Etaamb.openjustice.be
Vue multilingue de Arrêt du --
← Retour vers "Extrait de l'arrêt n° 10/2015 du 28 janvier 2015 Numéro du rôle : 5823 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 2, 3 et 16 de la loi du 17 mars 2013 « modifiant le Code judiciaire et la loi du 17 mai 2006 relative au st La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De G(...)"
Extrait de l'arrêt n° 10/2015 du 28 janvier 2015 Numéro du rôle : 5823 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 2, 3 et 16 de la loi du 17 mars 2013 « modifiant le Code judiciaire et la loi du 17 mai 2006 relative au st La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De G(...) Extrait de l'arrêt n° 10/2015 du 28 janvier 2015 Numéro du rôle : 5823 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 2, 3 et 16 de la loi du 17 mars 2013 « modifiant le Code judiciaire et la loi du 17 mai 2006 relative au st La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De G(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 10/2015 du 28 janvier 2015 Extrait de l'arrêt n° 10/2015 du 28 janvier 2015
Numéro du rôle : 5823 Numéro du rôle : 5823
En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 2, 3 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 2, 3
et 16 de la loi du 17 mars 2013 « modifiant le Code judiciaire et la et 16 de la loi du 17 mars 2013 « modifiant le Code judiciaire et la
loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes
condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à
la victime dans le cadre des modalités de la peine », posées par le la victime dans le cadre des modalités de la peine », posées par le
Tribunal de l'application des peines de Bruxelles. Tribunal de l'application des peines de Bruxelles.
La Cour constitutionnelle, La Cour constitutionnelle,
composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De
Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T.
Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée
du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet des questions préjudicielles et procédure I. Objet des questions préjudicielles et procédure
Par jugement du 27 janvier 2014 en cause de M.D., dont l'expédition Par jugement du 27 janvier 2014 en cause de M.D., dont l'expédition
est parvenue au greffe de la Cour le 30 janvier 2014, le Tribunal de est parvenue au greffe de la Cour le 30 janvier 2014, le Tribunal de
l'application des peines de Bruxelles a posé les questions l'application des peines de Bruxelles a posé les questions
préjudicielles suivantes : préjudicielles suivantes :
1. « Les articles 2, 3 et 16 de la loi du 17 mars 2013 (modifiant 1. « Les articles 2, 3 et 16 de la loi du 17 mars 2013 (modifiant
l'article 78 du Code judiciaire, insérant un article 92bis dans le l'article 78 du Code judiciaire, insérant un article 92bis dans le
même Code et complétant l'article 54 de la loi du 17 mai 2006), pris même Code et complétant l'article 54 de la loi du 17 mai 2006), pris
isolément ou conjointement, violent-ils les articles 10 et 11 de la isolément ou conjointement, violent-ils les articles 10 et 11 de la
Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 6 de la CEDH, Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 6 de la CEDH,
en ce qu'ils requièrent que la décision d'accorder une modalité en ce qu'ils requièrent que la décision d'accorder une modalité
d'exécution de la peine à des condamnés à une peine privative de d'exécution de la peine à des condamnés à une peine privative de
liberté de trente ans ou à une peine privative de liberté à liberté de trente ans ou à une peine privative de liberté à
perpétuité, assortie d'une mise à disposition du tribunal de perpétuité, assortie d'une mise à disposition du tribunal de
l'application des peines conformément aux articles 34ter et 34quater l'application des peines conformément aux articles 34ter et 34quater
du Code pénal, soit prise à l'unanimité des voix, par une chambre du du Code pénal, soit prise à l'unanimité des voix, par une chambre du
tribunal de l'application des peines composée d'un juge au tribunal de tribunal de l'application des peines composée d'un juge au tribunal de
l'application des peines, qui préside, de deux juges au tribunal l'application des peines, qui préside, de deux juges au tribunal
correctionnel et de deux assesseurs en application des peines, l'un correctionnel et de deux assesseurs en application des peines, l'un
spécialisé en matière pénitentiaire et l'autre spécialisé en spécialisé en matière pénitentiaire et l'autre spécialisé en
réinsertion sociale, alors que la décision d'accorder une modalité réinsertion sociale, alors que la décision d'accorder une modalité
d'exécution de la peine à tous les autres condamnés à une ou plusieurs d'exécution de la peine à tous les autres condamnés à une ou plusieurs
peine(s) privative(s) de liberté de plus de trois ans est prise à la peine(s) privative(s) de liberté de plus de trois ans est prise à la
majorité absolue des voix par une chambre du tribunal de l'application majorité absolue des voix par une chambre du tribunal de l'application
des peines composée d'un juge au tribunal de l'application des peines, des peines composée d'un juge au tribunal de l'application des peines,
qui préside, et de deux assesseurs en application des peines, l'un qui préside, et de deux assesseurs en application des peines, l'un
spécialisé en matière pénitentiaire et l'autre spécialisé en spécialisé en matière pénitentiaire et l'autre spécialisé en
réinsertion sociale ? »; réinsertion sociale ? »;
2. « Les articles 2, 3 et 16 de la loi du 17 mars 2013 (modifiant 2. « Les articles 2, 3 et 16 de la loi du 17 mars 2013 (modifiant
l'article 78 du Code judiciaire, insérant un article 92bis dans le l'article 78 du Code judiciaire, insérant un article 92bis dans le
même Code et complétant l'article 54 de la loi du 17 mai 2006), pris même Code et complétant l'article 54 de la loi du 17 mai 2006), pris
isolément ou conjointement, violent-ils les articles 10 et 11 de la isolément ou conjointement, violent-ils les articles 10 et 11 de la
Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 7 de la CEDH Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 7 de la CEDH
et/ou avec le principe de non-rétroactivité de la loi, en ce qu'aucune et/ou avec le principe de non-rétroactivité de la loi, en ce qu'aucune
distinction n''y est faite entre les condamnés à une peine privative distinction n''y est faite entre les condamnés à une peine privative
de liberté de trente ans ou à une peine privative de liberté à de liberté de trente ans ou à une peine privative de liberté à
perpétuité, assortie d'une mise à disposition du tribunal de perpétuité, assortie d'une mise à disposition du tribunal de
l'application des peines conformément aux articles 34ter et 34quater l'application des peines conformément aux articles 34ter et 34quater
de Code pénal, par une condamnation prononcée par une décision de Code pénal, par une condamnation prononcée par une décision
antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 mars 2013 et les antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 mars 2013 et les
condamnés à une peine privative de liberté de trente ans ou à une condamnés à une peine privative de liberté de trente ans ou à une
peine privative de liberté à perpétuité, assortie d'une mise à peine privative de liberté à perpétuité, assortie d'une mise à
disposition du tribunal de l'application des peines conformément aux disposition du tribunal de l'application des peines conformément aux
articles 34ter et 34quater du Code pénal, par une condamnation articles 34ter et 34quater du Code pénal, par une condamnation
prononcée par une décision postérieure à l'entrée en vigueur de la loi prononcée par une décision postérieure à l'entrée en vigueur de la loi
du 17 mars 2013 ? ». du 17 mars 2013 ? ».
(...) (...)
III. En droit III. En droit
(...) (...)
B.1. La Cour est interrogée au sujet des articles 2, 3 et 16 de la loi B.1. La Cour est interrogée au sujet des articles 2, 3 et 16 de la loi
du 17 mars 2013 « modifiant le Code judiciaire et la loi du 17 mai du 17 mars 2013 « modifiant le Code judiciaire et la loi du 17 mai
2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à
une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime
dans le cadre des modalités de la peine », lesquels disposent : dans le cadre des modalités de la peine », lesquels disposent :
«

