Etaamb.openjustice.be
Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 26 août 1997

Arrêt n° 46/97 du 14 juillet 1997 Numéro du rôle : 1021 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 47decies, 2, du décret de la Région flamande du 2 juillet 1981 relatif à la gestion des déchets, posée par le Tribunal de premi La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, L(...)

source
cour d'arbitrage
numac
1997021271
pub.
26/08/1997
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 46/97 du 14 juillet 1997 Numéro du rôle : 1021 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 47decies, 2, du décret de la Région flamande du 2 juillet 1981 relatif à la gestion des déchets, posée par le Tribunal de première instance de Malines.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, L. François, J. Delruelle, H. Coremans et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par jugement du 5 décembre 1996 en cause de la commune de Fourons contre la Région flamande, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 9 décembre 1996, le Tribunal de première instance de Malines a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 47decies, 2, du décret du 2 juillet 1981 concernant la gestion des déchets, libellé comme suit : " Dans un délai de trente jours qui suit la signification de la contrainte, le redevable peut exercer un recours motivé par voie d'exploit d'huissier, portant citation de la Région flamande devant le tribunal de première instance de l'arrondissement où est établie la résidence administrative du fonctionnaire qui a délivré la contrainte. A cet effet, la Région flamande élit domicile auprès de l'OVAM. " est-il contraire à l'article 94 de la Constitution [article 146 de la Constitution coordonnée], en tant que l'article 47decies, 2, du décret du 2 juillet 1981 concernant la gestion des déchets détermine la compétence matérielle et territoriale des tribunaux et règle ainsi une matière qui est réservée au législateur national par l'article 94 de la Constitution [article 146 de la Constitution coordonnée] ? » II. Les faits et la procédure antérieure Par exploit d'huissier non daté a été signifié à la commune de Fourons un commandement de payer dans les 24 heures à la Société publique des déchets pour la Région flamande (OVAM) la somme de 2.562.077 francs, du chef de « redevances » d'environnement et d'amendes. La commune de Fourons a fait opposition à cette contrainte devant le Tribunal de première instance de Malines, en application de l'article 47decies, 2, du décret de la Région flamande du 2 juillet 1981 relatif à la gestion des déchets. Aux termes de cette disposition, l'opposition doit être faite auprès du tribunal de première instance de l'arrondissement où est établi le fonctionnaire qui a délivré la contrainte.

La commune de Fourons a contesté, in limine litis, la compétence du Tribunal de première instance de Malines, invoquant l'argument selon lequel l'article 47decies, 2, du décret du 2 juillet 1981 viole la règle répartitrice de compétences contenue dans l'article 146 (ancien article 94) de la Constitution. A la demande de la commune de Fourons, le Tribunal de première instance de Malines pose donc à la Cour une question préjudicielle à ce sujet.

III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 9 décembre 1996, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 7 janvier 1997.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 21 janvier 1997.

Par ordonnance du 21 février 1997, le président en exercice a prorogé de quinze jours le délai d'introduction d'un mémoire, à la suite de la demande du Gouvernement flamand et de la Région flamande du 21 février 1997.

Cette ordonnance a été notifiée au Gouvernement flamand et à la Région flamande par lettres recommandées à la poste le 24 février 1997.

Des mémoires ont été introduits par : - la commune de Fourons, par lettre recommandée à la poste le 21 février 1997; - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 24 février 1997; - le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, et la Région flamande, par lettre recommandée à la poste le 10 mars 1997.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 10 avril 1997.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - le Gouvernement flamand et la Région flamande, par lettre recommandée à la poste le 12 mai 1997; - le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 12 mai 1997.

Par ordonnance du 28 mai 1997, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 19 juin 1997.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 29 mai 1997.

Par ordonnance du 29 mai 1997, la Cour a prorogé jusqu'au 9 décembre 1997 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

A l'audience publique du 19 juin 1997 : - ont comparu : . Me J. Peeters, avocat au barreau de Louvain, pour la commune de Fourons; . Me P. Callens, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; . Me W. Slosse loco Me P. Engels, avocats au barreau d'Anvers, pour le Gouvernement flamand et la Région flamande; - les juges-rapporteurs H. Coremans et L. François ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

IV. En droit - A - Mémoire de la commune de Fourons A.1. En vertu de l'article 633 du Code judiciaire, qui est d'ordre public, la commune de Fourons peut contester la régularité du commandement de payer devant le juge du lieu de la saisie, en l'espèce le juge des saisies au Tribunal de première instance de Tongres. En vertu de l'article 624 du Code judiciaire, la commune de Fourons peut contester la légalité, l'assiette ou le montant de la « redevance » d'environnement réclamée, au choix, devant l'un des juges désignés dans cette disposition.

