publié le 22 mars 2004
Décision n° 2003-C/C-25 du 26 mars 2003 Affaire CONC-C/C-03/007 : Colruyt/Laurus : Vu la loi sur la protection de la concurrence économique coordonnée le 1 er juillet 1999 ; Vu la notification de concentration dé(...) Vu le rapport et le dossier d'instruction établis par le corps des rapporteurs en date du 7 mars 20(...)
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Décision n° 2003-C/C-25 du 26 mars 2003 Affaire CONC-C/C-03/007 : Colruyt/Laurus : Vu la loi sur la protection de la concurrence économique coordonnée le 1er juillet 1999 (ci-après la loi);
Vu la notification de concentration déposée le 10 février 2003 au secrétariat du Conseil de la concurrence et enregistrée sous le n° CONC-C/C-03/0007;
Vu le rapport et le dossier d'instruction établis par le corps des rapporteurs en date du 7 mars 2003;
Entendu à l'audience du 26 mars 2003 : Monsieur Patrick Marchand, Rapporteur, assisté de Madame Michèle Makoko, conseiller adjoint au Service de la concurrence;
Maître Miguel Troncoso-Ferrer, représentant les parties notifiantes. 1. Description des entreprises 1.1. Acquéreur Etn. Fr. Colruyt SA (ci-après Colruyt) est une société anonyme dont le siège social est situé, 196 Edingensesteenweg à 1500 Halle. Le groupe Colruyt est présent en Belgique et en France.
En Belgique, Colruyt a pour principale activité la distribution en libre service de biens de consommation courante à dominance alimentaire aux particuliers. Cette activité se fait à partir de magasins discount (160 magasins Colruyt) et de magasins de proximité (13 magasins Okay). Il est également présent sur le marché des magasins spécialisés : 16 Dreamland (jouets, articles de puériculture, articles saisonniers et fournitures scolaires) et 2 Bio-Planet (produits biologiques).
En France, Colruyt est présent sur le marché de la distribution de biens de consommation courante à prédominance alimentaire aux particuliers et sur le marché de la distribution de denrées alimentaires aux professionnels.
Certaines filiales du groupe gèrent des activités directement ou indirectement en rapport avec son activité principale de distribution (secteur informatique, secteur de l'imprimerie, technologie d'information et de communication). 1.2. Vendeurs Laurus Luxembourg SARL est une société à responsabilité limitée dont le siège social est établi 7, route des Trois Cantons, à 8399 Windhof - Luxembourg. Elle détient 100 % des titres de Laurus Belgium SA (la société cible).
Echo SA est une société anonyme dont le siège social est situé 5, rue des Anglais, à 4430 Ans. La société Echo cède au groupe Colruyt le fonds de commerce de 11 magasins Central Cash.
Ces deux sociétés font partie du groupe hollandais, Laurus NV. 1.3. Société cible et activités cédées - Laurus Belgium SA (ci-après Laurus Belgium) est une société anonyme dont le siège social est situé 23, Industrielaan, à 1740 Ternat.
Laurus Belgium est actif dans le secteur du commerce de détail en libre service à dominante alimentaire via sa filiale Etablissement Battard SA (29 magasins Battard). Elle est aussi titulaire d'une sous licence sur la marque SPAR et d'autres marques rattachées à la marque SPAR en Belgique et au Luxembourg. A ce titre, elle détient en Belgique par ses filiales Disleuven SPRL et Unipol 2 SA, 3 magasins SPAR et détient elle-même 4 magasins A Cash, des contrats d'approvisionnement avec 322 points de vente indépendants utilisant l'enseigne SPAR et 19 franchisés Interbattard. Laurus Belgium approvisionne aussi 193 clients indépendants sans enseigne.
