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cause : la demande de suspension des mots « du directeur du banc d'épreuves » dans l'article 19, §
2, de la loi du 8 juillet 2018 portant des disposit La Cour constitutionnelle, composée
des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen(...)"
Extrait de l'arrêt n o 183/2018 du 19 décembre 2018 Numéro du rôle : 7020 En cause : la demande de suspension des mots « du directeur du banc d'épreuves » dans l'article 19, § 2, de la loi du 8 juillet 2018 portant des disposit La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen(...) | Extrait de l'arrêt n o 183/2018 du 19 décembre 2018 Numéro du rôle : 7020 En cause : la demande de suspension des mots « du directeur du banc d'épreuves » dans l'article 19, § 2, de la loi du 8 juillet 2018 portant des disposit La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen(...) |
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COUR CONSTITUTIONNELLE | COUR CONSTITUTIONNELLE |
Extrait de l'arrêt no 183/2018 du 19 décembre 2018 | Extrait de l'arrêt no 183/2018 du 19 décembre 2018 |
Numéro du rôle : 7020 | Numéro du rôle : 7020 |
En cause : la demande de suspension des mots « du directeur du banc | En cause : la demande de suspension des mots « du directeur du banc |
d'épreuves » dans l'article 19, § 2, de la loi du 8 juillet 2018 | d'épreuves » dans l'article 19, § 2, de la loi du 8 juillet 2018 |
portant des dispositions diverses sur le banc d'épreuves des armes à | portant des dispositions diverses sur le banc d'épreuves des armes à |
feu, ainsi que de l'article 8 de la même loi, introduite par Jean-Luc | feu, ainsi que de l'article 8 de la même loi, introduite par Jean-Luc |
Stassen. | Stassen. |
La Cour constitutionnelle, | La Cour constitutionnelle, |
composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, | composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, |
J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. | J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. |
Nihoul, R. Leysen et M. Pâques, assistée du greffier F. Meersschaut, | Nihoul, R. Leysen et M. Pâques, assistée du greffier F. Meersschaut, |
présidée par le président F. Daoût, | présidée par le président F. Daoût, |
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : | après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : |
I. Objet de la demande et procédure | I. Objet de la demande et procédure |
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 8 | Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 8 |
octobre 2018 et parvenue au greffe le 11 octobre 2018, Jean-Luc | octobre 2018 et parvenue au greffe le 11 octobre 2018, Jean-Luc |
Stassen, assisté et représenté par Me E. Lemmens, avocat au barreau de | Stassen, assisté et représenté par Me E. Lemmens, avocat au barreau de |
Liège, a introduit une demande de suspension des mots « du directeur | Liège, a introduit une demande de suspension des mots « du directeur |
du banc d'épreuves » dans l'article 19, § 2, de la loi du 8 juillet | du banc d'épreuves » dans l'article 19, § 2, de la loi du 8 juillet |
2018 portant des dispositions diverses sur le banc d'épreuves des | 2018 portant des dispositions diverses sur le banc d'épreuves des |
armes à feu, ainsi que de l'article 8 de la même loi (publiée au | armes à feu, ainsi que de l'article 8 de la même loi (publiée au |
Moniteur belge du 17 juillet 2018). | Moniteur belge du 17 juillet 2018). |
Par requête séparée, la partie requérante demande également | Par requête séparée, la partie requérante demande également |
l'annulation des mêmes dispositions légales. | l'annulation des mêmes dispositions légales. |
(...) | (...) |
II. En droit | II. En droit |
(...) | (...) |
Quant aux dispositions attaquées | Quant aux dispositions attaquées |
B.1. La partie requérante demande la suspension des mots « du | B.1. La partie requérante demande la suspension des mots « du |
directeur du banc d'épreuves » figurant dans l'article 19, § 2, de la | directeur du banc d'épreuves » figurant dans l'article 19, § 2, de la |
loi du 8 juillet 2018 portant des dispositions diverses sur le banc | loi du 8 juillet 2018 portant des dispositions diverses sur le banc |
d'épreuves des armes à feu (ci-après : la loi du 8 juillet 2018) et, | d'épreuves des armes à feu (ci-après : la loi du 8 juillet 2018) et, |
pour autant que de besoin, de l'article 8 de la même loi. | pour autant que de besoin, de l'article 8 de la même loi. |
B.2.1. L'article 19, § 2, attaqué, relève des dispositions finales, | B.2.1. L'article 19, § 2, attaqué, relève des dispositions finales, |