En dérogeant aux dispositions précitées, l'article 47decies, 2, du décret de la Région flamande du 2 juillet 1981 relatif à la gestion des déchets prive la commune de Fourons, en sa qualité de débitrice d'une « redevance » d'environnement poursuivie en justice, du droit de s'adresser aux juges désignés dans les articles précités du Code judiciaire. Or, l'article 146 de la Constitution a explicitement attribué au législateur fédéral le pouvoir de déterminer ou de modifier la compétence des tribunaux, tant du point de vue matériel que du point de vue territorial. En obligeant un redevable à saisir de son opposition à la contrainte le tribunal de première instance de l'arrondissement où est établie la résidence administrative du fonctionnaire qui a décerné la contrainte, le législateur décrétal flamand porte atteinte à et modifie la répartition des compétences matérielles et territoriales entre les tribunaux, telle qu'elle est déterminée par le Code judiciaire. Le législateur décrétal flamand n'a aucune compétence pour ce faire. En adoptant la disposition litigieuse, il a violé l'article 146 de la Constitution, qui réserve au législateur fédéral le soin de déterminer la compétence des tribunaux.

Mémoire du Conseil des ministres A.2. La conformité d'une disposition législative aux règles répartitrices de compétences doit s'apprécier par référence au moment où cette disposition est entrée en vigueur.

Lorsque l'article 47decies, 2, du décret du 2 juillet 1981 est entré en vigueur, l'article 19, 1er, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 disposait que le décret règle les matières visées aux articles 4 à 11 de cette loi, « sans préjudice des compétences que la Constitution réserve à la loi ». Le législateur décrétal ne pouvait donc régler ces compétences, à moins que les lois de réformes institutionnelles ne l'y habilitent expressément.

Aux termes de l'article 146 de la Constitution, nul tribunal, nulle juridiction contentieuse ne peut être établi qu'en vertu d'une loi. En vertu de cet article, seul le législateur fédéral peut régler l'organisation et les attributions des juridictions. L'article 77, 9°, de la Constitution contient également une reconnaissance implicite de la compétence fédérale en matière d'organisation des cours et tribunaux. La compétence de régler l'organisation du pouvoir judiciaire inclut également celle de déterminer les règles de la compétence matérielle et territoriale.

Le fait qu'en vertu de l'article 157 de la Constitution, l'organisation et les attributions des tribunaux militaires, des tribunaux de commerce et des juridictions du travail doivent explicitement être réglées par la loi ne signifie pas qu'il en irait autrement pour les tribunaux civils ordinaires. On pourrait en effet difficilement justifier que les tribunaux ordinaires soient traités autrement que les juridictions précitées.

Enfin, la Région flamande ne peut justifier sa compétence en faisant appel aux pouvoirs implicites visés à l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980. L'article 19 de cette loi, tel qu'il s'appliquait au moment de l'entrée en vigueur de la disposition litigieuse, excluait cette possibilité lorsque la matière était réservée à la loi par la Constitution. Et même si l'on admettait que la version actuelle de cet article pourrait s'appliquer, il échet de constater qu'il n'est pas satisfait aux conditions d'application de l'article 10 de la loi spéciale, que la Cour interprète de façon restrictive. En effet, la disposition litigieuse n'est pas véritablement nécessaire à l'exercice de la compétence régionale en matière d'environnement.

Mémoire du Gouvernement flamand et de la Région flamande A.3.1. Il ressort de différents avis de la section de législation du Conseil d'Etat que le législateur décrétal est compétent pour régler la perception et le recouvrement par voie de contrainte des taxes instaurées en vertu de sa compétence fiscale propre. Certes, le Conseil d'Etat a formulé une réserve concernant la phase judiciaire du recouvrement, mais il soulignait en même temps le rejet d'un amendement qui visait à priver les régions de la compétence de fixer les règles de procédure relatives à la perception, au contrôle, aux sanctions et au contentieux et il critiquait la technique de la législation par voie de référence à la réglementation fédérale, qui était précisément utilisée pour rencontrer l'objection relative à l'attribution de compétences aux tribunaux.

