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Arrêt n° 29/98 du 18 mars 1998 Numéros du rôle : 1112 et 1115 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 135 du Code d'instruction criminelle, posée par la Cour d'appel de Liège. La Cour d'arbitrage, composée des présiden après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par a(...) Arrêt n° 29/98 du 18 mars 1998 Numéros du rôle : 1112 et 1115 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 135 du Code d'instruction criminelle, posée par la Cour d'appel de Liège. La Cour d'arbitrage, composée des présiden après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par a(...)
COUR D'ARBITRAGE COUR D'ARBITRAGE
Arrêt n° 29/98 du 18 mars 1998 Arrêt n° 29/98 du 18 mars 1998
Numéros du rôle : 1112 et 1115 Numéros du rôle : 1112 et 1115
En cause : la question préjudicielle concernant l'article 135 du Code En cause : la question préjudicielle concernant l'article 135 du Code
d'instruction criminelle, posée par la Cour d'appel de Liège. d'instruction criminelle, posée par la Cour d'appel de Liège.
La Cour d'arbitrage, La Cour d'arbitrage,
composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H.
Boel, L. François, P. Martens, J. Delruelle, G. De Baets, E. Cerexhe, Boel, L. François, P. Martens, J. Delruelle, G. De Baets, E. Cerexhe,
H. Coremans, A. Arts, R. Henneuse et M. Bossuyt, assistée du greffier H. Coremans, A. Arts, R. Henneuse et M. Bossuyt, assistée du greffier
L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, L. Potoms, présidée par le président M. Melchior,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet de la question préjudicielle I. Objet de la question préjudicielle
Par arrêts du 23 juin 1997 en cause du ministère public contre Par arrêts du 23 juin 1997 en cause du ministère public contre
respectivement J.-P. Carvelli et S. Renert, dont les expéditions sont respectivement J.-P. Carvelli et S. Renert, dont les expéditions sont
parvenues au greffe de la Cour d'arbitrage les 27 et 30 juin 1997, la parvenues au greffe de la Cour d'arbitrage les 27 et 30 juin 1997, la
Cour d'appel de Liège a posé la question préjudicielle suivante : Cour d'appel de Liège a posé la question préjudicielle suivante :
« L'article 135 du Code d'instruction criminelle viole-t-il les règles « L'article 135 du Code d'instruction criminelle viole-t-il les règles
établies par les articles 6 et 6bis (actuellement 10 et 11) de la établies par les articles 6 et 6bis (actuellement 10 et 11) de la
Constitution belge et par l'article 6 de la Convention européenne de Constitution belge et par l'article 6 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la
mesure où, en dehors de l'hypothèse visée par l'article 539 du même mesure où, en dehors de l'hypothèse visée par l'article 539 du même
Code, il ne permet pas à l'inculpé d'exercer un recours à l'encontre Code, il ne permet pas à l'inculpé d'exercer un recours à l'encontre
d'une décision de la chambre du conseil le renvoyant devant le d'une décision de la chambre du conseil le renvoyant devant le
tribunal correctionnel alors qu'un recours contre les décisions de la tribunal correctionnel alors qu'un recours contre les décisions de la
chambre du conseil prises en vertu des articles 128, 129 et 130 du chambre du conseil prises en vertu des articles 128, 129 et 130 du
même Code est ouvert tant à la partie civile qu'à la partie publique, même Code est ouvert tant à la partie civile qu'à la partie publique,
et alors que ce recours est exercé notamment suite au refus de la et alors que ce recours est exercé notamment suite au refus de la
chambre du conseil d'accorder à l'inculpé le bénéfice de la suspension chambre du conseil d'accorder à l'inculpé le bénéfice de la suspension
du prononcé de la condamnation, mesure qui si elle était accordée par du prononcé de la condamnation, mesure qui si elle était accordée par
la juridiction d'instruction, mettrait un terme à l'action publique en la juridiction d'instruction, mettrait un terme à l'action publique en
cas de non-révocation ? » cas de non-révocation ? »
II. Les faits et la procédure antérieure II. Les faits et la procédure antérieure
Dans les deux affaires ayant donné lieu à la question préjudicielle en Dans les deux affaires ayant donné lieu à la question préjudicielle en
cause, les inculpés ont sollicité devant la chambre du conseil le cause, les inculpés ont sollicité devant la chambre du conseil le
bénéfice de la suspension du prononcé de la condamnation en bénéfice de la suspension du prononcé de la condamnation en
application de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le application de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le
sursis et la probation. Il n'a pas été fait droit à cette demande. sursis et la probation. Il n'a pas été fait droit à cette demande.
