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Extrait de l'arrêt n° 16/2021 du 28 janvier 2021 Numéro du rôle : 7333 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 152 du Code d'instruction criminelle, posée par le Tribunal de première instance du Limbourg, division de Tongres La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges J.-P. M(...) Extrait de l'arrêt n° 16/2021 du 28 janvier 2021 Numéro du rôle : 7333 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 152 du Code d'instruction criminelle, posée par le Tribunal de première instance du Limbourg, division de Tongres La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges J.-P. M(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 16/2021 du 28 janvier 2021 Extrait de l'arrêt n° 16/2021 du 28 janvier 2021
Numéro du rôle : 7333 Numéro du rôle : 7333
En cause : la question préjudicielle relative à l'article 152 du Code En cause : la question préjudicielle relative à l'article 152 du Code
d'instruction criminelle, posée par le Tribunal de première instance d'instruction criminelle, posée par le Tribunal de première instance
du Limbourg, division de Tongres. du Limbourg, division de Tongres.
La Cour constitutionnelle, La Cour constitutionnelle,
composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges J.-P. composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges J.-P.
Moerman, R. Leysen, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, assistée Moerman, R. Leysen, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, assistée
du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président L. Lavrysen, du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président L. Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet de la question préjudicielle et procédure I. Objet de la question préjudicielle et procédure
Par jugement du 26 novembre 2019, dont l'expédition est parvenue au Par jugement du 26 novembre 2019, dont l'expédition est parvenue au
greffe de la Cour le 19 décembre 2019, le Tribunal de première greffe de la Cour le 19 décembre 2019, le Tribunal de première
instance du Limbourg, division de Tongres, a posé la question instance du Limbourg, division de Tongres, a posé la question
préjudicielle suivante : préjudicielle suivante :
« L'article 152 du Code d'instruction criminelle viole-t-il les « L'article 152 du Code d'instruction criminelle viole-t-il les
articles 10, 11 et 14 de la Constitution, dans l'interprétation selon articles 10, 11 et 14 de la Constitution, dans l'interprétation selon
laquelle les conclusions du ministère public ne doivent pas contenir laquelle les conclusions du ministère public ne doivent pas contenir
le relevé écrit de toutes ses prétentions - même en ce qui concerne la le relevé écrit de toutes ses prétentions - même en ce qui concerne la
confiscation spéciale qui peut être demandée sur la base de l'article confiscation spéciale qui peut être demandée sur la base de l'article
42 du Code pénal - en ce que pareille interprétation porterait 42 du Code pénal - en ce que pareille interprétation porterait
atteinte à l'' égalité des armes ' entre les parties au procès pénal, atteinte à l'' égalité des armes ' entre les parties au procès pénal,
garantie en vertu des articles 10 et 11 de la Constitution, et au garantie en vertu des articles 10 et 11 de la Constitution, et au
principe de légalité en matière pénale, garanti par l'article 14 de la principe de légalité en matière pénale, garanti par l'article 14 de la
Constitution ? ». Constitution ? ».
(...) (...)
III. En droit III. En droit
(...) (...)
B.1. L'article 152 du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été B.1. L'article 152 du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été
remplacé par l'article 76 de la loi du 5 février 2016 « modifiant le remplacé par l'article 76 de la loi du 5 février 2016 « modifiant le
droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions
diverses en matière de justice » (ci -après : la loi du 5 février diverses en matière de justice » (ci -après : la loi du 5 février
2016), dispose : 2016), dispose :
« § 1er. Les parties qui souhaitent conclure et n'ont pas encore « § 1er. Les parties qui souhaitent conclure et n'ont pas encore
déposé de conclusions demandent à l'audience d'introduction de fixer déposé de conclusions demandent à l'audience d'introduction de fixer
des délais pour conclure. des délais pour conclure.
En pareil cas, le juge fixe les délais dans lesquels les conclusions En pareil cas, le juge fixe les délais dans lesquels les conclusions
doivent être déposées au greffe et communiquées aux autres parties et doivent être déposées au greffe et communiquées aux autres parties et
la date de l'audience, après avoir entendu les parties. La décision la date de l'audience, après avoir entendu les parties. La décision
est mentionnée dans le procès-verbal d'audience. Les conclusions sont est mentionnée dans le procès-verbal d'audience. Les conclusions sont
rédigées conformément aux articles 743 et 744 du Code judiciaire. rédigées conformément aux articles 743 et 744 du Code judiciaire.
