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préjudicielles relatives aux articles 63, 64, alinéa 2, 182 et 479 à 503 du Code d'instruction criminelle,
posées par la Cour d'appel de Liège. La Cour d'arb composée des présidents M.
Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L. François, G. De Baets,(...)"
Arrêt n° 112/98 du 4 novembre 1998 Numéro du rôle : 1244 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 63, 64, alinéa 2, 182 et 479 à 503 du Code d'instruction criminelle, posées par la Cour d'appel de Liège. La Cour d'arb composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L. François, G. De Baets,(...) | Arrêt n° 112/98 du 4 novembre 1998 Numéro du rôle : 1244 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 63, 64, alinéa 2, 182 et 479 à 503 du Code d'instruction criminelle, posées par la Cour d'appel de Liège. La Cour d'arb composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L. François, G. De Baets,(...) |
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COUR D'ARBITRAGE | COUR D'ARBITRAGE |
Arrêt n° 112/98 du 4 novembre 1998 | Arrêt n° 112/98 du 4 novembre 1998 |
Numéro du rôle : 1244 | Numéro du rôle : 1244 |
En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 63, 64, | En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 63, 64, |
alinéa 2, 182 et 479 à 503 du Code d'instruction criminelle, posées | alinéa 2, 182 et 479 à 503 du Code d'instruction criminelle, posées |
par la Cour d'appel de Liège. | par la Cour d'appel de Liège. |
La Cour d'arbitrage, | La Cour d'arbitrage, |
composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. | composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. |
Boel, L. François, G. De Baets, E. Cerexhe et R. Henneuse, assistée du | Boel, L. François, G. De Baets, E. Cerexhe et R. Henneuse, assistée du |
greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, | greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, |
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : | après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : |
I. Objet des questions préjudicielles | I. Objet des questions préjudicielles |
Par arrêt du 24 novembre 1997 en cause de B. de Bonvoisin contre J.-F. | Par arrêt du 24 novembre 1997 en cause de B. de Bonvoisin contre J.-F. |
Godbille, dont l'expédition est parvenue au greffe le 12 décembre | Godbille, dont l'expédition est parvenue au greffe le 12 décembre |
1997, la Cour d'appel de Liège a posé les questions préjudicielles | 1997, la Cour d'appel de Liège a posé les questions préjudicielles |
suivantes : | suivantes : |
« 1. Les articles 63, 479, 480, 481, 482, 483 jusque y compris | « 1. Les articles 63, 479, 480, 481, 482, 483 jusque y compris |
l'article 503 du Code d'instruction criminelle violent-ils les | l'article 503 du Code d'instruction criminelle violent-ils les |
articles 10 et 11 de la Constitution au motif que la partie qui se | articles 10 et 11 de la Constitution au motif que la partie qui se |
prétend lésée par un délit commis par une personne visée à l'article | prétend lésée par un délit commis par une personne visée à l'article |
479 du Code d'instruction criminelle - nonobstant sa constitution de | 479 du Code d'instruction criminelle - nonobstant sa constitution de |
partie civile chez un juge d'instruction sur base de l'article 63 du | partie civile chez un juge d'instruction sur base de l'article 63 du |
même Code - dépendra quant à la suite de son action de la seule | même Code - dépendra quant à la suite de son action de la seule |
décision du procureur général sans aucun contrôle juridictionnel quant | décision du procureur général sans aucun contrôle juridictionnel quant |
à la décision de citer, alors qu'une partie qui se prétend lésée par | à la décision de citer, alors qu'une partie qui se prétend lésée par |
un délit commis par une personne non reprise à l'article 479 du Code | un délit commis par une personne non reprise à l'article 479 du Code |
d'instruction criminelle bénéficie de droits et garanties reconnus à | d'instruction criminelle bénéficie de droits et garanties reconnus à |
tout plaignant de se constituer partie civile et d'initier par là des | tout plaignant de se constituer partie civile et d'initier par là des |
poursuites devant, en règle, faire l'objet d'une décision de justice ? | poursuites devant, en règle, faire l'objet d'une décision de justice ? |
2. Les articles 64, alinéa 2, 182, 479, 481, 482, 483 jusque et y | 2. Les articles 64, alinéa 2, 182, 479, 481, 482, 483 jusque et y |
compris l'article 503 du Code d'instruction criminelle violent-ils les | compris l'article 503 du Code d'instruction criminelle violent-ils les |
articles 10 et 11 de la Constitution au motif qu'il n'est prévu aucun | articles 10 et 11 de la Constitution au motif qu'il n'est prévu aucun |
recours contre la décision du procureur général de ne pas citer du | recours contre la décision du procureur général de ne pas citer du |
chef d'un délit une des personnes visées à l'article 479 du Code | chef d'un délit une des personnes visées à l'article 479 du Code |
d'instruction criminelle, alors que dans les matières du ressort de la | d'instruction criminelle, alors que dans les matières du ressort de la |
police correctionnelle, la partie lésée peut s'adresser directement au | police correctionnelle, la partie lésée peut s'adresser directement au |
tribunal correctionnel par citation directe ? » | tribunal correctionnel par citation directe ? » |
II. Les faits et la procédure antérieure | II. Les faits et la procédure antérieure |
1. B. de Bonvoisin s'est constitué partie civile, le 7 mars 1997, | 1. B. de Bonvoisin s'est constitué partie civile, le 7 mars 1997, |
entre les mains du juge d'instruction Connerotte de Neufchâteau contre | entre les mains du juge d'instruction Connerotte de Neufchâteau contre |
J.-F. Godbille, premier substitut du procureur du Roi, domicilié à | J.-F. Godbille, premier substitut du procureur du Roi, domicilié à |
Bruxelles, « du chef de diffamations, faux serment, incitation au | Bruxelles, « du chef de diffamations, faux serment, incitation au |
meurtre et injures envers magistrat », principalement en raison de | meurtre et injures envers magistrat », principalement en raison de |
propos que celui-ci aurait tenus le 25 février 1997, en qualité de | propos que celui-ci aurait tenus le 25 février 1997, en qualité de |
témoin, devant la commission d'enquête des tueries du Brabant wallon | témoin, devant la commission d'enquête des tueries du Brabant wallon |
siégeant à Bruxelles. | siégeant à Bruxelles. |
2. Le juge d'instruction lui ayant transmis ce procès-verbal, le | 2. Le juge d'instruction lui ayant transmis ce procès-verbal, le |
procureur du Roi de Neufchâteau a saisi la chambre du conseil, le 6 | procureur du Roi de Neufchâteau a saisi la chambre du conseil, le 6 |
mai 1997, de réquisitions visant à faire déclarer la constitution de | mai 1997, de réquisitions visant à faire déclarer la constitution de |
partie civile irrecevable parce que dirigée contre une personne | partie civile irrecevable parce que dirigée contre une personne |
bénéficiant du privilège de juridiction. | bénéficiant du privilège de juridiction. |
3. Par une ordonnance du 20 juin 1997, la chambre du conseil de | 3. Par une ordonnance du 20 juin 1997, la chambre du conseil de |
Neufchâteau a sursis à statuer et a décidé de poser à la Cour | Neufchâteau a sursis à statuer et a décidé de poser à la Cour |
d'arbitrage une question préjudicielle dont la Cour n'a pas été | d'arbitrage une question préjudicielle dont la Cour n'a pas été |
saisie. | saisie. |
4. En effet, l'arrêt de la chambre des mises en accusation de la Cour | 4. En effet, l'arrêt de la chambre des mises en accusation de la Cour |
d'appel de Liège avait annulé l'ordonnance précitée de Neufchâteau, | d'appel de Liège avait annulé l'ordonnance précitée de Neufchâteau, |
recevait l'appel du ministère public et posait les deux questions | recevait l'appel du ministère public et posait les deux questions |
préjudicielles mentionnées ci-dessus. | préjudicielles mentionnées ci-dessus. |
III. La procédure devant la Cour | III. La procédure devant la Cour |
Par ordonnance du 12 décembre 1997, le président en exercice a désigné | Par ordonnance du 12 décembre 1997, le président en exercice a désigné |