Les inculpés ont interjeté appel de ces décisions devant la chambre Les inculpés ont interjeté appel de ces décisions devant la chambre
des mises en accusation de la Cour d'appel de Liège. des mises en accusation de la Cour d'appel de Liège.
Appliquant la jurisprudence de l'arrêt n° 22/95 de la Cour d'arbitrage Appliquant la jurisprudence de l'arrêt n° 22/95 de la Cour d'arbitrage
à leur situation, les inculpés ont soutenu devant la juridiction à leur situation, les inculpés ont soutenu devant la juridiction
précitée que la demande de suspension du prononcé de la condamnation précitée que la demande de suspension du prononcé de la condamnation
pouvait donner lieu à une mesure mettant fin aux poursuites et que pouvait donner lieu à une mesure mettant fin aux poursuites et que
leur appel était donc recevable. Le ministère public a défendu la leur appel était donc recevable. Le ministère public a défendu la
thèse inverse. thèse inverse.
La chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de Liège a posé La chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de Liège a posé
la question préjudicielle par les deux arrêts mieux qualifiés plus la question préjudicielle par les deux arrêts mieux qualifiés plus
haut. haut.
III. La procédure devant la Cour III. La procédure devant la Cour
Par ordonnances des 27 et 30 juin 1997, le président en exercice a Par ordonnances des 27 et 30 juin 1997, le président en exercice a
désigné les juges des sièges conformément aux articles 58 et 59 de la désigné les juges des sièges conformément aux articles 58 et 59 de la
loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Par ordonnance du 1er juillet 1997, la Cour a joint les affaires. Par ordonnance du 1er juillet 1997, la Cour a joint les affaires.
Le 10 juillet 1997, les juges-rapporteurs ont informé la Cour, en Le 10 juillet 1997, les juges-rapporteurs ont informé la Cour, en
application de l'article 72, alinéa 1er, de la loi organique, qu'ils application de l'article 72, alinéa 1er, de la loi organique, qu'ils
pourraient être amenés à proposer de rendre un arrêt de réponse pourraient être amenés à proposer de rendre un arrêt de réponse
immédiate. immédiate.
Les conclusions des juges-rapporteurs ont été notifiées aux parties Les conclusions des juges-rapporteurs ont été notifiées aux parties
conformément à l'article 72, alinéa 2, de la loi organique, par conformément à l'article 72, alinéa 2, de la loi organique, par
lettres recommandées à la poste le 15 juillet 1997. lettres recommandées à la poste le 15 juillet 1997.
Par ordonnance du 1er octobre 1997, la Cour a décidé de poursuivre Par ordonnance du 1er octobre 1997, la Cour a décidé de poursuivre
l'examen de l'affaire conformément à la procédure ordinaire. l'examen de l'affaire conformément à la procédure ordinaire.
Les décisions de renvoi ont été notifiées conformément à l'article 77 Les décisions de renvoi ont été notifiées conformément à l'article 77
de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 17 octobre de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 17 octobre
1997; l'ordonnance de jonction et l'ordonnance décidant de poursuivre 1997; l'ordonnance de jonction et l'ordonnance décidant de poursuivre
l'examen des affaires conformément à la procédure ordinaire ont été l'examen des affaires conformément à la procédure ordinaire ont été
notifiées par les mêmes lettres. notifiées par les mêmes lettres.
L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au
Moniteur belge du 15 octobre 1997. Moniteur belge du 15 octobre 1997.
Le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a Le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a
introduit un mémoire, par lettre recommandée à la poste le 1er introduit un mémoire, par lettre recommandée à la poste le 1er
décembre 1997. décembre 1997.
Par ordonnance du 25 novembre 1997, la Cour a prorogé jusqu'au 27 juin Par ordonnance du 25 novembre 1997, la Cour a prorogé jusqu'au 27 juin
1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu. 1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.
Par ordonnance du 28 janvier 1998, le président M. Melchior a soumis Par ordonnance du 28 janvier 1998, le président M. Melchior a soumis
les affaires à la Cour réunie en séance plénière. les affaires à la Cour réunie en séance plénière.