Les conclusions qui n'ont pas été déposées et communiquées au Les conclusions qui n'ont pas été déposées et communiquées au
ministère public, si elles ont trait à l'action publique, et le cas ministère public, si elles ont trait à l'action publique, et le cas
échéant, à toutes les autres parties concernées avant l'expiration des échéant, à toutes les autres parties concernées avant l'expiration des
délais fixés, sont écartées d'office des débats. délais fixés, sont écartées d'office des débats.
§ 2. A moins que le juge ne constate que le dépôt tardif ou la § 2. A moins que le juge ne constate que le dépôt tardif ou la
communication tardive poursuit des fins purement dilatoires ou porte communication tardive poursuit des fins purement dilatoires ou porte
atteinte aux droits des autres parties ou au déroulement de la atteinte aux droits des autres parties ou au déroulement de la
procédure, des conclusions peuvent être déposées après l'expiration procédure, des conclusions peuvent être déposées après l'expiration
des délais fixés conformément au paragraphe 1er : des délais fixés conformément au paragraphe 1er :
- moyennant l'accord des parties concernées, ou - moyennant l'accord des parties concernées, ou
- en cas de découverte d'une pièce ou d'un fait nouveau et pertinent - en cas de découverte d'une pièce ou d'un fait nouveau et pertinent
justifiant de nouvelles conclusions. justifiant de nouvelles conclusions.
Le juge peut, en conséquence, fixer de nouveaux délais pour conclure Le juge peut, en conséquence, fixer de nouveaux délais pour conclure
et une nouvelle date d'audience. Dans ce cas, le paragraphe 1er est et une nouvelle date d'audience. Dans ce cas, le paragraphe 1er est
d'application. d'application.
§ 3. Les décisions du juge visées aux paragraphes 1er et 2 ne sont § 3. Les décisions du juge visées aux paragraphes 1er et 2 ne sont
susceptibles d'aucun recours. susceptibles d'aucun recours.
§ 4. Les dispositions des paragraphes 1er et 2 sont applicables au § 4. Les dispositions des paragraphes 1er et 2 sont applicables au
ministère public ». ministère public ».
B.2. La loi du 5 février 2016 a instauré des délais impératifs pour B.2. La loi du 5 février 2016 a instauré des délais impératifs pour
conclure en matière pénale, dans le respect des « principes de la conclure en matière pénale, dans le respect des « principes de la
liberté de parole à l'audience et de l'égalité des armes » (Doc. liberté de parole à l'audience et de l'égalité des armes » (Doc.
parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1418/001, pp. 69-70; DOC parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1418/001, pp. 69-70; DOC
54-1418/005, p. 113). Le nouveau régime a été intégré dans l'article 54-1418/005, p. 113). Le nouveau régime a été intégré dans l'article
152 du Code d'instruction criminelle, qui concerne la procédure devant 152 du Code d'instruction criminelle, qui concerne la procédure devant
les tribunaux de police. Cette disposition s'applique aussi aux les tribunaux de police. Cette disposition s'applique aussi aux
procédures devant les tribunaux correctionnels (article 189 du Code procédures devant les tribunaux correctionnels (article 189 du Code
d'instruction criminelle) et devant les cours d'appel (article 209bis, d'instruction criminelle) et devant les cours d'appel (article 209bis,
dernier alinéa, du Code d'instruction criminelle). Dans le cadre de ce dernier alinéa, du Code d'instruction criminelle). Dans le cadre de ce
nouveau régime, qui s'applique aussi au ministère public, les parties nouveau régime, qui s'applique aussi au ministère public, les parties
qui souhaitent conclure et qui n'ont pas encore déposé de conclusions qui souhaitent conclure et qui n'ont pas encore déposé de conclusions
demandent à l'audience d'introduction de fixer des délais pour demandent à l'audience d'introduction de fixer des délais pour
conclure. Dans ce cas, le juge fixe des délais pour conclure ainsi conclure. Dans ce cas, le juge fixe des délais pour conclure ainsi
qu'une date d'audience. Les conclusions qui n'ont pas été déposées et qu'une date d'audience. Les conclusions qui n'ont pas été déposées et
communiquées à toutes les parties concernées dans les délais fixés communiquées à toutes les parties concernées dans les délais fixés
sont en règle écartées d'office des débats. sont en règle écartées d'office des débats.
