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Extrait de l'arrêt n o 183/2018 du 19 décembre 2018 Numéro du rôle : 7020 En cause : la demande de suspension des mots « du directeur du banc d'épreuves » dans l'article 19, § 2, de la loi du 8 juillet 2018 portant des disposit La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen(...) Extrait de l'arrêt n o 183/2018 du 19 décembre 2018 Numéro du rôle : 7020 En cause : la demande de suspension des mots « du directeur du banc d'épreuves » dans l'article 19, § 2, de la loi du 8 juillet 2018 portant des disposit La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt no 183/2018 du 19 décembre 2018 Extrait de l'arrêt no 183/2018 du 19 décembre 2018
Numéro du rôle : 7020 Numéro du rôle : 7020
En cause : la demande de suspension des mots « du directeur du banc En cause : la demande de suspension des mots « du directeur du banc
d'épreuves » dans l'article 19, § 2, de la loi du 8 juillet 2018 d'épreuves » dans l'article 19, § 2, de la loi du 8 juillet 2018
portant des dispositions diverses sur le banc d'épreuves des armes à portant des dispositions diverses sur le banc d'épreuves des armes à
feu, ainsi que de l'article 8 de la même loi, introduite par Jean-Luc feu, ainsi que de l'article 8 de la même loi, introduite par Jean-Luc
Stassen. Stassen.
La Cour constitutionnelle, La Cour constitutionnelle,
composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen,
J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P.
Nihoul, R. Leysen et M. Pâques, assistée du greffier F. Meersschaut, Nihoul, R. Leysen et M. Pâques, assistée du greffier F. Meersschaut,
présidée par le président F. Daoût, présidée par le président F. Daoût,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet de la demande et procédure I. Objet de la demande et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 8 Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 8
octobre 2018 et parvenue au greffe le 11 octobre 2018, Jean-Luc octobre 2018 et parvenue au greffe le 11 octobre 2018, Jean-Luc
Stassen, assisté et représenté par Me E. Lemmens, avocat au barreau de Stassen, assisté et représenté par Me E. Lemmens, avocat au barreau de
Liège, a introduit une demande de suspension des mots « du directeur Liège, a introduit une demande de suspension des mots « du directeur
du banc d'épreuves » dans l'article 19, § 2, de la loi du 8 juillet du banc d'épreuves » dans l'article 19, § 2, de la loi du 8 juillet
2018 portant des dispositions diverses sur le banc d'épreuves des 2018 portant des dispositions diverses sur le banc d'épreuves des
armes à feu, ainsi que de l'article 8 de la même loi (publiée au armes à feu, ainsi que de l'article 8 de la même loi (publiée au
Moniteur belge du 17 juillet 2018). Moniteur belge du 17 juillet 2018).
Par requête séparée, la partie requérante demande également Par requête séparée, la partie requérante demande également
l'annulation des mêmes dispositions légales. l'annulation des mêmes dispositions légales.
(...) (...)
II. En droit II. En droit
(...) (...)
Quant aux dispositions attaquées Quant aux dispositions attaquées
B.1. La partie requérante demande la suspension des mots « du B.1. La partie requérante demande la suspension des mots « du
directeur du banc d'épreuves » figurant dans l'article 19, § 2, de la directeur du banc d'épreuves » figurant dans l'article 19, § 2, de la
loi du 8 juillet 2018 portant des dispositions diverses sur le banc loi du 8 juillet 2018 portant des dispositions diverses sur le banc
d'épreuves des armes à feu (ci-après : la loi du 8 juillet 2018) et, d'épreuves des armes à feu (ci-après : la loi du 8 juillet 2018) et,
pour autant que de besoin, de l'article 8 de la même loi. pour autant que de besoin, de l'article 8 de la même loi.
B.2.1. L'article 19, § 2, attaqué, relève des dispositions finales, B.2.1. L'article 19, § 2, attaqué, relève des dispositions finales,
contenues dans le chapitre 6 de la loi. Il dispose : contenues dans le chapitre 6 de la loi. Il dispose :
« Il est mis fin de plein droit aux mandats du directeur du banc « Il est mis fin de plein droit aux mandats du directeur du banc
d'épreuves, du président, du vice-président et des syndics de la d'épreuves, du président, du vice-président et des syndics de la
commission administrative qui sont en fonction lors de l'entrée en commission administrative qui sont en fonction lors de l'entrée en
vigueur de la présente loi. vigueur de la présente loi.
