Etaamb.openjustice.be
Vue multilingue de Arrêt De La Cour Constitutionelle du --
← Retour vers "Arrêt n° 61/98 du 4 juin 1998 Numéro du rôle : 1019 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 34 de la loi du 1 er août 1985 portant des mesures fiscales et autres, posée par la Commission pour l'aide aux victimes d' La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges P. Martens(...)"
Arrêt n° 61/98 du 4 juin 1998 Numéro du rôle : 1019 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 34 de la loi du 1 er août 1985 portant des mesures fiscales et autres, posée par la Commission pour l'aide aux victimes d' La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges P. Martens(...) Arrêt n° 61/98 du 4 juin 1998 Numéro du rôle : 1019 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 34 de la loi du 1 er août 1985 portant des mesures fiscales et autres, posée par la Commission pour l'aide aux victimes d' La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges P. Martens(...)
COUR D'ARBITRAGE COUR D'ARBITRAGE
Arrêt n° 61/98 du 4 juin 1998 Arrêt n° 61/98 du 4 juin 1998
Numéro du rôle : 1019 Numéro du rôle : 1019
En cause : la question préjudicielle concernant l'article 34 de la loi En cause : la question préjudicielle concernant l'article 34 de la loi
du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres, posée par la du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres, posée par la
Commission pour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence. Commission pour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence.
La Cour d'arbitrage, La Cour d'arbitrage,
composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges P. composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges P.
Martens, J. Delruelle, H. Coremans, A. Arts et M. Bossuyt, assistée du Martens, J. Delruelle, H. Coremans, A. Arts et M. Bossuyt, assistée du
référendaire faisant fonction de greffier R. Moerenhout, présidée par référendaire faisant fonction de greffier R. Moerenhout, présidée par
le président M. Melchior, le président M. Melchior,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet de la question préjudicielle I. Objet de la question préjudicielle
Par décision du 27 novembre 1996 en cause de S.L. contre l'Etat belge, Par décision du 27 novembre 1996 en cause de S.L. contre l'Etat belge,
dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 5 décembre dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 5 décembre
1996, la Commission pour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de 1996, la Commission pour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de
violence a posé la question préjudicielle de savoir si l'article 34 de violence a posé la question préjudicielle de savoir si l'article 34 de
la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres viole la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres viole
ou non le principe d'égalité inscrit dans la Constitution. ou non le principe d'égalité inscrit dans la Constitution.
II. Les faits et la procédure antérieure II. Les faits et la procédure antérieure
Par jugement du 4 février 1993, le Tribunal correctionnel de Charleroi Par jugement du 4 février 1993, le Tribunal correctionnel de Charleroi
a condamné trois prévenus à des peines d'emprisonnement et à payer a condamné trois prévenus à des peines d'emprisonnement et à payer
solidairement à S.L., qui s'était constituée partie civile, la somme solidairement à S.L., qui s'était constituée partie civile, la somme
de 500.000 francs. de 500.000 francs.
Le jugement ne fit pas l'objet d'appel et est donc coulé en force de Le jugement ne fit pas l'objet d'appel et est donc coulé en force de
chose jugée. chose jugée.
Par requête introduite le 18 mai 1994, S.L. a sollicité, auprès de la Par requête introduite le 18 mai 1994, S.L. a sollicité, auprès de la
Commission pour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence, Commission pour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence,
une aide de 500.000 francs du chef d'un acte intentionnel de violence une aide de 500.000 francs du chef d'un acte intentionnel de violence
subi en date du 20 octobre 1991. subi en date du 20 octobre 1991.
Devant la Commission, le délégué du ministre de la Justice fait valoir Devant la Commission, le délégué du ministre de la Justice fait valoir
la prescription à peine de forclusion de la demande d'aide qui doit la prescription à peine de forclusion de la demande d'aide qui doit
être introduite dans un délai d'un an à compter du jour où il a été être introduite dans un délai d'un an à compter du jour où il a été
statué sur l'action publique, en application de l'article 34, § 3, de statué sur l'action publique, en application de l'article 34, § 3, de
la loi du 1er août 1985. la loi du 1er août 1985.
La requérante demande alors que soit posée une question préjudicielle La requérante demande alors que soit posée une question préjudicielle
à la Cour parce que « le fait de fixer à un an le délai de à la Cour parce que « le fait de fixer à un an le délai de
prescription du recours civil résultant d'une infraction a pour prescription du recours civil résultant d'une infraction a pour
conséquence que la situation de la concluante, laquelle a subi un conséquence que la situation de la concluante, laquelle a subi un
grave dommage résultant d'une faute, est sensiblement plus défavorable grave dommage résultant d'une faute, est sensiblement plus défavorable
lorsque cette faute constitue une infraction que lorsqu'elle n'en lorsque cette faute constitue une infraction que lorsqu'elle n'en
constitue pas une ». constitue pas une ».
La Commission pose alors la question préjudicielle mentionnée La Commission pose alors la question préjudicielle mentionnée
ci-dessus. ci-dessus.
III. La procédure devant la Cour III. La procédure devant la Cour
Par ordonnance du 5 décembre 1996, le président en exercice a désigné Par ordonnance du 5 décembre 1996, le président en exercice a désigné
les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi
spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application
des articles 71 ou 72 de la loi organique. des articles 71 ou 72 de la loi organique.
La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la
loi organique, par lettres recommandées à la poste le 8 janvier 1997. loi organique, par lettres recommandées à la poste le 8 janvier 1997.
