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Arrêt n° 112/98 du 4 novembre 1998 Numéro du rôle : 1244 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 63, 64, alinéa 2, 182 et 479 à 503 du Code d'instruction criminelle, posées par la Cour d'appel de Liège. La Cour d'arb composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L. François, G. De Baets,(...) Arrêt n° 112/98 du 4 novembre 1998 Numéro du rôle : 1244 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 63, 64, alinéa 2, 182 et 479 à 503 du Code d'instruction criminelle, posées par la Cour d'appel de Liège. La Cour d'arb composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L. François, G. De Baets,(...)
COUR D'ARBITRAGE COUR D'ARBITRAGE
Arrêt n° 112/98 du 4 novembre 1998 Arrêt n° 112/98 du 4 novembre 1998
Numéro du rôle : 1244 Numéro du rôle : 1244
En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 63, 64, En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 63, 64,
alinéa 2, 182 et 479 à 503 du Code d'instruction criminelle, posées alinéa 2, 182 et 479 à 503 du Code d'instruction criminelle, posées
par la Cour d'appel de Liège. par la Cour d'appel de Liège.
La Cour d'arbitrage, La Cour d'arbitrage,
composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H.
Boel, L. François, G. De Baets, E. Cerexhe et R. Henneuse, assistée du Boel, L. François, G. De Baets, E. Cerexhe et R. Henneuse, assistée du
greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet des questions préjudicielles I. Objet des questions préjudicielles
Par arrêt du 24 novembre 1997 en cause de B. de Bonvoisin contre J.-F. Par arrêt du 24 novembre 1997 en cause de B. de Bonvoisin contre J.-F.
Godbille, dont l'expédition est parvenue au greffe le 12 décembre Godbille, dont l'expédition est parvenue au greffe le 12 décembre
1997, la Cour d'appel de Liège a posé les questions préjudicielles 1997, la Cour d'appel de Liège a posé les questions préjudicielles
suivantes : suivantes :
« 1. Les articles 63, 479, 480, 481, 482, 483 jusque y compris « 1. Les articles 63, 479, 480, 481, 482, 483 jusque y compris
l'article 503 du Code d'instruction criminelle violent-ils les l'article 503 du Code d'instruction criminelle violent-ils les
articles 10 et 11 de la Constitution au motif que la partie qui se articles 10 et 11 de la Constitution au motif que la partie qui se
prétend lésée par un délit commis par une personne visée à l'article prétend lésée par un délit commis par une personne visée à l'article
479 du Code d'instruction criminelle - nonobstant sa constitution de 479 du Code d'instruction criminelle - nonobstant sa constitution de
partie civile chez un juge d'instruction sur base de l'article 63 du partie civile chez un juge d'instruction sur base de l'article 63 du
même Code - dépendra quant à la suite de son action de la seule même Code - dépendra quant à la suite de son action de la seule
décision du procureur général sans aucun contrôle juridictionnel quant décision du procureur général sans aucun contrôle juridictionnel quant
à la décision de citer, alors qu'une partie qui se prétend lésée par à la décision de citer, alors qu'une partie qui se prétend lésée par
un délit commis par une personne non reprise à l'article 479 du Code un délit commis par une personne non reprise à l'article 479 du Code
d'instruction criminelle bénéficie de droits et garanties reconnus à d'instruction criminelle bénéficie de droits et garanties reconnus à
tout plaignant de se constituer partie civile et d'initier par là des tout plaignant de se constituer partie civile et d'initier par là des
poursuites devant, en règle, faire l'objet d'une décision de justice ? poursuites devant, en règle, faire l'objet d'une décision de justice ?
2. Les articles 64, alinéa 2, 182, 479, 481, 482, 483 jusque et y 2. Les articles 64, alinéa 2, 182, 479, 481, 482, 483 jusque et y
compris l'article 503 du Code d'instruction criminelle violent-ils les compris l'article 503 du Code d'instruction criminelle violent-ils les
articles 10 et 11 de la Constitution au motif qu'il n'est prévu aucun articles 10 et 11 de la Constitution au motif qu'il n'est prévu aucun
recours contre la décision du procureur général de ne pas citer du recours contre la décision du procureur général de ne pas citer du
chef d'un délit une des personnes visées à l'article 479 du Code chef d'un délit une des personnes visées à l'article 479 du Code
d'instruction criminelle, alors que dans les matières du ressort de la d'instruction criminelle, alors que dans les matières du ressort de la
police correctionnelle, la partie lésée peut s'adresser directement au police correctionnelle, la partie lésée peut s'adresser directement au
tribunal correctionnel par citation directe ? » tribunal correctionnel par citation directe ? »
II. Les faits et la procédure antérieure II. Les faits et la procédure antérieure
1. B. de Bonvoisin s'est constitué partie civile, le 7 mars 1997, 1. B. de Bonvoisin s'est constitué partie civile, le 7 mars 1997,
entre les mains du juge d'instruction Connerotte de Neufchâteau contre entre les mains du juge d'instruction Connerotte de Neufchâteau contre
J.-F. Godbille, premier substitut du procureur du Roi, domicilié à J.-F. Godbille, premier substitut du procureur du Roi, domicilié à
Bruxelles, « du chef de diffamations, faux serment, incitation au Bruxelles, « du chef de diffamations, faux serment, incitation au
meurtre et injures envers magistrat », principalement en raison de meurtre et injures envers magistrat », principalement en raison de
propos que celui-ci aurait tenus le 25 février 1997, en qualité de propos que celui-ci aurait tenus le 25 février 1997, en qualité de
témoin, devant la commission d'enquête des tueries du Brabant wallon témoin, devant la commission d'enquête des tueries du Brabant wallon
siégeant à Bruxelles. siégeant à Bruxelles.
2. Le juge d'instruction lui ayant transmis ce procès-verbal, le 2. Le juge d'instruction lui ayant transmis ce procès-verbal, le
procureur du Roi de Neufchâteau a saisi la chambre du conseil, le 6 procureur du Roi de Neufchâteau a saisi la chambre du conseil, le 6
mai 1997, de réquisitions visant à faire déclarer la constitution de mai 1997, de réquisitions visant à faire déclarer la constitution de
partie civile irrecevable parce que dirigée contre une personne partie civile irrecevable parce que dirigée contre une personne
bénéficiant du privilège de juridiction. bénéficiant du privilège de juridiction.
3. Par une ordonnance du 20 juin 1997, la chambre du conseil de 3. Par une ordonnance du 20 juin 1997, la chambre du conseil de
Neufchâteau a sursis à statuer et a décidé de poser à la Cour Neufchâteau a sursis à statuer et a décidé de poser à la Cour
d'arbitrage une question préjudicielle dont la Cour n'a pas été d'arbitrage une question préjudicielle dont la Cour n'a pas été
saisie. saisie.
4. En effet, l'arrêt de la chambre des mises en accusation de la Cour 4. En effet, l'arrêt de la chambre des mises en accusation de la Cour
d'appel de Liège avait annulé l'ordonnance précitée de Neufchâteau, d'appel de Liège avait annulé l'ordonnance précitée de Neufchâteau,
recevait l'appel du ministère public et posait les deux questions recevait l'appel du ministère public et posait les deux questions
préjudicielles mentionnées ci-dessus. préjudicielles mentionnées ci-dessus.
III. La procédure devant la Cour III. La procédure devant la Cour
Par ordonnance du 12 décembre 1997, le président en exercice a désigné Par ordonnance du 12 décembre 1997, le président en exercice a désigné
les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi
spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application
des articles 71 ou 72 de la loi organique. des articles 71 ou 72 de la loi organique.
La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la
loi organique, par lettres recommandées à la poste le 27 janvier 1998. loi organique, par lettres recommandées à la poste le 27 janvier 1998.
L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au
Moniteur belge du 31 janvier 1998. Moniteur belge du 31 janvier 1998.
Des mémoires ont été introduits par : Des mémoires ont été introduits par :
- B. de Bonvoisin, demeurant à 1040 Bruxelles, avenue des Nerviens 7, - B. de Bonvoisin, demeurant à 1040 Bruxelles, avenue des Nerviens 7,
par lettre recommandée à la poste le 10 mars 1998; par lettre recommandée à la poste le 10 mars 1998;
- J.-F. Godbille, demeurant à 1030 Bruxelles, avenue des Capucines 9, - J.-F. Godbille, demeurant à 1030 Bruxelles, avenue des Capucines 9,
par lettre recommandée à la poste le 13 mars 1998; par lettre recommandée à la poste le 13 mars 1998;
- le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par
lettre recommandée à la poste le 13 mars 1998. lettre recommandée à la poste le 13 mars 1998.
Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi
organique, par lettres recommandées à la poste le 25 mars 1998. organique, par lettres recommandées à la poste le 25 mars 1998.
Des mémoires en réponse ont été introduits par : Des mémoires en réponse ont été introduits par :
- B. de Bonvoisin, par lettre recommandée à la poste le 24 avril 1998; - B. de Bonvoisin, par lettre recommandée à la poste le 24 avril 1998;
- J.-F. Godbille, par lettre recommandée à la poste le 24 avril 1998; - J.-F. Godbille, par lettre recommandée à la poste le 24 avril 1998;
- le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 24 - le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 24
avril 1998. avril 1998.
Par ordonnance du 27 mai 1998, la Cour a prorogé jusqu'au 12 décembre Par ordonnance du 27 mai 1998, la Cour a prorogé jusqu'au 12 décembre
1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu. 1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.
Par ordonnance du 8 juillet 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état Par ordonnance du 8 juillet 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état
et fixé l'audience au 30 septembre 1998. et fixé l'audience au 30 septembre 1998.
Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats
par lettres recommandées à la poste le 10 juillet 1998. par lettres recommandées à la poste le 10 juillet 1998.
A l'audience publique du 30 septembre 1998 : A l'audience publique du 30 septembre 1998 :
- ont comparu : - ont comparu :
. B. de Bonvoisin, assisté de Me J. Baudoin, avocat au barreau de . B. de Bonvoisin, assisté de Me J. Baudoin, avocat au barreau de
Neufchâteau, et de Me I. Traest, avocat au barreau de Gand; Neufchâteau, et de Me I. Traest, avocat au barreau de Gand;
. Me E. Jakhian et Me E. Van Nuffel, avocats au barreau de Bruxelles, . Me E. Jakhian et Me E. Van Nuffel, avocats au barreau de Bruxelles,
pour J.-F. Godbille; pour J.-F. Godbille;
. Me N. Cahen loco Me R. Verstraeten, avocats au barreau de Bruxelles, . Me N. Cahen loco Me R. Verstraeten, avocats au barreau de Bruxelles,
pour le Conseil des ministres; pour le Conseil des ministres;
- les juges-rapporteurs E. Cerexhe et H. Boel ont fait rapport; - les juges-rapporteurs E. Cerexhe et H. Boel ont fait rapport;
- les avocats précités et B. de Bonvoisin ont été entendus; - les avocats précités et B. de Bonvoisin ont été entendus;
- l'affaire a été mise en délibéré. - l'affaire a été mise en délibéré.
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants
de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour. de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.
IV. Objet des dispositions en cause IV. Objet des dispositions en cause
Les articles du Code d'instruction criminelle qui font l'objet des Les articles du Code d'instruction criminelle qui font l'objet des
questions préjudicielles disposent en ces termes : questions préjudicielles disposent en ces termes :
«