Laurus Belgium possède en outre 2 centres de distribution à Pommeroeul et Heist-op-den-berg. - Le fonds de commerce de 5 magasins Central Cash appartenant à la société Echo SA. 2. Description et but de l'opération Colruyt acquiert - le contrôle exclusif de Laurus Belgium par le biais de l'achat de 100 %, des actions détenues par Laurus Luxembourg SARL - cinq magasins Central Cash de la société Echo SA par le biais d'une cession de fonds de commerce. La concentration poursuit différents objectifs : - créer une complémentarité dans les activités de distribution de Colruyt : - au niveau de la distribution intégrée : étendre ses activités dans le sud du pays où sont situés la majorité des magasins Battard et Central Cash - au niveau de la distribution non intégrée, la reprise des contrats Spar (et en quelque mesure Interbattard offre une opportunité d'entrer dans le secteur Nielsen F2NI et F3, ceci pour mieux faire face à la concurrence de Carrefour (avec les enseignes GB Contact et GB Partner) et Delhaize (avec les enseignes AD Delhaize et Proxy). - remédier à la situation financière difficile de Laurus Belgium. - permettre le maintien des magasins de proximité détenus ou approvisionnés par Laurus Belgium. 3. Champ d'application Les sociétés précitées sont des entreprises au sens de l'article 1er de la loi et l'opération notifiée est une opération de concentration au sens de l'article 9 de la loi. Sur la base des indications fournies par les parties au point 2.3. de la notification, les seuils de chiffres d'affaires visés à l'article 11 de la loi sont atteints. 4. Marchés concernés 4.1. Secteur économique concerné Le secteur économique concerné est celui du commerce de détail en magasins non spécialisés à prédominance alimentaire (NACE 52.11). 4.2. Marchés de produits Dans le secteur de la distribution, deux marchés de produits en cause peuvent être distingués : le marché de la distribution des biens de consommation courante et le marché de l'approvisionnement. Cette distinction a été reprise par le Conseil de la concurrence dans ses décisions n° 2001-C/C-53 du 1er octobre 2001 (en cause de N.V. Gebroeders DELHAIZE en Cie « De Leeuw/N.V. DELIMMO) et n° 2002-C/C-67 du 11 septembre 2002 (en cause SA Onveco et SA Ets Fr. Colruyt/SA Diswel, SA Disbo, SA Disroche et SA Boucherie Pasquasy) ainsi que par le Président du Conseil dans sa décision en mesures provisoires n° 2002-V/M-43 du 13 juin 2002 (en cause de INTERDAMO SA/ITM Belgium SA et Société Centrale d'Approvisionnement en Produits régionaux SA). 4.2.1. Le marché de la distribution des biens de consommation courante Il convient de situer ce marché de produits en cause et de distinguer dans le secteur de la vente alimentaire de détail, à l'instar du Conseil de la concurrence dans sa décision du 11 septembre 2002 précitée qui citait la Commission européenne (cf. e.a. décision du 25 janvier 2001, Carrefour/Promodès, pt. n° 9. décision du 3 février 1999, Rewe/Meinl, pt. n°10), trois marchés distincts : - le marché de la distribution au détail de produits alimentaires et d'articles ménagers non alimentaires répondant aux besoins récurrents des ménages. Ces points de vente assurent la vente d'un ensemble de biens appartenant au panier des biens de consommation courante. Il s'agit du commerce de détail à prédominance alimentaire (épiceries, supermarchés, hypermarchés,...); - le commerce de détail dont la vente de produits alimentaires n'est pas dominante (stations service); - le commerce de détail de produits alimentaires spécialisés (boucherie, boulangerie,...).
Au sein du marché de la distribution de biens de consommation courante, il est également possible comme le rappelle la Commission (e.a. dans la décision Carrefour/Promodès, op. cit., pt. n° 10) d'identifier différentes formes de distribution qui se distinguent entre elles selon des critères tels que la surface du point de vente, le degré d'assortiment des produits, le nombre de gammes et de références, le service offert, les articles de marque et les prix.
C'est ainsi qu'une distinction peut être réalisée entre les petits commerces de proximité (petits libres services, supérettes) souvent caractérisés par une surface restreinte de vente et un assortiment réduit, les supermarchés et les hypermarchés dans lesquels l'offre de produits est souvent très importante. La séparation entre ces formes de distribution n'est pas étanche, certains supermarchés ont en effet tendance à se rapprocher du petit commerce de proximité, tandis que d'autres sont plus proches de l'hypermarché.
Il convient également d'avoir égard aux magasins de type "maxi discounts" qui occupent dans la plupart des cas une surface identique à celle d'un supermarché mais dont le nombre de produits offerts est beaucoup plus réduit que dans un supermarché. Les services offerts par ce type de magasins sont par ailleurs moins complets que ceux offerts par les supermarchés et les hypermarchés. Les magasins maxi discounts pratiquent des "prix bas". Il y a toutefois lieu de considérer à l'instar de la Commission (cf. Carrefour/Promodès, pt. n° 12 op.cit.) que le rapport de concurrence entre d'une part les supermarchés et les hypermarchés et d'autre part les magasins maxi discounts, est limité.
Dans certaines circonstances, il est toutefois possible que des magasins maxi discounts soient en concurrence directe avec les hypermarchés.