L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au
Moniteur belge du 18 janvier 1997. Moniteur belge du 18 janvier 1997.
Par ordonnance du 26 février 1997, le président en exercice a abrégé à Par ordonnance du 26 février 1997, le président en exercice a abrégé à
quinze jours le délai pour introduire un mémoire uniquement en ce qui quinze jours le délai pour introduire un mémoire uniquement en ce qui
concerne le ministre de la Justice. concerne le ministre de la Justice.
La décision de renvoi a été notifiée au ministre de la Justice La décision de renvoi a été notifiée au ministre de la Justice
conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettre conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettre
recommandée à la poste le 28 février 1997; l'ordonnance abrégeant le recommandée à la poste le 28 février 1997; l'ordonnance abrégeant le
délai pour introduire le mémoire a été notifiée par la même lettre. délai pour introduire le mémoire a été notifiée par la même lettre.
Par ordonnance du 25 mars 1997, la Cour a écarté le mémoire introduit Par ordonnance du 25 mars 1997, la Cour a écarté le mémoire introduit
par le ministre de la Justice par lettre recommandée à la poste le 21 par le ministre de la Justice par lettre recommandée à la poste le 21
février 1997 suite à une erreur administrative. février 1997 suite à une erreur administrative.
Cette ordonnance a été notifiée au ministre de la Justice par lettre Cette ordonnance a été notifiée au ministre de la Justice par lettre
recommandée à la poste le 2 avril 1997. recommandée à la poste le 2 avril 1997.
Des mémoires ont été introduits par : Des mémoires ont été introduits par :
- S.L., demeurant à 6000 Charleroi, rue Carena 1/02/06, par lettre - S.L., demeurant à 6000 Charleroi, rue Carena 1/02/06, par lettre
recommandée à la poste le 13 février 1997; recommandée à la poste le 13 février 1997;
- le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par
lettre recommandée à la poste le 25 février 1997; lettre recommandée à la poste le 25 février 1997;
- le ministre de la Justice, boulevard de Waterloo 115, 1000 - le ministre de la Justice, boulevard de Waterloo 115, 1000
Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 18 mars 1997. Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 18 mars 1997.
Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi
organique, par lettres recommandées à la poste le 1er avril 1997. organique, par lettres recommandées à la poste le 1er avril 1997.
S.L. a introduit un mémoire en réponse, par lettre recommandée à la S.L. a introduit un mémoire en réponse, par lettre recommandée à la
poste le 5 mai 1997. poste le 5 mai 1997.
Par ordonnances du 29 mai 1997 et du 25 novembre 1997, la Cour a Par ordonnances du 29 mai 1997 et du 25 novembre 1997, la Cour a
prorogé respectivement jusqu'aux 5 décembre 1997 et 5 juin 1998 le prorogé respectivement jusqu'aux 5 décembre 1997 et 5 juin 1998 le
délai dans lequel l'arrêt doit être rendu. délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.
Par ordonnance du 17 décembre 1997, la Cour a reformulé la question et Par ordonnance du 17 décembre 1997, la Cour a reformulé la question et
a chargé les juges-rapporteurs de recueillir des informations a chargé les juges-rapporteurs de recueillir des informations
concernant l'incidence éventuelle de la loi du 17 février 1997 « concernant l'incidence éventuelle de la loi du 17 février 1997 «
modifiant les articles 30 et 34 de la loi du 1er août 1985 portant des modifiant les articles 30 et 34 de la loi du 1er août 1985 portant des
mesures fiscales et autres en ce qui concerne l'aide aux victimes mesures fiscales et autres en ce qui concerne l'aide aux victimes
d'actes intentionnels de violence » et de la loi du 18 février 1997 « d'actes intentionnels de violence » et de la loi du 18 février 1997 «
modifiant, en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes modifiant, en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes
intentionnels de violence, la loi du 1er août 1985 portant des mesures intentionnels de violence, la loi du 1er août 1985 portant des mesures
fiscales et autres » sur le traitement des affaires à la Commission fiscales et autres » sur le traitement des affaires à la Commission
pour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence, plus pour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence, plus
particulièrement en ce qui concerne les délais et la rétroactivité. particulièrement en ce qui concerne les délais et la rétroactivité.
Cette ordonnance ainsi que la mesure d'instruction ont été notifiées Cette ordonnance ainsi que la mesure d'instruction ont été notifiées
aux parties, aux avocats ainsi qu'au président de la Commission pour aux parties, aux avocats ainsi qu'au président de la Commission pour
l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence par lettres l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence par lettres
recommandées à la poste le 23 janvier 1998. recommandées à la poste le 23 janvier 1998.
Par lettre du 20 février 1998, le président de la Commission précitée Par lettre du 20 février 1998, le président de la Commission précitée
a fourni les renseignements demandés. a fourni les renseignements demandés.
Par ordonnance du 25 mars 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état et Par ordonnance du 25 mars 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état et
fixé l'audience au 29 avril 1998 après avoir chargé le greffier de fixé l'audience au 29 avril 1998 après avoir chargé le greffier de
notifier aux parties la lettre du 20 février 1998 précitée et invité notifier aux parties la lettre du 20 février 1998 précitée et invité
les parties à introduire un mémoire complémentaire le 21 avril 1998 au les parties à introduire un mémoire complémentaire le 21 avril 1998 au
plus tard sur l'incidence éventuelle de la loi du 17 février 1997 sur plus tard sur l'incidence éventuelle de la loi du 17 février 1997 sur
leur appréciation de la conformité aux articles 10 et 11 de la leur appréciation de la conformité aux articles 10 et 11 de la
Constitution de l'article 34 de la loi du 1er août 1985 portant des Constitution de l'article 34 de la loi du 1er août 1985 portant des
mesures fiscales et autres, avant sa modification par la loi du 17 mesures fiscales et autres, avant sa modification par la loi du 17
février 1997. février 1997.
Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats
par lettres recommandées à la poste le 26 mars 1998. par lettres recommandées à la poste le 26 mars 1998.
A l'audience publique du 29 avril 1998 : A l'audience publique du 29 avril 1998 :
- ont comparu : - ont comparu :
. Me X. Attout, avocat au barreau de Charleroi, pour S.L.; . Me X. Attout, avocat au barreau de Charleroi, pour S.L.;
. O. Crabbe, conseiller adjoint au ministère de la Justice, pour le . O. Crabbe, conseiller adjoint au ministère de la Justice, pour le
ministre de la Justice; ministre de la Justice;
. Me J. Sohier, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des . Me J. Sohier, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des
ministres; ministres;
- les juges-rapporteurs J. Delruelle et A. Arts ont fait rapport; - les juges-rapporteurs J. Delruelle et A. Arts ont fait rapport;
- les parties précitées ont été entendues; - les parties précitées ont été entendues;
- l'affaire a été mise en délibéré. - l'affaire a été mise en délibéré.
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants
de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour. de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.
IV. Objet de la disposition en cause IV. Objet de la disposition en cause
L'article 34, § 3, de la loi du 1er août 1985 portant des mesures L'article 34, § 3, de la loi du 1er août 1985 portant des mesures
fiscales et autres dispose : fiscales et autres dispose :
« A peine de forclusion, la demande d'aide doit être présentée dans le « A peine de forclusion, la demande d'aide doit être présentée dans le
délai d'un an à compter, selon le cas, soit du jour où il aura été délai d'un an à compter, selon le cas, soit du jour où il aura été
statué sur l'action publique par une décision passée en force de chose statué sur l'action publique par une décision passée en force de chose
jugée, soit de la décision de la juridiction d'instruction. » jugée, soit de la décision de la juridiction d'instruction. »
V. En droit V. En droit
- A - - A -
Mémoire de S.L. Mémoire de S.L.
A.1. L'article 34, § 3, de la loi du 1er août 1985 viole les articles A.1. L'article 34, § 3, de la loi du 1er août 1985 viole les articles
10 et 11 de la Constitution parce qu'il fait naître une différence de 10 et 11 de la Constitution parce qu'il fait naître une différence de
traitement entre les victimes d'un acte intentionnel de violence selon traitement entre les victimes d'un acte intentionnel de violence selon
qu'elles poursuivent les auteurs de cet acte en vue de leur qu'elles poursuivent les auteurs de cet acte en vue de leur
indemnisation sur la base des principes généraux d'indemnisation indemnisation sur la base des principes généraux d'indemnisation
découlant des articles 1382 et suivants du Code civil ou sur la base découlant des articles 1382 et suivants du Code civil ou sur la base
de l'article 34, § 3, de la loi du 1er août 1985. de l'article 34, § 3, de la loi du 1er août 1985.
Or, par son arrêt du 21 mars 1995, la Cour « aligne le délai de Or, par son arrêt du 21 mars 1995, la Cour « aligne le délai de
prescription de l'action civile découlant d'une infraction sur le prescription de l'action civile découlant d'une infraction sur le
délai de prescription de droit commun ». Cet arrêt était relatif à une délai de prescription de droit commun ». Cet arrêt était relatif à une
matière basée sur le concept de faute. Dans le présent cas d'espèce, matière basée sur le concept de faute. Dans le présent cas d'espèce,
l'indemnisation se fonde sur la notion de solidarité puisque l'Etat l'indemnisation se fonde sur la notion de solidarité puisque l'Etat
belge se substitue aux débiteurs normaux. belge se substitue aux débiteurs normaux.
La différence de traitement quant au délai de prescription entre La différence de traitement quant au délai de prescription entre
l'indemnisation basée sur la notion de faute et celle basée sur la l'indemnisation basée sur la notion de faute et celle basée sur la
notion de solidarité n'est pas raisonnablement justifiée, « dans la notion de solidarité n'est pas raisonnablement justifiée, « dans la
mesure où l'insolvabilité des débiteurs normaux des victimes d'actes mesure où l'insolvabilité des débiteurs normaux des victimes d'actes
intentionnels ne peut leur être reprochée et, par conséquent, leur intentionnels ne peut leur être reprochée et, par conséquent, leur
être préjudiciable pour poursuivre l'indemnisation à laquelle ils ont être préjudiciable pour poursuivre l'indemnisation à laquelle ils ont
droit ». droit ».
Par ailleurs, « si l'on se situe exclusivement au niveau du cadre Par ailleurs, « si l'on se situe exclusivement au niveau du cadre
d'indemnisation des actes intentionnels de violence 'basée sur la d'indemnisation des actes intentionnels de violence 'basée sur la
responsabilité objective' et 'qui découle de la solidarité entre les responsabilité objective' et 'qui découle de la solidarité entre les
citoyens' », cette disposition est également discriminatoire. Elle citoyens' », cette disposition est également discriminatoire. Elle
établit, en effet, un déséquilibre entre les requérants selon que établit, en effet, un déséquilibre entre les requérants selon que
l'acte intentionnel de violence a été commis par un ou plusieurs l'acte intentionnel de violence a été commis par un ou plusieurs
auteurs, que ces auteurs sont connus ou inconnus, incarcérés ou en auteurs, que ces auteurs sont connus ou inconnus, incarcérés ou en
liberté. Le délai d'un an est excessivement court lorsqu'il s'agit de liberté. Le délai d'un an est excessivement court lorsqu'il s'agit de
constater l'insolvabilité de plusieurs auteurs, d'auteurs inconnus ou constater l'insolvabilité de plusieurs auteurs, d'auteurs inconnus ou
incarcérés. incarcérés.
