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Extrait de l'arrêt n° 74/2011 du 18 mai 2011 Numéro du rôle : 4940 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 114 de la loi du 22 mai 2003 portant organisation du budget et de la comptabilité de l'Etat fédéral, posée par le Ju La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, et des juges E. De(...) Extrait de l'arrêt n° 74/2011 du 18 mai 2011 Numéro du rôle : 4940 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 114 de la loi du 22 mai 2003 portant organisation du budget et de la comptabilité de l'Etat fédéral, posée par le Ju La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, et des juges E. De(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 74/2011 du 18 mai 2011 Extrait de l'arrêt n° 74/2011 du 18 mai 2011
Numéro du rôle : 4940 Numéro du rôle : 4940
En cause : la question préjudicielle relative à l'article 114 de la En cause : la question préjudicielle relative à l'article 114 de la
loi du 22 mai 2003 portant organisation du budget et de la loi du 22 mai 2003 portant organisation du budget et de la
comptabilité de l'Etat fédéral, posée par le Juge de paix du canton de comptabilité de l'Etat fédéral, posée par le Juge de paix du canton de
Maasmechelen. Maasmechelen.
La Cour constitutionnelle, La Cour constitutionnelle,
composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, et des juges E. De composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, et des juges E. De
Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J.
Spreutels, T. Merckx-Van Goey et F. Daoût, assistée du greffier P.-Y. Spreutels, T. Merckx-Van Goey et F. Daoût, assistée du greffier P.-Y.
Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet de la question préjudicielle et procédure I. Objet de la question préjudicielle et procédure
Par jugement du 21 mai 2010 en cause de la commune de Maasmechelen Par jugement du 21 mai 2010 en cause de la commune de Maasmechelen
contre Vital Boyen, dont l'expédition est parvenue au greffe de la contre Vital Boyen, dont l'expédition est parvenue au greffe de la
Cour le 28 mai 2010, le Juge de paix du canton de Maasmechelen a posé Cour le 28 mai 2010, le Juge de paix du canton de Maasmechelen a posé
la question préjudicielle suivante : la question préjudicielle suivante :
« L'article 114 de la loi du 22 mai 2003 portant organisation du « L'article 114 de la loi du 22 mai 2003 portant organisation du
budget et de la comptabilité de l'Etat fédéral (Moniteur belge du 3 budget et de la comptabilité de l'Etat fédéral (Moniteur belge du 3
juillet 2003) viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution juillet 2003) viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution
coordonnée en ce que cette disposition prévoit que sont définitivement coordonnée en ce que cette disposition prévoit que sont définitivement
acquises à ceux qui les ont reçues, les sommes payées indûment par acquises à ceux qui les ont reçues, les sommes payées indûment par
l'Etat en matière de traitements, d'avances sur ceux-ci ainsi que l'Etat en matière de traitements, d'avances sur ceux-ci ainsi que
d'indemnités, d'allocations ou de prestations qui sont accessoires ou d'indemnités, d'allocations ou de prestations qui sont accessoires ou
similaires aux traitements, lorsque le remboursement n'en a pas été similaires aux traitements, lorsque le remboursement n'en a pas été
réclamé dans un délai de cinq ans à partir du 1er janvier de l'année réclamé dans un délai de cinq ans à partir du 1er janvier de l'année
du paiement par lettre recommandée à la poste, indiquant le montant du paiement par lettre recommandée à la poste, indiquant le montant
total de la somme réclamée avec, par année, le relevé des paiements total de la somme réclamée avec, par année, le relevé des paiements
indus, les dispositions en violation desquelles les paiements ont été indus, les dispositions en violation desquelles les paiements ont été
faits, alors que la prescription prévue n'est pas applicable aux faits, alors que la prescription prévue n'est pas applicable aux
sommes de même nature payées par la commune ? ». sommes de même nature payées par la commune ? ».
(...) (...)
III. En droit III. En droit
(...) (...)