contenues dans le chapitre 6 de la loi. Il dispose : | contenues dans le chapitre 6 de la loi. Il dispose : |
« Il est mis fin de plein droit aux mandats du directeur du banc | « Il est mis fin de plein droit aux mandats du directeur du banc |
d'épreuves, du président, du vice-président et des syndics de la | d'épreuves, du président, du vice-président et des syndics de la |
commission administrative qui sont en fonction lors de l'entrée en | commission administrative qui sont en fonction lors de l'entrée en |
vigueur de la présente loi. | vigueur de la présente loi. |
Ils continuent à exercer leur mandat jusqu'à ce qu'il soit pourvu à | Ils continuent à exercer leur mandat jusqu'à ce qu'il soit pourvu à |
leur remplacement ». | leur remplacement ». |
B.2.2. L'article 8 de la loi attaquée compte parmi les dispositions | B.2.2. L'article 8 de la loi attaquée compte parmi les dispositions |
relatives au directeur du banc d'épreuves contenues dans le chapitre 3 | relatives au directeur du banc d'épreuves contenues dans le chapitre 3 |
de cette même loi : | de cette même loi : |
« CHAPITRE 3. - Le directeur | « CHAPITRE 3. - Le directeur |
Art. 7.Le directeur du banc d'épreuves est nommé par le Roi, et peut |
Art. 7.Le directeur du banc d'épreuves est nommé par le Roi, et peut |
être démis par Lui. | être démis par Lui. |
Le Roi fixe la procédure de nomination, d'évaluation, de suspension et | Le Roi fixe la procédure de nomination, d'évaluation, de suspension et |
de la fin du mandat du directeur. | de la fin du mandat du directeur. |
Art. 8.Le directeur est nommé pour une période de six ans. Le mandat |
Art. 8.Le directeur est nommé pour une période de six ans. Le mandat |
est renouvelable après un avis favorable du Conseil d'administration. | est renouvelable après un avis favorable du Conseil d'administration. |
Art. 9.Le directeur est responsable de la gestion journalière du banc |
Art. 9.Le directeur est responsable de la gestion journalière du banc |
d'épreuves et pose toutes les actions nécessaires ou utiles pour | d'épreuves et pose toutes les actions nécessaires ou utiles pour |
l'exécution de ses missions, et peut à cet effet conclure des | l'exécution de ses missions, et peut à cet effet conclure des |
engagements. | engagements. |
Le directeur est soumis au contrôle du Conseil d'administration ». | Le directeur est soumis au contrôle du Conseil d'administration ». |
B.2.3. D'après l'article 20 de la loi attaquée, celle-ci entre en | B.2.3. D'après l'article 20 de la loi attaquée, celle-ci entre en |
vigueur le 1er janvier 2019, sauf si le Roi fixe une date antérieure. | vigueur le 1er janvier 2019, sauf si le Roi fixe une date antérieure. |
B.3.1. Par la loi du 8 juillet 2018, le législateur entendait | B.3.1. Par la loi du 8 juillet 2018, le législateur entendait |
remplacer le cadre obsolète établi par la loi du 24 mai 1888 portant | remplacer le cadre obsolète établi par la loi du 24 mai 1888 portant |
réglementation de la situation du banc d'épreuves des armes à feu | réglementation de la situation du banc d'épreuves des armes à feu |
établi à Liège, au moyen d'une révision complète et profonde de ce | établi à Liège, au moyen d'une révision complète et profonde de ce |
cadre réglementaire, en revoyant la structure de gestion et | cadre réglementaire, en revoyant la structure de gestion et |
l'organisation d'une manière qui bénéficie au fonctionnement interne | l'organisation d'une manière qui bénéficie au fonctionnement interne |
du banc d'épreuves, à son fonctionnement vis-à-vis des tiers et à la | du banc d'épreuves, à son fonctionnement vis-à-vis des tiers et à la |
prestation de services du banc (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC | prestation de services du banc (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC |
54-3111/001, p. 4). | 54-3111/001, p. 4). |
L'exposé des motifs mentionne : | L'exposé des motifs mentionne : |
« Alors que la loi de 1888 prescrit que le conseil d'administration du | « Alors que la loi de 1888 prescrit que le conseil d'administration du |
banc d'épreuves est composé d'un président et de six syndics, le | banc d'épreuves est composé d'un président et de six syndics, le |
bourgmestre de Liège étant de droit président du conseil | bourgmestre de Liège étant de droit président du conseil |
d'administration, ce point a été entièrement révisé, vu le contexte | d'administration, ce point a été entièrement révisé, vu le contexte |
changeant. En outre, la loi de 1888 prescrit que le directeur du banc | changeant. En outre, la loi de 1888 prescrit que le directeur du banc |
