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les questions préjudicielles relatives aux articles 23, § 1 er , 1°, et 27 du
Code des impôts sur les revenus 1992, posées par le Tribunal de pr La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen,
et des juges T. Gie(...)"
Extrait de l'arrêt n° 142/2023 du 9 novembre 2023 Numéro du rôle : 7799 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 23, § 1 er , 1°, et 27 du Code des impôts sur les revenus 1992, posées par le Tribunal de pr La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Gie(...) | Extrait de l'arrêt n° 142/2023 du 9 novembre 2023 Numéro du rôle : 7799 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 23, § 1 er , 1°, et 27 du Code des impôts sur les revenus 1992, posées par le Tribunal de pr La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Gie(...) |
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COUR CONSTITUTIONNELLE | COUR CONSTITUTIONNELLE |
Extrait de l'arrêt n° 142/2023 du 9 novembre 2023 | Extrait de l'arrêt n° 142/2023 du 9 novembre 2023 |
Numéro du rôle : 7799 | Numéro du rôle : 7799 |
En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 23, § 1er, | En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 23, § 1er, |
1°, et 27 du Code des impôts sur les revenus 1992, posées par le | 1°, et 27 du Code des impôts sur les revenus 1992, posées par le |
Tribunal de première instance de Liège, division de Liège. | Tribunal de première instance de Liège, division de Liège. |
La Cour constitutionnelle, | La Cour constitutionnelle, |
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. | composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. |
Giet, J. Moerman, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du | Giet, J. Moerman, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du |
greffier N. Dupont, présidée par le président P. Nihoul, | greffier N. Dupont, présidée par le président P. Nihoul, |
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : | après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : |
I. Objet des questions préjudicielles et procédure | I. Objet des questions préjudicielles et procédure |
Par jugement du 28 avril 2022, dont l'expédition est parvenue au | Par jugement du 28 avril 2022, dont l'expédition est parvenue au |
greffe de la Cour le 10 mai 2022, le Tribunal de première instance de | greffe de la Cour le 10 mai 2022, le Tribunal de première instance de |
Liège, division de Liège, a posé les questions préjudicielles | Liège, division de Liège, a posé les questions préjudicielles |
suivantes : | suivantes : |
« Les articles 23, § 1er, 1°, et 27 du CIR 1992 violent-ils les | « Les articles 23, § 1er, 1°, et 27 du CIR 1992 violent-ils les |
principes constitutionnels de légalité et/ou d'égalité contenus dans | principes constitutionnels de légalité et/ou d'égalité contenus dans |
les articles 170 et 172 de la Constitution, en ce qu'ils rendent | les articles 170 et 172 de la Constitution, en ce qu'ils rendent |
imposables des loyers générés par des immeubles financés par le | imposables des loyers générés par des immeubles financés par le |
recours à l'emprunt hypothécaire dont les intérêts sont déductibles en | recours à l'emprunt hypothécaire dont les intérêts sont déductibles en |
vertu de l'article 14 du CIR 1992 dans le but d'encourager le secteur | vertu de l'article 14 du CIR 1992 dans le but d'encourager le secteur |
immobilier à partir d'un nombre d'acquisitions qui n'est pas déterminé | immobilier à partir d'un nombre d'acquisitions qui n'est pas déterminé |
par les textes légaux et sur base du critère prédominant dans la | par les textes légaux et sur base du critère prédominant dans la |
pratique administrative et dans la jurisprudence du recours au crédit | pratique administrative et dans la jurisprudence du recours au crédit |
? | ? |
Ces mêmes dispositions légales violent-elles les articles 10 et 11 de | Ces mêmes dispositions légales violent-elles les articles 10 et 11 de |
la Constitution en créant une discrimination entre personnes physiques | la Constitution en créant une discrimination entre personnes physiques |
détentrices d'une même quantité d'immeubles selon qu'elles disposent | détentrices d'une même quantité d'immeubles selon qu'elles disposent |
ou non d'une épargne personnelle ou de fonds propres acquis par | ou non d'une épargne personnelle ou de fonds propres acquis par |
succession ou donation remployés pour financer leur achat alors | succession ou donation remployés pour financer leur achat alors |
qu'aucune des deux ne dispose d'une structure commerciale organisée, | qu'aucune des deux ne dispose d'une structure commerciale organisée, |
n'a pris de risques de pertes et n'y consacre de temps dans le seul et | n'a pris de risques de pertes et n'y consacre de temps dans le seul et |
dernier secteur qui permette passivement encore d'éviter une | dernier secteur qui permette passivement encore d'éviter une |
dévaluation de la monnaie et les aléas et incertitudes des placements | dévaluation de la monnaie et les aléas et incertitudes des placements |
mobiliers et des places boursières caractérisées par une grande | mobiliers et des places boursières caractérisées par une grande |
fluctuation et volatilité ? | fluctuation et volatilité ? |
Ces mêmes dispositions, combinées avec les articles 20 et 23 de la loi | Ces mêmes dispositions, combinées avec les articles 20 et 23 de la loi |
du 24 décembre 2002 modifiant le régime des sociétés en matière | du 24 décembre 2002 modifiant le régime des sociétés en matière |
d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision | d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision |
anticipée en matière fiscale sont-elles conformes au principe de | anticipée en matière fiscale sont-elles conformes au principe de |
légalité contenu dans les articles 170 et 172 [de la Constitution] et | légalité contenu dans les articles 170 et 172 [de la Constitution] et |
l'article 1er du Premier Protocole [additionnel] à la Convention | l'article 1er du Premier Protocole [additionnel] à la Convention |
européenne des droits de l'homme dès lors que le contribuable qui | européenne des droits de l'homme dès lors que le contribuable qui |
investit dans l'immobilier et agit en bon père de famille pour se | investit dans l'immobilier et agit en bon père de famille pour se |
constituer une épargne ou s'assurer une épargne future ne sait pas à | constituer une épargne ou s'assurer une épargne future ne sait pas à |