B.1.1. L'article 114 de la loi du 22 mai 2003 portant organisation du B.1.1. L'article 114 de la loi du 22 mai 2003 portant organisation du
budget et de la comptabilité de l'Etat fédéral dispose : budget et de la comptabilité de l'Etat fédéral dispose :
« § 1er. Sont définitivement acquises à ceux qui les ont reçues les « § 1er. Sont définitivement acquises à ceux qui les ont reçues les
sommes payées indûment par les services visés à l'article 2 en matière sommes payées indûment par les services visés à l'article 2 en matière
de traitements, d'avances sur ceux-ci ainsi que d'indemnités, de traitements, d'avances sur ceux-ci ainsi que d'indemnités,
d'allocations ou de prestations qui sont accessoires ou similaires aux d'allocations ou de prestations qui sont accessoires ou similaires aux
traitements, lorsque le remboursement n'en a pas été réclamé dans un traitements, lorsque le remboursement n'en a pas été réclamé dans un
délai de cinq ans à partir du premier janvier de l'année du paiement. délai de cinq ans à partir du premier janvier de l'année du paiement.
§ 2. Pour être valable, la réclamation doit être notifiée au débiteur § 2. Pour être valable, la réclamation doit être notifiée au débiteur
par lettre recommandée à la poste et contenir : par lettre recommandée à la poste et contenir :
1° le montant total de la somme réclamée avec, par année, le relevé 1° le montant total de la somme réclamée avec, par année, le relevé
des paiements indus; des paiements indus;
2° la mention des dispositions en violation desquelles les paiements 2° la mention des dispositions en violation desquelles les paiements
ont été faits. ont été faits.
A dater du dépôt de la lettre recommandée à la poste, la répétition de A dater du dépôt de la lettre recommandée à la poste, la répétition de
l'indu peut être poursuivie pendant dix ans. l'indu peut être poursuivie pendant dix ans.
§ 3. Le délai fixé au § 1er est porté a dix ans lorsque les sommes § 3. Le délai fixé au § 1er est porté a dix ans lorsque les sommes
indues ont été obtenues par des manoeuvres frauduleuses ou par des indues ont été obtenues par des manoeuvres frauduleuses ou par des
déclarations fausses ou sciemment incomplètes ». déclarations fausses ou sciemment incomplètes ».
B.1.2. L'article 2 de la loi précitée du 22 mai 2003 dispose : B.1.2. L'article 2 de la loi précitée du 22 mai 2003 dispose :
« Pour l'application de la présente loi, il faut entendre par ' « Pour l'application de la présente loi, il faut entendre par '
services ' les administrations, organismes et entreprises de l'Etat services ' les administrations, organismes et entreprises de l'Etat
fédéral, classés dans l'une des catégories suivantes : fédéral, classés dans l'une des catégories suivantes :
1° l'administration générale, qui regroupe tous les services publics 1° l'administration générale, qui regroupe tous les services publics
fédéraux; fédéraux;
2° les administrations dotées d'une autonomie de gestion mais sans 2° les administrations dotées d'une autonomie de gestion mais sans
personnalité juridique, dénommées ' services administratifs à personnalité juridique, dénommées ' services administratifs à
comptabilité autonome '; comptabilité autonome ';
3° les organismes d'administration publique dotés de la personnalité 3° les organismes d'administration publique dotés de la personnalité
juridique, appelés ' organismes administratifs publics ', à juridique, appelés ' organismes administratifs publics ', à
l'exclusion des organismes publics de sécurité sociale de la catégorie l'exclusion des organismes publics de sécurité sociale de la catégorie
D de la loi du 16 mars 1954 relative au contrôle de certains D de la loi du 16 mars 1954 relative au contrôle de certains
organismes d'intérêt public et des institutions publiques de sécurité organismes d'intérêt public et des institutions publiques de sécurité
sociale reprises dans l'arrêté royal du 3 avril 1997 portant des sociale reprises dans l'arrêté royal du 3 avril 1997 portant des
mesures en vue de la responsabilisation des institutions publiques de mesures en vue de la responsabilisation des institutions publiques de
sécurité sociale; sécurité sociale;
4° les entreprises à caractère commercial, industriel ou financier, 4° les entreprises à caractère commercial, industriel ou financier,
dotées d'un régime d'autonomie mais sans personnalité juridique, dotées d'un régime d'autonomie mais sans personnalité juridique,
appelées ' entreprises d'Etat ' ». appelées ' entreprises d'Etat ' ».
