Etaamb.openjustice.be
Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 20 septembre 1997

Arrêt n° 41/97 du 14 juillet 1997 Numéro du rôle : 970 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 320 et 332 du Code civil, posées par la Cour d'appel de Liège. La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchi après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles Par arr(...)

source
cour d'arbitrage
numac
1997021298
pub.
20/09/1997
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 41/97 du 14 juillet 1997 Numéro du rôle : 970 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 320 et 332 du Code civil, posées par la Cour d'appel de Liège.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L. François, P. Martens, J. Delruelle, G. De Baets, E. Cerexhe, H. Coremans, A. Arts, R. Henneuse et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles Par arrêt du 28 mai 1996 en cause de H. Lorenz contre D. Vygen, L. Csizmadia et Y. Barthelemy, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 19 juin 1996, la Cour d'appel de Liège a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. L'article 320 du Code civil en tant qu'il n'autorise pas le candidat à la reconnaissance d'un enfant issu de son union avec une femme mariée à faire la preuve par toutes voies de droit de sa paternité, alors que cette paternité est corroborée par la possession d'état et que la filiation paternelle n'est pas contestée, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution ? 2. L'article 332 du Code civil en tant qu'il dispose que la paternité établie en vertu de l'article 315 du Code civil ne peut être contestée que par le mari, par la mère et par l'enfant, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, notamment en tant qu'il exclut du droit à contester la présomption de paternité le père biologique de l'enfant dont la paternité n'est pas contestée et vis-à-vis duquel l'enfant a la possession d'état ? » II.Les faits et la procédure antérieure J. Lorenz fait appel devant le juge a quo du jugement par lequel le Tribunal de première instance de Verviers rejette son action tendant à reconnaître l'enfant M. Csizmadia, né de D. Vygen - laquelle était mariée lors de la naissance à L. Csizmadia.

L'appelant ayant soulevé la conformité aux articles 10 et 11 de la Constitution des articles 318, 320 et 332 du Code civil, et ayant demandé que la Cour d'arbitrage soit interrogée à titre préjudiciel, la Cour d'appel pose les deux questions rappelées ci-dessus.

III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 19 juin 1996, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 12 août 1996.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 13 août 1996.

Des mémoires ont été introduits par : - Me Y. Barthelemy, avocat, demeurant à 4960 Malmédy, place du Châtelet 7, désigné en qualité de tuteur ad hoc de l'enfant mineur d'âge M. Csizmadia, par lettre recommandée à la poste le 26 septembre 1996; - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 27 septembre 1996; - H. Lorenz, demeurant à 4630 Soumagne, rue de l'Egalité 6, par lettre recommandée à la poste le 30 septembre 1996.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 11 octobre 1996.

Le Conseil des ministres a introduit un mémoire en réponse, par lettre recommandée à la poste le 13 novembre 1996.

Par ordonnances des 26 novembre 1996 et 29 mai 1997, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 19 juin 1997 et 19 décembre 1997 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 26 février 1997, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 18 mars 1997.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 26 février 1997.

Par ordonnance du 18 mars 1997, le président M. Melchior a soumis l'affaire à la Cour réunie en séance plénière.

A l'audience publique du 18 mars 1997 : - ont comparu : . Me D. Pire, avocat au barreau de Liège, pour Me Y. Barthelemy, tuteur de l'enfant mineur M. Csizmadia; . Me V. Sauvage, avocat au barreau de Liège, pour H. Lorenz; . Me J. Sohier loco Me J. Bourtembourg, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs R. Henneuse et M. Bossuyt ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

IV. En droit - A - Position de Me Y. Barthelemy, tuteur ad hoc de l'enfant M. Csizmadia A.1. Il ressort de la combinaison des articles 320 et 332 du Code civil que le père biologique ne peut faire constater sa paternité si ni la mère, ni le père n'ont introduit d'action. Selon les travaux préparatoires, l'objectif ainsi poursuivi par le législateur serait de protéger la paix des familles.