les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi | les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi |
spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. | spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. |
Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application | Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application |
des articles 71 ou 72 de la loi organique. | des articles 71 ou 72 de la loi organique. |
La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la | La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la |
loi organique, par lettres recommandées à la poste le 27 janvier 1998. | loi organique, par lettres recommandées à la poste le 27 janvier 1998. |
L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au | L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au |
Moniteur belge du 31 janvier 1998. | Moniteur belge du 31 janvier 1998. |
Des mémoires ont été introduits par : | Des mémoires ont été introduits par : |
- B. de Bonvoisin, demeurant à 1040 Bruxelles, avenue des Nerviens 7, | - B. de Bonvoisin, demeurant à 1040 Bruxelles, avenue des Nerviens 7, |
par lettre recommandée à la poste le 10 mars 1998; | par lettre recommandée à la poste le 10 mars 1998; |
- J.-F. Godbille, demeurant à 1030 Bruxelles, avenue des Capucines 9, | - J.-F. Godbille, demeurant à 1030 Bruxelles, avenue des Capucines 9, |
par lettre recommandée à la poste le 13 mars 1998; | par lettre recommandée à la poste le 13 mars 1998; |
- le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par | - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par |
lettre recommandée à la poste le 13 mars 1998. | lettre recommandée à la poste le 13 mars 1998. |
Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi | Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi |
organique, par lettres recommandées à la poste le 25 mars 1998. | organique, par lettres recommandées à la poste le 25 mars 1998. |
Des mémoires en réponse ont été introduits par : | Des mémoires en réponse ont été introduits par : |
- B. de Bonvoisin, par lettre recommandée à la poste le 24 avril 1998; | - B. de Bonvoisin, par lettre recommandée à la poste le 24 avril 1998; |
- J.-F. Godbille, par lettre recommandée à la poste le 24 avril 1998; | - J.-F. Godbille, par lettre recommandée à la poste le 24 avril 1998; |
- le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 24 | - le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 24 |
avril 1998. | avril 1998. |
Par ordonnance du 27 mai 1998, la Cour a prorogé jusqu'au 12 décembre | Par ordonnance du 27 mai 1998, la Cour a prorogé jusqu'au 12 décembre |
1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu. | 1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu. |
Par ordonnance du 8 juillet 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état | Par ordonnance du 8 juillet 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état |
et fixé l'audience au 30 septembre 1998. | et fixé l'audience au 30 septembre 1998. |
Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats | Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats |
par lettres recommandées à la poste le 10 juillet 1998. | par lettres recommandées à la poste le 10 juillet 1998. |
A l'audience publique du 30 septembre 1998 : | A l'audience publique du 30 septembre 1998 : |
- ont comparu : | - ont comparu : |
. B. de Bonvoisin, assisté de Me J. Baudoin, avocat au barreau de | . B. de Bonvoisin, assisté de Me J. Baudoin, avocat au barreau de |
Neufchâteau, et de Me I. Traest, avocat au barreau de Gand; | Neufchâteau, et de Me I. Traest, avocat au barreau de Gand; |
. Me E. Jakhian et Me E. Van Nuffel, avocats au barreau de Bruxelles, | . Me E. Jakhian et Me E. Van Nuffel, avocats au barreau de Bruxelles, |
pour J.-F. Godbille; | pour J.-F. Godbille; |
. Me N. Cahen loco Me R. Verstraeten, avocats au barreau de Bruxelles, | . Me N. Cahen loco Me R. Verstraeten, avocats au barreau de Bruxelles, |
pour le Conseil des ministres; | pour le Conseil des ministres; |
- les juges-rapporteurs E. Cerexhe et H. Boel ont fait rapport; | - les juges-rapporteurs E. Cerexhe et H. Boel ont fait rapport; |
- les avocats précités et B. de Bonvoisin ont été entendus; | - les avocats précités et B. de Bonvoisin ont été entendus; |
- l'affaire a été mise en délibéré. | - l'affaire a été mise en délibéré. |
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants | La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants |
de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour. | de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour. |
IV. Objet des dispositions en cause | IV. Objet des dispositions en cause |
Les articles du Code d'instruction criminelle qui font l'objet des | Les articles du Code d'instruction criminelle qui font l'objet des |
questions préjudicielles disposent en ces termes : | questions préjudicielles disposent en ces termes : |
« Art. 63.Toute personne qui se prétendra lésée par un crime ou délit |
« Art. 63.Toute personne qui se prétendra lésée par un crime ou délit |
pourra en rendre plainte et se constituer partie civile devant le juge | pourra en rendre plainte et se constituer partie civile devant le juge |
d'instruction compétent. » | d'instruction compétent. » |
« Art. 64.[...] |
« Art. 64.[...] |
Dans les matières du ressort de la police correctionnelle, la partie | Dans les matières du ressort de la police correctionnelle, la partie |
lésée pourra s'adresser directement au tribunal correctionnel, dans la | lésée pourra s'adresser directement au tribunal correctionnel, dans la |
forme qui sera ci-après réglée. » | forme qui sera ci-après réglée. » |
« Art. 182.Le tribunal sera saisi, en matière correctionnelle, de la |
« Art. 182.Le tribunal sera saisi, en matière correctionnelle, de la |
connaissance des délits de sa compétence, soit par le renvoi qui lui | connaissance des délits de sa compétence, soit par le renvoi qui lui |
en sera fait d'après les articles 130 et 160 ci-dessus, soit par la | en sera fait d'après les articles 130 et 160 ci-dessus, soit par la |
citation donnée directement à l'inculpé et aux personnes civilement | citation donnée directement à l'inculpé et aux personnes civilement |
responsables du délit par la partie civile, et, dans tous les cas, par | responsables du délit par la partie civile, et, dans tous les cas, par |
le procureur du Roi, soit par la convocation de l'inculpé par | le procureur du Roi, soit par la convocation de l'inculpé par |
procès-verbal, conformément à l'article 216quater. » | procès-verbal, conformément à l'article 216quater. » |
Le principe du privilège de juridiction d'où résultent les questions | Le principe du privilège de juridiction d'où résultent les questions |
posées par la Cour d'appel de Liège est contenu dans les articles 479 | posées par la Cour d'appel de Liège est contenu dans les articles 479 |
et 483 du Code d'instruction criminelle, qui énoncent : | et 483 du Code d'instruction criminelle, qui énoncent : |
« Art. 479.Lorsqu'un juge de paix, un juge au tribunal de police, un |
« Art. 479.Lorsqu'un juge de paix, un juge au tribunal de police, un |
juge au tribunal de première instance, au tribunal du travail ou au | juge au tribunal de première instance, au tribunal du travail ou au |
tribunal de commerce, un conseiller à la cour d'appel ou à la cour du | tribunal de commerce, un conseiller à la cour d'appel ou à la cour du |
travail, un conseiller à la Cour de cassation, un magistrat du parquet | travail, un conseiller à la Cour de cassation, un magistrat du parquet |
près un tribunal ou une cour, un membre de la Cour des comptes, un | près un tribunal ou une cour, un membre de la Cour des comptes, un |
membre du Conseil d'Etat, de l'auditorat ou du bureau de coordination | membre du Conseil d'Etat, de l'auditorat ou du bureau de coordination |
près le Conseil d'Etat, un membre de la Cour d'arbitrage, un | près le Conseil d'Etat, un membre de la Cour d'arbitrage, un |
référendaire près cette Cour, un général commandant une division, un | référendaire près cette Cour, un général commandant une division, un |
gouverneur de province est prévenu d'avoir commis, hors de ses | gouverneur de province est prévenu d'avoir commis, hors de ses |
fonctions, un délit emportant une peine correctionnelle, le procureur | fonctions, un délit emportant une peine correctionnelle, le procureur |
