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Extrait de l'arrêt n° 62/2009 du 25 mars 2009 Numéro du rôle : 4492 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 1 er , alinéa 6, de la loi du 20 juillet 1971 instituant des prestations familiales garanties, posée par La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges P. Ma(...) Extrait de l'arrêt n° 62/2009 du 25 mars 2009 Numéro du rôle : 4492 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 1 er , alinéa 6, de la loi du 20 juillet 1971 instituant des prestations familiales garanties, posée par La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges P. Ma(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 62/2009 du 25 mars 2009 Extrait de l'arrêt n° 62/2009 du 25 mars 2009
Numéro du rôle : 4492 Numéro du rôle : 4492
En cause : la question préjudicielle relative à l'article 1er, alinéa En cause : la question préjudicielle relative à l'article 1er, alinéa
6, de la loi du 20 juillet 1971 instituant des prestations familiales 6, de la loi du 20 juillet 1971 instituant des prestations familiales
garanties, posée par le Tribunal du travail de Liège. garanties, posée par le Tribunal du travail de Liège.
La Cour constitutionnelle, La Cour constitutionnelle,
composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges P. composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges P.
Martens, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Martens, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P.
Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y.
Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, Dutilleux, présidée par le président M. Melchior,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet de la question préjudicielle et procédure I. Objet de la question préjudicielle et procédure
Par jugement du 24 juin 2008 en cause de Samira Saidi contre l'Office Par jugement du 24 juin 2008 en cause de Samira Saidi contre l'Office
national d'allocations familiales pour travailleurs salariés (ONAFTS), national d'allocations familiales pour travailleurs salariés (ONAFTS),
dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 1er juillet dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 1er juillet
2008, le Tribunal du travail de Liège a posé la question préjudicielle 2008, le Tribunal du travail de Liège a posé la question préjudicielle
suivante : suivante :
« L'article 1er, alinéa 2, de la loi du 20 juillet 1971 instituant des « L'article 1er, alinéa 2, de la loi du 20 juillet 1971 instituant des
prestations familiales garanties, tel qu'inséré dans cette loi par prestations familiales garanties, tel qu'inséré dans cette loi par
l'article 1er de l'Arrêté Royal n° 242 du 31 décembre 1983, pris en l'article 1er de l'Arrêté Royal n° 242 du 31 décembre 1983, pris en
exécution de l'article 1er, 2°, de la loi du 6 juillet 1983, exécution de l'article 1er, 2°, de la loi du 6 juillet 1983,
attribuant certains pouvoirs spéciaux au Roi, et confirmé par attribuant certains pouvoirs spéciaux au Roi, et confirmé par
l'article 8, 8°, de la loi du 6 décembre 1984 portant confirmation des l'article 8, 8°, de la loi du 6 décembre 1984 portant confirmation des
Arrêtés Royaux pris en exécution de l'article 1er, 1° et 2°, de ladite Arrêtés Royaux pris en exécution de l'article 1er, 1° et 2°, de ladite
loi du 6 juillet 1983, ainsi que modifié par la loi du 29 avril 1996, loi du 6 juillet 1983, ainsi que modifié par la loi du 29 avril 1996,
en imposant à la personne physique, qui demande des prestations en imposant à la personne physique, qui demande des prestations
familiales garanties en faveur d'un enfant dont elle a la charge, né familiales garanties en faveur d'un enfant dont elle a la charge, né
en Belgique et y résidant depuis lors, d'avoir résidé effectivement en en Belgique et y résidant depuis lors, d'avoir résidé effectivement en
Belgique de manière non interrompue pendant au moins les 5 dernières Belgique de manière non interrompue pendant au moins les 5 dernières
années qui précèdent l'introduction de la demande, viole-t-il les années qui précèdent l'introduction de la demande, viole-t-il les
articles 10 et 11 de la Constitution ? articles 10 et 11 de la Constitution ?
N'existe-t-il pas une différence de traitement entre d'une part, N'existe-t-il pas une différence de traitement entre d'une part,
l'enfant belge qui, étant à charge d'une personne de nationalité l'enfant belge qui, étant à charge d'une personne de nationalité
belge, bénéficie des prestations familiales garanties sans condition belge, bénéficie des prestations familiales garanties sans condition
de résidence, et d'autre part, l'enfant belge qui, étant à charge de résidence, et d'autre part, l'enfant belge qui, étant à charge
d'une personne de nationalité étrangère qui ne satisfait pas à la d'une personne de nationalité étrangère qui ne satisfait pas à la
condition de résidence préalable d'une durée de 5 ans, ne peut en condition de résidence préalable d'une durée de 5 ans, ne peut en
bénéficier ? bénéficier ?