Ils continuent à exercer leur mandat jusqu'à ce qu'il soit pourvu à Ils continuent à exercer leur mandat jusqu'à ce qu'il soit pourvu à
leur remplacement ». leur remplacement ».
B.2.2. L'article 8 de la loi attaquée compte parmi les dispositions B.2.2. L'article 8 de la loi attaquée compte parmi les dispositions
relatives au directeur du banc d'épreuves contenues dans le chapitre 3 relatives au directeur du banc d'épreuves contenues dans le chapitre 3
de cette même loi : de cette même loi :
« CHAPITRE 3. - Le directeur « CHAPITRE 3. - Le directeur

Art. 7.Le directeur du banc d'épreuves est nommé par le Roi, et peut

Art. 7.Le directeur du banc d'épreuves est nommé par le Roi, et peut

être démis par Lui. être démis par Lui.
Le Roi fixe la procédure de nomination, d'évaluation, de suspension et Le Roi fixe la procédure de nomination, d'évaluation, de suspension et
de la fin du mandat du directeur. de la fin du mandat du directeur.

Art. 8.Le directeur est nommé pour une période de six ans. Le mandat

Art. 8.Le directeur est nommé pour une période de six ans. Le mandat

est renouvelable après un avis favorable du Conseil d'administration. est renouvelable après un avis favorable du Conseil d'administration.

Art. 9.Le directeur est responsable de la gestion journalière du banc

Art. 9.Le directeur est responsable de la gestion journalière du banc

d'épreuves et pose toutes les actions nécessaires ou utiles pour d'épreuves et pose toutes les actions nécessaires ou utiles pour
l'exécution de ses missions, et peut à cet effet conclure des l'exécution de ses missions, et peut à cet effet conclure des
engagements. engagements.
Le directeur est soumis au contrôle du Conseil d'administration ». Le directeur est soumis au contrôle du Conseil d'administration ».
B.2.3. D'après l'article 20 de la loi attaquée, celle-ci entre en B.2.3. D'après l'article 20 de la loi attaquée, celle-ci entre en
vigueur le 1er janvier 2019, sauf si le Roi fixe une date antérieure. vigueur le 1er janvier 2019, sauf si le Roi fixe une date antérieure.
B.3.1. Par la loi du 8 juillet 2018, le législateur entendait B.3.1. Par la loi du 8 juillet 2018, le législateur entendait
remplacer le cadre obsolète établi par la loi du 24 mai 1888 portant remplacer le cadre obsolète établi par la loi du 24 mai 1888 portant
réglementation de la situation du banc d'épreuves des armes à feu réglementation de la situation du banc d'épreuves des armes à feu
établi à Liège, au moyen d'une révision complète et profonde de ce établi à Liège, au moyen d'une révision complète et profonde de ce
cadre réglementaire, en revoyant la structure de gestion et cadre réglementaire, en revoyant la structure de gestion et
l'organisation d'une manière qui bénéficie au fonctionnement interne l'organisation d'une manière qui bénéficie au fonctionnement interne
du banc d'épreuves, à son fonctionnement vis-à-vis des tiers et à la du banc d'épreuves, à son fonctionnement vis-à-vis des tiers et à la
prestation de services du banc (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC prestation de services du banc (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC
54-3111/001, p. 4). 54-3111/001, p. 4).
L'exposé des motifs mentionne : L'exposé des motifs mentionne :
« Alors que la loi de 1888 prescrit que le conseil d'administration du « Alors que la loi de 1888 prescrit que le conseil d'administration du
banc d'épreuves est composé d'un président et de six syndics, le banc d'épreuves est composé d'un président et de six syndics, le
bourgmestre de Liège étant de droit président du conseil bourgmestre de Liège étant de droit président du conseil
d'administration, ce point a été entièrement révisé, vu le contexte d'administration, ce point a été entièrement révisé, vu le contexte
changeant. En outre, la loi de 1888 prescrit que le directeur du banc changeant. En outre, la loi de 1888 prescrit que le directeur du banc
d'épreuves soit nommé par le Roi, à partir d'une liste établie par les d'épreuves soit nommé par le Roi, à partir d'une liste établie par les
fabricants d'armes. Cette règle est également abandonnée. fabricants d'armes. Cette règle est également abandonnée.