B.3. La Cour est invitée à statuer sur la compatibilité de l'article B.3. La Cour est invitée à statuer sur la compatibilité de l'article
152 du Code d'instruction criminelle avec les articles 10, 11 et 14 de 152 du Code d'instruction criminelle avec les articles 10, 11 et 14 de
la Constitution, dans l'interprétation selon laquelle le ministère la Constitution, dans l'interprétation selon laquelle le ministère
public ne devrait pas formuler l'ensemble de ses prétentions - dont, public ne devrait pas formuler l'ensemble de ses prétentions - dont,
en particulier, les réquisitions concernant la confiscation spéciale en particulier, les réquisitions concernant la confiscation spéciale
qui peut être demandée sur la base de l'article 42 du Code pénal -, qui peut être demandée sur la base de l'article 42 du Code pénal -,
dans les conclusions écrites, de sorte qu'il serait libre de formuler dans les conclusions écrites, de sorte qu'il serait libre de formuler
de nouvelles prétentions à l'audience. Il serait ainsi porté atteinte de nouvelles prétentions à l'audience. Il serait ainsi porté atteinte
au principe de l'égalité des armes entre les parties au procès pénal au principe de l'égalité des armes entre les parties au procès pénal
et au principe de légalité en matière pénale. et au principe de légalité en matière pénale.
B.4. Ni le jugement de renvoi, ni les mémoires déposés par les parties B.4. Ni le jugement de renvoi, ni les mémoires déposés par les parties
ne font apparaître en quoi l'article 152 du Code d'instruction ne font apparaître en quoi l'article 152 du Code d'instruction
criminelle pourrait violer l'article 14 de la Constitution, en vertu criminelle pourrait violer l'article 14 de la Constitution, en vertu
duquel nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu'en vertu de la duquel nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu'en vertu de la
loi. loi.
Dans cette mesure, la question préjudicielle n'appelle pas de réponse. Dans cette mesure, la question préjudicielle n'appelle pas de réponse.
La Cour répond donc à la question préjudicielle en ce qu'elle porte La Cour répond donc à la question préjudicielle en ce qu'elle porte
sur la compatibilité de l'article 152 du Code d'instruction criminelle sur la compatibilité de l'article 152 du Code d'instruction criminelle
avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec
le principe de l'égalité des armes en matière pénale. le principe de l'égalité des armes en matière pénale.
B.5.1. L'article 43bis du Code pénal dispose que les réquisitions B.5.1. L'article 43bis du Code pénal dispose que les réquisitions
tendant à la confiscation spéciale d'une chose visée à l'article 42, tendant à la confiscation spéciale d'une chose visée à l'article 42,
3°, du même Code, comme en l'espèce, doivent être faites par écrit. 3°, du même Code, comme en l'espèce, doivent être faites par écrit.
A cet égard, la Cour de cassation a jugé que : A cet égard, la Cour de cassation a jugé que :
« Ces réquisitions écrites peuvent être prises à chaque stade de la « Ces réquisitions écrites peuvent être prises à chaque stade de la
procédure, par exemple en joignant une pièce au dossier répressif, en procédure, par exemple en joignant une pièce au dossier répressif, en
les intégrant aux réquisitions en vue du règlement de la procédure ou les intégrant aux réquisitions en vue du règlement de la procédure ou
dans la citation, et il est uniquement requis qu'elles soient jointes dans la citation, et il est uniquement requis qu'elles soient jointes
à la procédure préalablement au jugement ou à l'arrêt, de telle sorte à la procédure préalablement au jugement ou à l'arrêt, de telle sorte
que le prévenu puisse en prendre connaissance et opposer sa défense. que le prévenu puisse en prendre connaissance et opposer sa défense.
[...] [...]
Il résulte de ces dispositions, lues conjointement, que les Il résulte de ces dispositions, lues conjointement, que les
réquisitions écrites visées par l'article 43bis, alinéa 1er, du Code réquisitions écrites visées par l'article 43bis, alinéa 1er, du Code
pénal, visant la confiscation spéciale d'avantages patrimoniaux ne pénal, visant la confiscation spéciale d'avantages patrimoniaux ne
relèvent pas du champ d'application de l'article 152 du Code relèvent pas du champ d'application de l'article 152 du Code
d'instruction criminelle » (Cass., 29 janvier 2019, P.18.0422.N; d'instruction criminelle » (Cass., 29 janvier 2019, P.18.0422.N;
Cass., 28 mai 2019, P.19.0113.N). Cass., 28 mai 2019, P.19.0113.N).
