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Extrait de l'arrêt n° 142/2023 du 9 novembre 2023 Numéro du rôle : 7799 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 23, § 1 er , 1°, et 27 du Code des impôts sur les revenus 1992, posées par le Tribunal de pr La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Gie(...) Extrait de l'arrêt n° 142/2023 du 9 novembre 2023 Numéro du rôle : 7799 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 23, § 1 er , 1°, et 27 du Code des impôts sur les revenus 1992, posées par le Tribunal de pr La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Gie(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 142/2023 du 9 novembre 2023 Extrait de l'arrêt n° 142/2023 du 9 novembre 2023
Numéro du rôle : 7799 Numéro du rôle : 7799
En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 23, § 1er, En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 23, § 1er,
1°, et 27 du Code des impôts sur les revenus 1992, posées par le 1°, et 27 du Code des impôts sur les revenus 1992, posées par le
Tribunal de première instance de Liège, division de Liège. Tribunal de première instance de Liège, division de Liège.
La Cour constitutionnelle, La Cour constitutionnelle,
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T.
Giet, J. Moerman, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du Giet, J. Moerman, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du
greffier N. Dupont, présidée par le président P. Nihoul, greffier N. Dupont, présidée par le président P. Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet des questions préjudicielles et procédure I. Objet des questions préjudicielles et procédure
Par jugement du 28 avril 2022, dont l'expédition est parvenue au Par jugement du 28 avril 2022, dont l'expédition est parvenue au
greffe de la Cour le 10 mai 2022, le Tribunal de première instance de greffe de la Cour le 10 mai 2022, le Tribunal de première instance de
Liège, division de Liège, a posé les questions préjudicielles Liège, division de Liège, a posé les questions préjudicielles
suivantes : suivantes :
« Les articles 23, § 1er, 1°, et 27 du CIR 1992 violent-ils les « Les articles 23, § 1er, 1°, et 27 du CIR 1992 violent-ils les
principes constitutionnels de légalité et/ou d'égalité contenus dans principes constitutionnels de légalité et/ou d'égalité contenus dans
les articles 170 et 172 de la Constitution, en ce qu'ils rendent les articles 170 et 172 de la Constitution, en ce qu'ils rendent
imposables des loyers générés par des immeubles financés par le imposables des loyers générés par des immeubles financés par le
recours à l'emprunt hypothécaire dont les intérêts sont déductibles en recours à l'emprunt hypothécaire dont les intérêts sont déductibles en
vertu de l'article 14 du CIR 1992 dans le but d'encourager le secteur vertu de l'article 14 du CIR 1992 dans le but d'encourager le secteur
immobilier à partir d'un nombre d'acquisitions qui n'est pas déterminé immobilier à partir d'un nombre d'acquisitions qui n'est pas déterminé
par les textes légaux et sur base du critère prédominant dans la par les textes légaux et sur base du critère prédominant dans la
pratique administrative et dans la jurisprudence du recours au crédit pratique administrative et dans la jurisprudence du recours au crédit
? ?
Ces mêmes dispositions légales violent-elles les articles 10 et 11 de Ces mêmes dispositions légales violent-elles les articles 10 et 11 de
la Constitution en créant une discrimination entre personnes physiques la Constitution en créant une discrimination entre personnes physiques
détentrices d'une même quantité d'immeubles selon qu'elles disposent détentrices d'une même quantité d'immeubles selon qu'elles disposent
ou non d'une épargne personnelle ou de fonds propres acquis par ou non d'une épargne personnelle ou de fonds propres acquis par
succession ou donation remployés pour financer leur achat alors succession ou donation remployés pour financer leur achat alors
qu'aucune des deux ne dispose d'une structure commerciale organisée, qu'aucune des deux ne dispose d'une structure commerciale organisée,
n'a pris de risques de pertes et n'y consacre de temps dans le seul et n'a pris de risques de pertes et n'y consacre de temps dans le seul et
dernier secteur qui permette passivement encore d'éviter une dernier secteur qui permette passivement encore d'éviter une
dévaluation de la monnaie et les aléas et incertitudes des placements dévaluation de la monnaie et les aléas et incertitudes des placements
mobiliers et des places boursières caractérisées par une grande mobiliers et des places boursières caractérisées par une grande
fluctuation et volatilité ? fluctuation et volatilité ?
Ces mêmes dispositions, combinées avec les articles 20 et 23 de la loi Ces mêmes dispositions, combinées avec les articles 20 et 23 de la loi
du 24 décembre 2002 modifiant le régime des sociétés en matière du 24 décembre 2002 modifiant le régime des sociétés en matière
d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision
anticipée en matière fiscale sont-elles conformes au principe de anticipée en matière fiscale sont-elles conformes au principe de
légalité contenu dans les articles 170 et 172 [de la Constitution] et légalité contenu dans les articles 170 et 172 [de la Constitution] et
l'article 1er du Premier Protocole [additionnel] à la Convention l'article 1er du Premier Protocole [additionnel] à la Convention
européenne des droits de l'homme dès lors que le contribuable qui européenne des droits de l'homme dès lors que le contribuable qui
investit dans l'immobilier et agit en bon père de famille pour se investit dans l'immobilier et agit en bon père de famille pour se
constituer une épargne ou s'assurer une épargne future ne sait pas à constituer une épargne ou s'assurer une épargne future ne sait pas à
l'avance si et quand il doit tenir une comptabilité propre aux l'avance si et quand il doit tenir une comptabilité propre aux
entreprises commerciales ni quel sera le régime fiscal qui lui sera entreprises commerciales ni quel sera le régime fiscal qui lui sera
applicable et se trouve dans une situation d'insécurité juridique applicable et se trouve dans une situation d'insécurité juridique
telle que le Service des décisions anticipées, censé en apporter, telle que le Service des décisions anticipées, censé en apporter,
apparait source d'arbitraire en imposant des conditions que la loi apparait source d'arbitraire en imposant des conditions que la loi
fiscale ne contient pas expressément et s'érige après coup en fiscale ne contient pas expressément et s'érige après coup en
législateur dans une matière pourtant dominée par le principe de législateur dans une matière pourtant dominée par le principe de
légalité qui permet au taxateur de ne pas tenir compte d'une décision légalité qui permet au taxateur de ne pas tenir compte d'une décision
anticipée qui y contrevient ? anticipée qui y contrevient ?