A.3.2. En vertu de l'article 19 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, tel qu'il a été modifié par la loi spéciale du 16 juillet 1993, le législateur décrétal peut, en application de l'article 10 de cette loi, intervenir dans le domaine des compétences réservées au législateur fédéral, à la condition que la matière se prête à un règlement différencié et que l'incidence de la réglementation décrétale sur cette matière ne soit que marginale.

Compte tenu du fait que la procédure litigieuse existe déjà dans le domaine de la T.V.A., la réglementation critiquée satisfait à ces conditions.

La disposition contestée n'était pas non plus entachée d'excès de compétence antérieurement à la modification de l'article 19 de la loi spéciale du 8 août 1980 par la loi spéciale du 16 juillet 1993. En effet, le législateur décrétal pouvait alors également attribuer des compétences aux tribunaux, à la condition que cela se fasse d'une manière conforme à ce qui était déjà prévu dans le Code judiciaire ou dans d'autres procédures fédérales. Dès lors que la procédure instaurée dans le décret relatif aux déchets est totalement identique à la procédure d'opposition en matière de recouvrement de la T.V.A., il ne saurait être question d'une nouvelle attribution de compétences.

A cet égard, il convient également de renvoyer aux travaux préparatoires de l'article 5, 4, de la loi spéciale de financement, à propos duquel un amendement fut rejeté qui tendait à priver les régions de la compétence de fixer les règles de procédure en matière de perception, de recouvrement, de contrôle, de sanctions et de contentieux. Il peut se déduire de ceci que les régions sont bel et bien compétentes pour fixer des procédures de perception des taxes régionales et donc pour édicter la disposition litigieuse.

A.3.3. Il échet d'observer, en ordre subsidiaire, que le décret relatif aux déchets se borne à appliquer le Code judiciaire, à savoir l'article 632, qui dispose que toute contestation relative à l'application d'une loi d'impôt est de la compétence exclusive du juge du lieu où est situé le bureau où la perception a été ou doit être faite. Le décret relatif aux déchets ne règle donc pas cette matière mais constate seulement, en vue de la sécurité juridique, que le Tribunal de première instance de Malines est compétent.

A.3.4. En ordre encore plus subsidiaire, il convient de souligner que même si le législateur décrétal n'était pas compétent pour adopter une disposition telle que celle de l'article 47decies, 2, du décret relatif aux déchets, le Tribunal de première instance de Malines serait en tout état de cause la juridiction compétente, compte tenu du prescrit de l'article 632 du Code judiciaire et du principe de la plénitude de compétence du tribunal de première instance. Si la Cour devait conclure à un excès de compétence du législateur décrétal, il serait souhaitable que la compétence du Tribunal de première instance de Malines soit clairement confirmée dans l'arrêt.

A.3.5. En ordre tout à fait subsidiaire, il est demandé à la Cour de faire en sorte que la violation ne produise des effets que pour l'avenir.

Mémoire en réponse du Gouvernement flamand et de la Région flamande A.4.1. Il n'y a pas de violation de la compétence fédérale en matière d'organisation et d'attributions des tribunaux. En effet, le législateur décrétal est compétent pour conférer des attributions aux tribunaux lorsque ceci s'opère d'une manière conforme au Code judiciaire ou à d'autres dispositions fédérales en matière de procédure. En l'espèce, il n'est pas question d'une attribution de compétences dans le même sens que le législateur fédéral, mais de compétences identiques à celles que le tribunal de première instance détenait déjà.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi spéciale du 16 juillet 1993, il n'existe plus aucune raison pour que l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 ne puisse pas s'appliquer aux compétences réservées à la loi par la Constitution. L'incompétence des législateurs communautaires et régionaux pour régler les matières réservées à la loi par la Constitution ne trouve pas, s'agissant du moins des articles de la Constitution antérieurs à la réforme de l'Etat, son fondement dans la Constitution elle-même mais uniquement dans l'article 19 de la loi spéciale du 8 août 1980. En effet, avant la réforme de l'Etat, il n'existait pas de législateurs régionaux et communautaires, de sorte que le Constituant ne pouvait envisager une répartition de compétences entre différents législateurs.