L'exigence d'une résidence de 5 années au moins dans le chef de la L'exigence d'une résidence de 5 années au moins dans le chef de la
personne physique qui a l'enfant à charge, s'ajoutant à la condition personne physique qui a l'enfant à charge, s'ajoutant à la condition
de la résidence effective de l'enfant est-elle ou non disproportionnée de la résidence effective de l'enfant est-elle ou non disproportionnée
eu égard au souci d'étendre le bénéfice du régime résiduaire des eu égard au souci d'étendre le bénéfice du régime résiduaire des
prestations familiales garanties, tout en exigeant de voir établir un prestations familiales garanties, tout en exigeant de voir établir un
lien suffisant avec l'Etat belge, alors que la qualité de Belge de lien suffisant avec l'Etat belge, alors que la qualité de Belge de
l'enfant, combinée avec la condition de résidence effective de l'enfant, combinée avec la condition de résidence effective de
l'enfant depuis sa naissance en Belgique, ainsi que la nationalité l'enfant depuis sa naissance en Belgique, ainsi que la nationalité
belge d'un des auteurs, établit un rattachement avec l'Etat belge ? belge d'un des auteurs, établit un rattachement avec l'Etat belge ?
N'y aurait-il pas également une différence de traitement dans la N'y aurait-il pas également une différence de traitement dans la
mesure où l'enfant, belge, résidant en Belgique, né d'un parent de mesure où l'enfant, belge, résidant en Belgique, né d'un parent de
nationalité belge et d'un parent de nationalité étrangère pourrait nationalité belge et d'un parent de nationalité étrangère pourrait
bénéficier des prestations familiales garanties selon qu'il serait bénéficier des prestations familiales garanties selon qu'il serait
principalement à charge de l'un ou de l'autre ? ». principalement à charge de l'un ou de l'autre ? ».
(...) (...)
III. En droit III. En droit
(...) (...)
B.1.1. Selon son libellé, la question préjudicielle porte sur B.1.1. Selon son libellé, la question préjudicielle porte sur
l'article 1er, alinéa 2, de la loi du 20 juillet 1971 instituant des l'article 1er, alinéa 2, de la loi du 20 juillet 1971 instituant des
prestations familiales garanties. Il résulte cependant des faits de prestations familiales garanties. Il résulte cependant des faits de
l'espèce et de la motivation du jugement a quo qu'elle porte sur l'espèce et de la motivation du jugement a quo qu'elle porte sur
l'alinéa 6 de cette disposition. l'alinéa 6 de cette disposition.
L'article 1er dispose : L'article 1er dispose :
« Sans préjudice des dispositions de l'article 10, les prestations « Sans préjudice des dispositions de l'article 10, les prestations
familiales sont accordées, dans les conditions fixées par ou en vertu familiales sont accordées, dans les conditions fixées par ou en vertu
de la présente loi, en faveur de l'enfant qui est exclusivement ou de la présente loi, en faveur de l'enfant qui est exclusivement ou
principalement à la charge d'une personne physique qui réside en principalement à la charge d'une personne physique qui réside en
Belgique. Belgique.
La perception par l'enfant d'une indemnité visée dans la loi du 3 La perception par l'enfant d'une indemnité visée dans la loi du 3
juillet 2005 relative aux droits des volontaires n'empêche pas juillet 2005 relative aux droits des volontaires n'empêche pas
l'octroi de prestations familiales. l'octroi de prestations familiales.
La perception par l'enfant d'une solde visée dans la loi du 11 avril La perception par l'enfant d'une solde visée dans la loi du 11 avril
2003 instituant un service volontaire d'utilité collective n'empêche 2003 instituant un service volontaire d'utilité collective n'empêche
pas l'octroi de prestations familiales. pas l'octroi de prestations familiales.
Un enfant est considéré comme étant principalement à charge de la Un enfant est considéré comme étant principalement à charge de la
personne physique visée à l'alinéa 1er si cette personne supporte plus personne physique visée à l'alinéa 1er si cette personne supporte plus
de la moitié du coût d'entretien de l'enfant. de la moitié du coût d'entretien de l'enfant.
