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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 24 décembre 1997

Arrêt n° 71/97 du 20 novembre 1997 Numéro du rôle : 998 En cause : le recours en annulation des articles 143 à 146 de la loi du 29 avril 1996 portant des dispositions sociales, qui modifient et complètent les articles 15, 16, 17quater et 17qu La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, L(...)

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Arrêt n° 71/97 du 20 novembre 1997 Numéro du rôle : 998 En cause : le recours en annulation des articles 143 à 146 de la loi du 29 avril 1996 portant des dispositions sociales, qui modifient et complètent les articles 15, 16, 17quater et 17quinquies de la loi sur les hôpitaux, coordonnée le 7 août 1987, introduit par le Gouvernement flamand.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, L. François, P. Martens, J. Delruelle, G. De Baets, E. Cerexhe, H. Coremans, A. Arts, R. Henneuse et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 30 octobre 1996 et parvenue au greffe le 31 octobre 1996, le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19 à 1000 Bruxelles, a introduit un recours en annulation des articles 143 à 146 de la loi du 29 avril 1996 portant des dispositions sociales (publiée au Moniteur belge du 30 avril 1996), qui modifient et complètent les articles 15, 16, 17quater et 17quinquies de la loi sur les hôpitaux, coordonnée le 7 août 1987.

II. La procédure Par ordonnance du 31 octobre 1996, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 18 novembre 1996.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 23 novembre 1996.

Le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire, par lettre recommandée à la poste le 23 décembre 1996.

Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 9 janvier 1997.

Le Gouvernement flamand a introduit un mémoire en réponse, par lettre recommandée à la poste le 10 février 1997.

Par ordonnances des 25 mars 1997 et 30 septembre 1997, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 30 octobre 1997 et 30 avril 1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 9 juillet 1997, le président L. De Grève a soumis l'affaire à la Cour réunie en séance plénière.

Par ordonnance du même jour, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 14 octobre 1997.

Cette dernière ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 10 juillet 1997.

A l'audience publique du 14 octobre 1997 : - ont comparu : . Me B. Van Hyfte, loco Me J. Vanden Eynde, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; . Me P. Van Orshoven, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement flamand; - les juges-rapporteurs M. Bossuyt et R. Henneuse ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. Les dispositions attaquées Les articles attaqués de la loi du 29 avril 1996 portant des dispositions sociales sont libellés comme suit : «

Art. 143.A l'article 15 de la loi sur les hôpitaux, coordonnée le 7 août 1987, sont apportées les modifications suivantes : 1° le texte actuel des première et deuxième phrases constituera désormais, respectivement, le § 1er et le § 2 de l'article;2° au § 1er, sont apportées les modifications suivantes : a) les mots ' l'activité médicale doit faire l'objet d'une évaluation qualitative ' sont complétés par les mots ' aussi bien interne qu'externe ';b) le § 1er est complété par la disposition suivante : ' En outre, un enregistrement interne doit être mis sur pied à l'hôpital.Sur la base de cet enregistrement et pour ce qui concerne les services ou fonctions désignés par le Roi, un rapport doit être rédigé sur la qualité de l'activité médicale. '; 3° au § 2 de cet article, sont apportées les modifications suivantes : a) les mots ' par service ou fonction, désignés par le Roi ' sont insérés entre les mots ' il faut créer ' et les mots ' les structures d'organisation ';b) le § 2 est complété par la disposition suivante : ' Le Roi fixe la composition et le fonctionnement des structures précitées, étant entendu que des médecins exerçant l'activité hospitalière concernée doivent siéger dans ces structures.'; 4° l'article est complété par les dispositions suivantes : ' § 3.L'évaluation visée au § 2 peut porter sur des critères en matière d'infrastructure, de personnel, de pratique médicale pour l'ensemble du service ou de la fonction, ainsi que sur leurs résultats. § 4. Le Roi peut préciser des règles d'application des §§ 1er, 2 et 3 du présent article. '.

Art. 144.Dans l'article 16 de la même loi, les mots ' , conformément à des règles pouvant être précisées par le Roi, ' sont insérés entre les mots ' Le médecin en chef prend ' et les mots ' les initiatives nécessaires '.