Mémoire du Conseil des ministres Mémoire du Conseil des ministres
A.2. L'article 34, § 3, de la loi du 1er août 1985 n'instaure aucune A.2. L'article 34, § 3, de la loi du 1er août 1985 n'instaure aucune
différence de traitement entre les victimes en ce qui concerne la différence de traitement entre les victimes en ce qui concerne la
condition de délai pour l'introduction d'une demande d'aide. Il n'y a condition de délai pour l'introduction d'une demande d'aide. Il n'y a
donc pas de catégorie particulière de justiciables qui seraient donc pas de catégorie particulière de justiciables qui seraient
traités de manière discriminatoire, la loi étant la même pour tous. traités de manière discriminatoire, la loi étant la même pour tous.
D'autre part, une violation des articles 10 et 11 de la Constitution D'autre part, une violation des articles 10 et 11 de la Constitution
n'est concevable que si la différence de traitement affecte des n'est concevable que si la différence de traitement affecte des
catégories de personnes se trouvant dans des situations suffisamment catégories de personnes se trouvant dans des situations suffisamment
comparables. La référence à l'arrêt de la Cour du 21 mars 1995 n'est comparables. La référence à l'arrêt de la Cour du 21 mars 1995 n'est
pas pertinente. En l'espèce, il y a lieu de constater que le pas pertinente. En l'espèce, il y a lieu de constater que le
législateur n'impose pas de délai différent selon la catégorie de législateur n'impose pas de délai différent selon la catégorie de
victimes d'actes intentionnels de violence, que le concept de faute victimes d'actes intentionnels de violence, que le concept de faute
est totalement absent puisque l'aide de l'Etat repose sur un principe est totalement absent puisque l'aide de l'Etat repose sur un principe
de solidarité collective et non sur une présomption de faute, que, en de solidarité collective et non sur une présomption de faute, que, en
l'absence de tout droit civil, la demande d'aide ne saurait être l'absence de tout droit civil, la demande d'aide ne saurait être
qualifiée de recours civil et qu'il ne peut être question d'une qualifiée de recours civil et qu'il ne peut être question d'une
différence entre victimes selon que l'acte intentionnel de violence différence entre victimes selon que l'acte intentionnel de violence
pour lequel il est demandé une aide constitue ou non une infraction pour lequel il est demandé une aide constitue ou non une infraction
puisque tel est toujours le cas. puisque tel est toujours le cas.
« Surabondamment, il faut constater que ni ' les intérêts que le « Surabondamment, il faut constater que ni ' les intérêts que le
législateur de 1985 a voulu protéger ', ni le caractère subsidiaire du législateur de 1985 a voulu protéger ', ni le caractère subsidiaire du
recours à la Commission, n'empêchent que, comme dans toutes autres recours à la Commission, n'empêchent que, comme dans toutes autres
matières de droit, des délais soient instaurés par la loi, à peine de matières de droit, des délais soient instaurés par la loi, à peine de
forclusion, pour l'introduction des demandes en justice. » forclusion, pour l'introduction des demandes en justice. »
La Convention européenne du Conseil de l'Europe du 24 novembre 1983 « La Convention européenne du Conseil de l'Europe du 24 novembre 1983 «
relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes », qui relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes », qui
constitue l'une des sources de la loi belge du 1er août 1985, prévoit constitue l'une des sources de la loi belge du 1er août 1985, prévoit
d'ailleurs cette possibilité. d'ailleurs cette possibilité.
Il convient aussi d'insister sur l'indépendance totale entre Il convient aussi d'insister sur l'indépendance totale entre
l'instance judiciaire relative à l'action civile et l'instance devant l'instance judiciaire relative à l'action civile et l'instance devant
la Commission : la requête peut être présentée devant la Commission la Commission : la requête peut être présentée devant la Commission
alors même que le requérant ne peut pas encore se prévaloir d'une alors même que le requérant ne peut pas encore se prévaloir d'une
décision fixant les dommages et intérêts qui lui seraient dus. Certes, décision fixant les dommages et intérêts qui lui seraient dus. Certes,
l'article 31, § 1er, subordonne l'aide à l'exigence que la réparation l'article 31, § 1er, subordonne l'aide à l'exigence que la réparation
du dommage ne puisse être assurée de façon effective et suffisante par du dommage ne puisse être assurée de façon effective et suffisante par
d'autres moyens. Il résulte toutefois des travaux préparatoires et de d'autres moyens. Il résulte toutefois des travaux préparatoires et de
la plupart des commentaires de doctrine que cette condition n'est pas la plupart des commentaires de doctrine que cette condition n'est pas
appelée à jouer de manière absolue. appelée à jouer de manière absolue.