l'avance si et quand il doit tenir une comptabilité propre aux | l'avance si et quand il doit tenir une comptabilité propre aux |
entreprises commerciales ni quel sera le régime fiscal qui lui sera | entreprises commerciales ni quel sera le régime fiscal qui lui sera |
applicable et se trouve dans une situation d'insécurité juridique | applicable et se trouve dans une situation d'insécurité juridique |
telle que le Service des décisions anticipées, censé en apporter, | telle que le Service des décisions anticipées, censé en apporter, |
apparait source d'arbitraire en imposant des conditions que la loi | apparait source d'arbitraire en imposant des conditions que la loi |
fiscale ne contient pas expressément et s'érige après coup en | fiscale ne contient pas expressément et s'érige après coup en |
législateur dans une matière pourtant dominée par le principe de | législateur dans une matière pourtant dominée par le principe de |
légalité qui permet au taxateur de ne pas tenir compte d'une décision | légalité qui permet au taxateur de ne pas tenir compte d'une décision |
anticipée qui y contrevient ? | anticipée qui y contrevient ? |
Ces mêmes dispositions violent-elles l'article 1er du Premier | Ces mêmes dispositions violent-elles l'article 1er du Premier |
Protocole [additionnel] à la Convention européenne des droits de | Protocole [additionnel] à la Convention européenne des droits de |
l'homme qui consacre le principe de sécurité juridique et de légitime | l'homme qui consacre le principe de sécurité juridique et de légitime |
confiance en ce que les contribuables qui ont investi dans | confiance en ce que les contribuables qui ont investi dans |
l'immobilier au fil du temps font l'objet d'un contrôle fiscal plus de | l'immobilier au fil du temps font l'objet d'un contrôle fiscal plus de |
dix années après leurs premières acquisitions et ne savent pas se | dix années après leurs premières acquisitions et ne savent pas se |
défendre et rencontrent des difficultés probatoires pour réduire les | défendre et rencontrent des difficultés probatoires pour réduire les |
revenus immobiliers requalifiés en revenus professionnels des charges | revenus immobiliers requalifiés en revenus professionnels des charges |
qui apparaissent après coup provenir d'une occupation lucrative dont | qui apparaissent après coup provenir d'une occupation lucrative dont |
ils n'ont pas réservé de preuves à défaut de savoir à l'avance qu'ils | ils n'ont pas réservé de preuves à défaut de savoir à l'avance qu'ils |
étaient tenus de tenir une comptabilité telle que celle imposée aux | étaient tenus de tenir une comptabilité telle que celle imposée aux |
entreprises ? | entreprises ? |
Ces mêmes dispositions, combinées avec l'article 444 du CIR 1992, | Ces mêmes dispositions, combinées avec l'article 444 du CIR 1992, |
violent-elles l'article 1er du Premier Protocole [additionnel] à la | violent-elles l'article 1er du Premier Protocole [additionnel] à la |
Convention européenne des droits de l'homme en ce que lesdits | Convention européenne des droits de l'homme en ce que lesdits |
contribuables subissent un accroissement d'impôt pour déclaration | contribuables subissent un accroissement d'impôt pour déclaration |
fiscale inexacte alors que l'administration fiscale ne sait pas | fiscale inexacte alors que l'administration fiscale ne sait pas |
elle-même indiquer à partir de quelle répétition d'investissements | elle-même indiquer à partir de quelle répétition d'investissements |
immobiliers survient la conversion des loyers de revenus immobiliers | immobiliers survient la conversion des loyers de revenus immobiliers |
en revenus professionnels et l'obligation de les déclarer comme tels ? | en revenus professionnels et l'obligation de les déclarer comme tels ? |
». | ». |
(...) | (...) |
III. En droit | III. En droit |
(...) | (...) |
Quant aux dispositions en cause | Quant aux dispositions en cause |
B.1.1. Les cinq questions préjudicielles portent sur les articles 23, | B.1.1. Les cinq questions préjudicielles portent sur les articles 23, |
§ 1er, et 27 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : le | § 1er, et 27 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : le |
CIR 1992), tels qu'ils sont applicables aux exercices d'imposition | CIR 1992), tels qu'ils sont applicables aux exercices d'imposition |
2017 à 2019. | 2017 à 2019. |
B.1.2. L'article 23, § 1er, du CIR 1992, dans sa version applicable à | B.1.2. L'article 23, § 1er, du CIR 1992, dans sa version applicable à |
l'exercice d'imposition 2017 (revenus 2016), dispose : | l'exercice d'imposition 2017 (revenus 2016), dispose : |
« Les revenus professionnels sont les revenus qui proviennent, | « Les revenus professionnels sont les revenus qui proviennent, |
directement ou indirectement, d'activités de toute nature, à savoir : | directement ou indirectement, d'activités de toute nature, à savoir : |
1° les bénéfices; | 1° les bénéfices; |
2° les profits; | 2° les profits; |
3° les bénéfices ou profits d'une activité professionnelle antérieure; | 3° les bénéfices ou profits d'une activité professionnelle antérieure; |
4° les rémunérations; | 4° les rémunérations; |
5° les pensions, rentes et allocations en tenant lieu ». | 5° les pensions, rentes et allocations en tenant lieu ». |
Dans la version de cette disposition applicable aux exercices | Dans la version de cette disposition applicable aux exercices |
d'imposition 2018 et 2019, les mots « et les revenus qui y sont | d'imposition 2018 et 2019, les mots « et les revenus qui y sont |
assimilés » sont insérés après les mots « de toute nature ». Cette | assimilés » sont insérés après les mots « de toute nature ». Cette |
modification n'a pas d'incidence sur l'objet des questions | modification n'a pas d'incidence sur l'objet des questions |
préjudicielles. | préjudicielles. |
B.1.3. L'article 27 du CIR 1992 dispose : | B.1.3. L'article 27 du CIR 1992 dispose : |
« Les profits sont tous les revenus d'une profession libérale, charge | « Les profits sont tous les revenus d'une profession libérale, charge |
ou office et tous les revenus d'une occupation lucrative qui ne sont | ou office et tous les revenus d'une occupation lucrative qui ne sont |
pas considérés comme des bénéfices ou des rémunérations. | pas considérés comme des bénéfices ou des rémunérations. |
Ils comprennent : | Ils comprennent : |
