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Extrait de l'arrêt n° 4/2021 du 14 janvier 2021 Numéros du rôle : 7229, 7278, 7283, 7302, 7303 et 7308 En cause : les recours en annulation totale ou partielle de l'article 115 de la loi du 5 mai 2019 « portant des dispositions diverses en ma La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, des juges J.-P. Moer(...) Extrait de l'arrêt n° 4/2021 du 14 janvier 2021 Numéros du rôle : 7229, 7278, 7283, 7302, 7303 et 7308 En cause : les recours en annulation totale ou partielle de l'article 115 de la loi du 5 mai 2019 « portant des dispositions diverses en ma La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, des juges J.-P. Moer(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 4/2021 du 14 janvier 2021 Extrait de l'arrêt n° 4/2021 du 14 janvier 2021
Numéros du rôle : 7229, 7278, 7283, 7302, 7303 et 7308 Numéros du rôle : 7229, 7278, 7283, 7302, 7303 et 7308
En cause : les recours en annulation totale ou partielle de l'article En cause : les recours en annulation totale ou partielle de l'article
115 de la loi du 5 mai 2019 « portant des dispositions diverses en 115 de la loi du 5 mai 2019 « portant des dispositions diverses en
matière pénale et en matière de cultes, et modifiant la loi du 28 mai matière pénale et en matière de cultes, et modifiant la loi du 28 mai
2002 relative à l'euthanasie et le Code pénal social », introduits par 2002 relative à l'euthanasie et le Code pénal social », introduits par
Luc Lamine, par Alphonsius Mariën et par Serge Artunoff et autres. Luc Lamine, par Alphonsius Mariën et par Serge Artunoff et autres.
La Cour constitutionnelle, La Cour constitutionnelle,
composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, des juges J.-P. composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, des juges J.-P.
Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J.
Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, et, conformément à Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, et, conformément à
l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour
constitutionnelle, du président émérite A. Alen, assistée du greffier constitutionnelle, du président émérite A. Alen, assistée du greffier
P.-Y. Dutilleux, présidée par le président émérite A. Alen, P.-Y. Dutilleux, présidée par le président émérite A. Alen,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet des recours et procédure I. Objet des recours et procédure
a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le
10 juillet 2019 et parvenue au greffe le 11 juillet 2019, Luc Lamine a 10 juillet 2019 et parvenue au greffe le 11 juillet 2019, Luc Lamine a
introduit un recours en annulation totale ou partielle de l'article introduit un recours en annulation totale ou partielle de l'article
115 de la loi du 5 mai 2019 « portant des dispositions diverses en 115 de la loi du 5 mai 2019 « portant des dispositions diverses en
matière pénale et en matière de cultes, et modifiant la loi du 28 mai matière pénale et en matière de cultes, et modifiant la loi du 28 mai
2002 relative à l'euthanasie et le Code pénal social » (publiée au 2002 relative à l'euthanasie et le Code pénal social » (publiée au
Moniteur belge du 24 mai 2019). Moniteur belge du 24 mai 2019).
b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le
7 novembre 2019 et parvenue au greffe le 12 novembre 2019, Alphonsius 7 novembre 2019 et parvenue au greffe le 12 novembre 2019, Alphonsius
Mariën a introduit un recours en annulation de la même disposition Mariën a introduit un recours en annulation de la même disposition
légale. légale.
c. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le c. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le
13 novembre 2019 et parvenue au greffe le 14 novembre 2019, Luc Lamine 13 novembre 2019 et parvenue au greffe le 14 novembre 2019, Luc Lamine
a introduit un recours en annulation de la même disposition légale. a introduit un recours en annulation de la même disposition légale.
d. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le d. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le
21 novembre 2019 et parvenue au greffe le 22 novembre 2019, Luc Lamine 21 novembre 2019 et parvenue au greffe le 22 novembre 2019, Luc Lamine
a introduit un recours en annulation totale ou partielle de la même a introduit un recours en annulation totale ou partielle de la même
disposition légale. disposition légale.
e. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le e. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le
21 novembre 2019 et parvenue au greffe le 22 novembre 2019, Luc Lamine 21 novembre 2019 et parvenue au greffe le 22 novembre 2019, Luc Lamine
a introduit un recours en annulation totale ou partielle de la même a introduit un recours en annulation totale ou partielle de la même
disposition légale. disposition légale.
f. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le f. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le
22 novembre 2019 et parvenue au greffe le 26 novembre 2019, un recours 22 novembre 2019 et parvenue au greffe le 26 novembre 2019, un recours
en annulation de la même disposition légale a été introduit par Serge en annulation de la même disposition légale a été introduit par Serge
Artunoff, Yalim Bogoz, Cengiz Demirci, Taniyel Dikranian, Yahni Artunoff, Yalim Bogoz, Cengiz Demirci, Taniyel Dikranian, Yahni
Harutyun, Mariam Nersessian, Kirikur Okmen, Peter Petrossian, Serco Harutyun, Mariam Nersessian, Kirikur Okmen, Peter Petrossian, Serco
Proudian, Noebar Sipaan, Karen Tadevosyan, Roza Tadevosyan et Nicolas Proudian, Noebar Sipaan, Karen Tadevosyan, Roza Tadevosyan et Nicolas
Tavitian, assistés et représentés par Me E. Van Nuffel, avocat au Tavitian, assistés et représentés par Me E. Van Nuffel, avocat au
barreau de Bruxelles. barreau de Bruxelles.
Ces affaires, inscrites sous les numéros 7229, 7278, 7283, 7302, 7303 Ces affaires, inscrites sous les numéros 7229, 7278, 7283, 7302, 7303
et 7308 du rôle de la Cour, ont été jointes. et 7308 du rôle de la Cour, ont été jointes.
(...) (...)
II. En droit II. En droit
(...) (...)
Quant à la disposition attaquée Quant à la disposition attaquée
B.1.1. L'article 115, attaqué, de la loi du 5 mai 2019 « portant des B.1.1. L'article 115, attaqué, de la loi du 5 mai 2019 « portant des
dispositions diverses en matière pénale et en matière de cultes, et dispositions diverses en matière pénale et en matière de cultes, et
modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie et le Code modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie et le Code
pénal social » a complété l'article 20 de la loi du 30 juillet 1981 « pénal social » a complété l'article 20 de la loi du 30 juillet 1981 «
tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la
xénophobie » par un 5° rédigé comme suit : xénophobie » par un 5° rédigé comme suit :
« Est puni d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de « Est puni d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de
cinquante euros à mille euros, ou de l'une de ces peines seulement : cinquante euros à mille euros, ou de l'une de ces peines seulement :
[...] [...]