Enfin, « la seule existence d'un délai de forclusion n'emporte pas par Enfin, « la seule existence d'un délai de forclusion n'emporte pas par
elle-même 'une grave limitation des droits d'une victime' ». En effet, elle-même 'une grave limitation des droits d'une victime' ». En effet,
même si cette victime ignore la plus ou moins grande insolvabilité de même si cette victime ignore la plus ou moins grande insolvabilité de
l'auteur des faits, elle peut toujours introduire une demande d'aide à l'auteur des faits, elle peut toujours introduire une demande d'aide à
titre conservatoire, ce qui interrompra valablement le délai de titre conservatoire, ce qui interrompra valablement le délai de
forclusion, conformément aux principes de l'article 18 du Code forclusion, conformément aux principes de l'article 18 du Code
judiciaire. Subsidiairement enfin, il faut relever que l'existence de judiciaire. Subsidiairement enfin, il faut relever que l'existence de
délais de forclusion d'un an pour saisir le juge compétent se retrouve délais de forclusion d'un an pour saisir le juge compétent se retrouve
dans de nombreuses autres matières. dans de nombreuses autres matières.
« Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'article 34 de la loi « Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'article 34 de la loi
du 1er août 1985 n'opère aucune distinction entre 'catégories' de du 1er août 1985 n'opère aucune distinction entre 'catégories' de
justiciables différents. La seule existence d'un court délai, prescrit justiciables différents. La seule existence d'un court délai, prescrit
à peine de forclusion, pour introduire une demande ne peut pas être à peine de forclusion, pour introduire une demande ne peut pas être
considérée comme une 'grave limitation de droits' ni comme hors de considérée comme une 'grave limitation de droits' ni comme hors de
proportion par rapport au but légitime poursuivi par le législateur. proportion par rapport au but légitime poursuivi par le législateur.
En conséquence, cette disposition ne viole pas les articles 10 et 11 En conséquence, cette disposition ne viole pas les articles 10 et 11
ni d'autres principes de la Constitution. » ni d'autres principes de la Constitution. »
Mémoire du ministre de la Justice Mémoire du ministre de la Justice
La loi du 1er août 1985, basée sur le concept de solidarité La loi du 1er août 1985, basée sur le concept de solidarité
collective, se borne à organiser une procédure permettant à une collective, se borne à organiser une procédure permettant à une
victime de demander une aide matérielle dans le cas où celle-ci ne victime de demander une aide matérielle dans le cas où celle-ci ne
peut être indemnisée par une autre voie. peut être indemnisée par une autre voie.
« La seule différence de traitement qui puisse être envisagée est « La seule différence de traitement qui puisse être envisagée est
celle d'une victime d'un acte de violence intentionnel et une victime celle d'une victime d'un acte de violence intentionnel et une victime
d'un délit autre qu'un acte de violence, dans la mesure où cette d'un délit autre qu'un acte de violence, dans la mesure où cette
dernière ne peut pas s'adresser à la Commission. » Cette dernière ne peut pas s'adresser à la Commission. » Cette
différenciation est justifiée par la considération que les victimes différenciation est justifiée par la considération que les victimes
d'actes intentionnels de violence doivent être plus particulièrement d'actes intentionnels de violence doivent être plus particulièrement
protégées. Le délai de forclusion étant le même pour toutes ces protégées. Le délai de forclusion étant le même pour toutes ces
victimes, l'article 34, § 3, de la loi du 1er août 1985 ne saurait victimes, l'article 34, § 3, de la loi du 1er août 1985 ne saurait
être discriminatoire. être discriminatoire.
L'arrêt de la Cour du 21 mars 1995 n'est pas invoqué de manière L'arrêt de la Cour du 21 mars 1995 n'est pas invoqué de manière
pertinente. La requérante considère, à tort, que l'aide qui peut être pertinente. La requérante considère, à tort, que l'aide qui peut être
accordée par la Commission est semblable à l'action en responsabilité accordée par la Commission est semblable à l'action en responsabilité
du droit civil. Or, cette aide n'est pas un droit subjectif fondé sur du droit civil. Or, cette aide n'est pas un droit subjectif fondé sur
une idée de faute de l'Etat mais sur une idée de solidarité une idée de faute de l'Etat mais sur une idée de solidarité
collective. C'est d'ailleurs à la lumière de cette dernière idée que collective. C'est d'ailleurs à la lumière de cette dernière idée que
peuvent être comprises les notions de subsidiarité et de montant peuvent être comprises les notions de subsidiarité et de montant
maximum figurant dans la loi. La procédure devant la Commission maximum figurant dans la loi. La procédure devant la Commission
n'éteint pas l'action civile contre le responsable de l'agression. n'éteint pas l'action civile contre le responsable de l'agression.
« En fait, il n'existe qu'une discrimination, puisque la situation de « En fait, il n'existe qu'une discrimination, puisque la situation de
la victime d'un agresseur solvable est évidemment plus favorable que la victime d'un agresseur solvable est évidemment plus favorable que
celle d'une victime d'un agresseur insolvable. La loi sur la celle d'une victime d'un agresseur insolvable. La loi sur la
commission tend précisément à rencontrer ce type de problème d'ordre commission tend précisément à rencontrer ce type de problème d'ordre
social. social.
Il est cependant vrai que le législateur se tourne vers une procédure Il est cependant vrai que le législateur se tourne vers une procédure
plus souple et a le projet de substituer au délai d'un an, un délai de plus souple et a le projet de substituer au délai d'un an, un délai de
trois ans. » trois ans. »
Mémoire en réponse de S.L. Mémoire en réponse de S.L.