1° les recettes; | 1° les recettes; |
2° les avantages de toute nature obtenus en raison ou à l'occasion de | 2° les avantages de toute nature obtenus en raison ou à l'occasion de |
l'exercice de l'activité professionnelle; | l'exercice de l'activité professionnelle; |
3° toutes les plus-values réalisées sur des éléments de l'actif | 3° toutes les plus-values réalisées sur des éléments de l'actif |
affectés à l'exercice de la profession; | affectés à l'exercice de la profession; |
4° les indemnités de toute nature obtenues au cours de l'exercice de | 4° les indemnités de toute nature obtenues au cours de l'exercice de |
l'activité professionnelle : | l'activité professionnelle : |
a) en compensation ou à l'occasion de tout acte quelconque susceptible | a) en compensation ou à l'occasion de tout acte quelconque susceptible |
d'entraîner une réduction de l'activité professionnelle ou des profits | d'entraîner une réduction de l'activité professionnelle ou des profits |
de celle-ci; | de celle-ci; |
b) en réparation totale ou partielle d'une perte temporaire de | b) en réparation totale ou partielle d'une perte temporaire de |
profits; | profits; |
[...] ». | [...] ». |
B.1.4. Il ressort du jugement de renvoi que les contribuables | B.1.4. Il ressort du jugement de renvoi que les contribuables |
concernés, qui ont acquis un certain nombre de biens immobiliers, ont | concernés, qui ont acquis un certain nombre de biens immobiliers, ont |
vu les loyers qu'ils percevaient être requalifiés par l'administration | vu les loyers qu'ils percevaient être requalifiés par l'administration |
fiscale en revenus professionnels sur la base de l'article 23, § 1er, | fiscale en revenus professionnels sur la base de l'article 23, § 1er, |
du CIR 1992. Il résulte de la référence à l'article 27 du CIR 1992 et | du CIR 1992. Il résulte de la référence à l'article 27 du CIR 1992 et |
du mémoire du Conseil des ministres que ces revenus sont qualifiés de | du mémoire du Conseil des ministres que ces revenus sont qualifiés de |
« profits », de sorte que les questions préjudicielles portent sur les | « profits », de sorte que les questions préjudicielles portent sur les |
articles 23, § 1er, 2°, et 27 du CIR 1992. La mention, par la | articles 23, § 1er, 2°, et 27 du CIR 1992. La mention, par la |
juridiction a quo, de l'article 23, § 1er, 1°, du CIR 1992 procède | juridiction a quo, de l'article 23, § 1er, 1°, du CIR 1992 procède |
d'une erreur matérielle qui n'a pas empêché les parties de mener une | d'une erreur matérielle qui n'a pas empêché les parties de mener une |
défense utile devant la Cour et qu'il convient dès lors de rectifier | défense utile devant la Cour et qu'il convient dès lors de rectifier |
d'office. | d'office. |
Quant à la recevabilité des questions préjudicielles | Quant à la recevabilité des questions préjudicielles |
B.2.1. Par les trois premières questions préjudicielles, la Cour est | B.2.1. Par les trois premières questions préjudicielles, la Cour est |
interrogée sur la compatibilité de ces dispositions avec les articles | interrogée sur la compatibilité de ces dispositions avec les articles |
10, 11, 170 et 172 de la Constitution, lus en combinaison, en ce qui | 10, 11, 170 et 172 de la Constitution, lus en combinaison, en ce qui |
concerne la troisième question, avec l'article 1er du Premier | concerne la troisième question, avec l'article 1er du Premier |
Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de | Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de |
l'homme. | l'homme. |
B.2.2. Par les quatrième et cinquième questions préjudicielles, la | B.2.2. Par les quatrième et cinquième questions préjudicielles, la |
Cour est interrogée sur la compatibilité de ces dispositions avec | Cour est interrogée sur la compatibilité de ces dispositions avec |
l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention | l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention |
européenne des droits de l'homme uniquement. | européenne des droits de l'homme uniquement. |
B.2.3. En vertu de l'article 142, alinéa 2, de la Constitution et de | B.2.3. En vertu de l'article 142, alinéa 2, de la Constitution et de |
l'article 26, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour | l'article 26, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour |
constitutionnelle, la Cour est compétente pour statuer, à titre | constitutionnelle, la Cour est compétente pour statuer, à titre |
préjudiciel, sur les questions relatives à la violation par une loi, | préjudiciel, sur les questions relatives à la violation par une loi, |
un décret ou une règle visée à l'article 134 de la Constitution, des | un décret ou une règle visée à l'article 134 de la Constitution, des |
règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci | règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci |
pour déterminer les compétences respectives de l'autorité fédérale, | pour déterminer les compétences respectives de l'autorité fédérale, |
des communautés et des régions, des articles du titre II (« Des Belges | des communautés et des régions, des articles du titre II (« Des Belges |
et de leurs droits ») et des articles 143, § 1er, 170, 172 et 191 de | et de leurs droits ») et des articles 143, § 1er, 170, 172 et 191 de |
la Constitution. | la Constitution. |
B.2.4. Ni l'article 142 de la Constitution, ni la loi spéciale du 6 | B.2.4. Ni l'article 142 de la Constitution, ni la loi spéciale du 6 |
janvier 1989 n'attribuent à la Cour la compétence d'examiner des | janvier 1989 n'attribuent à la Cour la compétence d'examiner des |
dispositions législatives directement au regard de dispositions du | dispositions législatives directement au regard de dispositions du |
droit international. Partant, la Cour n'est pas compétente pour | droit international. Partant, la Cour n'est pas compétente pour |
examiner directement les dispositions en cause au regard de l'article | examiner directement les dispositions en cause au regard de l'article |
1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des | 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des |
droits de l'homme. | droits de l'homme. |
Les quatrième et cinquième questions préjudicielles sont irrecevables. | Les quatrième et cinquième questions préjudicielles sont irrecevables. |
Quant aux deux premières questions préjudicielles | Quant aux deux premières questions préjudicielles |