5° Quiconque, dans l'une des circonstances indiquées à l'article 444 5° Quiconque, dans l'une des circonstances indiquées à l'article 444
du Code pénal, nie, minimise grossièrement, cherche à justifier ou du Code pénal, nie, minimise grossièrement, cherche à justifier ou
approuve des faits correspondant à un crime de génocide, à un crime approuve des faits correspondant à un crime de génocide, à un crime
contre l'humanité ou à un crime de guerre tel que visé à l'article contre l'humanité ou à un crime de guerre tel que visé à l'article
136quater du Code pénal, établis comme tels par une décision 136quater du Code pénal, établis comme tels par une décision
définitive rendue par une juridiction internationale, sachant ou définitive rendue par une juridiction internationale, sachant ou
devant savoir que ce comportement risque d'exposer soit une personne, devant savoir que ce comportement risque d'exposer soit une personne,
soit un groupe, une communauté ou leurs membres, à la discrimination, soit un groupe, une communauté ou leurs membres, à la discrimination,
à la haine ou à la violence, en raison de l'un des critères protégés à la haine ou à la violence, en raison de l'un des critères protégés
ou de la religion, au sens de l'article 1er, § 3, de la décision-cadre ou de la religion, au sens de l'article 1er, § 3, de la décision-cadre
du Conseil de l'Union européenne du 28 novembre 2008 sur la lutte du Conseil de l'Union européenne du 28 novembre 2008 sur la lutte
contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie
au moyen du droit pénal, et ce, même en dehors des domaines visés à au moyen du droit pénal, et ce, même en dehors des domaines visés à
l'article 5 ». l'article 5 ».
B.1.2. Par la disposition attaquée, le législateur visait « d'une B.1.2. Par la disposition attaquée, le législateur visait « d'une
part, à transposer en droit interne les obligations relatives à la part, à transposer en droit interne les obligations relatives à la
répression pénale du négationnisme contenues dans la décision-cadre répression pénale du négationnisme contenues dans la décision-cadre
2008/913/JAI du Conseil de l'Union européenne sur la lutte contre 2008/913/JAI du Conseil de l'Union européenne sur la lutte contre
certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au
moyen du droit pénal. D'autre part, elle vise à mettre en oeuvre le moyen du droit pénal. D'autre part, elle vise à mettre en oeuvre le
Protocole du Conseil de l'Europe du 28 janvier 2003 additionnel à la Protocole du Conseil de l'Europe du 28 janvier 2003 additionnel à la
Convention européenne sur la cybercriminalité du 23 novembre 2001, qui Convention européenne sur la cybercriminalité du 23 novembre 2001, qui
oblige les Etats parties à incriminer en droit interne certains oblige les Etats parties à incriminer en droit interne certains
comportements ' négationnistes ' » (Doc. parl., Chambre, 2018-2019, comportements ' négationnistes ' » (Doc. parl., Chambre, 2018-2019,
DOC 54-3515/001, p. 140). DOC 54-3515/001, p. 140).
B.1.3. L'article 1er de la décision-cadre 2008/913/JAI du Conseil du B.1.3. L'article 1er de la décision-cadre 2008/913/JAI du Conseil du
28 novembre 2008 « sur la lutte contre certaines formes et 28 novembre 2008 « sur la lutte contre certaines formes et
manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal » manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal »
(ci-après : la décision-cadre 2008/913/JAI) dispose : (ci-après : la décision-cadre 2008/913/JAI) dispose :
« 1. Chaque Etat membre prend les mesures nécessaires pour faire en « 1. Chaque Etat membre prend les mesures nécessaires pour faire en
sorte que les actes intentionnels ci-après soient punissables : sorte que les actes intentionnels ci-après soient punissables :
[...] [...]
c) l'apologie, la négation ou la banalisation grossière publiques des c) l'apologie, la négation ou la banalisation grossière publiques des
crimes de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, tels crimes de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, tels
que définis aux articles 6, 7 et 8 du Statut de la Cour pénale que définis aux articles 6, 7 et 8 du Statut de la Cour pénale
internationale, visant un groupe de personnes ou un membre d'un tel internationale, visant un groupe de personnes ou un membre d'un tel
groupe défini par référence à la race, la couleur, la religion, groupe défini par référence à la race, la couleur, la religion,
l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique lorsque le l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique lorsque le
comportement est exercé d'une manière qui risque d'inciter à la comportement est exercé d'une manière qui risque d'inciter à la
violence ou à la haine à l'égard d'un groupe de personnes ou d'un violence ou à la haine à l'égard d'un groupe de personnes ou d'un
membre d'un tel groupe; membre d'un tel groupe;
[...] [...]
4. Tout Etat membre peut, lors de l'adoption de la présente 4. Tout Etat membre peut, lors de l'adoption de la présente
décision-cadre ou ultérieurement, faire une déclaration aux termes de décision-cadre ou ultérieurement, faire une déclaration aux termes de
laquelle il ne rendra punissables la négation ou la banalisation laquelle il ne rendra punissables la négation ou la banalisation
grossière des crimes visés au paragraphe 1, points c) et/ou d), que si grossière des crimes visés au paragraphe 1, points c) et/ou d), que si
ces crimes ont été établis par une décision définitive rendue par une ces crimes ont été établis par une décision définitive rendue par une
juridiction nationale de cet Etat membre et/ou une juridiction juridiction nationale de cet Etat membre et/ou une juridiction
internationale ou par une décision définitive rendue par une internationale ou par une décision définitive rendue par une
juridiction internationale seulement ». juridiction internationale seulement ».
B.1.4. Faisant usage de la faculté accordée aux Etats membres par B.1.4. Faisant usage de la faculté accordée aux Etats membres par
l'article 1er, paragraphe 4, précité, de la décision-cadre l'article 1er, paragraphe 4, précité, de la décision-cadre
2008/913/JAI, le législateur a limité le champ d'application de la 2008/913/JAI, le législateur a limité le champ d'application de la
disposition pénale attaquée en retenant comme critère que les crimes disposition pénale attaquée en retenant comme critère que les crimes
de génocide, les crimes contre l'humanité ou les crimes de guerre de génocide, les crimes contre l'humanité ou les crimes de guerre
doivent avoir été « établis comme tels par une décision définitive doivent avoir été « établis comme tels par une décision définitive
rendue par une juridiction internationale ». Selon les travaux rendue par une juridiction internationale ». Selon les travaux
préparatoires, « les termes ' juridiction internationale ' renvoient à préparatoires, « les termes ' juridiction internationale ' renvoient à
la Cour pénale internationale ou à une juridiction pénale la Cour pénale internationale ou à une juridiction pénale
internationale établie par décision du Conseil de sécurité des Nations internationale établie par décision du Conseil de sécurité des Nations
Unies, sur la base du Chapitre VII de la Charte des Nations unies » Unies, sur la base du Chapitre VII de la Charte des Nations unies »
(Doc. parl., Chambre, 2018-2019, DOC 54-3515/001, p. 151). (Doc. parl., Chambre, 2018-2019, DOC 54-3515/001, p. 151).