A.3. Même si l'arrêt du 21 mars 1995 est basé sur le concept de faute, A.3. Même si l'arrêt du 21 mars 1995 est basé sur le concept de faute,
il ne saurait être indifférent en l'espèce. Doit en effet prévaloir « il ne saurait être indifférent en l'espèce. Doit en effet prévaloir «
une notion élargie du précepte d'intervention de l'Etat, au profit de une notion élargie du précepte d'intervention de l'Etat, au profit de
tous les préjudiciés, nonobstant le délai de prescription de la loi tous les préjudiciés, nonobstant le délai de prescription de la loi
spéciale, et ce, à l'équivalence des délais de prescription qui ont spéciale, et ce, à l'équivalence des délais de prescription qui ont
été jugés par ledit arrêt ». été jugés par ledit arrêt ».
L'article 34, § 3, est par ailleurs intrinsèquement discriminatoire. L'article 34, § 3, est par ailleurs intrinsèquement discriminatoire.
En effet, les victimes d'actes intentionnels de violence ne se En effet, les victimes d'actes intentionnels de violence ne se
trouvent pas sur le même pied d'égalité à partir du moment où court le trouvent pas sur le même pied d'égalité à partir du moment où court le
délai de prescription. Sont discriminées les victimes qui n'ont pu délai de prescription. Sont discriminées les victimes qui n'ont pu
respecter l'exigence du délai en raison de la difficulté de se rendre respecter l'exigence du délai en raison de la difficulté de se rendre
compte de l'insolvabilité de l'auteur, difficulté indépendante de leur compte de l'insolvabilité de l'auteur, difficulté indépendante de leur
volonté. volonté.
Tel ne serait pas le cas si le délai de prescription prenait cours « à Tel ne serait pas le cas si le délai de prescription prenait cours « à
partir du moment où chaque victime a pu constater l'insolvabilité de partir du moment où chaque victime a pu constater l'insolvabilité de
son auteur ». Ce n'est qu'à partir de cet instant que toutes les son auteur ». Ce n'est qu'à partir de cet instant que toutes les
victimes se trouvent dans la même situation. victimes se trouvent dans la même situation.
- B - - B -
B.1.1. La question préjudicielle, reformulée par la Cour, énonce : B.1.1. La question préjudicielle, reformulée par la Cour, énonce :
« L'article 34 de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales « L'article 34 de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales
et autres viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution ? » et autres viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution ? »
B.1.2. De la motivation de la décision de renvoi, il apparaît que la B.1.2. De la motivation de la décision de renvoi, il apparaît que la
Commission pour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence Commission pour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence
interroge la Cour sur la compatibilité de l'article 34, § 3, de la loi interroge la Cour sur la compatibilité de l'article 34, § 3, de la loi
du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres avec les du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres avec les
articles 10 et 11 de la Constitution. articles 10 et 11 de la Constitution.
B.1.3. Ce paragraphe dispose : B.1.3. Ce paragraphe dispose :
« A peine de forclusion, la demande d'aide doit être présentée dans le « A peine de forclusion, la demande d'aide doit être présentée dans le
délai d'un an à compter, selon le cas, soit du jour où il aura été délai d'un an à compter, selon le cas, soit du jour où il aura été
statué sur l'action publique par une décision passée en force de chose statué sur l'action publique par une décision passée en force de chose
jugée, soit de la décision de la juridiction d'instruction. » jugée, soit de la décision de la juridiction d'instruction. »
L'article 4 de la loi du 17 février 1997, modifiant les articles 30 et L'article 4 de la loi du 17 février 1997, modifiant les articles 30 et
34 de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres 34 de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres
en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes intentionnels de en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes intentionnels de
violence, a porté ce délai de un an à trois ans. violence, a porté ce délai de un an à trois ans.
B.2. En vertu de l'article 26, § 2, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 B.2. En vertu de l'article 26, § 2, alinéa 2, de la loi spéciale du 6
janvier 1989, c'est au juge qui pose une question préjudicielle qu'il janvier 1989, c'est au juge qui pose une question préjudicielle qu'il
appartient d'apprécier si la réponse à cette question est appartient d'apprécier si la réponse à cette question est
indispensable à la solution du litige qu'il doit trancher. indispensable à la solution du litige qu'il doit trancher.
C'est au juge a quo et à lui seul qu'il appartient de statuer sur C'est au juge a quo et à lui seul qu'il appartient de statuer sur
l'applicabilité dans le temps d'une norme invoquée devant lui. La Cour l'applicabilité dans le temps d'une norme invoquée devant lui. La Cour
ne peut dès lors examiner si la loi nouvelle peut trouver à ne peut dès lors examiner si la loi nouvelle peut trouver à
s'appliquer aux faits du litige. s'appliquer aux faits du litige.
La Cour répond à la question posée en tant qu'elle porte sur l'article La Cour répond à la question posée en tant qu'elle porte sur l'article
34, § 3, de la loi du 1er août 1985 avant sa modification par la loi 34, § 3, de la loi du 1er août 1985 avant sa modification par la loi
du 17 février 1997. du 17 février 1997.
B.3. Selon la partie requérante devant le juge a quo, la disposition B.3. Selon la partie requérante devant le juge a quo, la disposition
litigieuse violerait les articles 10 et 11 de la Constitution pour litigieuse violerait les articles 10 et 11 de la Constitution pour
deux raisons. Tout d'abord, elle fait naître une différence de deux raisons. Tout d'abord, elle fait naître une différence de
traitement entre les victimes d'un acte intentionnel de violence parce traitement entre les victimes d'un acte intentionnel de violence parce
que le délai de prescription est différent de celui qui est prévu pour que le délai de prescription est différent de celui qui est prévu pour
les actions fondées sur les articles 1382 et suivants du Code civil. les actions fondées sur les articles 1382 et suivants du Code civil.