B.2. Les travaux préparatoires des articles 113 et 114 de la loi du 22 B.2. Les travaux préparatoires des articles 113 et 114 de la loi du 22
mai 2003 fournissent le commentaire suivant : mai 2003 fournissent le commentaire suivant :
« Du fait de la jurisprudence de la Cour d'Arbitrage, citée par le « Du fait de la jurisprudence de la Cour d'Arbitrage, citée par le
Conseil d'Etat dans son avis, le Gouvernement propose qu'en principe, Conseil d'Etat dans son avis, le Gouvernement propose qu'en principe,
pour tous les pouvoirs de ' l'Etat ', le droit commun de la pour tous les pouvoirs de ' l'Etat ', le droit commun de la
prescription soit d'application, sauf pour les paiements indus en prescription soit d'application, sauf pour les paiements indus en
matière de traitements, indemnités, allocations, etc. L'origine de ces matière de traitements, indemnités, allocations, etc. L'origine de ces
créances est en effet si particulière pour le secteur public qu'il créances est en effet si particulière pour le secteur public qu'il
n'est pas possible de se référer au droit commun. n'est pas possible de se référer au droit commun.
[...] [...]
Quant à l'article 114, il s'agit d'une reprise quasi littérale de Quant à l'article 114, il s'agit d'une reprise quasi littérale de
l'article 106 des lois coordonnées sur la comptabilité de l'Etat, l'article 106 des lois coordonnées sur la comptabilité de l'Etat,
étant entendu qu'en l'occurrence, les termes ' organismes énumérés à étant entendu qu'en l'occurrence, les termes ' organismes énumérés à
l'article 2 ' ont été remplacés par ' les services visés à l'article 2 l'article 2 ' ont été remplacés par ' les services visés à l'article 2
' » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1870/001, p. 139). ' » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1870/001, p. 139).
B.3. Avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 juin 1998 modifiant B.3. Avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 juin 1998 modifiant
certaines dispositions en matière de prescription, le délai de certaines dispositions en matière de prescription, le délai de
prescription de droit commun était de trente ans. Le nouvel article prescription de droit commun était de trente ans. Le nouvel article
2262bis, § 1er, du Code civil, inséré par la loi précitée, dispose que 2262bis, § 1er, du Code civil, inséré par la loi précitée, dispose que
les actions personnelles sont prescrites par dix ans, à l'exception les actions personnelles sont prescrites par dix ans, à l'exception
des actions en réparation d'un dommage fondées sur une responsabilité des actions en réparation d'un dommage fondées sur une responsabilité
extracontractuelle, qui se prescrivent par cinq ans à partir du jour extracontractuelle, qui se prescrivent par cinq ans à partir du jour
qui suit celui où la personne lésée a eu connaissance du dommage ou de qui suit celui où la personne lésée a eu connaissance du dommage ou de
son aggravation et de l'identité de la personne responsable, ces son aggravation et de l'identité de la personne responsable, ces
actions se prescrivant en tout état de cause par vingt ans à partir du actions se prescrivant en tout état de cause par vingt ans à partir du
jour qui suit celui où s'est produit le fait qui a provoqué le jour qui suit celui où s'est produit le fait qui a provoqué le
dommage. Lorsque l'action est née avant l'entrée en vigueur de la loi dommage. Lorsque l'action est née avant l'entrée en vigueur de la loi
du 10 juin 1998, l'article 10 de cette loi dispose, à titre de mesure du 10 juin 1998, l'article 10 de cette loi dispose, à titre de mesure
transitoire, que les nouveaux délais de prescription qu'elle institue transitoire, que les nouveaux délais de prescription qu'elle institue
courent seulement à compter de cette entrée en vigueur. courent seulement à compter de cette entrée en vigueur.