Il s'ensuit que les réquisitions écrites visant la confiscation Il s'ensuit que les réquisitions écrites visant la confiscation
spéciale d'une chose visée à l'article 42, 3°, du Code pénal ne spéciale d'une chose visée à l'article 42, 3°, du Code pénal ne
doivent pas nécessairement être formulées dans des conclusions et doivent pas nécessairement être formulées dans des conclusions et
qu'elles peuvent encore être faites lorsque les délais pour conclure qu'elles peuvent encore être faites lorsque les délais pour conclure
ont expiré. La juridiction de jugement doit néanmoins veiller à ce que ont expiré. La juridiction de jugement doit néanmoins veiller à ce que
le prévenu puisse effectivement exercer son droit de la défense à cet le prévenu puisse effectivement exercer son droit de la défense à cet
égard. égard.
B.5.2. Dès lors que les réquisitions écrites visant la confiscation B.5.2. Dès lors que les réquisitions écrites visant la confiscation
spéciale d'avantages patrimoniaux ne relèvent pas du champ spéciale d'avantages patrimoniaux ne relèvent pas du champ
d'application de l'article 152 du Code d'instruction criminelle, la d'application de l'article 152 du Code d'instruction criminelle, la
Cour limite son examen au dépôt, par le ministère public, de Cour limite son examen au dépôt, par le ministère public, de
conclusions qui ne contiennent pas toutes ses prétentions. conclusions qui ne contiennent pas toutes ses prétentions.
B.6.1. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas B.6.1. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas
qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de
personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et
qu'elle soit raisonnablement justifiée. qu'elle soit raisonnablement justifiée.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant
compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la
nature des principes en cause; le principe d'égalité et de nature des principes en cause; le principe d'égalité et de
non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas
de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés
et le but visé. et le but visé.
B.6.2. Le principe de l'égalité des armes est un élément fondamental B.6.2. Le principe de l'égalité des armes est un élément fondamental
du droit à un « procès équitable » garanti par l'article 6 de la du droit à un « procès équitable » garanti par l'article 6 de la
Convention européenne des droits de l'homme. Ce principe exige un Convention européenne des droits de l'homme. Ce principe exige un
juste équilibre entre les parties, qui, chacune, doivent avoir une juste équilibre entre les parties, qui, chacune, doivent avoir une
possibilité raisonnable de présenter leur cause dans des conditions possibilité raisonnable de présenter leur cause dans des conditions
qui ne les placent pas dans une situation de net désavantage par qui ne les placent pas dans une situation de net désavantage par
rapport à leurs adversaires (CEDH, grande chambre, 19 septembre 2017, rapport à leurs adversaires (CEDH, grande chambre, 19 septembre 2017,
Regner c. République tchèque, § 146), notamment dans le cadre de Regner c. République tchèque, § 146), notamment dans le cadre de
l'exercice de voies de recours (CEDH, 5 novembre 2002, Wynen et Centre l'exercice de voies de recours (CEDH, 5 novembre 2002, Wynen et Centre
hospitalier interrégional Edith Cavell c. Belgique, § 32; 3 octobre hospitalier interrégional Edith Cavell c. Belgique, § 32; 3 octobre
2006, Ben Naceur c. France, §§ 31-32; 22 mai 2008, Gacon c. France, §§ 2006, Ben Naceur c. France, §§ 31-32; 22 mai 2008, Gacon c. France, §§
31-32; 26 juin 2012, Ghirea c. Moldavie, § 31; 18 octobre 2018, Thiam 31-32; 26 juin 2012, Ghirea c. Moldavie, § 31; 18 octobre 2018, Thiam
c. France, § 55). c. France, § 55).
B.7. En instaurant un régime impératif en ce qui concerne les délais B.7. En instaurant un régime impératif en ce qui concerne les délais
pour conclure devant les juridictions de jugement en matière pénale, pour conclure devant les juridictions de jugement en matière pénale,
le législateur entendait mieux canaliser le déroulement de la le législateur entendait mieux canaliser le déroulement de la
procédure pénale et permettre une meilleure gestion du calendrier des procédure pénale et permettre une meilleure gestion du calendrier des
audiences (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1418/001, p. 69). audiences (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1418/001, p. 69).