Jusqu'à preuve du contraire, la personne physique est présumée remplir Jusqu'à preuve du contraire, la personne physique est présumée remplir
cette condition, s'il résulte d'une inscription au registre de la cette condition, s'il résulte d'une inscription au registre de la
population, au registre des étrangers ou au Registre national des population, au registre des étrangers ou au Registre national des
personnes physiques que l'enfant fait partie de son ménage. Cette personnes physiques que l'enfant fait partie de son ménage. Cette
présomption ne peut être renversée au motif que l'enfant perçoit un présomption ne peut être renversée au motif que l'enfant perçoit un
minimum de moyens d'existence accordé en vertu de la loi du 7 août minimum de moyens d'existence accordé en vertu de la loi du 7 août
1974 instituant le droit à un minimum de moyens d'existence. 1974 instituant le droit à un minimum de moyens d'existence.
La personne physique visée à l'alinéa 1er doit avoir résidé La personne physique visée à l'alinéa 1er doit avoir résidé
effectivement en Belgique de manière non interrompue pendant au moins effectivement en Belgique de manière non interrompue pendant au moins
les cinq dernières années qui précèdent l'introduction de la demande les cinq dernières années qui précèdent l'introduction de la demande
de prestations familiales garanties. de prestations familiales garanties.
Sont dispensés de cette condition : Sont dispensés de cette condition :
1° la personne qui tombe sous l'application du Règlement (CEE) n° 1° la personne qui tombe sous l'application du Règlement (CEE) n°
1408/71 du 14 juin 1971 du Conseil des Communautés européennes relatif 1408/71 du 14 juin 1971 du Conseil des Communautés européennes relatif
à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs
salariés, aux travailleurs non salariés, ainsi qu'aux membres de leur salariés, aux travailleurs non salariés, ainsi qu'aux membres de leur
famille, qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté; famille, qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté;
2° l'apatride; 2° l'apatride;
3° le réfugié au sens de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au 3° le réfugié au sens de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au
territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers; territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers;
4° la personne non visée au 1° qui est ressortissante d'un Etat qui a 4° la personne non visée au 1° qui est ressortissante d'un Etat qui a
ratifié la Charte sociale européenne ou la Charte sociale européenne ratifié la Charte sociale européenne ou la Charte sociale européenne
révisée. révisée.
Si la personne physique visée à l'alinéa 1er est étrangère, elle doit Si la personne physique visée à l'alinéa 1er est étrangère, elle doit
être admise ou autorisée à séjourner en Belgique ou à s'y établir, être admise ou autorisée à séjourner en Belgique ou à s'y établir,
conformément aux dispositions de la loi du 15 décembre 1980 sur conformément aux dispositions de la loi du 15 décembre 1980 sur
l'accès au territoire, le séjour l'établissement et l'éloignement des l'accès au territoire, le séjour l'établissement et l'éloignement des
étrangers. étrangers.
Les prestations familiales comprennent : Les prestations familiales comprennent :
1° les allocations familiales; 1° les allocations familiales;
2° l'allocation supplémentaire en fonction de l'âge; 2° l'allocation supplémentaire en fonction de l'âge;
3° l'allocation de naissance; 3° l'allocation de naissance;
4° l'allocation spéciale visée à l'article 10; 4° l'allocation spéciale visée à l'article 10;
5° la prime d'adoption; 5° la prime d'adoption;
6° le supplément d'âge annuel; 6° le supplément d'âge annuel;
7° le supplément mensuel. 7° le supplément mensuel.
Le Roi peut octroyer d'autres allocations lorsque et dans la mesure où Le Roi peut octroyer d'autres allocations lorsque et dans la mesure où
ces allocations sont également octroyées dans le régime des ces allocations sont également octroyées dans le régime des
prestations familiales pour travailleurs indépendants ». prestations familiales pour travailleurs indépendants ».