B.3.1. Par la première question préjudicielle, la Cour est invitée à | B.3.1. Par la première question préjudicielle, la Cour est invitée à |
examiner la compatibilité des dispositions en cause avec les principes | examiner la compatibilité des dispositions en cause avec les principes |
de légalité et d'égalité en matière fiscale en ce qu'elles rendraient | de légalité et d'égalité en matière fiscale en ce qu'elles rendraient |
imposables, au titre de revenus professionnels, « des loyers générés | imposables, au titre de revenus professionnels, « des loyers générés |
par des immeubles » à partir d'un nombre d'acquisitions immobilières | par des immeubles » à partir d'un nombre d'acquisitions immobilières |
non déterminé par la loi et sur la base du « critère prédominant dans | non déterminé par la loi et sur la base du « critère prédominant dans |
la pratique administrative et dans la jurisprudence du recours au | la pratique administrative et dans la jurisprudence du recours au |
crédit ». | crédit ». |
B.3.2. Par la deuxième question préjudicielle, la Cour est invitée à | B.3.2. Par la deuxième question préjudicielle, la Cour est invitée à |
examiner la compatibilité des dispositions en cause avec le principe | examiner la compatibilité des dispositions en cause avec le principe |
d'égalité en ce qu'elles créeraient une discrimination entre les | d'égalité en ce qu'elles créeraient une discrimination entre les |
contribuables propriétaires d'une même quantité d'immeubles, quant à | contribuables propriétaires d'une même quantité d'immeubles, quant à |
la façon dont sont imposés les revenus de ces immeubles, suivant que | la façon dont sont imposés les revenus de ces immeubles, suivant que |
l'acquisition de ceux-ci a été financée par un crédit ou par des fonds | l'acquisition de ceux-ci a été financée par un crédit ou par des fonds |
propres. | propres. |
B.3.3. Le revenu imposable des biens immobiliers bâtis situés en | B.3.3. Le revenu imposable des biens immobiliers bâtis situés en |
Belgique et qui sont donnés en location à des personnes physiques qui | Belgique et qui sont donnés en location à des personnes physiques qui |
ne les affectent pas à l'exercice de leur profession est, dans le | ne les affectent pas à l'exercice de leur profession est, dans le |
cadre de l'impôt des personnes physiques, en principe égal au revenu | cadre de l'impôt des personnes physiques, en principe égal au revenu |
cadastral de ces immeubles, majoré de 40 % (article 7, § 1er, 2°, a), | cadastral de ces immeubles, majoré de 40 % (article 7, § 1er, 2°, a), |
du CIR 1992). En revanche, s'ils sont considérés comme des profits | du CIR 1992). En revanche, s'ils sont considérés comme des profits |
résultant d'une activité professionnelle, les loyers réellement perçus | résultant d'une activité professionnelle, les loyers réellement perçus |
par le contribuable sont imposés suivant les règles applicables aux | par le contribuable sont imposés suivant les règles applicables aux |
revenus professionnels (article 37, alinéa 1er, du CIR 1992). Dès | revenus professionnels (article 37, alinéa 1er, du CIR 1992). Dès |
lors, l'impôt dû par le contribuable qui perçoit les loyers diffère | lors, l'impôt dû par le contribuable qui perçoit les loyers diffère |
sensiblement selon que ceux-ci sont imposés suivant les dispositions | sensiblement selon que ceux-ci sont imposés suivant les dispositions |
applicables aux revenus immobiliers ou que ces revenus locatifs sont | applicables aux revenus immobiliers ou que ces revenus locatifs sont |
considérés comme des revenus professionnels et imposés à ce titre. | considérés comme des revenus professionnels et imposés à ce titre. |
B.4.1. L'article 170, § 1er, de la Constitution dispose : | B.4.1. L'article 170, § 1er, de la Constitution dispose : |
« Aucun impôt au profit de l'Etat ne peut être établi que par une loi | « Aucun impôt au profit de l'Etat ne peut être établi que par une loi |
». | ». |
L'article 172 de la Constitution dispose : | L'article 172 de la Constitution dispose : |
« Il ne peut être établi de privilège en matière d'impôts. | « Il ne peut être établi de privilège en matière d'impôts. |
Nulle exemption ou modération d'impôt ne peut être établie que par une | Nulle exemption ou modération d'impôt ne peut être établie que par une |
loi ». | loi ». |
B.4.2. Il ressort de ces dispositions que les éléments essentiels de | B.4.2. Il ressort de ces dispositions que les éléments essentiels de |
tout impôt établi au profit de l'autorité fédérale doivent, en | tout impôt établi au profit de l'autorité fédérale doivent, en |
principe, être déterminés par une assemblée délibérante | principe, être déterminés par une assemblée délibérante |
démocratiquement élue, et que ces éléments doivent être mentionnés | démocratiquement élue, et que ces éléments doivent être mentionnés |
dans la loi au moyen de termes précis, non équivoques et clairs. | dans la loi au moyen de termes précis, non équivoques et clairs. |
Font partie des éléments essentiels de l'impôt la désignation des | Font partie des éléments essentiels de l'impôt la désignation des |
contribuables, la matière imposable, la base imposable, le taux | contribuables, la matière imposable, la base imposable, le taux |
d'imposition et les éventuelles exonérations et diminutions d'impôt. | d'imposition et les éventuelles exonérations et diminutions d'impôt. |
B.4.3. Le principe de légalité en matière fiscale exige ainsi que le | B.4.3. Le principe de légalité en matière fiscale exige ainsi que le |
législateur indique, en des termes clairs, précis et non équivoques, | législateur indique, en des termes clairs, précis et non équivoques, |
les actes qui sont imposables, de telle sorte, d'une part, que chacun | les actes qui sont imposables, de telle sorte, d'une part, que chacun |
puisse - en s'entourant au besoin de conseils éclairés - prévoir | puisse - en s'entourant au besoin de conseils éclairés - prévoir |
raisonnablement les conséquences fiscales de ses actes dans un | raisonnablement les conséquences fiscales de ses actes dans un |
contexte donné, sans que le législateur en arrive à une rigidité | contexte donné, sans que le législateur en arrive à une rigidité |
excessive qui empêcherait de tenir compte des circonstances ou | excessive qui empêcherait de tenir compte des circonstances ou |
conceptions changeantes dans l'interprétation ou dans l'application | conceptions changeantes dans l'interprétation ou dans l'application |