Art. 63.Toute personne qui se prétendra lésée par un crime ou délit

«

Art. 63.Toute personne qui se prétendra lésée par un crime ou délit

pourra en rendre plainte et se constituer partie civile devant le juge pourra en rendre plainte et se constituer partie civile devant le juge
d'instruction compétent. » d'instruction compétent. »
«

Art. 64.[...]

«

Art. 64.[...]

Dans les matières du ressort de la police correctionnelle, la partie Dans les matières du ressort de la police correctionnelle, la partie
lésée pourra s'adresser directement au tribunal correctionnel, dans la lésée pourra s'adresser directement au tribunal correctionnel, dans la
forme qui sera ci-après réglée. » forme qui sera ci-après réglée. »
«

Art. 182.Le tribunal sera saisi, en matière correctionnelle, de la

«

Art. 182.Le tribunal sera saisi, en matière correctionnelle, de la

connaissance des délits de sa compétence, soit par le renvoi qui lui connaissance des délits de sa compétence, soit par le renvoi qui lui
en sera fait d'après les articles 130 et 160 ci-dessus, soit par la en sera fait d'après les articles 130 et 160 ci-dessus, soit par la
citation donnée directement à l'inculpé et aux personnes civilement citation donnée directement à l'inculpé et aux personnes civilement
responsables du délit par la partie civile, et, dans tous les cas, par responsables du délit par la partie civile, et, dans tous les cas, par
le procureur du Roi, soit par la convocation de l'inculpé par le procureur du Roi, soit par la convocation de l'inculpé par
procès-verbal, conformément à l'article 216quater. » procès-verbal, conformément à l'article 216quater. »
Le principe du privilège de juridiction d'où résultent les questions Le principe du privilège de juridiction d'où résultent les questions
posées par la Cour d'appel de Liège est contenu dans les articles 479 posées par la Cour d'appel de Liège est contenu dans les articles 479
et 483 du Code d'instruction criminelle, qui énoncent : et 483 du Code d'instruction criminelle, qui énoncent :
«

Art. 479.Lorsqu'un juge de paix, un juge au tribunal de police, un

«

Art. 479.Lorsqu'un juge de paix, un juge au tribunal de police, un

juge au tribunal de première instance, au tribunal du travail ou au juge au tribunal de première instance, au tribunal du travail ou au
tribunal de commerce, un conseiller à la cour d'appel ou à la cour du tribunal de commerce, un conseiller à la cour d'appel ou à la cour du
travail, un conseiller à la Cour de cassation, un magistrat du parquet travail, un conseiller à la Cour de cassation, un magistrat du parquet
près un tribunal ou une cour, un membre de la Cour des comptes, un près un tribunal ou une cour, un membre de la Cour des comptes, un
membre du Conseil d'Etat, de l'auditorat ou du bureau de coordination membre du Conseil d'Etat, de l'auditorat ou du bureau de coordination
près le Conseil d'Etat, un membre de la Cour d'arbitrage, un près le Conseil d'Etat, un membre de la Cour d'arbitrage, un
référendaire près cette Cour, un général commandant une division, un référendaire près cette Cour, un général commandant une division, un
gouverneur de province est prévenu d'avoir commis, hors de ses gouverneur de province est prévenu d'avoir commis, hors de ses
fonctions, un délit emportant une peine correctionnelle, le procureur fonctions, un délit emportant une peine correctionnelle, le procureur
général près la cour d'appel le fait citer devant cette cour, qui général près la cour d'appel le fait citer devant cette cour, qui
prononce sans qu'il puisse y avoir appel. » prononce sans qu'il puisse y avoir appel. »
«