B.1.2. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, la B.1.2. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, la
question préjudicielle ne porte pas sur l'article 1er, alinéas 4 et 5, question préjudicielle ne porte pas sur l'article 1er, alinéas 4 et 5,
de la loi en cause qui subordonne la qualité d'attributaire à la de la loi en cause qui subordonne la qualité d'attributaire à la
condition que celui qui la revendique soit présumé avoir l'enfant condition que celui qui la revendique soit présumé avoir l'enfant
bénéficiaire à sa charge. S'il est vrai qu'en son dernier alinéa, la bénéficiaire à sa charge. S'il est vrai qu'en son dernier alinéa, la
question préjudicielle se réfère à la personne à la charge de laquelle question préjudicielle se réfère à la personne à la charge de laquelle
se trouve l'enfant bénéficiaire, la question porte néanmoins sur la se trouve l'enfant bénéficiaire, la question porte néanmoins sur la
situation de l'enfant compte tenu de la nationalité du parent qui en a situation de l'enfant compte tenu de la nationalité du parent qui en a
la charge et non sur la présomption que l'article 1er, alinéas 4 et 5, la charge et non sur la présomption que l'article 1er, alinéas 4 et 5,
établit pour désigner le parent à charge duquel l'enfant se trouve et, établit pour désigner le parent à charge duquel l'enfant se trouve et,
par là, l'attributaire. par là, l'attributaire.
En outre, il n'appartient pas aux parties de modifier l'étendue des En outre, il n'appartient pas aux parties de modifier l'étendue des
dispositions qui sont soumises au contrôle de la Cour. dispositions qui sont soumises au contrôle de la Cour.
B.2. Dans sa formulation originaire, l'article 1er de la loi du 20 B.2. Dans sa formulation originaire, l'article 1er de la loi du 20
juillet 1971 instituant des prestations familiales garanties disposait juillet 1971 instituant des prestations familiales garanties disposait
: :
« Les prestations familiales sont accordées, dans les conditions « Les prestations familiales sont accordées, dans les conditions
fixées par ou en vertu de la présente loi, en faveur de l'enfant qui fixées par ou en vertu de la présente loi, en faveur de l'enfant qui
est exclusivement ou principalement à la charge d'une personne est exclusivement ou principalement à la charge d'une personne
physique. Le Roi détermine quels enfants sont considérés comme étant physique. Le Roi détermine quels enfants sont considérés comme étant
principalement à charge. principalement à charge.
Les prestations familiales comprennent : Les prestations familiales comprennent :
1° les allocations familiales; 1° les allocations familiales;
2° l'allocation supplémentaire en fonction de l'âge; 2° l'allocation supplémentaire en fonction de l'âge;
3° l'allocation de naissance ». 3° l'allocation de naissance ».
B.3. L'article 1er de la loi du 20 juillet 1971 a été modifié à B.3. L'article 1er de la loi du 20 juillet 1971 a été modifié à
plusieurs reprises, notamment pour imposer à la personne physique plusieurs reprises, notamment pour imposer à la personne physique
qu'il vise une condition de résidence effective et non interrompue en qu'il vise une condition de résidence effective et non interrompue en
Belgique pendant au moins les cinq dernières années qui précèdent Belgique pendant au moins les cinq dernières années qui précèdent
l'introduction de la demande de prestations familiales garanties. l'introduction de la demande de prestations familiales garanties.
Cette condition fut dans un premier temps imposée à la personne Cette condition fut dans un premier temps imposée à la personne
physique de manière générale (article 1er de l'arrêté royal n° 242 du physique de manière générale (article 1er de l'arrêté royal n° 242 du
31 décembre 1983); elle fut ensuite limitée à la personne physique « 31 décembre 1983); elle fut ensuite limitée à la personne physique «
qui n'est pas belge ou ressortissante d'un Etat membre de la qui n'est pas belge ou ressortissante d'un Etat membre de la
Communauté européenne et qui n'est ni apatride, ni réfugié au sens de Communauté européenne et qui n'est ni apatride, ni réfugié au sens de
la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour,
l'établissement et l'éloignement des étrangers » (article 48 de la loi l'établissement et l'éloignement des étrangers » (article 48 de la loi
du 20 juillet 1991). Les dispenses prévues actuellement ont été du 20 juillet 1991). Les dispenses prévues actuellement ont été
inscrites dans la disposition en cause par la loi du 29 avril 1996 inscrites dans la disposition en cause par la loi du 29 avril 1996
(article 59). (article 59).
