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Extrait de l'arrêt n° 97/2002 du 12 juin 2002 Numéro du rôle : 2160 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 43, alinéas 1 er et 2, et 70, § 4, alinéa 2, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, posées pa La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, M.(...) Extrait de l'arrêt n° 97/2002 du 12 juin 2002 Numéro du rôle : 2160 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 43, alinéas 1 er et 2, et 70, § 4, alinéa 2, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, posées pa La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, M.(...)
COUR D'ARBITRAGE COUR D'ARBITRAGE
Extrait de l'arrêt n° 97/2002 du 12 juin 2002 Extrait de l'arrêt n° 97/2002 du 12 juin 2002
Numéro du rôle : 2160 Numéro du rôle : 2160
En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 43, En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 43,
alinéas 1er et 2, et 70, § 4, alinéa 2, du Code de la taxe sur la alinéas 1er et 2, et 70, § 4, alinéa 2, du Code de la taxe sur la
valeur ajoutée, posées par la Cour d'appel d'Anvers. valeur ajoutée, posées par la Cour d'appel d'Anvers.
La Cour d'arbitrage, La Cour d'arbitrage,
composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P.
Martens, M. Bossuyt, L. Lavrysen, A. Alen et J.-P. Moerman, assistée Martens, M. Bossuyt, L. Lavrysen, A. Alen et J.-P. Moerman, assistée
du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet des questions préjudicielles I. Objet des questions préjudicielles
Par arrêt du 3 avril 2001 en cause de la s.a. Borsumij Belgium contre Par arrêt du 3 avril 2001 en cause de la s.a. Borsumij Belgium contre
l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour
d'arbitrage le 19 avril 2001, la Cour d'appel d'Anvers a posé les d'arbitrage le 19 avril 2001, la Cour d'appel d'Anvers a posé les
questions préjudicielles suivantes : questions préjudicielles suivantes :
« 1. L'article 43, alinéas 1er et 2, de la loi du 3 juillet 1969 « 1. L'article 43, alinéas 1er et 2, de la loi du 3 juillet 1969
créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée est-il compatible avec créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée est-il compatible avec
les articles 10 et 11 de la Constitution coordonnée (articles 6 et les articles 10 et 11 de la Constitution coordonnée (articles 6 et
6bis de la Constitution de l'époque) s'il est interprété comme 6bis de la Constitution de l'époque) s'il est interprété comme
autorisant le Roi à instaurer la qualité de codébiteur ou une autorisant le Roi à instaurer la qualité de codébiteur ou une
responsabilité solidaire pour la T.V.A. dans le chef du fournisseur de responsabilité solidaire pour la T.V.A. dans le chef du fournisseur de
l'assujetti au cas où ce dernier se serait prévalu indûment de la l'assujetti au cas où ce dernier se serait prévalu indûment de la
franchise du susdit article 43, même sans qu'il soit question d'une franchise du susdit article 43, même sans qu'il soit question d'une
infraction intentionnelle du fournisseur, alors qu'un contractant infraction intentionnelle du fournisseur, alors qu'un contractant
n'est généralement et sur le plan civil pas solidairement responsable n'est généralement et sur le plan civil pas solidairement responsable
des dettes de son cocontractant ? des dettes de son cocontractant ?
2. L'article 70, § 4, alinéa 2, de la loi du 3 juillet 1969 créant le 2. L'article 70, § 4, alinéa 2, de la loi du 3 juillet 1969 créant le
Code de la taxe sur la valeur ajoutée est-il compatible avec les Code de la taxe sur la valeur ajoutée est-il compatible avec les
articles 10 et 11 de la Constitution coordonnée (articles 6 et 6bis de articles 10 et 11 de la Constitution coordonnée (articles 6 et 6bis de
la Constitution de l'époque) s'il est interprété en ce sens qu'un la Constitution de l'époque) s'il est interprété en ce sens qu'un
cocontractant-fournisseur serait solidairement responsable de la cocontractant-fournisseur serait solidairement responsable de la
T.V.A., des intérêts et des amendes dus par un client assujetti au cas T.V.A., des intérêts et des amendes dus par un client assujetti au cas
où ce dernier se serait prévalu indûment de la franchise du susdit où ce dernier se serait prévalu indûment de la franchise du susdit
article 43, même si le premier nommé ne peut se voir mettre à charge article 43, même si le premier nommé ne peut se voir mettre à charge
une infraction intentionnelle, alors qu'en droit civil et dans les une infraction intentionnelle, alors qu'en droit civil et dans les
autres codes fiscaux, il n'est pas question d'une telle qualité autres codes fiscaux, il n'est pas question d'une telle qualité
automatique de codébiteur ? » automatique de codébiteur ? »
(...) (...)
