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Arrêt n° 69/2003 du 14 mai 2003 Numéro du rôle : 2484 En cause : le recours en annulation des articles 151 et 152 de la loi-programme du 30 décembre 2001, introduit par l'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme. La Cour d'arbitrage, c après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requêt(...) Arrêt n° 69/2003 du 14 mai 2003 Numéro du rôle : 2484 En cause : le recours en annulation des articles 151 et 152 de la loi-programme du 30 décembre 2001, introduit par l'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme. La Cour d'arbitrage, c après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requêt(...)
COUR D'ARBITRAGE COUR D'ARBITRAGE
Arrêt n° 69/2003 du 14 mai 2003 Arrêt n° 69/2003 du 14 mai 2003
Numéro du rôle : 2484 Numéro du rôle : 2484
En cause : le recours en annulation des articles 151 et 152 de la En cause : le recours en annulation des articles 151 et 152 de la
loi-programme du 30 décembre 2001, introduit par l'a.s.b.l. Ligue des loi-programme du 30 décembre 2001, introduit par l'a.s.b.l. Ligue des
droits de l'homme. droits de l'homme.
La Cour d'arbitrage, La Cour d'arbitrage,
composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L.
François, P. Martens, M. Bossuyt, A. Alen et J.-P. Moerman, assistée François, P. Martens, M. Bossuyt, A. Alen et J.-P. Moerman, assistée
du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet du recours et procédure I. Objet du recours et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28
juin 2002 et parvenue au greffe le 1er juillet 2002, l'a.s.b.l. Ligue juin 2002 et parvenue au greffe le 1er juillet 2002, l'a.s.b.l. Ligue
des droits de l'homme, dont le siège social est établi à 1000 des droits de l'homme, dont le siège social est établi à 1000
Bruxelles, rue de l'Enseignement 91, a introduit un recours en Bruxelles, rue de l'Enseignement 91, a introduit un recours en
annulation des articles 151 et 152 de la loi-programme du 30 décembre annulation des articles 151 et 152 de la loi-programme du 30 décembre
2001 (publiée au Moniteur belge du 31 décembre 2001). 2001 (publiée au Moniteur belge du 31 décembre 2001).
(...) (...)
II. En droit II. En droit
(...) (...)
B.1. Les articles 151 et 152 de la loi-programme du 30 décembre 2001 B.1. Les articles 151 et 152 de la loi-programme du 30 décembre 2001
disposent : disposent :
«

Art. 151.L'article 111 [de la loi du 21 mars 1991 portant réforme

«

Art. 151.L'article 111 [de la loi du 21 mars 1991 portant réforme

de certaines entreprises publiques économiques], abrogé par la loi du de certaines entreprises publiques économiques], abrogé par la loi du
19 décembre 1997, est rétabli dans la rédaction suivante : 19 décembre 1997, est rétabli dans la rédaction suivante :
'

Art. 111.Nul ne peut, dans le Royaume, via l'infrastructure des

'

Art. 111.Nul ne peut, dans le Royaume, via l'infrastructure des

télécommunications, donner ou tenter de donner des communications télécommunications, donner ou tenter de donner des communications
portant atteinte au respect des lois, à la sécurité de l'Etat, à portant atteinte au respect des lois, à la sécurité de l'Etat, à
l'ordre public ou aux bonnes moeurs ou constituant une offense à l'ordre public ou aux bonnes moeurs ou constituant une offense à
l'égard d'un Etat étranger. ' l'égard d'un Etat étranger. '