Art. 483.Lorsqu'un juge de paix, un juge au tribunal de police, un

«

Art. 483.Lorsqu'un juge de paix, un juge au tribunal de police, un

juge au tribunal de première instance, au tribunal du travail ou au juge au tribunal de première instance, au tribunal du travail ou au
tribunal de commerce, un conseiller à la cour d'appel ou à la cour du tribunal de commerce, un conseiller à la cour d'appel ou à la cour du
travail, un conseiller à la Cour de cassation, un magistrat du parquet travail, un conseiller à la Cour de cassation, un magistrat du parquet
près un tribunal ou une cour, un membre de la Cour des comptes, un près un tribunal ou une cour, un membre de la Cour des comptes, un
membre du Conseil d'Etat, de l'auditorat ou du bureau de coordination membre du Conseil d'Etat, de l'auditorat ou du bureau de coordination
près le Conseil d'Etat, un membre de la Cour d'arbitrage, un près le Conseil d'Etat, un membre de la Cour d'arbitrage, un
référendaire près cette Cour, un général commandant une division, un référendaire près cette Cour, un général commandant une division, un
gouverneur de province est prévenu d'avoir commis, dans l'exercice de gouverneur de province est prévenu d'avoir commis, dans l'exercice de
ses fonctions, un délit emportant une peine correctionnelle, ce délit ses fonctions, un délit emportant une peine correctionnelle, ce délit
est poursuivi et jugé comme il est dit à l'article 479. » est poursuivi et jugé comme il est dit à l'article 479. »
Les articles 479 jusqu'à 503 du Code d'instruction criminelle règlent Les articles 479 jusqu'à 503 du Code d'instruction criminelle règlent
la poursuite et le jugement de crimes ou délits commis notamment par la poursuite et le jugement de crimes ou délits commis notamment par
des magistrats du tribunal de première instance. des magistrats du tribunal de première instance.
V. En droit V. En droit
- A - - A -
Mémoire de B. de Bonvoisin Mémoire de B. de Bonvoisin
A.1. Les deux questions préjudicielles appellent une réponse A.1. Les deux questions préjudicielles appellent une réponse
affirmative. affirmative.
Les modalités particulières de mise en accusation des magistrats et de Les modalités particulières de mise en accusation des magistrats et de
certains fonctionnaires prévues par les articles 479 et suivants du certains fonctionnaires prévues par les articles 479 et suivants du
Code d'instruction criminelle établissent une discrimination, voire un Code d'instruction criminelle établissent une discrimination, voire un
traitement différent, de deux catégories de personnes lésées par des traitement différent, de deux catégories de personnes lésées par des
infractions pénales en ce que ces modalités ne permettent pas à la infractions pénales en ce que ces modalités ne permettent pas à la
partie lésée par une infraction commise par l'une des personnes visées partie lésée par une infraction commise par l'une des personnes visées
par ces dispositions de se constituer partie civile entre les mains par ces dispositions de se constituer partie civile entre les mains
d'un juge d'instruction ou de citer l'auteur des faits directement d'un juge d'instruction ou de citer l'auteur des faits directement
devant le tribunal compétent, alors que la partie lésée par le fait devant le tribunal compétent, alors que la partie lésée par le fait
d'une personne qui ne bénéficie pas de la protection de ces d'une personne qui ne bénéficie pas de la protection de ces
dispositions peut user de ces correctifs au pouvoir du ministère dispositions peut user de ces correctifs au pouvoir du ministère
public de classer la plainte sans suite. public de classer la plainte sans suite.
Cette différence de traitement n'est pas justifiée par rapport à Cette différence de traitement n'est pas justifiée par rapport à
l'objectif poursuivi par ces dispositions (notamment, prémunir le l'objectif poursuivi par ces dispositions (notamment, prémunir le
magistrat ou le fonctionnaire mis en cause des poursuites magistrat ou le fonctionnaire mis en cause des poursuites
intempestives initiées par une partie mue par l'esprit de vengeance) intempestives initiées par une partie mue par l'esprit de vengeance)
parce que le législateur aurait pu utiliser d'autres moyens, tels que parce que le législateur aurait pu utiliser d'autres moyens, tels que
la citation directe devant la cour d'appel, juridiction compétente en la citation directe devant la cour d'appel, juridiction compétente en
application des articles 479 et suivants du Code d'instruction application des articles 479 et suivants du Code d'instruction
criminelle, l'obligation de consignation en cas de citation directe criminelle, l'obligation de consignation en cas de citation directe
devant un tribunal ou, à tout le moins, aurait pu prévoir un droit de devant un tribunal ou, à tout le moins, aurait pu prévoir un droit de
recours contre la décision du procureur général près la cour d'appel recours contre la décision du procureur général près la cour d'appel
de classer la plainte sans suite. de classer la plainte sans suite.
Le critère de différence n'est ni un critère objectif ni un critère Le critère de différence n'est ni un critère objectif ni un critère
adéquat. Une personne lésée par une infraction pénale devrait disposer adéquat. Une personne lésée par une infraction pénale devrait disposer
d'un correctif au pouvoir du ministère public de classer une plainte d'un correctif au pouvoir du ministère public de classer une plainte
sans suite, c'est-à-dire du pouvoir de mettre en mouvement l'action sans suite, c'est-à-dire du pouvoir de mettre en mouvement l'action
publique afin d'assurer l'implication d'un juge dans l'affaire. publique afin d'assurer l'implication d'un juge dans l'affaire.
Mémoire de J.-F. Godbille Mémoire de J.-F. Godbille
A.2.1. La première question préjudicielle appelle une réponse A.2.1. La première question préjudicielle appelle une réponse
négative. En effet, la compétence exclusive du procureur général près négative. En effet, la compétence exclusive du procureur général près
la cour d'appel pour exercer les poursuites contre un magistrat, si la cour d'appel pour exercer les poursuites contre un magistrat, si
elle ôte à la partie civile l'influence qu'elle peut exercer elle ôte à la partie civile l'influence qu'elle peut exercer
d'ordinaire sur l'action publique en se constituant partie civile d'ordinaire sur l'action publique en se constituant partie civile
devant le juge d'instruction, ne viole pas les articles 10 et 11 de la devant le juge d'instruction, ne viole pas les articles 10 et 11 de la
Constitution. La différence de traitement est, en effet, proportionnée Constitution. La différence de traitement est, en effet, proportionnée
à l'objectif poursuivi reconnu comme légitime par la Cour d'arbitrage à l'objectif poursuivi reconnu comme légitime par la Cour d'arbitrage
dans l'arrêt n° 66/94. La partie civile n'est d'ailleurs pas privée du dans l'arrêt n° 66/94. La partie civile n'est d'ailleurs pas privée du
droit de demander la réparation de son dommage devant les juridictions droit de demander la réparation de son dommage devant les juridictions
répressives. D'une part, en effet, le procureur général près la cour répressives. D'une part, en effet, le procureur général près la cour
d'appel sera généralement saisi à la suite de la plainte de la d'appel sera généralement saisi à la suite de la plainte de la
personne lésée. La partie lésée, en règle générale, est donc à personne lésée. La partie lésée, en règle générale, est donc à
l'origine de l'action publique et, à cet égard, sa situation n'est l'origine de l'action publique et, à cet égard, sa situation n'est
guère différente de celle de la partie lésée dans la procédure de guère différente de celle de la partie lésée dans la procédure de
droit commun. droit commun.
Le procureur général près la cour d'appel instruit ensuite les faits Le procureur général près la cour d'appel instruit ensuite les faits
de la cause pour déterminer si les faits semblent établis, s'ils sont de la cause pour déterminer si les faits semblent établis, s'ils sont