Ces mêmes dispositions violent-elles l'article 1er du Premier Ces mêmes dispositions violent-elles l'article 1er du Premier
Protocole [additionnel] à la Convention européenne des droits de Protocole [additionnel] à la Convention européenne des droits de
l'homme qui consacre le principe de sécurité juridique et de légitime l'homme qui consacre le principe de sécurité juridique et de légitime
confiance en ce que les contribuables qui ont investi dans confiance en ce que les contribuables qui ont investi dans
l'immobilier au fil du temps font l'objet d'un contrôle fiscal plus de l'immobilier au fil du temps font l'objet d'un contrôle fiscal plus de
dix années après leurs premières acquisitions et ne savent pas se dix années après leurs premières acquisitions et ne savent pas se
défendre et rencontrent des difficultés probatoires pour réduire les défendre et rencontrent des difficultés probatoires pour réduire les
revenus immobiliers requalifiés en revenus professionnels des charges revenus immobiliers requalifiés en revenus professionnels des charges
qui apparaissent après coup provenir d'une occupation lucrative dont qui apparaissent après coup provenir d'une occupation lucrative dont
ils n'ont pas réservé de preuves à défaut de savoir à l'avance qu'ils ils n'ont pas réservé de preuves à défaut de savoir à l'avance qu'ils
étaient tenus de tenir une comptabilité telle que celle imposée aux étaient tenus de tenir une comptabilité telle que celle imposée aux
entreprises ? entreprises ?
Ces mêmes dispositions, combinées avec l'article 444 du CIR 1992, Ces mêmes dispositions, combinées avec l'article 444 du CIR 1992,
violent-elles l'article 1er du Premier Protocole [additionnel] à la violent-elles l'article 1er du Premier Protocole [additionnel] à la
Convention européenne des droits de l'homme en ce que lesdits Convention européenne des droits de l'homme en ce que lesdits
contribuables subissent un accroissement d'impôt pour déclaration contribuables subissent un accroissement d'impôt pour déclaration
fiscale inexacte alors que l'administration fiscale ne sait pas fiscale inexacte alors que l'administration fiscale ne sait pas
elle-même indiquer à partir de quelle répétition d'investissements elle-même indiquer à partir de quelle répétition d'investissements
immobiliers survient la conversion des loyers de revenus immobiliers immobiliers survient la conversion des loyers de revenus immobiliers
en revenus professionnels et l'obligation de les déclarer comme tels ? en revenus professionnels et l'obligation de les déclarer comme tels ?
». ».
(...) (...)
III. En droit III. En droit
(...) (...)
Quant aux dispositions en cause Quant aux dispositions en cause
B.1.1. Les cinq questions préjudicielles portent sur les articles 23, B.1.1. Les cinq questions préjudicielles portent sur les articles 23,
§ 1er, et 27 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : le § 1er, et 27 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : le
CIR 1992), tels qu'ils sont applicables aux exercices d'imposition CIR 1992), tels qu'ils sont applicables aux exercices d'imposition
2017 à 2019. 2017 à 2019.
B.1.2. L'article 23, § 1er, du CIR 1992, dans sa version applicable à B.1.2. L'article 23, § 1er, du CIR 1992, dans sa version applicable à
l'exercice d'imposition 2017 (revenus 2016), dispose : l'exercice d'imposition 2017 (revenus 2016), dispose :
« Les revenus professionnels sont les revenus qui proviennent, « Les revenus professionnels sont les revenus qui proviennent,
directement ou indirectement, d'activités de toute nature, à savoir : directement ou indirectement, d'activités de toute nature, à savoir :
1° les bénéfices; 1° les bénéfices;
2° les profits; 2° les profits;
3° les bénéfices ou profits d'une activité professionnelle antérieure; 3° les bénéfices ou profits d'une activité professionnelle antérieure;
4° les rémunérations; 4° les rémunérations;
5° les pensions, rentes et allocations en tenant lieu ». 5° les pensions, rentes et allocations en tenant lieu ».
Dans la version de cette disposition applicable aux exercices Dans la version de cette disposition applicable aux exercices
d'imposition 2018 et 2019, les mots « et les revenus qui y sont d'imposition 2018 et 2019, les mots « et les revenus qui y sont
assimilés » sont insérés après les mots « de toute nature ». Cette assimilés » sont insérés après les mots « de toute nature ». Cette
modification n'a pas d'incidence sur l'objet des questions modification n'a pas d'incidence sur l'objet des questions
préjudicielles. préjudicielles.
B.1.3. L'article 27 du CIR 1992 dispose : B.1.3. L'article 27 du CIR 1992 dispose :
« Les profits sont tous les revenus d'une profession libérale, charge « Les profits sont tous les revenus d'une profession libérale, charge
ou office et tous les revenus d'une occupation lucrative qui ne sont ou office et tous les revenus d'une occupation lucrative qui ne sont
pas considérés comme des bénéfices ou des rémunérations. pas considérés comme des bénéfices ou des rémunérations.