général près la cour d'appel le fait citer devant cette cour, qui | général près la cour d'appel le fait citer devant cette cour, qui |
prononce sans qu'il puisse y avoir appel. » | prononce sans qu'il puisse y avoir appel. » |
« Art. 483.Lorsqu'un juge de paix, un juge au tribunal de police, un |
« Art. 483.Lorsqu'un juge de paix, un juge au tribunal de police, un |
juge au tribunal de première instance, au tribunal du travail ou au | juge au tribunal de première instance, au tribunal du travail ou au |
tribunal de commerce, un conseiller à la cour d'appel ou à la cour du | tribunal de commerce, un conseiller à la cour d'appel ou à la cour du |
travail, un conseiller à la Cour de cassation, un magistrat du parquet | travail, un conseiller à la Cour de cassation, un magistrat du parquet |
près un tribunal ou une cour, un membre de la Cour des comptes, un | près un tribunal ou une cour, un membre de la Cour des comptes, un |
membre du Conseil d'Etat, de l'auditorat ou du bureau de coordination | membre du Conseil d'Etat, de l'auditorat ou du bureau de coordination |
près le Conseil d'Etat, un membre de la Cour d'arbitrage, un | près le Conseil d'Etat, un membre de la Cour d'arbitrage, un |
référendaire près cette Cour, un général commandant une division, un | référendaire près cette Cour, un général commandant une division, un |
gouverneur de province est prévenu d'avoir commis, dans l'exercice de | gouverneur de province est prévenu d'avoir commis, dans l'exercice de |
ses fonctions, un délit emportant une peine correctionnelle, ce délit | ses fonctions, un délit emportant une peine correctionnelle, ce délit |
est poursuivi et jugé comme il est dit à l'article 479. » | est poursuivi et jugé comme il est dit à l'article 479. » |
Les articles 479 jusqu'à 503 du Code d'instruction criminelle règlent | Les articles 479 jusqu'à 503 du Code d'instruction criminelle règlent |
la poursuite et le jugement de crimes ou délits commis notamment par | la poursuite et le jugement de crimes ou délits commis notamment par |
des magistrats du tribunal de première instance. | des magistrats du tribunal de première instance. |
V. En droit | V. En droit |
- A - | - A - |
Mémoire de B. de Bonvoisin | Mémoire de B. de Bonvoisin |
A.1. Les deux questions préjudicielles appellent une réponse | A.1. Les deux questions préjudicielles appellent une réponse |
affirmative. | affirmative. |
Les modalités particulières de mise en accusation des magistrats et de | Les modalités particulières de mise en accusation des magistrats et de |
certains fonctionnaires prévues par les articles 479 et suivants du | certains fonctionnaires prévues par les articles 479 et suivants du |
Code d'instruction criminelle établissent une discrimination, voire un | Code d'instruction criminelle établissent une discrimination, voire un |
traitement différent, de deux catégories de personnes lésées par des | traitement différent, de deux catégories de personnes lésées par des |
infractions pénales en ce que ces modalités ne permettent pas à la | infractions pénales en ce que ces modalités ne permettent pas à la |
partie lésée par une infraction commise par l'une des personnes visées | partie lésée par une infraction commise par l'une des personnes visées |
par ces dispositions de se constituer partie civile entre les mains | par ces dispositions de se constituer partie civile entre les mains |
d'un juge d'instruction ou de citer l'auteur des faits directement | d'un juge d'instruction ou de citer l'auteur des faits directement |
devant le tribunal compétent, alors que la partie lésée par le fait | devant le tribunal compétent, alors que la partie lésée par le fait |
d'une personne qui ne bénéficie pas de la protection de ces | d'une personne qui ne bénéficie pas de la protection de ces |
dispositions peut user de ces correctifs au pouvoir du ministère | dispositions peut user de ces correctifs au pouvoir du ministère |
public de classer la plainte sans suite. | public de classer la plainte sans suite. |
Cette différence de traitement n'est pas justifiée par rapport à | Cette différence de traitement n'est pas justifiée par rapport à |
l'objectif poursuivi par ces dispositions (notamment, prémunir le | l'objectif poursuivi par ces dispositions (notamment, prémunir le |
magistrat ou le fonctionnaire mis en cause des poursuites | magistrat ou le fonctionnaire mis en cause des poursuites |
intempestives initiées par une partie mue par l'esprit de vengeance) | intempestives initiées par une partie mue par l'esprit de vengeance) |
parce que le législateur aurait pu utiliser d'autres moyens, tels que | parce que le législateur aurait pu utiliser d'autres moyens, tels que |
la citation directe devant la cour d'appel, juridiction compétente en | la citation directe devant la cour d'appel, juridiction compétente en |
application des articles 479 et suivants du Code d'instruction | application des articles 479 et suivants du Code d'instruction |
criminelle, l'obligation de consignation en cas de citation directe | criminelle, l'obligation de consignation en cas de citation directe |
devant un tribunal ou, à tout le moins, aurait pu prévoir un droit de | devant un tribunal ou, à tout le moins, aurait pu prévoir un droit de |
recours contre la décision du procureur général près la cour d'appel | recours contre la décision du procureur général près la cour d'appel |
de classer la plainte sans suite. | de classer la plainte sans suite. |
Le critère de différence n'est ni un critère objectif ni un critère | Le critère de différence n'est ni un critère objectif ni un critère |
adéquat. Une personne lésée par une infraction pénale devrait disposer | adéquat. Une personne lésée par une infraction pénale devrait disposer |
d'un correctif au pouvoir du ministère public de classer une plainte | d'un correctif au pouvoir du ministère public de classer une plainte |
sans suite, c'est-à-dire du pouvoir de mettre en mouvement l'action | sans suite, c'est-à-dire du pouvoir de mettre en mouvement l'action |
publique afin d'assurer l'implication d'un juge dans l'affaire. | publique afin d'assurer l'implication d'un juge dans l'affaire. |
Mémoire de J.-F. Godbille | Mémoire de J.-F. Godbille |
A.2.1. La première question préjudicielle appelle une réponse | A.2.1. La première question préjudicielle appelle une réponse |
négative. En effet, la compétence exclusive du procureur général près | négative. En effet, la compétence exclusive du procureur général près |
la cour d'appel pour exercer les poursuites contre un magistrat, si | la cour d'appel pour exercer les poursuites contre un magistrat, si |
elle ôte à la partie civile l'influence qu'elle peut exercer | elle ôte à la partie civile l'influence qu'elle peut exercer |
d'ordinaire sur l'action publique en se constituant partie civile | d'ordinaire sur l'action publique en se constituant partie civile |
devant le juge d'instruction, ne viole pas les articles 10 et 11 de la | devant le juge d'instruction, ne viole pas les articles 10 et 11 de la |
Constitution. La différence de traitement est, en effet, proportionnée | Constitution. La différence de traitement est, en effet, proportionnée |
à l'objectif poursuivi reconnu comme légitime par la Cour d'arbitrage | à l'objectif poursuivi reconnu comme légitime par la Cour d'arbitrage |
dans l'arrêt n° 66/94. La partie civile n'est d'ailleurs pas privée du | dans l'arrêt n° 66/94. La partie civile n'est d'ailleurs pas privée du |
droit de demander la réparation de son dommage devant les juridictions | droit de demander la réparation de son dommage devant les juridictions |
répressives. D'une part, en effet, le procureur général près la cour | répressives. D'une part, en effet, le procureur général près la cour |
d'appel sera généralement saisi à la suite de la plainte de la | d'appel sera généralement saisi à la suite de la plainte de la |
personne lésée. La partie lésée, en règle générale, est donc à | personne lésée. La partie lésée, en règle générale, est donc à |
l'origine de l'action publique et, à cet égard, sa situation n'est | l'origine de l'action publique et, à cet égard, sa situation n'est |
guère différente de celle de la partie lésée dans la procédure de | guère différente de celle de la partie lésée dans la procédure de |
droit commun. | droit commun. |