Art. 2.L'article 78 du Code judiciaire, modifié en dernier lieu par

«

Art. 2.L'article 78 du Code judiciaire, modifié en dernier lieu par

la loi du 3 décembre 2006, est complété par un alinéa rédigé comme la loi du 3 décembre 2006, est complété par un alinéa rédigé comme
suit : suit :
' Les chambres du tribunal de l'application des peines visées à ' Les chambres du tribunal de l'application des peines visées à
l'article 92bis sont composées d'un juge au tribunal de l'application l'article 92bis sont composées d'un juge au tribunal de l'application
des peines, qui préside, de deux juges au tribunal correctionnel et de des peines, qui préside, de deux juges au tribunal correctionnel et de
deux assesseurs en application des peines, l'un spécialisé en matière deux assesseurs en application des peines, l'un spécialisé en matière
pénitentiaire et l'autre spécialisé en réinsertion sociale. ' ». pénitentiaire et l'autre spécialisé en réinsertion sociale. ' ».
«

Art. 3.Dans le même Code, il est inséré un article 92bis rédigé

«

Art. 3.Dans le même Code, il est inséré un article 92bis rédigé

comme suit : comme suit :
'

Art. 92bis.En matière d'application des peines, les affaires

'

Art. 92bis.En matière d'application des peines, les affaires

relatives aux condamnations à une peine privative de liberté de trente relatives aux condamnations à une peine privative de liberté de trente
ans ou à une peine privative de liberté à perpétuité, assortie d'une ans ou à une peine privative de liberté à perpétuité, assortie d'une
mise à la disposition du tribunal de l'application des peines, mise à la disposition du tribunal de l'application des peines,
conformément aux articles 34ter ou 34quater du Code pénal, sont conformément aux articles 34ter ou 34quater du Code pénal, sont
attribuées à des chambres composées conformément à l'article 78, attribuées à des chambres composées conformément à l'article 78,
alinéa 6. ' ». alinéa 6. ' ».
«

Art. 16.L'article 54 de la même loi, modifié par la loi du 27

«

Art. 16.L'article 54 de la même loi, modifié par la loi du 27

décembre 2006, dont le texte actuel formera le § 1er, est complété par décembre 2006, dont le texte actuel formera le § 1er, est complété par
un § 2, rédigé comme suit : un § 2, rédigé comme suit :
' § 2. Si l'affaire concerne une condamnation à une peine privative de ' § 2. Si l'affaire concerne une condamnation à une peine privative de
liberté de trente ans ou à une peine privative de liberté à liberté de trente ans ou à une peine privative de liberté à
perpétuité, assortie d'une mise à disposition du tribunal de perpétuité, assortie d'une mise à disposition du tribunal de
l'application des peines conformément aux articles 34ter ou 34quater l'application des peines conformément aux articles 34ter ou 34quater
du Code pénal, le tribunal de l'application des peines rend sa du Code pénal, le tribunal de l'application des peines rend sa
décision dans les quatorze jours de la mise en délibéré. Si le décision dans les quatorze jours de la mise en délibéré. Si le
tribunal de l'application des peines prend la décision d'accorder une tribunal de l'application des peines prend la décision d'accorder une
modalité d'exécution de la peine, la décision est prise à l'unanimité. modalité d'exécution de la peine, la décision est prise à l'unanimité.
Si le tribunal de l'application des peines n'accorde pas la modalité Si le tribunal de l'application des peines n'accorde pas la modalité
d'exécution de la peine sollicitée, il indique dans son jugement la d'exécution de la peine sollicitée, il indique dans son jugement la
date à laquelle le condamné peut introduire une nouvelle demande. date à laquelle le condamné peut introduire une nouvelle demande.
Ce délai est de six mois au moins et de dix-huit mois au plus à Ce délai est de six mois au moins et de dix-huit mois au plus à
compter du jugement. ' ». compter du jugement. ' ».
4L'article 21 de la même loi du 17 mars 2013 dispose : 4L'article 21 de la même loi du 17 mars 2013 dispose :
«