d'épreuves soit nommé par le Roi, à partir d'une liste établie par les | d'épreuves soit nommé par le Roi, à partir d'une liste établie par les |
fabricants d'armes. Cette règle est également abandonnée. | fabricants d'armes. Cette règle est également abandonnée. |
Le présent projet de loi propose une structure interne du banc | Le présent projet de loi propose une structure interne du banc |
d'épreuves entièrement nouvelle. Les organes du banc d'épreuves seront | d'épreuves entièrement nouvelle. Les organes du banc d'épreuves seront |
un conseil d'administration et un directeur. Le directeur ne fera pas | un conseil d'administration et un directeur. Le directeur ne fera pas |
partie du conseil d'administration. Il s'agit donc de deux organes | partie du conseil d'administration. Il s'agit donc de deux organes |
distincts et indépendants. | distincts et indépendants. |
[...] | [...] |
Le directeur, qui sera chargé de la gestion journalière du banc | Le directeur, qui sera chargé de la gestion journalière du banc |
d'épreuves, sera nommé par le Roi. La procédure qui précède sa | d'épreuves, sera nommé par le Roi. La procédure qui précède sa |
nomination sera encore déterminée par le Roi. Contrairement à ce qui | nomination sera encore déterminée par le Roi. Contrairement à ce qui |
est le cas suivant les dispositions de la loi de 1888, la nomination | est le cas suivant les dispositions de la loi de 1888, la nomination |
du directeur sur la base d'une liste établie par les fabricants | du directeur sur la base d'une liste établie par les fabricants |
d'armes, n'est donc pas retenue. Tout ceci vise à mieux pouvoir | d'armes, n'est donc pas retenue. Tout ceci vise à mieux pouvoir |
garantir la transparence et l'indépendance dans le cadre de la | garantir la transparence et l'indépendance dans le cadre de la |
nomination du directeur et du fonctionnement du banc d'épreuves en | nomination du directeur et du fonctionnement du banc d'épreuves en |
général » (ibid., pp. 5 et 6). | général » (ibid., pp. 5 et 6). |
B.3.2. Les dispositions relatives au directeur ont été justifiées | B.3.2. Les dispositions relatives au directeur ont été justifiées |
comme suit : | comme suit : |
« Contrairement à ce qui est le cas maintenant, le directeur du banc | « Contrairement à ce qui est le cas maintenant, le directeur du banc |
d'épreuves ne sera plus nommé sur proposition de ce qu'on appelle les | d'épreuves ne sera plus nommé sur proposition de ce qu'on appelle les |
maîtres d'armes. Mais ce sera encore le Roi qui règlera la procédure | maîtres d'armes. Mais ce sera encore le Roi qui règlera la procédure |
complète par arrêté d'exécution, et pourra nommer et démettre le | complète par arrêté d'exécution, et pourra nommer et démettre le |
directeur, toutefois, ce sera d'une manière à poser l'indépendance | directeur, toutefois, ce sera d'une manière à poser l'indépendance |
comme principe. Le mandat de 6 ans du directeur, pourra alors être | comme principe. Le mandat de 6 ans du directeur, pourra alors être |
renouvelé quand le conseil d'administration donnera un avis favorable | renouvelé quand le conseil d'administration donnera un avis favorable |
pour ce renouvellement. [...] » (ibid., p. 12). | pour ce renouvellement. [...] » (ibid., p. 12). |
B.3.3. L'article 19, § 2, attaqué a été introduit par la voie de | B.3.3. L'article 19, § 2, attaqué a été introduit par la voie de |
l'amendement n° 1, justifié comme suit : | l'amendement n° 1, justifié comme suit : |
« Le projet de loi relatif au banc d'épreuves des armes à feu modifie | « Le projet de loi relatif au banc d'épreuves des armes à feu modifie |
la composition du conseil d'administration. Un nouveau directeur devra | la composition du conseil d'administration. Un nouveau directeur devra |
être nommé sur la base d'un arrêté d'exécution de l'article 7. Tous | être nommé sur la base d'un arrêté d'exécution de l'article 7. Tous |
les mandats devront donc être redistribués. | les mandats devront donc être redistribués. |
Il convient de garantir la continuité et d'éviter au maximum | Il convient de garantir la continuité et d'éviter au maximum |
l'apparition de discussions et de contestations avec les mandataires | l'apparition de discussions et de contestations avec les mandataires |
actuels » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-3111/002, p. 2). | actuels » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-3111/002, p. 2). |
Cet amendement a été adopté à l'unanimité au sein de la commission | Cet amendement a été adopté à l'unanimité au sein de la commission |