Le présent projet de loi propose une structure interne du banc Le présent projet de loi propose une structure interne du banc
d'épreuves entièrement nouvelle. Les organes du banc d'épreuves seront d'épreuves entièrement nouvelle. Les organes du banc d'épreuves seront
un conseil d'administration et un directeur. Le directeur ne fera pas un conseil d'administration et un directeur. Le directeur ne fera pas
partie du conseil d'administration. Il s'agit donc de deux organes partie du conseil d'administration. Il s'agit donc de deux organes
distincts et indépendants. distincts et indépendants.
[...] [...]
Le directeur, qui sera chargé de la gestion journalière du banc Le directeur, qui sera chargé de la gestion journalière du banc
d'épreuves, sera nommé par le Roi. La procédure qui précède sa d'épreuves, sera nommé par le Roi. La procédure qui précède sa
nomination sera encore déterminée par le Roi. Contrairement à ce qui nomination sera encore déterminée par le Roi. Contrairement à ce qui
est le cas suivant les dispositions de la loi de 1888, la nomination est le cas suivant les dispositions de la loi de 1888, la nomination
du directeur sur la base d'une liste établie par les fabricants du directeur sur la base d'une liste établie par les fabricants
d'armes, n'est donc pas retenue. Tout ceci vise à mieux pouvoir d'armes, n'est donc pas retenue. Tout ceci vise à mieux pouvoir
garantir la transparence et l'indépendance dans le cadre de la garantir la transparence et l'indépendance dans le cadre de la
nomination du directeur et du fonctionnement du banc d'épreuves en nomination du directeur et du fonctionnement du banc d'épreuves en
général » (ibid., pp. 5 et 6). général » (ibid., pp. 5 et 6).
B.3.2. Les dispositions relatives au directeur ont été justifiées B.3.2. Les dispositions relatives au directeur ont été justifiées
comme suit : comme suit :
« Contrairement à ce qui est le cas maintenant, le directeur du banc « Contrairement à ce qui est le cas maintenant, le directeur du banc
d'épreuves ne sera plus nommé sur proposition de ce qu'on appelle les d'épreuves ne sera plus nommé sur proposition de ce qu'on appelle les
maîtres d'armes. Mais ce sera encore le Roi qui règlera la procédure maîtres d'armes. Mais ce sera encore le Roi qui règlera la procédure
complète par arrêté d'exécution, et pourra nommer et démettre le complète par arrêté d'exécution, et pourra nommer et démettre le
directeur, toutefois, ce sera d'une manière à poser l'indépendance directeur, toutefois, ce sera d'une manière à poser l'indépendance
comme principe. Le mandat de 6 ans du directeur, pourra alors être comme principe. Le mandat de 6 ans du directeur, pourra alors être
renouvelé quand le conseil d'administration donnera un avis favorable renouvelé quand le conseil d'administration donnera un avis favorable
pour ce renouvellement. [...] » (ibid., p. 12). pour ce renouvellement. [...] » (ibid., p. 12).
B.3.3. L'article 19, § 2, attaqué a été introduit par la voie de B.3.3. L'article 19, § 2, attaqué a été introduit par la voie de
l'amendement n° 1, justifié comme suit : l'amendement n° 1, justifié comme suit :
« Le projet de loi relatif au banc d'épreuves des armes à feu modifie « Le projet de loi relatif au banc d'épreuves des armes à feu modifie
la composition du conseil d'administration. Un nouveau directeur devra la composition du conseil d'administration. Un nouveau directeur devra
être nommé sur la base d'un arrêté d'exécution de l'article 7. Tous être nommé sur la base d'un arrêté d'exécution de l'article 7. Tous
les mandats devront donc être redistribués. les mandats devront donc être redistribués.
Il convient de garantir la continuité et d'éviter au maximum Il convient de garantir la continuité et d'éviter au maximum
l'apparition de discussions et de contestations avec les mandataires l'apparition de discussions et de contestations avec les mandataires
actuels » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-3111/002, p. 2). actuels » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-3111/002, p. 2).