Le procureur général près la cour d'appel instruit ensuite les faits | Le procureur général près la cour d'appel instruit ensuite les faits |
de la cause pour déterminer si les faits semblent établis, s'ils sont | de la cause pour déterminer si les faits semblent établis, s'ils sont |
imputables au magistrat mis en cause et justifient sa mise en | imputables au magistrat mis en cause et justifient sa mise en |
jugement. Dans l'affirmative, la partie lésée voit donc sa plainte | jugement. Dans l'affirmative, la partie lésée voit donc sa plainte |
aboutir devant une juridiction de jugement et elle peut se constituer | aboutir devant une juridiction de jugement et elle peut se constituer |
régulièrement partie civile contre l'auteur de l'infraction. | régulièrement partie civile contre l'auteur de l'infraction. |
Ce n'est seulement que si les faits ne sont pas établis ou qu'ils ne | Ce n'est seulement que si les faits ne sont pas établis ou qu'ils ne |
sont pas imputables au magistrat mis en cause que le procureur général | sont pas imputables au magistrat mis en cause que le procureur général |
peut décider de classer la plainte sans suite. | peut décider de classer la plainte sans suite. |
Sans doute la partie lésée ne dispose-t-elle pas du moyen d'éviter une | Sans doute la partie lésée ne dispose-t-elle pas du moyen d'éviter une |
telle décision, ni de la contester. Mais l'absence de poursuite, pour | telle décision, ni de la contester. Mais l'absence de poursuite, pour |
la partie lésée, à la suite d'une décision de classement sans suite | la partie lésée, à la suite d'une décision de classement sans suite |
par le procureur général, a la même incidence qu'une ordonnance de | par le procureur général, a la même incidence qu'une ordonnance de |
non-lieu prononcée par une juridiction d'instruction ou un jugement | non-lieu prononcée par une juridiction d'instruction ou un jugement |
d'acquittement prononcé par une juridiction de jugement. Dans l'un et | d'acquittement prononcé par une juridiction de jugement. Dans l'un et |
l'autre cas, l'auteur des faits dont elle se prétend victime ne sera | l'autre cas, l'auteur des faits dont elle se prétend victime ne sera |
pas condamné parce que les faits ou la culpabilité de l'auteur ne sont | pas condamné parce que les faits ou la culpabilité de l'auteur ne sont |
pas établis. | pas établis. |
Plus fondamentalement, le classement sans suite de la plainte par le | Plus fondamentalement, le classement sans suite de la plainte par le |
procureur général près la cour d'appel n'a pas pour conséquence de | procureur général près la cour d'appel n'a pas pour conséquence de |
priver définitivement la partie lésée de toute réparation. | priver définitivement la partie lésée de toute réparation. |
La partie lésée, en effet, dispose toujours du droit de demander la | La partie lésée, en effet, dispose toujours du droit de demander la |
réparation de son préjudice devant les juridictions civiles. Dès lors, | réparation de son préjudice devant les juridictions civiles. Dès lors, |
l'absence de maîtrise de la partie lésée sur la mise en oeuvre de | l'absence de maîtrise de la partie lésée sur la mise en oeuvre de |
l'action publique n'est pas une mesure excessive au regard des | l'action publique n'est pas une mesure excessive au regard des |
principes d'égalité et de non-discrimination. | principes d'égalité et de non-discrimination. |
A.2.2. La seconde question préjudicielle appelle, elle aussi, une | A.2.2. La seconde question préjudicielle appelle, elle aussi, une |
réponse négative. | réponse négative. |
Dans le mécanisme de mise en accusation des magistrats et de certains | Dans le mécanisme de mise en accusation des magistrats et de certains |
fonctionnaires prévu par les articles 479 et suivants du Code | fonctionnaires prévu par les articles 479 et suivants du Code |
d'instruction criminelle, la partie lésée ne dispose pas des moyens de | d'instruction criminelle, la partie lésée ne dispose pas des moyens de |
faire obstacle à la décision du procureur général de ne pas | faire obstacle à la décision du procureur général de ne pas |
poursuivre, en particulier en exerçant un recours contre cette | poursuivre, en particulier en exerçant un recours contre cette |
décision, alors que, dans la procédure de droit commun, la partie | décision, alors que, dans la procédure de droit commun, la partie |
lésée peut éviter cet obstacle en citant directement l'auteur de | lésée peut éviter cet obstacle en citant directement l'auteur de |
l'infraction devant le tribunal compétent. | l'infraction devant le tribunal compétent. |
Cependant, l'absence de recours contre la décision de classement sans | Cependant, l'absence de recours contre la décision de classement sans |
suite n'est pas la conséquence des dispositions visées dans les | suite n'est pas la conséquence des dispositions visées dans les |
questions préjudicielles mais de l'article 128 du Code d'instruction | questions préjudicielles mais de l'article 128 du Code d'instruction |
criminelle (aux termes duquel « si les juges sont d'avis que le fait | criminelle (aux termes duquel « si les juges sont d'avis que le fait |
ne présente ni crime, ni délit, ni contravention, ou qu'il n'existe | ne présente ni crime, ni délit, ni contravention, ou qu'il n'existe |
aucune charge contre l'inculpé, il sera déclaré qu'il n'y a pas lieu à | aucune charge contre l'inculpé, il sera déclaré qu'il n'y a pas lieu à |
poursuivre ») et de l'article 135 du même Code (relatif aux voies de | poursuivre ») et de l'article 135 du même Code (relatif aux voies de |
recours à l'encontre d'une ordonnance de non-lieu). | recours à l'encontre d'une ordonnance de non-lieu). |
A titre subsidiaire, il faut considérer que cette absence de recours | A titre subsidiaire, il faut considérer que cette absence de recours |
est justifiée par un objectif légitime - celui d'éviter des mises en | est justifiée par un objectif légitime - celui d'éviter des mises en |
cause inopportunes de magistrats et de certains fonctionnaires devant | cause inopportunes de magistrats et de certains fonctionnaires devant |
les juridictions répressives - et cette absence de recours est | les juridictions répressives - et cette absence de recours est |
proportionnée aux motifs qui la fondent, ce que la Cour a rappelé dans | proportionnée aux motifs qui la fondent, ce que la Cour a rappelé dans |
son arrêt n° 43/95 du 6 juin 1995 en considérant que « la voie de | son arrêt n° 43/95 du 6 juin 1995 en considérant que « la voie de |
recours offerte [...] par l'article 135 du Code d'instruction | recours offerte [...] par l'article 135 du Code d'instruction |
criminelle est une exception à la règle selon laquelle l'action | criminelle est une exception à la règle selon laquelle l'action |
publique est exercée par le ministère public. Le législateur a pu | publique est exercée par le ministère public. Le législateur a pu |
redouter que la partie civile n'abuse de son droit d'appel et ne nuise | redouter que la partie civile n'abuse de son droit d'appel et ne nuise |
à l'inculpé en prolongeant l'instruction, pour des motifs étrangers à | à l'inculpé en prolongeant l'instruction, pour des motifs étrangers à |
l'intérêt général, par une opposition intempestive. La mesure | l'intérêt général, par une opposition intempestive. La mesure |
critiquée est la contrepartie du droit exceptionnel donné à la partie | critiquée est la contrepartie du droit exceptionnel donné à la partie |
civile de prolonger l'action publique » (point B.3 de l'arrêt) et en | civile de prolonger l'action publique » (point B.3 de l'arrêt) et en |
jugeant que la mesure critiquée « ne limite pas de manière excessive | jugeant que la mesure critiquée « ne limite pas de manière excessive |
les droits de la personne [...] lésée : celle-ci a la faculté de | les droits de la personne [...] lésée : celle-ci a la faculté de |
porter sa demande devant le juge civil » (point B.4 de l'arrêt). | porter sa demande devant le juge civil » (point B.4 de l'arrêt). |
Mémoire du Conseil des ministres | Mémoire du Conseil des ministres |
A.3. Les deux questions préjudicielles appellent une réponse négative. | A.3. Les deux questions préjudicielles appellent une réponse négative. |
Celles-ci ne concernent pas le privilège de juridiction en soi, mais | Celles-ci ne concernent pas le privilège de juridiction en soi, mais |