Art. 21.Les articles 4, 6 et 18 s'appliquent aux condamnations qui

«

Art. 21.Les articles 4, 6 et 18 s'appliquent aux condamnations qui

sont passées en force de chose jugée après l'entrée en vigueur de la sont passées en force de chose jugée après l'entrée en vigueur de la
présente loi. présente loi.
Les articles 25, § 2, c), 26, § 2, c) et 71, alinéa 3 et alinéa 4 de Les articles 25, § 2, c), 26, § 2, c) et 71, alinéa 3 et alinéa 4 de
la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des
personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits
reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la
peine, tels qu'ils étaient rédigés avant l'entrée en vigueur de la peine, tels qu'ils étaient rédigés avant l'entrée en vigueur de la
présente loi, restent en vigueur à titre transitoire pour les présente loi, restent en vigueur à titre transitoire pour les
condamnations qui sont passées en force de chose jugée avant cette condamnations qui sont passées en force de chose jugée avant cette
entrée en vigueur ». entrée en vigueur ».
B.2. La Cour est interrogée sur la compatibilité des articles 2, 3 et B.2. La Cour est interrogée sur la compatibilité des articles 2, 3 et
16 précités avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus ou non 16 précités avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus ou non
en combinaison avec, selon le cas, les articles 6 et 7 de la en combinaison avec, selon le cas, les articles 6 et 7 de la
Convention européenne des droits de l'homme, et avec le principe de Convention européenne des droits de l'homme, et avec le principe de
non-rétroactivité, en ce que, d'une part, pour les seuls condamnés à non-rétroactivité, en ce que, d'une part, pour les seuls condamnés à
une peine privative de liberté de trente ans ou à une peine privative une peine privative de liberté de trente ans ou à une peine privative
de liberté à perpétuité, assortie d'une mise à disposition du tribunal de liberté à perpétuité, assortie d'une mise à disposition du tribunal
de l'application des peines, la décision d'accorder une modalité de l'application des peines, la décision d'accorder une modalité
d'exécution de la peine est prise, dans ce cas, par une chambre du d'exécution de la peine est prise, dans ce cas, par une chambre du
tribunal de l'application des peines composée de cinq membres - et non tribunal de l'application des peines composée de cinq membres - et non
de trois -, lesquels statuent à l'unanimité - et non à la majorité - de trois -, lesquels statuent à l'unanimité - et non à la majorité -
des voix (première question préjudicielle) et en ce que, d'autre part, des voix (première question préjudicielle) et en ce que, d'autre part,
ces mesures s'appliquent indifféremment aux condamnés précités, que ces mesures s'appliquent indifféremment aux condamnés précités, que
leur condamnation soit antérieure ou postérieure à l'entrée en vigueur leur condamnation soit antérieure ou postérieure à l'entrée en vigueur
de la loi du 17 mars 2013 (seconde question préjudicielle). de la loi du 17 mars 2013 (seconde question préjudicielle).
Quant à la composition élargie de la chambre du tribunal de Quant à la composition élargie de la chambre du tribunal de
l'application des peines et à la règle de l'unanimité l'application des peines et à la règle de l'unanimité
B.3. L'objectif poursuivi par le législateur en adoptant les B.3. L'objectif poursuivi par le législateur en adoptant les
dispositions en cause a été indiqué comme suit lors des travaux dispositions en cause a été indiqué comme suit lors des travaux
préparatoires : préparatoires :
« Le projet de loi à l'examen vise donc une meilleure différenciation « Le projet de loi à l'examen vise donc une meilleure différenciation
entre la fixation de la peine et l'exécution de la peine et ce, en vue entre la fixation de la peine et l'exécution de la peine et ce, en vue
d'instaurer un traitement plus sévère, et partant plus acceptable pour d'instaurer un traitement plus sévère, et partant plus acceptable pour
la société, de certaines catégories de condamnés » (Doc. parl., Sénat, la société, de certaines catégories de condamnés » (Doc. parl., Sénat,
2012-2013, n° 5-1953/3, p. 3). 2012-2013, n° 5-1953/3, p. 3).
« [Le] processus décisionnel sera renforcé pour les condamnés aux « [Le] processus décisionnel sera renforcé pour les condamnés aux
peines les plus lourdes, à savoir les personnes condamnées à 30 ans de peines les plus lourdes, à savoir les personnes condamnées à 30 ans de
réclusion ou à perpétuité et mises à disposition. réclusion ou à perpétuité et mises à disposition.
Les juges devront prendre une décision sur laquelle ils marquent tous Les juges devront prendre une décision sur laquelle ils marquent tous
leur accord. La décision doit donc être prise à l'unanimité. leur accord. La décision doit donc être prise à l'unanimité.
Actuellement, une majorité simple suffit. Actuellement, une majorité simple suffit.
De plus, 2 juges du fond viendront compléter le TAP [tribunal De plus, 2 juges du fond viendront compléter le TAP [tribunal
d'application des peines] lorsque celui-ci doit examiner le cas d'une d'application des peines] lorsque celui-ci doit examiner le cas d'une
personne condamnée à 30 ans de réclusion ou à perpétuité et mise à personne condamnée à 30 ans de réclusion ou à perpétuité et mise à
disposition. Il s'agit de 2 juges correctionnels, qui se prononcent disposition. Il s'agit de 2 juges correctionnels, qui se prononcent
quotidiennement sur la fixation des peines et qui sont donc bien quotidiennement sur la fixation des peines et qui sont donc bien
familiarisés avec la problématique. Ils assisteront le juge de familiarisés avec la problématique. Ils assisteront le juge de
l'application des peines et les 2 juges non professionnels (assesseurs l'application des peines et les 2 juges non professionnels (assesseurs