B.4. Aucun délai de prescription spécial n'étant prévu pour les B.4. Aucun délai de prescription spécial n'étant prévu pour les
communes en ce qui concerne les actions qu'elles intentent en communes en ce qui concerne les actions qu'elles intentent en
répétition de traitements, d'avances sur ceux-ci, d'indemnités, répétition de traitements, d'avances sur ceux-ci, d'indemnités,
d'allocations ou de prestations accessoires ou similaires aux d'allocations ou de prestations accessoires ou similaires aux
traitements, indûment payés, ces actions se prescrivent par dix ans, traitements, indûment payés, ces actions se prescrivent par dix ans,
conformément aux dispositions de droit commun, alors que les actions conformément aux dispositions de droit commun, alors que les actions
similaires intentées par l'Etat se prescrivent par cinq ans, similaires intentées par l'Etat se prescrivent par cinq ans,
conformément à l'article 114, § 1er, en cause. conformément à l'article 114, § 1er, en cause.
B.5. Par son arrêt n° 35/2002 du 13 février 2002, la Cour a jugé que B.5. Par son arrêt n° 35/2002 du 13 février 2002, la Cour a jugé que
l'article 7, § 1er, de la loi du 6 février 1970 relative à la l'article 7, § 1er, de la loi du 6 février 1970 relative à la
prescription des créances à charge ou au profit de l'Etat et des prescription des créances à charge ou au profit de l'Etat et des
provinces, qui forme l'article 106, § 1er, des lois sur la provinces, qui forme l'article 106, § 1er, des lois sur la
comptabilité de l'Etat, coordonnées par l'arrêté royal du 17 juillet comptabilité de l'Etat, coordonnées par l'arrêté royal du 17 juillet
1991 - l'article 114, § 1er, en cause étant rédigé dans des termes 1991 - l'article 114, § 1er, en cause étant rédigé dans des termes
analogues - violait les articles 10 et 11 de la Constitution en ce analogues - violait les articles 10 et 11 de la Constitution en ce
qu'il ne s'appliquait pas aux créances en remboursement de traitements qu'il ne s'appliquait pas aux créances en remboursement de traitements
indûment payés par les communes : indûment payés par les communes :
« B.1. L'article 7, § 1er, de la loi du 6 février 1970 relative à la « B.1. L'article 7, § 1er, de la loi du 6 février 1970 relative à la
prescription des créances à charge ou au profit de l'Etat et des prescription des créances à charge ou au profit de l'Etat et des
provinces forme désormais l'article 106, § 1er, des lois sur la provinces forme désormais l'article 106, § 1er, des lois sur la
comptabilité de l'Etat, coordonnées par l'arrêté royal du 17 juillet comptabilité de l'Etat, coordonnées par l'arrêté royal du 17 juillet
1991, qui dispose : 1991, qui dispose :
' Sont définitivement acquises à ceux qui les ont reçues les sommes ' Sont définitivement acquises à ceux qui les ont reçues les sommes
payées indûment par l'Etat en matière de traitements, d'avances sur payées indûment par l'Etat en matière de traitements, d'avances sur
ceux-ci ainsi que d'indemnités ou d'allocations qui sont accessoires ceux-ci ainsi que d'indemnités ou d'allocations qui sont accessoires
ou similaires aux traitements lorsque le remboursement n'en a pas été ou similaires aux traitements lorsque le remboursement n'en a pas été
réclamé dans un délai de cinq ans à partir du premier janvier de réclamé dans un délai de cinq ans à partir du premier janvier de
l'année du paiement. l'année du paiement.
Le délai fixé à l'alinéa 1er est porté à trente ans lorsque les sommes Le délai fixé à l'alinéa 1er est porté à trente ans lorsque les sommes
indues ont été obtenues par des manoeuvres frauduleuses ou par des indues ont été obtenues par des manoeuvres frauduleuses ou par des
déclarations fausses ou sciemment incomplètes '. déclarations fausses ou sciemment incomplètes '.