Le marché de la distribution de biens de consommation courante peut en outre être envisagé de deux façons : - soit chaque forme de distribution est envisagée comme un marché distinct (absence de substituabilité entre ces différents formes); - soit dans sa globalité. Dans cette hypothèse, le marché de la distribution de biens de consommation courante comprend les différentes formes de distribution.
Il faut noter que la superficie d'un petit commerce de proximité est inférieure à 400 m2, celle d'un supermarché est comprise entre 400 et 2.499 m2 et la superficie d'un hypermarché est supérieure à 2.500 m2.
Dans la mesure où, quelle que soit la définition (marché distinct par catégorie ou marché global) retenue, l'opération ne posera pas de problème de concurrence, il n'y a pas lieu de se prononcer plus avant sur la définition du marché dans le cadre de cette opération. 4.2.2. Le marché de l'approvisionnement Sur le marché de l'approvisionnement, également en cause dans la présente notification selon les parties, l'offre émane des producteurs de biens de consommation courante et la demande émane de grossistes, détaillants et autres entreprises (cafés, hôtels et restaurants).
Ni Colruyt ni les entités reprises ne sont présents sur ce marché en tant que producteurs.
Dans le secteur du commerce de détail, il existe une interdépendance étroite entre le marché de la distribution et celui de l'approvisionnement. Ainsi ce sont les parts de marché détenues par les sociétés de distribution sur les marchés de la vente qui déterminent le volume de leurs achats sur le marché de l'approvisionnement.
Il est possible de définir le marché de l'approvisionnement soit par groupes de produits, soit par segment au sein d'un groupe de produits, soit en fonction du canal de distribution. Dans cette dernière hypothèse, on pourrait considérer que le secteur du commerce de détail à dominante alimentaire constitue un marché distinct.
Etant donné que sur le marché de la distribution des biens de consommation courante, la demande ne varie pas substantiellement d'un groupe de produits à l'autre, il suffit pour évaluer l'impact de la concentration d'examiner la structure de la demande et le degré du pouvoir d'achat qui résulte de la concentration.
L'opération de concentration peut donc s'apprécier sur le marché de l'approvisionnement sans qu'il soit nécessaire de distinguer en fonction des produits et groupes de produits et des différentes catégories de commerce concernées. 4.3.Marchés géographiques 4.3.1. Marché géographique de la distribution de biens de consommation courante Dans sa décision 2002-C/C-67 du 11 septembre 2002, le Conseil a considéré que le marché de la distribution de biens de consommation courante est dans la plupart des cas, un marché local délimité par les zones de chalandise. La zone de chalandise correspond à un rayon de 10 à 30 minutes de transport, à partir du point de vente donné. Les critères qui permettent de déterminer les zones de chalandise sont : la taille du point de vente, les infrastructures commerciales associées à ce point de vente, les voies de communication et la qualité de leur desserte, la taille des ménages, le temps disponible des ménages et la capacité de déplacement.
Le marché géographique peut néanmoins, dans certains cas, être plus large que le marché local et s'étendre à une région voire même au territoire national (cf. e.a. décision du président du Conseil de la concurrence n° 2002-V/M-43 du 13 juin 2002 INTERDAMO S.A./ITM Belgium S.A. et Société centrale d'Approvisionnement en Produits régionaux S.A et la décision de la Commission du 20 novembre 1996, IV/M. 784 - Kesko/Tuko, pt. n° 21, J.O. 26.04.97, N° L 110/53. Rewe).
En effet, dans les grandes chaînes de supermarchés et d'hypermarchés : - la structure de l'assortiment, du moins de base, peut faire l'objet d'une décision centrale; - les campagnes publicitaires sont souvent menées à l'échelle nationale; - la collaboration avec les fournisseurs s'élaborent plutôt au niveau national; - les actions de promotions, le lancement d'un nouveau produit ainsi que la politique de fidélisation sont menés au niveau national. 4.3.2. Marché géographique du marché de l'approvisionnement Selon la Commission, la dimension géographique du marché de l'approvisionnement est pour l'essentiel nationale.
Les grands groupes de distribution et leurs centrales d'achat et de référencement mènent des politiques d'approvisionnement au niveau local, régional, national et international.
Les fournisseurs peuvent avoir une dimension locale, régionale, nationale européenne et mondiale. 5. Analyse concurrentielle 5.1. Le marché de la distribution de biens de consommation courante A. Définition du marché Le rapport Nielsen mentionne 9.192 points de vente qui ont réalisé en 2001 un chiffre d'affaires total de 16,72 milliards d' euro .