Ils comprennent : Ils comprennent :
1° les recettes; 1° les recettes;
2° les avantages de toute nature obtenus en raison ou à l'occasion de 2° les avantages de toute nature obtenus en raison ou à l'occasion de
l'exercice de l'activité professionnelle; l'exercice de l'activité professionnelle;
3° toutes les plus-values réalisées sur des éléments de l'actif 3° toutes les plus-values réalisées sur des éléments de l'actif
affectés à l'exercice de la profession; affectés à l'exercice de la profession;
4° les indemnités de toute nature obtenues au cours de l'exercice de 4° les indemnités de toute nature obtenues au cours de l'exercice de
l'activité professionnelle : l'activité professionnelle :
a) en compensation ou à l'occasion de tout acte quelconque susceptible a) en compensation ou à l'occasion de tout acte quelconque susceptible
d'entraîner une réduction de l'activité professionnelle ou des profits d'entraîner une réduction de l'activité professionnelle ou des profits
de celle-ci; de celle-ci;
b) en réparation totale ou partielle d'une perte temporaire de b) en réparation totale ou partielle d'une perte temporaire de
profits; profits;
[...] ». [...] ».
B.1.4. Il ressort du jugement de renvoi que les contribuables B.1.4. Il ressort du jugement de renvoi que les contribuables
concernés, qui ont acquis un certain nombre de biens immobiliers, ont concernés, qui ont acquis un certain nombre de biens immobiliers, ont
vu les loyers qu'ils percevaient être requalifiés par l'administration vu les loyers qu'ils percevaient être requalifiés par l'administration
fiscale en revenus professionnels sur la base de l'article 23, § 1er, fiscale en revenus professionnels sur la base de l'article 23, § 1er,
du CIR 1992. Il résulte de la référence à l'article 27 du CIR 1992 et du CIR 1992. Il résulte de la référence à l'article 27 du CIR 1992 et
du mémoire du Conseil des ministres que ces revenus sont qualifiés de du mémoire du Conseil des ministres que ces revenus sont qualifiés de
« profits », de sorte que les questions préjudicielles portent sur les « profits », de sorte que les questions préjudicielles portent sur les
articles 23, § 1er, 2°, et 27 du CIR 1992. La mention, par la articles 23, § 1er, 2°, et 27 du CIR 1992. La mention, par la
juridiction a quo, de l'article 23, § 1er, 1°, du CIR 1992 procède juridiction a quo, de l'article 23, § 1er, 1°, du CIR 1992 procède
d'une erreur matérielle qui n'a pas empêché les parties de mener une d'une erreur matérielle qui n'a pas empêché les parties de mener une
défense utile devant la Cour et qu'il convient dès lors de rectifier défense utile devant la Cour et qu'il convient dès lors de rectifier
d'office. d'office.
Quant à la recevabilité des questions préjudicielles Quant à la recevabilité des questions préjudicielles
B.2.1. Par les trois premières questions préjudicielles, la Cour est B.2.1. Par les trois premières questions préjudicielles, la Cour est
interrogée sur la compatibilité de ces dispositions avec les articles interrogée sur la compatibilité de ces dispositions avec les articles
10, 11, 170 et 172 de la Constitution, lus en combinaison, en ce qui 10, 11, 170 et 172 de la Constitution, lus en combinaison, en ce qui
concerne la troisième question, avec l'article 1er du Premier concerne la troisième question, avec l'article 1er du Premier
Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de
l'homme. l'homme.
B.2.2. Par les quatrième et cinquième questions préjudicielles, la B.2.2. Par les quatrième et cinquième questions préjudicielles, la
Cour est interrogée sur la compatibilité de ces dispositions avec Cour est interrogée sur la compatibilité de ces dispositions avec
l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention
européenne des droits de l'homme uniquement. européenne des droits de l'homme uniquement.
B.2.3. En vertu de l'article 142, alinéa 2, de la Constitution et de B.2.3. En vertu de l'article 142, alinéa 2, de la Constitution et de
l'article 26, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour l'article 26, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour
constitutionnelle, la Cour est compétente pour statuer, à titre constitutionnelle, la Cour est compétente pour statuer, à titre
préjudiciel, sur les questions relatives à la violation par une loi, préjudiciel, sur les questions relatives à la violation par une loi,
un décret ou une règle visée à l'article 134 de la Constitution, des un décret ou une règle visée à l'article 134 de la Constitution, des
règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci
pour déterminer les compétences respectives de l'autorité fédérale, pour déterminer les compétences respectives de l'autorité fédérale,
des communautés et des régions, des articles du titre II (« Des Belges des communautés et des régions, des articles du titre II (« Des Belges
et de leurs droits ») et des articles 143, § 1er, 170, 172 et 191 de et de leurs droits ») et des articles 143, § 1er, 170, 172 et 191 de
la Constitution. la Constitution.
B.2.4. Ni l'article 142 de la Constitution, ni la loi spéciale du 6 B.2.4. Ni l'article 142 de la Constitution, ni la loi spéciale du 6
janvier 1989 n'attribuent à la Cour la compétence d'examiner des janvier 1989 n'attribuent à la Cour la compétence d'examiner des
dispositions législatives directement au regard de dispositions du dispositions législatives directement au regard de dispositions du
droit international. Partant, la Cour n'est pas compétente pour droit international. Partant, la Cour n'est pas compétente pour
examiner directement les dispositions en cause au regard de l'article examiner directement les dispositions en cause au regard de l'article
1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des
droits de l'homme. droits de l'homme.
Les quatrième et cinquième questions préjudicielles sont irrecevables. Les quatrième et cinquième questions préjudicielles sont irrecevables.
Quant aux deux premières questions préjudicielles Quant aux deux premières questions préjudicielles
B.3.1. Par la première question préjudicielle, la Cour est invitée à B.3.1. Par la première question préjudicielle, la Cour est invitée à
examiner la compatibilité des dispositions en cause avec les principes examiner la compatibilité des dispositions en cause avec les principes
de légalité et d'égalité en matière fiscale en ce qu'elles rendraient de légalité et d'égalité en matière fiscale en ce qu'elles rendraient
imposables, au titre de revenus professionnels, « des loyers générés imposables, au titre de revenus professionnels, « des loyers générés
par des immeubles » à partir d'un nombre d'acquisitions immobilières par des immeubles » à partir d'un nombre d'acquisitions immobilières
non déterminé par la loi et sur la base du « critère prédominant dans non déterminé par la loi et sur la base du « critère prédominant dans
la pratique administrative et dans la jurisprudence du recours au la pratique administrative et dans la jurisprudence du recours au
crédit ». crédit ».