A.2.1. Plusieurs différences de traitement en résultent.

L'enfant né d'une femme mariée et ayant pour père l'amant de celle-ci (enfant adultérin a matre) est traité différemment de l'enfant né d'un homme marié à une autre femme que sa mère (enfant adultérin a patre) : en vertu de l'article 319bis du Code civil, ce dernier peut en effet être reconnu par son père, sous réserve d'homologation; l'épouse peut contester la réalité de cette paternité.

L'homme et la femme sont traités différemment, en ce que la filiation maternelle sera toujours établie, que ce soit par l'acte de naissance (article 312) ou par la reconnaissance de l'enfant (article 313), laquelle reconnaissance ne fait l'objet d'aucune restriction.

Les enfants adultérins a matre sont traités différemment des autres enfants, la plupart de ces derniers pouvant voir coïncider la filiation légale et la filiation biologique.

Les pères sont traités différemment, selon la situation de la mère.

A.3. S'agissant de la première des différences de traitement précitées - celle faite entre les enfants adultérins a matre et a patre -, elle implique que les enfants adultérins a patre peuvent être reconnus moyennant homologation : en ce qui les concerne, la protection de la paix de la famille de l'homme marié n'est donc pas assurée, de telle sorte que cet argument ne peut être retenu pour justifier la différence de traitement faite dans le cas des enfants adultérins a matre.

A.4.1. Les moyens utilisés par le législateur sont disproportionnés par rapport au but poursuivi.

A.4.2. Tout d'abord, la protection de la paix de la famille n'aurait pas été affectée si le législateur avait autorisé la reconnaissance d'un enfant par son père biologique lorsque la famille de la mère est disloquée de fait - lequel critère est d'ailleurs admis, notamment, en matière de divorce - : c'est la limitation aux seules hypothèses où la séparation est officialisée par une procédure judiciaire qui est disproportionnée à l'objectif poursuivi par le législateur.

A.4.3. Ensuite, l'invocation de la paix des familles est insuffisante dès lors qu'elle n'est pas assurée dans d'autres cas, et notamment dans le cadre des articles 330 (contestation d'une reconnaissance) et 319bis (reconnaissance d'un enfant adultérin a patre).

A.4.4. Enfin, les dispositions en cause violent diverses dispositions internationales : l'article 7, paragraphe 1, de la Convention de New York relative aux droits de l'enfant, d'une part, et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, d'autre part.

A.5. Il y a lieu en conséquence de répondre positivement aux deux questions préjudicielles.

Position du Conseil des ministres A.6. La présomption de paternité instaurée par l'article 315 du Code civil peut être renversée de deux façons.

Soit directement, par voie de contestation (article 318), cette faculté étant réservée au mari lui-même, à la mère et à l'enfant (article 332). Cette limitation a été justifiée par le souci de préserver « la paix des familles ».

Soit indirectement, par la faculté donnée à un autre homme que le mari de reconnaître l'enfant, moyennant (outre l'autorisation du tribunal) le respect de la double condition édictée par l'article 320 du Code civil.

A.7. En ce qui concerne la portée des questions préjudicielles, la première doit être déclarée sans objet, en ce qu'elle évoque, au sujet de l'article 320, l'impossibilité pour le candidat à la reconnaissance de « faire la preuve par toutes voies de droit de sa paternité » : en effet, l'article 320 n'a nullement cet objet, se limitant à permettre de faire tomber la paternité du mari de la mère en obtenant l'autorisation de reconnaître l'enfant; se bornant à vérifier le respect des conditions de l'article 320, le tribunal ne vérifie ni l'exactitude de la reconnaissance, ni son opportunité. En réalité, les questions préjudicielles posent la question de la conformité au principe d'égalité de la différence faite, quant à la possibilité de contester la paternité du mari de la mère, entre le mari, la mère et l'enfant, d'une part, et tout autre homme que le mari, d'autre part.