Par ordonnance du même jour, la Cour a déclaré les affaires en état et Par ordonnance du même jour, la Cour a déclaré les affaires en état et
fixé l'audience au 18 février 1998. fixé l'audience au 18 février 1998.
Cette ordonnance a été notifiée au Conseil des ministres ainsi qu'à Cette ordonnance a été notifiée au Conseil des ministres ainsi qu'à
son avocat par lettres recommandées à la poste le 29 janvier 1998. son avocat par lettres recommandées à la poste le 29 janvier 1998.
A l'audience publique du 18 février 1998 : A l'audience publique du 18 février 1998 :
- a comparu Me R. Ergec loco Me P. Peeters, avocats au barreau de - a comparu Me R. Ergec loco Me P. Peeters, avocats au barreau de
Bruxelles, pour le Conseil des ministres; Bruxelles, pour le Conseil des ministres;
- les juges-rapporteurs P. Martens et G. De Baets ont fait rapport; - les juges-rapporteurs P. Martens et G. De Baets ont fait rapport;
- l'avocat précité a été entendu; - l'avocat précité a été entendu;
- les affaires ont été mises en délibéré. - les affaires ont été mises en délibéré.
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants
de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour. de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.
IV. En droit IV. En droit
- A - - A -
A.1. Seul le Conseil des ministres a introduit un mémoire. Après avoir A.1. Seul le Conseil des ministres a introduit un mémoire. Après avoir
rappelé le dispositif des arrêts nos 82/94 et 22/95 de la Cour rappelé le dispositif des arrêts nos 82/94 et 22/95 de la Cour
d'arbitrage, il soutient que la demande tendant à bénéficier de la d'arbitrage, il soutient que la demande tendant à bénéficier de la
suspension du prononcé n'est pas un moyen qui, s'il était reconnu suspension du prononcé n'est pas un moyen qui, s'il était reconnu
fondé, serait de nature à mettre réellement un terme à l'action fondé, serait de nature à mettre réellement un terme à l'action
publique, dans le sens de l'arrêt n° 22/95. Seuls des moyens de publique, dans le sens de l'arrêt n° 22/95. Seuls des moyens de
procédure ayant cette conséquence peuvent être considérés comme des procédure ayant cette conséquence peuvent être considérés comme des
moyens de ce type. moyens de ce type.
En outre, dans ses deux arrêts précités, la Cour a décidé que En outre, dans ses deux arrêts précités, la Cour a décidé que
l'impossibilité pour l'inculpé de discuter en degré d'appel l'impossibilité pour l'inculpé de discuter en degré d'appel
l'existence des charges justifiant le renvoi ne violait pas les l'existence des charges justifiant le renvoi ne violait pas les
articles 10 et 11 de la Constitution. Or, la demande de suspension du articles 10 et 11 de la Constitution. Or, la demande de suspension du
prononcé, comme l'exception de l'insuffisance des charges, prononcé, comme l'exception de l'insuffisance des charges,
engendrerait un débat sur le fond. engendrerait un débat sur le fond.
La Cour de cassation a jugé qu'une demande tendant à bénéficier de la La Cour de cassation a jugé qu'une demande tendant à bénéficier de la
suspension du prononcé ne constitue pas un moyen (Cass., 26 juin 1996, suspension du prononcé ne constitue pas un moyen (Cass., 26 juin 1996,
R.D.P., 1997, 562). Des arrêts de chambres de mise en accusation de R.D.P., 1997, 562). Des arrêts de chambres de mise en accusation de
Bruxelles et d'Anvers ont considéré que l'ordonnance de la chambre du Bruxelles et d'Anvers ont considéré que l'ordonnance de la chambre du
conseil refusant de suspendre le prononcé n'était pas définitive, conseil refusant de suspendre le prononcé n'était pas définitive,
contrairement à celle qui fait droit à une demande en ce sens de contrairement à celle qui fait droit à une demande en ce sens de
l'inculpé. l'inculpé.