Art. 152.A l'article 114 de la même loi, modifié par les lois du 19

Art. 152.A l'article 114 de la même loi, modifié par les lois du 19

décembre 1997 et du 3 juillet 2000, sont apportées les modifications décembre 1997 et du 3 juillet 2000, sont apportées les modifications
suivantes : suivantes :
1o le § 1er est complété comme suit : ' 3o le défaut de déclaration de 1o le § 1er est complété comme suit : ' 3o le défaut de déclaration de
service telle que reprise à l'article 90, § 1er '; service telle que reprise à l'article 90, § 1er ';
2o au § 2, les mots ' 109ter E, §§ 5, 6 et 7, ' sont insérés entre les 2o au § 2, les mots ' 109ter E, §§ 5, 6 et 7, ' sont insérés entre les
mots ' 109ter D, ' et ' 109ter F '; mots ' 109ter D, ' et ' 109ter F ';
3o le § 8 est complété comme suit : ' 3o la personne qui viole des 3o le § 8 est complété comme suit : ' 3o la personne qui viole des
dispositions de l'article 111. ' » dispositions de l'article 111. ' »
B.2. Il apparaît des termes de la requête que l'article 152 précité B.2. Il apparaît des termes de la requête que l'article 152 précité
n'est attaqué qu'en tant qu'il modifie l'article 114, § 8, de la loi n'est attaqué qu'en tant qu'il modifie l'article 114, § 8, de la loi
du 21 mars 1991, lequel dispose désormais : du 21 mars 1991, lequel dispose désormais :
« § 8. Est punie d'une amende de 500 à 50 000 francs maximum et d'un « § 8. Est punie d'une amende de 500 à 50 000 francs maximum et d'un
emprisonnement d'un à quatre ans ou d'une de ces peines seulement : emprisonnement d'un à quatre ans ou d'une de ces peines seulement :
1o la personne qui réalise frauduleusement des télécommunications au 1o la personne qui réalise frauduleusement des télécommunications au
moyen d'un réseau de télécommunications afin de se procurer ou de moyen d'un réseau de télécommunications afin de se procurer ou de
procurer à autrui un avantage illicite; procurer à autrui un avantage illicite;
2o la personne qui utilise un réseau ou un service de 2o la personne qui utilise un réseau ou un service de
télécommunications ou d'autres moyens de télécommunications afin télécommunications ou d'autres moyens de télécommunications afin
d'importuner son correspondant ou de provoquer des dommages; d'importuner son correspondant ou de provoquer des dommages;
3o la personne qui viole des dispositions de l'article 111. » 3o la personne qui viole des dispositions de l'article 111. »
La Cour limite son examen à l'article 151 et à l'article 152, 3o. La Cour limite son examen à l'article 151 et à l'article 152, 3o.
Quant à l'intérêt de la partie requérante Quant à l'intérêt de la partie requérante
B.3. Selon ses statuts, l'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme a pour B.3. Selon ses statuts, l'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme a pour
objet de « combattre l'injustice et toute atteinte arbitraire aux objet de « combattre l'injustice et toute atteinte arbitraire aux
droits d'un individu ou d'une collectivité ». Elle « défend les droits d'un individu ou d'une collectivité ». Elle « défend les
principes d'égalité, de liberté et d'humanisme sur lesquels se fondent principes d'égalité, de liberté et d'humanisme sur lesquels se fondent
les sociétés démocratiques et qui ont été proclamés » notamment par la les sociétés démocratiques et qui ont été proclamés » notamment par la
Constitution belge et la Convention européenne des droits de l'homme. Constitution belge et la Convention européenne des droits de l'homme.
Sans qu'une telle définition de l'objet social d'une a.s.b.l. doive Sans qu'une telle définition de l'objet social d'une a.s.b.l. doive
être prise à la lettre comme un moyen qu'elle se donne d'attaquer être prise à la lettre comme un moyen qu'elle se donne d'attaquer
n'importe quelle norme sous le prétexte que toute norme a une n'importe quelle norme sous le prétexte que toute norme a une
incidence sur les droits de quelqu'un, il peut être admis qu'un lien incidence sur les droits de quelqu'un, il peut être admis qu'un lien
suffisant existe entre cet objet social et les articles 151 et 152 de suffisant existe entre cet objet social et les articles 151 et 152 de
la loi du 30 décembre 2001. Les dispositions attaquées dans la requête la loi du 30 décembre 2001. Les dispositions attaquées dans la requête
limitent en effet, au moyen de mesures pénales, la possibilité de limitent en effet, au moyen de mesures pénales, la possibilité de
communiquer et, en ce sens, de s'exprimer, de toute personne. communiquer et, en ce sens, de s'exprimer, de toute personne.
Il s'ensuit que l'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme justifie d'un Il s'ensuit que l'a.s.b.l. Ligue des droits de l'homme justifie d'un
intérêt à demander l'annulation des dispositions précitées. intérêt à demander l'annulation des dispositions précitées.