Les travaux préparatoires soulignent, en ce qui concerne ce critère, Les travaux préparatoires soulignent, en ce qui concerne ce critère,
« qu'il a été jugé opportun de recourir à ce critère, étant donné que « qu'il a été jugé opportun de recourir à ce critère, étant donné que
ni la décision-cadre, ni le Protocole additionnel à la Convention sur ni la décision-cadre, ni le Protocole additionnel à la Convention sur
la cybercriminalité, n'imposent de limitation quant à la portée la cybercriminalité, n'imposent de limitation quant à la portée
ratione temporis de l'infraction de négationnisme à insérer en droit ratione temporis de l'infraction de négationnisme à insérer en droit
interne, sauf à envisager de faire une déclaration conformément à interne, sauf à envisager de faire une déclaration conformément à
l'article 1er, § 4, de la décision-cadre, ce qui a été retenu en l'article 1er, § 4, de la décision-cadre, ce qui a été retenu en
l'espèce. l'espèce.
Afin d'éviter les incertitudes sur l'application dans le temps des Afin d'éviter les incertitudes sur l'application dans le temps des
dispositions pénales qu'il est proposé d'insérer dans la loi du 30 dispositions pénales qu'il est proposé d'insérer dans la loi du 30
juillet 1981, il est prévu que la disposition nouvelle s'appliquera juillet 1981, il est prévu que la disposition nouvelle s'appliquera
aux faits qui ont été établis comme crimes de génocide, crimes contre aux faits qui ont été établis comme crimes de génocide, crimes contre
l'humanité ou crimes de guerre par une décision définitive rendue par l'humanité ou crimes de guerre par une décision définitive rendue par
une juridiction internationale » (ibid., p. 155). une juridiction internationale » (ibid., p. 155).
Quant à l'étendue des recours en annulation Quant à l'étendue des recours en annulation
B.2.1. La Cour doit déterminer l'étendue des recours en annulation sur B.2.1. La Cour doit déterminer l'étendue des recours en annulation sur
la base du contenu des requêtes et en particulier sur la base de la base du contenu des requêtes et en particulier sur la base de
l'exposé des moyens. La Cour limite son examen aux dispositions contre l'exposé des moyens. La Cour limite son examen aux dispositions contre
lesquelles des moyens sont dirigés. lesquelles des moyens sont dirigés.
B.2.2. Il ressort des requêtes dans les affaires nos 7229, 7278, 7283 B.2.2. Il ressort des requêtes dans les affaires nos 7229, 7278, 7283
et 7302 que les moyens ne concernent la disposition attaquée qu'en ce et 7302 que les moyens ne concernent la disposition attaquée qu'en ce
qu'elle limite le champ d'application de l'incrimination qu'elle qu'elle limite le champ d'application de l'incrimination qu'elle
prévoit sur la base du critère selon lequel les crimes de génocide, prévoit sur la base du critère selon lequel les crimes de génocide,
les crimes contre l'humanité ou les crimes de guerre doivent avoir été les crimes contre l'humanité ou les crimes de guerre doivent avoir été
« établis comme tels par une décision définitive rendue par une « établis comme tels par une décision définitive rendue par une
juridiction internationale ». juridiction internationale ».
Il ressort de la requête et du moyen exposé dans l'affaire n° 7308 que Il ressort de la requête et du moyen exposé dans l'affaire n° 7308 que
les griefs des parties requérantes dans cette affaire portent aussi les griefs des parties requérantes dans cette affaire portent aussi
uniquement sur la limitation de l'incrimination aux crimes « établis uniquement sur la limitation de l'incrimination aux crimes « établis
comme tels par une décision définitive rendue par une juridiction comme tels par une décision définitive rendue par une juridiction
internationale ». internationale ».
La partie requérante dans l'affaire n° 7303 critique en outre le fait La partie requérante dans l'affaire n° 7303 critique en outre le fait
que la disposition attaquée « ne lie pas l'amende à la capacité que la disposition attaquée « ne lie pas l'amende à la capacité
économique des personnes coupables ». économique des personnes coupables ».
B.2.3. La Cour limite dès lors son examen dans cette mesure. B.2.3. La Cour limite dès lors son examen dans cette mesure.
Quant à l'intérêt Quant à l'intérêt
B.3. Le Conseil des ministres conteste l'intérêt des parties B.3. Le Conseil des ministres conteste l'intérêt des parties
requérantes. requérantes.
B.4. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour B.4. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour
constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui
introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne
justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation
pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme
attaquée; il s'ensuit que l'action populaire n'est pas admissible. attaquée; il s'ensuit que l'action populaire n'est pas admissible.
B.5.1. La partie requérante dans l'affaire n° 7278 et la partie B.5.1. La partie requérante dans l'affaire n° 7278 et la partie
requérante dans les affaires nos 7229, 7283, 7302 et 7303 déduisent du requérante dans les affaires nos 7229, 7283, 7302 et 7303 déduisent du
simple fait que la disposition attaquée prévoit une peine privative de simple fait que la disposition attaquée prévoit une peine privative de
liberté qu'elles disposent de l'intérêt requis. liberté qu'elles disposent de l'intérêt requis.
Les parties requérantes dans les affaires nos 7229, 7283, 7302 en 7303 Les parties requérantes dans les affaires nos 7229, 7283, 7302 en 7303
ajoutent qu'elles ont leur propre opinion sur le génocide rwandais et ajoutent qu'elles ont leur propre opinion sur le génocide rwandais et
qu'elles veulent avoir l'opportunité « d'exprimer cette opinion qu'elles veulent avoir l'opportunité « d'exprimer cette opinion
nuancée, s'il y avait lieu dans un cas très particulier, sans être nuancée, s'il y avait lieu dans un cas très particulier, sans être
passibles de sanctions sur la base de la disposition attaquée ». passibles de sanctions sur la base de la disposition attaquée ».
B.5.2. Comme il a été dit en B.2.2, les parties requérantes dans les B.5.2. Comme il a été dit en B.2.2, les parties requérantes dans les
affaires nos 7229, 7278, 7283 et 7302 visent la disposition attaquée affaires nos 7229, 7278, 7283 et 7302 visent la disposition attaquée
uniquement en ce que l'incrimination de l'acte de nier, de minimiser uniquement en ce que l'incrimination de l'acte de nier, de minimiser
grossièrement, de chercher à justifier ou d'approuver des faits grossièrement, de chercher à justifier ou d'approuver des faits
correspondant à un crime de génocide, à un crime contre l'humanité ou correspondant à un crime de génocide, à un crime contre l'humanité ou
à un crime de guerre est limitée aux crimes précités qui ont été « à un crime de guerre est limitée aux crimes précités qui ont été «
établis comme tels par une décision définitive rendue par une établis comme tels par une décision définitive rendue par une
juridiction internationale ». A cet égard, elles ne démontrent juridiction internationale ». A cet égard, elles ne démontrent
cependant pas en quoi elles pourraient, à titre personnel, être cependant pas en quoi elles pourraient, à titre personnel, être
affectées directement et défavorablement par la limitation de affectées directement et défavorablement par la limitation de
l'incrimination. l'incrimination.