d'une norme fiscale, et, d'autre part, que l'administration fiscale et | d'une norme fiscale, et, d'autre part, que l'administration fiscale et |
le juge ne se voient pas conférer un trop grand pouvoir | le juge ne se voient pas conférer un trop grand pouvoir |
discrétionnaire. | discrétionnaire. |
Le principe de légalité n'empêche pas qu'un pouvoir d'appréciation | Le principe de légalité n'empêche pas qu'un pouvoir d'appréciation |
soit conféré à l'administration fiscale sous le contrôle des | soit conféré à l'administration fiscale sous le contrôle des |
juridictions. Cela ne signifie pas que la disposition en cause ne | juridictions. Cela ne signifie pas que la disposition en cause ne |
satisfait pas à l'exigence de prévisibilité. | satisfait pas à l'exigence de prévisibilité. |
La condition de prévisibilité se trouve remplie lorsque le | La condition de prévisibilité se trouve remplie lorsque le |
contribuable peut savoir, à partir du libellé des dispositions | contribuable peut savoir, à partir du libellé des dispositions |
législatives et, au besoin, à l'aide de leur interprétation par les | législatives et, au besoin, à l'aide de leur interprétation par les |
juridictions, quels actes sont soumis à l'impôt. | juridictions, quels actes sont soumis à l'impôt. |
B.4.4. L'article 172, alinéa 1er, de la Constitution est une | B.4.4. L'article 172, alinéa 1er, de la Constitution est une |
application particulière, en matière fiscale, du principe d'égalité et | application particulière, en matière fiscale, du principe d'égalité et |
de non-discrimination inscrit aux articles 10 et 11 de la | de non-discrimination inscrit aux articles 10 et 11 de la |
Constitution. | Constitution. |
B.5.1. Les notions d'« activité de toute nature » et de « profits | B.5.1. Les notions d'« activité de toute nature » et de « profits |
d'une occupation lucrative », qui qualifient une des catégories de | d'une occupation lucrative », qui qualifient une des catégories de |
revenus professionnels, constituent des éléments déterminants pour | revenus professionnels, constituent des éléments déterminants pour |
établir la base imposable de ces revenus et le taux d'imposition | établir la base imposable de ces revenus et le taux d'imposition |
applicable. Ces notions doivent dès lors être conformes au principe de | applicable. Ces notions doivent dès lors être conformes au principe de |
la légalité en matière fiscale. | la légalité en matière fiscale. |
B.5.2. Les dispositions en cause trouvent leur origine dans l'article | B.5.2. Les dispositions en cause trouvent leur origine dans l'article |
20, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1964, qui qualifiait aussi | 20, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1964, qui qualifiait aussi |
de « revenus professionnels » les revenus provenant « directement ou | de « revenus professionnels » les revenus provenant « directement ou |
indirectement, d'activités de toute nature », c'est-à-dire notamment | indirectement, d'activités de toute nature », c'est-à-dire notamment |
les « profits, quelle que soit leur dénomination, des professions | les « profits, quelle que soit leur dénomination, des professions |
libérales, charges ou offices et de toutes occupations lucratives ». | libérales, charges ou offices et de toutes occupations lucratives ». |
Les notions « d'activités de toute nature » et de « profits de toutes | Les notions « d'activités de toute nature » et de « profits de toutes |
occupations lucratives » étaient déjà présentes dans l'article 6, § 1er, | occupations lucratives » étaient déjà présentes dans l'article 6, § 1er, |
de la loi du 20 novembre 1962 « portant réforme des impôts sur les | de la loi du 20 novembre 1962 « portant réforme des impôts sur les |
revenus » (Moniteur belge, 1er décembre 1962) et dans l'article 25, § | revenus » (Moniteur belge, 1er décembre 1962) et dans l'article 25, § |
1er, 3°, des lois « relatives aux impôts sur les revenus » coordonnées | 1er, 3°, des lois « relatives aux impôts sur les revenus » coordonnées |
par l'arrêté du Régent du 15 janvier 1948 (Moniteur belge, 21 janvier | par l'arrêté du Régent du 15 janvier 1948 (Moniteur belge, 21 janvier |
1948). | 1948). |
B.6.1. Au sujet de ces notions, la Cour de cassation juge de manière | B.6.1. Au sujet de ces notions, la Cour de cassation juge de manière |
constante que des revenus, y compris, le cas échéant, des revenus | constante que des revenus, y compris, le cas échéant, des revenus |
immobiliers, sont qualifiés de professionnels lorsqu'ils proviennent | immobiliers, sont qualifiés de professionnels lorsqu'ils proviennent |
d'occupations lucratives constituées d'un « ensemble d'opérations | d'occupations lucratives constituées d'un « ensemble d'opérations |
suffisamment fréquentes » et « qui sont suffisamment liées entre elles | suffisamment fréquentes » et « qui sont suffisamment liées entre elles |
» pour constituer « une activité continue et habituelle », ce qui est | » pour constituer « une activité continue et habituelle », ce qui est |
apprécié souverainement par le juge du fond (Cass., 20 décembre 1955, | apprécié souverainement par le juge du fond (Cass., 20 décembre 1955, |
Pas., 1956, I, p. 400; 17 janvier 1957, Pas., 1957, I, p. 573; 26 | Pas., 1956, I, p. 400; 17 janvier 1957, Pas., 1957, I, p. 573; 26 |
janvier 1960, Pas., 1960, I, p. 609; 23 juin 1964, Pas., 1964, I, p. | janvier 1960, Pas., 1960, I, p. 609; 23 juin 1964, Pas., 1964, I, p. |
1146; 8 novembre 1966, Pas., 1967, I, p. 331, | 1146; 8 novembre 1966, Pas., 1967, I, p. 331, |
ECLI:BE:CASS:1966:ARR.19661108.2; 31 janvier 1967, Pas., 1968, I, p. | ECLI:BE:CASS:1966:ARR.19661108.2; 31 janvier 1967, Pas., 1968, I, p. |
664, ECLI:BE:CASS:1967:ARR.19670131.5; 4 juin 1971, Pas., 1971, I, p. | 664, ECLI:BE:CASS:1967:ARR.19670131.5; 4 juin 1971, Pas., 1971, I, p. |
938, ECLI:BE:CASS:1971:ARR.19710604.9; 7 décembre 1973, Pas., 1974, I, | 938, ECLI:BE:CASS:1971:ARR.19710604.9; 7 décembre 1973, Pas., 1974, I, |
p. 378, ECLI:BE:CASS:1973:ARR.19731207.3; 7 décembre 2000, Pas., 2000, | p. 378, ECLI:BE:CASS:1973:ARR.19731207.3; 7 décembre 2000, Pas., 2000, |
n° 676, ECLI:BE:CASS:2000:ARR.20001207.9; 14 décembre 2007, | n° 676, ECLI:BE:CASS:2000:ARR.20001207.9; 14 décembre 2007, |
F.06.0055.F, ECLI:BE:CASS:2007:ARR.20071214.2). | F.06.0055.F, ECLI:BE:CASS:2007:ARR.20071214.2). |