Art. 145.A l'article 17quater de la même loi, sont apportées les modifications suivantes : 1° l'alinéa 3 est abrogé;2° le texte actuel des premier et deuxième alinéas constituera désormais, respectivement, le § 1er et le § 2 de l'article;3° au § 1er, sont apportées les modifications suivantes : a) les mots ' l'activité infirmière doit faire l'objet d'une évaluation qualitative ' sont complétés par les mots ' aussi bien interne qu'externe ';b) le § 1er est complété par la disposition suivante : ' En outre, un enregistrement interne doit être mis sur pied à l'hôpital.Sur la base de cet enregistrement et pour ce qui concerne les services ou fonctions désignés par le Roi, un rapport doit être rédigé sur la qualité de l'activité infirmière. '; 4° au § 2 sont apportées les modifications suivantes : a) les mots ' , pour les services ou fonctions désignés par Lui, ' sont insérés entre les mots ' Le Roi crée ' et les mots ' les structures d'organisation nécessaires;b) le § 2 est complété par la disposition suivante : ' Le Roi fixe la composition et le fonctionnement des structures précitées, étant entendu que des infirmièr(e)s exerçant l'activité hospitalière concernée doivent siéger dans ces structures.'; 5° l'article est complété par les dispositions suivantes : ' § 3.L'évaluation visée au § 2 peut porter sur des critères en matière d'infrastructure, de personnel, de pratique infirmière pour l'ensemble du service ou de la fonction, ainsi que sur leurs résultats. § 4. Le Roi peut préciser les règles d'application des §§ 1er, 2 et 3 du présent article. '.

Art. 146.Dans l'article 17quinquies de la même loi, les mots ' , conformément à des règles pouvant être précisées par le Roi, ' sont insérés entre les mots ' Le chef du département infirmier prend ' et les mots ' les initiatives nécessaires. '. » IV. En droit - A - Requête A.1.1. Le premier moyen est pris de la violation de l'article 128, § 1er, alinéa 1er, de la Constitution et de l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

L'instauration, dans les hôpitaux, d'un système de « peer review », telle qu'elle a été réalisée par les dispositions législatives contestées, fait partie de la « politique de dispensation de soins dans les institutions de soins » au sens de l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, sans faire partie des matières réservées au législateur fédéral par les rubriques a) à g) de cette disposition.

A.1.2. Sans doute sera-t-il allégué, s'agissant de ce dernier point, que la mesure attaquée est intégrée dans la « législation organique » des institutions de soins, à savoir les lois coordonnées sur les hôpitaux, et qu'elle doit accessoirement contribuer à « soutenir une politique de programmation, d'agrément et de financement », ce qui relève desdites compétences réservées au législateur fédéral.

La notion de « législation organique », visée à l'article 5, § 1er, I, 1°, a), de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, ne saurait cependant être comprise de manière formelle. Sans quoi, le législateur fédéral pourrait régler toutes les matières communautaires et régionales, pourvu seulement qu'il le fasse dans le cadre des lois coordonnées sur les hôpitaux. Du point de vue matériel, le terme « législation organique » signifie les principes généraux, le cadre dans lequel une certaine matière est ou doit être réglée, ce qui doit se comprendre au demeurant d'un point de vue téléologique, à la lumière de ses implications financières, et le « peer review » peut difficilement être considéré comme un principe de ce type.

A.1.3. En ce qui concerne « la programmation, l'agréation et le financement » au sens de l'article 5, § 1er, I, 1°, b), d), e) et f), de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, il faut tout d'abord observer que ces compétences réservées sont limitées aux règles de base, alors qu'un système de « peer review », qui n'est du reste conçu qu'accessoirement - c'est son troisième objectif - aux fins de contribuer à soutenir la politique fédérale dans ce domaine, peut difficilement être considéré comme une règle de base en l'espèce.

Par ailleurs, on n'aperçoit pas en quoi la mise sur pied d'un système de « peer review » relèverait du « financement de l'exploitation des institutions de soins », a fortiori tel que celui-ci est réglé par la législation organique.

A.1.4. Dans le second moyen, subsidiaire, est invoquée la violation de l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles et du principe de proportionnalité.