Le nouvel article 19, 1er, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 permet d'appliquer l'article 10 de cette loi aux compétences que cet article 19 attribue à l'autorité fédérale, à la condition que la réglementation dans le domaine des compétences réservées soit nécessaire et qu'elle n'ait qu'une incidence marginale sur la matière traitée.

En l'espèce, il est satisfait aux conditions d'application de l'article 10 précité. Le législateur décrétal a pu estimer que la disposition litigieuse était nécessaire à l'exercice de ses compétences, étant donné que le justiciable doit connaître clairement les voies de recours qui lui sont ouvertes contre la contrainte. La Cour a du reste admis que, sur la base de l'article 10, il pouvait être empiété sur le domaine de compétence du droit judiciaire. Par ailleurs, l'incidence sur la compétence réservée n'est que marginale puisqu'il s'agit d'une attribution identique à celle que détient déjà le tribunal.

A.4.2. La disposition litigieuse ne viole pas l'article 633 du Code judiciaire. Une contestation concernant la légalité, l'assiette ou le montant de la « redevance » d'environnement réclamée ne constitue pas une demande en matière de saisie conservatoire pour laquelle le juge des saisies est compétent. L'article 633 du Code judiciaire ne trouve dès lors pas à s'appliquer.

En revanche, conformément à l'article 632 du Code judiciaire, toute contestation relative à l'application d'une loi d'impôt - comme celle relative à une « redevance » d'environnement - est de la compétence exclusive du juge du lieu où est situé le bureau où la perception a été ou doit être faite. Le Tribunal de première instance de Malines est donc seul compétent, selon la réglementation de droit commun du Code judiciaire, pour connaître de la contestation.

Mémoire en réponse du Conseil des ministres A.5.1. La compétence fiscale des communautés et des régions ne comprend pas celle d'organiser un véritable règlement des litiges. Les avis du Conseil d'Etat cités par la Région flamande ne conduisent pas à une autre conclusion : dans ces avis, il a seulement été dit que les communautés et les régions peuvent, en matière de taxes, prévoir des procédures administratives.

Même sur la base des pouvoirs implicites, la région ne saurait être compétente pour régler les attributions des tribunaux. Le Constituant de 1993 a continué d'opter pour une compétence fédérale exclusive en matière d'organisation judiciaire. Accepter que les communautés et les régions aient des compétences dans ce cadre perturberait l'unité de l'ordre juridique belge et ne peut donc être qualifié de marginal.

A.5.2. Même si la disposition contestée ne faisait que confirmer la règle de compétence inscrite à l'article 632 du Code judiciaire, elle serait néanmoins entachée d'excès de compétence, étant donné que la région n'a aucun pouvoir pour intervenir dans l'organisation judiciaire.

En outre, il se fait que la disposition litigieuse organise une procédure d'exécution, de sorte que le juge des saisies est compétent.

Sur la base de l'article 633 du Code judiciaire, il s'agit du juge des saisies de l'arrondissement du lieu où habite le débiteur. En rendant le Tribunal de première instance de Malines compétent, le législateur décrétal porte malgré tout atteinte aux règles de compétence du droit commun.

A.5.3. La Cour n'est pas compétente pour dire in concreto quel est le tribunal compétent. - B - B.1. L'article 47novies du décret de la Région flamande du 2 juillet 1981 relatif à la gestion des déchets, inséré par l'article 2 du décret du 20 décembre 1989 contenant des dispositions d'exécution du budget de la Communauté flamande, est libellé comme suit : « A défaut d'acquittement de la redevance, des intérêts, de l'amende administrative et accessoires, le fonctionnaire chargé du recouvrement délivre une contrainte.

Cette contrainte est visée et est déclarée exécutoire par le fonctionnaire désigné à cet effet par le Gouvernement flamand. 2. La signification de la contrainte se fait par exploit d'huissier ou par lettre recommandée.» L'article 47decies, 2, du même décret, également inséré par l'article 2 du décret du 20 décembre 1989, - et qui fait l'objet de la question préjudicielle - énonce : « Dans un délai de trente jours qui suit la signification de la contrainte, le redevable peut exercer un recours motivé par voie d'exploit d'huissier, portant citation de la Région flamande devant le tribunal de première instance de l'arrondissement où est établie la résidence administrative du fonctionnaire qui a délivré la contrainte.