A.2. Il n'y a pas de différence de traitement entre l'inculpé et la A.2. Il n'y a pas de différence de traitement entre l'inculpé et la
partie civile. Lorsque la chambre du conseil accorde la suspension du partie civile. Lorsque la chambre du conseil accorde la suspension du
prononcé, la partie civile ne dispose d'aucun moyen de recours; prononcé, la partie civile ne dispose d'aucun moyen de recours;
lorsqu'elle refuse de faire droit à cette demande, l'inculpé ne lorsqu'elle refuse de faire droit à cette demande, l'inculpé ne
dispose pas davantage d'une voie de recours. Les droits de l'inculpé dispose pas davantage d'une voie de recours. Les droits de l'inculpé
et de la partie civile sont donc comparables et il n'y a pas de et de la partie civile sont donc comparables et il n'y a pas de
violation des articles 10 et 11 de la Constitution. violation des articles 10 et 11 de la Constitution.
A.3. Quant à la différence de traitement entre le ministère public et A.3. Quant à la différence de traitement entre le ministère public et
l'inculpé, elle est inexistante dans l'hypothèse où la chambre du l'inculpé, elle est inexistante dans l'hypothèse où la chambre du
conseil accorde le bénéfice de la suspension du prononcé : en vertu de conseil accorde le bénéfice de la suspension du prononcé : en vertu de
l'article 4, § 2, de la loi du 29 juin 1964, l'un et l'autre peuvent l'article 4, § 2, de la loi du 29 juin 1964, l'un et l'autre peuvent
faire opposition à l'ordonnance de la chambre du conseil pour le motif faire opposition à l'ordonnance de la chambre du conseil pour le motif
que les conditions d'octroi de la suspension ne sont pas réunies. que les conditions d'octroi de la suspension ne sont pas réunies.
A.4.1. En revanche, lorsque la chambre du conseil refuse d'octroyer la A.4.1. En revanche, lorsque la chambre du conseil refuse d'octroyer la
suspension du prononcé, l'inculpé ne dispose d'aucun moyen de recours, suspension du prononcé, l'inculpé ne dispose d'aucun moyen de recours,
au contraire du ministère public qui, en vertu de l'article 135 du au contraire du ministère public qui, en vertu de l'article 135 du
Code d'instruction criminelle, peut faire opposition contre les Code d'instruction criminelle, peut faire opposition contre les
ordonnances de non-lieu ou de renvoi rendues par la chambre du ordonnances de non-lieu ou de renvoi rendues par la chambre du
conseil, éventuellement suite au refus de la suspension du prononcé. conseil, éventuellement suite au refus de la suspension du prononcé.
A.4.2. Cette différence de traitement repose sur un critère objectif : A.4.2. Cette différence de traitement repose sur un critère objectif :
comme la Cour l'a relevé dans ses arrêts nos 82/94 et 22/95, la comme la Cour l'a relevé dans ses arrêts nos 82/94 et 22/95, la
circonstance que le ministère public accomplit dans l'intérêt de la circonstance que le ministère public accomplit dans l'intérêt de la
société les missions de service public relatives à la recherche et à société les missions de service public relatives à la recherche et à
la poursuite des infractions et qu'il exerce l'action publique, et que la poursuite des infractions et qu'il exerce l'action publique, et que
l'inculpé défende son intérêt personnel, justifie raisonnablement que l'inculpé défende son intérêt personnel, justifie raisonnablement que
le premier jouisse de prérogatives dont la constitutionnalité ne peut le premier jouisse de prérogatives dont la constitutionnalité ne peut
être appréciée en procédant à une comparaison de sa situation avec être appréciée en procédant à une comparaison de sa situation avec
celle du second. Aux termes d'un arrêt plus récent, n° 49/97, cette celle du second. Aux termes d'un arrêt plus récent, n° 49/97, cette
différence objective existe non seulement pendant l'instruction différence objective existe non seulement pendant l'instruction
préparatoire, mais pendant toute l'action publique. En outre, selon le préparatoire, mais pendant toute l'action publique. En outre, selon le
même arrêt, le droit à un procès équitable et le principe de l'égalité même arrêt, le droit à un procès équitable et le principe de l'égalité
des armes n'ont pas une portée telle qu'ils interdiraient toute des armes n'ont pas une portée telle qu'ils interdiraient toute
différence de traitement entre le ministère public et l'inculpé. différence de traitement entre le ministère public et l'inculpé.
