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les questions préjudicielles relatives à l'article 344-3 de l'ancien Code civil, posées par le Tribunal
de la famille d'Eupen. La Cour constitutionnelle,"
Extrait de l'arrêt n° 173/2021 du 2 décembre 2021 Numéro du rôle : 7345 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 344-3 de l'ancien Code civil, posées par le Tribunal de la famille d'Eupen. La Cour constitutionnelle, | Extrait de l'arrêt n° 173/2021 du 2 décembre 2021 Numéro du rôle : 7345 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 344-3 de l'ancien Code civil, posées par le Tribunal de la famille d'Eupen. La Cour constitutionnelle, |
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COUR CONSTITUTIONNELLE | COUR CONSTITUTIONNELLE |
Extrait de l'arrêt n° 173/2021 du 2 décembre 2021 | Extrait de l'arrêt n° 173/2021 du 2 décembre 2021 |
Numéro du rôle : 7345 | Numéro du rôle : 7345 |
En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 344-3 de | En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 344-3 de |
l'ancien Code civil, posées par le Tribunal de la famille d'Eupen. | l'ancien Code civil, posées par le Tribunal de la famille d'Eupen. |
La Cour constitutionnelle, | La Cour constitutionnelle, |
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges J.-P. | composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges J.-P. |
Moerman, T. Giet, M. Pâques, Y. Kherbache et D. Pieters, assistée du | Moerman, T. Giet, M. Pâques, Y. Kherbache et D. Pieters, assistée du |
greffier F. Meersschaut, présidée par le président P. Nihoul, | greffier F. Meersschaut, présidée par le président P. Nihoul, |
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : | après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : |
I. Objet des questions préjudicielles et procédure | I. Objet des questions préjudicielles et procédure |
Par jugement du 8 janvier 2020, dont l'expédition est parvenue au | Par jugement du 8 janvier 2020, dont l'expédition est parvenue au |
greffe de la Cour le 21 janvier 2020, le Tribunal de la famille | greffe de la Cour le 21 janvier 2020, le Tribunal de la famille |
d'Eupen a posé les questions préjudicielles suivantes : | d'Eupen a posé les questions préjudicielles suivantes : |
« 1. L'article 344-3, 1°, du Code civil viole-t-il les articles 10, | « 1. L'article 344-3, 1°, du Code civil viole-t-il les articles 10, |
11, 22 et 22bis de la Constitution ainsi que les articles 8 et 14 de | 11, 22 et 22bis de la Constitution ainsi que les articles 8 et 14 de |
la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 21 de la | la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 21 de la |
Convention relative aux droits de l'enfant, en ce qu'un enfant peut | Convention relative aux droits de l'enfant, en ce qu'un enfant peut |
être adopté par l'ancien partenaire de son parent légal lorsque son | être adopté par l'ancien partenaire de son parent légal lorsque son |
lien de filiation à l'égard du parent légal a été établi pendant la | lien de filiation à l'égard du parent légal a été établi pendant la |
cohabitation ou le mariage avec l'ancien partenaire, bien que cet | cohabitation ou le mariage avec l'ancien partenaire, bien que cet |
enfant ne puisse pas être adopté par l'ancien partenaire si le lien de | enfant ne puisse pas être adopté par l'ancien partenaire si le lien de |
filiation à l'égard du parent légal avait déjà été établi avant la | filiation à l'égard du parent légal avait déjà été établi avant la |
cohabitation ou le mariage ? | cohabitation ou le mariage ? |
2. L'article 344-3, 2°, du Code civil viole-t-il les articles 10, 11, | 2. L'article 344-3, 2°, du Code civil viole-t-il les articles 10, 11, |
22 et 22bis de la Constitution ainsi que les articles 8 et 14 de la | 22 et 22bis de la Constitution ainsi que les articles 8 et 14 de la |
Convention européenne des droits de l'homme et l'article 21 de la | Convention européenne des droits de l'homme et l'article 21 de la |
Convention relative aux droits de l'enfant, en ce qu'un enfant peut | Convention relative aux droits de l'enfant, en ce qu'un enfant peut |
être adopté par l'ancien partenaire de son parent légal lorsque | être adopté par l'ancien partenaire de son parent légal lorsque |
l'enfant n'a qu'un seul lien de filiation établi, alors que cet enfant | l'enfant n'a qu'un seul lien de filiation établi, alors que cet enfant |
ne pourrait pas être adopté par l'ancien partenaire s'il avait plus | ne pourrait pas être adopté par l'ancien partenaire s'il avait plus |
d'un lien de filiation établi, et ce indépendamment du fait que le | d'un lien de filiation établi, et ce indépendamment du fait que le |
second parent s'est effectivement occupé de l'enfant ou s'est | second parent s'est effectivement occupé de l'enfant ou s'est |
intéressé à celui-ci ? | intéressé à celui-ci ? |
3. L'article 344-3 du Code civil viole-t-il les articles 10, 11, 22 et | 3. L'article 344-3 du Code civil viole-t-il les articles 10, 11, 22 et |
22bis de la Constitution ainsi que les articles 8 et 14 de la | 22bis de la Constitution ainsi que les articles 8 et 14 de la |
Convention européenne des droits de l'homme et l'article 21 de la | Convention européenne des droits de l'homme et l'article 21 de la |
Convention relative aux droits de l'enfant, en ce que les conditions | Convention relative aux droits de l'enfant, en ce que les conditions |
restrictives contenues dans cet article s'appliquent à toutes les | restrictives contenues dans cet article s'appliquent à toutes les |
formes d'adoption, qu'il s'agisse d'une adoption simple ou d'une | formes d'adoption, qu'il s'agisse d'une adoption simple ou d'une |
adoption plénière ? ». | adoption plénière ? ». |
(...) | (...) |
III. En droit | III. En droit |
(...) | (...) |
Quant à la disposition en cause et à son contexte | Quant à la disposition en cause et à son contexte |
B.1.1. Les questions préjudicielles portent sur l'article 344-3 de | B.1.1. Les questions préjudicielles portent sur l'article 344-3 de |
l'ancien Code civil, qui a été inséré par l'article 3 de la loi du 20 | l'ancien Code civil, qui a été inséré par l'article 3 de la loi du 20 |
février 2017 « modifiant le Code civil, en ce qui concerne l'adoption | février 2017 « modifiant le Code civil, en ce qui concerne l'adoption |
» (ci-après : la loi du 20 février 2017) et qui dispose : | » (ci-après : la loi du 20 février 2017) et qui dispose : |
« Une personne peut adopter l'enfant de son ancien partenaire, pour | « Une personne peut adopter l'enfant de son ancien partenaire, pour |
autant que les conditions suivantes soient remplies : | autant que les conditions suivantes soient remplies : |
1° l'enfant a été adopté par l'ancien partenaire pendant le mariage ou | 1° l'enfant a été adopté par l'ancien partenaire pendant le mariage ou |
un lien de filiation, adoptive ou autre, a été établi entre l'enfant | un lien de filiation, adoptive ou autre, a été établi entre l'enfant |
et l'ancien partenaire pendant la cohabitation légale ou pendant la | et l'ancien partenaire pendant la cohabitation légale ou pendant la |
vie commune visée à l'article 343, § 1er, b/1); | vie commune visée à l'article 343, § 1er, b/1); |
2° l'enfant n'a qu'un seul lien de filiation établi; et | 2° l'enfant n'a qu'un seul lien de filiation établi; et |
3° cette personne entretient avec l'enfant une relation de fait | 3° cette personne entretient avec l'enfant une relation de fait |
durable, tant sur le plan affectif que matériel ». | durable, tant sur le plan affectif que matériel ». |
B.1.2. La loi du 20 février 2017 visait notamment à adapter les | B.1.2. La loi du 20 février 2017 visait notamment à adapter les |
dispositions relatives à l'adoption contenues dans l'ancien Code civil | dispositions relatives à l'adoption contenues dans l'ancien Code civil |
aux arrêts de la Cour n° 94/2012 du 12 juillet 2012 et n° 94/2015 du | aux arrêts de la Cour n° 94/2012 du 12 juillet 2012 et n° 94/2015 du |
25 juin 2015. | 25 juin 2015. |
L'arrêt n° 94/2012, précité, portait notamment sur les articles 343, § | L'arrêt n° 94/2012, précité, portait notamment sur les articles 343, § |
1er, b), 356-1 et 356-2 de l'ancien Code civil, qui, tels qu'ils | 1er, b), 356-1 et 356-2 de l'ancien Code civil, qui, tels qu'ils |
étaient applicables avant leur modification par la loi du 20 février | étaient applicables avant leur modification par la loi du 20 février |
2017, disposaient : | 2017, disposaient : |
« Art. 343.§ 1er. On entend par : |
« Art. 343.§ 1er. On entend par : |
a) adoptant : une personne, des époux, ou des cohabitants; | a) adoptant : une personne, des époux, ou des cohabitants; |