Pour autant que la Cour estimerait que l'adoption des dispositions législatives attaquées relève des compétences réservées au législateur fédéral au sens de l'article 5, § 1er, I, 1°, a) à g), de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, quod non, il échet de constater que l'exercice de cette compétence a pour effet qu'il est devenu totalement impossible pour les communautés de prévoir également, pour leur part, dans le cadre de leur compétence propre qui est incontestable, un système de « peer review ». Il est en effet exclu de mettre sur pied dans le même hôpital un second système, parallèle, de « peer review ». Il découle de ce qui précède que, dans cette hypothèse subsidiaire, l'organisation d'un système de « peer review » est pour le moins une compétence mixte de l'Etat, des communautés et de la Commission communautaire commune.

A.1.5. En l'occurrence, le législateur fédéral a exercé les aspects de cette compétence mixte qui relèvent de lui ou sa compétence propre, exclusive, d'une manière telle qu'il n'existe plus aucune marge permettant aux communautés de gérer les aspects qui leur ont été attribués ou leur compétence propre. Cela signifie qu'il a été porté atteinte au principe de proportionnalité, en vertu duquel les différents législateurs doivent veiller à ne pas rendre impossible ou exagérément difficile la mise en oeuvre de la compétence des autres législateurs, principe que la Cour considère à juste titre comme « un élément de la compétence du législateur intervenant en l'espèce ».

Mémoire du Conseil des ministres A.2.1. Le Conseil des ministres définit tout d'abord le cadre dans lequel les dispositions attaquées ont été élaborées et doivent être appréciées.

Les dispositions litigieuses ont été adoptées en exécution du plan global du Gouvernement fédéral tendant à l'assainissement des finances publiques. Prolongeant la politique hospitalière appliquée depuis le début des années '80, le plan global vise à une réorientation de cette politique, axée, d'une part, sur le freinage de la surconsommation de soins hospitaliers et, d'autre part, sur la réduction des charges financières des hôpitaux qui grèvent le budget de l'Etat. Selon le Gouvernement fédéral, cette politique vise essentiellement à établir progressivement de nouvelles formes d'organisation et de nouveaux modes de financement pour les hôpitaux et elle est basée sur l'évaluation permanente des moyens, des objectifs et des résultats du secteur hospitalier.

Les dispositions attaquées énoncent que l'évaluation qualitative obligatoire prévue aux articles 15 et 16 de la loi sur les hôpitaux doit désormais être réalisée non seulement sur le plan interne mais aussi sur le plan externe.

Cette évaluation externe implique que soient comparées les données relatives à l'activité médicale de différents hôpitaux et que l'activité médicale soit évaluée sur la base de lignes de conduite ou de critères uniformes de bonne pratique médicale. L'objectif est de rendre l'activité médicale aussi optimale que possible dans le cadre des moyens disponibles, et de pouvoir utiliser les données recueillies pour soutenir une politique de programmation, d'agrément et de financement.

A.2.2. Concernant le premier moyen, le Conseil des ministres estime que la problématique de la compétence pour l'instauration d'un contrôle externe de qualité, à propos de laquelle le Conseil d'Etat n'a formulé aucune remarque dans son avis concernant le projet de loi ayant conduit aux dispositions litigieuses, doit être envisagée de la même manière que la question de compétence posée lors de l'instauration de l'obligation de principe d'un contrôle de qualité par l'arrêté royal n° 407 du 18 avril 1986 qui a inséré dans la loi sur les hôpitaux les articles 15 et 16 que modifient les dispositions litigieuses. Dans le rapport au Roi, l'autorité fédérale a justifié sa compétence en la matière par le fait que les règles proposées touchent à l'essence même du concept d'hôpital et constituent des règles de base qui doivent être considérées comme législation organique au sens de l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980. On y a vu en outre un lien direct avec la législation sur l'exercice de l'art de guérir, avec l'assurance maladie et avec le financement du fonctionnement des hôpitaux, qui relèvent également de la compétence du législateur fédéral.

A.2.3. Le Conseil d'Etat s'est déjà prononcé, à propos de différentes initiatives parlementaires, sur le problème de compétence actuellement examiné. Le Conseil des ministres conclut d'une analyse de ces avis que le Conseil d'Etat admet que l'instauration d'un régime de contrôle interne dans la loi sur les hôpitaux relève des matières réservées au législateur fédéral par l'article 5, § 1er, I, 1°, a) à g).

Les mêmes arguments valent, mutatis mutandis, pour le système d'évaluation externe qu'instaurent les dispositions litigieuses.