B.3.2. Par la deuxième question préjudicielle, la Cour est invitée à B.3.2. Par la deuxième question préjudicielle, la Cour est invitée à
examiner la compatibilité des dispositions en cause avec le principe examiner la compatibilité des dispositions en cause avec le principe
d'égalité en ce qu'elles créeraient une discrimination entre les d'égalité en ce qu'elles créeraient une discrimination entre les
contribuables propriétaires d'une même quantité d'immeubles, quant à contribuables propriétaires d'une même quantité d'immeubles, quant à
la façon dont sont imposés les revenus de ces immeubles, suivant que la façon dont sont imposés les revenus de ces immeubles, suivant que
l'acquisition de ceux-ci a été financée par un crédit ou par des fonds l'acquisition de ceux-ci a été financée par un crédit ou par des fonds
propres. propres.
B.3.3. Le revenu imposable des biens immobiliers bâtis situés en B.3.3. Le revenu imposable des biens immobiliers bâtis situés en
Belgique et qui sont donnés en location à des personnes physiques qui Belgique et qui sont donnés en location à des personnes physiques qui
ne les affectent pas à l'exercice de leur profession est, dans le ne les affectent pas à l'exercice de leur profession est, dans le
cadre de l'impôt des personnes physiques, en principe égal au revenu cadre de l'impôt des personnes physiques, en principe égal au revenu
cadastral de ces immeubles, majoré de 40 % (article 7, § 1er, 2°, a), cadastral de ces immeubles, majoré de 40 % (article 7, § 1er, 2°, a),
du CIR 1992). En revanche, s'ils sont considérés comme des profits du CIR 1992). En revanche, s'ils sont considérés comme des profits
résultant d'une activité professionnelle, les loyers réellement perçus résultant d'une activité professionnelle, les loyers réellement perçus
par le contribuable sont imposés suivant les règles applicables aux par le contribuable sont imposés suivant les règles applicables aux
revenus professionnels (article 37, alinéa 1er, du CIR 1992). Dès revenus professionnels (article 37, alinéa 1er, du CIR 1992). Dès
lors, l'impôt dû par le contribuable qui perçoit les loyers diffère lors, l'impôt dû par le contribuable qui perçoit les loyers diffère
sensiblement selon que ceux-ci sont imposés suivant les dispositions sensiblement selon que ceux-ci sont imposés suivant les dispositions
applicables aux revenus immobiliers ou que ces revenus locatifs sont applicables aux revenus immobiliers ou que ces revenus locatifs sont
considérés comme des revenus professionnels et imposés à ce titre. considérés comme des revenus professionnels et imposés à ce titre.
B.4.1. L'article 170, § 1er, de la Constitution dispose : B.4.1. L'article 170, § 1er, de la Constitution dispose :
« Aucun impôt au profit de l'Etat ne peut être établi que par une loi « Aucun impôt au profit de l'Etat ne peut être établi que par une loi
». ».
L'article 172 de la Constitution dispose : L'article 172 de la Constitution dispose :
« Il ne peut être établi de privilège en matière d'impôts. « Il ne peut être établi de privilège en matière d'impôts.
Nulle exemption ou modération d'impôt ne peut être établie que par une Nulle exemption ou modération d'impôt ne peut être établie que par une
loi ». loi ».
B.4.2. Il ressort de ces dispositions que les éléments essentiels de B.4.2. Il ressort de ces dispositions que les éléments essentiels de
tout impôt établi au profit de l'autorité fédérale doivent, en tout impôt établi au profit de l'autorité fédérale doivent, en
principe, être déterminés par une assemblée délibérante principe, être déterminés par une assemblée délibérante
démocratiquement élue, et que ces éléments doivent être mentionnés démocratiquement élue, et que ces éléments doivent être mentionnés
dans la loi au moyen de termes précis, non équivoques et clairs. dans la loi au moyen de termes précis, non équivoques et clairs.
Font partie des éléments essentiels de l'impôt la désignation des Font partie des éléments essentiels de l'impôt la désignation des
contribuables, la matière imposable, la base imposable, le taux contribuables, la matière imposable, la base imposable, le taux
d'imposition et les éventuelles exonérations et diminutions d'impôt. d'imposition et les éventuelles exonérations et diminutions d'impôt.
B.4.3. Le principe de légalité en matière fiscale exige ainsi que le B.4.3. Le principe de légalité en matière fiscale exige ainsi que le
législateur indique, en des termes clairs, précis et non équivoques, législateur indique, en des termes clairs, précis et non équivoques,
les actes qui sont imposables, de telle sorte, d'une part, que chacun les actes qui sont imposables, de telle sorte, d'une part, que chacun
puisse - en s'entourant au besoin de conseils éclairés - prévoir puisse - en s'entourant au besoin de conseils éclairés - prévoir
raisonnablement les conséquences fiscales de ses actes dans un raisonnablement les conséquences fiscales de ses actes dans un
contexte donné, sans que le législateur en arrive à une rigidité contexte donné, sans que le législateur en arrive à une rigidité
excessive qui empêcherait de tenir compte des circonstances ou excessive qui empêcherait de tenir compte des circonstances ou
conceptions changeantes dans l'interprétation ou dans l'application conceptions changeantes dans l'interprétation ou dans l'application
d'une norme fiscale, et, d'autre part, que l'administration fiscale et d'une norme fiscale, et, d'autre part, que l'administration fiscale et
le juge ne se voient pas conférer un trop grand pouvoir le juge ne se voient pas conférer un trop grand pouvoir
discrétionnaire. discrétionnaire.