Ensuite, elle ne tient pas compte des différences entre victimes selon Ensuite, elle ne tient pas compte des différences entre victimes selon
que l'acte a été commis par un ou plusieurs auteurs, que ces auteurs que l'acte a été commis par un ou plusieurs auteurs, que ces auteurs
sont connus ou inconnus, incarcérés ou en liberté. sont connus ou inconnus, incarcérés ou en liberté.
B.4.1. Les travaux préparatoires de la loi du 1er août 1985 font B.4.1. Les travaux préparatoires de la loi du 1er août 1985 font
apparaître que le législateur a jugé « équitable de prévoir une apparaître que le législateur a jugé « équitable de prévoir une
participation financière de l'Etat dans l'indemnisation de la victime participation financière de l'Etat dans l'indemnisation de la victime
là où la prévention de la criminalité n'a pas empêché la perpétration là où la prévention de la criminalité n'a pas empêché la perpétration
d'un acte intentionnel de violence ». d'un acte intentionnel de violence ».
Le fondement de l'intervention de l'Etat n'est nullement « une Le fondement de l'intervention de l'Etat n'est nullement « une
présomption de faute qui pèserait sur l'Etat n'ayant pu empêcher présomption de faute qui pèserait sur l'Etat n'ayant pu empêcher
l'infraction » mais « un principe de solidarité collective entre les l'infraction » mais « un principe de solidarité collective entre les
membres d'une même nation ». « Le projet ne correspond donc en rien à membres d'une même nation ». « Le projet ne correspond donc en rien à
une idée d'atténuation de la responsabilité des auteurs d'infractions, une idée d'atténuation de la responsabilité des auteurs d'infractions,
ni à une idée de responsabilité de l'Etat » (Doc. parl., Sénat, ni à une idée de responsabilité de l'Etat » (Doc. parl., Sénat,
1984-1985, n° 873/1, p. 17, et n° 873/2/1°, p. 5). 1984-1985, n° 873/1, p. 17, et n° 873/2/1°, p. 5).
Le législateur a dès lors opté pour un régime d'aide subsidiaire Le législateur a dès lors opté pour un régime d'aide subsidiaire
(article 31, § 1er, 1, de la loi du 1er août 1985), dont le montant (article 31, § 1er, 1, de la loi du 1er août 1985), dont le montant
est fixé en équité et ne peut dépasser les sommes fixées par le est fixé en équité et ne peut dépasser les sommes fixées par le
législateur (article 33 de cette loi). législateur (article 33 de cette loi).
L'article 32 de la loi détermine par ailleurs de manière limitative L'article 32 de la loi détermine par ailleurs de manière limitative
les dommages qui peuvent être pris en considération pour l'octroi de les dommages qui peuvent être pris en considération pour l'octroi de
l'aide. Ces principes de subsidiarité et d'appréciation en équité sont l'aide. Ces principes de subsidiarité et d'appréciation en équité sont
jugés essentiels par le législateur (Doc. parl., Sénat, 1984-1985, n° jugés essentiels par le législateur (Doc. parl., Sénat, 1984-1985, n°
873/2/1°, pp. 7 et 8). 873/2/1°, pp. 7 et 8).
L'article 35 de la loi prévoit pour sa part que les aides allouées par L'article 35 de la loi prévoit pour sa part que les aides allouées par
les décisions de la commission sont liquidées par le ministre de la les décisions de la commission sont liquidées par le ministre de la
Justice en fonction des disponibilités du Fonds. Justice en fonction des disponibilités du Fonds.
Il résulte enfin des travaux préparatoires que l'indemnisation est Il résulte enfin des travaux préparatoires que l'indemnisation est
extraordinaire, « ce qui signifie que son octroi ne peut jamais être extraordinaire, « ce qui signifie que son octroi ne peut jamais être
réclamé comme un droit » (Doc. parl., 1984-1985, n° 873/2/1°, p. 19). réclamé comme un droit » (Doc. parl., 1984-1985, n° 873/2/1°, p. 19).
B.4.2. Les principes de subsidiarité, de fixation en équité, B.4.2. Les principes de subsidiarité, de fixation en équité,
d'indemnisation exceptionnelle et forfaitaire et de solidarité qui d'indemnisation exceptionnelle et forfaitaire et de solidarité qui
sont à la base de la loi du 1er août 1985 justifient objectivement et sont à la base de la loi du 1er août 1985 justifient objectivement et
raisonnablement les différences de traitement entre les actions raisonnablement les différences de traitement entre les actions
fondées sur les articles 1382 et suivants du Code civil et les fondées sur les articles 1382 et suivants du Code civil et les
demandes d'aide fondées sur la loi du 1er août 1985, en particulier demandes d'aide fondées sur la loi du 1er août 1985, en particulier
quant au délai dans lequel elles doivent être introduites. quant au délai dans lequel elles doivent être introduites.
B.5. La Cour doit encore examiner si le législateur n'a pas méconnu B.5. La Cour doit encore examiner si le législateur n'a pas méconnu
les articles 10 et 11 de la Constitution en traitant de la même les articles 10 et 11 de la Constitution en traitant de la même
manière, quant au délai de forclusion de la demande, toutes les manière, quant au délai de forclusion de la demande, toutes les
victimes, sans distinguer si l'acte a été commis par un ou plusieurs victimes, sans distinguer si l'acte a été commis par un ou plusieurs
auteurs, si ces auteurs sont connus ou inconnus, incarcérés ou en auteurs, si ces auteurs sont connus ou inconnus, incarcérés ou en
liberté. liberté.