Par ailleurs, la partie requérante dans l'affaire n° 7303 critique le Par ailleurs, la partie requérante dans l'affaire n° 7303 critique le
fait que la disposition attaquée « ne lie pas l'amende à la capacité fait que la disposition attaquée « ne lie pas l'amende à la capacité
économique des personnes coupables ». La partie requérante ne démontre économique des personnes coupables ». La partie requérante ne démontre
pas que cette absence de lien pourrait l'affecter directement et pas que cette absence de lien pourrait l'affecter directement et
défavorablement ni qu'elle dispose en l'espèce d'un intérêt personnel défavorablement ni qu'elle dispose en l'espèce d'un intérêt personnel
qui ne se confond pas avec l'intérêt général. qui ne se confond pas avec l'intérêt général.
Enfin, le fait que les parties requérantes désapprouvent une loi sur Enfin, le fait que les parties requérantes désapprouvent une loi sur
la base d'une appréciation personnelle subjective ou de sentiments que la base d'une appréciation personnelle subjective ou de sentiments que
cette loi suscite en elles ne saurait justifier leur intérêt aux cette loi suscite en elles ne saurait justifier leur intérêt aux
recours. recours.
B.5.3. Les recours dans les affaires nos 7229, 7278, 7283, 7302 et B.5.3. Les recours dans les affaires nos 7229, 7278, 7283, 7302 et
7303 sont irrecevables, à défaut d'intérêt. 7303 sont irrecevables, à défaut d'intérêt.
B.6.1. A l'appui de leur intérêt, les parties requérantes dans B.6.1. A l'appui de leur intérêt, les parties requérantes dans
l'affaire n° 7308 font valoir qu'elles sont d'origine arménienne et l'affaire n° 7308 font valoir qu'elles sont d'origine arménienne et
qu'elles descendent de victimes du génocide arménien. qu'elles descendent de victimes du génocide arménien.
B.6.2. La limitation, par la disposition attaquée, de l'incrimination B.6.2. La limitation, par la disposition attaquée, de l'incrimination
qu'elle prévoit aux crimes qui ont été « établis comme tels par une qu'elle prévoit aux crimes qui ont été « établis comme tels par une
décision définitive rendue par une juridiction internationale » a pour décision définitive rendue par une juridiction internationale » a pour
effet que le génocide arménien est exclu de cette incrimination. Dans effet que le génocide arménien est exclu de cette incrimination. Dans
la mesure où elles descendent de victimes du génocide arménien, les la mesure où elles descendent de victimes du génocide arménien, les
parties requérantes peuvent donc être affectées directement et parties requérantes peuvent donc être affectées directement et
défavorablement dans leur situation par la disposition attaquée et défavorablement dans leur situation par la disposition attaquée et
elles justifient d'un intérêt à demander l'annulation de cette elles justifient d'un intérêt à demander l'annulation de cette
disposition. disposition.
B.6.3. Dans la mesure où, en cette qualité, les parties requérantes B.6.3. Dans la mesure où, en cette qualité, les parties requérantes
justifient de l'intérêt requis, il n'y a pas lieu de vérifier si elles justifient de l'intérêt requis, il n'y a pas lieu de vérifier si elles
justifient également de l'intérêt requis dans l'autre qualité qu'elles justifient également de l'intérêt requis dans l'autre qualité qu'elles
invoquent, c'est-à-dire en ce qu'elles participent aux actions et aux invoquent, c'est-à-dire en ce qu'elles participent aux actions et aux
décisions du Comité des Arméniens de Belgique. décisions du Comité des Arméniens de Belgique.
B.7. Enfin, le Conseil des ministres conteste l'intérêt de la partie B.7. Enfin, le Conseil des ministres conteste l'intérêt de la partie
intervenante dans l'affaire n° 7308. intervenante dans l'affaire n° 7308.
B.8. L'article 87, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la B.8. L'article 87, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la
Cour constitutionnelle dispose : Cour constitutionnelle dispose :
« Lorsque la Cour constitutionnelle statue sur les recours en « Lorsque la Cour constitutionnelle statue sur les recours en
annulation visés à l'article 1er, toute personne justifiant d'un annulation visés à l'article 1er, toute personne justifiant d'un
intérêt peut adresser ses observations dans un mémoire à la Cour dans intérêt peut adresser ses observations dans un mémoire à la Cour dans
les trente jours de la publication prescrite par l'article 74. Elle les trente jours de la publication prescrite par l'article 74. Elle
est, de ce fait, réputée partie au litige ». est, de ce fait, réputée partie au litige ».
Justifie d'un intérêt au sens de cette disposition la personne qui Justifie d'un intérêt au sens de cette disposition la personne qui
montre que sa situation peut être directement affectée par l'arrêt que montre que sa situation peut être directement affectée par l'arrêt que
la Cour est appelée à rendre à propos du recours en annulation. la Cour est appelée à rendre à propos du recours en annulation.
B.9.1. Le Centre interfédéral pour l'égalité des chances et la lutte B.9.1. Le Centre interfédéral pour l'égalité des chances et la lutte
contre le racisme et les discriminations (ci-après : UNIA) a été créé contre le racisme et les discriminations (ci-après : UNIA) a été créé
par l'accord de coopération du 12 juin 2013 « entre l'autorité par l'accord de coopération du 12 juin 2013 « entre l'autorité
fédérale, les Régions et les Communautés visant à créer un Centre fédérale, les Régions et les Communautés visant à créer un Centre
interfédéral pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme interfédéral pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme
et les discriminations sous la forme d'une institution commune, au et les discriminations sous la forme d'une institution commune, au
sens de l'article 92bis de la loi spéciale de réformes sens de l'article 92bis de la loi spéciale de réformes
institutionnelles du 8 août 1980 », qui a doté UNIA de la personnalité institutionnelles du 8 août 1980 », qui a doté UNIA de la personnalité
juridique. juridique.
Conformément à l'article 3 de cet accord de coopération, UNIA a pour Conformément à l'article 3 de cet accord de coopération, UNIA a pour
mission « de promouvoir l'égalité des chances prenant en considération mission « de promouvoir l'égalité des chances prenant en considération
la diversité dans notre société et de combattre toute forme de la diversité dans notre société et de combattre toute forme de
discriminations, de distinction, d'exclusion, de restriction, discriminations, de distinction, d'exclusion, de restriction,
d'exploitation ou de préférence fondée sur une prétendue race, la d'exploitation ou de préférence fondée sur une prétendue race, la
couleur de peau, l'ascendance, la nationalité, l'origine nationale ou couleur de peau, l'ascendance, la nationalité, l'origine nationale ou
ethnique, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'origine sociale, la ethnique, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'origine sociale, la
naissance, la fortune, l'âge, la conviction religieuse ou naissance, la fortune, l'âge, la conviction religieuse ou
philosophique, l'état de santé, la conviction politique ou la philosophique, l'état de santé, la conviction politique ou la
conviction syndicale, un handicap, une caractéristique physique ou conviction syndicale, un handicap, une caractéristique physique ou
génétique ». Conformément à l'article 6, § 3, alinéa 2, de cet accord génétique ». Conformément à l'article 6, § 3, alinéa 2, de cet accord
de coopération, UNIA est habilité à ester en justice, dans les limites de coopération, UNIA est habilité à ester en justice, dans les limites
de ses missions définies à l'article 3, précité, dans tous les litiges de ses missions définies à l'article 3, précité, dans tous les litiges
auxquels pourrait donner lieu, notamment, l'application de la loi du auxquels pourrait donner lieu, notamment, l'application de la loi du
30 juillet 1981 « tendant à réprimer certains actes inspirés par le 30 juillet 1981 « tendant à réprimer certains actes inspirés par le
racisme ou la xénophobie ». racisme ou la xénophobie ».