Même s'il existait déjà auparavant une pratique consistant à fixer des Même s'il existait déjà auparavant une pratique consistant à fixer des
délais pour conclure en matière pénale de commun accord ou, en la délais pour conclure en matière pénale de commun accord ou, en la
présence des parties, via une décision de la juridiction de jugement, présence des parties, via une décision de la juridiction de jugement,
il ne s'agissait toutefois que d'un simple « gentlemen's agreement » il ne s'agissait toutefois que d'un simple « gentlemen's agreement »
(ibid.). Aussi, il était en principe impossible de sanctionner le (ibid.). Aussi, il était en principe impossible de sanctionner le
dépôt tardif de conclusions. dépôt tardif de conclusions.
Cependant, l'écartement des conclusions peut, dans certaines Cependant, l'écartement des conclusions peut, dans certaines
circonstances, être justifié, à savoir quand il est question d'abus de circonstances, être justifié, à savoir quand il est question d'abus de
procédure et de conclusions tardives qui entravent une bonne procédure et de conclusions tardives qui entravent une bonne
administration de la justice et qui portent en outre une atteinte administration de la justice et qui portent en outre une atteinte
fautive aux droits d'autres parties et au droit à un procès équitable fautive aux droits d'autres parties et au droit à un procès équitable
(ibid., pp. 69-70). (ibid., pp. 69-70).
C'est pour cette raison que le législateur a inséré le nouvel article C'est pour cette raison que le législateur a inséré le nouvel article
152 dans le Code d'instruction criminelle. Il découle de cette 152 dans le Code d'instruction criminelle. Il découle de cette
disposition que les conclusions qui sont déposées ou communiquées disposition que les conclusions qui sont déposées ou communiquées
après expiration des délais fixés par le juge lors de l'audience après expiration des délais fixés par le juge lors de l'audience
d'introduction doivent être en principe écartées des débats, ce qui d'introduction doivent être en principe écartées des débats, ce qui
implique que ces conclusions ne doivent pas être prises en implique que ces conclusions ne doivent pas être prises en
considération par le tribunal ou par la Cour (ibid., p. 70). considération par le tribunal ou par la Cour (ibid., p. 70).
Il ressort toutefois des travaux préparatoires que « la faculté Il ressort toutefois des travaux préparatoires que « la faculté
d'exposer ses moyens oralement, en plaidoirie reste intacte » (Doc. d'exposer ses moyens oralement, en plaidoirie reste intacte » (Doc.
parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1418/005, p. 15; DOC 54-1418/001, p. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1418/005, p. 15; DOC 54-1418/001, p.
70). 70).
B.8.1. L'article 152 du Code d'instruction criminelle ne fait pas B.8.1. L'article 152 du Code d'instruction criminelle ne fait pas
naître une différence de traitement entre les parties au procès pénal, naître une différence de traitement entre les parties au procès pénal,
étant donné qu'il s'applique tant aux prévenus qu'au ministère public. étant donné qu'il s'applique tant aux prévenus qu'au ministère public.
Ni le prévenu, ni le ministère public ne sont donc obligés de prendre Ni le prévenu, ni le ministère public ne sont donc obligés de prendre
des conclusions devant le juge pénal, puisque l'article 152 n'est des conclusions devant le juge pénal, puisque l'article 152 n'est
applicable qu'aux « parties qui souhaitent conclure ». Par ailleurs, applicable qu'aux « parties qui souhaitent conclure ». Par ailleurs,
lorsque des délais pour conclure sont fixés et que des conclusions lorsque des délais pour conclure sont fixés et que des conclusions
sont déposées ou communiquées après expiration de ces délais, lesdites sont déposées ou communiquées après expiration de ces délais, lesdites
conclusions sont en principe écartées, cette sanction s'appliquant conclusions sont en principe écartées, cette sanction s'appliquant
tant au prévenu qu'au ministère public. Enfin, l'article 152 du Code tant au prévenu qu'au ministère public. Enfin, l'article 152 du Code
d'instruction criminelle ne prive pas les parties de la liberté de d'instruction criminelle ne prive pas les parties de la liberté de
plaider, même si elles ont conclu. Cette liberté de choix vaut ici plaider, même si elles ont conclu. Cette liberté de choix vaut ici
encore tant pour le ministère public que pour les autres parties. encore tant pour le ministère public que pour les autres parties.