imputables au magistrat mis en cause et justifient sa mise en imputables au magistrat mis en cause et justifient sa mise en
jugement. Dans l'affirmative, la partie lésée voit donc sa plainte jugement. Dans l'affirmative, la partie lésée voit donc sa plainte
aboutir devant une juridiction de jugement et elle peut se constituer aboutir devant une juridiction de jugement et elle peut se constituer
régulièrement partie civile contre l'auteur de l'infraction. régulièrement partie civile contre l'auteur de l'infraction.
Ce n'est seulement que si les faits ne sont pas établis ou qu'ils ne Ce n'est seulement que si les faits ne sont pas établis ou qu'ils ne
sont pas imputables au magistrat mis en cause que le procureur général sont pas imputables au magistrat mis en cause que le procureur général
peut décider de classer la plainte sans suite. peut décider de classer la plainte sans suite.
Sans doute la partie lésée ne dispose-t-elle pas du moyen d'éviter une Sans doute la partie lésée ne dispose-t-elle pas du moyen d'éviter une
telle décision, ni de la contester. Mais l'absence de poursuite, pour telle décision, ni de la contester. Mais l'absence de poursuite, pour
la partie lésée, à la suite d'une décision de classement sans suite la partie lésée, à la suite d'une décision de classement sans suite
par le procureur général, a la même incidence qu'une ordonnance de par le procureur général, a la même incidence qu'une ordonnance de
non-lieu prononcée par une juridiction d'instruction ou un jugement non-lieu prononcée par une juridiction d'instruction ou un jugement
d'acquittement prononcé par une juridiction de jugement. Dans l'un et d'acquittement prononcé par une juridiction de jugement. Dans l'un et
l'autre cas, l'auteur des faits dont elle se prétend victime ne sera l'autre cas, l'auteur des faits dont elle se prétend victime ne sera
pas condamné parce que les faits ou la culpabilité de l'auteur ne sont pas condamné parce que les faits ou la culpabilité de l'auteur ne sont
pas établis. pas établis.
Plus fondamentalement, le classement sans suite de la plainte par le Plus fondamentalement, le classement sans suite de la plainte par le
procureur général près la cour d'appel n'a pas pour conséquence de procureur général près la cour d'appel n'a pas pour conséquence de
priver définitivement la partie lésée de toute réparation. priver définitivement la partie lésée de toute réparation.
La partie lésée, en effet, dispose toujours du droit de demander la La partie lésée, en effet, dispose toujours du droit de demander la
réparation de son préjudice devant les juridictions civiles. Dès lors, réparation de son préjudice devant les juridictions civiles. Dès lors,
l'absence de maîtrise de la partie lésée sur la mise en oeuvre de l'absence de maîtrise de la partie lésée sur la mise en oeuvre de
l'action publique n'est pas une mesure excessive au regard des l'action publique n'est pas une mesure excessive au regard des
principes d'égalité et de non-discrimination. principes d'égalité et de non-discrimination.
A.2.2. La seconde question préjudicielle appelle, elle aussi, une A.2.2. La seconde question préjudicielle appelle, elle aussi, une
réponse négative. réponse négative.
Dans le mécanisme de mise en accusation des magistrats et de certains Dans le mécanisme de mise en accusation des magistrats et de certains
fonctionnaires prévu par les articles 479 et suivants du Code fonctionnaires prévu par les articles 479 et suivants du Code
d'instruction criminelle, la partie lésée ne dispose pas des moyens de d'instruction criminelle, la partie lésée ne dispose pas des moyens de
faire obstacle à la décision du procureur général de ne pas faire obstacle à la décision du procureur général de ne pas
poursuivre, en particulier en exerçant un recours contre cette poursuivre, en particulier en exerçant un recours contre cette
décision, alors que, dans la procédure de droit commun, la partie décision, alors que, dans la procédure de droit commun, la partie
lésée peut éviter cet obstacle en citant directement l'auteur de lésée peut éviter cet obstacle en citant directement l'auteur de
l'infraction devant le tribunal compétent. l'infraction devant le tribunal compétent.
Cependant, l'absence de recours contre la décision de classement sans Cependant, l'absence de recours contre la décision de classement sans
suite n'est pas la conséquence des dispositions visées dans les suite n'est pas la conséquence des dispositions visées dans les
questions préjudicielles mais de l'article 128 du Code d'instruction questions préjudicielles mais de l'article 128 du Code d'instruction
criminelle (aux termes duquel « si les juges sont d'avis que le fait criminelle (aux termes duquel « si les juges sont d'avis que le fait
ne présente ni crime, ni délit, ni contravention, ou qu'il n'existe ne présente ni crime, ni délit, ni contravention, ou qu'il n'existe
aucune charge contre l'inculpé, il sera déclaré qu'il n'y a pas lieu à aucune charge contre l'inculpé, il sera déclaré qu'il n'y a pas lieu à
poursuivre ») et de l'article 135 du même Code (relatif aux voies de poursuivre ») et de l'article 135 du même Code (relatif aux voies de
recours à l'encontre d'une ordonnance de non-lieu). recours à l'encontre d'une ordonnance de non-lieu).
A titre subsidiaire, il faut considérer que cette absence de recours A titre subsidiaire, il faut considérer que cette absence de recours
est justifiée par un objectif légitime - celui d'éviter des mises en est justifiée par un objectif légitime - celui d'éviter des mises en
cause inopportunes de magistrats et de certains fonctionnaires devant cause inopportunes de magistrats et de certains fonctionnaires devant
les juridictions répressives - et cette absence de recours est les juridictions répressives - et cette absence de recours est
proportionnée aux motifs qui la fondent, ce que la Cour a rappelé dans proportionnée aux motifs qui la fondent, ce que la Cour a rappelé dans
son arrêt n° 43/95 du 6 juin 1995 en considérant que « la voie de son arrêt n° 43/95 du 6 juin 1995 en considérant que « la voie de
recours offerte [...] par l'article 135 du Code d'instruction recours offerte [...] par l'article 135 du Code d'instruction
criminelle est une exception à la règle selon laquelle l'action criminelle est une exception à la règle selon laquelle l'action
publique est exercée par le ministère public. Le législateur a pu publique est exercée par le ministère public. Le législateur a pu
redouter que la partie civile n'abuse de son droit d'appel et ne nuise redouter que la partie civile n'abuse de son droit d'appel et ne nuise
à l'inculpé en prolongeant l'instruction, pour des motifs étrangers à à l'inculpé en prolongeant l'instruction, pour des motifs étrangers à
l'intérêt général, par une opposition intempestive. La mesure l'intérêt général, par une opposition intempestive. La mesure
critiquée est la contrepartie du droit exceptionnel donné à la partie critiquée est la contrepartie du droit exceptionnel donné à la partie
civile de prolonger l'action publique » (point B.3 de l'arrêt) et en civile de prolonger l'action publique » (point B.3 de l'arrêt) et en
jugeant que la mesure critiquée « ne limite pas de manière excessive jugeant que la mesure critiquée « ne limite pas de manière excessive
les droits de la personne [...] lésée : celle-ci a la faculté de les droits de la personne [...] lésée : celle-ci a la faculté de
porter sa demande devant le juge civil » (point B.4 de l'arrêt). porter sa demande devant le juge civil » (point B.4 de l'arrêt).
Mémoire du Conseil des ministres Mémoire du Conseil des ministres
A.3. Les deux questions préjudicielles appellent une réponse négative. A.3. Les deux questions préjudicielles appellent une réponse négative.
Celles-ci ne concernent pas le privilège de juridiction en soi, mais Celles-ci ne concernent pas le privilège de juridiction en soi, mais
portent sur la privation, dans le chef des victimes d'un crime ou d'un portent sur la privation, dans le chef des victimes d'un crime ou d'un