B.9.2. La disposition attaquée tend à l'extension de la loi du 30 B.9.2. La disposition attaquée tend à l'extension de la loi du 30
juillet 1981 précitée en ce qu'elle prévoit l'incrimination de l'acte juillet 1981 précitée en ce qu'elle prévoit l'incrimination de l'acte
de nier, de minimiser grossièrement, de chercher à justifier ou de nier, de minimiser grossièrement, de chercher à justifier ou
d'approuver des faits correspondant à un crime de génocide, à un crime d'approuver des faits correspondant à un crime de génocide, à un crime
contre l'humanité ou à un crime de guerre. UNIA appuie les griefs des contre l'humanité ou à un crime de guerre. UNIA appuie les griefs des
parties requérantes dans l'affaire n° 7308 selon lesquels la parties requérantes dans l'affaire n° 7308 selon lesquels la
disposition attaquée porte une atteinte discriminatoire au droit au disposition attaquée porte une atteinte discriminatoire au droit au
respect de la vie privée dans la mesure où cette incrimination est respect de la vie privée dans la mesure où cette incrimination est
limitée aux crimes précités qui ont été « établis comme tels par une limitée aux crimes précités qui ont été « établis comme tels par une
décision définitive rendue par une juridiction internationale ». décision définitive rendue par une juridiction internationale ».
B.9.3. La disposition attaquée peut donc affecter la mission d'UNIA et B.9.3. La disposition attaquée peut donc affecter la mission d'UNIA et
l'intérêt collectif qu'il défend. Il justifie donc de l'intérêt l'intérêt collectif qu'il défend. Il justifie donc de l'intérêt
requis. requis.
Quant au fond Quant au fond
B.10. Les parties requérantes prennent un moyen unique de la B.10. Les parties requérantes prennent un moyen unique de la
violation, par la disposition attaquée, des articles 10, 11 et 22 de violation, par la disposition attaquée, des articles 10, 11 et 22 de
la Constitution et des articles 8 et 14 de la Convention européenne la Constitution et des articles 8 et 14 de la Convention européenne
des droits de l'homme, en ce que cette disposition limite des droits de l'homme, en ce que cette disposition limite
l'incrimination qu'elle prévoit de l'acte de nier, de minimiser l'incrimination qu'elle prévoit de l'acte de nier, de minimiser
grossièrement, de chercher à justifier ou d'approuver des faits grossièrement, de chercher à justifier ou d'approuver des faits
correspondant à un crime de génocide, à un crime contre l'humanité et correspondant à un crime de génocide, à un crime contre l'humanité et
à un crime de guerre sur la base du critère selon lequel ces crimes à un crime de guerre sur la base du critère selon lequel ces crimes
doivent avoir été « établis comme tels par une décision définitive doivent avoir été « établis comme tels par une décision définitive
rendue par une juridiction internationale ». rendue par une juridiction internationale ».
La disposition attaquée ferait ainsi naître une différence de La disposition attaquée ferait ainsi naître une différence de
traitement injustifiée entre les victimes de crimes établis comme tels traitement injustifiée entre les victimes de crimes établis comme tels
par une décision définitive rendue par une juridiction internationale par une décision définitive rendue par une juridiction internationale
et les victimes de crimes non établis comme tels, dans la mesure où et les victimes de crimes non établis comme tels, dans la mesure où
seuls les crimes de la première catégorie relèvent de la protection seuls les crimes de la première catégorie relèvent de la protection
offerte par la loi contre les discours haineux. offerte par la loi contre les discours haineux.
B.11.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée B.11.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée
générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu'en soit générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu'en soit
l'origine : les règles constitutionnelles de l'égalité et de la l'origine : les règles constitutionnelles de l'égalité et de la
non-discrimination sont applicables à l'égard de tous les droits et de non-discrimination sont applicables à l'égard de tous les droits et de
toutes les libertés, en ce compris ceux résultant des conventions toutes les libertés, en ce compris ceux résultant des conventions
internationales liant la Belgique. internationales liant la Belgique.
B.11.2. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas B.11.2. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas
qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de
personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et
qu'elle soit raisonnablement justifiée. qu'elle soit raisonnablement justifiée.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant
compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la
nature des principes en cause; le principe d'égalité et de nature des principes en cause; le principe d'égalité et de
non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas
de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés
et le but visé. et le but visé.
B.12. Il relève en principe du pouvoir d'appréciation du législateur B.12. Il relève en principe du pouvoir d'appréciation du législateur
de déterminer quel comportement mérite une sanction pénale, étant de déterminer quel comportement mérite une sanction pénale, étant
entendu que les choix qu'il opère dans ce domaine doivent être entendu que les choix qu'il opère dans ce domaine doivent être
raisonnablement justifiés. Ce pouvoir d'appréciation du législateur raisonnablement justifiés. Ce pouvoir d'appréciation du législateur
est toutefois soumis à des restrictions lorsque l'Etat belge s'est est toutefois soumis à des restrictions lorsque l'Etat belge s'est
engagé sur le plan international à punir un comportement déterminé. engagé sur le plan international à punir un comportement déterminé.
B.13.1. Le droit au respect de la vie privée, tel qu'il est garanti B.13.1. Le droit au respect de la vie privée, tel qu'il est garanti
par l'article 22 de la Constitution et par l'article 8 de la par l'article 22 de la Constitution et par l'article 8 de la
Convention européenne des droits de l'homme, a pour but essentiel de Convention européenne des droits de l'homme, a pour but essentiel de
protéger les personnes contre des ingérences dans leur vie privée. protéger les personnes contre des ingérences dans leur vie privée.