b) cohabitants : deux personnes ayant fait une déclaration de | b) cohabitants : deux personnes ayant fait une déclaration de |
cohabitation légale ou deux personnes qui vivent ensemble de façon | cohabitation légale ou deux personnes qui vivent ensemble de façon |
permanente et affective depuis au moins trois ans au moment de | permanente et affective depuis au moins trois ans au moment de |
l'introduction de la demande en adoption, pour autant qu'elles ne | l'introduction de la demande en adoption, pour autant qu'elles ne |
soient pas unies par un lien de parenté entraînant une prohibition de | soient pas unies par un lien de parenté entraînant une prohibition de |
mariage dont elles ne peuvent être dispensées par le Roi; | mariage dont elles ne peuvent être dispensées par le Roi; |
c) enfant : une personne âgée de moins de dix-huit ans. | c) enfant : une personne âgée de moins de dix-huit ans. |
§ 2. II existe deux sortes d'adoption : l'adoption simple et | § 2. II existe deux sortes d'adoption : l'adoption simple et |
l'adoption plénière ». | l'adoption plénière ». |
« Art. 356-1. L'adoption plénière confère à l'enfant et à ses | « Art. 356-1. L'adoption plénière confère à l'enfant et à ses |
descendants un statut comportant des droits et obligations identiques | descendants un statut comportant des droits et obligations identiques |
à ceux qu'ils auraient si l'enfant était né de l'adoptant ou des | à ceux qu'ils auraient si l'enfant était né de l'adoptant ou des |
adoptants. | adoptants. |
Sous réserve des empêchements à mariage prévus aux articles 161 à 164, | Sous réserve des empêchements à mariage prévus aux articles 161 à 164, |
l'enfant qui fait l'objet d'une adoption plénière cesse d'appartenir à | l'enfant qui fait l'objet d'une adoption plénière cesse d'appartenir à |
sa famille d'origine. | sa famille d'origine. |
Toutefois, l'enfant ou l'enfant adoptif du conjoint ou cohabitant, | Toutefois, l'enfant ou l'enfant adoptif du conjoint ou cohabitant, |
même décédé, de l'adoptant ne cesse pas d'appartenir à la famille de | même décédé, de l'adoptant ne cesse pas d'appartenir à la famille de |
ce conjoint ou cohabitant. Si ce dernier vit encore, l'autorité | ce conjoint ou cohabitant. Si ce dernier vit encore, l'autorité |
parentale sur l'adopté est exercée conjointement par l'adoptant et ce | parentale sur l'adopté est exercée conjointement par l'adoptant et ce |
conjoint ou cohabitant. | conjoint ou cohabitant. |
Art. 356-2. § 1er. L'adoption plénière confère à l'enfant, en le | Art. 356-2. § 1er. L'adoption plénière confère à l'enfant, en le |
substituant au sien, le nom de l'adoptant ou de l'homme adoptant. | substituant au sien, le nom de l'adoptant ou de l'homme adoptant. |
Toutefois, l'adoption plénière, par une femme, de l'enfant ou de | Toutefois, l'adoption plénière, par une femme, de l'enfant ou de |
l'enfant adoptif de son époux ou cohabitant n'entraîne aucune | l'enfant adoptif de son époux ou cohabitant n'entraîne aucune |
modification du nom de l'enfant. | modification du nom de l'enfant. |
§ 2. En cas d'adoption plénière simultanée par deux personnes de même | § 2. En cas d'adoption plénière simultanée par deux personnes de même |
sexe, celles-ci déclarent devant le tribunal, de commun accord, | sexe, celles-ci déclarent devant le tribunal, de commun accord, |
laquelle des deux donnera son nom à l'adopté. Le jugement mentionne | laquelle des deux donnera son nom à l'adopté. Le jugement mentionne |
cette déclaration. | cette déclaration. |
En cas d'adoption plénière par une personne de l'enfant ou de l'enfant | En cas d'adoption plénière par une personne de l'enfant ou de l'enfant |
adoptif de son conjoint de même sexe ou cohabitant de même sexe, | adoptif de son conjoint de même sexe ou cohabitant de même sexe, |
l'adoptant et ce dernier déclarent devant le tribunal, de commun | l'adoptant et ce dernier déclarent devant le tribunal, de commun |
accord, lequel des deux donnera son nom à l'adopté. Le jugement | accord, lequel des deux donnera son nom à l'adopté. Le jugement |
mentionne cette déclaration. | mentionne cette déclaration. |
Le nom choisi par les adoptants conformément aux alinéas 1er et 2 | Le nom choisi par les adoptants conformément aux alinéas 1er et 2 |
s'impose aux enfants adoptés ultérieurement par eux ». | s'impose aux enfants adoptés ultérieurement par eux ». |
Par son arrêt n° 94/2012 du 12 juillet 2012, la Cour s'est prononcée | Par son arrêt n° 94/2012 du 12 juillet 2012, la Cour s'est prononcée |
sur des questions préjudicielles qui avaient été posées par le juge a | sur des questions préjudicielles qui avaient été posées par le juge a |
quo au sujet de ces dispositions dans le cadre d'une demande | quo au sujet de ces dispositions dans le cadre d'une demande |
d'adoption plénière introduite par l'ancienne partenaire de la mère | d'adoption plénière introduite par l'ancienne partenaire de la mère |
légale des enfants mineurs concernés. Il ressortait des faits de cette | légale des enfants mineurs concernés. Il ressortait des faits de cette |
affaire que les enfants n'avaient pas de père légal, que le père | affaire que les enfants n'avaient pas de père légal, que le père |
biologique n'était pas connu, que la candidate adoptante et la mère | biologique n'était pas connu, que la candidate adoptante et la mère |
légale avaient eu dans le passé une relation affective qui avait duré | légale avaient eu dans le passé une relation affective qui avait duré |
plus de trois ans, pendant laquelle les enfants mineurs concernés | plus de trois ans, pendant laquelle les enfants mineurs concernés |
étaient nés, qu'il existait aussi bien sur le plan moral que sur le | étaient nés, qu'il existait aussi bien sur le plan moral que sur le |
plan matériel une relation parent-enfant de fait, durable, entre la | plan matériel une relation parent-enfant de fait, durable, entre la |
candidate adoptante et les enfants et que tant la mère légale que les | candidate adoptante et les enfants et que tant la mère légale que les |
enfants concernés s'étaient déclarés explicitement d'accord avec | enfants concernés s'étaient déclarés explicitement d'accord avec |
l'adoption (B.4). La Cour a limité son examen des questions | l'adoption (B.4). La Cour a limité son examen des questions |
préjudicielles à la situation caractérisée par ces éléments et a jugé | préjudicielles à la situation caractérisée par ces éléments et a jugé |
: | : |
« B.12.2. En ce que les [articles 343, § 1er, b), 356-1 et 356-2 de | « B.12.2. En ce que les [articles 343, § 1er, b), 356-1 et 356-2 de |
l'ancien Code civil], telles qu'elles ont été modifiées par la loi du | l'ancien Code civil], telles qu'elles ont été modifiées par la loi du |
18 mai 2006, permettent exclusivement ' l'adoption plénière par un | 18 mai 2006, permettent exclusivement ' l'adoption plénière par un |
beau-parent ' d'un enfant, avec maintien des liens juridiques entre | beau-parent ' d'un enfant, avec maintien des liens juridiques entre |
cet enfant et sa famille d'origine, si le candidat adoptant est marié | cet enfant et sa famille d'origine, si le candidat adoptant est marié |
au parent légal de l'enfant concerné, a fait avec ce parent une | au parent légal de l'enfant concerné, a fait avec ce parent une |
déclaration de cohabitation légale ou cohabite avec lui de manière | déclaration de cohabitation légale ou cohabite avec lui de manière |
permanente et affective depuis au moins trois ans au moment de | permanente et affective depuis au moins trois ans au moment de |
l'introduction de la demande en adoption, elles empêchent l'ancien | l'introduction de la demande en adoption, elles empêchent l'ancien |
partenaire du parent légal de l'enfant de lier à la relation | partenaire du parent légal de l'enfant de lier à la relation |
parent-enfant de fait, durable, qui existe, le cas échéant, entre | parent-enfant de fait, durable, qui existe, le cas échéant, entre |
cette personne et l'enfant des effets consacrant juridiquement les | cette personne et l'enfant des effets consacrant juridiquement les |
engagements auxquels cette personne offre de souscrire à l'égard de | engagements auxquels cette personne offre de souscrire à l'égard de |
cet enfant, et ce tant que le législateur n'a pas prévu d'autres | cet enfant, et ce tant que le législateur n'a pas prévu d'autres |
procédures. | procédures. |
B.12.3. Dans cette mesure, les dispositions en cause ont des effets | B.12.3. Dans cette mesure, les dispositions en cause ont des effets |
disproportionnés par rapport à l'objectif poursuivi par le | disproportionnés par rapport à l'objectif poursuivi par le |