A.8.1. Eu égard à la difficulté, à l'inverse de la filiation maternelle, d'établir de façon certaine la filiation paternelle, le législateur a organisé une présomption, celle de la paternité du mari de la mère; celle-ci est elle-même fondée sur une double présomption, la cohabitation, d'une part, la fidélité de la femme, d'autre part. Ce régime de présomption permet d'offrir à l'enfant une protection juridique l'intégrant, dès sa naissance, dans une famille, avec toutes les garanties qu'attache la loi à ce fait.

A.8.2. Cette présomption n'est cependant pas irréfragable.

Elle peut être renversée notamment lorsqu'elle est contredite par des circonstances constatées dans un acte judiciaire : dans ces cas, le mari, la mère et l'enfant, comme tout homme autre que le mari disposent des mêmes possibilités.

L'exclusion du droit de faire reconnaître un enfant par un homme autre que le mari de la mère en dehors des circonstances précitées se justifie par le souci de garantir la paix des familles - si ni le mari ni la mère ne contestent la présomption de paternité légale -, par celui d'assurer à l'enfant la plus grande stabilité juridique possible dans l'établissement de la filiation - afin d'éviter le risque d'en être privé - et, enfin, par la sécurité juridique, en ce que celle-ci exclut « tout arbitraire concernant l'autorisation ou non de cette reconnaissance ». Le mari, la mère et l'enfant sont dans une situation qui n'est pas comparable à celle des autres hommes que le mari : les premiers sont en effet unis par un lien de filiation juridique, à l'égard duquel les seconds sont étrangers.

A.8.3. En ce qui concerne l'article 332, l'exclusion de droit, pour les hommes autres que le mari, de contester directement la paternité légale se justifie par la nécessité de protéger la stabilité de toute filiation apparemment bien établie. Il en va d'autant plus ainsi que la contestation de la paternité légale n'implique pas nécessairement l'établissement d'une paternité de substitution.

A.8.4. En ce qui concerne l'article 320, le demandeur, une fois l'autorisation de reconnaissance obtenue, est libre de procéder ou non à celle-ci devant l'officier de l'état civil. Même lorsque la filiation biologique du demandeur est non seulement établie mais en outre confirmée par la possession d'état, autoriser la reconnaissance en dehors des hypothèses visées par l'article 320 risque de compromettre une réconciliation éventuelle des époux. Par ailleurs, la possession d'état est une notion trop vague, au regard de la sécurité juridique, pour permettre que soit mise en cause la présomption de paternité dans le chef du mari.

A.9. En ce qui concerne la proportionnalité de la différence de traitement, celle-ci n'apparaît pas disproportionnée aux buts poursuivis. D'une part, les cas où les pères biologiques sont effectivement empêchés de reconnaître leur enfant sont rares dès lors qu'il leur est généralement loisible de faire en sorte que la paternité légale soit contestée par la mère ou l'enfant. D'autre part, à supposer même que l'établissement de la filiation soit différé jusqu'à la majorité de l'enfant, cela n'empêche pas que le père biologique puisse entretenir des relations personnelles avec l'enfant, comme l'atteste le cas concret ayant donné lieu aux questions préjudicielles.

Par ailleurs, les dispositions en cause sont compatibles avec les dispositions internationales citées par les autres parties.

Position de H. Lorenz A.10. L'une des lignes de force de la loi du 31 mars 1987 modifiant diverses dispositions légales relatives à la filiation était, à côté de l'ouverture à la réalité biologique, le principe d'égalité et de non-discrimination entre les enfants, qu'ils soient issus ou non du mariage.

A.11.1. Diverses inégalités résultent des dispositions en cause, que ce soit entre pères, entre mères, entre enfants ou entre père et mère.

Celles-ci ne reposent sur aucun critère objectif et ne sont pas raisonnablement justifiées.