A.4.3. La règle en cause a pour but d'éviter un débat sur le fond de A.4.3. La règle en cause a pour but d'éviter un débat sur le fond de
l'affaire devant la chambre des mises en accusation. Dans ses arrêts l'affaire devant la chambre des mises en accusation. Dans ses arrêts
précités, la Cour d'arbitrage a admis qu'il n'y avait pas de violation précités, la Cour d'arbitrage a admis qu'il n'y avait pas de violation
des articles 10 et 11 de la Constitution dans la mesure où l'inculpé des articles 10 et 11 de la Constitution dans la mesure où l'inculpé
ne peut pas faire valoir devant la chambre des mises en accusation ne peut pas faire valoir devant la chambre des mises en accusation
l'absence de charges justifiant son renvoi. De même, en l'espèce, les l'absence de charges justifiant son renvoi. De même, en l'espèce, les
articles 10 et 11 de la Constitution ne sont pas violés dans la mesure articles 10 et 11 de la Constitution ne sont pas violés dans la mesure
où l'inculpé ne peut s'opposer à un refus de la chambre du conseil où l'inculpé ne peut s'opposer à un refus de la chambre du conseil
d'accorder la suspension du prononcé, étant donné qu'une pareille d'accorder la suspension du prononcé, étant donné qu'une pareille
demande en degré d'appel engendrerait un débat sur le fond de demande en degré d'appel engendrerait un débat sur le fond de
l'affaire comme dans l'hypothèse où l'inculpé ferait valoir l'affaire comme dans l'hypothèse où l'inculpé ferait valoir
l'insuffisance des charges. l'insuffisance des charges.
Même si la chambre du conseil refuse le bénéfice de la suspension du Même si la chambre du conseil refuse le bénéfice de la suspension du
prononcé, l'inculpé pourra faire valoir ses arguments devant les prononcé, l'inculpé pourra faire valoir ses arguments devant les
juridictions de jugement (article 3 de la loi du 29 juin 1964). En juridictions de jugement (article 3 de la loi du 29 juin 1964). En
revanche, si la chambre du conseil accorde la suspension du prononcé, revanche, si la chambre du conseil accorde la suspension du prononcé,
il serait porté préjudice à l'action publique si le ministère public il serait porté préjudice à l'action publique si le ministère public
ne disposait pas d'un droit d'appel. ne disposait pas d'un droit d'appel.
La différence de traitement est donc raisonnablement justifiée et il La différence de traitement est donc raisonnablement justifiée et il
existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens
employés, à savoir l'absence d'un recours contre le refus d'octroi de employés, à savoir l'absence d'un recours contre le refus d'octroi de
la suspension du prononcé, et le but visé, à savoir éviter un débat la suspension du prononcé, et le but visé, à savoir éviter un débat
sur le fond devant la chambre des mises en accusation. sur le fond devant la chambre des mises en accusation.
A.5. Enfin, le projet de loi relatif à l'amélioration de la procédure A.5. Enfin, le projet de loi relatif à l'amélioration de la procédure
pénale au stade de l'information et de l'instruction prévoit une pénale au stade de l'information et de l'instruction prévoit une
rédaction nouvelle de l'article 135 du Code d'instruction criminelle, rédaction nouvelle de l'article 135 du Code d'instruction criminelle,
qui n'instaure pas le droit d'appel en discussion dans la présente qui n'instaure pas le droit d'appel en discussion dans la présente
cause. Selon ce texte, « l'inculpé peut [...] interjeter appel [des cause. Selon ce texte, « l'inculpé peut [...] interjeter appel [des
ordonnances prévues aux articles 129 et 130 du Code d'instruction ordonnances prévues aux articles 129 et 130 du Code d'instruction
criminelle] s'il existe une cause d'irrecevabilité ou d'extinction de criminelle] s'il existe une cause d'irrecevabilité ou d'extinction de
l'action publique ». l'action publique ».