B.8.2. Par ailleurs, l'article 152, § 2, du Code d'instruction B.8.2. Par ailleurs, l'article 152, § 2, du Code d'instruction
criminelle prévoit que des conclusions peuvent être déposées après criminelle prévoit que des conclusions peuvent être déposées après
l'expiration des délais de conclusion fixés initialement, « en cas de l'expiration des délais de conclusion fixés initialement, « en cas de
découverte d'une pièce ou d'un fait nouveau et pertinent justifiant de découverte d'une pièce ou d'un fait nouveau et pertinent justifiant de
nouvelles conclusions ». Le juge peut ainsi conclure à l'existence nouvelles conclusions ». Le juge peut ainsi conclure à l'existence
d'un fait nouveau en fonction de la teneur des réquisitions orales du d'un fait nouveau en fonction de la teneur des réquisitions orales du
ministère public, de sorte que le respect du principe de l'égalité des ministère public, de sorte que le respect du principe de l'égalité des
armes entre les parties est garanti. Le cas échéant, il appartient au armes entre les parties est garanti. Le cas échéant, il appartient au
juge de fixer de nouveaux délais de conclusion et une nouvelle date juge de fixer de nouveaux délais de conclusion et une nouvelle date
d'audience. d'audience.
Les travaux préparatoires mentionnent : Les travaux préparatoires mentionnent :
« D'autre part, la phrase introductive du § 2 est réécrite pour « D'autre part, la phrase introductive du § 2 est réécrite pour
préciser que c'est ' après l'expiration des délais fixés conformément préciser que c'est ' après l'expiration des délais fixés conformément
au paragraphe 1er ' - et non ' préalablement à l'audience ' - que des au paragraphe 1er ' - et non ' préalablement à l'audience ' - que des
conclusions peuvent être consenties [par] des dérogations au conclusions peuvent être consenties [par] des dérogations au
calendrier aux conditions précisées. calendrier aux conditions précisées.
En effet, un fait nouveau, par exemple, peut surgir au cours de cette En effet, un fait nouveau, par exemple, peut surgir au cours de cette
audience et justifier une telle dérogation. Par exemple, le audience et justifier une telle dérogation. Par exemple, le
réquisitoire du procureur du Roi en matière de confiscation simplement réquisitoire du procureur du Roi en matière de confiscation simplement
acté dans le plumitif d'audience, et non en conclusions écrites acté dans le plumitif d'audience, et non en conclusions écrites
déposées dans le délai légal, peut justifier qu'il y soit répondu par déposées dans le délai légal, peut justifier qu'il y soit répondu par
voie de conclusions » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC voie de conclusions » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC
54-1418/007, p. 7). 54-1418/007, p. 7).
Il ressort des travaux préparatoires que cette exception « ne Il ressort des travaux préparatoires que cette exception « ne
contrarie pas la ratio legis, qui consiste à lutter contre les abus contrarie pas la ratio legis, qui consiste à lutter contre les abus
sans léser les droits légitimes de la défense » (Doc. parl., Chambre, sans léser les droits légitimes de la défense » (Doc. parl., Chambre,
2015-2016, DOC 54-1418/003, p. 38). Il a été en outre déclaré que 2015-2016, DOC 54-1418/003, p. 38). Il a été en outre déclaré que
« [sont conciliés] de la manière la plus adéquate les principes de la « [sont conciliés] de la manière la plus adéquate les principes de la
liberté de parole à l'audience et de l'égalité des armes en ce qui liberté de parole à l'audience et de l'égalité des armes en ce qui
concerne la fixation du taux de la peine. [C'est] la défense qui a le concerne la fixation du taux de la peine. [C'est] la défense qui a le
dernier mot » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1418/005, p. dernier mot » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1418/005, p.
113). 113).
B.9. L'article 152 du Code d'instruction criminelle n'est donc pas B.9. L'article 152 du Code d'instruction criminelle n'est donc pas
incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en
combinaison avec le principe de l'égalité des armes. combinaison avec le principe de l'égalité des armes.
Par ces motifs, Par ces motifs,
la Cour la Cour
dit pour droit : dit pour droit :
L'article 152 du Code d'instruction criminelle ne viole pas les L'article 152 du Code d'instruction criminelle ne viole pas les
articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le
principe de l'égalité des armes. principe de l'égalité des armes.
Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française,
conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur
la Cour constitutionnelle, le 28 janvier 2021. la Cour constitutionnelle, le 28 janvier 2021.
Le greffier, Le président, Le greffier, Le président,
P.-Y. Dutilleux L. Lavrysen P.-Y. Dutilleux L. Lavrysen
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