Cet amendement a été adopté à l'unanimité au sein de la commission Cet amendement a été adopté à l'unanimité au sein de la commission
compétente (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-3111/003, p. 11). compétente (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-3111/003, p. 11).
Quant aux conditions de la suspension Quant aux conditions de la suspension
B.4. Aux termes de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier B.4. Aux termes de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier
1989 sur la Cour constitutionnelle, deux conditions de fond doivent 1989 sur la Cour constitutionnelle, deux conditions de fond doivent
être remplies pour que la suspension puisse être décidée : être remplies pour que la suspension puisse être décidée :
- des moyens sérieux doivent être invoqués; - des moyens sérieux doivent être invoqués;
- l'exécution immédiate de la règle attaquée doit risquer de causer un - l'exécution immédiate de la règle attaquée doit risquer de causer un
préjudice grave difficilement réparable. préjudice grave difficilement réparable.
Les deux conditions étant cumulatives, la constatation que l'une de Les deux conditions étant cumulatives, la constatation que l'une de
ces deux conditions n'est pas remplie entraîne le rejet de la demande ces deux conditions n'est pas remplie entraîne le rejet de la demande
de suspension. de suspension.
Quant au caractère sérieux des moyens Quant au caractère sérieux des moyens
B.5. Le moyen sérieux ne se confond pas avec le moyen fondé. B.5. Le moyen sérieux ne se confond pas avec le moyen fondé.
Pour qu'un moyen soit considéré comme sérieux au sens de l'article 20, Pour qu'un moyen soit considéré comme sérieux au sens de l'article 20,
1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour
constitutionnelle, il ne suffit pas qu'il ne soit pas manifestement constitutionnelle, il ne suffit pas qu'il ne soit pas manifestement
non fondé au sens de l'article 72, mais il faut aussi qu'il revête une non fondé au sens de l'article 72, mais il faut aussi qu'il revête une
apparence de fondement au terme d'un premier examen des éléments dont apparence de fondement au terme d'un premier examen des éléments dont
la Cour dispose à ce stade de la procédure. la Cour dispose à ce stade de la procédure.
B.6. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 B.6. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10 et 11
de la Constitution, combinés avec le principe de la séparation des de la Constitution, combinés avec le principe de la séparation des
pouvoirs. pouvoirs.
La partie requérante précise qu'elle tient sa fonction de directeur du La partie requérante précise qu'elle tient sa fonction de directeur du
banc d'épreuves non d'un mandat mais d'une nomination par le Roi en banc d'épreuves non d'un mandat mais d'une nomination par le Roi en
vertu de l'arrêté royal du 10 février 2004 nommant le Directeur du vertu de l'arrêté royal du 10 février 2004 nommant le Directeur du
Banc d'épreuves des armes à feu (Moniteur belge du 5 mars 2004). Banc d'épreuves des armes à feu (Moniteur belge du 5 mars 2004).
Elle soutient que l'article 19, § 2, de la loi du 8 juillet 2018 met Elle soutient que l'article 19, § 2, de la loi du 8 juillet 2018 met
fin de plein droit à son emploi, alors qu'il s'agirait d'une décision fin de plein droit à son emploi, alors qu'il s'agirait d'une décision
relevant exclusivement de la compétence du pouvoir exécutif. Une relevant exclusivement de la compétence du pouvoir exécutif. Une
différence de traitement serait ainsi établie entre, d'une part, les différence de traitement serait ainsi établie entre, d'une part, les
fonctionnaires statutaires nommés par le Roi, le pouvoir exécutif fonctionnaires statutaires nommés par le Roi, le pouvoir exécutif
décidant de mettre fin à leurs fonctions ou de les sanctionner au décidant de mettre fin à leurs fonctions ou de les sanctionner au
terme d'une procédure spécifique dans le respect des garanties terme d'une procédure spécifique dans le respect des garanties
procédurales applicables et, d'autre part, la partie requérante procédurales applicables et, d'autre part, la partie requérante
elle-même, à la fonction de laquelle une norme législative met fin, elle-même, à la fonction de laquelle une norme législative met fin,
indépendamment de toute procédure quelconque, alors que le législateur indépendamment de toute procédure quelconque, alors que le législateur
ne serait pas compétent pour ce faire. ne serait pas compétent pour ce faire.