IV. En droit IV. En droit
(...) (...)
B.1.1. Les questions préjudicielles concernent les articles 43 et 70, B.1.1. Les questions préjudicielles concernent les articles 43 et 70,
§ 4, alinéa 2, de la loi du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe § 4, alinéa 2, de la loi du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe
sur la valeur ajoutée (ci-après : Code de la T.V.A.), tels qu'ils sur la valeur ajoutée (ci-après : Code de la T.V.A.), tels qu'ils
étaient en vigueur en 1991. étaient en vigueur en 1991.
L'article 43 était libellé comme suit : L'article 43 était libellé comme suit :
« Les assujettis peuvent se faire livrer dans le pays ou importer, en « Les assujettis peuvent se faire livrer dans le pays ou importer, en
franchise de la taxe, soit les biens qu'ils destinent à l'exportation, franchise de la taxe, soit les biens qu'ils destinent à l'exportation,
soit les matières premières et les matières auxiliaires entrant dans soit les matières premières et les matières auxiliaires entrant dans
la fabrication de ces biens et se faire fournir, en franchise de la la fabrication de ces biens et se faire fournir, en franchise de la
taxe, les services qui concourent à cette fabrication. taxe, les services qui concourent à cette fabrication.
Les conditions et les critères d'application du présent article sont Les conditions et les critères d'application du présent article sont
fixés par le Roi. » fixés par le Roi. »
L'article 70, § 4, alinéa 2, disposait : L'article 70, § 4, alinéa 2, disposait :
« Les personnes qui ne sont pas tenues au paiement de la taxe, mais « Les personnes qui ne sont pas tenues au paiement de la taxe, mais
auxquelles des obligations sont imposées par les articles 39 à 43, 50 auxquelles des obligations sont imposées par les articles 39 à 43, 50
à 52 et 58 ou par les arrêtés pris en exécution de ces articles, sont à 52 et 58 ou par les arrêtés pris en exécution de ces articles, sont
en outre, en cas d'infraction constatée à leur charge, solidairement en outre, en cas d'infraction constatée à leur charge, solidairement
responsables du paiement de la taxe, des intérêts et des amendes responsables du paiement de la taxe, des intérêts et des amendes
encourues. Lorsqu'il s'agit de biens introduits irrégulièrement dans encourues. Lorsqu'il s'agit de biens introduits irrégulièrement dans
le pays, cette responsabilité solidaire s'étend aux personnes qui ont le pays, cette responsabilité solidaire s'étend aux personnes qui ont
participé à l'importation frauduleuse ou à la tentative d'importation participé à l'importation frauduleuse ou à la tentative d'importation
frauduleuse, au détenteur des biens et, le cas échéant, à la personne frauduleuse, au détenteur des biens et, le cas échéant, à la personne
pour le compte de qui ce détenteur a agi. » pour le compte de qui ce détenteur a agi. »
B.1.2. L'article 43, alinéa 1er, du Code de la T.V.A., tel qu'il était B.1.2. L'article 43, alinéa 1er, du Code de la T.V.A., tel qu'il était
en vigueur jusqu'à son abrogation par l'article 49 de la loi du 28 en vigueur jusqu'à son abrogation par l'article 49 de la loi du 28
décembre 1992, accorde une franchise de la T.V.A. dans la phase qui décembre 1992, accorde une franchise de la T.V.A. dans la phase qui
précède l'exportation. Un assujetti peut invoquer la franchise de la précède l'exportation. Un assujetti peut invoquer la franchise de la
T.V.A. pour certaines opérations effectuées pour son propre compte, à T.V.A. pour certaines opérations effectuées pour son propre compte, à
savoir, premièrement, pour l'importation et l'achat en Belgique de savoir, premièrement, pour l'importation et l'achat en Belgique de
biens destinés à être exportés dans l'état dans lequel ils ont été biens destinés à être exportés dans l'état dans lequel ils ont été
importés ou achetés et, deuxièmement, pour l'importation et l'achat en importés ou achetés et, deuxièmement, pour l'importation et l'achat en
Belgique de matières premières et de matières auxiliaires entrant dans Belgique de matières premières et de matières auxiliaires entrant dans
la fabrication de biens destinés à l'exportation ainsi que pour les la fabrication de biens destinés à l'exportation ainsi que pour les
services fournis pour son compte qui concourent à cette fabrication. services fournis pour son compte qui concourent à cette fabrication.