A.11.2. Au regard de l'objectif poursuivi - assurer la paix des familles -, les limitations apportées par l'article 320 à la possibilité de reconnaissance d'un enfant par son père biologique ne sont pas justifiées en ce qu'il est requis que la séparation entre époux soit actée par une décision judiciaire : en effet, sont ainsi omises les séparations de fait, lesquelles, fréquentes, sont susceptibles de preuve par diverses voies. Les limitations apportées à la reconnaissance sont en contradiction avec les objectifs d'ouverture à la réalité biologique et à la non-discrimination entre enfants poursuivis par le législateur.

A.11.3. Les dispositions en cause violent diverses dispositions internationales ayant effet direct : d'une part, les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, et le droit au respect de la vie privée et familiale qu'ils garantissent, d'autre part, les articles 3, 7, 8 et 16 de la Convention internationale des droits de l'enfant. - B - Quant à la première question préjudicielle B.1. La première question préjudicielle est formulée en ces termes : « L'article 320 du Code civil en tant qu'il n'autorise pas le candidat à la reconnaissance d'un enfant issu de son union avec une femme mariée à faire la preuve par toutes voies de droit de sa paternité, alors que cette paternité est corroborée par la possession d'état et que la filiation paternelle n'est pas contestée, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution ? » B.2. L'article 320 du Code civil s'énonce comme suit : « Lorsque la paternité établie en vertu des articles 315 ou 317 n'est pas corroborée par la possession d'état, l'enfant peut, sur l'autorisation du tribunal de première instance de son domicile, être reconnu par un autre homme que le mari : 1° s'il est né 180 jours au moins après la dissolution ou l'annulation du mariage de la mère;2° s'il est né plus de 300 jours après l'audience d'introduction visée à l'article 1258 du Code judiciaire et qu'un procès-verbal de conciliation n'a pas été établi, ou après l'ordonnance du président siégeant en référé et autorisant les époux à résider séparément, ou après la déclaration prévue à l'article 1289 du même Code, et moins de 180 jours après le rejet définitif de la demande ou depuis la conciliation des époux;3° s'il est né plus de 300 jours après une ordonnance du juge de paix rendue en vertu de l'article 223 du présent Code et autorisant les époux à résider séparément, et moins de 180 jours depuis que cette mesure a pris fin ou depuis la réunion de fait des époux;4° si l'enfant est né plus de 300 jours après la date de la séparation de fait lorsque le divorce a été prononcé en vertu des articles 229, 231 ou 232.» B.3. L'article 320 du Code civil permet à un homme autre que le mari de la mère de reconnaître un enfant, lorsque la paternité du mari n'est pas corroborée par la possession d'état, pour autant qu'il y soit autorisé par le tribunal de première instance et que l'enfant soit né dans l'une des quatre hypothèses prévues par la disposition.

Ces hypothèses concernent toutes des cas où il ressort d'un acte judiciaire que les époux étaient désunis au moment de la conception de l'enfant.

B.4. Contrairement à ce qui est présupposé dans la question préjudicielle posée à la Cour, l'article 320 du Code civil n'a pour objet ni de donner ni de refuser à qui que ce soit l'autorisation de faire la preuve de sa paternité par toutes voies de droit. La circonstance que la paternité de l'homme qui souhaite procéder à la reconnaissance de l'enfant est corroborée par la possession d'état et n'est pas contestée, est étrangère aux hypothèses visées par cette disposition. Il en résulte que la question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

Quant à la deuxième question préjudicielle B.5. La deuxième question préjudicielle est posée par la Cour d'appel dans les termes suivants : « L'article 332 du Code civil en tant qu'il dispose que la paternité établie en vertu de l'article 315 du Code civil ne peut être contestée que par le mari, par la mère et par l'enfant, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, notamment en tant qu'il exclut du droit à contester la présomption de paternité le père biologique de l'enfant dont la paternité n'est pas contestée et vis-à-vis duquel l'enfant a la possession d'état ? » B.6.1. L'article 315 du Code civil dispose : « L'enfant né pendant le mariage ou dans les 300 jours qui suivent la dissolution ou l'annulation du mariage, a pour père le mari. » L'article 317 du Code civil dispose : « L'enfant né dans les 300 jours après la dissolution ou l'annulation du mariage de sa mère et après le remariage de celle-ci, a pour père le nouveau mari.