B.6. C'est au législateur qu'il revient d'apprécier, sous le contrôle B.6. C'est au législateur qu'il revient d'apprécier, sous le contrôle
de la Cour, si des situations sont à ce point différentes qu'elles de la Cour, si des situations sont à ce point différentes qu'elles
doivent faire l'objet de mesures spécifiques. Une réglementation doivent faire l'objet de mesures spécifiques. Une réglementation
uniforme n'est contraire au principe d'égalité et de uniforme n'est contraire au principe d'égalité et de
non-discrimination que lorsque des catégories de personnes qui se non-discrimination que lorsque des catégories de personnes qui se
trouvent dans des situations essentiellement différentes sont traitées trouvent dans des situations essentiellement différentes sont traitées
de façon identique sans qu'existe pour cela une justification de façon identique sans qu'existe pour cela une justification
raisonnable. Les principes qui ont conduit à la loi du 1er août 1985 raisonnable. Les principes qui ont conduit à la loi du 1er août 1985
et qui sont rappelés au B.4.2 permettent de justifier objectivement et et qui sont rappelés au B.4.2 permettent de justifier objectivement et
raisonnablement le traitement identique de toutes les victimes d'actes raisonnablement le traitement identique de toutes les victimes d'actes
de violence quant au délai d'introduction de l'action. Le législateur de violence quant au délai d'introduction de l'action. Le législateur
a consciemment limité l'indemnisation accordée, en n'excluant pas une a consciemment limité l'indemnisation accordée, en n'excluant pas une
politique législative progressive ultérieure. Il n'est donc pas politique législative progressive ultérieure. Il n'est donc pas
déraisonnable que le législateur impose à toutes les victimes un même déraisonnable que le législateur impose à toutes les victimes un même
délai pour introduire leur demande, sans égard au fait que l'auteur de délai pour introduire leur demande, sans égard au fait que l'auteur de
l'acte soit connu ou inconnu, que l'acte ait été commis par un ou l'acte soit connu ou inconnu, que l'acte ait été commis par un ou
plusieurs auteurs et que celui-ci ou ceux-ci soient détenus ou non. plusieurs auteurs et que celui-ci ou ceux-ci soient détenus ou non.
B.7. Certes, la loi du 23 juillet 1991 modifiant les articles 31 et 34 B.7. Certes, la loi du 23 juillet 1991 modifiant les articles 31 et 34
de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres a de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres a
inséré dans l'article 34, § 2, une disposition particulière sur la inséré dans l'article 34, § 2, une disposition particulière sur la
base de laquelle la demande peut être introduite, lorsque l'auteur est base de laquelle la demande peut être introduite, lorsque l'auteur est
resté inconnu, dès l'expiration d'un délai de deux ans prenant cours à resté inconnu, dès l'expiration d'un délai de deux ans prenant cours à
la date de la constitution de partie civile (délai qui a été ramené à la date de la constitution de partie civile (délai qui a été ramené à
un an par l'article 4 de la loi du 17 février 1997 modifiant les un an par l'article 4 de la loi du 17 février 1997 modifiant les
articles 30 et 34 de la loi du 1er août 1985 portant des mesures articles 30 et 34 de la loi du 1er août 1985 portant des mesures
fiscales et autres en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes fiscales et autres en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes
intentionnels de violence). intentionnels de violence).
Cette disposition ne contient toutefois aucun délai de forclusion mais Cette disposition ne contient toutefois aucun délai de forclusion mais
offre au contraire aux victimes la possibilité complémentaire offre au contraire aux victimes la possibilité complémentaire
d'introduire déjà la demande, lorsque l'auteur est inconnu, sans d'introduire déjà la demande, lorsque l'auteur est inconnu, sans
devoir attendre qu'une décision judiciaire passée en force de chose devoir attendre qu'une décision judiciaire passée en force de chose
jugée ait statué sur l'action publique ou qu'une décision ait été jugée ait statué sur l'action publique ou qu'une décision ait été
prise par la juridiction d'instruction, étant donné que de telles prise par la juridiction d'instruction, étant donné que de telles
décisions peuvent longtemps faire défaut lorsque l'auteur est inconnu. décisions peuvent longtemps faire défaut lorsque l'auteur est inconnu.
B.8. Le fait que le délai de forclusion d'un an a été porté à trois B.8. Le fait que le délai de forclusion d'un an a été porté à trois
ans par l'article 4 de la loi du 17 février 1997 ne permet pas de ans par l'article 4 de la loi du 17 février 1997 ne permet pas de
conclure que le législateur considérait que l'ancien délai d'un an conclure que le législateur considérait que l'ancien délai d'un an
était discriminatoire. Les principes d'égalité et de était discriminatoire. Les principes d'égalité et de
non-discrimination ne s'opposent pas à ce que le législateur améliore non-discrimination ne s'opposent pas à ce que le législateur améliore
la situation des victimes d'actes de violence. la situation des victimes d'actes de violence.
Par ces motifs, Par ces motifs,
la Cour la Cour
dit pour droit : dit pour droit :
L'article 34, § 3, de la loi du 1er août 1985 portant des mesures L'article 34, § 3, de la loi du 1er août 1985 portant des mesures
fiscales et autres ne viole pas les articles 10 et 11 de la fiscales et autres ne viole pas les articles 10 et 11 de la
Constitution. Constitution.
Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise,
conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur
la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 4 juin 1998. la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 4 juin 1998.
Le greffier f.f., Le greffier f.f.,
R. Moerenhout. R. Moerenhout.
Le président, Le président,
M. Melchior M. Melchior
^