spécialisés en matière pénitentiaire et en réinsertion). spécialisés en matière pénitentiaire et en réinsertion).
Les dispositions en projet visant à rendre plus stricte la procédure Les dispositions en projet visant à rendre plus stricte la procédure
sont toutes de nature procédurale et, par conséquent, s'appliquent sont toutes de nature procédurale et, par conséquent, s'appliquent
immédiatement. Dès lors, elles pourront s'appliquer aux personnes qui immédiatement. Dès lors, elles pourront s'appliquer aux personnes qui
ont déjà été condamnées. ont déjà été condamnées.
Le ministre souligne que le durcissement de la modalité d'exécution de Le ministre souligne que le durcissement de la modalité d'exécution de
la peine dont il est question se limite à la catégorie réduite des la peine dont il est question se limite à la catégorie réduite des
délinquants les plus dangereux contre lesquels la société doit être délinquants les plus dangereux contre lesquels la société doit être
protégée davantage » (Doc. parl., Chambre., 2012-2013, DOC protégée davantage » (Doc. parl., Chambre., 2012-2013, DOC
53-2603/004, p. 8). 53-2603/004, p. 8).
Il a également été précisé : Il a également été précisé :
« Pour ce qui est de l'extension des effectifs du tribunal de « Pour ce qui est de l'extension des effectifs du tribunal de
l'application des peines de trois à cinq juges, la ministre souligne l'application des peines de trois à cinq juges, la ministre souligne
que les deux juges qui sont ajoutés sont des juges correctionnels que les deux juges qui sont ajoutés sont des juges correctionnels
experts en fixation de la peine. Il n'est donc nullement question experts en fixation de la peine. Il n'est donc nullement question
d'une quelconque motion de méfiance; il s'agit seulement de renforcer d'une quelconque motion de méfiance; il s'agit seulement de renforcer
l'expertise des tribunaux de l'application des peines pour les l'expertise des tribunaux de l'application des peines pour les
condamnés aux peines les plus lourdes. Il est donc logique que condamnés aux peines les plus lourdes. Il est donc logique que
l'unanimité soit requise pour ces condamnés. Il est vrai que le projet l'unanimité soit requise pour ces condamnés. Il est vrai que le projet
initial exigeait que des avis conformes soient rendus par le ministère initial exigeait que des avis conformes soient rendus par le ministère
public et le directeur de la prison. Mais à la suite de l'avis du public et le directeur de la prison. Mais à la suite de l'avis du
Conseil d'Etat, le choix s'est porté sur un élargissement du tribunal Conseil d'Etat, le choix s'est porté sur un élargissement du tribunal
de l'application des peines » (Doc. parl., Sénat, précité, p. 33). de l'application des peines » (Doc. parl., Sénat, précité, p. 33).
Il découle de ce qui précède que le législateur entendait, par Il découle de ce qui précède que le législateur entendait, par
l'adoption des mesures en cause, renforcer les modalités d'exécution l'adoption des mesures en cause, renforcer les modalités d'exécution
des peines les plus lourdes pour la catégorie des délinquants les plus des peines les plus lourdes pour la catégorie des délinquants les plus
dangereux, à l'égard desquels la société doit être particulièrement dangereux, à l'égard desquels la société doit être particulièrement
protégée. protégée.
B.4. La différence de traitement entre certaines catégories de B.4. La différence de traitement entre certaines catégories de
personnes qui découle de l'application de règles procédurales personnes qui découle de l'application de règles procédurales
différentes dans des circonstances différentes n'est pas différentes dans des circonstances différentes n'est pas
discriminatoire en soi. Il ne pourrait être question de discrimination discriminatoire en soi. Il ne pourrait être question de discrimination
que si la différence de traitement qui découle de l'application de ces que si la différence de traitement qui découle de l'application de ces
règles de procédure entraînait une limitation disproportionnée des règles de procédure entraînait une limitation disproportionnée des
droits des personnes concernées. droits des personnes concernées.
B.5.1. Le critère de différenciation retenu par les mesures en cause, B.5.1. Le critère de différenciation retenu par les mesures en cause,
tiré de l'importance de la condamnation - réclusion de 30 ans ou à tiré de l'importance de la condamnation - réclusion de 30 ans ou à
perpétuité, assortie d'une mise à disposition du tribunal - constitue perpétuité, assortie d'une mise à disposition du tribunal - constitue
un critère objectif. un critère objectif.
B.5.2. Par ailleurs, ces mesures apparaissent pertinentes au regard de B.5.2. Par ailleurs, ces mesures apparaissent pertinentes au regard de
l'objectif poursuivi par le législateur, consistant à mieux protéger l'objectif poursuivi par le législateur, consistant à mieux protéger
la société à l'égard des risques que peut présenter pour elle l'octroi la société à l'égard des risques que peut présenter pour elle l'octroi
de modalités d'exécution des peines précitées, prononcées à l'égard de modalités d'exécution des peines précitées, prononcées à l'égard
des délinquants les plus dangereux. des délinquants les plus dangereux.
En particulier, il apparaît pertinent au regard de cet objectif que, En particulier, il apparaît pertinent au regard de cet objectif que,
pour de telles peines, le législateur ait, d'une part, entendu pour de telles peines, le législateur ait, d'une part, entendu
renforcer l'expertise du siège appelé à connaître des demandes de renforcer l'expertise du siège appelé à connaître des demandes de
modalités d'exécution de la peine (Doc. parl., Sénat, précité, pp. 5 modalités d'exécution de la peine (Doc. parl., Sénat, précité, pp. 5
et 33) - en complétant le siège de deux magistrats professionnels - et 33) - en complétant le siège de deux magistrats professionnels -