Les dispositions précitées n'excluent pas l'ingérence d'une autorité Les dispositions précitées n'excluent pas l'ingérence d'une autorité
publique dans l'exercice de ce droit, mais exigent que cette ingérence publique dans l'exercice de ce droit, mais exigent que cette ingérence
soit prévue par une disposition législative suffisamment précise, soit prévue par une disposition législative suffisamment précise,
qu'elle réponde à un besoin social impérieux et qu'elle soit qu'elle réponde à un besoin social impérieux et qu'elle soit
proportionnée à l'objectif légitime qu'elle poursuit. Ces dispositions proportionnée à l'objectif légitime qu'elle poursuit. Ces dispositions
engendrent de surcroît l'obligation positive pour l'autorité publique engendrent de surcroît l'obligation positive pour l'autorité publique
de prendre des mesures qui assurent le respect effectif de la vie de prendre des mesures qui assurent le respect effectif de la vie
privée, aussi dans la sphère des relations entre les individus (CEDH, privée, aussi dans la sphère des relations entre les individus (CEDH,
27 octobre 1994, Kroon et autres c. Pays-Bas, § 31). 27 octobre 1994, Kroon et autres c. Pays-Bas, § 31).
B.13.2. Tant l'identité ethnique que la réputation d'ancêtres peuvent, B.13.2. Tant l'identité ethnique que la réputation d'ancêtres peuvent,
dans certaines circonstances, relever de la vie privée et de dans certaines circonstances, relever de la vie privée et de
l'identité d'une personne et, dès lors, du champ d'application de l'identité d'une personne et, dès lors, du champ d'application de
l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH, l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH,
grande chambre, 15 mars 2012, Aksu c. Turquie, §§ 58-61 et 81; 21 grande chambre, 15 mars 2012, Aksu c. Turquie, §§ 58-61 et 81; 21
novembre 2013, Putistin c. Ukraine, §§ 33 et 36-41; 11 mars 2014, novembre 2013, Putistin c. Ukraine, §§ 33 et 36-41; 11 mars 2014,
Jelsevar e.a. c. Slovénie, § 37; 9 décembre 2014, Dzhugashvili c. Jelsevar e.a. c. Slovénie, § 37; 9 décembre 2014, Dzhugashvili c.
Russie, §§ 26-35; grande chambre, 15 octobre 2015, Perinçek c. Suisse, Russie, §§ 26-35; grande chambre, 15 octobre 2015, Perinçek c. Suisse,
§§ 200-203 et 227). §§ 200-203 et 227).
La Cour européenne des droits de l'homme a ainsi admis que le droit La Cour européenne des droits de l'homme a ainsi admis que le droit
des Arméniens au respect de leur dignité et de celle de leurs des Arméniens au respect de leur dignité et de celle de leurs
ancêtres, y compris au respect de leur identité bâtie autour de l'idée ancêtres, y compris au respect de leur identité bâtie autour de l'idée
que leur communauté a été victime d'un génocide, est protégé par que leur communauté a été victime d'un génocide, est protégé par
l'article 8 de la Convention européenne, en ce qui concerne le droit l'article 8 de la Convention européenne, en ce qui concerne le droit
au respect de la vie privée (CEDH, grande chambre, 15 octobre 2015, au respect de la vie privée (CEDH, grande chambre, 15 octobre 2015,
Perinçek c. Suisse, § 227). Perinçek c. Suisse, § 227).
B.13.3. La disposition attaquée, qui prévoit l'incrimination de l'acte B.13.3. La disposition attaquée, qui prévoit l'incrimination de l'acte
de nier, de minimiser grossièrement, de chercher à justifier ou de nier, de minimiser grossièrement, de chercher à justifier ou
d'approuver des faits correspondant à un crime de génocide, à un crime d'approuver des faits correspondant à un crime de génocide, à un crime
contre l'humanité ou à un crime de guerre, vise notamment à protéger contre l'humanité ou à un crime de guerre, vise notamment à protéger
le droit au respect de la vie privée garanti par l'article 8 de la le droit au respect de la vie privée garanti par l'article 8 de la
Convention européenne des droits de l'homme, dont relève le droit à Convention européenne des droits de l'homme, dont relève le droit à
une identité. une identité.
B.14.1. En rendant punissable la manifestation de certaines opinions, B.14.1. En rendant punissable la manifestation de certaines opinions,
la disposition attaquée limite toutefois la liberté d'expression la disposition attaquée limite toutefois la liberté d'expression
garantie par l'article 19 de la Constitution et par l'article 10 de la garantie par l'article 19 de la Constitution et par l'article 10 de la
Convention européenne des droits de l'homme. Convention européenne des droits de l'homme.
B.14.2. La liberté d'expression consacrée par ces articles constitue B.14.2. La liberté d'expression consacrée par ces articles constitue
l'un des fondements essentiels d'une société démocratique. Elle vaut l'un des fondements essentiels d'une société démocratique. Elle vaut
non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec
faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi
pour celles qui « choquent, inquiètent ou heurtent » l'Etat ou une pour celles qui « choquent, inquiètent ou heurtent » l'Etat ou une
fraction de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la fraction de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la
tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'est pas de tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'est pas de
société démocratique (CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni, société démocratique (CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni,
§ 49; 23 septembre 1998, Lehideux et Isorni c. France, § 55; 28 § 49; 23 septembre 1998, Lehideux et Isorni c. France, § 55; 28
septembre 1999, Öztürk c. Turquie, § 64; grande chambre, 13 juillet septembre 1999, Öztürk c. Turquie, § 64; grande chambre, 13 juillet
2012, Mouvement Raëlien suisse c. Suisse, § 48). 2012, Mouvement Raëlien suisse c. Suisse, § 48).
B.14.3. Ainsi qu'il ressort des termes de l'article 10, paragraphe 2, B.14.3. Ainsi qu'il ressort des termes de l'article 10, paragraphe 2,
de la Convention européenne des droits de l'homme, l'exercice de la de la Convention européenne des droits de l'homme, l'exercice de la
liberté d'expression implique néanmoins certaines obligations et liberté d'expression implique néanmoins certaines obligations et
responsabilités (CEDH, 4 décembre 2003, Gündüz c. Turquie, § 37), responsabilités (CEDH, 4 décembre 2003, Gündüz c. Turquie, § 37),
notamment le devoir de principe de ne pas franchir certaines limites « notamment le devoir de principe de ne pas franchir certaines limites «
tenant notamment à la protection de la réputation et aux droits tenant notamment à la protection de la réputation et aux droits
d'autrui » (CEDH, 24 février 1997, De Haes et Gijsels c. Belgique, § d'autrui » (CEDH, 24 février 1997, De Haes et Gijsels c. Belgique, §
37; 21 janvier 1999, Fressoz et Roire c. France, § 45; 15 juillet 37; 21 janvier 1999, Fressoz et Roire c. France, § 45; 15 juillet
2003, Ernst e.a. c. Belgique, § 92). La liberté d'expression peut, en 2003, Ernst e.a. c. Belgique, § 92). La liberté d'expression peut, en
vertu de l'article 10, paragraphe 2, de la Convention européenne des vertu de l'article 10, paragraphe 2, de la Convention européenne des
droits de l'homme, être soumise, sous certaines conditions, à droits de l'homme, être soumise, sous certaines conditions, à
certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, en vue, certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, en vue,
notamment, de la protection de la réputation ou des droits d'autrui. notamment, de la protection de la réputation ou des droits d'autrui.