portent sur la privation, dans le chef des victimes d'un crime ou d'un | portent sur la privation, dans le chef des victimes d'un crime ou d'un |
délit commis par une personne bénéficiant de ce privilège de | délit commis par une personne bénéficiant de ce privilège de |
juridiction, de la possibilité de se constituer partie civile entre | juridiction, de la possibilité de se constituer partie civile entre |
les mains du juge d'instruction ou de citer un prévenu devant le | les mains du juge d'instruction ou de citer un prévenu devant le |
tribunal correctionnel. | tribunal correctionnel. |
Les articles 10 et 11 de la Constitution interdisent seulement | Les articles 10 et 11 de la Constitution interdisent seulement |
d'instaurer une différence de traitement lorsque celle-ci est | d'instaurer une différence de traitement lorsque celle-ci est |
dépourvue de justification, devenant ainsi discriminatoire. | dépourvue de justification, devenant ainsi discriminatoire. |
Tel n'est pas le cas pour la différence soulevée par les questions | Tel n'est pas le cas pour la différence soulevée par les questions |
préjudicielles. | préjudicielles. |
Il a été constamment souligné, tant par le législateur que par la | Il a été constamment souligné, tant par le législateur que par la |
doctrine et la jurisprudence, que les articles 479 et suivants du Code | doctrine et la jurisprudence, que les articles 479 et suivants du Code |
d'instruction criminelle ont été instaurés dans un but d'intérêt | d'instruction criminelle ont été instaurés dans un but d'intérêt |
général, et que la raison d'être de ces dispositions légales est | général, et que la raison d'être de ces dispositions légales est |
étrangère à tout intérêt ou avantage personnel. | étrangère à tout intérêt ou avantage personnel. |
Le régime du privilège de juridiction poursuit un double but : d'une | Le régime du privilège de juridiction poursuit un double but : d'une |
part, il faut éviter que les magistrats puissent être jugés par des | part, il faut éviter que les magistrats puissent être jugés par des |
collègues se trouvant dans une position telle qu'elle pourrait prêter | collègues se trouvant dans une position telle qu'elle pourrait prêter |
à une indulgence excessive ou à une sévérité extrême; d'autre part, il | à une indulgence excessive ou à une sévérité extrême; d'autre part, il |
faut empêcher que les magistrats puissent devenir l'objet | faut empêcher que les magistrats puissent devenir l'objet |
d'accusations téméraires ou malveillantes à cause des fonctions | d'accusations téméraires ou malveillantes à cause des fonctions |
publiques qu'ils occupent. | publiques qu'ils occupent. |
Il échet de souligner que les motifs qui sont à la base des articles | Il échet de souligner que les motifs qui sont à la base des articles |
479 et suivants du Code d'instruction criminelle n'ont nullement | 479 et suivants du Code d'instruction criminelle n'ont nullement |
conduit le législateur à créer un régime de faveur pour les personnes | conduit le législateur à créer un régime de faveur pour les personnes |
qui y sont soumises : le « privilège de juridiction » prive cette | qui y sont soumises : le « privilège de juridiction » prive cette |
catégorie de personnes d'un degré de juridiction dans l'appréciation | catégorie de personnes d'un degré de juridiction dans l'appréciation |
du bien-fondé d'une inculpation portée contre elles. | du bien-fondé d'une inculpation portée contre elles. |
La Cour d'arbitrage a déjà explicitement rappelé ces principes dans | La Cour d'arbitrage a déjà explicitement rappelé ces principes dans |
ses arrêts du 14 juillet 1994 et du 7 novembre 1996. | ses arrêts du 14 juillet 1994 et du 7 novembre 1996. |
S'il n'existe pas de recours qui puisse être exercé directement par la | S'il n'existe pas de recours qui puisse être exercé directement par la |
personne qui se prétend lésée, celle-ci pourra dénoncer l'infraction, | personne qui se prétend lésée, celle-ci pourra dénoncer l'infraction, |
afin qu'une initiative puisse être prise par le ministre de la Justice | afin qu'une initiative puisse être prise par le ministre de la Justice |
ou par la cour d'appel. | ou par la cour d'appel. |
Il faut souligner que la partie préjudiciée pourra toujours introduire | Il faut souligner que la partie préjudiciée pourra toujours introduire |
une action civile devant les juridictions civiles pour réclamer des | une action civile devant les juridictions civiles pour réclamer des |
dommages et intérêts résultant de l'infraction dont elle estime être | dommages et intérêts résultant de l'infraction dont elle estime être |
la victime. | la victime. |
Mémoire en réponse de B. de Bonvoisin | Mémoire en réponse de B. de Bonvoisin |
A.4.1. La portée des arrêts de la Cour d'arbitrage des 14 juillet 1994 | A.4.1. La portée des arrêts de la Cour d'arbitrage des 14 juillet 1994 |
et 7 novembre 1996 ne peut être contestée; elle ne doit pas cependant, | et 7 novembre 1996 ne peut être contestée; elle ne doit pas cependant, |
même pas implicitement, comme tendent à le présenter les parties | même pas implicitement, comme tendent à le présenter les parties |
adverses, être élargie de façon incorrecte. | adverses, être élargie de façon incorrecte. |
Ces deux arrêts ne se sont pas prononcés sur les questions | Ces deux arrêts ne se sont pas prononcés sur les questions |
préjudicielles qui font l'objet de la présente cause. | préjudicielles qui font l'objet de la présente cause. |
La Cour ne s'est prononcée que sur la question d'une éventuelle | La Cour ne s'est prononcée que sur la question d'une éventuelle |
discrimination des personnes bénéficiant du privilège de juridiction. | discrimination des personnes bénéficiant du privilège de juridiction. |
Il ne peut donc être prétendu, même implicitement, que les réponses | Il ne peut donc être prétendu, même implicitement, que les réponses |
que donnera la Cour aux présentes questions préjudicielles seraient | que donnera la Cour aux présentes questions préjudicielles seraient |
les mêmes que celles des deux arrêts précités. | les mêmes que celles des deux arrêts précités. |
A.4.2. La question ne concerne pas le contenu du droit dont est | A.4.2. La question ne concerne pas le contenu du droit dont est |
dépourvue la victime d'un délit commis par une personne bénéficiant du | dépourvue la victime d'un délit commis par une personne bénéficiant du |
privilège de juridiction, mais a pour objet de savoir si le critère | privilège de juridiction, mais a pour objet de savoir si le critère |
employé peut justifier la différence de traitement, et donc la | employé peut justifier la différence de traitement, et donc la |
privation dans le chef d'une catégorie de personnes lésées, du | privation dans le chef d'une catégorie de personnes lésées, du |
correctif au pouvoir du ministère public. | correctif au pouvoir du ministère public. |
Il y a bien une différence entre, d'une part, les moyens d'obtenir | Il y a bien une différence entre, d'une part, les moyens d'obtenir |
réparation du dommage et, d'autre part, la possibilité de faire | réparation du dommage et, d'autre part, la possibilité de faire |
entamer l'action publique. Cette dernière possibilité est une | entamer l'action publique. Cette dernière possibilité est une |
protection supplémentaire des victimes qui subissent un dommage, causé | protection supplémentaire des victimes qui subissent un dommage, causé |
par une faute civile (article 1382 du Code civil) qui est également, | par une faute civile (article 1382 du Code civil) qui est également, |
et en même temps, une infraction punissable. C'est de cette dernière | et en même temps, une infraction punissable. C'est de cette dernière |
protection supplémentaire que sont dépourvues les victimes d'un délit | protection supplémentaire que sont dépourvues les victimes d'un délit |
commis par une personne bénéficiant du privilège de juridiction, et | commis par une personne bénéficiant du privilège de juridiction, et |
ceci de façon injustifiable. | ceci de façon injustifiable. |
La constatation que les personnes lésées par un délit commis par une | La constatation que les personnes lésées par un délit commis par une |
personne bénéficiant du privilège de juridiction disposent toujours de | personne bénéficiant du privilège de juridiction disposent toujours de |