et, que, d'autre part, dans la même logique, il ait voulu prévenir le et, que, d'autre part, dans la même logique, il ait voulu prévenir le
risque que, s'il était fait application des règles de droit commun, le risque que, s'il était fait application des règles de droit commun, le
magistrat professionnel puisse être mis en minorité par les deux magistrat professionnel puisse être mis en minorité par les deux
assesseurs (Doc. parl., Chambre, 2012-2013, DOC 53-2603/001, pp. assesseurs (Doc. parl., Chambre, 2012-2013, DOC 53-2603/001, pp.
14-15). 14-15).
Il y a lieu toutefois de vérifier si ces mesures n'entraînent pas une Il y a lieu toutefois de vérifier si ces mesures n'entraînent pas une
limitation disproportionnée des droits des personnes concernées. limitation disproportionnée des droits des personnes concernées.
B.5.3. Les mesures en cause, si elles ont renforcé la procédure de B.5.3. Les mesures en cause, si elles ont renforcé la procédure de
décision concernant l'examen des demandes d'octroi d'une modalité décision concernant l'examen des demandes d'octroi d'une modalité
d'exécution de la peine, n'ont pas rendu impossible l'octroi même d'exécution de la peine, n'ont pas rendu impossible l'octroi même
d'une telle modalité ni modifié les conditions de fond de cet octroi. d'une telle modalité ni modifié les conditions de fond de cet octroi.
B.5.4. La différence de traitement visée par la première question B.5.4. La différence de traitement visée par la première question
préjudicielle n'est dès lors pas sans justification raisonnable. préjudicielle n'est dès lors pas sans justification raisonnable.
B.6. La combinaison des articles 10 et 11 de la Constitution avec B.6. La combinaison des articles 10 et 11 de la Constitution avec
l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ne l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ne
conduit pas à une autre conclusion. conduit pas à une autre conclusion.
B.7. La première question préjudicielle appelle une réponse négative. B.7. La première question préjudicielle appelle une réponse négative.
Quant à l'application dans le temps des articles 2, 3 et 16 de la loi Quant à l'application dans le temps des articles 2, 3 et 16 de la loi
du 17 mars 2013 du 17 mars 2013
B.8. Par la seconde question préjudicielle, la Cour est interrogée sur B.8. Par la seconde question préjudicielle, la Cour est interrogée sur
la compatibilité des mesures en cause avec les articles 10 et 11 de la la compatibilité des mesures en cause avec les articles 10 et 11 de la
Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 7 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 7 de la
Convention européenne des droits de l'homme et avec le principe de Convention européenne des droits de l'homme et avec le principe de
non-rétroactivité, en ce que ces mesures s'appliquent indifféremment non-rétroactivité, en ce que ces mesures s'appliquent indifféremment
aux condamnés concernés, que leur condamnation soit antérieure ou aux condamnés concernés, que leur condamnation soit antérieure ou
postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 mars 2013. postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 mars 2013.
L'article 21 de la loi du 17 mars 2013 n'inclut en effet pas ses L'article 21 de la loi du 17 mars 2013 n'inclut en effet pas ses
articles 2, 3 et 16 parmi les dispositions dont l'application est articles 2, 3 et 16 parmi les dispositions dont l'application est
limitée aux condamnations passées en force de chose jugée après limitée aux condamnations passées en force de chose jugée après
l'entrée en vigueur de cette loi. La Cour est interrogée sur la l'entrée en vigueur de cette loi. La Cour est interrogée sur la
compatibilité, avec les normes et principe précités, de l'absence de compatibilité, avec les normes et principe précités, de l'absence de
régime transitoire pour les condamnés dont la condamnation est passée régime transitoire pour les condamnés dont la condamnation est passée
en force de chose jugée avant l'entrée en vigueur de cette loi. en force de chose jugée avant l'entrée en vigueur de cette loi.
B.9. Si le législateur estime qu'un changement de politique s'impose, B.9. Si le législateur estime qu'un changement de politique s'impose,
il peut décider de lui donner un effet immédiat et il n'est pas tenu, il peut décider de lui donner un effet immédiat et il n'est pas tenu,
en principe, de prévoir un régime transitoire. Les articles 10 et 11 en principe, de prévoir un régime transitoire. Les articles 10 et 11
de la Constitution ne sont violés que si le régime transitoire ou de la Constitution ne sont violés que si le régime transitoire ou
l'absence d'un tel régime entraîne une différence de traitement non l'absence d'un tel régime entraîne une différence de traitement non
susceptible de justification raisonnable ou s'il est porté une susceptible de justification raisonnable ou s'il est porté une
atteinte excessive au principe de la confiance légitime. Tel est le atteinte excessive au principe de la confiance légitime. Tel est le
cas lorsqu'il est porté atteinte aux attentes légitimes d'une cas lorsqu'il est porté atteinte aux attentes légitimes d'une
catégorie déterminée de justiciables sans qu'un motif impérieux catégorie déterminée de justiciables sans qu'un motif impérieux
d'intérêt général puisse justifier l'absence d'un régime transitoire d'intérêt général puisse justifier l'absence d'un régime transitoire
établi à leur profit. établi à leur profit.
B.10. Comme il a été dit en B.3, le législateur entendait, par B.10. Comme il a été dit en B.3, le législateur entendait, par
l'adoption des mesures en cause, renforcer l'octroi des modalités l'adoption des mesures en cause, renforcer l'octroi des modalités
d'exécution des peines les plus lourdes pour la catégorie des d'exécution des peines les plus lourdes pour la catégorie des