compétente (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-3111/003, p. 11). | compétente (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-3111/003, p. 11). |
Quant aux conditions de la suspension | Quant aux conditions de la suspension |
B.4. Aux termes de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier | B.4. Aux termes de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier |
1989 sur la Cour constitutionnelle, deux conditions de fond doivent | 1989 sur la Cour constitutionnelle, deux conditions de fond doivent |
être remplies pour que la suspension puisse être décidée : | être remplies pour que la suspension puisse être décidée : |
- des moyens sérieux doivent être invoqués; | - des moyens sérieux doivent être invoqués; |
- l'exécution immédiate de la règle attaquée doit risquer de causer un | - l'exécution immédiate de la règle attaquée doit risquer de causer un |
préjudice grave difficilement réparable. | préjudice grave difficilement réparable. |
Les deux conditions étant cumulatives, la constatation que l'une de | Les deux conditions étant cumulatives, la constatation que l'une de |
ces deux conditions n'est pas remplie entraîne le rejet de la demande | ces deux conditions n'est pas remplie entraîne le rejet de la demande |
de suspension. | de suspension. |
Quant au caractère sérieux des moyens | Quant au caractère sérieux des moyens |
B.5. Le moyen sérieux ne se confond pas avec le moyen fondé. | B.5. Le moyen sérieux ne se confond pas avec le moyen fondé. |
Pour qu'un moyen soit considéré comme sérieux au sens de l'article 20, | Pour qu'un moyen soit considéré comme sérieux au sens de l'article 20, |
1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour | 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour |
constitutionnelle, il ne suffit pas qu'il ne soit pas manifestement | constitutionnelle, il ne suffit pas qu'il ne soit pas manifestement |
non fondé au sens de l'article 72, mais il faut aussi qu'il revête une | non fondé au sens de l'article 72, mais il faut aussi qu'il revête une |
apparence de fondement au terme d'un premier examen des éléments dont | apparence de fondement au terme d'un premier examen des éléments dont |
la Cour dispose à ce stade de la procédure. | la Cour dispose à ce stade de la procédure. |
B.6. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 | B.6. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 |
de la Constitution, combinés avec le principe de la séparation des | de la Constitution, combinés avec le principe de la séparation des |
pouvoirs. | pouvoirs. |
La partie requérante précise qu'elle tient sa fonction de directeur du | La partie requérante précise qu'elle tient sa fonction de directeur du |
banc d'épreuves non d'un mandat mais d'une nomination par le Roi en | banc d'épreuves non d'un mandat mais d'une nomination par le Roi en |
vertu de l'arrêté royal du 10 février 2004 nommant le Directeur du | vertu de l'arrêté royal du 10 février 2004 nommant le Directeur du |
Banc d'épreuves des armes à feu (Moniteur belge du 5 mars 2004). | Banc d'épreuves des armes à feu (Moniteur belge du 5 mars 2004). |
Elle soutient que l'article 19, § 2, de la loi du 8 juillet 2018 met | Elle soutient que l'article 19, § 2, de la loi du 8 juillet 2018 met |
fin de plein droit à son emploi, alors qu'il s'agirait d'une décision | fin de plein droit à son emploi, alors qu'il s'agirait d'une décision |
relevant exclusivement de la compétence du pouvoir exécutif. Une | relevant exclusivement de la compétence du pouvoir exécutif. Une |
différence de traitement serait ainsi établie entre, d'une part, les | différence de traitement serait ainsi établie entre, d'une part, les |
fonctionnaires statutaires nommés par le Roi, le pouvoir exécutif | fonctionnaires statutaires nommés par le Roi, le pouvoir exécutif |
décidant de mettre fin à leurs fonctions ou de les sanctionner au | décidant de mettre fin à leurs fonctions ou de les sanctionner au |
terme d'une procédure spécifique dans le respect des garanties | terme d'une procédure spécifique dans le respect des garanties |
procédurales applicables et, d'autre part, la partie requérante | procédurales applicables et, d'autre part, la partie requérante |
elle-même, à la fonction de laquelle une norme législative met fin, | elle-même, à la fonction de laquelle une norme législative met fin, |
indépendamment de toute procédure quelconque, alors que le législateur | indépendamment de toute procédure quelconque, alors que le législateur |
ne serait pas compétent pour ce faire. | ne serait pas compétent pour ce faire. |