législateur, lequel est dicté, comme cela a été rappelé en B.7.2, par | législateur, lequel est dicté, comme cela a été rappelé en B.7.2, par |
la considération qu'il est dans l'intérêt de l'enfant - qui ' a déjà | la considération qu'il est dans l'intérêt de l'enfant - qui ' a déjà |
vécu un déracinement ' - qu'il soit accueilli dans un ' environnement | vécu un déracinement ' - qu'il soit accueilli dans un ' environnement |
stable '. Dans les cas où la relation parent-enfant de fait entre un | stable '. Dans les cas où la relation parent-enfant de fait entre un |
enfant et l'ancien partenaire de son parent légal est établie de | enfant et l'ancien partenaire de son parent légal est établie de |
manière durable, l'adoption de cet enfant par l'ancien partenaire, dès | manière durable, l'adoption de cet enfant par l'ancien partenaire, dès |
lors que les liens juridiques entre l'enfant et sa famille d'origine | lors que les liens juridiques entre l'enfant et sa famille d'origine |
restent maintenus, n'aurait pour effet ni que l'enfant vive un | restent maintenus, n'aurait pour effet ni que l'enfant vive un |
déracinement, ni qu'il soit élevé dans un environnement devant être | déracinement, ni qu'il soit élevé dans un environnement devant être |
considéré, par définition, comme instable. Une telle adoption pourrait | considéré, par définition, comme instable. Une telle adoption pourrait |
au contraire généralement contribuer à la stabilité de l'environnement | au contraire généralement contribuer à la stabilité de l'environnement |
dans lequel l'enfant grandit et confirmer juridiquement les rapports | dans lequel l'enfant grandit et confirmer juridiquement les rapports |
de fait existant au sein de cet environnement. | de fait existant au sein de cet environnement. |
B.13.1. En ce que les dispositions en cause ne prévoient pas qu'un | B.13.1. En ce que les dispositions en cause ne prévoient pas qu'un |
enfant mineur puisse, dans les circonstances définies en B.4, être | enfant mineur puisse, dans les circonstances définies en B.4, être |
adopté plénièrement par l'ancien partenaire du parent légal de cet | adopté plénièrement par l'ancien partenaire du parent légal de cet |
enfant, avec maintien des liens juridiques entre l'enfant et sa | enfant, avec maintien des liens juridiques entre l'enfant et sa |
famille d'origine et application des dispositions relatives au nom de | famille d'origine et application des dispositions relatives au nom de |
l'enfant contenues dans l'article 356-2, § 2, alinéas 2 et 3, du Code | l'enfant contenues dans l'article 356-2, § 2, alinéas 2 et 3, du Code |
civil, elles ne sont pas compatibles avec les articles 10, 11 et 22bis | civil, elles ne sont pas compatibles avec les articles 10, 11 et 22bis |
de la Constitution, combinés avec l'article 21 de la Convention | de la Constitution, combinés avec l'article 21 de la Convention |
relative aux droits de l'enfant ». | relative aux droits de l'enfant ». |
Par son arrêt n° 94/2015 du 25 juin 2015, la Cour s'est prononcée sur | Par son arrêt n° 94/2015 du 25 juin 2015, la Cour s'est prononcée sur |
une question préjudicielle qui avait été posée par le juge a quo au | une question préjudicielle qui avait été posée par le juge a quo au |
sujet de l'article 343, § 1er, b), de l'ancien Code civil dans le | sujet de l'article 343, § 1er, b), de l'ancien Code civil dans le |
cadre d'une demande d'adoption simple introduite par un homme qui | cadre d'une demande d'adoption simple introduite par un homme qui |
avait formé un couple avec la mère adoptive d'un enfant pendant | avait formé un couple avec la mère adoptive d'un enfant pendant |
presque dix ans, période au cours de laquelle l'enfant était né. Il | presque dix ans, période au cours de laquelle l'enfant était né. Il |
apparaissait aussi que cet enfant, né à l'étranger de père inconnu et | apparaissait aussi que cet enfant, né à l'étranger de père inconnu et |
abandonné par sa mère biologique, n'avait pas de père légal et qu'il | abandonné par sa mère biologique, n'avait pas de père légal et qu'il |
avait, dès son arrivée sur le territoire du Royaume, quelques mois | avait, dès son arrivée sur le territoire du Royaume, quelques mois |
après sa naissance, vécu au sein du ménage formé par sa mère adoptive | après sa naissance, vécu au sein du ménage formé par sa mère adoptive |
et par le demandeur de l'adoption, même si la cohabitation officielle | et par le demandeur de l'adoption, même si la cohabitation officielle |
de ces derniers n'avait débuté que près de deux mois après cette | de ces derniers n'avait débuté que près de deux mois après cette |
arrivée et plus de six mois après l'établissement de l'acte | arrivée et plus de six mois après l'établissement de l'acte |
d'adoption. Il apparaissait en outre qu'il existait entre le demandeur | d'adoption. Il apparaissait en outre qu'il existait entre le demandeur |
de l'adoption et l'enfant une relation de fait durable d'un point de | de l'adoption et l'enfant une relation de fait durable d'un point de |
vue tant moral que matériel, que le choix de l'adoption simple avait | vue tant moral que matériel, que le choix de l'adoption simple avait |
été motivé par le souhait de ne pas substituer le nom du demandeur de | été motivé par le souhait de ne pas substituer le nom du demandeur de |
l'adoption au nom de la mère adoptive et que la mère adoptive était | l'adoption au nom de la mère adoptive et que la mère adoptive était |
d'accord avec l'adoption pour autant que l'adoption ne modifie pas son | d'accord avec l'adoption pour autant que l'adoption ne modifie pas son |
lien avec l'enfant (B.4.2). Compte tenu de cette situation | lien avec l'enfant (B.4.2). Compte tenu de cette situation |
particulière, la Cour a jugé : | particulière, la Cour a jugé : |
« B.9.1. [L'article 343, § 1er, b), de l'ancien Code civil] empêche | « B.9.1. [L'article 343, § 1er, b), de l'ancien Code civil] empêche |
l'ancien partenaire de la mère de l'enfant de donner à la relation de | l'ancien partenaire de la mère de l'enfant de donner à la relation de |
fait durable décrite en B.6 des effets consacrant officiellement les | fait durable décrite en B.6 des effets consacrant officiellement les |
engagements que cet homme souhaite prendre à l'égard de cet enfant. | engagements que cet homme souhaite prendre à l'égard de cet enfant. |
B.9.2. Dans cette mesure, cette disposition a des effets | B.9.2. Dans cette mesure, cette disposition a des effets |
disproportionnés par rapport à l'objectif poursuivi par le | disproportionnés par rapport à l'objectif poursuivi par le |
législateur, lequel est dicté, comme il est dit en B.7.2, par la | législateur, lequel est dicté, comme il est dit en B.7.2, par la |
considération qu'il est dans l'intérêt de l'enfant - qui ' a déjà vécu | considération qu'il est dans l'intérêt de l'enfant - qui ' a déjà vécu |
un déracinement ' - qu'il soit accueilli dans un ' environnement | un déracinement ' - qu'il soit accueilli dans un ' environnement |
stable '. | stable '. |
Dans le cas d'une relation de fait durable entre un enfant et l'ancien | Dans le cas d'une relation de fait durable entre un enfant et l'ancien |
partenaire de sa mère, l'adoption de cet enfant par cet homme, dès | partenaire de sa mère, l'adoption de cet enfant par cet homme, dès |
lors que les liens juridiques entre l'enfant et sa famille d'origine | lors que les liens juridiques entre l'enfant et sa famille d'origine |
restent maintenus, n'aurait pour effet ni que l'enfant vive un | restent maintenus, n'aurait pour effet ni que l'enfant vive un |
déracinement, ni qu'il soit élevé dans un environnement devant être | déracinement, ni qu'il soit élevé dans un environnement devant être |
considéré, par définition, comme instable. Une telle adoption pourrait | considéré, par définition, comme instable. Une telle adoption pourrait |
au contraire généralement contribuer à la stabilité de l'environnement | au contraire généralement contribuer à la stabilité de l'environnement |
dans lequel l'enfant grandit et confirmer juridiquement les rapports | dans lequel l'enfant grandit et confirmer juridiquement les rapports |
de fait existant au sein de cet environnement. | de fait existant au sein de cet environnement. |
B.10.1. En ce que la disposition en cause ne permet pas l'adoption | B.10.1. En ce que la disposition en cause ne permet pas l'adoption |
d'un enfant dans les circonstances définies en B.4.2, elle n'est pas | d'un enfant dans les circonstances définies en B.4.2, elle n'est pas |
compatible avec l'article 22bis, alinéa 4, de la Constitution, lu en | compatible avec l'article 22bis, alinéa 4, de la Constitution, lu en |