délinquants les plus dangereux, à l'égard desquels la société doit délinquants les plus dangereux, à l'égard desquels la société doit
être particulièrement protégée. être particulièrement protégée.
Le champ d'application dans le temps de la loi en cause a été commenté Le champ d'application dans le temps de la loi en cause a été commenté
comme suit dans l'exposé des motifs : comme suit dans l'exposé des motifs :
« A l'exception des articles 4, 6 et 14 du projet, ce dernier article « A l'exception des articles 4, 6 et 14 du projet, ce dernier article
ayant été ajouté suite à l'avis du Conseil d'Etat, tous les articles ayant été ajouté suite à l'avis du Conseil d'Etat, tous les articles
du présent projet portent sur des règles de procédure qui seront du présent projet portent sur des règles de procédure qui seront
immédiatement d'application. Les articles 4, 6 en revanche, augmentent immédiatement d'application. Les articles 4, 6 en revanche, augmentent
sensiblement pour certaines catégories de condamnations le seuil sensiblement pour certaines catégories de condamnations le seuil
d'admissibilité pour l'octroi d'une modalité d'exécution de la peine. d'admissibilité pour l'octroi d'une modalité d'exécution de la peine.
Etant donné qu'il s'agit d'un alourdissement important pour la Etant donné qu'il s'agit d'un alourdissement important pour la
situation de détention et les conditions pour le condamné, le situation de détention et les conditions pour le condamné, le
gouvernement a décidé que les nouvelles conditions de temps ne seront gouvernement a décidé que les nouvelles conditions de temps ne seront
applicables qu'aux condamnations qui ont force de chose jugée après applicables qu'aux condamnations qui ont force de chose jugée après
l'entrée en vigueur de la présente loi » (Doc. parl., Chambre, l'entrée en vigueur de la présente loi » (Doc. parl., Chambre,
2012-2013, DOC 53-2603/001, p. 16). 2012-2013, DOC 53-2603/001, p. 16).
Il a également été précisé lors des travaux préparatoires, s'agissant Il a également été précisé lors des travaux préparatoires, s'agissant
des articles 2, 3 et 16 en cause : des articles 2, 3 et 16 en cause :
« Le procès devant le tribunal de l'application des peines est une « Le procès devant le tribunal de l'application des peines est une
procédure. [...] En conséquence, les procédures s'appliqueront procédure. [...] En conséquence, les procédures s'appliqueront
immédiatement après l'entrée en vigueur de la loi, donc également aux immédiatement après l'entrée en vigueur de la loi, donc également aux
personnes déjà condamnées » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° personnes déjà condamnées » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n°
5-1953/3, p. 5). 5-1953/3, p. 5).
« Cette réforme ne concerne que l'exécution des peines et s'applique « Cette réforme ne concerne que l'exécution des peines et s'applique
immédiatement, y compris aux personnes condamnées sous l'empire de la immédiatement, y compris aux personnes condamnées sous l'empire de la
loi ancienne. Il n'est apporté aucune modification à la peine loi ancienne. Il n'est apporté aucune modification à la peine
prononcée par la juridiction de fond compétente » (Doc. parl., prononcée par la juridiction de fond compétente » (Doc. parl.,
Chambre, 2012-2013, DOC 53-2603/004, p. 20). Chambre, 2012-2013, DOC 53-2603/004, p. 20).
B.11. L'article 7.1 de la Convention européenne des droits de l'homme B.11. L'article 7.1 de la Convention européenne des droits de l'homme
dispose : dispose :
« Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au
moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction
d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé
aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où
l'infraction a été commise ». l'infraction a été commise ».
La Cour européenne des droits de l'homme a jugé : La Cour européenne des droits de l'homme a jugé :
« [...] dans leur jurisprudence, la Commission comme la Cour ont « [...] dans leur jurisprudence, la Commission comme la Cour ont
établi une distinction entre une mesure constituant en substance une ' établi une distinction entre une mesure constituant en substance une '
peine ' et une mesure relative à l'' exécution ' ou à l'' application peine ' et une mesure relative à l'' exécution ' ou à l'' application
' de la ' peine '. En conséquence, lorsque la nature et le but d'une ' de la ' peine '. En conséquence, lorsque la nature et le but d'une
mesure concernent la remise d'une peine ou un changement dans le mesure concernent la remise d'une peine ou un changement dans le
système de libération conditionnelle, cette mesure ne fait pas partie système de libération conditionnelle, cette mesure ne fait pas partie
intégrante de la ' peine ' au sens de l'article 7 (voir, entre autres, intégrante de la ' peine ' au sens de l'article 7 (voir, entre autres,
Hogben, décision précitée, Hosein c. Royaume-Uni, n° 26293/95, Hogben, décision précitée, Hosein c. Royaume-Uni, n° 26293/95,
décision de la Commission du 28 février 1996, non publiée, Grava, décision de la Commission du 28 février 1996, non publiée, Grava,
précité, § 51, et Uttley, décision précitée) » (CEDH, grande chambre, précité, § 51, et Uttley, décision précitée) » (CEDH, grande chambre,
12 février 2008, Kafkaris c. Chypre, § 142). 12 février 2008, Kafkaris c. Chypre, § 142).
La Cour européenne des droits de l'homme a également jugé : La Cour européenne des droits de l'homme a également jugé :
« 89. Au vu de ce qui précède, la Cour n'exclut pas que des mesures « 89. Au vu de ce qui précède, la Cour n'exclut pas que des mesures
prises par le législateur, des autorités administratives ou des prises par le législateur, des autorités administratives ou des
juridictions après le prononcé d'une peine définitive ou pendant juridictions après le prononcé d'une peine définitive ou pendant