délit commis par une personne bénéficiant de ce privilège de délit commis par une personne bénéficiant de ce privilège de
juridiction, de la possibilité de se constituer partie civile entre juridiction, de la possibilité de se constituer partie civile entre
les mains du juge d'instruction ou de citer un prévenu devant le les mains du juge d'instruction ou de citer un prévenu devant le
tribunal correctionnel. tribunal correctionnel.
Les articles 10 et 11 de la Constitution interdisent seulement Les articles 10 et 11 de la Constitution interdisent seulement
d'instaurer une différence de traitement lorsque celle-ci est d'instaurer une différence de traitement lorsque celle-ci est
dépourvue de justification, devenant ainsi discriminatoire. dépourvue de justification, devenant ainsi discriminatoire.
Tel n'est pas le cas pour la différence soulevée par les questions Tel n'est pas le cas pour la différence soulevée par les questions
préjudicielles. préjudicielles.
Il a été constamment souligné, tant par le législateur que par la Il a été constamment souligné, tant par le législateur que par la
doctrine et la jurisprudence, que les articles 479 et suivants du Code doctrine et la jurisprudence, que les articles 479 et suivants du Code
d'instruction criminelle ont été instaurés dans un but d'intérêt d'instruction criminelle ont été instaurés dans un but d'intérêt
général, et que la raison d'être de ces dispositions légales est général, et que la raison d'être de ces dispositions légales est
étrangère à tout intérêt ou avantage personnel. étrangère à tout intérêt ou avantage personnel.
Le régime du privilège de juridiction poursuit un double but : d'une Le régime du privilège de juridiction poursuit un double but : d'une
part, il faut éviter que les magistrats puissent être jugés par des part, il faut éviter que les magistrats puissent être jugés par des
collègues se trouvant dans une position telle qu'elle pourrait prêter collègues se trouvant dans une position telle qu'elle pourrait prêter
à une indulgence excessive ou à une sévérité extrême; d'autre part, il à une indulgence excessive ou à une sévérité extrême; d'autre part, il
faut empêcher que les magistrats puissent devenir l'objet faut empêcher que les magistrats puissent devenir l'objet
d'accusations téméraires ou malveillantes à cause des fonctions d'accusations téméraires ou malveillantes à cause des fonctions
publiques qu'ils occupent. publiques qu'ils occupent.
Il échet de souligner que les motifs qui sont à la base des articles Il échet de souligner que les motifs qui sont à la base des articles
479 et suivants du Code d'instruction criminelle n'ont nullement 479 et suivants du Code d'instruction criminelle n'ont nullement
conduit le législateur à créer un régime de faveur pour les personnes conduit le législateur à créer un régime de faveur pour les personnes
qui y sont soumises : le « privilège de juridiction » prive cette qui y sont soumises : le « privilège de juridiction » prive cette
catégorie de personnes d'un degré de juridiction dans l'appréciation catégorie de personnes d'un degré de juridiction dans l'appréciation
du bien-fondé d'une inculpation portée contre elles. du bien-fondé d'une inculpation portée contre elles.
La Cour d'arbitrage a déjà explicitement rappelé ces principes dans La Cour d'arbitrage a déjà explicitement rappelé ces principes dans
ses arrêts du 14 juillet 1994 et du 7 novembre 1996. ses arrêts du 14 juillet 1994 et du 7 novembre 1996.
S'il n'existe pas de recours qui puisse être exercé directement par la S'il n'existe pas de recours qui puisse être exercé directement par la
personne qui se prétend lésée, celle-ci pourra dénoncer l'infraction, personne qui se prétend lésée, celle-ci pourra dénoncer l'infraction,
afin qu'une initiative puisse être prise par le ministre de la Justice afin qu'une initiative puisse être prise par le ministre de la Justice
ou par la cour d'appel. ou par la cour d'appel.
Il faut souligner que la partie préjudiciée pourra toujours introduire Il faut souligner que la partie préjudiciée pourra toujours introduire
une action civile devant les juridictions civiles pour réclamer des une action civile devant les juridictions civiles pour réclamer des
dommages et intérêts résultant de l'infraction dont elle estime être dommages et intérêts résultant de l'infraction dont elle estime être
la victime. la victime.
Mémoire en réponse de B. de Bonvoisin Mémoire en réponse de B. de Bonvoisin
A.4.1. La portée des arrêts de la Cour d'arbitrage des 14 juillet 1994 A.4.1. La portée des arrêts de la Cour d'arbitrage des 14 juillet 1994
et 7 novembre 1996 ne peut être contestée; elle ne doit pas cependant, et 7 novembre 1996 ne peut être contestée; elle ne doit pas cependant,
même pas implicitement, comme tendent à le présenter les parties même pas implicitement, comme tendent à le présenter les parties
adverses, être élargie de façon incorrecte. adverses, être élargie de façon incorrecte.
Ces deux arrêts ne se sont pas prononcés sur les questions Ces deux arrêts ne se sont pas prononcés sur les questions
préjudicielles qui font l'objet de la présente cause. préjudicielles qui font l'objet de la présente cause.
La Cour ne s'est prononcée que sur la question d'une éventuelle La Cour ne s'est prononcée que sur la question d'une éventuelle
discrimination des personnes bénéficiant du privilège de juridiction. discrimination des personnes bénéficiant du privilège de juridiction.
Il ne peut donc être prétendu, même implicitement, que les réponses Il ne peut donc être prétendu, même implicitement, que les réponses
que donnera la Cour aux présentes questions préjudicielles seraient que donnera la Cour aux présentes questions préjudicielles seraient
les mêmes que celles des deux arrêts précités. les mêmes que celles des deux arrêts précités.
A.4.2. La question ne concerne pas le contenu du droit dont est A.4.2. La question ne concerne pas le contenu du droit dont est
dépourvue la victime d'un délit commis par une personne bénéficiant du dépourvue la victime d'un délit commis par une personne bénéficiant du
privilège de juridiction, mais a pour objet de savoir si le critère privilège de juridiction, mais a pour objet de savoir si le critère
employé peut justifier la différence de traitement, et donc la employé peut justifier la différence de traitement, et donc la
privation dans le chef d'une catégorie de personnes lésées, du privation dans le chef d'une catégorie de personnes lésées, du
correctif au pouvoir du ministère public. correctif au pouvoir du ministère public.
Il y a bien une différence entre, d'une part, les moyens d'obtenir Il y a bien une différence entre, d'une part, les moyens d'obtenir
réparation du dommage et, d'autre part, la possibilité de faire réparation du dommage et, d'autre part, la possibilité de faire
entamer l'action publique. Cette dernière possibilité est une entamer l'action publique. Cette dernière possibilité est une
protection supplémentaire des victimes qui subissent un dommage, causé protection supplémentaire des victimes qui subissent un dommage, causé
par une faute civile (article 1382 du Code civil) qui est également, par une faute civile (article 1382 du Code civil) qui est également,
et en même temps, une infraction punissable. C'est de cette dernière et en même temps, une infraction punissable. C'est de cette dernière
protection supplémentaire que sont dépourvues les victimes d'un délit protection supplémentaire que sont dépourvues les victimes d'un délit
commis par une personne bénéficiant du privilège de juridiction, et commis par une personne bénéficiant du privilège de juridiction, et
ceci de façon injustifiable. ceci de façon injustifiable.
La constatation que les personnes lésées par un délit commis par une La constatation que les personnes lésées par un délit commis par une
personne bénéficiant du privilège de juridiction disposent toujours de personne bénéficiant du privilège de juridiction disposent toujours de