Faisant à nouveau référence aux objectifs qui sous-tendent les dispositions litigieuses, le Conseil des ministres affirme que ces dispositions relèvent des matières réservées au législateur fédéral concernant la législation organique, le financement de l'exploitation, l'assurance maladie-invalidité, les règles de base relatives à la programmation et relatives au financement de l'infrastructure et les normes d'agrément, telles qu'elles sont visées à l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980.

A.2.4. Le Conseil des ministres renvoie aussi à l'avis du Conseil d'Etat du 31 mai 1996 sur un avant-projet de décret « relatif à la gestion totale de la qualité dans les établissements de soins », dans lequel ce dernier a notamment déclaré qu'un tel système d'assurance de la qualité totale touche également à des compétences du législateur fédéral et n'est pas compatible avec la limitation de la compétence des communautés en matière de politique de santé.

A.2.5. Enfin, le Conseil des ministres estime que des arguments justifiant la compétence du législateur fédéral pour adopter les dispositions litigieuses peuvent également être puisés dans des arrêts de la Cour du 31 janvier 1989 et du 13 juillet 1989.

A.2.6. Concernant le second moyen, il échet tout d'abord d'observer, selon le Conseil des ministres, que les dispositions litigieuses relèvent de la compétence du législateur fédéral en vertu des exceptions mentionnées à l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980, de sorte que la thèse selon laquelle il s'agirait d'une compétence mixte n'est pas fondée.

S'agissant de la prétendue violation du principe de proportionnalité, le Conseil des ministres estime que, du fait qu'il se limite à la législation organique, le législateur fédéral a respecté ce principe.

En outre, celui-ci a manifestement égard aux compétences des communautés. Les objectifs du plan global font explicitement ressortir la volonté du législateur fédéral d'aboutir à la collaboration la plus large possible avec les communautés et les régions en matière de politique hospitalière, et différentes initiatives sont envisagées en vue de concrétiser cette collaboration, afin de permettre à chaque autorité d'exercer ses compétences de manière coordonnée.

Mémoire en réponse du Gouvernement flamand A.3.1. Concernant le premier moyen, le Conseil des ministres, pour justifier les dispositions législatives litigieuses sur le plan des compétences, fait abondamment référence au rapport au Roi qui précède l'arrêté royal n° 407 du 18 avril 1986 « modifiant et complétant la loi du 23 décembre 1963 sur les hôpitaux », qui a instauré le système du contrôle interne de qualité dans les hôpitaux que modifient les dispositions litigieuses.

Or, cet arrêté porte avant tout sur le champ d'application de la loi sur les hôpitaux, sur les dispositions organiques en matière d'agrément et de programmation des hôpitaux et sur le statut des médecins hospitaliers, et il ne concerne qu'accessoirement l'instauration d'un contrôle de qualité dans les hôpitaux. Ce que l'on peut lire dans le rapport évoqué concernant le fondement de l'arrêté au regard de la répartition des compétences ne porte que sur les réformes générales introduites par celui-ci et non sur l'instauration d'un contrôle de qualité en particulier, de sorte que les considérations formulées à l'époque sont sorties de leur contexte par le Conseil des ministres et ne sont pas pertinentes en l'espèce.

A.3.2. Si, comme l'affirme le Conseil des ministres, il faut entendre par « législation organique » et « financement de l'exploitation », au sens de l'article 5, § 1er, I, 1°, a), de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles respectivement tout ce qui « vise à définir plus en détail l'organisation de l'activité médicale et infirmière » et « les motifs sous-tendant l'instauration d'un système d'évaluation externe ainsi qu'il ressort des lignes de force du plan global », c'est-à-dire en fait tout ce qui peut d'une manière ou d'une autre avoir une incidence sur l'aspect financier de l'exploitation d'un hôpital, alors il n'est plus question d'une quelconque compétence des communautés en matière de dispensation des soins dans les établissements de soins.

Ceci est encore renforcé par le lien qu'établit le Conseil des ministres avec l'assurance maladie et avec l'exercice de l'art médical ou l'exercice d'activités paramédicales ou infirmières. En effet, on ne saurait citer un aspect de la politique de santé qui n'ait aucun rapport avec ces matières.

Il est exact que le « plan global pour l'emploi, la compétitivité et la sécurité sociale » servait exclusivement des objectifs financiers.

Mais invoquer ce « plan global » comme contexte historique des dispositions litigieuses, ainsi que le fait le Conseil des ministres, n'implique pas que les dispositions litigieuses puissent être considérées simplement comme des mesures de financement.