combinaison avec l'article 21 de la Convention relative aux droits de | combinaison avec l'article 21 de la Convention relative aux droits de |
l'enfant ». | l'enfant ». |
B.1.3. Afin de remédier aux inconstitutionnalités constatées dans ces | B.1.3. Afin de remédier aux inconstitutionnalités constatées dans ces |
arrêts, le législateur, en adoptant l'article 2 de la loi du 20 | arrêts, le législateur, en adoptant l'article 2 de la loi du 20 |
février 2017, a inséré une définition de la notion d'« ancien | février 2017, a inséré une définition de la notion d'« ancien |
partenaire » dans l'article 343, § 1er, b/1), de l'ancien Code civil. | partenaire » dans l'article 343, § 1er, b/1), de l'ancien Code civil. |
Depuis sa modification par l'article 119 de la loi du 21 décembre 2018 | Depuis sa modification par l'article 119 de la loi du 21 décembre 2018 |
« portant des dispositions diverses en matière de justice », cette | « portant des dispositions diverses en matière de justice », cette |
définition est libellée comme suit : | définition est libellée comme suit : |
« ancien partenaire : l'ancien époux ou l'ancien cohabitant légal, ou | « ancien partenaire : l'ancien époux ou l'ancien cohabitant légal, ou |
l'une ou l'autre des personnes séparées qui ont vécu ensemble de façon | l'une ou l'autre des personnes séparées qui ont vécu ensemble de façon |
permanente et affective pendant une période d'au moins trois ans, pour | permanente et affective pendant une période d'au moins trois ans, pour |
autant qu'elles ne soient pas unies par un lien de parenté entraînant | autant qu'elles ne soient pas unies par un lien de parenté entraînant |
une prohibition de mariage dont elles ne peuvent être dispensées par | une prohibition de mariage dont elles ne peuvent être dispensées par |
le tribunal de la famille ». | le tribunal de la famille ». |
Par ailleurs, le législateur, en adoptant l'article 3 de la loi du 20 | Par ailleurs, le législateur, en adoptant l'article 3 de la loi du 20 |
février 2017, a inséré l'article 344-3, en cause, dans le point A (« | février 2017, a inséré l'article 344-3, en cause, dans le point A (« |
Conditions fondamentales ») du premier paragraphe (« Des conditions de | Conditions fondamentales ») du premier paragraphe (« Des conditions de |
l'adoption ») de la section 2 (« Dispositions communes aux deux sortes | l'adoption ») de la section 2 (« Dispositions communes aux deux sortes |
d'adoption ») du premier chapitre (« Droit interne ») du titre VIII (« | d'adoption ») du premier chapitre (« Droit interne ») du titre VIII (« |
De l'adoption ») du livre I (« Des personnes ») de l'ancien Code | De l'adoption ») du livre I (« Des personnes ») de l'ancien Code |
civil. Cet article 344-3 de l'ancien Code civil définit les conditions | civil. Cet article 344-3 de l'ancien Code civil définit les conditions |
auxquelles une personne peut adopter l'enfant de son ancien | auxquelles une personne peut adopter l'enfant de son ancien |
partenaire, à savoir lorsque l'enfant a été adopté par l'ancien | partenaire, à savoir lorsque l'enfant a été adopté par l'ancien |
partenaire pendant le mariage ou lorsqu'un lien de filiation, adoptive | partenaire pendant le mariage ou lorsqu'un lien de filiation, adoptive |
ou autre, a été établi entre l'enfant et l'ancien partenaire pendant | ou autre, a été établi entre l'enfant et l'ancien partenaire pendant |
la cohabitation légale ou pendant la vie commune visée à l'article | la cohabitation légale ou pendant la vie commune visée à l'article |
343, § 1er, b/1) (1°), lorsque l'enfant n'a qu'un seul lien de | 343, § 1er, b/1) (1°), lorsque l'enfant n'a qu'un seul lien de |
filiation établi (2°) et lorsque cette personne entretient avec | filiation établi (2°) et lorsque cette personne entretient avec |
l'enfant une relation de fait durable, tant sur le plan affectif que | l'enfant une relation de fait durable, tant sur le plan affectif que |
sur le plan matériel (3°). | sur le plan matériel (3°). |
Lors des travaux préparatoires, ces conditions ont été justifiées | Lors des travaux préparatoires, ces conditions ont été justifiées |
comme suit : | comme suit : |
« Les trois conditions proposées (naissance ou adoption de l'enfant | « Les trois conditions proposées (naissance ou adoption de l'enfant |
pendant la relation de couple; un seul lien de filiation établi et | pendant la relation de couple; un seul lien de filiation établi et |
existence d'une relation durable entre l'enfant et candidat adoptant) | existence d'une relation durable entre l'enfant et candidat adoptant) |
se basent sur les éléments de faits mis en avant par la Cour dans les | se basent sur les éléments de faits mis en avant par la Cour dans les |
[arrêts nos 94/2012 et 94/2015], à savoir : | [arrêts nos 94/2012 et 94/2015], à savoir : |
? relation permanente et affective de plus de trois ans entre l'ancien | ? relation permanente et affective de plus de trois ans entre l'ancien |
partenaire et la mère, adoptive ou non, de l'enfant; | partenaire et la mère, adoptive ou non, de l'enfant; |
? enfant né durant la relation; | ? enfant né durant la relation; |
? père biologique inconnu, pas de père légal; | ? père biologique inconnu, pas de père légal; |
? relation de fait durable, d'un point de vue tant moral que matériel, | ? relation de fait durable, d'un point de vue tant moral que matériel, |
entre le demandeur en adoption et l'enfant; | entre le demandeur en adoption et l'enfant; |
? accord de la mère (et des enfants). | ? accord de la mère (et des enfants). |
Les termes '... l'enfant a été adopté par l'ancien partenaire pendant | Les termes '... l'enfant a été adopté par l'ancien partenaire pendant |
le mariage ou un lien de filiation, adoptive ou autre, a été établi | le mariage ou un lien de filiation, adoptive ou autre, a été établi |
entre l'enfant et l'ancien partenaire pendant la cohabitation légale | entre l'enfant et l'ancien partenaire pendant la cohabitation légale |
ou pendant la vie commune visée à l'article 343, § 1er, b/1)... ' | ou pendant la vie commune visée à l'article 343, § 1er, b/1)... ' |
entendent viser les hypothèses suivantes : naissance de l'enfant | entendent viser les hypothèses suivantes : naissance de l'enfant |
pendant la vie commune (arrêt 94/2012); naissance de l'enfant | pendant la vie commune (arrêt 94/2012); naissance de l'enfant |
abandonné par sa mère biologique et adoption par sa mère adoptive | abandonné par sa mère biologique et adoption par sa mère adoptive |
pendant la cohabitation (arrêt 94/2015); naissance de l'enfant avant | pendant la cohabitation (arrêt 94/2015); naissance de l'enfant avant |
la vie commune, mais adopté par un des partenaires pendant la vie | la vie commune, mais adopté par un des partenaires pendant la vie |
commune (hypothèse non visée par la Cour constitutionnelle, mais pas | commune (hypothèse non visée par la Cour constitutionnelle, mais pas |
vraiment différente de l'arrêt 94/2015) » (Doc. parl., Chambre, | vraiment différente de l'arrêt 94/2015) » (Doc. parl., Chambre, |
2016-2017, DOC 54-1152/005, pp. 6-7). | 2016-2017, DOC 54-1152/005, pp. 6-7). |
Enfin, le législateur a modifié plusieurs autres dispositions de | Enfin, le législateur a modifié plusieurs autres dispositions de |
l'ancien Code civil relatives à l'adoption intrafamiliale dans la | l'ancien Code civil relatives à l'adoption intrafamiliale dans la |
mesure où elles étaient liées aux modifications précitées. Ainsi, les | mesure où elles étaient liées aux modifications précitées. Ainsi, les |
articles 13 et 14 de la loi du 20 février 2017 ont remplacé les | articles 13 et 14 de la loi du 20 février 2017 ont remplacé les |
articles 356-1, alinéa 3, et 356-2, alinéa 3, de l'ancien Code civil, | articles 356-1, alinéa 3, et 356-2, alinéa 3, de l'ancien Code civil, |
afin que soit expressément visé dans ces dispositions l'ancien | afin que soit expressément visé dans ces dispositions l'ancien |
partenaire. Ces modifications ont pour effet que, dans le cas d'une | partenaire. Ces modifications ont pour effet que, dans le cas d'une |
adoption plénière par l'ancien partenaire du parent légal, les enfants | adoption plénière par l'ancien partenaire du parent légal, les enfants |
ne cessent pas d'appartenir à la famille de ce parent et que | ne cessent pas d'appartenir à la famille de ce parent et que |
l'autorité parentale sur l'enfant est exercée conjointement par ce | l'autorité parentale sur l'enfant est exercée conjointement par ce |
parent et par l'ancien partenaire et que les dispositions relatives au | parent et par l'ancien partenaire et que les dispositions relatives au |