La partie requérante soutient également que si l'objectif du | La partie requérante soutient également que si l'objectif du |
législateur était de garantir la continuité de l'institution et | législateur était de garantir la continuité de l'institution et |
d'éviter les risques de contestation, des mesures transitoires | d'éviter les risques de contestation, des mesures transitoires |
auraient dû être adoptées afin de prévoir son maintien au poste de | auraient dû être adoptées afin de prévoir son maintien au poste de |
directeur du banc d'épreuves jusqu'à ce qu'elle n'occupe plus cette | directeur du banc d'épreuves jusqu'à ce qu'elle n'occupe plus cette |
fonction. | fonction. |
B.7.1. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.3 que le | B.7.1. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.3 que le |
législateur entendait procéder à une révision complète et profonde de | législateur entendait procéder à une révision complète et profonde de |
la loi relative au banc d'épreuves des armes à feu, devenue obsolète, | la loi relative au banc d'épreuves des armes à feu, devenue obsolète, |
notamment par une révision de la structure de gestion et de | notamment par une révision de la structure de gestion et de |
l'organisation de l'institution. | l'organisation de l'institution. |
B.7.2. L'article 3 de la loi du 24 mai 1888 portant réglementation de | B.7.2. L'article 3 de la loi du 24 mai 1888 portant réglementation de |
la situation du banc d'épreuves des armes à feu établi à Liège dispose | la situation du banc d'épreuves des armes à feu établi à Liège dispose |
que « le directeur est nommé par le Roi sur la présentation d'une | que « le directeur est nommé par le Roi sur la présentation d'une |
liste de trois candidats ». Il ressort du règlement général du banc | liste de trois candidats ». Il ressort du règlement général du banc |
d'épreuves des armes à feu établi à Liège, approuvé par l'arrêté royal | d'épreuves des armes à feu établi à Liège, approuvé par l'arrêté royal |
du 30 juin 1924 portant règlement général du banc d'épreuves des armes | du 30 juin 1924 portant règlement général du banc d'épreuves des armes |
à feu établi à Liège, que le directeur du banc d'épreuves a rang de | à feu établi à Liège, que le directeur du banc d'épreuves a rang de |
directeur à l'administration centrale du ministère de l'Industrie et | directeur à l'administration centrale du ministère de l'Industrie et |
du Travail, qu'il peut, après quinze années de fonctions, sur | du Travail, qu'il peut, après quinze années de fonctions, sur |
proposition du ministre de l'Industrie, du Travail et de la Prévoyance | proposition du ministre de l'Industrie, du Travail et de la Prévoyance |
sociale, être assimilé aux directeurs généraux, que son traitement | sociale, être assimilé aux directeurs généraux, que son traitement |
annuel « est fixé au maximum du traitement d'un directeur de | annuel « est fixé au maximum du traitement d'un directeur de |
l'administration centrale », que ce traitement « ne peut en aucune | l'administration centrale », que ce traitement « ne peut en aucune |
façon, directement ou indirectement, être modifié par décision de la | façon, directement ou indirectement, être modifié par décision de la |
commission administrative » et qu'il est « lié aux fluctuations de | commission administrative » et qu'il est « lié aux fluctuations de |
l'indice général des prix de détail du Royaume, conformément aux | l'indice général des prix de détail du Royaume, conformément aux |
modalités fixées par la loi du 12 avril 1960 unifiant les divers | modalités fixées par la loi du 12 avril 1960 unifiant les divers |
régimes de liaison à l'indice des prix de détail ». | régimes de liaison à l'indice des prix de détail ». |
A ce stade de l'examen de la demande de suspension, ces éléments | A ce stade de l'examen de la demande de suspension, ces éléments |
indiquent que la partie requérante, nommée directeur du banc | indiquent que la partie requérante, nommée directeur du banc |
d'épreuves des armes à feu par un arrêté royal du 10 février 2004, est | d'épreuves des armes à feu par un arrêté royal du 10 février 2004, est |
un agent en situation juridique statutaire. | un agent en situation juridique statutaire. |
B.7.3. L'article 19, § 2, de la loi du 8 juillet 2018, met fin de | B.7.3. L'article 19, § 2, de la loi du 8 juillet 2018, met fin de |
plein droit au « mandat » du directeur, dès l'entrée en vigueur de | plein droit au « mandat » du directeur, dès l'entrée en vigueur de |