A cet effet, la Région flamande élit domicile auprès de OVAM. » B.2. La disposition litigieuse doit être contrôlée au regard des règles établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions, telles qu'elles étaient d'application au moment de l'adoption du décret précité.

B.3. Les articles 3ter (actuellement 38), 59bis (actuellement 127 à 129) et 107quater (actuellement 39) de la Constitution et les articles 4 à 11 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles ont conféré au législateur décrétal le pouvoir de régler par décret un certain nombre de matières.Ainsi, au moment où le décret précité du 20 décembre 1989 fut adopté, l'article 6, 1er, II, 2°, de cette même loi spéciale attribuait aux régions « la politique des déchets, à l'exception de l'importation, du transit, de l'exportation et des déchets radioactifs ».

L'article 19, 1er, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980, avant sa modification par la loi spéciale du 16 juillet 1993, disposait cependant que « le décret règle les matières visées aux articles 4 à 11, sans préjudice des compétences que la Constitution réserve à la loi ».

Il en résultait que, sauf le cas où une habilitation spéciale et expresse avait été donnée par les lois de réformes institutionnelles, le législateur décrétal ne pouvait régler les matières qui lui avaient été attribuées qu'à la condition de n'empiéter en aucune façon sur les compétences réservées à la loi par la Constitution.

Antérieurement à la modification de l'article 19, 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 par la loi spéciale du 16 juillet 1993, la possibilité donnée aux Conseils par l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, modifié par la loi spéciale du 8 août 1988, consistant en ce que leurs décrets puissent contenir des dispositions de droit relatives à des matières pour lesquelles ils ne sont pas compétents, si cela s'avère nécessaire pour l'exercice des compétences communautaires ou régionales, ne pouvait s'appliquer à des compétences que la Constitution réserve à la loi.

B.4. L'article 94 (actuellement l'article 146) de la Constitution dispose : « Nul tribunal, nulle juridiction contentieuse ne peut être établi qu'en vertu d'une loi. [...] » Sur la base de l'article 19, 1er, alinéa 1er, de la loi spéciale précitée du 8 août 1980, tel qu'il était formulé au moment où la disposition contestée a été adoptée, article lu en combinaison avec ce qui était alors l'article 94 de la Constitution, la définition des attributions des tribunaux relevait de la compétence exclusive du législateur fédéral. Le législateur décrétal ne pouvait dès lors adopter aucune disposition en cette matière, même s'il ne faisait que confirmer les attributions existantes d'un tribunal déterminé ou quand bien même le législateur fédéral aurait attribué des compétences semblables à ce tribunal.

B.5. Il résulte de ce qui précède qu'en disposant que l'intéressé peut faire opposition à la contrainte qui lui est signifiée, devant le tribunal de première instance de l'arrondissement où est établie la résidence administrative du fonctionnaire qui a décerné la contrainte, l'article 47decies, 2, du décret du 2 juillet 1981 viole les règles déterminant les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions.

La question préjudicielle appelle une réponse affirmative.

B.6. Le problème soulevé par le Gouvernement flamand et la Région flamande, de savoir quelle juridiction peut connaître de l'opposition dirigée contre les contraintes décernées en vue du recouvrement des « redevances » d'environnement ou des accessoires de telles « redevances », est étranger à la question préjudicielle qui a été posée.

B.7. Le Gouvernement flamand et la Région flamande demandent, en ordre subsidiaire, « de faire en sorte que la violation ne produise des effets que pour l'avenir », compte tenu des nombreuses procédures qui ont déjà conduit à une décision judiciaire coulée en force de chose jugée.

Il suffit d'observer que, dans le cadre d'une procédure préjudicielle, la constatation qu'une norme viole les règles établies pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions n'a aucune incidence sur les décisions judiciaires passées en force de chose jugée qui sont fondées sur cette norme.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : En disposant que le redevable d'une « redevance » d'environnement peut faire opposition à la contrainte qui lui a été signifiée, devant le tribunal de première instance de l'arrondissement où est établie la résidence administrative du fonctionnaire qui a délivré la contrainte, l'article 47decies, 2, du décret de la Région flamande du 2 juillet 1981 relatif à la gestion des déchets, inséré par l'article 2 du décret du 20 décembre 1989 contenant des dispositions d'exécution du budget de la Communauté flamande, viole les règles établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 14 juillet 1997.

Le greffier, Le président, L. Potoms. L. De Grève.

^