Quant au fond Quant au fond
B.4. La requérante critique les articles 151 et 152 de la loi du 30 B.4. La requérante critique les articles 151 et 152 de la loi du 30
décembre 2001 en ce qu'ils établissent une différence de traitement décembre 2001 en ce qu'ils établissent une différence de traitement
entre les personnes qui émettent ou tentent d'émettre les entre les personnes qui émettent ou tentent d'émettre les
communications qu'ils visent en utilisant l'infrastructure des communications qu'ils visent en utilisant l'infrastructure des
télécommunications et celles qui le font sans utiliser cette télécommunications et celles qui le font sans utiliser cette
infrastructure ou commettent d'autres infractions : les premières infrastructure ou commettent d'autres infractions : les premières
seraient discriminatoirement privées de la garantie que constitue le seraient discriminatoirement privées de la garantie que constitue le
principe de la légalité des incriminations et des peines (première principe de la légalité des incriminations et des peines (première
branche du moyen unique); la sanction qu'elles encourent (un an de branche du moyen unique); la sanction qu'elles encourent (un an de
prison minimum) est de celles qui permettent de placer leur auteur en prison minimum) est de celles qui permettent de placer leur auteur en
détention préventive (deuxième branche); elles pourraient faire détention préventive (deuxième branche); elles pourraient faire
l'objet de poursuites en qualité d'auteurs d'une tentative non l'objet de poursuites en qualité d'auteurs d'une tentative non
incriminée par la loi (troisième branche); elles pourraient faire incriminée par la loi (troisième branche); elles pourraient faire
l'objet de poursuites engagées par le ministère public pour des faits l'objet de poursuites engagées par le ministère public pour des faits
qui, si l'infrastructure des télécommunications n'avait pas été qui, si l'infrastructure des télécommunications n'avait pas été
utilisée, ne pourraient être sanctionnés qu'à la suite d'une plainte utilisée, ne pourraient être sanctionnés qu'à la suite d'une plainte
de la victime (quatrième branche); leurs communications ou de la victime (quatrième branche); leurs communications ou
télécommunications privées pourraient faire l'objet d'écoutes télécommunications privées pourraient faire l'objet d'écoutes
téléphoniques dès lors que les infractions visées par la loi attaquée téléphoniques dès lors que les infractions visées par la loi attaquée
font partie de celles qui peuvent justifier une mesure de surveillance font partie de celles qui peuvent justifier une mesure de surveillance
prévue par l'article 90ter , § 2, du Code d'instruction criminelle prévue par l'article 90ter , § 2, du Code d'instruction criminelle
(cinquième branche). (cinquième branche).
B.5. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la B.5. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la
non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit
établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose
sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant
compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la
nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé
lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de
proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.6. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, la B.6. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, la
requérante compare les justiciables suivant que les faits qui leur requérante compare les justiciables suivant que les faits qui leur
seraient reprochés ou qui seraient pris en compte ont été ou non seraient reprochés ou qui seraient pris en compte ont été ou non
commis en utilisant l'infrastructure des télécommunications et non commis en utilisant l'infrastructure des télécommunications et non
suivant que ces faits sont antérieurs ou postérieurs à la loi suivant que ces faits sont antérieurs ou postérieurs à la loi
attaquée. Il ne saurait donc être exclu d'emblée que la comparaison de attaquée. Il ne saurait donc être exclu d'emblée que la comparaison de
ces catégories fasse apparaître une discrimination. ces catégories fasse apparaître une discrimination.
B.7. Les distinctions critiquées par la partie requérante sont fondées B.7. Les distinctions critiquées par la partie requérante sont fondées
sur un critère objectif, à savoir celui de l'utilisation de sur un critère objectif, à savoir celui de l'utilisation de
l'infrastructure des télécommunications pour donner ou tenter de l'infrastructure des télécommunications pour donner ou tenter de
donner les communications visées par les dispositions attaquées. donner les communications visées par les dispositions attaquées.
B.8.1. Les dispositions attaquées font partie d'un ensemble de B.8.1. Les dispositions attaquées font partie d'un ensemble de