En vertu de l'article 71, § 1er, de la loi spéciale de financement du En vertu de l'article 71, § 1er, de la loi spéciale de financement du
16 janvier 1989, cette disposition est applicable aux communautés et 16 janvier 1989, cette disposition est applicable aux communautés et
aux régions. Par contre, aucun délai de prescription n'ayant été prévu aux régions. Par contre, aucun délai de prescription n'ayant été prévu
pour les communes, leurs créances sont prescrites après trente ans, en pour les communes, leurs créances sont prescrites après trente ans, en
vertu de l'article 2262 du Code civil. vertu de l'article 2262 du Code civil.
B.2. Il s'ensuit que la réclamation de sommes perçues indûment par un B.2. Il s'ensuit que la réclamation de sommes perçues indûment par un
agent communal se prescrit par trente ans, alors que la réclamation de agent communal se prescrit par trente ans, alors que la réclamation de
sommes perçues indûment par un agent de l'Etat, d'une communauté, sommes perçues indûment par un agent de l'Etat, d'une communauté,
d'une région ou d'une province est prescrite après l'écoulement d'un d'une région ou d'une province est prescrite après l'écoulement d'un
délai de cinq ans. délai de cinq ans.
B.3. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, les B.3. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, les
agents de l'Etat ou d'une province et les agents communaux qui se agents de l'Etat ou d'une province et les agents communaux qui se
voient réclamer des traitements indûment payés se trouvent dans des voient réclamer des traitements indûment payés se trouvent dans des
situations comparables. Si la comptabilité des communes n'est pas situations comparables. Si la comptabilité des communes n'est pas
soumise au contrôle de la Cour des comptes, cette différence n'affecte soumise au contrôle de la Cour des comptes, cette différence n'affecte
en rien la situation de leurs agents. en rien la situation de leurs agents.
B.4. La Cour ne doit pas examiner, dans la présente affaire, s'il est B.4. La Cour ne doit pas examiner, dans la présente affaire, s'il est
justifié de soumettre les actions dirigées contre les communes à un justifié de soumettre les actions dirigées contre les communes à un
délai de prescription différent des actions dirigées contre d'autres délai de prescription différent des actions dirigées contre d'autres
autorités publiques. Elle doit seulement se demander s'il est autorités publiques. Elle doit seulement se demander s'il est
raisonnablement justifié de soumettre à la prescription trentenaire raisonnablement justifié de soumettre à la prescription trentenaire
les actions en répétition de traitements indûment payés que les les actions en répétition de traitements indûment payés que les
communes intentent contre leurs agents tandis que les autres autorités communes intentent contre leurs agents tandis que les autres autorités
précitées doivent agir contre leurs agents dans un délai de cinq ans. précitées doivent agir contre leurs agents dans un délai de cinq ans.
B.5. Il est vrai que la prescription quinquennale qui s'applique aux B.5. Il est vrai que la prescription quinquennale qui s'applique aux
actions exercées par l'Etat, les communautés, les régions et les actions exercées par l'Etat, les communautés, les régions et les
provinces contre leurs agents est le pendant de la prescription des provinces contre leurs agents est le pendant de la prescription des
actions dirigées contre ces mêmes autorités. Il reste cependant que actions dirigées contre ces mêmes autorités. Il reste cependant que
l'application de la même prescription aux deux actions a fait l'objet l'application de la même prescription aux deux actions a fait l'objet
de justifications propres à l'une et à l'autre. Si la prescription de justifications propres à l'une et à l'autre. Si la prescription
dont bénéficient les autorités a été justifiée par des raisons tenant dont bénéficient les autorités a été justifiée par des raisons tenant
à la saine gestion des finances publiques, il ressort des travaux à la saine gestion des finances publiques, il ressort des travaux
préparatoires de la loi du 5 mars 1952, qui a introduit la disposition préparatoires de la loi du 5 mars 1952, qui a introduit la disposition
en cause dans la loi du 15 mai 1846 sur la comptabilité de l'Etat, que en cause dans la loi du 15 mai 1846 sur la comptabilité de l'Etat, que
la prescription dont bénéficient leurs agents a été justifiée la prescription dont bénéficient leurs agents a été justifiée
également par le souci de limiter à l'égard de ces agents les également par le souci de limiter à l'égard de ces agents les
conséquences dommageables de la répétition de sommes payées indûment, conséquences dommageables de la répétition de sommes payées indûment,
mais touchées généralement de bonne foi par les intéressés (Doc. mais touchées généralement de bonne foi par les intéressés (Doc.
parl., Chambre, 1950-1951, n° 435, pp. 1 et 2). parl., Chambre, 1950-1951, n° 435, pp. 1 et 2).