ladite loi, à savoir le 1er janvier 2019 ou à une date antérieure à | ladite loi, à savoir le 1er janvier 2019 ou à une date antérieure à |
fixer par le Roi, mais prévoit que le directeur continuera à exercer | fixer par le Roi, mais prévoit que le directeur continuera à exercer |
son « mandat » jusqu'à ce qu'il soit pourvu à son remplacement selon | son « mandat » jusqu'à ce qu'il soit pourvu à son remplacement selon |
les règles prescrites par les articles 7 et 8 de la loi. | les règles prescrites par les articles 7 et 8 de la loi. |
Cette disposition met fin à l'emploi de la partie requérante au 1er | Cette disposition met fin à l'emploi de la partie requérante au 1er |
janvier 2019 ou à une date antérieure à fixer par le Roi. La partie | janvier 2019 ou à une date antérieure à fixer par le Roi. La partie |
requérante est cependant maintenue dans la fonction de directeur | requérante est cependant maintenue dans la fonction de directeur |
jusqu'à la désignation du titulaire du mandat de directeur selon les | jusqu'à la désignation du titulaire du mandat de directeur selon les |
règles établies aux articles 7 et 8 de la même loi. | règles établies aux articles 7 et 8 de la même loi. |
B.8.1. A peine de rendre impossible toute modification législative ou | B.8.1. A peine de rendre impossible toute modification législative ou |
toute réglementation entièrement nouvelle, il ne peut être soutenu | toute réglementation entièrement nouvelle, il ne peut être soutenu |
qu'une disposition nouvelle serait contraire aux articles 10 et 11 de | qu'une disposition nouvelle serait contraire aux articles 10 et 11 de |
la Constitution par cela seul qu'elle modifie les conditions | la Constitution par cela seul qu'elle modifie les conditions |
d'application de la législation ancienne. | d'application de la législation ancienne. |
B.8.2. Si le législateur estime qu'un changement de politique | B.8.2. Si le législateur estime qu'un changement de politique |
s'impose, il peut décider de lui donner un effet immédiat et, en | s'impose, il peut décider de lui donner un effet immédiat et, en |
principe, il n'est pas tenu de prévoir un régime transitoire. Les | principe, il n'est pas tenu de prévoir un régime transitoire. Les |
articles 10 et 11 de la Constitution ne sont violés que si l'absence | articles 10 et 11 de la Constitution ne sont violés que si l'absence |
d'une mesure transitoire entraîne une différence de traitement qui | d'une mesure transitoire entraîne une différence de traitement qui |
n'est pas susceptible de justification raisonnable ou s'il est porté | n'est pas susceptible de justification raisonnable ou s'il est porté |
une atteinte excessive au principe de la confiance légitime. Ce | une atteinte excessive au principe de la confiance légitime. Ce |
principe est étroitement lié au principe de la sécurité juridique, qui | principe est étroitement lié au principe de la sécurité juridique, qui |
interdit au législateur de porter atteinte, sans justification | interdit au législateur de porter atteinte, sans justification |
objective et raisonnable, à l'intérêt que possèdent les sujets de | objective et raisonnable, à l'intérêt que possèdent les sujets de |
droit d'être en mesure de prévoir les conséquences juridiques de leurs | droit d'être en mesure de prévoir les conséquences juridiques de leurs |
actes. | actes. |
B.9. En l'espèce, s'agissant d'un organisme d'intérêt public, le | B.9. En l'espèce, s'agissant d'un organisme d'intérêt public, le |
législateur a pu décider de régler lui-même une matière qu'il a | législateur a pu décider de régler lui-même une matière qu'il a |
attribuée au Roi et que la Constitution ne Lui a pas réservée, en | attribuée au Roi et que la Constitution ne Lui a pas réservée, en |
prévoyant de remplacer le régime de nomination du directeur du banc | prévoyant de remplacer le régime de nomination du directeur du banc |
d'épreuves jusqu'alors en vigueur par un système de mandat de six ans | d'épreuves jusqu'alors en vigueur par un système de mandat de six ans |
renouvelable, selon la procédure à fixer par un arrêté royal | renouvelable, selon la procédure à fixer par un arrêté royal |
d'exécution. | d'exécution. |
Il s'ensuit que le moyen n'est pas sérieux en ce qu'il est dirigé | Il s'ensuit que le moyen n'est pas sérieux en ce qu'il est dirigé |
contre l'article 8 de la loi du 8 juillet 2018. | contre l'article 8 de la loi du 8 juillet 2018. |
B.10. La Cour doit toutefois examiner si, en mettant fin de plein | B.10. La Cour doit toutefois examiner si, en mettant fin de plein |