B.4. Il ressort des faits de la cause dont a à connaître le juge a quo B.4. Il ressort des faits de la cause dont a à connaître le juge a quo
que la personne qui sollicite le bénéfice de prestations familiales que la personne qui sollicite le bénéfice de prestations familiales
garanties est de nationalité marocaine. Compte tenu des motifs de la garanties est de nationalité marocaine. Compte tenu des motifs de la
décision du juge a quo, la différence de traitement qui doit faire décision du juge a quo, la différence de traitement qui doit faire
l'objet de l'examen de la Cour est celle qui existe entre, d'une part, l'objet de l'examen de la Cour est celle qui existe entre, d'une part,
les enfants qui, étant à charge soit d'une personne de nationalité les enfants qui, étant à charge soit d'une personne de nationalité
belge soit d'une personne de nationalité étrangère résidant depuis belge soit d'une personne de nationalité étrangère résidant depuis
plus de cinq ans en Belgique au moment de l'introduction de la demande plus de cinq ans en Belgique au moment de l'introduction de la demande
de prestations familiales garanties, bénéficient desdites prestations de prestations familiales garanties, bénéficient desdites prestations
et, d'autre part, les enfants qui ne peuvent en bénéficier, étant à et, d'autre part, les enfants qui ne peuvent en bénéficier, étant à
charge d'une personne de nationalité étrangère qui ne satisfait pas à charge d'une personne de nationalité étrangère qui ne satisfait pas à
cette condition de résidence. cette condition de résidence.
B.5. Pour répondre à la question préjudicielle, il y a lieu d'examiner B.5. Pour répondre à la question préjudicielle, il y a lieu d'examiner
si le critère de différenciation retenu par le législateur, tiré de si le critère de différenciation retenu par le législateur, tiré de
l'exigence d'une condition de résidence préalable de cinq années en l'exigence d'une condition de résidence préalable de cinq années en
Belgique, est justifié au regard du but poursuivi par lui et s'il Belgique, est justifié au regard du but poursuivi par lui et s'il
existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le moyen existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le moyen
employé et le but visé. employé et le but visé.
B.6.1. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 20 juillet B.6.1. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 20 juillet
1971 que l'objectif poursuivi par le législateur était d'instaurer un 1971 que l'objectif poursuivi par le législateur était d'instaurer un
régime résiduaire dans le secteur des allocations familiales : régime résiduaire dans le secteur des allocations familiales :
« dans l'état actuel de la législation, certains enfants ne peuvent « dans l'état actuel de la législation, certains enfants ne peuvent
bénéficier des allocations familiales du fait qu'il n'y a, de leur bénéficier des allocations familiales du fait qu'il n'y a, de leur
chef, aucun attributaire, ni dans le régime des salariés ou des chef, aucun attributaire, ni dans le régime des salariés ou des
employés, ni dans celui des indépendants. D'où la nécessité de créer employés, ni dans celui des indépendants. D'où la nécessité de créer
un régime résiduaire dans le secteur des allocations familiales » un régime résiduaire dans le secteur des allocations familiales »
(Doc. parl., Sénat, 1970-1971, n° 576, rapport, p. 1). (Doc. parl., Sénat, 1970-1971, n° 576, rapport, p. 1).
B.6.2. Dès lors que le législateur visait, par l'instauration de B.6.2. Dès lors que le législateur visait, par l'instauration de
prestations familiales garanties, à instituer un régime résiduaire prestations familiales garanties, à instituer un régime résiduaire
permettant d'assurer le bénéfice des prestations familiales aux permettant d'assurer le bénéfice des prestations familiales aux
enfants exclus d'un régime obligatoire, la question se pose de savoir enfants exclus d'un régime obligatoire, la question se pose de savoir
si la mesure aboutissant à refuser le bénéfice de cette législation si la mesure aboutissant à refuser le bénéfice de cette législation
aux enfants à charge d'une personne ne résidant pas depuis plus de aux enfants à charge d'une personne ne résidant pas depuis plus de
cinq ans en Belgique et ne pouvant être dispensée de cette condition cinq ans en Belgique et ne pouvant être dispensée de cette condition
sur la base de l'article 1er, alinéa 7, précité ne va pas à l'encontre sur la base de l'article 1er, alinéa 7, précité ne va pas à l'encontre
de l'objectif poursuivi par le législateur. de l'objectif poursuivi par le législateur.