B.6. Sans doute, dans les deux cas, le délai de prescription des B.6. Sans doute, dans les deux cas, le délai de prescription des
créances de l'autorité publique est-il le même que celui qui créances de l'autorité publique est-il le même que celui qui
s'applique à ses dettes : l'agent d'une commune peut agir pendant s'applique à ses dettes : l'agent d'une commune peut agir pendant
trente ans contre celle-ci de même que la commune peut agir pendant trente ans contre celle-ci de même que la commune peut agir pendant
trente ans contre lui. Cette similitude dans les délais ne permet trente ans contre lui. Cette similitude dans les délais ne permet
cependant pas de justifier la différence de traitement en cause : en cependant pas de justifier la différence de traitement en cause : en
permettant de réclamer pendant trente ans à un agent communal des permettant de réclamer pendant trente ans à un agent communal des
traitements qui lui ont été payés généralement par erreur, alors qu'un traitements qui lui ont été payés généralement par erreur, alors qu'un
agent de l'Etat, d'une communauté, d'une région ou d'une province agent de l'Etat, d'une communauté, d'une région ou d'une province
échappe à toute réclamation après cinq ans, le législateur a pris, à échappe à toute réclamation après cinq ans, le législateur a pris, à
l'égard du premier, une mesure qui n'est pas raisonnablement l'égard du premier, une mesure qui n'est pas raisonnablement
justifiée. justifiée.
B.7. La question appelle une réponse positive ». B.7. La question appelle une réponse positive ».
B.6. Dans cet arrêt, la Cour devait se prononcer sur la question de B.6. Dans cet arrêt, la Cour devait se prononcer sur la question de
savoir s'il est raisonnablement justifié de soumettre à la savoir s'il est raisonnablement justifié de soumettre à la
prescription trentenaire les actions intentées par les communes à prescription trentenaire les actions intentées par les communes à
l'encontre de leurs agents en répétition de traitements indûment l'encontre de leurs agents en répétition de traitements indûment
payés, alors que les autres autorités précitées doivent intervenir à payés, alors que les autres autorités précitées doivent intervenir à
l'encontre de leurs agents dans un délai de cinq ans. La question l'encontre de leurs agents dans un délai de cinq ans. La question
soumise diffère de celle à laquelle il a été répondu dans cet arrêt en soumise diffère de celle à laquelle il a été répondu dans cet arrêt en
ce que c'est un délai de prescription de droit commun de dix ans au ce que c'est un délai de prescription de droit commun de dix ans au
lieu de trente qui est désormais en cause. lieu de trente qui est désormais en cause.
Cette différence n'empêche toutefois pas l'application des motifs de Cette différence n'empêche toutefois pas l'application des motifs de
l'arrêt n° 35/2002 à l'affaire présente. En effet, bien que ce soit l'arrêt n° 35/2002 à l'affaire présente. En effet, bien que ce soit
actuellement le délai de prescription de droit commun de dix ans qui actuellement le délai de prescription de droit commun de dix ans qui
est en cause, force est de constater que ce délai, en ce qui concerne est en cause, force est de constater que ce délai, en ce qui concerne
les actions de la commune en répétition de traitements indûment payés les actions de la commune en répétition de traitements indûment payés
à ses agents, représente le double de ce qui s'applique aux actions de à ses agents, représente le double de ce qui s'applique aux actions de
l'Etat en répétition des traitements indûment payés à ses agents. l'Etat en répétition des traitements indûment payés à ses agents.