droit à l'emploi de la partie requérante, compte tenu de l'objectif | droit à l'emploi de la partie requérante, compte tenu de l'objectif |
qu'il entendait poursuivre, le législateur n'a pas porté atteinte de | qu'il entendait poursuivre, le législateur n'a pas porté atteinte de |
manière déraisonnable aux droits de l'intéressé, en ne prévoyant | manière déraisonnable aux droits de l'intéressé, en ne prévoyant |
aucune disposition transitoire. | aucune disposition transitoire. |
B.11.1. En l'espèce, l'article 19, § 2, attaqué, est justifié par le | B.11.1. En l'espèce, l'article 19, § 2, attaqué, est justifié par le |
seul souci de garantir la continuité et d'éviter au maximum | seul souci de garantir la continuité et d'éviter au maximum |
l'apparition de discussions et de contestations avec les mandataires | l'apparition de discussions et de contestations avec les mandataires |
actuels. | actuels. |
En tant qu'agent statutaire, la partie requérante doit admettre que sa | En tant qu'agent statutaire, la partie requérante doit admettre que sa |
fonction ou des éléments de son statut puissent être modifiés | fonction ou des éléments de son statut puissent être modifiés |
unilatéralement par application de la « loi du changement ». Elle peut | unilatéralement par application de la « loi du changement ». Elle peut |
toutefois s'attendre, dans le cas de la modification ou de la | toutefois s'attendre, dans le cas de la modification ou de la |
suppression de sa fonction, à ce que des dispositions transitoires | suppression de sa fonction, à ce que des dispositions transitoires |
adéquates soient prises, comme, le cas échéant, le transfert dans une | adéquates soient prises, comme, le cas échéant, le transfert dans une |
autre fonction, un autre service ou une autre institution, afin de | autre fonction, un autre service ou une autre institution, afin de |
tenir compte du caractère permanent de l'emploi qui constitue une | tenir compte du caractère permanent de l'emploi qui constitue une |
caractéristique substantielle de la fonction statutaire. | caractéristique substantielle de la fonction statutaire. |
En faisant entrer en vigueur, au 1er janvier 2019 ou à une date | En faisant entrer en vigueur, au 1er janvier 2019 ou à une date |
antérieure à fixer par le Roi, la mesure qui met fin de plein droit à | antérieure à fixer par le Roi, la mesure qui met fin de plein droit à |
l'emploi du directeur du banc d'épreuves, le législateur a pris une | l'emploi du directeur du banc d'épreuves, le législateur a pris une |
mesure qui a des conséquences graves pour l'intéressé, sans prévoir de | mesure qui a des conséquences graves pour l'intéressé, sans prévoir de |
mesure transitoire adéquate et sans invoquer un motif impérieux | mesure transitoire adéquate et sans invoquer un motif impérieux |
d'intérêt général pour justifier le défaut de celle-ci. | d'intérêt général pour justifier le défaut de celle-ci. |
L'article 19, § 2, alinéa 2, de la loi du 8 juillet 2018 maintient la | L'article 19, § 2, alinéa 2, de la loi du 8 juillet 2018 maintient la |
partie requérante en fonction jusqu'à la désignation de son | partie requérante en fonction jusqu'à la désignation de son |
remplaçant. Cette disposition est destinée à garantir la continuité du | remplaçant. Cette disposition est destinée à garantir la continuité du |
service public, mais ne constitue pas, pour la partie requérante, une | service public, mais ne constitue pas, pour la partie requérante, une |
mesure transitoire adéquate eu égard au caractère permanent de | mesure transitoire adéquate eu égard au caractère permanent de |
l'emploi, qui constitue une caractéristique substantielle de la | l'emploi, qui constitue une caractéristique substantielle de la |
fonction statutaire. Elle ne remédie donc pas à l'absence d'une mesure | fonction statutaire. Elle ne remédie donc pas à l'absence d'une mesure |
transitoire adéquate. | transitoire adéquate. |
B.11.2. L'article 19, § 2, attaqué, contient dès lors une lacune en ce | B.11.2. L'article 19, § 2, attaqué, contient dès lors une lacune en ce |
qu'il met fin à l'emploi du directeur du banc d'épreuves des armes à | qu'il met fin à l'emploi du directeur du banc d'épreuves des armes à |
feu en fonction, sans prévoir de mesure transitoire adéquate à son | feu en fonction, sans prévoir de mesure transitoire adéquate à son |
égard. | égard. |
Partant, l'instauration du nouveau régime n'est pas suffisamment | Partant, l'instauration du nouveau régime n'est pas suffisamment |
prévisible et porte atteinte aux attentes légitimes de la partie | prévisible et porte atteinte aux attentes légitimes de la partie |