nom de l'enfant contenues dans l'article 356-2, alinéa 3, valent | nom de l'enfant contenues dans l'article 356-2, alinéa 3, valent |
maintenant également en cas d'adoption plénière de l'enfant par | maintenant également en cas d'adoption plénière de l'enfant par |
l'ancien partenaire du parent légal. | l'ancien partenaire du parent légal. |
Quant au fond | Quant au fond |
En ce qui concerne les première et deuxième questions préjudicielles | En ce qui concerne les première et deuxième questions préjudicielles |
B.2. Par la première question préjudicielle, le juge a quo demande à | B.2. Par la première question préjudicielle, le juge a quo demande à |
la Cour si l'article 344-3, 1°, de l'ancien Code civil viole les | la Cour si l'article 344-3, 1°, de l'ancien Code civil viole les |
articles 10, 11, 22 et 22bis de la Constitution ainsi que les articles | articles 10, 11, 22 et 22bis de la Constitution ainsi que les articles |
8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article | 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article |
21 de la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce qu'en vertu | 21 de la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce qu'en vertu |
de cette disposition, un enfant ne peut être adopté par l'ancien | de cette disposition, un enfant ne peut être adopté par l'ancien |
partenaire de son parent légal que si le lien de filiation à l'égard | partenaire de son parent légal que si le lien de filiation à l'égard |
du parent légal a été établi pendant la vie commune ou pendant le | du parent légal a été établi pendant la vie commune ou pendant le |
mariage avec l'ancien partenaire, de sorte que cet enfant ne pourrait | mariage avec l'ancien partenaire, de sorte que cet enfant ne pourrait |
pas être adopté par l'ancien partenaire si le lien de filiation à | pas être adopté par l'ancien partenaire si le lien de filiation à |
l'égard du parent légal avait déjà été établi avant la vie commune ou | l'égard du parent légal avait déjà été établi avant la vie commune ou |
le mariage. | le mariage. |
Par la deuxième question préjudicielle, le juge a quo demande à la | Par la deuxième question préjudicielle, le juge a quo demande à la |
Cour si l'article 344-3, 2°, de l'ancien Code civil viole ces mêmes | Cour si l'article 344-3, 2°, de l'ancien Code civil viole ces mêmes |
dispositions constitutionnelles et conventionnelles, en ce qu'en vertu | dispositions constitutionnelles et conventionnelles, en ce qu'en vertu |
de cette disposition, un enfant ne peut être adopté par l'ancien | de cette disposition, un enfant ne peut être adopté par l'ancien |
partenaire de son parent légal que si l'enfant n'a qu'un seul lien de | partenaire de son parent légal que si l'enfant n'a qu'un seul lien de |
filiation établi, alors que cet enfant ne pourrait pas être adopté par | filiation établi, alors que cet enfant ne pourrait pas être adopté par |
l'ancien partenaire s'il a plus d'un lien de filiation établi, et ce, | l'ancien partenaire s'il a plus d'un lien de filiation établi, et ce, |
que le second parent se soit effectivement soucié de l'enfant ou non | que le second parent se soit effectivement soucié de l'enfant ou non |
ou qu'il se soit intéressé à lui ou non. | ou qu'il se soit intéressé à lui ou non. |
La Cour répond aux deux questions préjudicielles conjointement. | La Cour répond aux deux questions préjudicielles conjointement. |
B.3.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée | B.3.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée |
générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu'en soit | générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu'en soit |
l'origine : les règles constitutionnelles de l'égalité et de la | l'origine : les règles constitutionnelles de l'égalité et de la |
non-discrimination sont applicables à l'égard de tous les droits et de | non-discrimination sont applicables à l'égard de tous les droits et de |
toutes les libertés, en ce compris ceux résultant des conventions | toutes les libertés, en ce compris ceux résultant des conventions |
internationales liant la Belgique. | internationales liant la Belgique. |
L'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme | L'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme |
garantit également le principe d'égalité et de non-discrimination en | garantit également le principe d'égalité et de non-discrimination en |
ce qui concerne la jouissance des droits et libertés mentionnés dans | ce qui concerne la jouissance des droits et libertés mentionnés dans |
cette Convention et dans ses protocoles additionnels. | cette Convention et dans ses protocoles additionnels. |
B.3.2. L'article 22 de la Constitution dispose : | B.3.2. L'article 22 de la Constitution dispose : |
« Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans | « Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans |
les cas et conditions fixés par la loi. | les cas et conditions fixés par la loi. |
La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent la | La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent la |
protection de ce droit ». | protection de ce droit ». |
L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose | L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose |
: | : |
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, | « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, |
de son domicile et de sa correspondance. | de son domicile et de sa correspondance. |
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans | 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans |
l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue | l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue |
par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société | par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société |
démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté | démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté |
publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et | publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et |
à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé | à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé |
ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». | ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». |
Le Constituant a recherché la plus grande concordance possible entre | Le Constituant a recherché la plus grande concordance possible entre |
l'article 22 de la Constitution et cette disposition internationale | l'article 22 de la Constitution et cette disposition internationale |
(Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 997/5, p. 2). | (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 997/5, p. 2). |
La portée de celle-ci est analogue à celle de la disposition | La portée de celle-ci est analogue à celle de la disposition |
constitutionnelle précitée, de sorte que les garanties que fournissent | constitutionnelle précitée, de sorte que les garanties que fournissent |
ces deux dispositions forment un ensemble indissociable. | ces deux dispositions forment un ensemble indissociable. |
B.3.3. L'article 22bis de la Constitution dispose : | B.3.3. L'article 22bis de la Constitution dispose : |
« Chaque enfant a droit au respect de son intégrité morale, physique, | « Chaque enfant a droit au respect de son intégrité morale, physique, |
psychique et sexuelle. | psychique et sexuelle. |
Chaque enfant a le droit de s'exprimer sur toute question qui le | Chaque enfant a le droit de s'exprimer sur toute question qui le |
concerne; son opinion est prise en considération, eu égard à son âge | concerne; son opinion est prise en considération, eu égard à son âge |
et à son discernement. | et à son discernement. |
Chaque enfant a le droit de bénéficier des mesures et services qui | Chaque enfant a le droit de bénéficier des mesures et services qui |
concourent à son développement. | concourent à son développement. |
Dans toute décision qui le concerne, l'intérêt de l'enfant est pris en | Dans toute décision qui le concerne, l'intérêt de l'enfant est pris en |
considération de manière primordiale. | considération de manière primordiale. |
La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent ces | La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent ces |
droits de l'enfant ». | droits de l'enfant ». |
L'article 21 de la Convention relative aux droits de l'enfant dispose | L'article 21 de la Convention relative aux droits de l'enfant dispose |
: | : |
« Les Etats parties qui admettent et/ou autorisent l'adoption | « Les Etats parties qui admettent et/ou autorisent l'adoption |