leur droit d'action devant les tribunaux civils et ne sont pas privées | leur droit d'action devant les tribunaux civils et ne sont pas privées |
de la possibilité d'obtenir la réparation de leur dommage, n'est point | de la possibilité d'obtenir la réparation de leur dommage, n'est point |
relevante. | relevante. |
Mémoire en réponse de J.-F. Godbille | Mémoire en réponse de J.-F. Godbille |
A.5. La partie prétendument lésée - qui ne conteste pas que la | A.5. La partie prétendument lésée - qui ne conteste pas que la |
distinction entre les parties lésées selon qu'elles ont été victimes | distinction entre les parties lésées selon qu'elles ont été victimes |
d'une infraction commise par un magistrat ou un fonctionnaire ou ont | d'une infraction commise par un magistrat ou un fonctionnaire ou ont |
été victimes d'une infraction commise par une personne ne bénéficiant | été victimes d'une infraction commise par une personne ne bénéficiant |
pas de la protection des articles 479 et suivants du Code | pas de la protection des articles 479 et suivants du Code |
d'instruction criminelle repose sur un critère objectif - n'établit | d'instruction criminelle repose sur un critère objectif - n'établit |
pas que la différence de traitement dénoncée serait excessive par | pas que la différence de traitement dénoncée serait excessive par |
rapport au but visé par ces dispositions. Au contraire, dans la | rapport au but visé par ces dispositions. Au contraire, dans la |
critique du mécanisme mis en place par les articles 479 et suivants du | critique du mécanisme mis en place par les articles 479 et suivants du |
Code d'instruction criminelle, elle évite la discussion du caractère | Code d'instruction criminelle, elle évite la discussion du caractère |
proportionné de cette différence de traitement, alors que cet examen | proportionné de cette différence de traitement, alors que cet examen |
permet précisément de conclure à l'absence de violation des principes | permet précisément de conclure à l'absence de violation des principes |
d'égalité et de non-discrimination. | d'égalité et de non-discrimination. |
D'autre part, les mesures évoquées comme « correctifs » au pouvoir du | D'autre part, les mesures évoquées comme « correctifs » au pouvoir du |
procureur général près la cour d'appel de décider de ne pas poursuivre | procureur général près la cour d'appel de décider de ne pas poursuivre |
le magistrat ou le fonctionnaire mis en cause contredisent l'objectif | le magistrat ou le fonctionnaire mis en cause contredisent l'objectif |
poursuivi par le législateur, soit parce qu'elles ne sont pas de | poursuivi par le législateur, soit parce qu'elles ne sont pas de |
nature à empêcher l'action intempestive de la partie civile (la | nature à empêcher l'action intempestive de la partie civile (la |
citation directe devant la cour d'appel et le droit de recours contre | citation directe devant la cour d'appel et le droit de recours contre |
la décision du procureur général de ne pas poursuivre) soit parce | la décision du procureur général de ne pas poursuivre) soit parce |
qu'elles remettent en cause le principe du privilège de juridiction et | qu'elles remettent en cause le principe du privilège de juridiction et |
la compétence exclusive de la cour d'appel (l'obligation de | la compétence exclusive de la cour d'appel (l'obligation de |
consignation en cas de citation directe devant le tribunal | consignation en cas de citation directe devant le tribunal |
correctionnel). En raison de leurs effets et de la contradiction | correctionnel). En raison de leurs effets et de la contradiction |
fondamentale qu'elles apportent aux principes à la base du mécanisme | fondamentale qu'elles apportent aux principes à la base du mécanisme |
mis en place par les articles 479 et suivants du Code d'instruction | mis en place par les articles 479 et suivants du Code d'instruction |
criminelle, ces mesures sont insuffisantes à établir que, en ne les | criminelle, ces mesures sont insuffisantes à établir que, en ne les |
adoptant pas, le législateur aurait violé les articles 10 et 11 de la | adoptant pas, le législateur aurait violé les articles 10 et 11 de la |
Constitution. | Constitution. |
Le fait que le procureur général près la cour d'appel ait seul le | Le fait que le procureur général près la cour d'appel ait seul le |
pouvoir de mettre en oeuvre l'action publique à l'encontre des | pouvoir de mettre en oeuvre l'action publique à l'encontre des |
magistrats et de certains fonctionnaires pour les infractions qu'ils | magistrats et de certains fonctionnaires pour les infractions qu'ils |
commettent dans ou en dehors de l'exercice de leur fonction, sans que | commettent dans ou en dehors de l'exercice de leur fonction, sans que |
la partie préjudiciée puisse elle-même mettre en mouvement l'action | la partie préjudiciée puisse elle-même mettre en mouvement l'action |
publique en se constituant partie civile ou en citant l'auteur du | publique en se constituant partie civile ou en citant l'auteur du |
délit directement devant le tribunal compétent ou puisse contester la | délit directement devant le tribunal compétent ou puisse contester la |
décision de ne pas poursuivre, ne méconnaît pas les principes | décision de ne pas poursuivre, ne méconnaît pas les principes |
d'égalité et de non-discrimination. | d'égalité et de non-discrimination. |
La différence de traitement qui est ainsi établie entre les parties | La différence de traitement qui est ainsi établie entre les parties |
lésées, selon que l'auteur du délit bénéficie ou non des modalités de | lésées, selon que l'auteur du délit bénéficie ou non des modalités de |
mise en accusation établies par les articles 479 et suivants du Code | mise en accusation établies par les articles 479 et suivants du Code |
d'instruction criminelle, repose sur un critère objectif et poursuit | d'instruction criminelle, repose sur un critère objectif et poursuit |
un but légitime. | un but légitime. |
Dans son arrêt n° 66/94 du 14 juillet 1994, la Cour d'arbitrage a | Dans son arrêt n° 66/94 du 14 juillet 1994, la Cour d'arbitrage a |
ainsi rappelé, à la manière d'un obiter dictum, que « le privilège de | ainsi rappelé, à la manière d'un obiter dictum, que « le privilège de |
juridiction, applicable aux magistrats, y compris les magistrats | juridiction, applicable aux magistrats, y compris les magistrats |
suppléants, et à certains autres titulaires de fonctions publiques, a | suppléants, et à certains autres titulaires de fonctions publiques, a |
été instauré en vue de garantir à l'égard de ces personnes une | été instauré en vue de garantir à l'égard de ces personnes une |
administration de la justice impartiale et sereine. Les règles | administration de la justice impartiale et sereine. Les règles |
spécifiques en matière d'instruction, de poursuite et de jugement | spécifiques en matière d'instruction, de poursuite et de jugement |
qu'implique le privilège de juridiction entendent éviter, d'une part, | qu'implique le privilège de juridiction entendent éviter, d'une part, |
que des poursuites téméraires, injustifiées ou vexatoires soient | que des poursuites téméraires, injustifiées ou vexatoires soient |
intentées contre les personnes auxquelles ce régime est applicable et, | intentées contre les personnes auxquelles ce régime est applicable et, |
d'autre part, que ces mêmes personnes soient traitées avec trop de | d'autre part, que ces mêmes personnes soient traitées avec trop de |
sévérité ou trop de clémence » (point B.2 de l'arrêt; en ce sens, voy. | sévérité ou trop de clémence » (point B.2 de l'arrêt; en ce sens, voy. |
également l'arrêt n° 60/96 du 7 novembre 1996, point B.3). | également l'arrêt n° 60/96 du 7 novembre 1996, point B.3). |
Mémoire en réponse du Conseil des ministres | Mémoire en réponse du Conseil des ministres |
A.6. Contrairement à ce que fait valoir la partie prétendument visée, | A.6. Contrairement à ce que fait valoir la partie prétendument visée, |
le législateur, en instaurant le régime des articles 479 et suivants | le législateur, en instaurant le régime des articles 479 et suivants |
du Code d'instruction criminelle, n'a pas seulement eu égard au point | du Code d'instruction criminelle, n'a pas seulement eu égard au point |