requérante. | requérante. |
B.12. Dans le cadre limité de l'examen auquel la Cour a pu procéder | B.12. Dans le cadre limité de l'examen auquel la Cour a pu procéder |
lors du traitement de la demande de suspension, le premier moyen, pris | lors du traitement de la demande de suspension, le premier moyen, pris |
de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés | de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés |
avec le principe de la sécurité juridique et de la confiance, doit | avec le principe de la sécurité juridique et de la confiance, doit |
être considéré comme sérieux au sens de l'article 20, 1°, de la loi | être considéré comme sérieux au sens de l'article 20, 1°, de la loi |
spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, mais | spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, mais |
uniquement dans la mesure précisée au B.11.2. | uniquement dans la mesure précisée au B.11.2. |
Quant au risque de préjudice grave difficilement réparable | Quant au risque de préjudice grave difficilement réparable |
B.13. La suspension par la Cour d'une disposition législative doit | B.13. La suspension par la Cour d'une disposition législative doit |
permettre d'éviter que l'application immédiate des normes attaquées | permettre d'éviter que l'application immédiate des normes attaquées |
cause aux parties requérantes un préjudice grave qui ne pourrait être | cause aux parties requérantes un préjudice grave qui ne pourrait être |
réparé ou qui pourrait difficilement l'être en cas d'annulation de ces | réparé ou qui pourrait difficilement l'être en cas d'annulation de ces |
normes. | normes. |
B.14. Comme il est dit en B.2.3, la loi attaquée entre en vigueur le 1er | B.14. Comme il est dit en B.2.3, la loi attaquée entre en vigueur le 1er |
janvier 2019 ou à une date antérieure à fixer par le Roi. L'article | janvier 2019 ou à une date antérieure à fixer par le Roi. L'article |
19, § 2, alinéa 2, attaqué, prévoit que la partie requérante | 19, § 2, alinéa 2, attaqué, prévoit que la partie requérante |
continuera toutefois à exercer son mandat jusqu'à ce qu'il soit pourvu | continuera toutefois à exercer son mandat jusqu'à ce qu'il soit pourvu |
à son remplacement. | à son remplacement. |
Il en résulte que la partie requérante peut à tout moment, dès la date | Il en résulte que la partie requérante peut à tout moment, dès la date |
prescrite, être privée de son activité professionnelle, ce qui | prescrite, être privée de son activité professionnelle, ce qui |
constitue un risque de préjudice grave qui ne pourrait être que | constitue un risque de préjudice grave qui ne pourrait être que |
difficilement réparé par une annulation ultérieure. | difficilement réparé par une annulation ultérieure. |
B.15. Il découle de ce qui précède que le risque de préjudice grave et | B.15. Il découle de ce qui précède que le risque de préjudice grave et |
difficilement réparable est établi et que, partant, les conditions | difficilement réparable est établi et que, partant, les conditions |
sont remplies pour la suspension de l'article 19, § 2, de la loi | sont remplies pour la suspension de l'article 19, § 2, de la loi |
attaquée, en ce qu'il vise le directeur du banc d'épreuves des armes à | attaquée, en ce qu'il vise le directeur du banc d'épreuves des armes à |
feu sans prévoir de disposition transitoire adéquate. | feu sans prévoir de disposition transitoire adéquate. |
Par ces motifs, | Par ces motifs, |
la Cour | la Cour |
- suspend l'article 19, § 2, de la loi du 8 juillet 2018 portant des | - suspend l'article 19, § 2, de la loi du 8 juillet 2018 portant des |
dispositions diverses sur le banc d'épreuves des armes à feu, en ce | dispositions diverses sur le banc d'épreuves des armes à feu, en ce |
qu'il vise le directeur du banc d'épreuves des armes à feu sans | qu'il vise le directeur du banc d'épreuves des armes à feu sans |
prévoir de disposition transitoire adéquate; | prévoir de disposition transitoire adéquate; |
- rejette la demande de suspension pour le surplus. | - rejette la demande de suspension pour le surplus. |
Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue | Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue |
allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier | allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier |
1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 décembre 2018. | 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 décembre 2018. |
Le greffier, Le président, | Le greffier, Le président, |
F. Meersschaut F. Daoût | F. Meersschaut F. Daoût |