s'assurent que l'intérêt supérieur de l'enfant est la considération | s'assurent que l'intérêt supérieur de l'enfant est la considération |
primordiale en la matière, et : | primordiale en la matière, et : |
a) Veillent à ce que l'adoption d'un enfant ne soit autorisée que par | a) Veillent à ce que l'adoption d'un enfant ne soit autorisée que par |
les autorités compétentes, qui vérifient, conformément à la loi et aux | les autorités compétentes, qui vérifient, conformément à la loi et aux |
procédures applicables et sur la base de tous les renseignements | procédures applicables et sur la base de tous les renseignements |
fiables relatifs au cas considéré, que l'adoption peut avoir lieu eu | fiables relatifs au cas considéré, que l'adoption peut avoir lieu eu |
égard à la situation de l'enfant par rapport à ses père et mère, | égard à la situation de l'enfant par rapport à ses père et mère, |
parents et représentants légaux et que, le cas échéant, les personnes | parents et représentants légaux et que, le cas échéant, les personnes |
intéressées ont donné leur consentement à l'adoption en connaissance | intéressées ont donné leur consentement à l'adoption en connaissance |
de cause, après s'être entourées des avis nécessaires; | de cause, après s'être entourées des avis nécessaires; |
b) Reconnaissent que l'adoption à l'étranger peut être envisagée comme | b) Reconnaissent que l'adoption à l'étranger peut être envisagée comme |
un autre moyen d'assurer les soins nécessaires à l'enfant, si celui-ci | un autre moyen d'assurer les soins nécessaires à l'enfant, si celui-ci |
ne peut, dans son pays d'origine, être placé dans une famille | ne peut, dans son pays d'origine, être placé dans une famille |
nourricière ou adoptive ou être convenablement élevé; | nourricière ou adoptive ou être convenablement élevé; |
c) Veillent, en cas d'adoption à l'étranger, à ce que l'enfant ait le | c) Veillent, en cas d'adoption à l'étranger, à ce que l'enfant ait le |
bénéfice de garanties et de normes équivalant à celles existant en cas | bénéfice de garanties et de normes équivalant à celles existant en cas |
d'adoption nationale; | d'adoption nationale; |
d) Prennent toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que, en | d) Prennent toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que, en |
cas d'adoption à l'étranger, le placement de l'enfant ne se traduise | cas d'adoption à l'étranger, le placement de l'enfant ne se traduise |
pas par un profit matériel indu pour les personnes qui en sont | pas par un profit matériel indu pour les personnes qui en sont |
responsables; | responsables; |
e) Poursuivent les objectifs du présent article en concluant des | e) Poursuivent les objectifs du présent article en concluant des |
arrangements ou des accords bilatéraux ou multilatéraux, selon les | arrangements ou des accords bilatéraux ou multilatéraux, selon les |
cas, et s'efforcent dans ce cadre de veiller à ce que les placements | cas, et s'efforcent dans ce cadre de veiller à ce que les placements |
d'enfants à l'étranger soient effectués par des autorités ou des | d'enfants à l'étranger soient effectués par des autorités ou des |
organes compétents ». | organes compétents ». |
B.4. Il ressort des faits de l'affaire pendante devant le juge a quo | B.4. Il ressort des faits de l'affaire pendante devant le juge a quo |
que celui-ci doit se prononcer sur une demande d'adoption plénière | que celui-ci doit se prononcer sur une demande d'adoption plénière |
introduite par l'ancien conjoint de la mère légale de l'enfant - qui | introduite par l'ancien conjoint de la mère légale de l'enfant - qui |
était mineur au moment de la demande -, avec maintien des liens | était mineur au moment de la demande -, avec maintien des liens |
juridiques entre l'enfant et la famille de la mère légale. | juridiques entre l'enfant et la famille de la mère légale. |
Il ressort également de ces faits que l'enfant a un père légal, avec | Il ressort également de ces faits que l'enfant a un père légal, avec |
lequel il n'a jamais vécu consciemment, avec lequel il n'a plus eu de | lequel il n'a jamais vécu consciemment, avec lequel il n'a plus eu de |
contact depuis l'âge de trois ans et qui ne paie plus de contributions | contact depuis l'âge de trois ans et qui ne paie plus de contributions |
alimentaires depuis quelques années. Il apparaît en outre que le | alimentaires depuis quelques années. Il apparaît en outre que le |
demandeur de l'adoption et la mère légale ont eu une relation | demandeur de l'adoption et la mère légale ont eu une relation |
affective qui a commencé alors que l'enfant était âgé de treize mois | affective qui a commencé alors que l'enfant était âgé de treize mois |
et qui a duré treize ans, qu'il existe tant sur le plan moral que sur | et qui a duré treize ans, qu'il existe tant sur le plan moral que sur |
le plan matériel une relation parent-enfant de fait, durable, entre le | le plan matériel une relation parent-enfant de fait, durable, entre le |
demandeur de l'adoption et l'enfant et que tant la mère légale et le | demandeur de l'adoption et l'enfant et que tant la mère légale et le |
père légal que l'enfant lui-même se déclarent explicitement d'accord | père légal que l'enfant lui-même se déclarent explicitement d'accord |
avec l'adoption. | avec l'adoption. |
La Cour limite son examen à cette situation. | La Cour limite son examen à cette situation. |
B.5.1. Il résulte de la lecture conjointe des articles 343, § 1er, b), | B.5.1. Il résulte de la lecture conjointe des articles 343, § 1er, b), |
356-1 et 356-2 de l'ancien Code civil, au sujet desquels la Cour s'est | 356-1 et 356-2 de l'ancien Code civil, au sujet desquels la Cour s'est |
prononcée par l'arrêt n° 94/2012 du 12 juillet 2012, précité, qu'une « | prononcée par l'arrêt n° 94/2012 du 12 juillet 2012, précité, qu'une « |
adoption plénière par un beau-parent » avec maintien des liens | adoption plénière par un beau-parent » avec maintien des liens |
juridiques entre l'enfant concerné et sa famille d'origine est | juridiques entre l'enfant concerné et sa famille d'origine est |
possible lorsque le candidat adoptant est marié au parent légal, | possible lorsque le candidat adoptant est marié au parent légal, |
lorsque le candidat adoptant et ce parent ont fait une déclaration de | lorsque le candidat adoptant et ce parent ont fait une déclaration de |
cohabitation légale ou lorsque le candidat adoptant et ce parent | cohabitation légale ou lorsque le candidat adoptant et ce parent |
cohabitent de manière permanente et affective depuis au moins trois | cohabitent de manière permanente et affective depuis au moins trois |
ans au moment de l'introduction de la demande d'adoption, pour autant | ans au moment de l'introduction de la demande d'adoption, pour autant |
qu'ils ne soient pas unis par un lien de parenté entraînant une | qu'ils ne soient pas unis par un lien de parenté entraînant une |
prohibition du mariage dont ils ne peuvent être dispensés par le | prohibition du mariage dont ils ne peuvent être dispensés par le |
tribunal de la famille. | tribunal de la famille. |
La condition relative à la cohabitation du candidat adoptant et du | La condition relative à la cohabitation du candidat adoptant et du |
parent légal trouve son origine dans la loi du 24 avril 2003 « | parent légal trouve son origine dans la loi du 24 avril 2003 « |
réformant l'adoption ». Il ressort des travaux préparatoires de cette | réformant l'adoption ». Il ressort des travaux préparatoires de cette |
loi que le législateur a voulu permettre l'adoption conjointe par deux | loi que le législateur a voulu permettre l'adoption conjointe par deux |
personnes non mariées - qui devaient encore être de sexe différent à | personnes non mariées - qui devaient encore être de sexe différent à |
l'époque de l'entrée en vigueur de la loi du 24 avril 2003, ce qui | l'époque de l'entrée en vigueur de la loi du 24 avril 2003, ce qui |
n'est plus le cas depuis l'entrée en vigueur de la loi du 18 mai 2006 | n'est plus le cas depuis l'entrée en vigueur de la loi du 18 mai 2006 |
-, ainsi que l'adoption de l'enfant de la personne avec laquelle le | -, ainsi que l'adoption de l'enfant de la personne avec laquelle le |
candidat adoptant cohabite (Doc. parl., Chambre, 2000-2001, DOC | candidat adoptant cohabite (Doc. parl., Chambre, 2000-2001, DOC |
50-1366/001 et 50-1367/001, pp. 11-12). | 50-1366/001 et 50-1367/001, pp. 11-12). |
La condition relative à la cohabitation permanente et affective depuis | La condition relative à la cohabitation permanente et affective depuis |
au moins trois ans au moment de l'introduction de la demande en | au moins trois ans au moment de l'introduction de la demande en |