Le fournisseur pourra par conséquent lui fournir ces biens, matières Le fournisseur pourra par conséquent lui fournir ces biens, matières
premières et matières auxiliaires, en franchise de la T.V.A. premières et matières auxiliaires, en franchise de la T.V.A.
L'article 43, alinéa 2, du Code de la T.V.A. habilite le Roi à fixer L'article 43, alinéa 2, du Code de la T.V.A. habilite le Roi à fixer
les conditions et les critères d'application de cette franchise, ce les conditions et les critères d'application de cette franchise, ce
qui a été fait par les articles 19 à 23 de l'arrêté royal n° 18 du 27 qui a été fait par les articles 19 à 23 de l'arrêté royal n° 18 du 27
décembre 1977 relatif aux exemptions concernant les exportations de décembre 1977 relatif aux exemptions concernant les exportations de
biens et de services, en matière de taxe sur la valeur ajoutée. biens et de services, en matière de taxe sur la valeur ajoutée.
La franchise est accordée s'il est satisfait aux conditions et La franchise est accordée s'il est satisfait aux conditions et
critères définis aux articles 20 et 21 de l'arrêté royal précité. critères définis aux articles 20 et 21 de l'arrêté royal précité.
L'assujetti doit demander le bénéfice de la franchise par écrit à L'assujetti doit demander le bénéfice de la franchise par écrit à
l'Administration (article 22). L'autorisation de franchise est valable l'Administration (article 22). L'autorisation de franchise est valable
un an, mais elle est renouvelable. Certaines obligations sont imposées un an, mais elle est renouvelable. Certaines obligations sont imposées
à l'assujetti, dénommé aussi « le titulaire de l'autorisation », à à l'assujetti, dénommé aussi « le titulaire de l'autorisation », à
savoir la tenue d'une comptabilité permettant à l'Administration savoir la tenue d'une comptabilité permettant à l'Administration
d'exercer un contrôle et la transmission aux fournisseurs d'un bon de d'exercer un contrôle et la transmission aux fournisseurs d'un bon de
commande portant certaines mentions. commande portant certaines mentions.
Des obligations sont également imposées au fournisseur de biens ou au Des obligations sont également imposées au fournisseur de biens ou au
prestataire de services, à savoir, premièrement, la numérotation, prestataire de services, à savoir, premièrement, la numérotation,
suivant une série ininterrompue de numéros, des bons de commande qu'il suivant une série ininterrompue de numéros, des bons de commande qu'il
reçoit, ainsi que la conservation de ces bons et, deuxièmement, reçoit, ainsi que la conservation de ces bons et, deuxièmement,
l'apposition de la formule prescrite sur les factures qu'il délivre l'apposition de la formule prescrite sur les factures qu'il délivre
(article 23, § 1er). Le fournisseur de biens ou le prestataire de (article 23, § 1er). Le fournisseur de biens ou le prestataire de
services est déchargé de toute responsabilité si le bon de commande services est déchargé de toute responsabilité si le bon de commande
qu'il a reçu est régulier et s'il a respecté ces obligations (article qu'il a reçu est régulier et s'il a respecté ces obligations (article
23, § 2). 23, § 2).
L'Administration peut retirer l'autorisation si les conditions ne sont L'Administration peut retirer l'autorisation si les conditions ne sont
pas respectées ou si l'autorisation a été obtenue par suite de pas respectées ou si l'autorisation a été obtenue par suite de
déclarations inexactes (article 24). La personne exclue du bénéfice de déclarations inexactes (article 24). La personne exclue du bénéfice de
la franchise par suite de l'inobservation des formalités prescrites la franchise par suite de l'inobservation des formalités prescrites
peut être relevée totalement ou partiellement de la déchéance peut être relevée totalement ou partiellement de la déchéance
encourue, par le ministre des Finances ou son délégué (article 25). encourue, par le ministre des Finances ou son délégué (article 25).