l'exécution de celle-ci puissent conduire à une redéfinition ou à une l'exécution de celle-ci puissent conduire à une redéfinition ou à une
modification de la portée de la ' peine ' infligée par le juge qui l'a modification de la portée de la ' peine ' infligée par le juge qui l'a
prononcée. En pareil cas, la Cour estime que les mesures en question prononcée. En pareil cas, la Cour estime que les mesures en question
doivent tomber sous le coup de l'interdiction de la rétroactivité des doivent tomber sous le coup de l'interdiction de la rétroactivité des
peines consacrée par l'article 7, § 1 in fine de la Convention. S'il peines consacrée par l'article 7, § 1 in fine de la Convention. S'il
en allait différemment, les Etats seraient libres d'adopter - par en allait différemment, les Etats seraient libres d'adopter - par
exemple en modifiant la loi ou en réinterprétant des règles établies - exemple en modifiant la loi ou en réinterprétant des règles établies -
des mesures qui redéfiniraient rétroactivement et au détriment du des mesures qui redéfiniraient rétroactivement et au détriment du
condamné la portée de la peine infligée, alors même que celui-ci ne condamné la portée de la peine infligée, alors même que celui-ci ne
pouvait le prévoir au moment de la commission de l'infraction ou du pouvait le prévoir au moment de la commission de l'infraction ou du
prononcé de la peine. Dans de telles conditions, l'article 7, § 1, se prononcé de la peine. Dans de telles conditions, l'article 7, § 1, se
verrait privé d'effet utile pour les condamnés dont la portée de la verrait privé d'effet utile pour les condamnés dont la portée de la
peine aurait été modifiée a posteriori, et à leur détriment. La Cour peine aurait été modifiée a posteriori, et à leur détriment. La Cour
précise que pareilles modifications doivent être distinguées de celles précise que pareilles modifications doivent être distinguées de celles
qui peuvent être apportées aux modalités d'exécution de la peine, qui peuvent être apportées aux modalités d'exécution de la peine,
lesquelles ne relèvent pas du champ d'application de l'article 7, § 1 lesquelles ne relèvent pas du champ d'application de l'article 7, § 1
in fine. in fine.
90. Pour se prononcer sur la question de savoir si une mesure prise 90. Pour se prononcer sur la question de savoir si une mesure prise
pendant l'exécution d'une peine porte uniquement sur les modalités pendant l'exécution d'une peine porte uniquement sur les modalités
d'exécution de celle-ci ou en affecte au contraire la portée, la Cour d'exécution de celle-ci ou en affecte au contraire la portée, la Cour
doit rechercher au cas par cas ce que la ' peine ' infligée impliquait doit rechercher au cas par cas ce que la ' peine ' infligée impliquait
réellement en droit interne à l'époque considérée ou, en d'autres réellement en droit interne à l'époque considérée ou, en d'autres
termes, quelle en était la nature intrinsèque. Ce faisant, elle doit termes, quelle en était la nature intrinsèque. Ce faisant, elle doit
notamment avoir égard au droit interne dans son ensemble et à la notamment avoir égard au droit interne dans son ensemble et à la
manière dont il était appliqué à cette époque (Kafkaris, précité, § manière dont il était appliqué à cette époque (Kafkaris, précité, §
145) » (CEDH, grande chambre, 21 octobre 2013, Del Río Prada c. 145) » (CEDH, grande chambre, 21 octobre 2013, Del Río Prada c.
Espagne). Espagne).
B.12. La Cour doit dès lors examiner si les mesures en cause, B.12. La Cour doit dès lors examiner si les mesures en cause,
consistant, pour les demandes de modalités d'exécution des peines consistant, pour les demandes de modalités d'exécution des peines
concernées, à élargir la composition de la chambre du tribunal de concernées, à élargir la composition de la chambre du tribunal de
l'application des peines et à imposer la règle de l'unanimité - y l'application des peines et à imposer la règle de l'unanimité - y
compris pour les condamnés qui l'ont été avant l'entrée en vigueur de compris pour les condamnés qui l'ont été avant l'entrée en vigueur de
la loi du 17 mars 2013 -, constituent en substance une « peine » ou la loi du 17 mars 2013 -, constituent en substance une « peine » ou
bien si de telles mesures relèvent exclusivement de l'« exécution » ou bien si de telles mesures relèvent exclusivement de l'« exécution » ou
de l'« application » de la peine. de l'« application » de la peine.
B.13.1. Lors de la détermination du champ d'application dans le temps B.13.1. Lors de la détermination du champ d'application dans le temps
des mesures qu'il adoptait, le législateur a examiné si ces mesures des mesures qu'il adoptait, le législateur a examiné si ces mesures
nouvelles constituaient ou non des « peines ». nouvelles constituaient ou non des « peines ».
Les travaux préparatoires indiquent : Les travaux préparatoires indiquent :
« A l'exception des articles 3 et 5 (désormais 4 et 6), tous les « A l'exception des articles 3 et 5 (désormais 4 et 6), tous les
articles du présent projet portent sur des règles de procédure qui articles du présent projet portent sur des règles de procédure qui
seront immédiatement d'application. Les articles 3 et 5, en revanche, seront immédiatement d'application. Les articles 3 et 5, en revanche,
augmentent sensiblement pour certaines catégories de condamnation le augmentent sensiblement pour certaines catégories de condamnation le
seuil d'admissibilité pour l'octroi d'une modalité d'exécution de la seuil d'admissibilité pour l'octroi d'une modalité d'exécution de la
peine. Etant donné qu'il s'agit d'un alourdissement important pour la peine. Etant donné qu'il s'agit d'un alourdissement important pour la
situation de détention et les conditions pour le condamné, le situation de détention et les conditions pour le condamné, le
gouvernement a décidé que les nouvelles conditions de temps ne seront gouvernement a décidé que les nouvelles conditions de temps ne seront