Le principe de légalité n'empêche pas qu'un pouvoir d'appréciation Le principe de légalité n'empêche pas qu'un pouvoir d'appréciation
soit conféré à l'administration fiscale sous le contrôle des soit conféré à l'administration fiscale sous le contrôle des
juridictions. Cela ne signifie pas que la disposition en cause ne juridictions. Cela ne signifie pas que la disposition en cause ne
satisfait pas à l'exigence de prévisibilité. satisfait pas à l'exigence de prévisibilité.
La condition de prévisibilité se trouve remplie lorsque le La condition de prévisibilité se trouve remplie lorsque le
contribuable peut savoir, à partir du libellé des dispositions contribuable peut savoir, à partir du libellé des dispositions
législatives et, au besoin, à l'aide de leur interprétation par les législatives et, au besoin, à l'aide de leur interprétation par les
juridictions, quels actes sont soumis à l'impôt. juridictions, quels actes sont soumis à l'impôt.
B.4.4. L'article 172, alinéa 1er, de la Constitution est une B.4.4. L'article 172, alinéa 1er, de la Constitution est une
application particulière, en matière fiscale, du principe d'égalité et application particulière, en matière fiscale, du principe d'égalité et
de non-discrimination inscrit aux articles 10 et 11 de la de non-discrimination inscrit aux articles 10 et 11 de la
Constitution. Constitution.
B.5.1. Les notions d'« activité de toute nature » et de « profits B.5.1. Les notions d'« activité de toute nature » et de « profits
d'une occupation lucrative », qui qualifient une des catégories de d'une occupation lucrative », qui qualifient une des catégories de
revenus professionnels, constituent des éléments déterminants pour revenus professionnels, constituent des éléments déterminants pour
établir la base imposable de ces revenus et le taux d'imposition établir la base imposable de ces revenus et le taux d'imposition
applicable. Ces notions doivent dès lors être conformes au principe de applicable. Ces notions doivent dès lors être conformes au principe de
la légalité en matière fiscale. la légalité en matière fiscale.
B.5.2. Les dispositions en cause trouvent leur origine dans l'article B.5.2. Les dispositions en cause trouvent leur origine dans l'article
20, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1964, qui qualifiait aussi 20, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1964, qui qualifiait aussi
de « revenus professionnels » les revenus provenant « directement ou de « revenus professionnels » les revenus provenant « directement ou
indirectement, d'activités de toute nature », c'est-à-dire notamment indirectement, d'activités de toute nature », c'est-à-dire notamment
les « profits, quelle que soit leur dénomination, des professions les « profits, quelle que soit leur dénomination, des professions
libérales, charges ou offices et de toutes occupations lucratives ». libérales, charges ou offices et de toutes occupations lucratives ».
Les notions « d'activités de toute nature » et de « profits de toutes Les notions « d'activités de toute nature » et de « profits de toutes
occupations lucratives » étaient déjà présentes dans l'article 6, § 1er, occupations lucratives » étaient déjà présentes dans l'article 6, § 1er,
de la loi du 20 novembre 1962 « portant réforme des impôts sur les de la loi du 20 novembre 1962 « portant réforme des impôts sur les
revenus » (Moniteur belge, 1er décembre 1962) et dans l'article 25, § revenus » (Moniteur belge, 1er décembre 1962) et dans l'article 25, §
1er, 3°, des lois « relatives aux impôts sur les revenus » coordonnées 1er, 3°, des lois « relatives aux impôts sur les revenus » coordonnées
par l'arrêté du Régent du 15 janvier 1948 (Moniteur belge, 21 janvier par l'arrêté du Régent du 15 janvier 1948 (Moniteur belge, 21 janvier
1948). 1948).
B.6.1. Au sujet de ces notions, la Cour de cassation juge de manière B.6.1. Au sujet de ces notions, la Cour de cassation juge de manière
constante que des revenus, y compris, le cas échéant, des revenus constante que des revenus, y compris, le cas échéant, des revenus
immobiliers, sont qualifiés de professionnels lorsqu'ils proviennent immobiliers, sont qualifiés de professionnels lorsqu'ils proviennent
d'occupations lucratives constituées d'un « ensemble d'opérations d'occupations lucratives constituées d'un « ensemble d'opérations
suffisamment fréquentes » et « qui sont suffisamment liées entre elles suffisamment fréquentes » et « qui sont suffisamment liées entre elles
» pour constituer « une activité continue et habituelle », ce qui est » pour constituer « une activité continue et habituelle », ce qui est
apprécié souverainement par le juge du fond (Cass., 20 décembre 1955, apprécié souverainement par le juge du fond (Cass., 20 décembre 1955,
Pas., 1956, I, p. 400; 17 janvier 1957, Pas., 1957, I, p. 573; 26 Pas., 1956, I, p. 400; 17 janvier 1957, Pas., 1957, I, p. 573; 26
janvier 1960, Pas., 1960, I, p. 609; 23 juin 1964, Pas., 1964, I, p. janvier 1960, Pas., 1960, I, p. 609; 23 juin 1964, Pas., 1964, I, p.
1146; 8 novembre 1966, Pas., 1967, I, p. 331, 1146; 8 novembre 1966, Pas., 1967, I, p. 331,
ECLI:BE:CASS:1966:ARR.19661108.2; 31 janvier 1967, Pas., 1968, I, p. ECLI:BE:CASS:1966:ARR.19661108.2; 31 janvier 1967, Pas., 1968, I, p.
664, ECLI:BE:CASS:1967:ARR.19670131.5; 4 juin 1971, Pas., 1971, I, p. 664, ECLI:BE:CASS:1967:ARR.19670131.5; 4 juin 1971, Pas., 1971, I, p.