B.1.3. En vertu de l'article 70, § 4, alinéa 2, du Code de la T.V.A., B.1.3. En vertu de l'article 70, § 4, alinéa 2, du Code de la T.V.A.,
tel qu'il a été modifié par l'article 34 de la loi du 22 décembre 1977 tel qu'il a été modifié par l'article 34 de la loi du 22 décembre 1977
et par l'article 124 de la loi du 22 décembre 1989, et tel qu'il était et par l'article 124 de la loi du 22 décembre 1989, et tel qu'il était
en vigueur jusqu'à sa modification par la loi du 28 décembre 1992, les en vigueur jusqu'à sa modification par la loi du 28 décembre 1992, les
personnes qui ne sont pas tenues au paiement de la taxe, mais personnes qui ne sont pas tenues au paiement de la taxe, mais
auxquelles des obligations sont imposées par l'article 43 du Code de auxquelles des obligations sont imposées par l'article 43 du Code de
la T.V.A. ou par les arrêtés pris en exécution de cet article, sont la T.V.A. ou par les arrêtés pris en exécution de cet article, sont
solidairement responsables du paiement de la taxe, des intérêts et des solidairement responsables du paiement de la taxe, des intérêts et des
amendes encourues, en cas d'infraction constatée à leur charge. amendes encourues, en cas d'infraction constatée à leur charge.
B.1.4. Parce que ce système s'avéra insuffisamment étanche à la fraude B.1.4. Parce que ce système s'avéra insuffisamment étanche à la fraude
(Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 684/1, p. 46), l'article 43 du (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 684/1, p. 46), l'article 43 du
Code de la T.V.A. fut abrogé par l'article 49 de la loi du 28 décembre Code de la T.V.A. fut abrogé par l'article 49 de la loi du 28 décembre
1992. L'article 70, § 4, fut adapté en conséquence par la même loi. 1992. L'article 70, § 4, fut adapté en conséquence par la même loi.
B.2. Il ressort des faits de la cause et des motifs énoncés par le B.2. Il ressort des faits de la cause et des motifs énoncés par le
juge a quo que les questions préjudicielles portent sur la juge a quo que les questions préjudicielles portent sur la
constitutionnalité des articles 43 et 70, § 4, alinéa 2, du Code de la constitutionnalité des articles 43 et 70, § 4, alinéa 2, du Code de la
T.V.A., alors en vigueur, interprétés en ce sens que ces dispositions T.V.A., alors en vigueur, interprétés en ce sens que ces dispositions
contiendraient le fondement juridique permettant de rendre contiendraient le fondement juridique permettant de rendre
solidairement responsable de l'acquittement des taxes, des amendes et solidairement responsable de l'acquittement des taxes, des amendes et
des intérêts, le fournisseur d'un assujetti titulaire d'une des intérêts, le fournisseur d'un assujetti titulaire d'une
autorisation lorsque ce dernier a invoqué abusivement la franchise autorisation lorsque ce dernier a invoqué abusivement la franchise
visée à l'article 43 et que le fournisseur, de manière non visée à l'article 43 et que le fournisseur, de manière non
intentionnelle, n'a pas respecté les obligations administratives qui intentionnelle, n'a pas respecté les obligations administratives qui
lui étaient imposées. Etant donné qu'elles concernent donc la même lui étaient imposées. Etant donné qu'elles concernent donc la même
problématique juridique, les deux questions préjudicielles seront problématique juridique, les deux questions préjudicielles seront
traitées conjointement. traitées conjointement.
B.3.1. Le Conseil des ministres allègue tout d'abord « le défaut B.3.1. Le Conseil des ministres allègue tout d'abord « le défaut
d'intérêt de la part de la juridiction a quo », étant donné que d'intérêt de la part de la juridiction a quo », étant donné que
l'article 43 du Code de la T.V.A. a été abrogé à partir du 1er janvier l'article 43 du Code de la T.V.A. a été abrogé à partir du 1er janvier
1993 par l'article 49 de la loi du 28 décembre 1992 et qu' « il semble 1993 par l'article 49 de la loi du 28 décembre 1992 et qu' « il semble
au Conseil des ministres que le dialogue entre la Cour au Conseil des ministres que le dialogue entre la Cour
constitutionnelle et la juridiction a quo ne puisse dès lors plus constitutionnelle et la juridiction a quo ne puisse dès lors plus
porter ses fruits ». porter ses fruits ».