Les exceptions dont elle est assortie appellent toutefois « une Les exceptions dont elle est assortie appellent toutefois « une
interprétation étroite, et le besoin de la restreindre doit se trouver interprétation étroite, et le besoin de la restreindre doit se trouver
établi de manière convaincante » (CEDH, grande chambre, 20 octobre établi de manière convaincante » (CEDH, grande chambre, 20 octobre
2015, Pentikäinen c. Finlande, § 87). 2015, Pentikäinen c. Finlande, § 87).
L'article 19 de la Constitution interdit que la liberté d'expression L'article 19 de la Constitution interdit que la liberté d'expression
soit soumise à des restrictions préventives, mais non que les soit soumise à des restrictions préventives, mais non que les
infractions qui sont commises à l'occasion de la mise en oeuvre de infractions qui sont commises à l'occasion de la mise en oeuvre de
cette liberté soient sanctionnées. Toutefois, en l'espèce, la cette liberté soient sanctionnées. Toutefois, en l'espèce, la
disposition attaquée prévoit non pas des mesures préventives, mais une disposition attaquée prévoit non pas des mesures préventives, mais une
incrimination de propos déjà tenus. incrimination de propos déjà tenus.
B.15.1. Lorsque le droit au respect de la vie privée risque d'entrer B.15.1. Lorsque le droit au respect de la vie privée risque d'entrer
en conflit avec la liberté d'expression, il convient de ménager un en conflit avec la liberté d'expression, il convient de ménager un
juste équilibre entre ces droits et libertés, qui méritent une juste équilibre entre ces droits et libertés, qui méritent une
protection équivalente. Le législateur dispose d'une marge protection équivalente. Le législateur dispose d'une marge
d'appréciation lorsqu'il élabore un régime légal qui assure le respect d'appréciation lorsqu'il élabore un régime légal qui assure le respect
de la vie privée dans la sphère des relations entre les individus. Il de la vie privée dans la sphère des relations entre les individus. Il
existe en effet plusieurs manières différentes d'assurer le respect de existe en effet plusieurs manières différentes d'assurer le respect de
la vie privée et la nature de l'obligation dépend de l'aspect la vie privée et la nature de l'obligation dépend de l'aspect
spécifique de la vie privée qui se trouve en cause. Dans le même sens, spécifique de la vie privée qui se trouve en cause. Dans le même sens,
le législateur dispose d'une marge d'appréciation pour juger de la le législateur dispose d'une marge d'appréciation pour juger de la
nécessité et de l'ampleur d'une ingérence dans la liberté d'expression nécessité et de l'ampleur d'une ingérence dans la liberté d'expression
(CEDH, grande chambre, 7 février 2012, Von Hannover c. Allemagne, §§ (CEDH, grande chambre, 7 février 2012, Von Hannover c. Allemagne, §§
104-107; grande chambre, 15 octobre 2015, Perinçek c. Suisse, § 198). 104-107; grande chambre, 15 octobre 2015, Perinçek c. Suisse, § 198).
Cette marge d'appréciation du législateur n'est toutefois pas Cette marge d'appréciation du législateur n'est toutefois pas
illimitée : pour apprécier si une règle législative est compatible illimitée : pour apprécier si une règle législative est compatible
avec le droit au respect de la vie privée, il convient de vérifier si avec le droit au respect de la vie privée, il convient de vérifier si
le législateur a ménagé un juste équilibre entre tous les droits et le législateur a ménagé un juste équilibre entre tous les droits et
intérêts en cause. Pour cela, il ne suffit pas que le législateur intérêts en cause. Pour cela, il ne suffit pas que le législateur
ménage un équilibre entre les intérêts concurrents de l'individu et de ménage un équilibre entre les intérêts concurrents de l'individu et de
la société dans son ensemble; il doit également ménager un équilibre la société dans son ensemble; il doit également ménager un équilibre
entre les intérêts contradictoires des personnes concernées (CEDH, 6 entre les intérêts contradictoires des personnes concernées (CEDH, 6
juillet 2010, Backlund c. Finlande, § 46; 15 janvier 2013, Laakso c. juillet 2010, Backlund c. Finlande, § 46; 15 janvier 2013, Laakso c.
Finlande, § 46; 29 janvier 2013, Röman c. Finlande, § 51). La Cour Finlande, § 46; 29 janvier 2013, Röman c. Finlande, § 51). La Cour
européenne des droits de l'homme accorde toutefois un large pouvoir européenne des droits de l'homme accorde toutefois un large pouvoir
d'appréciation aux Etats lorsqu'il s'agit de ménager un équilibre d'appréciation aux Etats lorsqu'il s'agit de ménager un équilibre
entre des intérêts contradictoires protégés par la Convention entre des intérêts contradictoires protégés par la Convention
européenne (CEDH, 18 janvier 2011, MGN Limited c. Royaume Uni, § 142; européenne (CEDH, 18 janvier 2011, MGN Limited c. Royaume Uni, § 142;
10 janvier 2013, Ashby Donald et autres c. France, § 40; 13 février 10 janvier 2013, Ashby Donald et autres c. France, § 40; 13 février
2020, Sanofi Pasteur c. France, § 57). 2020, Sanofi Pasteur c. France, § 57).
B.15.2. Sur la question spécifique de l'incrimination de comportements B.15.2. Sur la question spécifique de l'incrimination de comportements
négationnistes, la Cour européenne des droits de l'homme précise que, négationnistes, la Cour européenne des droits de l'homme précise que,
pour mettre les intérêts en balance, il faut tenir compte de la nature pour mettre les intérêts en balance, il faut tenir compte de la nature
des déclarations tenues dans le cadre des propos contestés, des des déclarations tenues dans le cadre des propos contestés, des
contextes géographique et historique dans lesquels est opérée la contextes géographique et historique dans lesquels est opérée la
restriction à la liberté d'expression, de la mesure dans laquelle les restriction à la liberté d'expression, de la mesure dans laquelle les
propos ont heurté les droits des intéressés, de l'existence ou non propos ont heurté les droits des intéressés, de l'existence ou non
d'un consensus parmi les Etats membres quant à la nécessité de d'un consensus parmi les Etats membres quant à la nécessité de
recourir à des sanctions pénales à l'égard de propos de cette nature, recourir à des sanctions pénales à l'égard de propos de cette nature,
à l'existence de règles de droit international en la matière et de la à l'existence de règles de droit international en la matière et de la
gravité de l'ingérence dans la liberté d'expression (CEDH, grande gravité de l'ingérence dans la liberté d'expression (CEDH, grande
chambre, 15 octobre 2015, Perinçek c. Suisse, § 228). chambre, 15 octobre 2015, Perinçek c. Suisse, § 228).