leur droit d'action devant les tribunaux civils et ne sont pas privées leur droit d'action devant les tribunaux civils et ne sont pas privées
de la possibilité d'obtenir la réparation de leur dommage, n'est point de la possibilité d'obtenir la réparation de leur dommage, n'est point
relevante. relevante.
Mémoire en réponse de J.-F. Godbille Mémoire en réponse de J.-F. Godbille
A.5. La partie prétendument lésée - qui ne conteste pas que la A.5. La partie prétendument lésée - qui ne conteste pas que la
distinction entre les parties lésées selon qu'elles ont été victimes distinction entre les parties lésées selon qu'elles ont été victimes
d'une infraction commise par un magistrat ou un fonctionnaire ou ont d'une infraction commise par un magistrat ou un fonctionnaire ou ont
été victimes d'une infraction commise par une personne ne bénéficiant été victimes d'une infraction commise par une personne ne bénéficiant
pas de la protection des articles 479 et suivants du Code pas de la protection des articles 479 et suivants du Code
d'instruction criminelle repose sur un critère objectif - n'établit d'instruction criminelle repose sur un critère objectif - n'établit
pas que la différence de traitement dénoncée serait excessive par pas que la différence de traitement dénoncée serait excessive par
rapport au but visé par ces dispositions. Au contraire, dans la rapport au but visé par ces dispositions. Au contraire, dans la
critique du mécanisme mis en place par les articles 479 et suivants du critique du mécanisme mis en place par les articles 479 et suivants du
Code d'instruction criminelle, elle évite la discussion du caractère Code d'instruction criminelle, elle évite la discussion du caractère
proportionné de cette différence de traitement, alors que cet examen proportionné de cette différence de traitement, alors que cet examen
permet précisément de conclure à l'absence de violation des principes permet précisément de conclure à l'absence de violation des principes
d'égalité et de non-discrimination. d'égalité et de non-discrimination.
D'autre part, les mesures évoquées comme « correctifs » au pouvoir du D'autre part, les mesures évoquées comme « correctifs » au pouvoir du
procureur général près la cour d'appel de décider de ne pas poursuivre procureur général près la cour d'appel de décider de ne pas poursuivre
le magistrat ou le fonctionnaire mis en cause contredisent l'objectif le magistrat ou le fonctionnaire mis en cause contredisent l'objectif
poursuivi par le législateur, soit parce qu'elles ne sont pas de poursuivi par le législateur, soit parce qu'elles ne sont pas de
nature à empêcher l'action intempestive de la partie civile (la nature à empêcher l'action intempestive de la partie civile (la
citation directe devant la cour d'appel et le droit de recours contre citation directe devant la cour d'appel et le droit de recours contre
la décision du procureur général de ne pas poursuivre) soit parce la décision du procureur général de ne pas poursuivre) soit parce
qu'elles remettent en cause le principe du privilège de juridiction et qu'elles remettent en cause le principe du privilège de juridiction et
la compétence exclusive de la cour d'appel (l'obligation de la compétence exclusive de la cour d'appel (l'obligation de
consignation en cas de citation directe devant le tribunal consignation en cas de citation directe devant le tribunal
correctionnel). En raison de leurs effets et de la contradiction correctionnel). En raison de leurs effets et de la contradiction
fondamentale qu'elles apportent aux principes à la base du mécanisme fondamentale qu'elles apportent aux principes à la base du mécanisme
mis en place par les articles 479 et suivants du Code d'instruction mis en place par les articles 479 et suivants du Code d'instruction
criminelle, ces mesures sont insuffisantes à établir que, en ne les criminelle, ces mesures sont insuffisantes à établir que, en ne les
adoptant pas, le législateur aurait violé les articles 10 et 11 de la adoptant pas, le législateur aurait violé les articles 10 et 11 de la
Constitution. Constitution.
Le fait que le procureur général près la cour d'appel ait seul le Le fait que le procureur général près la cour d'appel ait seul le
pouvoir de mettre en oeuvre l'action publique à l'encontre des pouvoir de mettre en oeuvre l'action publique à l'encontre des
magistrats et de certains fonctionnaires pour les infractions qu'ils magistrats et de certains fonctionnaires pour les infractions qu'ils
commettent dans ou en dehors de l'exercice de leur fonction, sans que commettent dans ou en dehors de l'exercice de leur fonction, sans que
la partie préjudiciée puisse elle-même mettre en mouvement l'action la partie préjudiciée puisse elle-même mettre en mouvement l'action
publique en se constituant partie civile ou en citant l'auteur du publique en se constituant partie civile ou en citant l'auteur du
délit directement devant le tribunal compétent ou puisse contester la délit directement devant le tribunal compétent ou puisse contester la
décision de ne pas poursuivre, ne méconnaît pas les principes décision de ne pas poursuivre, ne méconnaît pas les principes
d'égalité et de non-discrimination. d'égalité et de non-discrimination.
La différence de traitement qui est ainsi établie entre les parties La différence de traitement qui est ainsi établie entre les parties
lésées, selon que l'auteur du délit bénéficie ou non des modalités de lésées, selon que l'auteur du délit bénéficie ou non des modalités de
mise en accusation établies par les articles 479 et suivants du Code mise en accusation établies par les articles 479 et suivants du Code
d'instruction criminelle, repose sur un critère objectif et poursuit d'instruction criminelle, repose sur un critère objectif et poursuit
un but légitime. un but légitime.
Dans son arrêt n° 66/94 du 14 juillet 1994, la Cour d'arbitrage a Dans son arrêt n° 66/94 du 14 juillet 1994, la Cour d'arbitrage a
ainsi rappelé, à la manière d'un obiter dictum, que « le privilège de ainsi rappelé, à la manière d'un obiter dictum, que « le privilège de
juridiction, applicable aux magistrats, y compris les magistrats juridiction, applicable aux magistrats, y compris les magistrats
suppléants, et à certains autres titulaires de fonctions publiques, a suppléants, et à certains autres titulaires de fonctions publiques, a
été instauré en vue de garantir à l'égard de ces personnes une été instauré en vue de garantir à l'égard de ces personnes une
administration de la justice impartiale et sereine. Les règles administration de la justice impartiale et sereine. Les règles
spécifiques en matière d'instruction, de poursuite et de jugement spécifiques en matière d'instruction, de poursuite et de jugement
qu'implique le privilège de juridiction entendent éviter, d'une part, qu'implique le privilège de juridiction entendent éviter, d'une part,
que des poursuites téméraires, injustifiées ou vexatoires soient que des poursuites téméraires, injustifiées ou vexatoires soient
intentées contre les personnes auxquelles ce régime est applicable et, intentées contre les personnes auxquelles ce régime est applicable et,
d'autre part, que ces mêmes personnes soient traitées avec trop de d'autre part, que ces mêmes personnes soient traitées avec trop de
sévérité ou trop de clémence » (point B.2 de l'arrêt; en ce sens, voy. sévérité ou trop de clémence » (point B.2 de l'arrêt; en ce sens, voy.
également l'arrêt n° 60/96 du 7 novembre 1996, point B.3). également l'arrêt n° 60/96 du 7 novembre 1996, point B.3).
Mémoire en réponse du Conseil des ministres Mémoire en réponse du Conseil des ministres
A.6. Contrairement à ce que fait valoir la partie prétendument visée, A.6. Contrairement à ce que fait valoir la partie prétendument visée,
le législateur, en instaurant le régime des articles 479 et suivants le législateur, en instaurant le régime des articles 479 et suivants
du Code d'instruction criminelle, n'a pas seulement eu égard au point du Code d'instruction criminelle, n'a pas seulement eu égard au point
de vue des magistrats. Le fait qu'une personne qui s'estime lésée par de vue des magistrats. Le fait qu'une personne qui s'estime lésée par