B.3.2. La loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage B.3.2. La loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage
n'exige pas que le juge a quo justifie d'un « intérêt » pour poser une n'exige pas que le juge a quo justifie d'un « intérêt » pour poser une
question préjudicielle. Il appartient en principe au juge a quo de question préjudicielle. Il appartient en principe au juge a quo de
déterminer les normes applicables au litige qui lui est soumis. déterminer les normes applicables au litige qui lui est soumis.
L'exception soulevée par le Conseil des ministres est rejetée. L'exception soulevée par le Conseil des ministres est rejetée.
B.4.1. Le Conseil des ministres allègue ensuite que les questions font B.4.1. Le Conseil des ministres allègue ensuite que les questions font
seulement référence de manière générale aux principes du droit commun seulement référence de manière générale aux principes du droit commun
et qu'elles ne permettraient pas à la Cour de procéder à une et qu'elles ne permettraient pas à la Cour de procéder à une
comparaison de situations. comparaison de situations.
B.4.2. Le contrôle des normes législatives au regard des articles 10 B.4.2. Le contrôle des normes législatives au regard des articles 10
et 11 de la Constitution qui est confié à la Cour exige que la et 11 de la Constitution qui est confié à la Cour exige que la
catégorie de personnes dont la discrimination éventuelle est alléguée catégorie de personnes dont la discrimination éventuelle est alléguée
fasse l'objet d'une comparaison pertinente avec une autre catégorie. fasse l'objet d'une comparaison pertinente avec une autre catégorie.
B.4.3. La référence, contenue dans la seconde question préjudicielle, B.4.3. La référence, contenue dans la seconde question préjudicielle,
au fait que « dans les autres codes fiscaux » il ne serait pas au fait que « dans les autres codes fiscaux » il ne serait pas
question d'une « telle qualité automatique de codébiteur » ne permet question d'une « telle qualité automatique de codébiteur » ne permet
pas à la Cour de délimiter de manière suffisamment précise les pas à la Cour de délimiter de manière suffisamment précise les
catégories de personnes à l'égard desquelles existerait une catégories de personnes à l'égard desquelles existerait une
discrimination. discrimination.
Faute d'une catégorie clairement identifiable de personnes comparables Faute d'une catégorie clairement identifiable de personnes comparables
dans le droit fiscal, la Cour ne peut examiner si les articles 10 et dans le droit fiscal, la Cour ne peut examiner si les articles 10 et
11 de la Constitution sont violés dans cette perspective. 11 de la Constitution sont violés dans cette perspective.
B.4.4. Il ressort de la référence au droit civil qui est contenue dans B.4.4. Il ressort de la référence au droit civil qui est contenue dans
les deux questions que c'est la règle définie à l'article 1202 du Code les deux questions que c'est la règle définie à l'article 1202 du Code
civil qui est visée, selon laquelle la solidarité ne se présume point civil qui est visée, selon laquelle la solidarité ne se présume point
mais doit être expressément stipulée ou avoir lieu de plein droit. En mais doit être expressément stipulée ou avoir lieu de plein droit. En
droit civil, un contractant n'est en principe pas solidairement droit civil, un contractant n'est en principe pas solidairement
responsable des obligations et des dettes de son cocontractant. responsable des obligations et des dettes de son cocontractant.
Une différence de traitement est ainsi créée entre les contractants, Une différence de traitement est ainsi créée entre les contractants,
selon que leur cocontractant est un contractant ordinaire ou est selon que leur cocontractant est un contractant ordinaire ou est
titulaire d'une autorisation de franchise dans le cadre de l'article titulaire d'une autorisation de franchise dans le cadre de l'article
43 du Code de la T.V.A. précédemment en vigueur. Alors qu'un 43 du Code de la T.V.A. précédemment en vigueur. Alors qu'un
contractant n'est généralement pas solidairement responsable, en droit contractant n'est généralement pas solidairement responsable, en droit
civil, des dettes de son cocontractant, un fournisseur qui ne respecte civil, des dettes de son cocontractant, un fournisseur qui ne respecte
pas certaines des obligations administratives qui lui sont imposées pas certaines des obligations administratives qui lui sont imposées
dans le cadre de la législation sur la T.V.A. est solidairement dans le cadre de la législation sur la T.V.A. est solidairement
responsable de la dette fiscale de son cocontractant titulaire d'une responsable de la dette fiscale de son cocontractant titulaire d'une
autorisation. autorisation.