B.6.3. Le législateur a pu, eu égard au caractère non contributif du B.6.3. Le législateur a pu, eu égard au caractère non contributif du
régime résiduaire, en subordonner le bénéfice à l'existence d'un lien régime résiduaire, en subordonner le bénéfice à l'existence d'un lien
suffisant avec la Belgique. Les articles 1er et 2 de la loi du 20 suffisant avec la Belgique. Les articles 1er et 2 de la loi du 20
juillet 1971, nonobstant les modifications successives, ont toujours juillet 1971, nonobstant les modifications successives, ont toujours
imposé des conditions - nationalité ou résidence - d'obtention des imposé des conditions - nationalité ou résidence - d'obtention des
prestations familiales garanties. La loi du 29 avril 1996 dont est prestations familiales garanties. La loi du 29 avril 1996 dont est
issue la disposition en cause n'a tempéré ces exigences que pour issue la disposition en cause n'a tempéré ces exigences que pour
traiter de manière identique les Belges et les ressortissants de traiter de manière identique les Belges et les ressortissants de
l'Espace économique européen (Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° l'Espace économique européen (Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n°
352/1, p. 40) ainsi que les apatrides et les réfugiés cités en B.3. 352/1, p. 40) ainsi que les apatrides et les réfugiés cités en B.3.
Ainsi l'article 1er, alinéa 8, de la loi en cause dispose-t-il : Ainsi l'article 1er, alinéa 8, de la loi en cause dispose-t-il :
« Si la personne physique visée à l'alinéa 1er est étrangère, elle « Si la personne physique visée à l'alinéa 1er est étrangère, elle
doit être admise ou autorisée à séjourner en Belgique ou à s'y doit être admise ou autorisée à séjourner en Belgique ou à s'y
établir, conformément aux dispositions de la loi du 15 décembre 1980 établir, conformément aux dispositions de la loi du 15 décembre 1980
sur l'accès au territoire, le séjour l'établissement et l'éloignement sur l'accès au territoire, le séjour l'établissement et l'éloignement
des étrangers ». des étrangers ».
Dans son arrêt n° 110/2006 du 28 juin 2006, la Cour a jugé que le Dans son arrêt n° 110/2006 du 28 juin 2006, la Cour a jugé que le
législateur pouvait subordonner le bénéfice du régime résiduaire à la législateur pouvait subordonner le bénéfice du régime résiduaire à la
condition d'un séjour régulier en Belgique. condition d'un séjour régulier en Belgique.
B.7. L'article 2 de la loi du 20 juillet 1971 - non visé par la B.7. L'article 2 de la loi du 20 juillet 1971 - non visé par la
question préjudicielle - subordonne le droit au bénéfice des question préjudicielle - subordonne le droit au bénéfice des
allocations familiales garanties à la résidence effective de l'enfant allocations familiales garanties à la résidence effective de l'enfant
en Belgique, en ajoutant, pour certains d'entre eux, d'autres en Belgique, en ajoutant, pour certains d'entre eux, d'autres
exigences. exigences.
L'exigence complémentaire d'une résidence de cinq années au moins dans L'exigence complémentaire d'une résidence de cinq années au moins dans
le chef de l'attributaire qui ne peut bénéficier des dispenses prévues le chef de l'attributaire qui ne peut bénéficier des dispenses prévues
à l'article 1er, alinéa 7, s'ajoutant à cette condition de résidence à l'article 1er, alinéa 7, s'ajoutant à cette condition de résidence
effective de l'enfant, apparaît, lorsque, comme en l'espèce, l'enfant effective de l'enfant, apparaît, lorsque, comme en l'espèce, l'enfant
est Belge, disproportionnée par rapport au souci d'étendre le bénéfice est Belge, disproportionnée par rapport au souci d'étendre le bénéfice
du régime résiduaire tout en exigeant de voir établi un lien suffisant du régime résiduaire tout en exigeant de voir établi un lien suffisant
avec l'Etat belge : la qualité de Belge de l'enfant, la condition de avec l'Etat belge : la qualité de Belge de l'enfant, la condition de
résidence de l'enfant et l'exigence pour l'attributaire d'être admis résidence de l'enfant et l'exigence pour l'attributaire d'être admis
ou autorisé à séjourner en Belgique ou à s'y établir, démontrent en ou autorisé à séjourner en Belgique ou à s'y établir, démontrent en
effet à suffisance le rattachement recherché avec l'Etat belge et il effet à suffisance le rattachement recherché avec l'Etat belge et il
n'apparaît pas raisonnablement justifié d'exiger en outre de n'apparaît pas raisonnablement justifié d'exiger en outre de