Le commentaire des travaux préparatoires, selon lequel la source des Le commentaire des travaux préparatoires, selon lequel la source des
actions de l'Etat en répétition des traitements indûment payés est à actions de l'Etat en répétition des traitements indûment payés est à
ce point spécifique au secteur public qu'il ne saurait être renvoyé au ce point spécifique au secteur public qu'il ne saurait être renvoyé au
droit commun, ne justifie pas que ce régime dérogatoire s'applique aux droit commun, ne justifie pas que ce régime dérogatoire s'applique aux
seuls agents de l'Etat et non aux agents d'une commune. seuls agents de l'Etat et non aux agents d'une commune.
Cette différence de traitement a des effets disproportionnés en ce qui Cette différence de traitement a des effets disproportionnés en ce qui
concerne les agents communaux, dès lors que l'action en répétition de concerne les agents communaux, dès lors que l'action en répétition de
traitements qui leur ont été versés indûment concerne des sommes traitements qui leur ont été versés indûment concerne des sommes
d'argent versées périodiquement et dont le montant augmente au fil du d'argent versées périodiquement et dont le montant augmente au fil du
temps, et auxquelles devraient dès lors en principe s'appliquer, si temps, et auxquelles devraient dès lors en principe s'appliquer, si
ces sommes doivent être remboursées, le délai de prescription abrégé ces sommes doivent être remboursées, le délai de prescription abrégé
fixé par l'article 2277 du Code civil; le recouvrement de traitements fixé par l'article 2277 du Code civil; le recouvrement de traitements
indus versés pendant une longue période peut en effet porter sur des indus versés pendant une longue période peut en effet porter sur des
montants qui, à terme, se sont transformés en une dette à ce point montants qui, à terme, se sont transformés en une dette à ce point
importante qu'elle pourrait causer la ruine du débiteur. importante qu'elle pourrait causer la ruine du débiteur.
Pour les mêmes motifs que ceux de l'arrêt précité, la différence de Pour les mêmes motifs que ceux de l'arrêt précité, la différence de
traitement en cause n'est pas raisonnablement justifiée. traitement en cause n'est pas raisonnablement justifiée.
B.7. Toutefois, cette discrimination ne trouve pas sa source dans la B.7. Toutefois, cette discrimination ne trouve pas sa source dans la
disposition en cause, mais dans l'absence d'une disposition disposition en cause, mais dans l'absence d'une disposition
législative, applicable aux communes, prévoyant une prescription législative, applicable aux communes, prévoyant une prescription
quinquennale du délai de recouvrement des traitements indus. quinquennale du délai de recouvrement des traitements indus.
B.8. Il découle de ce qui précède que la différence de traitement B.8. Il découle de ce qui précède que la différence de traitement
dénoncée n'a pas son siège dans l'article 114 de la loi du 22 mai 2003 dénoncée n'a pas son siège dans l'article 114 de la loi du 22 mai 2003
portant organisation du budget et de la comptabilité de l'Etat portant organisation du budget et de la comptabilité de l'Etat
fédéral, de sorte que la question préjudicielle appelle une réponse fédéral, de sorte que la question préjudicielle appelle une réponse
négative. négative.
Par ces motifs, Par ces motifs,
la Cour la Cour
dit pour droit : dit pour droit :
- L'article 114 de la loi du 22 mai 2003 portant organisation du - L'article 114 de la loi du 22 mai 2003 portant organisation du
budget et de la comptabilité de l'Etat fédéral ne viole pas les budget et de la comptabilité de l'Etat fédéral ne viole pas les
articles 10 et 11 de la Constitution. articles 10 et 11 de la Constitution.
- L'absence de disposition législative établissant une prescription - L'absence de disposition législative établissant une prescription
quinquennale de l'action en répétition de traitements indûment payés quinquennale de l'action en répétition de traitements indûment payés
par les communes viole les articles 10 et 11 de la Constitution. par les communes viole les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française,
conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur
la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 18 mai 2011. la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 18 mai 2011.
Le greffier, Le greffier,
P.-Y. Dutilleux. P.-Y. Dutilleux.
Le président, Le président,
M. Bossuyt. M. Bossuyt.
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