Si cette paternité est contestée, le précédent mari est tenu pour le père à moins que sa paternité ne soit également contestée ou que la paternité d'un tiers ne vienne à être établie. » B.6.2. Les conditions et les modalités selon lesquelles peut être contestée la paternité établie en vertu de ces dispositions sont déterminées par l'article 318 du même Code, article aux termes duquel : « § 1er. La paternité du mari peut être contestée s'il est prouvé qu'il ne peut être le père de l'enfant. § 2. Cette preuve peut être fournie par toutes voies de droit. § 3. A moins que l'enfant n'ait la possession d'état à l'égard des deux époux ou qu'il n'y ait eu réunion de fait de ceux-ci au temps de la conception, la demande est déclarée fondée : 1° lorsque l'enfant est né plus de 300 jours après l'audience d'introduction visée à l'article 1258 du Code judiciaire et qu'un procès-verbal de conciliation n'a pas été établi, ou après l'ordonnance du président siégeant en référé et autorisant les époux à résider séparément, ou après la déclaration prévue à l'article 1289 du même Code, et moins de 180 jours après le rejet définitif de la demande ou depuis la conciliation des époux;2° lorsque l'enfant est né plus de 300 jours après la date de la séparation de fait en cas de divorce prononcé en vertu des articles 229, 231 ou 232;3° lorsque l'enfant est né plus de 300 jours après une ordonnance du juge de paix rendue en vertu de l'article 223 du présent Code et autorisant les époux à résider séparément, et moins de 180 jours après que cette mesure a pris fin, ou après la réunion de fait des époux;4° lorsque la filiation maternelle est établie par reconnaissance ou par décision judiciaire;5° lorsque le mari introduit l'action avant que la filiation maternelle ne soit établie. Dans tous ces cas, la preuve de la paternité peut être administrée par toutes voies de droit. § 4. La demande n'est pas recevable si le mari a consenti à l'insémination artificielle ou à un autre acte ayant la procréation pour but, sauf si la conception de l'enfant ne peut en être la conséquence. » Définissant notamment les personnes autorisées à contester la paternité établie en vertu des articles 315 et 317, l'article 332 du Code civil dispose : « La paternité établie en vertu de l'article 315 peut être contestée par le mari, par la mère et par l'enfant.

Si le mari est décédé sans avoir agi, mais étant encore dans le délai utile pour le faire, sa paternité peut être dans l'année de son décès ou de la naissance, contestée par ses ascendants et par ses descendants.

La paternité établie en vertu de l'article 317 peut en outre être contestée par le précédent mari.

L'action de la mère doit être intentée dans l'année de la naissance et celle du mari ou du précédent mari dans l'année de la naissance ou de la découverte de celle-ci.

Celle de l'enfant doit être intentée au plus tard dans les quatre ans à compter du moment où il atteint l'âge de dix-huit ans. Sauf circonstances exceptionnelles, elle est irrecevable si le mari a élevé l'enfant comme sien.

La demande doit être formée de manière que l'enfant ou ses descendants, la mère, le mari et, le cas échéant, le précédent mari soient à la cause. » B.7. Il ressort des termes de la question préjudicielle et des éléments de fait soumis au juge a quo que la différence de traitement en cause est celle faite entre le mari, l'épouse et l'enfant, d'une part, et le père biologique dont la paternité, non contestée, est corroborée par la possession d'état, d'autre part. La différence de traitement consiste en ce que, à l'inverse des premiers, ce père biologique ne peut contester directement la paternité du mari.

B.8. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.9. Il existe entre les deux catégories une différence objective. Le mari, l'épouse et l'enfant sont inclus dans la cellule familiale résultant du mariage; le père biologique y est étranger.