- B - - B -
B.1. L'article 135 du Code d'instruction criminelle dispose : B.1. L'article 135 du Code d'instruction criminelle dispose :
« Le procureur du Roi et la partie civile peuvent interjeter appel des « Le procureur du Roi et la partie civile peuvent interjeter appel des
ordonnances rendues conformément aux articles 128, 129 et 130, dans ordonnances rendues conformément aux articles 128, 129 et 130, dans
les vingt-quatre heures. Ce délai court contre le procureur du Roi à les vingt-quatre heures. Ce délai court contre le procureur du Roi à
compter de l'ordonnance et contre la partie civile à compter du jour compter de l'ordonnance et contre la partie civile à compter du jour
où l'ordonnance lui a été signifiée au domicile par elle élu dans le où l'ordonnance lui a été signifiée au domicile par elle élu dans le
lieu où siège le tribunal. » lieu où siège le tribunal. »
L'article 539 de ce même Code énonce : L'article 539 de ce même Code énonce :
« Lorsque l'inculpé, le prévenu ou l'accusé, l'officier chargé du « Lorsque l'inculpé, le prévenu ou l'accusé, l'officier chargé du
ministère public ou la partie civile, aura excipé de l'incompétence ministère public ou la partie civile, aura excipé de l'incompétence
d'un tribunal de première instance ou d'un juge d'instruction, ou d'un tribunal de première instance ou d'un juge d'instruction, ou
proposé un déclinatoire, soit que l'exception ait été admise ou proposé un déclinatoire, soit que l'exception ait été admise ou
rejetée, nul ne pourra recourir à la Cour de cassation pour être réglé rejetée, nul ne pourra recourir à la Cour de cassation pour être réglé
de juges; sauf à se pourvoir devant la cour d'appel contre la décision de juges; sauf à se pourvoir devant la cour d'appel contre la décision
portée par le tribunal de première instance ou le juge d'instruction, portée par le tribunal de première instance ou le juge d'instruction,
et à se pourvoir en cassation, s'il y a lieu, contre l'arrêt rendu par et à se pourvoir en cassation, s'il y a lieu, contre l'arrêt rendu par
la cour d'appel. » la cour d'appel. »
B.2. Il résulte de ces dispositions que l'inculpé ne peut interjeter B.2. Il résulte de ces dispositions que l'inculpé ne peut interjeter
appel de l'ordonnance le renvoyant devant la juridiction de jugement appel de l'ordonnance le renvoyant devant la juridiction de jugement
que s'il a soulevé une exception d'incompétence devant la chambre du que s'il a soulevé une exception d'incompétence devant la chambre du
conseil et qu'en revanche, le procureur du Roi et la partie civile conseil et qu'en revanche, le procureur du Roi et la partie civile
peuvent interjeter appel des ordonnances qui font obstacle à la peuvent interjeter appel des ordonnances qui font obstacle à la
poursuite de l'action publique sans que la recevabilité de leur poursuite de l'action publique sans que la recevabilité de leur
recours soit limitée aux contestations de compétence. recours soit limitée aux contestations de compétence.
B.3. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la B.3. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la
non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit
établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose
sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant
compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la
nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé
lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de
proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.4. Il existe, entre le ministère public et l'inculpé, une différence B.4. Il existe, entre le ministère public et l'inculpé, une différence
fondamentale qui repose sur un critère objectif : le premier fondamentale qui repose sur un critère objectif : le premier
accomplit, dans l'intérêt de la société, les missions de service accomplit, dans l'intérêt de la société, les missions de service
public relatives à la recherche et à la poursuite des infractions public relatives à la recherche et à la poursuite des infractions
(articles 22 à 47 du Code d'instruction criminelle) et il exerce (articles 22 à 47 du Code d'instruction criminelle) et il exerce
l'action publique (article 138 du Code judiciaire); le second défend l'action publique (article 138 du Code judiciaire); le second défend
son intérêt personnel. Cette différence justifie raisonnablement que, son intérêt personnel. Cette différence justifie raisonnablement que,
jusqu'à la saisine de la chambre du conseil, le ministère public jusqu'à la saisine de la chambre du conseil, le ministère public
jouisse de prérogatives dont la constitutionnalité ne peut être jouisse de prérogatives dont la constitutionnalité ne peut être
appréciée en procédant à une comparaison de sa situation avec celle de appréciée en procédant à une comparaison de sa situation avec celle de
l'inculpé. l'inculpé.