938, ECLI:BE:CASS:1971:ARR.19710604.9; 7 décembre 1973, Pas., 1974, I, 938, ECLI:BE:CASS:1971:ARR.19710604.9; 7 décembre 1973, Pas., 1974, I,
p. 378, ECLI:BE:CASS:1973:ARR.19731207.3; 7 décembre 2000, Pas., 2000, p. 378, ECLI:BE:CASS:1973:ARR.19731207.3; 7 décembre 2000, Pas., 2000,
n° 676, ECLI:BE:CASS:2000:ARR.20001207.9; 14 décembre 2007, n° 676, ECLI:BE:CASS:2000:ARR.20001207.9; 14 décembre 2007,
F.06.0055.F, ECLI:BE:CASS:2007:ARR.20071214.2). F.06.0055.F, ECLI:BE:CASS:2007:ARR.20071214.2).
B.6.2. L'administration fiscale, sous le contrôle du juge, peut ainsi B.6.2. L'administration fiscale, sous le contrôle du juge, peut ainsi
considérer que la multiplication d'achats de biens immobiliers en vue considérer que la multiplication d'achats de biens immobiliers en vue
de les mettre en location et la réalisation d'opérations diverses de les mettre en location et la réalisation d'opérations diverses
ayant pour finalité la perception de loyers constituent une occupation ayant pour finalité la perception de loyers constituent une occupation
lucrative, de sorte que les loyers perçus qui ont été générés par lucrative, de sorte que les loyers perçus qui ont été générés par
cette occupation doivent être qualifiés de revenus professionnels et cette occupation doivent être qualifiés de revenus professionnels et
sont imposés comme tels. sont imposés comme tels.
B.7.1. Les dispositions en cause, telles qu'elles sont interprétées B.7.1. Les dispositions en cause, telles qu'elles sont interprétées
par cette jurisprudence constante, permettent au contribuable de par cette jurisprudence constante, permettent au contribuable de
prévoir, en s'entourant, si nécessaire, d'avis de professionnels tels prévoir, en s'entourant, si nécessaire, d'avis de professionnels tels
que, par exemple, les organismes de crédit hypothécaire, que la que, par exemple, les organismes de crédit hypothécaire, que la
multiplication d'achats immobiliers en vue de les mettre en location multiplication d'achats immobiliers en vue de les mettre en location
et d'en percevoir les loyers est susceptible d'être qualifiée par et d'en percevoir les loyers est susceptible d'être qualifiée par
l'administration fiscale d'occupation lucrative et que les revenus l'administration fiscale d'occupation lucrative et que les revenus
générés par cette occupation seront dès lors imposés comme des revenus générés par cette occupation seront dès lors imposés comme des revenus
professionnels. professionnels.
B.7.2. On ne saurait par ailleurs reprocher au législateur, au nom de B.7.2. On ne saurait par ailleurs reprocher au législateur, au nom de
la sécurité juridique, de ne pas avoir fixé en l'occurrence des la sécurité juridique, de ne pas avoir fixé en l'occurrence des
critères à ce point précis que l'administration fiscale et le juge ne critères à ce point précis que l'administration fiscale et le juge ne
disposeraient plus d'aucun pouvoir d'appréciation dans une matière qui disposeraient plus d'aucun pouvoir d'appréciation dans une matière qui
se caractérise par une très grande diversité de situations. se caractérise par une très grande diversité de situations.
En particulier, il ne saurait être fait grief au législateur de ne pas En particulier, il ne saurait être fait grief au législateur de ne pas
avoir déterminé un nombre d'acquisitions immobilières à partir duquel avoir déterminé un nombre d'acquisitions immobilières à partir duquel
les revenus ne sont plus imposés au titre de revenus de biens les revenus ne sont plus imposés au titre de revenus de biens
immobiliers, mais au titre de revenus professionnels, dès lors que immobiliers, mais au titre de revenus professionnels, dès lors que
l'ensemble des opérations suffisamment fréquentes et liées entre elles l'ensemble des opérations suffisamment fréquentes et liées entre elles
qui constituent une occupation lucrative est appréhendé par qui constituent une occupation lucrative est appréhendé par
l'administration, sous le contrôle du juge, à partir d'un certain l'administration, sous le contrôle du juge, à partir d'un certain
nombre de faits et de constatations qui ne se réduisent pas au nombre nombre de faits et de constatations qui ne se réduisent pas au nombre
d'acquisitions réalisées sur une période donnée. d'acquisitions réalisées sur une période donnée.
B.8. Bien que le législateur confère à l'administration fiscale et au B.8. Bien que le législateur confère à l'administration fiscale et au
juge un certain pouvoir d'appréciation quant à l'application concrète juge un certain pouvoir d'appréciation quant à l'application concrète
des articles 23, § 1er, 2°, et 27 du CIR 1992, en particulier pour des articles 23, § 1er, 2°, et 27 du CIR 1992, en particulier pour
déterminer ce qui constitue une occupation lucrative générant des déterminer ce qui constitue une occupation lucrative générant des
profits sur la base du critère des opérations suffisamment fréquentes profits sur la base du critère des opérations suffisamment fréquentes
et liées entre elles, et bien que ce pouvoir puisse entraîner et liées entre elles, et bien que ce pouvoir puisse entraîner
d'éventuelles divergences dans la pratique administrative et dans la d'éventuelles divergences dans la pratique administrative et dans la
jurisprudence, ce pouvoir d'appréciation, compte tenu de la jurisprudence, ce pouvoir d'appréciation, compte tenu de la
jurisprudence ancienne et constante de la Cour de cassation en la jurisprudence ancienne et constante de la Cour de cassation en la
matière, n'enlève pas aux dispositions fiscales en cause leur matière, n'enlève pas aux dispositions fiscales en cause leur
caractère suffisamment précis pour satisfaire au principe de légalité caractère suffisamment précis pour satisfaire au principe de légalité
en matière fiscale. en matière fiscale.