adoption a été justifiée par référence à l'intérêt de l'enfant. Selon | adoption a été justifiée par référence à l'intérêt de l'enfant. Selon |
les travaux préparatoires, il est dans l'intérêt de l'adopté, qui « a | les travaux préparatoires, il est dans l'intérêt de l'adopté, qui « a |
déjà vécu un déracinement », qu'il aboutisse dans « une famille, au | déjà vécu un déracinement », qu'il aboutisse dans « une famille, au |
sens commun du terme », laquelle doit, selon ces travaux | sens commun du terme », laquelle doit, selon ces travaux |
préparatoires, être considérée comme un « environnement stable » pour | préparatoires, être considérée comme un « environnement stable » pour |
l'enfant (ibid.). | l'enfant (ibid.). |
B.5.2. Comme il est dit en B.1.2, la Cour, par son arrêt n° 94/2012 du | B.5.2. Comme il est dit en B.1.2, la Cour, par son arrêt n° 94/2012 du |
12 juillet 2012, s'est prononcée sur le fait qu'une telle « adoption | 12 juillet 2012, s'est prononcée sur le fait qu'une telle « adoption |
plénière par un beau-parent » n'était pas possible si le candidat | plénière par un beau-parent » n'était pas possible si le candidat |
adoptant et le parent légal n'étaient pas mariés ni n'avaient fait une | adoptant et le parent légal n'étaient pas mariés ni n'avaient fait une |
déclaration de cohabitation légale, et qu'ils ne cohabitaient plus de | déclaration de cohabitation légale, et qu'ils ne cohabitaient plus de |
manière affective au moment de l'introduction de la demande | manière affective au moment de l'introduction de la demande |
d'adoption. Par cet arrêt, la Cour a jugé : | d'adoption. Par cet arrêt, la Cour a jugé : |
« Les articles 343, § 1er, b), 356-1 et 356-2 du Code civil violent | « Les articles 343, § 1er, b), 356-1 et 356-2 du Code civil violent |
les articles 10, 11 et 22bis de la Constitution, combinés avec | les articles 10, 11 et 22bis de la Constitution, combinés avec |
l'article 21 de la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce | l'article 21 de la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce |
qu'ils ne prévoient pas, dans les circonstances définies en B.4, qu'un | qu'ils ne prévoient pas, dans les circonstances définies en B.4, qu'un |
enfant mineur puisse être adopté plénièrement par l'ancien partenaire | enfant mineur puisse être adopté plénièrement par l'ancien partenaire |
du parent légal de cet enfant, avec maintien des liens juridiques | du parent légal de cet enfant, avec maintien des liens juridiques |
entre l'enfant et sa famille d'origine, conformément à l'article | entre l'enfant et sa famille d'origine, conformément à l'article |
356-1, alinéa 3, du Code civil, et application des dispositions | 356-1, alinéa 3, du Code civil, et application des dispositions |
relatives au nom de l'enfant, contenues dans l'article 356-2, § 2, | relatives au nom de l'enfant, contenues dans l'article 356-2, § 2, |
alinéas 2 et 3, du même Code ». | alinéas 2 et 3, du même Code ». |
B.5.3. C'est notamment à la suite de cet arrêt que le législateur a | B.5.3. C'est notamment à la suite de cet arrêt que le législateur a |
prévu, par la loi du 20 février 2017, la possibilité de l'adoption | prévu, par la loi du 20 février 2017, la possibilité de l'adoption |
plénière d'un enfant mineur par l'ancien partenaire du parent légal de | plénière d'un enfant mineur par l'ancien partenaire du parent légal de |
cet enfant, avec maintien des liens juridiques entre l'enfant et la | cet enfant, avec maintien des liens juridiques entre l'enfant et la |
famille de ce parent légal. Dans l'article 344-3, en cause, de | famille de ce parent légal. Dans l'article 344-3, en cause, de |
l'ancien Code civil, cette adoption par l'ancien partenaire est | l'ancien Code civil, cette adoption par l'ancien partenaire est |
toutefois soumise à trois conditions : (1°) l'enfant a été adopté par | toutefois soumise à trois conditions : (1°) l'enfant a été adopté par |
le parent légal pendant le mariage avec le candidat adoptant ou un | le parent légal pendant le mariage avec le candidat adoptant ou un |
lien de filiation, adoptive ou autre, a été établi entre l'enfant et | lien de filiation, adoptive ou autre, a été établi entre l'enfant et |
le parent légal pendant la cohabitation légale ou pendant la vie | le parent légal pendant la cohabitation légale ou pendant la vie |
commune avec le candidat adoptant visée à l'article 343, § 1er, b/1), | commune avec le candidat adoptant visée à l'article 343, § 1er, b/1), |
(2°) l'enfant n'a qu'un seul lien de filiation établi et (3°) cette | (2°) l'enfant n'a qu'un seul lien de filiation établi et (3°) cette |
personne entretient avec l'enfant une relation de fait, durable, tant | personne entretient avec l'enfant une relation de fait, durable, tant |
sur le plan affectif que sur le plan matériel. | sur le plan affectif que sur le plan matériel. |
Si le lien de filiation entre l'enfant et le parent légal a été établi | Si le lien de filiation entre l'enfant et le parent légal a été établi |
avant le mariage, la cohabitation légale ou la vie commune avec le | avant le mariage, la cohabitation légale ou la vie commune avec le |
candidat adoptant ou si l'enfant a deux liens de filiation établis, | candidat adoptant ou si l'enfant a deux liens de filiation établis, |
une telle adoption par l'ancien partenaire du parent légal avec | une telle adoption par l'ancien partenaire du parent légal avec |
maintien des liens juridiques entre l'enfant et la famille de ce | maintien des liens juridiques entre l'enfant et la famille de ce |
parent légal n'est pas possible. Dans ces circonstances, peu importe, | parent légal n'est pas possible. Dans ces circonstances, peu importe, |
en vertu de la disposition en cause, qu'une relation parent-enfant de | en vertu de la disposition en cause, qu'une relation parent-enfant de |
fait ait existé entre l'ancien partenaire du parent légal et l'enfant | fait ait existé entre l'ancien partenaire du parent légal et l'enfant |
depuis un âge très précoce, que l'enfant n'ait plus eu de contact | depuis un âge très précoce, que l'enfant n'ait plus eu de contact |
depuis son jeune âge avec l'autre parent légal et que ce dernier soit | depuis son jeune âge avec l'autre parent légal et que ce dernier soit |
d'accord avec l'adoption. | d'accord avec l'adoption. |
B.6.1. Les différences de traitement en cause reposent sur des | B.6.1. Les différences de traitement en cause reposent sur des |
critères objectifs, à savoir le moment de l'établissement du lien de | critères objectifs, à savoir le moment de l'établissement du lien de |
filiation entre l'enfant et le parent légal, ainsi que le nombre de | filiation entre l'enfant et le parent légal, ainsi que le nombre de |
liens de filiation de l'enfant. | liens de filiation de l'enfant. |
B.6.2. En ce que l'article 344-3, 1° et 2°, en cause, de l'ancien Code | B.6.2. En ce que l'article 344-3, 1° et 2°, en cause, de l'ancien Code |
civil, tel qu'il a été inséré par la loi du 20 février 2017, permet | civil, tel qu'il a été inséré par la loi du 20 février 2017, permet |
exclusivement l'adoption d'un enfant par l'ancien partenaire du parent | exclusivement l'adoption d'un enfant par l'ancien partenaire du parent |
légal, avec maintien des liens juridiques entre cet enfant et la | légal, avec maintien des liens juridiques entre cet enfant et la |
famille de ce parent légal, si le lien de filiation entre ce parent | famille de ce parent légal, si le lien de filiation entre ce parent |
légal et l'enfant a été établi pendant le mariage, la cohabitation | légal et l'enfant a été établi pendant le mariage, la cohabitation |
légale ou la vie commune du parent légal et de l'ancien partenaire et | légale ou la vie commune du parent légal et de l'ancien partenaire et |
si l'enfant n'a qu'un seul lien de filiation établi, cette disposition | si l'enfant n'a qu'un seul lien de filiation établi, cette disposition |
empêche l'ancien partenaire du parent légal de l'enfant dont le lien | empêche l'ancien partenaire du parent légal de l'enfant dont le lien |
de filiation avec ce parent légal a été établi avant le mariage, la | de filiation avec ce parent légal a été établi avant le mariage, la |
cohabitation légale ou la vie commune, ou de l'enfant qui a deux liens | cohabitation légale ou la vie commune, ou de l'enfant qui a deux liens |
de filiation établis, de lier à la relation parent-enfant de fait, | de filiation établis, de lier à la relation parent-enfant de fait, |
durable, qui existe, le cas échéant, entre cet ancien partenaire et | durable, qui existe, le cas échéant, entre cet ancien partenaire et |