de vue des magistrats. Le fait qu'une personne qui s'estime lésée par | de vue des magistrats. Le fait qu'une personne qui s'estime lésée par |
une infraction commise par un magistrat n'a pas la faculté de mettre | une infraction commise par un magistrat n'a pas la faculté de mettre |
en mouvement l'action publique résulte de la raison d'être même du | en mouvement l'action publique résulte de la raison d'être même du |
régime de privilège de juridiction. | régime de privilège de juridiction. |
En évitant l'exercice direct de poursuites, qui peuvent revêtir un | En évitant l'exercice direct de poursuites, qui peuvent revêtir un |
caractère téméraire ou malveillant, par la prétendue victime de | caractère téméraire ou malveillant, par la prétendue victime de |
l'infraction et en soumettant la mise en mouvement de l'action | l'infraction et en soumettant la mise en mouvement de l'action |
publique à une initiative du procureur général, le législateur a | publique à une initiative du procureur général, le législateur a |
garanti l'indépendance et l'impartialité des magistrats. | garanti l'indépendance et l'impartialité des magistrats. |
Il n'est pas exact que, pour obtenir le même résultat que celui assuré | Il n'est pas exact que, pour obtenir le même résultat que celui assuré |
par le système actuel, le législateur aurait pu utiliser d'autres | par le système actuel, le législateur aurait pu utiliser d'autres |
moyens. | moyens. |
En effet, le législateur a précisément voulu éviter que la personne | En effet, le législateur a précisément voulu éviter que la personne |
s'estimant lésée par une infraction commise par un magistrat puisse | s'estimant lésée par une infraction commise par un magistrat puisse |
saisir directement une autorité juridictionnelle, qui devrait alors | saisir directement une autorité juridictionnelle, qui devrait alors |
statuer sur les poursuites à l'égard de la personne bénéficiant du | statuer sur les poursuites à l'égard de la personne bénéficiant du |
privilège de juridiction. Sur ce point, il convient de souligner | privilège de juridiction. Sur ce point, il convient de souligner |
qu'une jurisprudence constante de la Commission européenne des droits | qu'une jurisprudence constante de la Commission européenne des droits |
de l'homme à Strasbourg décide que le droit pour une partie | de l'homme à Strasbourg décide que le droit pour une partie |
préjudiciée de mettre en mouvement une action publique, soit par une | préjudiciée de mettre en mouvement une action publique, soit par une |
citation directe, soit en forçant le ministère public à introduire une | citation directe, soit en forçant le ministère public à introduire une |
procédure pénale, n'est pas compris dans les droits garantis par la | procédure pénale, n'est pas compris dans les droits garantis par la |
Convention européenne des droits de l'homme. | Convention européenne des droits de l'homme. |
Finalement, pour autant que de besoin, c'est à tort qu'il est soutenu | Finalement, pour autant que de besoin, c'est à tort qu'il est soutenu |
que l'impossibilité de mettre en mouvement une action publique par une | que l'impossibilité de mettre en mouvement une action publique par une |
constitution de partie civile ou une citation directe pour les | constitution de partie civile ou une citation directe pour les |
infractions relevant de la compétence du tribunal de la jeunesse ou | infractions relevant de la compétence du tribunal de la jeunesse ou |
des juridictions militaires n'a trait qu'aux compétences de ces | des juridictions militaires n'a trait qu'aux compétences de ces |
juridictions spécifiques. | juridictions spécifiques. |
Comme c'est le cas pour le régime de privilège de juridiction, c'est | Comme c'est le cas pour le régime de privilège de juridiction, c'est |
pour des raisons objectives et d'une manière raisonnablement justifiée | pour des raisons objectives et d'une manière raisonnablement justifiée |
que le législateur a limité les possibilités de mettre en mouvement | que le législateur a limité les possibilités de mettre en mouvement |
l'action publique. | l'action publique. |
Quant aux délinquants mineurs, le législateur, en réservant au | Quant aux délinquants mineurs, le législateur, en réservant au |
ministère public le droit d'intenter une action pénale, a voulu | ministère public le droit d'intenter une action pénale, a voulu |
veiller à ce que seules des considérations de nature pédagogique et | veiller à ce que seules des considérations de nature pédagogique et |
relatives à l'intérêt du mineur soient déterminantes. | relatives à l'intérêt du mineur soient déterminantes. |
Quant aux personnes relevant de la juridiction militaire, le | Quant aux personnes relevant de la juridiction militaire, le |
législateur a également estimé que des raisons de discipline et | législateur a également estimé que des raisons de discipline et |
d'organisation militaire nécessitent que soit exclue la possibilité | d'organisation militaire nécessitent que soit exclue la possibilité |
pour toute personne se prétendant lésée par une infraction de mettre | pour toute personne se prétendant lésée par une infraction de mettre |
en mouvement une action publique. | en mouvement une action publique. |
- B - | - B - |
B.1. Les deux questions préjudicielles portent sur le point de savoir | B.1. Les deux questions préjudicielles portent sur le point de savoir |
si la compétence exclusive et sans appel que détient le procureur | si la compétence exclusive et sans appel que détient le procureur |
général près la cour d'appel d'exercer les poursuites contre un | général près la cour d'appel d'exercer les poursuites contre un |
magistrat ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en ce | magistrat ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en ce |
qu'elle ne permet pas à une partie qui se prétend lésée par une | qu'elle ne permet pas à une partie qui se prétend lésée par une |
infraction de mettre l'action publique en mouvement en se constituant | infraction de mettre l'action publique en mouvement en se constituant |
partie civile dans les mains d'un juge d'instruction ou en citant | partie civile dans les mains d'un juge d'instruction ou en citant |
directement devant le juge pénal, contrairement aux autres personnes | directement devant le juge pénal, contrairement aux autres personnes |
qui se prétendent lésées par une infraction commise par une personne | qui se prétendent lésées par une infraction commise par une personne |
non visée à l'article 479 du Code d'instruction criminelle. | non visée à l'article 479 du Code d'instruction criminelle. |
B.2. Il résulte des termes des questions que le problème posé réside | B.2. Il résulte des termes des questions que le problème posé réside |
essentiellement dans l'article 479 du Code d'instruction criminelle, | essentiellement dans l'article 479 du Code d'instruction criminelle, |
qui dispose : | qui dispose : |
« Lorsqu'un juge de paix, un juge au tribunal de police, un juge au | « Lorsqu'un juge de paix, un juge au tribunal de police, un juge au |
tribunal de première instance, au tribunal du travail ou au tribunal | tribunal de première instance, au tribunal du travail ou au tribunal |
de commerce, un conseiller à la cour d'appel ou à la cour du travail, | de commerce, un conseiller à la cour d'appel ou à la cour du travail, |
un conseiller à la Cour de cassation, un magistrat du parquet près un | un conseiller à la Cour de cassation, un magistrat du parquet près un |
tribunal ou une cour, un membre de la Cour des comptes, un membre du | tribunal ou une cour, un membre de la Cour des comptes, un membre du |
Conseil d'Etat, de l'auditorat ou du bureau de coordination près le | Conseil d'Etat, de l'auditorat ou du bureau de coordination près le |
Conseil d'Etat, un membre de la Cour d'arbitrage, un référendaire près | Conseil d'Etat, un membre de la Cour d'arbitrage, un référendaire près |
cette Cour, un général commandant une division, un gouverneur de | cette Cour, un général commandant une division, un gouverneur de |
province est prévenu d'avoir commis, hors de ses fonctions, un délit | province est prévenu d'avoir commis, hors de ses fonctions, un délit |
emportant une peine correctionnelle, le procureur général près la cour | emportant une peine correctionnelle, le procureur général près la cour |