A.3.3. Le système de « peer review » et de surveillance de la qualité ne vise pas des nouvelles normes d'agrément, mais le contrôle du respect des normes existantes. Ce contrôle relève clairement de la compétence des communautés en même temps que le pouvoir d'accorder ou de retirer des agréments. C'est précisément parce qu'il s'agit d'une procédure de surveillance des conditions d'agrément qu'il ne s'agit pas de dispositions organiques.

A.3.4. Le rapport avec le financement de l'exploitation des hôpitaux est cherché particulièrement loin, car le « peer review » concerne en premier lieu la surveillance de la protection du patient, pour laquelle la compétence communautaire a précisément été créée.

A.3.5. Le lien avec la programmation invoqué par le Conseil des ministres doit également être contesté. S'il appartient à l'autorité fédérale de fixer, au moyen de règles de base, les besoins théoriques de certaines formes de soins, cela signifie du même coup que cette autorité doit se borner à édicter ces règles de base et qu'elle n'est pas compétente pour leur mise en oeuvre concrète via l'agrément et le contrôle de celui-ci.

Des normes d'agrément fédérales sont admissibles pour autant seulement qu'elles aient une incidence sur d'autres compétences réservées à l'autorité fédérale. Il n'est du reste pas contesté que les communautés peuvent édicter des normes d'agrément complémentaires, et ceci a précisément tout son sens au niveau du contrôle, compétence communautaire. Le législateur fédéral ne peut donc édicter, sur ce plan, des normes d'agrément complémentaires, sans vider totalement de son sens la compétence de contrôle des communautés.

A.3.6. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, le deuxième moyen n'est pas pris de l'appropriation d'une compétence communautaire par le législateur fédéral mais de la violation du principe de proportionnalité : la manière dont le législateur fédéral a réglé les aspects du « peer review » qui lui incombent empêche les communautés de gérer convenablement les aspects qui leur reviennent.

Concernant la portée réelle du moyen, il échet de constater que le Conseil des ministres est en principe d'accord avec le Gouvernement flamand puisqu'il reconnaît à plusieurs reprises que les mesures édictées doivent être prises en concertation avec les communautés.

Curieusement, toutefois, la réglementation fédérale en matière de contrôle externe de qualité est un fait accompli cependant qu'il n'a jusqu'à présent pas encore été question de la collaboration envisagée avec les communautés. Les faits prouvent donc que le principe de proportionnalité a été violé. Quoi qu'il en soit, les intentions de l'autorité fédérale dans ce domaine peuvent difficilement être invoquées pour affirmer « que le législateur fédéral a parfaitement respecté le principe de proportionnalité », comme l'écrit le Conseil des ministres. - B - B.1. Le Gouvernement flamand demande l'annulation des articles 143, 144, 145 et 146 de la loi du 29 avril 1996 portant des dispositions sociales, qui modifient et complètent les articles 15, 16, 17quater et 17quinquies de la loi sur les hôpitaux coordonnée le 7 août 1987. Ces dernières dispositions imposent aux hôpitaux l'obligation d'une évaluation qualitative des activités médicales et infirmières.

Il ressort de l'exposé des moyens que les objections du Gouvernement flamand portent exclusivement sur le fait que les dispositions attaquées prévoient que cette évaluation sera désormais non plus seulement interne mais aussi externe. Selon les travaux préparatoires, le législateur entend instaurer par là un système d'évaluation concertée entre praticiens d'une discipline médicale déterminée appartenant à divers services et à différents hôpitaux, permettant à ces praticiens d'évaluer et de mettre en commun leurs expériences, de confronter leurs pratiques et de déterminer sur cette base des critères uniformes de bonne pratique médicale (système dénommé « peer review ».

Une évaluation similaire est envisagée en ce qui concerne l'activité infirmière (Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 352/1, p. 62; n° 352/10, pp. 2 et 6).

B.2.1. Dans le premier moyen, le Gouvernement flamand fait valoir que les dispositions litigieuses violent l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, en ce qu'elles ressortissent à « la politique de dispensation de soins dans les institutions de soins », sans relever des matières que la loi spéciale réserve au législateur fédéral.