B.16. La Cour doit examiner si la disposition attaquée, en ce qu'elle B.16. La Cour doit examiner si la disposition attaquée, en ce qu'elle
limite l'incrimination qu'elle prévoit de l'acte de nier, de minimiser limite l'incrimination qu'elle prévoit de l'acte de nier, de minimiser
grossièrement, de chercher à justifier ou d'approuver des crimes de grossièrement, de chercher à justifier ou d'approuver des crimes de
génocide, des crimes contre l'humanité ou des crimes de guerre à des génocide, des crimes contre l'humanité ou des crimes de guerre à des
crimes qui ont été « établis comme tels par une décision définitive crimes qui ont été « établis comme tels par une décision définitive
rendue par une juridiction internationale », est compatible avec les rendue par une juridiction internationale », est compatible avec les
dispositions constitutionnelles et conventionnelles, citées par les dispositions constitutionnelles et conventionnelles, citées par les
parties requérantes, qui garantissent le droit au respect de la vie parties requérantes, qui garantissent le droit au respect de la vie
privée, compte tenu de ce que cette disposition pénale limite la privée, compte tenu de ce que cette disposition pénale limite la
liberté d'expression. liberté d'expression.
B.17.1. En incriminant, dans la disposition attaquée, l'acte de nier, B.17.1. En incriminant, dans la disposition attaquée, l'acte de nier,
de minimiser grossièrement, de chercher à justifier ou d'approuver des de minimiser grossièrement, de chercher à justifier ou d'approuver des
faits correspondant à un crime de génocide, à un crime contre faits correspondant à un crime de génocide, à un crime contre
l'humanité ou à un crime de guerre, le législateur a mis en oeuvre l'humanité ou à un crime de guerre, le législateur a mis en oeuvre
l'obligation européenne contenue dans l'article 1er, paragraphe 1, de l'obligation européenne contenue dans l'article 1er, paragraphe 1, de
la décision-cadre 2008/913/JAI. la décision-cadre 2008/913/JAI.
L'article 1er, paragraphe 4, de cette décision-cadre permet aux Etats L'article 1er, paragraphe 4, de cette décision-cadre permet aux Etats
membres de limiter la disposition pénale relative à « la négation ou membres de limiter la disposition pénale relative à « la négation ou
[à]la banalisation grossière » des crimes visés, selon que ces crimes [à]la banalisation grossière » des crimes visés, selon que ces crimes
« ont été établis par une décision définitive rendue par une « ont été établis par une décision définitive rendue par une
juridiction nationale de cet Etat membre et/ou une juridiction juridiction nationale de cet Etat membre et/ou une juridiction
internationale ou par une décision définitive rendue par une internationale ou par une décision définitive rendue par une
juridiction internationale seulement ». L'article 7 de la juridiction internationale seulement ». L'article 7 de la
décision-cadre prévoit en outre que la décision-cadre et sa mise en décision-cadre prévoit en outre que la décision-cadre et sa mise en
oeuvre par les Etats membres ne peuvent emporter une violation de la oeuvre par les Etats membres ne peuvent emporter une violation de la
liberté d'expression. liberté d'expression.
B.17.2. Il ressort des travaux préparatoires que le législateur a jugé B.17.2. Il ressort des travaux préparatoires que le législateur a jugé
opportun de recourir à ce critère, « étant donné que ni la opportun de recourir à ce critère, « étant donné que ni la
décision-cadre, ni le Protocole additionnel à la Convention sur la décision-cadre, ni le Protocole additionnel à la Convention sur la
cybercriminalité, n'imposent de limitation quant à la portée ratione cybercriminalité, n'imposent de limitation quant à la portée ratione
temporis de l'infraction de négationnisme à insérer en droit interne » temporis de l'infraction de négationnisme à insérer en droit interne »
(Doc. parl., Chambre, 2018-2019, DOC 54-3515/001, p. 155). (Doc. parl., Chambre, 2018-2019, DOC 54-3515/001, p. 155).
En limitant la disposition pénale attaquée aux crimes « établis comme En limitant la disposition pénale attaquée aux crimes « établis comme
tels par une décision définitive rendue par une juridiction tels par une décision définitive rendue par une juridiction
internationale », le législateur a ainsi voulu préciser dans des internationale », le législateur a ainsi voulu préciser dans des
termes offrant une sécurité juridique suffisante les crimes pour termes offrant une sécurité juridique suffisante les crimes pour
lesquels les comportements négationnistes cités sont punissables. Le lesquels les comportements négationnistes cités sont punissables. Le
législateur a donc voulu respecter le principe de légalité en matière législateur a donc voulu respecter le principe de légalité en matière
pénale qui découle des articles 12, alinéa 2, et 14 de la Constitution pénale qui découle des articles 12, alinéa 2, et 14 de la Constitution
et de l'article 7, paragraphe 1, de la Convention européenne des et de l'article 7, paragraphe 1, de la Convention européenne des
droits de l'homme et qui procède de l'idée que la loi pénale doit être droits de l'homme et qui procède de l'idée que la loi pénale doit être
formulée en des termes qui permettent à chacun de savoir, au moment où formulée en des termes qui permettent à chacun de savoir, au moment où
il adopte un comportement, si celui-ci est punissable ou non. il adopte un comportement, si celui-ci est punissable ou non.
B.17.3. Compte tenu du fait que la disposition attaquée, en ce qu'elle B.17.3. Compte tenu du fait que la disposition attaquée, en ce qu'elle
porte atteinte à la liberté d'expression et en ce qu'elle est une loi porte atteinte à la liberté d'expression et en ce qu'elle est une loi
pénale, appelle une interprétation restrictive, il ressort de ce qui pénale, appelle une interprétation restrictive, il ressort de ce qui
précède que le choix opéré par le législateur de faire usage de la précède que le choix opéré par le législateur de faire usage de la
faculté offerte par l'article 1er, paragraphe 4, de la décision-cadre faculté offerte par l'article 1er, paragraphe 4, de la décision-cadre
2008/913/JAI de limiter l'incrimination sur la base du critère selon 2008/913/JAI de limiter l'incrimination sur la base du critère selon
lequel les crimes visés doivent avoir été « établis comme tels par une lequel les crimes visés doivent avoir été « établis comme tels par une
décision définitive rendue par une juridiction internationale », n'est décision définitive rendue par une juridiction internationale », n'est
pas sans justification raisonnable. pas sans justification raisonnable.
B.18. La disposition attaquée ne viole dès lors pas les articles 10, B.18. La disposition attaquée ne viole dès lors pas les articles 10,
11 et 22 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 8 et 11 et 22 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 8 et
14 de la Convention européenne des droits de l'homme. 14 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Le moyen unique n'est pas fondé. Le moyen unique n'est pas fondé.
Par ces motifs, Par ces motifs,
la Cour la Cour
rejette les recours. rejette les recours.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue
allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier
1989 sur la Cour constitutionnelle, le 14 janvier 2021. 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 14 janvier 2021.
Le greffier, Le greffier,
P.-Y. Dutilleux P.-Y. Dutilleux
Le président, Le président,
A. Alen A. Alen
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