La partie requérante soutient également que si l'objectif du La partie requérante soutient également que si l'objectif du
législateur était de garantir la continuité de l'institution et législateur était de garantir la continuité de l'institution et
d'éviter les risques de contestation, des mesures transitoires d'éviter les risques de contestation, des mesures transitoires
auraient dû être adoptées afin de prévoir son maintien au poste de auraient dû être adoptées afin de prévoir son maintien au poste de
directeur du banc d'épreuves jusqu'à ce qu'elle n'occupe plus cette directeur du banc d'épreuves jusqu'à ce qu'elle n'occupe plus cette
fonction. fonction.
B.7.1. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.3 que le B.7.1. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.3 que le
législateur entendait procéder à une révision complète et profonde de législateur entendait procéder à une révision complète et profonde de
la loi relative au banc d'épreuves des armes à feu, devenue obsolète, la loi relative au banc d'épreuves des armes à feu, devenue obsolète,
notamment par une révision de la structure de gestion et de notamment par une révision de la structure de gestion et de
l'organisation de l'institution. l'organisation de l'institution.
B.7.2. L'article 3 de la loi du 24 mai 1888 portant réglementation de B.7.2. L'article 3 de la loi du 24 mai 1888 portant réglementation de
la situation du banc d'épreuves des armes à feu établi à Liège dispose la situation du banc d'épreuves des armes à feu établi à Liège dispose
que « le directeur est nommé par le Roi sur la présentation d'une que « le directeur est nommé par le Roi sur la présentation d'une
liste de trois candidats ». Il ressort du règlement général du banc liste de trois candidats ». Il ressort du règlement général du banc
d'épreuves des armes à feu établi à Liège, approuvé par l'arrêté royal d'épreuves des armes à feu établi à Liège, approuvé par l'arrêté royal
du 30 juin 1924 portant règlement général du banc d'épreuves des armes du 30 juin 1924 portant règlement général du banc d'épreuves des armes
à feu établi à Liège, que le directeur du banc d'épreuves a rang de à feu établi à Liège, que le directeur du banc d'épreuves a rang de
directeur à l'administration centrale du ministère de l'Industrie et directeur à l'administration centrale du ministère de l'Industrie et
du Travail, qu'il peut, après quinze années de fonctions, sur du Travail, qu'il peut, après quinze années de fonctions, sur
proposition du ministre de l'Industrie, du Travail et de la Prévoyance proposition du ministre de l'Industrie, du Travail et de la Prévoyance
sociale, être assimilé aux directeurs généraux, que son traitement sociale, être assimilé aux directeurs généraux, que son traitement
annuel « est fixé au maximum du traitement d'un directeur de annuel « est fixé au maximum du traitement d'un directeur de
l'administration centrale », que ce traitement « ne peut en aucune l'administration centrale », que ce traitement « ne peut en aucune
façon, directement ou indirectement, être modifié par décision de la façon, directement ou indirectement, être modifié par décision de la
commission administrative » et qu'il est « lié aux fluctuations de commission administrative » et qu'il est « lié aux fluctuations de
l'indice général des prix de détail du Royaume, conformément aux l'indice général des prix de détail du Royaume, conformément aux
modalités fixées par la loi du 12 avril 1960 unifiant les divers modalités fixées par la loi du 12 avril 1960 unifiant les divers
régimes de liaison à l'indice des prix de détail ». régimes de liaison à l'indice des prix de détail ».
A ce stade de l'examen de la demande de suspension, ces éléments A ce stade de l'examen de la demande de suspension, ces éléments
indiquent que la partie requérante, nommée directeur du banc indiquent que la partie requérante, nommée directeur du banc
d'épreuves des armes à feu par un arrêté royal du 10 février 2004, est d'épreuves des armes à feu par un arrêté royal du 10 février 2004, est
un agent en situation juridique statutaire. un agent en situation juridique statutaire.
B.7.3. L'article 19, § 2, de la loi du 8 juillet 2018, met fin de B.7.3. L'article 19, § 2, de la loi du 8 juillet 2018, met fin de
plein droit au « mandat » du directeur, dès l'entrée en vigueur de plein droit au « mandat » du directeur, dès l'entrée en vigueur de
ladite loi, à savoir le 1er janvier 2019 ou à une date antérieure à ladite loi, à savoir le 1er janvier 2019 ou à une date antérieure à
fixer par le Roi, mais prévoit que le directeur continuera à exercer fixer par le Roi, mais prévoit que le directeur continuera à exercer
son « mandat » jusqu'à ce qu'il soit pourvu à son remplacement selon son « mandat » jusqu'à ce qu'il soit pourvu à son remplacement selon
les règles prescrites par les articles 7 et 8 de la loi. les règles prescrites par les articles 7 et 8 de la loi.