La Cour examinera exclusivement sous cet angle les questions posées. La Cour examinera exclusivement sous cet angle les questions posées.
B.5. La Cour ne peut se prononcer sur le caractère justifié ou non B.5. La Cour ne peut se prononcer sur le caractère justifié ou non
d'une différence de traitement au regard des articles 10 et 11 de la d'une différence de traitement au regard des articles 10 et 11 de la
Constitution que si cette différence est imputable à une norme Constitution que si cette différence est imputable à une norme
législative. A cet égard, il y a lieu de relever que lorsqu'un législative. A cet égard, il y a lieu de relever que lorsqu'un
législateur délègue, il faut supposer, sauf indication contraire, législateur délègue, il faut supposer, sauf indication contraire,
qu'il n'entend habiliter le délégué qu'à faire de son pouvoir un usage qu'il n'entend habiliter le délégué qu'à faire de son pouvoir un usage
conforme aux articles 10 et 11 de la Constitution. conforme aux articles 10 et 11 de la Constitution.
Compte tenu de la responsabilité solidaire du fournisseur instaurée Compte tenu de la responsabilité solidaire du fournisseur instaurée
par l'article 70, § 4, alinéa 2, il apparaît que l'article 43 par l'article 70, § 4, alinéa 2, il apparaît que l'article 43
litigieux peut être interprété en ce sens qu'il habilite le Roi à litigieux peut être interprété en ce sens qu'il habilite le Roi à
imposer des obligations administratives strictes au fournisseur d'un imposer des obligations administratives strictes au fournisseur d'un
titulaire d'autorisation, en cas d'application de la franchise visée. titulaire d'autorisation, en cas d'application de la franchise visée.
B.6. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la B.6. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la
non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit
établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose
sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant
compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la
nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé
lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de
proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.7.1. En accordant la franchise visée à l'article 43 du Code de la B.7.1. En accordant la franchise visée à l'article 43 du Code de la
T.V.A., le législateur entendait éviter aux exportateurs des problèmes T.V.A., le législateur entendait éviter aux exportateurs des problèmes
de préfinancement et stimuler ainsi les exportations (Doc. parl., de préfinancement et stimuler ainsi les exportations (Doc. parl.,
Chambre, S.E., 1968, n° 88/15, p. 127). En affranchissant aussi de la Chambre, S.E., 1968, n° 88/15, p. 127). En affranchissant aussi de la
T.V.A. les fournitures de biens et de services dans la phase T.V.A. les fournitures de biens et de services dans la phase
commerciale préalable à l'exportation, il étendait la franchise de la commerciale préalable à l'exportation, il étendait la franchise de la
taxe à plusieurs intéressés, afin de grever ainsi le moins possible taxe à plusieurs intéressés, afin de grever ainsi le moins possible
les exportations par un préfinancement. les exportations par un préfinancement.
L'alinéa 2 de cette disposition a été inséré par un amendement, au L'alinéa 2 de cette disposition a été inséré par un amendement, au
cours des travaux préparatoires, afin que « les modalités et les cours des travaux préparatoires, afin que « les modalités et les
critères d'application de cette disposition [soient] fixés par le Roi critères d'application de cette disposition [soient] fixés par le Roi
pour que chacun sache dans quelles conditions il peut invoquer cette pour que chacun sache dans quelles conditions il peut invoquer cette
franchise » (Doc. parl., Sénat, 1968-1969, n° 455, p. 154). franchise » (Doc. parl., Sénat, 1968-1969, n° 455, p. 154).
La référence à l'article 43 dans l'article 70, § 4, du Code de la La référence à l'article 43 dans l'article 70, § 4, du Code de la
T.V.A. tendait, selon les travaux préparatoires, « à assurer T.V.A. tendait, selon les travaux préparatoires, « à assurer
l'exécution des conditions auxquelles seront subordonnées [...] les l'exécution des conditions auxquelles seront subordonnées [...] les
importations de biens qui seront effectuées en franchise par importations de biens qui seront effectuées en franchise par
application de l'article 43. L'accomplissement de certaines formalités application de l'article 43. L'accomplissement de certaines formalités
ne doit pas être une condition pour bénéficier de la franchise. ne doit pas être une condition pour bénéficier de la franchise.