B.10.1. La loi du 31 mars 1987 a modifié, comme son intitulé l'indique, diverses dispositions légales relatives à la filiation; en particulier, son chapitre V a inséré un nouveau titre VII dans le livre Ier du Code civil, intitulé « De la filiation », dont font partie les dispositions citées ci-dessus, telles qu'elles ont été modifiées par la loi du 27 décembre 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/12/1994 pub. 02/02/2016 numac 2016015011 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment de l'Accord relatif à la perception d'un droit d'usage pour l'utilisation de certaines routes par des véhicules utilitaires lourds, signé à Bruxelles le 9 février 1994, entre les gouvernements de la République fédérale d'Allemagne, du Royaume de Belgique, du Royaume du Danemark, du grand-duché de Luxembourg et du Royaume des Pays-Bas et instaurant une Eurovignette, conformément à la Directive 93/89/CEE du Conseil des Communautés européennes du 25 octobre 1993 type loi prom. 27/12/1994 pub. 03/09/2019 numac 2019041954 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment de l'Accord relatif à la perception d'un droit d'usage pour l'utilisation de certaines routes par des véhicules utilitaires lourds, signé à Bruxelles le 9 février 1994, entre les Gouvernements de la République fédérale d'Allemagne, du Royaume de Belgique, du Royaume du Danemark, du grand-duché de Luxembourg et du Royaume des Pays-Bas et instaurant une Eurovignette, conformément à la Directive 93/89/CEE du Conseil des Communautés européennes du 25 octobre 1993. -- Addendum fermer.

Selon l'exposé des motifs, un des objectifs de la loi du 31 mars 1987, en ce qui concerne la filiation, était de « cerner le plus près possible la vérité », c'est-à-dire la filiation biologique (Doc. parl., Sénat, 1977-1978, n° 305, 1, p. 3). S'agissant de l'établissement de la filiation paternelle, il a été indiqué que « la volonté de régler l'établissement de la filiation en cernant le plus possible la vérité [devait] avoir pour conséquence d'ouvrir largement les possibilités de contestation » (ibidem, p. 12). Toutefois, il ressort des mêmes travaux préparatoires que le législateur a également entendu prendre en considération et protéger ce que ces travaux appellent « la paix des familles », en tempérant si nécessaire à cette fin la recherche de la vérité biologique (ibidem, p. 15).

B.10.2. L'article 318 du Code civil établit les conditions dans lesquelles la paternité attribuée au mari par l'article 315 du Code civil peut être contestée; cette contestation peut se faire, selon le cas, par la preuve par toutes voies de droit de la non-paternité du mari (§ 2) ou, dans un certain nombre d'hypothèses, par simple dénégation (§ 3).

B.11. En adoptant les articles 318 et 332 du Code civil, le législateur a pu considérer qu'il ne se justifiait pas de permettre à un tiers à la famille au sein de laquelle l'enfant est né de contester directement la paternité du mari de la mère. Il peut se justifier en effet de considérer que ce tiers n'a pas intérêt à cette contestation et qu'il ne lui appartient pas d'apprécier l'intérêt de l'enfant.

Au regard du double objectif poursuivi par le législateur - le souci de favoriser l'établissement de la filiation biologique, d'une part, et la protection de la paix des familles, d'autre part -, l'octroi du droit de contester la paternité du mari aux seuls mari, mère et enfant, à l'exclusion de l'homme qui s'en prétend le père biologique, n'est pas une mesure disproportionnée. Il s'ensuit que l'article 332 du Code civil ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : 1. La question préjudicielle relative à l'article 320 du Code civil n'appelle pas de réponse.2. L'article 332 du Code civil ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'il dispose que la paternité établie en vertu de l'article 315 du Code civil ne peut être contestée que par le mari, par la mère et par l'enfant et en tant qu'il exclut, du droit de contester la paternité, le père biologique dont la paternité n'est pas contestée et qui a la possession d'état vis-à-vis de l'enfant. Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 14 juillet 1997.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

^