Ce même rapport divise la Belgique en 5 zones : zone 1 la Flandre occidentale et orientale; zone 2 le Limbourg, Anvers et le Brabant flamand; zone 3 l'agglomération bruxelloise, à savoir les 19 communes de la Région de Bruxelles-Capitale et 11 communes avoisinantes; zone 4 le Hainaut et le Brabant wallon; zone 5 Liège, Namur et Luxembourg.
Le nombre de magasins par région (en chiffre et %) et le chiffre d'affaires par régions est le suivant : Pour la consultation du tableau, voir image Ce rapport distingue 4 types de commerce : - F1 - la Grande distribution. - F2I - Distribution intégrée en surface moyenne. - F2NI - Distribution non intégrée en surface moyenne. - F3 - tous les magasins libre-service d'une superficie de vente inférieure à 400 m2 et les magasins offrant un service traditionnel.
Par catégorie, les parts de marché sont les suivantes : Pour la consultation du tableau, voir image Les parts de marché par catégorie dans le nord, le sud et Bruxelles sont : Pour la consultation du tableau, voir image B. Les acquisitions de Colruyt Dans la catégorie F2I, Colruyt acquiert 43 magasins : 29 magasins Battard et 3 magasins Spar et la cession des fonds de commerce de 11 magasins Central Cash. Ce qui représente 5,8 %des points de vente de la catégorie F1.
Dans la catégorie F2NI : Contrats d'approvisionnement avec 114 magasins Spar d'une surface égale ou supérieure à 400 m2 et 19 magasins sous l'enseigne Interbattard d'une surface plus ou moins égale à 800 m2. Ce qui représente 12.7 % des points de vente de la catégorie.
Dans la catégorie F3 : 208 indépendants sous l'enseigne Spar et les 193 clients sans enseigne, soit 5,8 %.
Le nombre de magasins par catégorie en 2001 : Pour la consultation du tableau, voir image Il en résulte que les parts de marché détenues par Colruyt sont inférieures à 25 % et que les acquisitions de cette entreprise ne sont pas susceptibles de renforcer sa position dans l'une ou l'autre des catégories de magasins. Colruyt est principalement présent en F1 avec ses 160 magasins et en F3 avec ses 13 magasins Okay. Les acquisitions concernent principalement les catégories F2I et F2NI. 5. 2.Le marché de l'approvisionnement Il existe une interdépendance entre le marché de la distribution et le marché de l'approvisionnement. Plus la société de distribution a des parts de marché importantes sur le marché de la distribution, plus son volume d'achat auprès des producteurs est important. Un volume d'achat important permet à la société de distribution d'obtenir des conditions d'achat favorables. Ces conditions d'achat favorables peuvent être répercutées sur le marché de la distribution et améliorer ainsi encore plus la situation de la société de distribution. Cette répercussion permet en effet à la société de distribution d'améliorer sa position sur le marché de la distribution.
Le Conseil tient toutefois à rappeler que, selon la Commission, ce phénomène est dangereux, car si dans un premier temps, il est favorable aux consommateurs finals, après coup, il peut se révéler néfaste pour le consommateur final puisque ce phénomène a pour conséquence une concentration du marché de la distribution. Et, face à une situation où la concurrence est affaiblie, cette société pour exercer une domination sur le marché. 6. Conclusion Sur le marché de la distribution des biens de consommation courante, les parts cumulées de Colruyt et de Laurus Belgium n'atteignent pas 25 % quelle que soit la zone de chalandise concernée.Il n'y a donc pas de marché concerné.
Il en est de même sur le marché de l'approvisionnement, où les parties ne sont par ailleurs pas présentes en tant que producteur.
Par ces motifs, Le Conseil de la concurrence - constate que la concentration tombe dans le champ d'application de la loi, conformément à l'article 33 § 1er, 1, - qu'elle n'aura pas pour effet l'acquisition ou le renforcement d'une position dominante qui entrave de manière significative une concurrence effective sur le marché belge en cause ou sur une partie substantielle de celui-ci, - la déclare admissible en application des articles 33 § 1er et 33 § 2, 1.a de la loi.
Ainsi décidé le 26 mars 2003 par la chambre du Conseil de la concurrence composée de Monsieur Jacques Schaar, président de chambre, de Monsieur Patrick De Wolf, de Madame Marie-Claude Grégoire et de Monsieur Roger Ramaekers, membres.