Cette disposition met fin à l'emploi de la partie requérante au 1er Cette disposition met fin à l'emploi de la partie requérante au 1er
janvier 2019 ou à une date antérieure à fixer par le Roi. La partie janvier 2019 ou à une date antérieure à fixer par le Roi. La partie
requérante est cependant maintenue dans la fonction de directeur requérante est cependant maintenue dans la fonction de directeur
jusqu'à la désignation du titulaire du mandat de directeur selon les jusqu'à la désignation du titulaire du mandat de directeur selon les
règles établies aux articles 7 et 8 de la même loi. règles établies aux articles 7 et 8 de la même loi.
B.8.1. A peine de rendre impossible toute modification législative ou B.8.1. A peine de rendre impossible toute modification législative ou
toute réglementation entièrement nouvelle, il ne peut être soutenu toute réglementation entièrement nouvelle, il ne peut être soutenu
qu'une disposition nouvelle serait contraire aux articles 10 et 11 de qu'une disposition nouvelle serait contraire aux articles 10 et 11 de
la Constitution par cela seul qu'elle modifie les conditions la Constitution par cela seul qu'elle modifie les conditions
d'application de la législation ancienne. d'application de la législation ancienne.
B.8.2. Si le législateur estime qu'un changement de politique B.8.2. Si le législateur estime qu'un changement de politique
s'impose, il peut décider de lui donner un effet immédiat et, en s'impose, il peut décider de lui donner un effet immédiat et, en
principe, il n'est pas tenu de prévoir un régime transitoire. Les principe, il n'est pas tenu de prévoir un régime transitoire. Les
articles 10 et 11 de la Constitution ne sont violés que si l'absence articles 10 et 11 de la Constitution ne sont violés que si l'absence
d'une mesure transitoire entraîne une différence de traitement qui d'une mesure transitoire entraîne une différence de traitement qui
n'est pas susceptible de justification raisonnable ou s'il est porté n'est pas susceptible de justification raisonnable ou s'il est porté
une atteinte excessive au principe de la confiance légitime. Ce une atteinte excessive au principe de la confiance légitime. Ce
principe est étroitement lié au principe de la sécurité juridique, qui principe est étroitement lié au principe de la sécurité juridique, qui
interdit au législateur de porter atteinte, sans justification interdit au législateur de porter atteinte, sans justification
objective et raisonnable, à l'intérêt que possèdent les sujets de objective et raisonnable, à l'intérêt que possèdent les sujets de
droit d'être en mesure de prévoir les conséquences juridiques de leurs droit d'être en mesure de prévoir les conséquences juridiques de leurs
actes. actes.
B.9. En l'espèce, s'agissant d'un organisme d'intérêt public, le B.9. En l'espèce, s'agissant d'un organisme d'intérêt public, le
législateur a pu décider de régler lui-même une matière qu'il a législateur a pu décider de régler lui-même une matière qu'il a
attribuée au Roi et que la Constitution ne Lui a pas réservée, en attribuée au Roi et que la Constitution ne Lui a pas réservée, en
prévoyant de remplacer le régime de nomination du directeur du banc prévoyant de remplacer le régime de nomination du directeur du banc
d'épreuves jusqu'alors en vigueur par un système de mandat de six ans d'épreuves jusqu'alors en vigueur par un système de mandat de six ans
renouvelable, selon la procédure à fixer par un arrêté royal renouvelable, selon la procédure à fixer par un arrêté royal
d'exécution. d'exécution.
Il s'ensuit que le moyen n'est pas sérieux en ce qu'il est dirigé Il s'ensuit que le moyen n'est pas sérieux en ce qu'il est dirigé
contre l'article 8 de la loi du 8 juillet 2018. contre l'article 8 de la loi du 8 juillet 2018.