B.2.2. L'article 5, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles dispose : « Les matières personnalisables visées à l'article 59bis, § 2bis, (actuellement 128, § 1er) de la Constitution, sont : I. En ce qui concerne la politique de santé : 1° La politique de dispensation de soins dans et au dehors des institutions de soins, à l'exception : a) de la législation organique;b) du financement de l'exploitation, lorsqu'il est organisé par la législation organique;c) de l'assurance maladie-invalidité;d) des règles de base relatives à la programmation;e) des règles de base relatives au financement de l'infrastructure, en ce compris l'appareillage médical lourd;f) des normes nationales d'agréation uniquement dans la mesure où celles-ci peuvent avoir une répercussion sur les compétences visées au b), c), d) et e) ci-dessus;g) de la détermination des conditions et de la désignation comme hôpital universitaire conformément à la législation sur les hôpitaux. B.3.1. Les dispositions attaquées, et en particulier le système d'évaluation qualitative externe critiqué par le Gouvernement flamand, font partie d'un ensemble de règles, dans la loi sur les hôpitaux, qui concernent la structuration des activités médicales et infirmières.

Ces règles énoncent le principe selon lequel l'activité médicale et l'activité infirmière doivent être organisées de manière à faire partie intégrante de l'activité hospitalière, étant entendu que l'organisation de l'hôpital doit être telle que l'activité médicale et l'activité infirmière puissent s'y déployer dans des conditions optimales (articles 14 et 17ter de la loi sur les hôpitaux).

B.3.2. Dans le cadre de cet objectif, l'arrêté royal n° 407 du 18 avril 1986 modifiant et complétant la loi du 23 décembre 1963 sur les hôpitaux a notamment instauré l'obligation de procéder à une évaluation de l'activité médicale et de l'activité infirmière et les hôpitaux ont été obligés de créer les structures d'organisation en vue de parvenir à une évaluation qualitative systématique de ces activités.

A côté du système existant d'évaluation interne, les dispositions attaquées instaurent un système d'évaluation externe.

B.3.3. Ces dispositions ont un objectif budgétaire, en ce qu'elles tendent à ce que l'activité soit exercée dans le cadre des moyens disponibles et en ce qu'elles visent aussi à pouvoir utiliser les données recueillies en vue d'adapter la réglementation en matière de programmation, de normes d'agrément et de financement (Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 352/1, p. 63; n° 352/10, pp. 2 et 68).

Etant donné que les dispositions litigieuses constituent un instrument devant permettre de mener une politique efficace et cohérente en ce qui concerne le financement, la programmation et les normes d'agrément des hôpitaux, elles doivent être considérées comme relevant des matières réservées au pouvoir fédéral par l'article 5, § 1er, I, 1°, a) à g), de la loi spéciale du 8 août 1980. B.3.4. Il ressort de ce qui précède que les dispositions attaquées relèvent de la compétence du législateur fédéral et que le premier moyen n'est pas fondé.

B.4.1. Dans le second moyen (subsidiaire), le Gouvernement flamand invoque la violation de l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 et du principe de proportionnalité, en ce que l'autorité fédérale, si elle est compétente pour adopter les dispositions attaquées, empêche la communauté de créer un système d'évaluation concertée (« peer review ») pour ce qui concerne la compétence propre à cette dernière.

B.4.2. En ce qui concerne la politique de santé, l'article 5, § 1er, I, de la loi spéciale du 8 août 1980 a transféré aux communautés la « politique de dispensation de soins dans et au dehors des institutions de soins », exception faite pour les matières mentionnées sous le 1°, a) à g), qui sont demeurées de la compétence du législateur fédéral. B.4.3. Le système de contrôle de qualité créé par le législateur fédéral ne constitue pas un but en soi, mais un instrument dans la recherche d'une utilisation optimale des moyens disponibles au niveau fédéral en matière de dispensation de soins; il est également destiné à la collecte systématique de données utiles au soutien de la politique de programmation, d'agrément et de financement, pour laquelle l'autorité fédérale est compétente, ainsi qu'il a été dit plus haut.

B.4.4. Cette réglementation n'empêche pas que, dans les limites de la compétence qui n'est pas réservée à l'Etat fédéral, les communautés puissent adopter des normes propres en matière de contrôle de qualité de la dispensation de soins.

Le deuxième moyen ne peut être admis.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 20 novembre 1997.

Le greffier, L. Potoms Le président, L. De Grève

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