ont déjà subi dans l'enseignement supérieur des échecs répétés.

Il résulte d'ailleurs des travaux préparatoires que les dispositions attaquées n'excluent par elles-mêmes aucun étudiant. Elles se limitent en effet à prévoir la possibilité pour les institutions universitaires de refuser l'inscription de ces étudiants. Ce refus devra être motivé, l'étudiant pouvant au surplus le contester. Par ailleurs, si l'étudiant est autorisé par son université à poursuivre ses études, il pourra à nouveau faire l'objet d'un financement dès qu'il aura réussi l'année d'études qui faisait problème (Doc., Conseil de la Communauté française, 1995-1996, n° 96/4, rapport, pp. 4 et 29).

B.5.3. Le second moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 1er avril 1998.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

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