B.6.2. L'administration fiscale, sous le contrôle du juge, peut ainsi | B.6.2. L'administration fiscale, sous le contrôle du juge, peut ainsi |
considérer que la multiplication d'achats de biens immobiliers en vue | considérer que la multiplication d'achats de biens immobiliers en vue |
de les mettre en location et la réalisation d'opérations diverses | de les mettre en location et la réalisation d'opérations diverses |
ayant pour finalité la perception de loyers constituent une occupation | ayant pour finalité la perception de loyers constituent une occupation |
lucrative, de sorte que les loyers perçus qui ont été générés par | lucrative, de sorte que les loyers perçus qui ont été générés par |
cette occupation doivent être qualifiés de revenus professionnels et | cette occupation doivent être qualifiés de revenus professionnels et |
sont imposés comme tels. | sont imposés comme tels. |
B.7.1. Les dispositions en cause, telles qu'elles sont interprétées | B.7.1. Les dispositions en cause, telles qu'elles sont interprétées |
par cette jurisprudence constante, permettent au contribuable de | par cette jurisprudence constante, permettent au contribuable de |
prévoir, en s'entourant, si nécessaire, d'avis de professionnels tels | prévoir, en s'entourant, si nécessaire, d'avis de professionnels tels |
que, par exemple, les organismes de crédit hypothécaire, que la | que, par exemple, les organismes de crédit hypothécaire, que la |
multiplication d'achats immobiliers en vue de les mettre en location | multiplication d'achats immobiliers en vue de les mettre en location |
et d'en percevoir les loyers est susceptible d'être qualifiée par | et d'en percevoir les loyers est susceptible d'être qualifiée par |
l'administration fiscale d'occupation lucrative et que les revenus | l'administration fiscale d'occupation lucrative et que les revenus |
générés par cette occupation seront dès lors imposés comme des revenus | générés par cette occupation seront dès lors imposés comme des revenus |
professionnels. | professionnels. |
B.7.2. On ne saurait par ailleurs reprocher au législateur, au nom de | B.7.2. On ne saurait par ailleurs reprocher au législateur, au nom de |
la sécurité juridique, de ne pas avoir fixé en l'occurrence des | la sécurité juridique, de ne pas avoir fixé en l'occurrence des |
critères à ce point précis que l'administration fiscale et le juge ne | critères à ce point précis que l'administration fiscale et le juge ne |
disposeraient plus d'aucun pouvoir d'appréciation dans une matière qui | disposeraient plus d'aucun pouvoir d'appréciation dans une matière qui |
se caractérise par une très grande diversité de situations. | se caractérise par une très grande diversité de situations. |
En particulier, il ne saurait être fait grief au législateur de ne pas | En particulier, il ne saurait être fait grief au législateur de ne pas |
avoir déterminé un nombre d'acquisitions immobilières à partir duquel | avoir déterminé un nombre d'acquisitions immobilières à partir duquel |
les revenus ne sont plus imposés au titre de revenus de biens | les revenus ne sont plus imposés au titre de revenus de biens |
immobiliers, mais au titre de revenus professionnels, dès lors que | immobiliers, mais au titre de revenus professionnels, dès lors que |
l'ensemble des opérations suffisamment fréquentes et liées entre elles | l'ensemble des opérations suffisamment fréquentes et liées entre elles |
qui constituent une occupation lucrative est appréhendé par | qui constituent une occupation lucrative est appréhendé par |
l'administration, sous le contrôle du juge, à partir d'un certain | l'administration, sous le contrôle du juge, à partir d'un certain |
nombre de faits et de constatations qui ne se réduisent pas au nombre | nombre de faits et de constatations qui ne se réduisent pas au nombre |
d'acquisitions réalisées sur une période donnée. | d'acquisitions réalisées sur une période donnée. |
B.8. Bien que le législateur confère à l'administration fiscale et au | B.8. Bien que le législateur confère à l'administration fiscale et au |
juge un certain pouvoir d'appréciation quant à l'application concrète | juge un certain pouvoir d'appréciation quant à l'application concrète |
des articles 23, § 1er, 2°, et 27 du CIR 1992, en particulier pour | des articles 23, § 1er, 2°, et 27 du CIR 1992, en particulier pour |
déterminer ce qui constitue une occupation lucrative générant des | déterminer ce qui constitue une occupation lucrative générant des |
profits sur la base du critère des opérations suffisamment fréquentes | profits sur la base du critère des opérations suffisamment fréquentes |
et liées entre elles, et bien que ce pouvoir puisse entraîner | et liées entre elles, et bien que ce pouvoir puisse entraîner |
d'éventuelles divergences dans la pratique administrative et dans la | d'éventuelles divergences dans la pratique administrative et dans la |
jurisprudence, ce pouvoir d'appréciation, compte tenu de la | jurisprudence, ce pouvoir d'appréciation, compte tenu de la |
jurisprudence ancienne et constante de la Cour de cassation en la | jurisprudence ancienne et constante de la Cour de cassation en la |
matière, n'enlève pas aux dispositions fiscales en cause leur | matière, n'enlève pas aux dispositions fiscales en cause leur |
caractère suffisamment précis pour satisfaire au principe de légalité | caractère suffisamment précis pour satisfaire au principe de légalité |
en matière fiscale. | en matière fiscale. |
B.9.1. Etant donné que les dispositions en cause ne sont pas | B.9.1. Etant donné que les dispositions en cause ne sont pas |
incompatibles avec le principe de la légalité en matière fiscale, | incompatibles avec le principe de la légalité en matière fiscale, |
elles ne sont pas non plus contraires au principe d'égalité dans | elles ne sont pas non plus contraires au principe d'égalité dans |
l'hypothèse où la violation de celui-ci découlerait de la circonstance | l'hypothèse où la violation de celui-ci découlerait de la circonstance |
qu'une catégorie de contribuables serait privée de la garantie d'une | qu'une catégorie de contribuables serait privée de la garantie d'une |
loi fiscale prévisible. | loi fiscale prévisible. |
B.9.2. Par ailleurs, les dispositions en cause n'établissent | B.9.2. Par ailleurs, les dispositions en cause n'établissent |
elles-mêmes aucune différence de traitement fondée sur le critère du | elles-mêmes aucune différence de traitement fondée sur le critère du |