B.9.1. Etant donné que les dispositions en cause ne sont pas B.9.1. Etant donné que les dispositions en cause ne sont pas
incompatibles avec le principe de la légalité en matière fiscale, incompatibles avec le principe de la légalité en matière fiscale,
elles ne sont pas non plus contraires au principe d'égalité dans elles ne sont pas non plus contraires au principe d'égalité dans
l'hypothèse où la violation de celui-ci découlerait de la circonstance l'hypothèse où la violation de celui-ci découlerait de la circonstance
qu'une catégorie de contribuables serait privée de la garantie d'une qu'une catégorie de contribuables serait privée de la garantie d'une
loi fiscale prévisible. loi fiscale prévisible.
B.9.2. Par ailleurs, les dispositions en cause n'établissent B.9.2. Par ailleurs, les dispositions en cause n'établissent
elles-mêmes aucune différence de traitement fondée sur le critère du elles-mêmes aucune différence de traitement fondée sur le critère du
recours au crédit hypothécaire. Elles ne sont dès lors pas davantage recours au crédit hypothécaire. Elles ne sont dès lors pas davantage
contraires au principe d'égalité dans l'hypothèse où la violation de contraires au principe d'égalité dans l'hypothèse où la violation de
celui-ci découlerait d'une discrimination entre les contribuables celui-ci découlerait d'une discrimination entre les contribuables
percevant des loyers générés par des immeubles dont ils sont percevant des loyers générés par des immeubles dont ils sont
propriétaires, selon que ces immeubles ont été acquis à l'aide de propriétaires, selon que ces immeubles ont été acquis à l'aide de
crédits hypothécaires ou au moyen de fonds constitués par une épargne crédits hypothécaires ou au moyen de fonds constitués par une épargne
personnelle ou du réemploi de sommes provenant d'une succession ou personnelle ou du réemploi de sommes provenant d'une succession ou
d'une donation. d'une donation.
B.10. Pour le surplus, c'est à la juridiction a quo, et non à la Cour, B.10. Pour le surplus, c'est à la juridiction a quo, et non à la Cour,
qu'il revient d'examiner si l'administration fiscale a fait une qu'il revient d'examiner si l'administration fiscale a fait une
application correcte de la notion de « revenus d'une occupation application correcte de la notion de « revenus d'une occupation
lucrative » et de juger si les constatations que le fisc a faites lucrative » et de juger si les constatations que le fisc a faites
quant au nombre et à la fréquence des acquisitions immobilières des quant au nombre et à la fréquence des acquisitions immobilières des
contribuables concernés, à la disponibilité de ceux-ci pour s'en contribuables concernés, à la disponibilité de ceux-ci pour s'en
occuper et à leur recours répété au crédit permettent, en l'espèce, de occuper et à leur recours répété au crédit permettent, en l'espèce, de
qualifier les loyers perçus de revenus professionnels et de les qualifier les loyers perçus de revenus professionnels et de les
imposer comme tels. imposer comme tels.
B.11. Les articles 23, § 1er, 2°, et 27 du CIR 1992 sont compatibles B.11. Les articles 23, § 1er, 2°, et 27 du CIR 1992 sont compatibles
avec les principes de légalité et d'égalité en matière fiscale. avec les principes de légalité et d'égalité en matière fiscale.
Quant à la troisième question préjudicielle Quant à la troisième question préjudicielle
B.12.1. Par la troisième question préjudicielle, la Cour est invitée à B.12.1. Par la troisième question préjudicielle, la Cour est invitée à
examiner si les dispositions en cause, lues en combinaison avec les examiner si les dispositions en cause, lues en combinaison avec les
articles 20 et 23 de la loi du 24 décembre 2002 « modifiant le régime articles 20 et 23 de la loi du 24 décembre 2002 « modifiant le régime
des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un
système de décision anticipée en matière fiscale » (ci-après : la loi système de décision anticipée en matière fiscale » (ci-après : la loi
du 24 décembre 2002), sont compatibles avec le principe de la légalité du 24 décembre 2002), sont compatibles avec le principe de la légalité
en matière fiscale garanti par les articles 170 et 172 de la en matière fiscale garanti par les articles 170 et 172 de la
Constitution et par l'article 1er du Premier Protocole additionnel à Constitution et par l'article 1er du Premier Protocole additionnel à
la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'elles la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'elles
feraient naître une insécurité quant au moment à partir duquel les feraient naître une insécurité quant au moment à partir duquel les
acquisitions immobilières successives constituent une « occupation acquisitions immobilières successives constituent une « occupation
lucrative » générant des profits considérés comme des revenus lucrative » générant des profits considérés comme des revenus
professionnels et au moment où le contribuable concerné devrait « professionnels et au moment où le contribuable concerné devrait «
tenir une comptabilité propre aux entreprises commerciales ». La tenir une comptabilité propre aux entreprises commerciales ». La
juridiction a quo remet en question le rôle du Service des décisions juridiction a quo remet en question le rôle du Service des décisions
anticipées et semble considérer que celui-ci est « source d'arbitraire anticipées et semble considérer que celui-ci est « source d'arbitraire
» et « s'érige après coup en législateur ». » et « s'érige après coup en législateur ».
B.12.2. L'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention B.12.2. L'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention
européenne des droits de l'homme dispose : européenne des droits de l'homme dispose :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens.
Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité
publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes
généraux du droit international. généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que
possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent
nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à
l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres
contributions ou des amendes ». contributions ou des amendes ».
Cette disposition ne contient pas un principe de légalité plus étendu Cette disposition ne contient pas un principe de légalité plus étendu
que celui qui se déduit des articles 170, § 1er, et 172 de la que celui qui se déduit des articles 170, § 1er, et 172 de la
Constitution. Constitution.