L'omission de l'une de ces formalités ne doit pas être sanctionnée par L'omission de l'une de ces formalités ne doit pas être sanctionnée par
le refus de la franchise, mais par une amende modérée » (Doc. parl., le refus de la franchise, mais par une amende modérée » (Doc. parl.,
Sénat, 1968-1969, n° 455, p. 206; Doc. parl., Chambre, S.E., 1968, n° Sénat, 1968-1969, n° 455, p. 206; Doc. parl., Chambre, S.E., 1968, n°
88/25, p. 14). 88/25, p. 14).
B.7.2. Il ressort de ce qui précède que le législateur a voulu, par la B.7.2. Il ressort de ce qui précède que le législateur a voulu, par la
mesure en cause, responsabiliser le fournisseur du titulaire de mesure en cause, responsabiliser le fournisseur du titulaire de
l'autorisation visé à l'article 43 du Code de la T.V.A., compte tenu l'autorisation visé à l'article 43 du Code de la T.V.A., compte tenu
du rôle important joué par ce fournisseur dans l'application correcte du rôle important joué par ce fournisseur dans l'application correcte
de la franchise accordée par le législateur, et qu'il a voulu ainsi de la franchise accordée par le législateur, et qu'il a voulu ainsi
prévenir la fraude. prévenir la fraude.
B.8. La distinction entre les catégories de personnes définies au B.8. La distinction entre les catégories de personnes définies au
B.4.4 repose sur un critère objectif, à savoir le fait d'être ou non B.4.4 repose sur un critère objectif, à savoir le fait d'être ou non
soumis au régime de la T.V.A. soumis au régime de la T.V.A.
B.9. Compte tenu du caractère spécifique de la T.V.A., qui est une B.9. Compte tenu du caractère spécifique de la T.V.A., qui est une
taxe sur la consommation perçue à l'occasion de chaque livraison de taxe sur la consommation perçue à l'occasion de chaque livraison de
biens ou prestation de services, et de la relation particulière biens ou prestation de services, et de la relation particulière
existant entre les assujettis et l'Administration de la T.V.A., qui existant entre les assujettis et l'Administration de la T.V.A., qui
fait que les assujettis interviennent en tant qu'intermédiaires dans fait que les assujettis interviennent en tant qu'intermédiaires dans
la perception de la taxe, le législateur peut traiter des la perception de la taxe, le législateur peut traiter des
contractants, dans le cadre de la législation sur la T.V.A., en ce qui contractants, dans le cadre de la législation sur la T.V.A., en ce qui
concerne l'obligation à la dette de l'impôt éludé, aux amendes et aux concerne l'obligation à la dette de l'impôt éludé, aux amendes et aux
intérêts, autrement qu'il ne traite les contractants, dans le cadre du intérêts, autrement qu'il ne traite les contractants, dans le cadre du
droit civil, en ce qui concerne leur obligation à la dette en matière droit civil, en ce qui concerne leur obligation à la dette en matière
contractuelle. contractuelle.
Il en est d'autant plus ainsi dans le cadre de la mesure litigieuse, Il en est d'autant plus ainsi dans le cadre de la mesure litigieuse,
qui implique une franchise de la taxe dans la phase préalable à qui implique une franchise de la taxe dans la phase préalable à
l'exportation, puisque l'administration ne peut vérifier l'application l'exportation, puisque l'administration ne peut vérifier l'application
correcte de la franchise que si le fournisseur aussi bien que correcte de la franchise que si le fournisseur aussi bien que
l'exportateur remplissent leurs obligations administratives. Le l'exportateur remplissent leurs obligations administratives. Le
fournisseur du titulaire d'une autorisation de franchise, qui connaît fournisseur du titulaire d'une autorisation de franchise, qui connaît
préalablement la sanction de la responsabilité solidaire, sera donc préalablement la sanction de la responsabilité solidaire, sera donc
incité à respecter ses obligations, en sorte que la mesure est incité à respecter ses obligations, en sorte que la mesure est
pertinente par rapport à l'objectif. pertinente par rapport à l'objectif.
B.10.1. Même s'il est légitime que le législateur tende à prévenir la B.10.1. Même s'il est légitime que le législateur tende à prévenir la
fraude et prenne ainsi suffisamment de précautions, afin qu'une fraude et prenne ainsi suffisamment de précautions, afin qu'une
franchise puisse être appliquée seulement si les conditions auxquelles franchise puisse être appliquée seulement si les conditions auxquelles
elle est subordonnée sont remplies, il doit cependant veiller à ce que elle est subordonnée sont remplies, il doit cependant veiller à ce que
les mesures prises n'excèdent pas ce qui est nécessaire à cette fin. les mesures prises n'excèdent pas ce qui est nécessaire à cette fin.