dispositions qui, en matière de télécommunications, modifient la loi dispositions qui, en matière de télécommunications, modifient la loi
du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques
économiques afin, notamment, de permettre à l'Institut belge des économiques afin, notamment, de permettre à l'Institut belge des
services postaux et des télécommunications (I.B.P.T.) de disposer des services postaux et des télécommunications (I.B.P.T.) de disposer des
données concernant l'identité et l'adresse d'un détenteur de numéro de données concernant l'identité et l'adresse d'un détenteur de numéro de
téléphone, ainsi que des références des numéros appelés et des données téléphone, ainsi que des références des numéros appelés et des données
comptables relatives à la facturation (Doc. parl. , Chambre, comptables relatives à la facturation (Doc. parl. , Chambre,
2001-2002, no 1503/1, p. 60) et de pallier une lacune : l'article 4 de 2001-2002, no 1503/1, p. 60) et de pallier une lacune : l'article 4 de
la loi du 30 juillet 1979 relative aux radiocommunications, qui la loi du 30 juillet 1979 relative aux radiocommunications, qui
réprime l'usage de radiocommunications, portant atteinte au respect réprime l'usage de radiocommunications, portant atteinte au respect
des lois, à la sécurité de l'Etat, à l'ordre public ou aux bonnes des lois, à la sécurité de l'Etat, à l'ordre public ou aux bonnes
m[009c]urs ou constituant une offense à l'égard d'un Etat étranger, m[009c]urs ou constituant une offense à l'égard d'un Etat étranger,
n'avait en effet pas de pendant en matière de télécommunications n'avait en effet pas de pendant en matière de télécommunications
(ibid. , p. 61). Lors de l'adoption de ces dispositions, le (ibid. , p. 61). Lors de l'adoption de ces dispositions, le
législateur a constaté : législateur a constaté :
« Le rôle crucial des télécommunications rend impératif de pouvoir « Le rôle crucial des télécommunications rend impératif de pouvoir
agir très rapidement dans certains dossiers[;] or, trop souvent, des agir très rapidement dans certains dossiers[;] or, trop souvent, des
enquêtes n'ont pu être menées à terme dans des délais raisonnables par enquêtes n'ont pu être menées à terme dans des délais raisonnables par
défaut d'information. [...] La libéralisation du marché des défaut d'information. [...] La libéralisation du marché des
télécommunications a engendré une augmentation considérable du nombre télécommunications a engendré une augmentation considérable du nombre
d'opérateurs et de fournisseurs d'autres services de d'opérateurs et de fournisseurs d'autres services de
télécommunications. Le nombre d'abonnés et d'utilisateurs finals de télécommunications. Le nombre d'abonnés et d'utilisateurs finals de
ces services a également augmenté de manière considérable depuis 1998 ces services a également augmenté de manière considérable depuis 1998
et cette augmentation peut être qualifiée d'explosive pour l'année et cette augmentation peut être qualifiée d'explosive pour l'année
écoulée. Il est par conséquent devenu extrêmement difficile pour les écoulée. Il est par conséquent devenu extrêmement difficile pour les
services d'urgence de réagir aux appels d'urgence qui leur sont services d'urgence de réagir aux appels d'urgence qui leur sont
adressés. En outre, les abus commis au départ de certains services qui adressés. En outre, les abus commis au départ de certains services qui
garantissent un anonymat total et donc l'impunité à l'auteur, en cas garantissent un anonymat total et donc l'impunité à l'auteur, en cas
d'appels malveillants ont augmenté de manière telle que le d'appels malveillants ont augmenté de manière telle que le
fonctionnement de certains services de secours en est perturbé et que fonctionnement de certains services de secours en est perturbé et que
certains services d'aide, par le retrait de collaborateurs bénévoles certains services d'aide, par le retrait de collaborateurs bénévoles
suite à cette situation, sont menacés dans leur existence. » (ibid. , suite à cette situation, sont menacés dans leur existence. » (ibid. ,
p. 60) p. 60)
De même, dans la justification de l'urgence qu'il invoquait en De même, dans la justification de l'urgence qu'il invoquait en
soumettant son projet à l'avis du Conseil d'Etat, le Gouvernement soumettant son projet à l'avis du Conseil d'Etat, le Gouvernement
indiquait : indiquait :
« Les missions qui pourraient être confiées à l'IBPT par les Parquets « Les missions qui pourraient être confiées à l'IBPT par les Parquets
dans le cadre d'enquêtes en cours, justifiées notamment par la dans le cadre d'enquêtes en cours, justifiées notamment par la
situation politique internationale, nécessitent d'attribuer à situation politique internationale, nécessitent d'attribuer à