B.13.1. Ainsi qu'il est dit en réponse à la première question B.13.1. Ainsi qu'il est dit en réponse à la première question
préjudicielle, les articles 23, § 1er, 2°, et 27 du CIR 1992 sont préjudicielle, les articles 23, § 1er, 2°, et 27 du CIR 1992 sont
compatibles avec le principe de la légalité en matière fiscale en ce compatibles avec le principe de la légalité en matière fiscale en ce
qu'ils utilisent, pour permettre à l'administration de qualifier comme qu'ils utilisent, pour permettre à l'administration de qualifier comme
revenus professionnels les revenus de biens immobiliers donnés en revenus professionnels les revenus de biens immobiliers donnés en
location à des personnes physiques qui ne les affectent pas à location à des personnes physiques qui ne les affectent pas à
l'exercice de leur profession, les notions d'« activités de toute l'exercice de leur profession, les notions d'« activités de toute
nature » et de « revenus d'une occupation lucrative ». nature » et de « revenus d'une occupation lucrative ».
B.13.2. Par ailleurs, la requalification, opérée par l'administration B.13.2. Par ailleurs, la requalification, opérée par l'administration
fiscale, des loyers perçus en profits imposables comme revenus fiscale, des loyers perçus en profits imposables comme revenus
professionnels en application des articles 23, § 1er, 2°, et 27 du CIR professionnels en application des articles 23, § 1er, 2°, et 27 du CIR
1992 n'emporte pas l'obligation, pour le contribuable concerné, de « 1992 n'emporte pas l'obligation, pour le contribuable concerné, de «
tenir une comptabilité propre aux entreprises commerciales ». tenir une comptabilité propre aux entreprises commerciales ».
B.14.1. En vertu des articles 20 et 23 de la loi du 24 décembre 2002, B.14.1. En vertu des articles 20 et 23 de la loi du 24 décembre 2002,
chaque contribuable peut saisir l'administration fiscale pour qu'elle chaque contribuable peut saisir l'administration fiscale pour qu'elle
détermine, par la voie d'une décision contraignante, comment la loi détermine, par la voie d'une décision contraignante, comment la loi
fiscale s'appliquera à une situation ou opération particulière qui n'a fiscale s'appliquera à une situation ou opération particulière qui n'a
pas encore produit d'effets sur le plan fiscal. En cas de doute, le pas encore produit d'effets sur le plan fiscal. En cas de doute, le
contribuable est donc en mesure de déterminer si les revenus locatifs contribuable est donc en mesure de déterminer si les revenus locatifs
générés par les biens immobiliers qu'il a acquis seront considérés ou générés par les biens immobiliers qu'il a acquis seront considérés ou
non comme des revenus professionnels et imposés à ce titre. non comme des revenus professionnels et imposés à ce titre.
Ces décisions étant publiées de manière anonyme (article 24 de la loi Ces décisions étant publiées de manière anonyme (article 24 de la loi
du 24 décembre 2002), leur application par l'administration fiscale à du 24 décembre 2002), leur application par l'administration fiscale à
d'autres cas concrets est aussi davantage prévisible. d'autres cas concrets est aussi davantage prévisible.
B.14.2. La juridiction a quo n'explique pas en quoi ces dispositions B.14.2. La juridiction a quo n'explique pas en quoi ces dispositions
ne seraient pas compatibles avec le principe de la légalité en matière ne seraient pas compatibles avec le principe de la légalité en matière
fiscale. Au contraire, elles ont pour but d'augmenter la sécurité fiscale. Au contraire, elles ont pour but d'augmenter la sécurité
juridique des contribuables en leur permettant d'obtenir, avant la juridique des contribuables en leur permettant d'obtenir, avant la
réalisation d'une opération, une décision administrative quant au réalisation d'une opération, une décision administrative quant au
traitement fiscal de celle-ci. La circonstance que l'administration traitement fiscal de celle-ci. La circonstance que l'administration
est liée pour l'avenir par la décision anticipée ne signifie pas que est liée pour l'avenir par la décision anticipée ne signifie pas que
cette décision lierait également le juge, qui peut être saisi d'un cette décision lierait également le juge, qui peut être saisi d'un
recours. Contrairement à ce que suggère la question préjudicielle, les recours. Contrairement à ce que suggère la question préjudicielle, les
décisions anticipées concourent à la clarté et à la prévisibilité de décisions anticipées concourent à la clarté et à la prévisibilité de
la loi fiscale sans que le Service des décisions anticipées ne la loi fiscale sans que le Service des décisions anticipées ne
devienne un législateur pour autant. devienne un législateur pour autant.
B.15. Les articles 23, § 1er, 2°, et 27 du CIR 1992, lus en B.15. Les articles 23, § 1er, 2°, et 27 du CIR 1992, lus en
combinaison avec les articles 20 et 23 de la loi du 24 décembre 2002, combinaison avec les articles 20 et 23 de la loi du 24 décembre 2002,
sont compatibles avec le principe de la légalité en matière fiscale. sont compatibles avec le principe de la légalité en matière fiscale.
Par ces motifs, Par ces motifs,
la Cour la Cour
dit pour droit : dit pour droit :
Les articles 23, § 1er, 2°, et 27 du Code des impôts sur les revenus Les articles 23, § 1er, 2°, et 27 du Code des impôts sur les revenus
1992, tels qu'ils étaient applicables aux exercices d'imposition 2017 1992, tels qu'ils étaient applicables aux exercices d'imposition 2017
à 2019, ne violent pas les articles 10, 11, 170 et 172 de la à 2019, ne violent pas les articles 10, 11, 170 et 172 de la
Constitution, lus en combinaison avec l'article 1er du Premier Constitution, lus en combinaison avec l'article 1er du Premier
Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de
l'homme. l'homme.
Les quatrième et cinquième questions préjudicielles sont irrecevables. Les quatrième et cinquième questions préjudicielles sont irrecevables.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise,
conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur
la Cour constitutionnelle, le 9 novembre 2023. la Cour constitutionnelle, le 9 novembre 2023.
Le greffier, Le président, Le greffier, Le président,
N. Dupont P. Nihoul N. Dupont P. Nihoul
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