l'attributaire une résidence préalable d'une certaine durée en l'attributaire une résidence préalable d'une certaine durée en
Belgique. Il en est d'autant plus ainsi que l'article 2, paragraphe 2, Belgique. Il en est d'autant plus ainsi que l'article 2, paragraphe 2,
de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant oblige de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant oblige
les Etats parties à prendre « toutes les mesures appropriées pour que les Etats parties à prendre « toutes les mesures appropriées pour que
l'enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de l'enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de
discrimination ou de sanctions motivées par la situation juridique discrimination ou de sanctions motivées par la situation juridique
[...] de ses parents » et que l'article 26, paragraphe 1, de cette [...] de ses parents » et que l'article 26, paragraphe 1, de cette
même Convention prévoit également que les Etats parties « même Convention prévoit également que les Etats parties «
reconnaissent à tout enfant le droit de bénéficier de la sécurité reconnaissent à tout enfant le droit de bénéficier de la sécurité
sociale, y compris les assurances sociales, et prennent les mesures sociale, y compris les assurances sociales, et prennent les mesures
nécessaires pour assurer la pleine réalisation de ce droit en nécessaires pour assurer la pleine réalisation de ce droit en
conformité avec leur législation nationale ». conformité avec leur législation nationale ».
Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, la prise en Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, la prise en
compte, dans l'hypothèse dont le juge a quo est saisi et sur laquelle compte, dans l'hypothèse dont le juge a quo est saisi et sur laquelle
la Cour se prononce, de la nationalité de l'enfant n'aboutit pas à la Cour se prononce, de la nationalité de l'enfant n'aboutit pas à
rétablir la condition de nationalité abandonnée lors de l'adoption de rétablir la condition de nationalité abandonnée lors de l'adoption de
l'arrêté royal n° 242 précité mais fait partie des éléments qui l'arrêté royal n° 242 précité mais fait partie des éléments qui
permettent d'établir si le lien suffisant de rattachement avec la permettent d'établir si le lien suffisant de rattachement avec la
Belgique, auquel le législateur subordonne l'avantage en cause, existe Belgique, auquel le législateur subordonne l'avantage en cause, existe
ou non. ou non.
Il s'ensuit que l'article 1er, alinéa 6, de la loi du 20 juillet 1971, Il s'ensuit que l'article 1er, alinéa 6, de la loi du 20 juillet 1971,
tel qu'il a été remplacé par la loi du 29 avril 1996, n'est pas tel qu'il a été remplacé par la loi du 29 avril 1996, n'est pas
compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il
s'applique à l'attributaire se trouvant dans la situation qui a été s'applique à l'attributaire se trouvant dans la situation qui a été
décrite plus haut. décrite plus haut.
B.8. La question préjudicielle appelle une réponse positive, dans la B.8. La question préjudicielle appelle une réponse positive, dans la
mesure indiquée en B.7. mesure indiquée en B.7.
Par ces motifs, Par ces motifs,
la Cour la Cour
dit pour droit : dit pour droit :
L'article 1er, alinéa 6, de la loi du 20 juillet 1971 instituant des L'article 1er, alinéa 6, de la loi du 20 juillet 1971 instituant des
prestations familiales garanties viole les articles 10 et 11 de la prestations familiales garanties viole les articles 10 et 11 de la
Constitution en ce qu'il s'applique au demandeur étranger de Constitution en ce qu'il s'applique au demandeur étranger de
prestations familiales garanties qui est admis ou autorisé à séjourner prestations familiales garanties qui est admis ou autorisé à séjourner
en Belgique ou à s'y établir et qui ne peut bénéficier des dispenses en Belgique ou à s'y établir et qui ne peut bénéficier des dispenses
prévues par l'alinéa 7 de cet article, alors que l'enfant dont il a la prévues par l'alinéa 7 de cet article, alors que l'enfant dont il a la
charge est Belge et réside effectivement en Belgique. charge est Belge et réside effectivement en Belgique.
Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise,
conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à
l'audience publique du 25 mars 2009. l'audience publique du 25 mars 2009.
Le greffier, Le greffier,
P.-Y. Dutilleux. P.-Y. Dutilleux.
Le président, Le président,
M. Melchior. M. Melchior.
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