B.10. La Cour doit toutefois examiner si, en mettant fin de plein B.10. La Cour doit toutefois examiner si, en mettant fin de plein
droit à l'emploi de la partie requérante, compte tenu de l'objectif droit à l'emploi de la partie requérante, compte tenu de l'objectif
qu'il entendait poursuivre, le législateur n'a pas porté atteinte de qu'il entendait poursuivre, le législateur n'a pas porté atteinte de
manière déraisonnable aux droits de l'intéressé, en ne prévoyant manière déraisonnable aux droits de l'intéressé, en ne prévoyant
aucune disposition transitoire. aucune disposition transitoire.
B.11.1. En l'espèce, l'article 19, § 2, attaqué, est justifié par le B.11.1. En l'espèce, l'article 19, § 2, attaqué, est justifié par le
seul souci de garantir la continuité et d'éviter au maximum seul souci de garantir la continuité et d'éviter au maximum
l'apparition de discussions et de contestations avec les mandataires l'apparition de discussions et de contestations avec les mandataires
actuels. actuels.
En tant qu'agent statutaire, la partie requérante doit admettre que sa En tant qu'agent statutaire, la partie requérante doit admettre que sa
fonction ou des éléments de son statut puissent être modifiés fonction ou des éléments de son statut puissent être modifiés
unilatéralement par application de la « loi du changement ». Elle peut unilatéralement par application de la « loi du changement ». Elle peut
toutefois s'attendre, dans le cas de la modification ou de la toutefois s'attendre, dans le cas de la modification ou de la
suppression de sa fonction, à ce que des dispositions transitoires suppression de sa fonction, à ce que des dispositions transitoires
adéquates soient prises, comme, le cas échéant, le transfert dans une adéquates soient prises, comme, le cas échéant, le transfert dans une
autre fonction, un autre service ou une autre institution, afin de autre fonction, un autre service ou une autre institution, afin de
tenir compte du caractère permanent de l'emploi qui constitue une tenir compte du caractère permanent de l'emploi qui constitue une
caractéristique substantielle de la fonction statutaire. caractéristique substantielle de la fonction statutaire.
En faisant entrer en vigueur, au 1er janvier 2019 ou à une date En faisant entrer en vigueur, au 1er janvier 2019 ou à une date
antérieure à fixer par le Roi, la mesure qui met fin de plein droit à antérieure à fixer par le Roi, la mesure qui met fin de plein droit à
l'emploi du directeur du banc d'épreuves, le législateur a pris une l'emploi du directeur du banc d'épreuves, le législateur a pris une
mesure qui a des conséquences graves pour l'intéressé, sans prévoir de mesure qui a des conséquences graves pour l'intéressé, sans prévoir de
mesure transitoire adéquate et sans invoquer un motif impérieux mesure transitoire adéquate et sans invoquer un motif impérieux
d'intérêt général pour justifier le défaut de celle-ci. d'intérêt général pour justifier le défaut de celle-ci.
L'article 19, § 2, alinéa 2, de la loi du 8 juillet 2018 maintient la L'article 19, § 2, alinéa 2, de la loi du 8 juillet 2018 maintient la
partie requérante en fonction jusqu'à la désignation de son partie requérante en fonction jusqu'à la désignation de son
remplaçant. Cette disposition est destinée à garantir la continuité du remplaçant. Cette disposition est destinée à garantir la continuité du
service public, mais ne constitue pas, pour la partie requérante, une service public, mais ne constitue pas, pour la partie requérante, une
mesure transitoire adéquate eu égard au caractère permanent de mesure transitoire adéquate eu égard au caractère permanent de
l'emploi, qui constitue une caractéristique substantielle de la l'emploi, qui constitue une caractéristique substantielle de la
fonction statutaire. Elle ne remédie donc pas à l'absence d'une mesure fonction statutaire. Elle ne remédie donc pas à l'absence d'une mesure
transitoire adéquate. transitoire adéquate.
B.11.2. L'article 19, § 2, attaqué, contient dès lors une lacune en ce B.11.2. L'article 19, § 2, attaqué, contient dès lors une lacune en ce
qu'il met fin à l'emploi du directeur du banc d'épreuves des armes à qu'il met fin à l'emploi du directeur du banc d'épreuves des armes à
feu en fonction, sans prévoir de mesure transitoire adéquate à son feu en fonction, sans prévoir de mesure transitoire adéquate à son
égard. égard.