l'Institut la possibilité de pouvoir exercer plus efficacement l'Institut la possibilité de pouvoir exercer plus efficacement
certains contrôles. certains contrôles.
Tout d'abord, il est proposé d'introduire une disposition prévoyant Tout d'abord, il est proposé d'introduire une disposition prévoyant
que l'utilisation d'un réseau fixe de télécommunication à des fins que l'utilisation d'un réseau fixe de télécommunication à des fins
illicites est un délit. Cette disposition existe déjà pour les réseaux illicites est un délit. Cette disposition existe déjà pour les réseaux
ayant recours à des transmissions par radio. ayant recours à des transmissions par radio.
Ensuite, l'Institut devrait avoir la possibilité d'obtenir directement Ensuite, l'Institut devrait avoir la possibilité d'obtenir directement
auprès des opérateurs l'identification de clients. auprès des opérateurs l'identification de clients.
Enfin, il est proposé de pénaliser le fait de ne pas déclarer un Enfin, il est proposé de pénaliser le fait de ne pas déclarer un
service de télécommunication. Ceci est particulièrement nécessaire service de télécommunication. Ceci est particulièrement nécessaire
dans le secteur des phones-shops qui servent parfois de couverture au dans le secteur des phones-shops qui servent parfois de couverture au
grand banditisme. » (ibid. , p. 139) grand banditisme. » (ibid. , p. 139)
B.8.2. Les dispositions attaquées s'inscrivent ainsi dans un ensemble B.8.2. Les dispositions attaquées s'inscrivent ainsi dans un ensemble
de mesures par lesquelles le législateur entend réagir contre les de mesures par lesquelles le législateur entend réagir contre les
comportements abusifs constatés dans un secteur ayant connu récemment comportements abusifs constatés dans un secteur ayant connu récemment
un développement important. un développement important.
Des mesures pénales telles que celles qui sont prévues par les Des mesures pénales telles que celles qui sont prévues par les
dispositions attaquées constituent une mesure pertinente au regard dispositions attaquées constituent une mesure pertinente au regard
d'un tel objectif. Elles se veulent d'ailleurs le pendant de celles, d'un tel objectif. Elles se veulent d'ailleurs le pendant de celles,
analogues, prévues par l'article 4 de la loi du 30 juillet 1979 analogues, prévues par l'article 4 de la loi du 30 juillet 1979
relative aux radiocommunications, le législateur ayant constaté qu'il relative aux radiocommunications, le législateur ayant constaté qu'il
« [n'existait] actuellement aucune disposition similaire pour les « [n'existait] actuellement aucune disposition similaire pour les
télécommunications » et que « les circonstances actuelles nécessitent télécommunications » et que « les circonstances actuelles nécessitent
de pallier d'urgence cette lacune » (Doc. parl. , Chambre, 2001-2002, de pallier d'urgence cette lacune » (Doc. parl. , Chambre, 2001-2002,
no 1503/1, p. 61). no 1503/1, p. 61).
B.9.1. En sa première branche, le moyen fait référence au principe de B.9.1. En sa première branche, le moyen fait référence au principe de
la légalité des incriminations et des peines. la légalité des incriminations et des peines.
B.9.2. En attribuant au pouvoir législatif la compétence, d'une part, B.9.2. En attribuant au pouvoir législatif la compétence, d'une part,
de déterminer dans quels cas et dans quelle forme des poursuites de déterminer dans quels cas et dans quelle forme des poursuites
pénales sont possibles, d'autre part, d'adopter la loi en vertu de pénales sont possibles, d'autre part, d'adopter la loi en vertu de
laquelle une peine peut être établie et appliquée, les articles 12, laquelle une peine peut être établie et appliquée, les articles 12,
alinéa 2, et 14 de la Constitution garantissent à tout citoyen alinéa 2, et 14 de la Constitution garantissent à tout citoyen
qu'aucun comportement ne sera punissable et qu'aucune peine ne sera qu'aucun comportement ne sera punissable et qu'aucune peine ne sera
infligée qu'en vertu de règles adoptées par une assemblée délibérante, infligée qu'en vertu de règles adoptées par une assemblée délibérante,
démocratiquement élue. démocratiquement élue.
L'article 151 de la loi attaquée définit les communications dont L'article 151 de la loi attaquée définit les communications dont
l'auteur peut être sanctionné en vertu de cette disposition et précise l'auteur peut être sanctionné en vertu de cette disposition et précise
que le mode de transmission de ces communications, à savoir que le mode de transmission de ces communications, à savoir
l'utilisation de l'infrastructure des télécommunications, est érigé en l'utilisation de l'infrastructure des télécommunications, est érigé en
délit lorsqu'il est adopté pour donner des communications visées par délit lorsqu'il est adopté pour donner des communications visées par