B.5. Toutefois, dès lors que le législateur instaure à l'issue de B.5. Toutefois, dès lors que le législateur instaure à l'issue de
l'instruction une procédure devant la chambre du conseil, nettement l'instruction une procédure devant la chambre du conseil, nettement
distincte de celle qui se déroule devant la juridiction de jugement, distincte de celle qui se déroule devant la juridiction de jugement,
qu'il permet un débat contradictoire entre le ministère public et qu'il permet un débat contradictoire entre le ministère public et
l'inculpé, qu'il permet à la partie civile, qui défend des intérêts l'inculpé, qu'il permet à la partie civile, qui défend des intérêts
privés, de prendre part à ce débat et qu'enfin il organise un recours privés, de prendre part à ce débat et qu'enfin il organise un recours
contre la décision de la chambre du conseil, l'étendue de ce recours contre la décision de la chambre du conseil, l'étendue de ce recours
ne peut varier selon la personne qui l'exerce que si cette inégalité ne peut varier selon la personne qui l'exerce que si cette inégalité
de traitement est objectivement et raisonnablement justifiée. de traitement est objectivement et raisonnablement justifiée.
B.6. La situation différente du ministère public et de l'inculpé B.6. La situation différente du ministère public et de l'inculpé
justifie raisonnablement que, si l'instruction se termine par une justifie raisonnablement que, si l'instruction se termine par une
ordonnance de non-lieu qui met fin à l'action pénale dont le ministère ordonnance de non-lieu qui met fin à l'action pénale dont le ministère
public a la charge, celui-ci puisse, dans l'exercice de la mission public a la charge, celui-ci puisse, dans l'exercice de la mission
légale qui est la sienne, faire valoir en degré d'appel notamment légale qui est la sienne, faire valoir en degré d'appel notamment
l'existence de charges qu'il estime suffisantes pour renvoyer l'existence de charges qu'il estime suffisantes pour renvoyer
l'inculpé devant la juridiction de jugement, tandis que l'inculpé ne l'inculpé devant la juridiction de jugement, tandis que l'inculpé ne
dispose pas de la même voie de recours contre une ordonnance de dispose pas de la même voie de recours contre une ordonnance de
renvoi. renvoi.
L'ordonnance de non-lieu, en effet, met fin à l'action publique et ne L'ordonnance de non-lieu, en effet, met fin à l'action publique et ne
permet au ministère public de reprendre celle-ci qu'en requérant la permet au ministère public de reprendre celle-ci qu'en requérant la
réouverture de l'instruction en raison de charges nouvelles. réouverture de l'instruction en raison de charges nouvelles.
L'ordonnance de renvoi, au contraire, permet à l'inculpé de faire L'ordonnance de renvoi, au contraire, permet à l'inculpé de faire
valoir tous ses moyens de défense devant le juge du fond. valoir tous ses moyens de défense devant le juge du fond.
Les mêmes motifs justifient que la partie civile dispose du même Les mêmes motifs justifient que la partie civile dispose du même
recours que le ministère public puisqu'une ordonnance de non-lieu met recours que le ministère public puisqu'une ordonnance de non-lieu met
fin, pour elle aussi, à l'action pénale sur laquelle elle a greffé son fin, pour elle aussi, à l'action pénale sur laquelle elle a greffé son
action civile et qu'elle ne peut poursuivre celle-ci que devant le action civile et qu'elle ne peut poursuivre celle-ci que devant le
juge civil. juge civil.
En ne permettant pas à l'inculpé de faire valoir, devant la chambre En ne permettant pas à l'inculpé de faire valoir, devant la chambre
des mises en accusation, qu'il n'existe pas de charges suffisantes des mises en accusation, qu'il n'existe pas de charges suffisantes
pour le renvoyer devant la juridiction de jugement, le législateur a pour le renvoyer devant la juridiction de jugement, le législateur a
pris une mesure qui repose sur un critère objectif. Elle est en pris une mesure qui repose sur un critère objectif. Elle est en
rapport avec le but poursuivi, qui est d'organiser un système de rapport avec le but poursuivi, qui est d'organiser un système de
répression des infractions qui soit efficace sans sacrifier les droits répression des infractions qui soit efficace sans sacrifier les droits
de défense; elle n'est pas disproportionnée à cet objectif. de défense; elle n'est pas disproportionnée à cet objectif.
B.7. La situation différente du ministère public et de la partie B.7. La situation différente du ministère public et de la partie
civile, d'une part, de l'inculpé, d'autre part, décrite au B.6, ne civile, d'une part, de l'inculpé, d'autre part, décrite au B.6, ne
suffit cependant pas à justifier en tous points cette différence de suffit cependant pas à justifier en tous points cette différence de
traitement. traitement.