Partant, l'instauration du nouveau régime n'est pas suffisamment Partant, l'instauration du nouveau régime n'est pas suffisamment
prévisible et porte atteinte aux attentes légitimes de la partie prévisible et porte atteinte aux attentes légitimes de la partie
requérante. requérante.
B.12. Dans le cadre limité de l'examen auquel la Cour a pu procéder B.12. Dans le cadre limité de l'examen auquel la Cour a pu procéder
lors du traitement de la demande de suspension, le premier moyen, pris lors du traitement de la demande de suspension, le premier moyen, pris
de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés
avec le principe de la sécurité juridique et de la confiance, doit avec le principe de la sécurité juridique et de la confiance, doit
être considéré comme sérieux au sens de l'article 20, 1°, de la loi être considéré comme sérieux au sens de l'article 20, 1°, de la loi
spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, mais spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, mais
uniquement dans la mesure précisée au B.11.2. uniquement dans la mesure précisée au B.11.2.
Quant au risque de préjudice grave difficilement réparable Quant au risque de préjudice grave difficilement réparable
B.13. La suspension par la Cour d'une disposition législative doit B.13. La suspension par la Cour d'une disposition législative doit
permettre d'éviter que l'application immédiate des normes attaquées permettre d'éviter que l'application immédiate des normes attaquées
cause aux parties requérantes un préjudice grave qui ne pourrait être cause aux parties requérantes un préjudice grave qui ne pourrait être
réparé ou qui pourrait difficilement l'être en cas d'annulation de ces réparé ou qui pourrait difficilement l'être en cas d'annulation de ces
normes. normes.
B.14. Comme il est dit en B.2.3, la loi attaquée entre en vigueur le 1er B.14. Comme il est dit en B.2.3, la loi attaquée entre en vigueur le 1er
janvier 2019 ou à une date antérieure à fixer par le Roi. L'article janvier 2019 ou à une date antérieure à fixer par le Roi. L'article
19, § 2, alinéa 2, attaqué, prévoit que la partie requérante 19, § 2, alinéa 2, attaqué, prévoit que la partie requérante
continuera toutefois à exercer son mandat jusqu'à ce qu'il soit pourvu continuera toutefois à exercer son mandat jusqu'à ce qu'il soit pourvu
à son remplacement. à son remplacement.
Il en résulte que la partie requérante peut à tout moment, dès la date Il en résulte que la partie requérante peut à tout moment, dès la date
prescrite, être privée de son activité professionnelle, ce qui prescrite, être privée de son activité professionnelle, ce qui
constitue un risque de préjudice grave qui ne pourrait être que constitue un risque de préjudice grave qui ne pourrait être que
difficilement réparé par une annulation ultérieure. difficilement réparé par une annulation ultérieure.
B.15. Il découle de ce qui précède que le risque de préjudice grave et B.15. Il découle de ce qui précède que le risque de préjudice grave et
difficilement réparable est établi et que, partant, les conditions difficilement réparable est établi et que, partant, les conditions
sont remplies pour la suspension de l'article 19, § 2, de la loi sont remplies pour la suspension de l'article 19, § 2, de la loi
attaquée, en ce qu'il vise le directeur du banc d'épreuves des armes à attaquée, en ce qu'il vise le directeur du banc d'épreuves des armes à
feu sans prévoir de disposition transitoire adéquate. feu sans prévoir de disposition transitoire adéquate.
Par ces motifs, Par ces motifs,
la Cour la Cour
- suspend l'article 19, § 2, de la loi du 8 juillet 2018 portant des - suspend l'article 19, § 2, de la loi du 8 juillet 2018 portant des
dispositions diverses sur le banc d'épreuves des armes à feu, en ce dispositions diverses sur le banc d'épreuves des armes à feu, en ce
qu'il vise le directeur du banc d'épreuves des armes à feu sans qu'il vise le directeur du banc d'épreuves des armes à feu sans
prévoir de disposition transitoire adéquate; prévoir de disposition transitoire adéquate;
- rejette la demande de suspension pour le surplus. - rejette la demande de suspension pour le surplus.
Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue
allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier
1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 décembre 2018. 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 décembre 2018.
Le greffier, Le président, Le greffier, Le président,
F. Meersschaut F. Daoût F. Meersschaut F. Daoût
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