applicables qu'aux condamnations qui seront prononcées après l'entrée applicables qu'aux condamnations qui seront prononcées après l'entrée
en vigueur de la présente loi » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° en vigueur de la présente loi » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n°
5-1953/3, p. 38). 5-1953/3, p. 38).
B.13.2. Ni la composition élargie de la chambre du tribunal de B.13.2. Ni la composition élargie de la chambre du tribunal de
l'application des peines appelée à connaître des demandes de modalités l'application des peines appelée à connaître des demandes de modalités
d'exécution de la peine concernées, ni la règle de l'unanimité d'exécution de la peine concernées, ni la règle de l'unanimité
n'impliquent une modification des condamnations prononcées ou des n'impliquent une modification des condamnations prononcées ou des
conditions de fond de l'octroi des modalités d'exécution de la peine conditions de fond de l'octroi des modalités d'exécution de la peine
telles qu'elles existaient au moment des faits ou des condamnations. telles qu'elles existaient au moment des faits ou des condamnations.
Par ailleurs, par son arrêt précité Kafkaris qui concernait une Par ailleurs, par son arrêt précité Kafkaris qui concernait une
affaire dans laquelle, du fait de modifications apportées au droit affaire dans laquelle, du fait de modifications apportées au droit
pénitentiaire, le bénéfice de remises de peine avait été, purement et pénitentiaire, le bénéfice de remises de peine avait été, purement et
simplement, supprimé pour tous les condamnés à la réclusion à simplement, supprimé pour tous les condamnés à la réclusion à
perpétuité, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que : perpétuité, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que :
« [...] cette question se rapporte à l'exécution de la peine et non à « [...] cette question se rapporte à l'exécution de la peine et non à
la ' peine ' imposée à l'intéressé, laquelle demeure celle de la ' peine ' imposée à l'intéressé, laquelle demeure celle de
l'emprisonnement à vie. Même si le changement apporté à la législation l'emprisonnement à vie. Même si le changement apporté à la législation
pénitentiaire et aux conditions de libération ont pu rendre pénitentiaire et aux conditions de libération ont pu rendre
l'emprisonnement du requérant en effet plus rigoureux, on ne peut y l'emprisonnement du requérant en effet plus rigoureux, on ne peut y
voir une mesure imposant une ' peine ' plus forte que celle infligée voir une mesure imposant une ' peine ' plus forte que celle infligée
par la juridiction de jugement (Hogben et Hosein, décisions par la juridiction de jugement (Hogben et Hosein, décisions
précitées). La Cour rappelle à ce propos que les questions relatives à précitées). La Cour rappelle à ce propos que les questions relatives à
l'existence, aux modalités d'exécution ainsi qu'aux justifications l'existence, aux modalités d'exécution ainsi qu'aux justifications
d'un régime de libération relèvent du pouvoir qu'ont les Etats membres d'un régime de libération relèvent du pouvoir qu'ont les Etats membres
de décider de leur politique criminelle (Achour, précité, § 44). de décider de leur politique criminelle (Achour, précité, § 44).
Partant, il n'y a pas eu violation de l'article 7 de la Convention à Partant, il n'y a pas eu violation de l'article 7 de la Convention à
cet égard » ( § 151). cet égard » ( § 151).
B.13.3. Il résulte de ce qui précède que l'article 7 de la Convention B.13.3. Il résulte de ce qui précède que l'article 7 de la Convention
européenne des droits de l'homme n'est pas applicable en l'espèce. européenne des droits de l'homme n'est pas applicable en l'espèce.
B.14. En ce qu'il est reproché aux articles 2, 3 et 16 en cause de B.14. En ce qu'il est reproché aux articles 2, 3 et 16 en cause de
s'appliquer indifféremment, du fait de l'absence d'un régime s'appliquer indifféremment, du fait de l'absence d'un régime
transitoire, aux condamnés concernés, que leur condamnation soit transitoire, aux condamnés concernés, que leur condamnation soit
antérieure ou postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 mars antérieure ou postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 mars
2013, ce traitement identique n'apparaît pas dénué de justification 2013, ce traitement identique n'apparaît pas dénué de justification
raisonnable, compte tenu de la réponse à la première question raisonnable, compte tenu de la réponse à la première question
préjudicielle. préjudicielle.
B.15. La seconde question préjudicielle appelle une réponse négative. B.15. La seconde question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs, Par ces motifs,
la Cour la Cour
dit pour droit : dit pour droit :
Les articles 2, 3 et 16 de la loi du 17 mars 2013 « modifiant le Code Les articles 2, 3 et 16 de la loi du 17 mars 2013 « modifiant le Code
judiciaire et la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique judiciaire et la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique
externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et
aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités de la aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités de la
peine » ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution, lus peine » ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution, lus
ou non en combinaison avec les articles 6 et 7 de la Convention ou non en combinaison avec les articles 6 et 7 de la Convention
européenne des droits de l'homme. européenne des droits de l'homme.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise,
conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur
la Cour constitutionnelle, le 28 janvier 2015. la Cour constitutionnelle, le 28 janvier 2015.
Le greffier, Le greffier,
P.-Y. Dutilleux P.-Y. Dutilleux
Le président, Le président,
J. Spreutels J. Spreutels
^