B.8.1. En limitant le recours offert à l'inculpé contre une décision B.8.1. En limitant le recours offert à l'inculpé contre une décision
de renvoi aux seules exceptions d'incompétence, alors que le ministère de renvoi aux seules exceptions d'incompétence, alors que le ministère
public et la partie civile peuvent invoquer tous les moyens en appel public et la partie civile peuvent invoquer tous les moyens en appel
d'une ordonnance de non-lieu de la chambre du conseil, le législateur d'une ordonnance de non-lieu de la chambre du conseil, le législateur
a pris une mesure disproportionnée à l'objectif qu'il poursuit. a pris une mesure disproportionnée à l'objectif qu'il poursuit.
B.8.2. Dans son arrêt n° 22/95, la Cour a constaté qu'il n'est pas B.8.2. Dans son arrêt n° 22/95, la Cour a constaté qu'il n'est pas
justifié de refuser à l'inculpé le droit d'introduire un recours et justifié de refuser à l'inculpé le droit d'introduire un recours et
d'invoquer des moyens qui, s'ils étaient reconnus fondés, seraient de d'invoquer des moyens qui, s'ils étaient reconnus fondés, seraient de
nature à mettre réellement un terme à l'action publique, tels les nature à mettre réellement un terme à l'action publique, tels les
moyens pris de la prescription ou alléguant que l'accusation se fonde moyens pris de la prescription ou alléguant que l'accusation se fonde
de manière déterminante sur des éléments entachés d'irrégularités de de manière déterminante sur des éléments entachés d'irrégularités de
procédure. Il est, en effet, de l'intérêt de la société que le procédure. Il est, en effet, de l'intérêt de la société que le
ministère public représente, de la partie civile et de l'inculpé de ministère public représente, de la partie civile et de l'inculpé de
permettre à chacun de faire valoir, devant la juridiction permettre à chacun de faire valoir, devant la juridiction
d'instruction, pour autant qu'ils soient de nature à mettre un terme à d'instruction, pour autant qu'ils soient de nature à mettre un terme à
l'action publique, des irrégularités de procédure ou d'autres motifs, l'action publique, des irrégularités de procédure ou d'autres motifs,
à l'exception de l'insuffisance des charges. à l'exception de l'insuffisance des charges.
B.9. Cette constatation n'autorise pas à conclure qu'il faut permettre B.9. Cette constatation n'autorise pas à conclure qu'il faut permettre
à l'inculpé d'exercer un recours contre la décision de la chambre du à l'inculpé d'exercer un recours contre la décision de la chambre du
conseil lui refusant la suspension du prononcé et le renvoyant devant conseil lui refusant la suspension du prononcé et le renvoyant devant
la juridiction de jugement. la juridiction de jugement.
S'il en était ainsi, la chambre des mises en accusation serait S'il en était ainsi, la chambre des mises en accusation serait
contrainte non seulement à un examen du bien-fondé de l'argumentation contrainte non seulement à un examen du bien-fondé de l'argumentation
avancée par l'inculpé à l'appui de cette demande, mais à un examen du avancée par l'inculpé à l'appui de cette demande, mais à un examen du
fondement des poursuites mêmes. fondement des poursuites mêmes.
B.10. La question préjudicielle appelle une réponse négative. B.10. La question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs, Par ces motifs,
la Cour la Cour
dit pour droit : dit pour droit :
L'article 135 du Code d'instruction criminelle, lu en combinaison avec L'article 135 du Code d'instruction criminelle, lu en combinaison avec
l'article 539 du même Code, ne viole pas les articles 10 et 11 de la l'article 539 du même Code, ne viole pas les articles 10 et 11 de la
Constitution en ce que, en dehors de l'hypothèse visée par cet article Constitution en ce que, en dehors de l'hypothèse visée par cet article
539, il ne permet pas à l'inculpé d'exercer un recours à l'encontre 539, il ne permet pas à l'inculpé d'exercer un recours à l'encontre
d'une décision de la chambre du conseil lui refusant le bénéfice de la d'une décision de la chambre du conseil lui refusant le bénéfice de la
suspension du prononcé de la condamnation. suspension du prononcé de la condamnation.
Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise,
conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur
la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 18 mars 1998. la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 18 mars 1998.
Le greffier, Le greffier,
L. Potoms. L. Potoms.
Le président, Le président,
M. Melchior. M. Melchior.
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