une infraction commise par un magistrat n'a pas la faculté de mettre une infraction commise par un magistrat n'a pas la faculté de mettre
en mouvement l'action publique résulte de la raison d'être même du en mouvement l'action publique résulte de la raison d'être même du
régime de privilège de juridiction. régime de privilège de juridiction.
En évitant l'exercice direct de poursuites, qui peuvent revêtir un En évitant l'exercice direct de poursuites, qui peuvent revêtir un
caractère téméraire ou malveillant, par la prétendue victime de caractère téméraire ou malveillant, par la prétendue victime de
l'infraction et en soumettant la mise en mouvement de l'action l'infraction et en soumettant la mise en mouvement de l'action
publique à une initiative du procureur général, le législateur a publique à une initiative du procureur général, le législateur a
garanti l'indépendance et l'impartialité des magistrats. garanti l'indépendance et l'impartialité des magistrats.
Il n'est pas exact que, pour obtenir le même résultat que celui assuré Il n'est pas exact que, pour obtenir le même résultat que celui assuré
par le système actuel, le législateur aurait pu utiliser d'autres par le système actuel, le législateur aurait pu utiliser d'autres
moyens. moyens.
En effet, le législateur a précisément voulu éviter que la personne En effet, le législateur a précisément voulu éviter que la personne
s'estimant lésée par une infraction commise par un magistrat puisse s'estimant lésée par une infraction commise par un magistrat puisse
saisir directement une autorité juridictionnelle, qui devrait alors saisir directement une autorité juridictionnelle, qui devrait alors
statuer sur les poursuites à l'égard de la personne bénéficiant du statuer sur les poursuites à l'égard de la personne bénéficiant du
privilège de juridiction. Sur ce point, il convient de souligner privilège de juridiction. Sur ce point, il convient de souligner
qu'une jurisprudence constante de la Commission européenne des droits qu'une jurisprudence constante de la Commission européenne des droits
de l'homme à Strasbourg décide que le droit pour une partie de l'homme à Strasbourg décide que le droit pour une partie
préjudiciée de mettre en mouvement une action publique, soit par une préjudiciée de mettre en mouvement une action publique, soit par une
citation directe, soit en forçant le ministère public à introduire une citation directe, soit en forçant le ministère public à introduire une
procédure pénale, n'est pas compris dans les droits garantis par la procédure pénale, n'est pas compris dans les droits garantis par la
Convention européenne des droits de l'homme. Convention européenne des droits de l'homme.
Finalement, pour autant que de besoin, c'est à tort qu'il est soutenu Finalement, pour autant que de besoin, c'est à tort qu'il est soutenu
que l'impossibilité de mettre en mouvement une action publique par une que l'impossibilité de mettre en mouvement une action publique par une
constitution de partie civile ou une citation directe pour les constitution de partie civile ou une citation directe pour les
infractions relevant de la compétence du tribunal de la jeunesse ou infractions relevant de la compétence du tribunal de la jeunesse ou
des juridictions militaires n'a trait qu'aux compétences de ces des juridictions militaires n'a trait qu'aux compétences de ces
juridictions spécifiques. juridictions spécifiques.
Comme c'est le cas pour le régime de privilège de juridiction, c'est Comme c'est le cas pour le régime de privilège de juridiction, c'est
pour des raisons objectives et d'une manière raisonnablement justifiée pour des raisons objectives et d'une manière raisonnablement justifiée
que le législateur a limité les possibilités de mettre en mouvement que le législateur a limité les possibilités de mettre en mouvement
l'action publique. l'action publique.
Quant aux délinquants mineurs, le législateur, en réservant au Quant aux délinquants mineurs, le législateur, en réservant au
ministère public le droit d'intenter une action pénale, a voulu ministère public le droit d'intenter une action pénale, a voulu
veiller à ce que seules des considérations de nature pédagogique et veiller à ce que seules des considérations de nature pédagogique et
relatives à l'intérêt du mineur soient déterminantes. relatives à l'intérêt du mineur soient déterminantes.
Quant aux personnes relevant de la juridiction militaire, le Quant aux personnes relevant de la juridiction militaire, le
législateur a également estimé que des raisons de discipline et législateur a également estimé que des raisons de discipline et
d'organisation militaire nécessitent que soit exclue la possibilité d'organisation militaire nécessitent que soit exclue la possibilité
pour toute personne se prétendant lésée par une infraction de mettre pour toute personne se prétendant lésée par une infraction de mettre
en mouvement une action publique. en mouvement une action publique.
- B - - B -
B.1. Les deux questions préjudicielles portent sur le point de savoir B.1. Les deux questions préjudicielles portent sur le point de savoir
si la compétence exclusive et sans appel que détient le procureur si la compétence exclusive et sans appel que détient le procureur
général près la cour d'appel d'exercer les poursuites contre un général près la cour d'appel d'exercer les poursuites contre un
magistrat ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en ce magistrat ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en ce
qu'elle ne permet pas à une partie qui se prétend lésée par une qu'elle ne permet pas à une partie qui se prétend lésée par une
infraction de mettre l'action publique en mouvement en se constituant infraction de mettre l'action publique en mouvement en se constituant
partie civile dans les mains d'un juge d'instruction ou en citant partie civile dans les mains d'un juge d'instruction ou en citant
directement devant le juge pénal, contrairement aux autres personnes directement devant le juge pénal, contrairement aux autres personnes
qui se prétendent lésées par une infraction commise par une personne qui se prétendent lésées par une infraction commise par une personne
non visée à l'article 479 du Code d'instruction criminelle. non visée à l'article 479 du Code d'instruction criminelle.
B.2. Il résulte des termes des questions que le problème posé réside B.2. Il résulte des termes des questions que le problème posé réside
essentiellement dans l'article 479 du Code d'instruction criminelle, essentiellement dans l'article 479 du Code d'instruction criminelle,
qui dispose : qui dispose :
« Lorsqu'un juge de paix, un juge au tribunal de police, un juge au « Lorsqu'un juge de paix, un juge au tribunal de police, un juge au
tribunal de première instance, au tribunal du travail ou au tribunal tribunal de première instance, au tribunal du travail ou au tribunal
de commerce, un conseiller à la cour d'appel ou à la cour du travail, de commerce, un conseiller à la cour d'appel ou à la cour du travail,
un conseiller à la Cour de cassation, un magistrat du parquet près un un conseiller à la Cour de cassation, un magistrat du parquet près un
tribunal ou une cour, un membre de la Cour des comptes, un membre du tribunal ou une cour, un membre de la Cour des comptes, un membre du
Conseil d'Etat, de l'auditorat ou du bureau de coordination près le Conseil d'Etat, de l'auditorat ou du bureau de coordination près le
Conseil d'Etat, un membre de la Cour d'arbitrage, un référendaire près Conseil d'Etat, un membre de la Cour d'arbitrage, un référendaire près
cette Cour, un général commandant une division, un gouverneur de cette Cour, un général commandant une division, un gouverneur de
province est prévenu d'avoir commis, hors de ses fonctions, un délit province est prévenu d'avoir commis, hors de ses fonctions, un délit
emportant une peine correctionnelle, le procureur général près la cour emportant une peine correctionnelle, le procureur général près la cour