La Cour examine donc si la mesure litigieuse n'est pas La Cour examine donc si la mesure litigieuse n'est pas
disproportionnée lorsqu'elle est appliquée à un fournisseur défaillant disproportionnée lorsqu'elle est appliquée à un fournisseur défaillant
d'un client assujetti qui invoque, indûment et à l'insu de ce d'un client assujetti qui invoque, indûment et à l'insu de ce
fournisseur, une franchise de la T.V.A., conformément à l'article 43 fournisseur, une franchise de la T.V.A., conformément à l'article 43
du Code de la T.V.A. autrefois en vigueur. du Code de la T.V.A. autrefois en vigueur.
B.10.2. Il ressort tant de l'article 23, § 2, de l'arrêté royal n° 18 B.10.2. Il ressort tant de l'article 23, § 2, de l'arrêté royal n° 18
que de l'article 70, § 4, alinéa 2, du Code de la T.V.A. que si le que de l'article 70, § 4, alinéa 2, du Code de la T.V.A. que si le
fournisseur avait rempli correctement ses obligations administratives, fournisseur avait rempli correctement ses obligations administratives,
il n'aurait commis aucune infraction et n'aurait par conséquent pu il n'aurait commis aucune infraction et n'aurait par conséquent pu
être tenu pour solidairement responsable. La constatation qu'un être tenu pour solidairement responsable. La constatation qu'un
fournisseur a commis une infraction non intentionnelle ne change rien fournisseur a commis une infraction non intentionnelle ne change rien
au fait qu'il a, par sa négligence, rendu plus difficile la découverte au fait qu'il a, par sa négligence, rendu plus difficile la découverte
de la fraude fiscale par l'administration. La sévérité de la sanction, de la fraude fiscale par l'administration. La sévérité de la sanction,
lorsque le manquement du fournisseur ne constitue pas une faute grave lorsque le manquement du fournisseur ne constitue pas une faute grave
ou est dû à sa négligence ou encore lorsqu'il ne peut être établi que ou est dû à sa négligence ou encore lorsqu'il ne peut être établi que
l'infraction a été commise en vue d'éluder ou de permettre d'éluder la l'infraction a été commise en vue d'éluder ou de permettre d'éluder la
taxe, n'est pas suffisante pour conclure à une disproportion. Les taxe, n'est pas suffisante pour conclure à une disproportion. Les
obligations imposées au fournisseur procèdent en effet de la nécessité obligations imposées au fournisseur procèdent en effet de la nécessité
de protéger les finances de l'Etat contre ceux qui pourraient les de protéger les finances de l'Etat contre ceux qui pourraient les
obérer par leur négligence ou par des abus, au moyen d'un système de obérer par leur négligence ou par des abus, au moyen d'un système de
contrôle qui ne peut être efficace sans une certaine rigidité. contrôle qui ne peut être efficace sans une certaine rigidité.
B.10.3. Les questions appellent une réponse négative. B.10.3. Les questions appellent une réponse négative.
Par ces motifs, Par ces motifs,
la Cour la Cour
dit pour droit : dit pour droit :
L'article 43 de la loi du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe sur L'article 43 de la loi du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe sur
la valeur ajoutée, tel qu'il était en vigueur jusqu'à son abrogation la valeur ajoutée, tel qu'il était en vigueur jusqu'à son abrogation
par la loi du 28 décembre 1992, et l'article 70, § 4, alinéa 2, du par la loi du 28 décembre 1992, et l'article 70, § 4, alinéa 2, du
même Code, en tant qu'il renvoyait, avant sa modification par la même même Code, en tant qu'il renvoyait, avant sa modification par la même
loi, à la disposition précitée, ne violent pas les articles 10 et 11 loi, à la disposition précitée, ne violent pas les articles 10 et 11
de la Constitution. de la Constitution.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française,
conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur
la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 12 juin 2002. la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 12 juin 2002.
Le greffier, Le président, Le greffier, Le président,
P.-Y. Dutilleux. A. Arts. P.-Y. Dutilleux. A. Arts.
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