la loi. Le législateur a pu considérer qu'il s'agissait là d'un mode la loi. Le législateur a pu considérer qu'il s'agissait là d'un mode
de communication qui, en ce qu'il est spécifique et permet d'atteindre de communication qui, en ce qu'il est spécifique et permet d'atteindre
rapidement un grand nombre de personnes pouvant se trouver très loin rapidement un grand nombre de personnes pouvant se trouver très loin
de l'auteur des communications, justifiait la création d'un délit de l'auteur des communications, justifiait la création d'un délit
spécifique. spécifique.
B.9.3. L'article 151 attaqué ne pourrait cependant se justifier en ce B.9.3. L'article 151 attaqué ne pourrait cependant se justifier en ce
qu'il permet de punir l'auteur d'une infraction définie en des termes qu'il permet de punir l'auteur d'une infraction définie en des termes
aussi vagues que « communications portant atteinte au respect des lois aussi vagues que « communications portant atteinte au respect des lois
». Le principe de légalité en matière pénale, garanti par les articles ». Le principe de légalité en matière pénale, garanti par les articles
12, alinéa 2, et 14 de la Constitution ainsi que par l'article 7 de la 12, alinéa 2, et 14 de la Constitution ainsi que par l'article 7 de la
Convention européenne des droits de l'homme, procède notamment de Convention européenne des droits de l'homme, procède notamment de
l'idée que la loi pénale doit être formulée en des termes qui l'idée que la loi pénale doit être formulée en des termes qui
permettent à chacun de savoir, au moment où il adopte un comportement, permettent à chacun de savoir, au moment où il adopte un comportement,
si celui-ci est ou non punissable. Or, quelle qu'ait pu être si celui-ci est ou non punissable. Or, quelle qu'ait pu être
l'intention du législateur, même une conduite aussi légitime, en l'intention du législateur, même une conduite aussi légitime, en
démocratie, que celle qui consiste à critiquer en termes sévères une démocratie, que celle qui consiste à critiquer en termes sévères une
loi déterminée, ne pourrait être menée avec la certitude de n'être pas loi déterminée, ne pourrait être menée avec la certitude de n'être pas
exposé à une répression pénale fondée sur un texte ainsi libellé. exposé à une répression pénale fondée sur un texte ainsi libellé.
L'expression « atteinte [...] à la sécurité de l'Etat » n'a pas un L'expression « atteinte [...] à la sécurité de l'Etat » n'a pas un
contenu normatif suffisamment précis pour définir une infraction contenu normatif suffisamment précis pour définir une infraction
pénale. pénale.
Si les notions d'ordre public et de bonnes moeurs sont acceptables en Si les notions d'ordre public et de bonnes moeurs sont acceptables en
droit civil bien qu'elles se prêtent à des définitions extensives, droit civil bien qu'elles se prêtent à des définitions extensives,
elles ne peuvent, pas plus que la notion de faute, constituer à elles elles ne peuvent, pas plus que la notion de faute, constituer à elles
seules la définition d'une infraction pénale, sans créer une seules la définition d'une infraction pénale, sans créer une
insécurité inadmissible. La condition d'utiliser certains moyens de insécurité inadmissible. La condition d'utiliser certains moyens de
communication n'est pas une restriction suffisante, car elle laisse communication n'est pas une restriction suffisante, car elle laisse
subsister cette même insécurité pour tous ceux qui recourent à de tels subsister cette même insécurité pour tous ceux qui recourent à de tels
moyens, lesquels n'ont en eux-mêmes rien d'illicite. moyens, lesquels n'ont en eux-mêmes rien d'illicite.
Quant à l'offense à l'égard d'un Etat étranger, elle ne peut, sans Quant à l'offense à l'égard d'un Etat étranger, elle ne peut, sans
plus de précision, être érigée en infraction sans attenter à la plus de précision, être érigée en infraction sans attenter à la
liberté de manifester des opinions. liberté de manifester des opinions.
B.10. Les autres branches du moyen ne pouvant conduire à une plus B.10. Les autres branches du moyen ne pouvant conduire à une plus
ample annulation, elles ne seront pas examinées. ample annulation, elles ne seront pas examinées.
Par ces motifs, Par ces motifs,
la Cour la Cour
- annule les articles 151 et 152, 3o, de la loi-programme du 30 - annule les articles 151 et 152, 3o, de la loi-programme du 30
décembre 2001; décembre 2001;
- rejette le recours pour le surplus. - rejette le recours pour le surplus.
Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en
langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6
janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 14 mai janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 14 mai
2003. 2003.
Le greffier, Le greffier,
P.-Y. Dutilleux. P.-Y. Dutilleux.
Le président, Le président,
M. Melchior. M. Melchior.
^