recours au crédit hypothécaire. Elles ne sont dès lors pas davantage | recours au crédit hypothécaire. Elles ne sont dès lors pas davantage |
contraires au principe d'égalité dans l'hypothèse où la violation de | contraires au principe d'égalité dans l'hypothèse où la violation de |
celui-ci découlerait d'une discrimination entre les contribuables | celui-ci découlerait d'une discrimination entre les contribuables |
percevant des loyers générés par des immeubles dont ils sont | percevant des loyers générés par des immeubles dont ils sont |
propriétaires, selon que ces immeubles ont été acquis à l'aide de | propriétaires, selon que ces immeubles ont été acquis à l'aide de |
crédits hypothécaires ou au moyen de fonds constitués par une épargne | crédits hypothécaires ou au moyen de fonds constitués par une épargne |
personnelle ou du réemploi de sommes provenant d'une succession ou | personnelle ou du réemploi de sommes provenant d'une succession ou |
d'une donation. | d'une donation. |
B.10. Pour le surplus, c'est à la juridiction a quo, et non à la Cour, | B.10. Pour le surplus, c'est à la juridiction a quo, et non à la Cour, |
qu'il revient d'examiner si l'administration fiscale a fait une | qu'il revient d'examiner si l'administration fiscale a fait une |
application correcte de la notion de « revenus d'une occupation | application correcte de la notion de « revenus d'une occupation |
lucrative » et de juger si les constatations que le fisc a faites | lucrative » et de juger si les constatations que le fisc a faites |
quant au nombre et à la fréquence des acquisitions immobilières des | quant au nombre et à la fréquence des acquisitions immobilières des |
contribuables concernés, à la disponibilité de ceux-ci pour s'en | contribuables concernés, à la disponibilité de ceux-ci pour s'en |
occuper et à leur recours répété au crédit permettent, en l'espèce, de | occuper et à leur recours répété au crédit permettent, en l'espèce, de |
qualifier les loyers perçus de revenus professionnels et de les | qualifier les loyers perçus de revenus professionnels et de les |
imposer comme tels. | imposer comme tels. |
B.11. Les articles 23, § 1er, 2°, et 27 du CIR 1992 sont compatibles | B.11. Les articles 23, § 1er, 2°, et 27 du CIR 1992 sont compatibles |
avec les principes de légalité et d'égalité en matière fiscale. | avec les principes de légalité et d'égalité en matière fiscale. |
Quant à la troisième question préjudicielle | Quant à la troisième question préjudicielle |
B.12.1. Par la troisième question préjudicielle, la Cour est invitée à | B.12.1. Par la troisième question préjudicielle, la Cour est invitée à |
examiner si les dispositions en cause, lues en combinaison avec les | examiner si les dispositions en cause, lues en combinaison avec les |
articles 20 et 23 de la loi du 24 décembre 2002 « modifiant le régime | articles 20 et 23 de la loi du 24 décembre 2002 « modifiant le régime |
des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un | des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un |
système de décision anticipée en matière fiscale » (ci-après : la loi | système de décision anticipée en matière fiscale » (ci-après : la loi |
du 24 décembre 2002), sont compatibles avec le principe de la légalité | du 24 décembre 2002), sont compatibles avec le principe de la légalité |
en matière fiscale garanti par les articles 170 et 172 de la | en matière fiscale garanti par les articles 170 et 172 de la |
Constitution et par l'article 1er du Premier Protocole additionnel à | Constitution et par l'article 1er du Premier Protocole additionnel à |
la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'elles | la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'elles |
feraient naître une insécurité quant au moment à partir duquel les | feraient naître une insécurité quant au moment à partir duquel les |
acquisitions immobilières successives constituent une « occupation | acquisitions immobilières successives constituent une « occupation |
lucrative » générant des profits considérés comme des revenus | lucrative » générant des profits considérés comme des revenus |
professionnels et au moment où le contribuable concerné devrait « | professionnels et au moment où le contribuable concerné devrait « |
tenir une comptabilité propre aux entreprises commerciales ». La | tenir une comptabilité propre aux entreprises commerciales ». La |
juridiction a quo remet en question le rôle du Service des décisions | juridiction a quo remet en question le rôle du Service des décisions |
anticipées et semble considérer que celui-ci est « source d'arbitraire | anticipées et semble considérer que celui-ci est « source d'arbitraire |
» et « s'érige après coup en législateur ». | » et « s'érige après coup en législateur ». |
B.12.2. L'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention | B.12.2. L'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention |
européenne des droits de l'homme dispose : | européenne des droits de l'homme dispose : |
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. | « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. |
Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité | Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité |
publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes | publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes |
généraux du droit international. | généraux du droit international. |
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que | Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que |
possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent | possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent |
nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à | nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à |
l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres | l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres |
contributions ou des amendes ». | contributions ou des amendes ». |
Cette disposition ne contient pas un principe de légalité plus étendu | Cette disposition ne contient pas un principe de légalité plus étendu |
que celui qui se déduit des articles 170, § 1er, et 172 de la | que celui qui se déduit des articles 170, § 1er, et 172 de la |
Constitution. | Constitution. |
B.13.1. Ainsi qu'il est dit en réponse à la première question | B.13.1. Ainsi qu'il est dit en réponse à la première question |