d'appel le fait citer devant cette cour, qui prononce sans qu'il | d'appel le fait citer devant cette cour, qui prononce sans qu'il |
puisse y avoir appel. » | puisse y avoir appel. » |
B.3. Le système dit du privilège de juridiction, applicable aux | B.3. Le système dit du privilège de juridiction, applicable aux |
magistrats, y compris aux magistrats suppléants, et à certains autres | magistrats, y compris aux magistrats suppléants, et à certains autres |
titulaires de fonctions publiques, a été instauré en vue de garantir à | titulaires de fonctions publiques, a été instauré en vue de garantir à |
l'égard de ces personnes une administration de la justice impartiale | l'égard de ces personnes une administration de la justice impartiale |
et sereine. Les règles spécifiques qu'il comporte en matière | et sereine. Les règles spécifiques qu'il comporte en matière |
d'instruction, de poursuite et de jugement entendent éviter, d'une | d'instruction, de poursuite et de jugement entendent éviter, d'une |
part, que des poursuites téméraires, injustifiées ou vexatoires soient | part, que des poursuites téméraires, injustifiées ou vexatoires soient |
intentées contre les personnes auxquelles ce régime est applicable et, | intentées contre les personnes auxquelles ce régime est applicable et, |
d'autre part, que ces mêmes personnes soient traitées avec trop de | d'autre part, que ces mêmes personnes soient traitées avec trop de |
sévérité ou trop de clémence. | sévérité ou trop de clémence. |
L'ensemble de ces motifs peut raisonnablement justifier que les | L'ensemble de ces motifs peut raisonnablement justifier que les |
personnes auxquelles s'applique le privilège de juridiction soient, en | personnes auxquelles s'applique le privilège de juridiction soient, en |
matière d'instruction, de poursuite et de jugement, traitées | matière d'instruction, de poursuite et de jugement, traitées |
différemment des justiciables auxquels s'appliquent les règles | différemment des justiciables auxquels s'appliquent les règles |
ordinaires de l'instruction criminelle. | ordinaires de l'instruction criminelle. |
B.4. Les questions préjudicielles ne concernent pas le privilège de | B.4. Les questions préjudicielles ne concernent pas le privilège de |
juridiction en soi, mais portent sur la privation, dans le chef des | juridiction en soi, mais portent sur la privation, dans le chef des |
victimes d'un crime ou d'un délit commis par une personne bénéficiant | victimes d'un crime ou d'un délit commis par une personne bénéficiant |
de ce privilège de juridiction, de la possibilité de se constituer | de ce privilège de juridiction, de la possibilité de se constituer |
partie civile entre les mains du juge d'instruction ou de citer un | partie civile entre les mains du juge d'instruction ou de citer un |
prévenu devant le tribunal correctionnel, d'une part, et sur la | prévenu devant le tribunal correctionnel, d'une part, et sur la |
privation de la possibilité d'introduire un recours contre la décision | privation de la possibilité d'introduire un recours contre la décision |
du procureur général, d'autre part. Au sein de la catégorie des | du procureur général, d'autre part. Au sein de la catégorie des |
personnes susceptibles d'être lésées par une infraction, une | personnes susceptibles d'être lésées par une infraction, une |
différence de traitement est ainsi instaurée entre celles qui | différence de traitement est ainsi instaurée entre celles qui |
subissent les effets de l'article 479 et la généralité des citoyens. | subissent les effets de l'article 479 et la généralité des citoyens. |
B.5.1. Dès lors que les objectifs légitimes poursuivis par le | B.5.1. Dès lors que les objectifs légitimes poursuivis par le |
législateur justifient qu'il ait confié aux cours d'appel la | législateur justifient qu'il ait confié aux cours d'appel la |
compétence de connaître des délits à charge des personnes auxquelles | compétence de connaître des délits à charge des personnes auxquelles |
s'applique le privilège de juridiction, il n'est pas manifestement | s'applique le privilège de juridiction, il n'est pas manifestement |
déraisonnable d'avoir réservé l'exclusivité de la compétence | déraisonnable d'avoir réservé l'exclusivité de la compétence |
d'introduire les poursuites contre ces personnes au procureur général | d'introduire les poursuites contre ces personnes au procureur général |
près la cour d'appel, sans permettre l'exercice direct de poursuites, | près la cour d'appel, sans permettre l'exercice direct de poursuites, |
qui peuvent revêtir un caractère téméraire ou malveillant, par la | qui peuvent revêtir un caractère téméraire ou malveillant, par la |
personne s'estimant lésée par l'infraction. | personne s'estimant lésée par l'infraction. |
Le législateur pouvait, dans la logique du système établi, ne pas | Le législateur pouvait, dans la logique du système établi, ne pas |
prévoir, à l'instar de la décision rendue par la Cour d'appel qui, | prévoir, à l'instar de la décision rendue par la Cour d'appel qui, |
elle non plus, n'est pas susceptible d'appel, de recours dans le chef | elle non plus, n'est pas susceptible d'appel, de recours dans le chef |
de la partie prétendument lésée à l'encontre de la décision du | de la partie prétendument lésée à l'encontre de la décision du |
procureur général de ne pas poursuivre l'auteur présumé de | procureur général de ne pas poursuivre l'auteur présumé de |
l'infraction. | l'infraction. |
B.5.2. Ces mesures ne limitent pas de manière excessive les droits de | B.5.2. Ces mesures ne limitent pas de manière excessive les droits de |
la personne qui se prétend lésée : celle-ci, qui ne peut poursuivre | la personne qui se prétend lésée : celle-ci, qui ne peut poursuivre |
qu'un intérêt privé même lorsqu'elle met l'action publique en | qu'un intérêt privé même lorsqu'elle met l'action publique en |
mouvement, a la faculté de porter une demande en réparation devant le | mouvement, a la faculté de porter une demande en réparation devant le |
juge civil, sans compter qu'elle peut dénoncer l'infraction, afin | juge civil, sans compter qu'elle peut dénoncer l'infraction, afin |
qu'une initiative puisse être prise par le ministre de la Justice | qu'une initiative puisse être prise par le ministre de la Justice |
(articles 482 et 486 du Code d'instruction criminelle) ou par la cour | (articles 482 et 486 du Code d'instruction criminelle) ou par la cour |
d'appel (article 443 du Code judiciaire). | d'appel (article 443 du Code judiciaire). |
B.6. Les deux questions préjudicielles appellent une réponse négative. | B.6. Les deux questions préjudicielles appellent une réponse négative. |
Par ces motifs, | Par ces motifs, |
la Cour | la Cour |
dit pour droit : | dit pour droit : |
L'article 479 du Code d'instruction criminelle ne viole pas les | L'article 479 du Code d'instruction criminelle ne viole pas les |
articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'il réserve au | articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'il réserve au |
procureur général près la cour d'appel la décision de poursuivre ou | procureur général près la cour d'appel la décision de poursuivre ou |
non les magistrats pour les infractions qu'ils sont susceptibles | non les magistrats pour les infractions qu'ils sont susceptibles |
d'avoir commises et en tant qu'il a pour conséquence de ne pas | d'avoir commises et en tant qu'il a pour conséquence de ne pas |
permettre à la partie qui se prétend lésée de mettre en mouvement | permettre à la partie qui se prétend lésée de mettre en mouvement |
l'action publique en se constituant partie civile ou par citation | l'action publique en se constituant partie civile ou par citation |
directe, ni d'introduire un recours contre la décision de ne pas | directe, ni d'introduire un recours contre la décision de ne pas |
poursuivre. | poursuivre. |
Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, | Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, |
conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur | conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur |
la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 4 novembre 1998. | la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 4 novembre 1998. |
Le greffier, | Le greffier, |
L. Potoms. | L. Potoms. |
Le président, | Le président, |
M. Melchior. | M. Melchior. |