l'enfant des effets consacrant juridiquement les engagements auxquels | l'enfant des effets consacrant juridiquement les engagements auxquels |
cette personne offre de souscrire à l'égard de cet enfant, et ce, tant | cette personne offre de souscrire à l'égard de cet enfant, et ce, tant |
que le législateur n'a pas prévu d'autres procédures. | que le législateur n'a pas prévu d'autres procédures. |
B.6.3. Dans cette mesure, les dispositions en cause ont des effets | B.6.3. Dans cette mesure, les dispositions en cause ont des effets |
disproportionnés à l'objectif poursuivi par le législateur, lequel est | disproportionnés à l'objectif poursuivi par le législateur, lequel est |
dicté, comme il est dit en B.5.1, par la considération qu'il est dans | dicté, comme il est dit en B.5.1, par la considération qu'il est dans |
l'intérêt de l'enfant - qui « a déjà vécu un déracinement » - qu'il | l'intérêt de l'enfant - qui « a déjà vécu un déracinement » - qu'il |
soit accueilli dans un « environnement stable ». Dans les cas où la | soit accueilli dans un « environnement stable ». Dans les cas où la |
relation parent-enfant de fait entre un enfant et l'ancien partenaire | relation parent-enfant de fait entre un enfant et l'ancien partenaire |
de son parent légal est établie de manière durable, l'adoption de cet | de son parent légal est établie de manière durable, l'adoption de cet |
enfant par l'ancien partenaire, dès lors que les liens juridiques | enfant par l'ancien partenaire, dès lors que les liens juridiques |
entre l'enfant et la famille de ce parent légal restent maintenus, | entre l'enfant et la famille de ce parent légal restent maintenus, |
n'aurait pour effet ni que l'enfant vive un déracinement, ni qu'il | n'aurait pour effet ni que l'enfant vive un déracinement, ni qu'il |
soit élevé dans un environnement devant être considéré, par | soit élevé dans un environnement devant être considéré, par |
définition, comme instable. Une telle adoption pourrait au contraire | définition, comme instable. Une telle adoption pourrait au contraire |
généralement contribuer à la stabilité de l'environnement dans lequel | généralement contribuer à la stabilité de l'environnement dans lequel |
l'enfant grandit et confirmer juridiquement les rapports de fait | l'enfant grandit et confirmer juridiquement les rapports de fait |
existant au sein de cet environnement. | existant au sein de cet environnement. |
B.7.1. En ce que la disposition en cause prévoit qu'un enfant mineur | B.7.1. En ce que la disposition en cause prévoit qu'un enfant mineur |
dont le lien de filiation avec le parent légal a été établi avant le | dont le lien de filiation avec le parent légal a été établi avant le |
mariage, la cohabitation légale ou la vie commune de ce parent légal | mariage, la cohabitation légale ou la vie commune de ce parent légal |
avec l'ancien partenaire ou qu'un enfant mineur qui a deux liens de | avec l'ancien partenaire ou qu'un enfant mineur qui a deux liens de |
filiation établis ne peut pas être adopté plénièrement par l'ancien | filiation établis ne peut pas être adopté plénièrement par l'ancien |
partenaire du parent légal de cet enfant, avec maintien des liens | partenaire du parent légal de cet enfant, avec maintien des liens |
juridiques entre l'enfant et la famille de ce parent légal et en | juridiques entre l'enfant et la famille de ce parent légal et en |
application des dispositions relatives au nom de l'enfant contenues | application des dispositions relatives au nom de l'enfant contenues |
dans l'article 356-2, § 2, alinéas 2 et 3, de l'ancien Code civil, | dans l'article 356-2, § 2, alinéas 2 et 3, de l'ancien Code civil, |
cette disposition n'est pas compatible avec les articles 10, 11 et | cette disposition n'est pas compatible avec les articles 10, 11 et |
22bis de la Constitution, combinés avec l'article 21 de la Convention | 22bis de la Constitution, combinés avec l'article 21 de la Convention |
relative aux droits de l'enfant. | relative aux droits de l'enfant. |
B.7.2. L'examen de la compatibilité des dispositions en cause avec | B.7.2. L'examen de la compatibilité des dispositions en cause avec |
l'article 22 de la Constitution, combiné ou non avec les articles 8 et | l'article 22 de la Constitution, combiné ou non avec les articles 8 et |
14 de la Convention européenne des droits de l'homme, ne saurait | 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, ne saurait |
conduire à un constat de violation plus étendu. | conduire à un constat de violation plus étendu. |
B.8. Les première et deuxième questions préjudicielles appellent une | B.8. Les première et deuxième questions préjudicielles appellent une |
réponse affirmative. | réponse affirmative. |
En ce qui concerne la troisième question préjudicielle | En ce qui concerne la troisième question préjudicielle |
B.9. Par la troisième question préjudicielle, le juge a quo demande à | B.9. Par la troisième question préjudicielle, le juge a quo demande à |
la Cour si l'article 344-3 de l'ancien Code civil viole les articles | la Cour si l'article 344-3 de l'ancien Code civil viole les articles |
10, 11, 22 et 22bis de la Constitution ainsi que les articles 8 et 14 | 10, 11, 22 et 22bis de la Constitution ainsi que les articles 8 et 14 |
de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 21 de | de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 21 de |
la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce que les | la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce que les |
conditions mentionnées dans cette disposition s'appliquent non | conditions mentionnées dans cette disposition s'appliquent non |
seulement à une demande d'adoption plénière, mais aussi à une demande | seulement à une demande d'adoption plénière, mais aussi à une demande |
d'adoption simple. | d'adoption simple. |
B.10. Compte tenu de la réponse aux première et deuxième questions, il | B.10. Compte tenu de la réponse aux première et deuxième questions, il |
n'est pas nécessaire d'examiner la troisième question préjudicielle, | n'est pas nécessaire d'examiner la troisième question préjudicielle, |
de sorte qu'elle n'appelle pas de réponse. | de sorte qu'elle n'appelle pas de réponse. |
Par ces motifs, | Par ces motifs, |
la Cour | la Cour |
dit pour droit : | dit pour droit : |
- L'article 344-3, 1° et 2°, de l'ancien Code civil viole les articles | - L'article 344-3, 1° et 2°, de l'ancien Code civil viole les articles |
10, 11 et 22bis de la Constitution, combinés avec l'article 21 de la | 10, 11 et 22bis de la Constitution, combinés avec l'article 21 de la |
Convention relative aux droits de l'enfant, en ce que cette | Convention relative aux droits de l'enfant, en ce que cette |
disposition prévoit qu'un enfant mineur dont le lien de filiation avec | disposition prévoit qu'un enfant mineur dont le lien de filiation avec |
le parent légal a été établi avant le mariage, la cohabitation légale | le parent légal a été établi avant le mariage, la cohabitation légale |
ou la vie commune de ce parent légal avec l'ancien partenaire ou qu'un | ou la vie commune de ce parent légal avec l'ancien partenaire ou qu'un |
enfant mineur qui a deux liens de filiation établis ne peut pas être | enfant mineur qui a deux liens de filiation établis ne peut pas être |
adopté plénièrement par l'ancien partenaire du parent légal de cet | adopté plénièrement par l'ancien partenaire du parent légal de cet |
enfant, avec maintien des liens juridiques entre l'enfant et la | enfant, avec maintien des liens juridiques entre l'enfant et la |
famille de ce parent légal, conformément à l'article 356-1, alinéa 3, | famille de ce parent légal, conformément à l'article 356-1, alinéa 3, |
de l'ancien Code civil et en application des dispositions relatives au | de l'ancien Code civil et en application des dispositions relatives au |
nom de l'enfant contenues dans l'article 356-2, § 2, alinéas 2 et 3, | nom de l'enfant contenues dans l'article 356-2, § 2, alinéas 2 et 3, |
du même Code. | du même Code. |
- La troisième question préjudicielle n'appelle pas de réponse. | - La troisième question préjudicielle n'appelle pas de réponse. |
Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue | Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue |
allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier | allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier |
1989 sur la Cour constitutionnelle, le 2 décembre 2021. | 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 2 décembre 2021. |
Le greffier, | Le greffier, |
F. Meersschaut | F. Meersschaut |
Le président, | Le président, |
P. Nihoul | P. Nihoul |