préjudicielle, les articles 23, § 1er, 2°, et 27 du CIR 1992 sont | préjudicielle, les articles 23, § 1er, 2°, et 27 du CIR 1992 sont |
compatibles avec le principe de la légalité en matière fiscale en ce | compatibles avec le principe de la légalité en matière fiscale en ce |
qu'ils utilisent, pour permettre à l'administration de qualifier comme | qu'ils utilisent, pour permettre à l'administration de qualifier comme |
revenus professionnels les revenus de biens immobiliers donnés en | revenus professionnels les revenus de biens immobiliers donnés en |
location à des personnes physiques qui ne les affectent pas à | location à des personnes physiques qui ne les affectent pas à |
l'exercice de leur profession, les notions d'« activités de toute | l'exercice de leur profession, les notions d'« activités de toute |
nature » et de « revenus d'une occupation lucrative ». | nature » et de « revenus d'une occupation lucrative ». |
B.13.2. Par ailleurs, la requalification, opérée par l'administration | B.13.2. Par ailleurs, la requalification, opérée par l'administration |
fiscale, des loyers perçus en profits imposables comme revenus | fiscale, des loyers perçus en profits imposables comme revenus |
professionnels en application des articles 23, § 1er, 2°, et 27 du CIR | professionnels en application des articles 23, § 1er, 2°, et 27 du CIR |
1992 n'emporte pas l'obligation, pour le contribuable concerné, de « | 1992 n'emporte pas l'obligation, pour le contribuable concerné, de « |
tenir une comptabilité propre aux entreprises commerciales ». | tenir une comptabilité propre aux entreprises commerciales ». |
B.14.1. En vertu des articles 20 et 23 de la loi du 24 décembre 2002, | B.14.1. En vertu des articles 20 et 23 de la loi du 24 décembre 2002, |
chaque contribuable peut saisir l'administration fiscale pour qu'elle | chaque contribuable peut saisir l'administration fiscale pour qu'elle |
détermine, par la voie d'une décision contraignante, comment la loi | détermine, par la voie d'une décision contraignante, comment la loi |
fiscale s'appliquera à une situation ou opération particulière qui n'a | fiscale s'appliquera à une situation ou opération particulière qui n'a |
pas encore produit d'effets sur le plan fiscal. En cas de doute, le | pas encore produit d'effets sur le plan fiscal. En cas de doute, le |
contribuable est donc en mesure de déterminer si les revenus locatifs | contribuable est donc en mesure de déterminer si les revenus locatifs |
générés par les biens immobiliers qu'il a acquis seront considérés ou | générés par les biens immobiliers qu'il a acquis seront considérés ou |
non comme des revenus professionnels et imposés à ce titre. | non comme des revenus professionnels et imposés à ce titre. |
Ces décisions étant publiées de manière anonyme (article 24 de la loi | Ces décisions étant publiées de manière anonyme (article 24 de la loi |
du 24 décembre 2002), leur application par l'administration fiscale à | du 24 décembre 2002), leur application par l'administration fiscale à |
d'autres cas concrets est aussi davantage prévisible. | d'autres cas concrets est aussi davantage prévisible. |
B.14.2. La juridiction a quo n'explique pas en quoi ces dispositions | B.14.2. La juridiction a quo n'explique pas en quoi ces dispositions |
ne seraient pas compatibles avec le principe de la légalité en matière | ne seraient pas compatibles avec le principe de la légalité en matière |
fiscale. Au contraire, elles ont pour but d'augmenter la sécurité | fiscale. Au contraire, elles ont pour but d'augmenter la sécurité |
juridique des contribuables en leur permettant d'obtenir, avant la | juridique des contribuables en leur permettant d'obtenir, avant la |
réalisation d'une opération, une décision administrative quant au | réalisation d'une opération, une décision administrative quant au |
traitement fiscal de celle-ci. La circonstance que l'administration | traitement fiscal de celle-ci. La circonstance que l'administration |
est liée pour l'avenir par la décision anticipée ne signifie pas que | est liée pour l'avenir par la décision anticipée ne signifie pas que |
cette décision lierait également le juge, qui peut être saisi d'un | cette décision lierait également le juge, qui peut être saisi d'un |
recours. Contrairement à ce que suggère la question préjudicielle, les | recours. Contrairement à ce que suggère la question préjudicielle, les |
décisions anticipées concourent à la clarté et à la prévisibilité de | décisions anticipées concourent à la clarté et à la prévisibilité de |
la loi fiscale sans que le Service des décisions anticipées ne | la loi fiscale sans que le Service des décisions anticipées ne |
devienne un législateur pour autant. | devienne un législateur pour autant. |
B.15. Les articles 23, § 1er, 2°, et 27 du CIR 1992, lus en | B.15. Les articles 23, § 1er, 2°, et 27 du CIR 1992, lus en |
combinaison avec les articles 20 et 23 de la loi du 24 décembre 2002, | combinaison avec les articles 20 et 23 de la loi du 24 décembre 2002, |
sont compatibles avec le principe de la légalité en matière fiscale. | sont compatibles avec le principe de la légalité en matière fiscale. |
Par ces motifs, | Par ces motifs, |
la Cour | la Cour |
dit pour droit : | dit pour droit : |
Les articles 23, § 1er, 2°, et 27 du Code des impôts sur les revenus | Les articles 23, § 1er, 2°, et 27 du Code des impôts sur les revenus |
1992, tels qu'ils étaient applicables aux exercices d'imposition 2017 | 1992, tels qu'ils étaient applicables aux exercices d'imposition 2017 |
à 2019, ne violent pas les articles 10, 11, 170 et 172 de la | à 2019, ne violent pas les articles 10, 11, 170 et 172 de la |
Constitution, lus en combinaison avec l'article 1er du Premier | Constitution, lus en combinaison avec l'article 1er du Premier |
Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de | Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de |
l'homme. | l'homme. |
Les quatrième et cinquième questions préjudicielles sont irrecevables. | Les quatrième et cinquième questions préjudicielles sont irrecevables. |
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, | Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, |
conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur | conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur |
la Cour constitutionnelle, le 9 novembre 2023. | la Cour constitutionnelle, le 9 novembre 2023. |
Le greffier, Le président, | Le greffier, Le président, |
N. Dupont P. Nihoul | N. Dupont P. Nihoul |