d'appel le fait citer devant cette cour, qui prononce sans qu'il d'appel le fait citer devant cette cour, qui prononce sans qu'il
puisse y avoir appel. » puisse y avoir appel. »
B.3. Le système dit du privilège de juridiction, applicable aux B.3. Le système dit du privilège de juridiction, applicable aux
magistrats, y compris aux magistrats suppléants, et à certains autres magistrats, y compris aux magistrats suppléants, et à certains autres
titulaires de fonctions publiques, a été instauré en vue de garantir à titulaires de fonctions publiques, a été instauré en vue de garantir à
l'égard de ces personnes une administration de la justice impartiale l'égard de ces personnes une administration de la justice impartiale
et sereine. Les règles spécifiques qu'il comporte en matière et sereine. Les règles spécifiques qu'il comporte en matière
d'instruction, de poursuite et de jugement entendent éviter, d'une d'instruction, de poursuite et de jugement entendent éviter, d'une
part, que des poursuites téméraires, injustifiées ou vexatoires soient part, que des poursuites téméraires, injustifiées ou vexatoires soient
intentées contre les personnes auxquelles ce régime est applicable et, intentées contre les personnes auxquelles ce régime est applicable et,
d'autre part, que ces mêmes personnes soient traitées avec trop de d'autre part, que ces mêmes personnes soient traitées avec trop de
sévérité ou trop de clémence. sévérité ou trop de clémence.
L'ensemble de ces motifs peut raisonnablement justifier que les L'ensemble de ces motifs peut raisonnablement justifier que les
personnes auxquelles s'applique le privilège de juridiction soient, en personnes auxquelles s'applique le privilège de juridiction soient, en
matière d'instruction, de poursuite et de jugement, traitées matière d'instruction, de poursuite et de jugement, traitées
différemment des justiciables auxquels s'appliquent les règles différemment des justiciables auxquels s'appliquent les règles
ordinaires de l'instruction criminelle. ordinaires de l'instruction criminelle.
B.4. Les questions préjudicielles ne concernent pas le privilège de B.4. Les questions préjudicielles ne concernent pas le privilège de
juridiction en soi, mais portent sur la privation, dans le chef des juridiction en soi, mais portent sur la privation, dans le chef des
victimes d'un crime ou d'un délit commis par une personne bénéficiant victimes d'un crime ou d'un délit commis par une personne bénéficiant
de ce privilège de juridiction, de la possibilité de se constituer de ce privilège de juridiction, de la possibilité de se constituer
partie civile entre les mains du juge d'instruction ou de citer un partie civile entre les mains du juge d'instruction ou de citer un
prévenu devant le tribunal correctionnel, d'une part, et sur la prévenu devant le tribunal correctionnel, d'une part, et sur la
privation de la possibilité d'introduire un recours contre la décision privation de la possibilité d'introduire un recours contre la décision
du procureur général, d'autre part. Au sein de la catégorie des du procureur général, d'autre part. Au sein de la catégorie des
personnes susceptibles d'être lésées par une infraction, une personnes susceptibles d'être lésées par une infraction, une
différence de traitement est ainsi instaurée entre celles qui différence de traitement est ainsi instaurée entre celles qui
subissent les effets de l'article 479 et la généralité des citoyens. subissent les effets de l'article 479 et la généralité des citoyens.
B.5.1. Dès lors que les objectifs légitimes poursuivis par le B.5.1. Dès lors que les objectifs légitimes poursuivis par le
législateur justifient qu'il ait confié aux cours d'appel la législateur justifient qu'il ait confié aux cours d'appel la
compétence de connaître des délits à charge des personnes auxquelles compétence de connaître des délits à charge des personnes auxquelles
s'applique le privilège de juridiction, il n'est pas manifestement s'applique le privilège de juridiction, il n'est pas manifestement
déraisonnable d'avoir réservé l'exclusivité de la compétence déraisonnable d'avoir réservé l'exclusivité de la compétence
d'introduire les poursuites contre ces personnes au procureur général d'introduire les poursuites contre ces personnes au procureur général
près la cour d'appel, sans permettre l'exercice direct de poursuites, près la cour d'appel, sans permettre l'exercice direct de poursuites,
qui peuvent revêtir un caractère téméraire ou malveillant, par la qui peuvent revêtir un caractère téméraire ou malveillant, par la
personne s'estimant lésée par l'infraction. personne s'estimant lésée par l'infraction.
Le législateur pouvait, dans la logique du système établi, ne pas Le législateur pouvait, dans la logique du système établi, ne pas
prévoir, à l'instar de la décision rendue par la Cour d'appel qui, prévoir, à l'instar de la décision rendue par la Cour d'appel qui,
elle non plus, n'est pas susceptible d'appel, de recours dans le chef elle non plus, n'est pas susceptible d'appel, de recours dans le chef
de la partie prétendument lésée à l'encontre de la décision du de la partie prétendument lésée à l'encontre de la décision du
procureur général de ne pas poursuivre l'auteur présumé de procureur général de ne pas poursuivre l'auteur présumé de
l'infraction. l'infraction.
B.5.2. Ces mesures ne limitent pas de manière excessive les droits de B.5.2. Ces mesures ne limitent pas de manière excessive les droits de
la personne qui se prétend lésée : celle-ci, qui ne peut poursuivre la personne qui se prétend lésée : celle-ci, qui ne peut poursuivre
qu'un intérêt privé même lorsqu'elle met l'action publique en qu'un intérêt privé même lorsqu'elle met l'action publique en
mouvement, a la faculté de porter une demande en réparation devant le mouvement, a la faculté de porter une demande en réparation devant le
juge civil, sans compter qu'elle peut dénoncer l'infraction, afin juge civil, sans compter qu'elle peut dénoncer l'infraction, afin
qu'une initiative puisse être prise par le ministre de la Justice qu'une initiative puisse être prise par le ministre de la Justice
(articles 482 et 486 du Code d'instruction criminelle) ou par la cour (articles 482 et 486 du Code d'instruction criminelle) ou par la cour
d'appel (article 443 du Code judiciaire). d'appel (article 443 du Code judiciaire).
B.6. Les deux questions préjudicielles appellent une réponse négative. B.6. Les deux questions préjudicielles appellent une réponse négative.
Par ces motifs, Par ces motifs,
la Cour la Cour
dit pour droit : dit pour droit :
L'article 479 du Code d'instruction criminelle ne viole pas les L'article 479 du Code d'instruction criminelle ne viole pas les
articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'il réserve au articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'il réserve au
procureur général près la cour d'appel la décision de poursuivre ou procureur général près la cour d'appel la décision de poursuivre ou
non les magistrats pour les infractions qu'ils sont susceptibles non les magistrats pour les infractions qu'ils sont susceptibles
d'avoir commises et en tant qu'il a pour conséquence de ne pas d'avoir commises et en tant qu'il a pour conséquence de ne pas
permettre à la partie qui se prétend lésée de mettre en mouvement permettre à la partie qui se prétend lésée de mettre en mouvement
l'action publique en se constituant partie civile ou par citation l'action publique en se constituant partie civile ou par citation
directe, ni d'introduire un recours contre la décision de ne pas directe, ni d'introduire un recours contre la décision de ne pas
poursuivre. poursuivre.
Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise,
conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur
la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 4 novembre 1998. la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 4 novembre 1998.
Le greffier, Le greffier,
L. Potoms. L. Potoms.
Le président, Le président,
M. Melchior. M. Melchior.
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