publié le 09 mars 1999
Conseil de la Concurrence. - Décision du 12 janvier 1999, n° 99-C/C-01 En cause Air Liquide S.A., société anonyme de droit français sise Quai d'Orsay 78, à 75.007 Paris, France, l'acquéreur et The Boc Group B.V., société anonyme de d The Boc Group S.A., société anonyme de droit français sise Zone industrielle à 68220 Hesingue, Fran(...)
MINISTERE DES AFFAIRES ECONOMIQUES
Conseil de la Concurrence. - Décision du 12 janvier 1999, n° 99-C/C-01 En cause Air Liquide S.A., société anonyme de droit français sise Quai d'Orsay 78, à 75.007 Paris, France, l'acquéreur et The Boc Group B.V., société anonyme de droit hollandais sise Steenstraat 7, à 5107 Dongen, Pays-Bas, The Boc Group S.A., société anonyme de droit français sise Zone industrielle à 68220 Hesingue, France, les vendeurs.
Vu la notification de la concentration en date du 3 décembre 1998.
Vu le rapport du Service de la concurrence transmis au Conseil le 22 décembre 1998 ainsi que le dossier d'instruction.
Vu le mémoire en réponse déposé par les parties notifiantes le 8 janvier 1999.
Vu la note d'observation transmise par la N.V. Praxair le 8 janvier 1999.
Entendu à l'audience du 12 janvier 1999 - Air products, représentée par MM. Richard Smith et Morrison-Bell, et leur conseil, Me Alexandre Vandencasteele; - Praxair N.V., représentée par MM. Tiard et Schyns, et leur conseil, Me François Renard; - les parties notifiantes, représentées par MM. Bretesché, Govers, Blamoutier (pour Air Liquide) et M. Werner (pour Boc) et leurs conseils Mes Wytinck, Verdonck et Ronse;
Entendu le Service de la concurrence dans l'exposé de son rapport;
A) Description des parties à l'opération.
La société Air Liquide a pour activité la fabrication et la commercialisation de gaz industriels.
Elle fournit au départ de différentes unités de production, situées notamment en Belgique, de l'oxygène, de l'azote, de l'hydrogène ainsi que d'autres produits, à diverses entreprises. Ces gaz sont fournis soit en bonbonnes, soit en vrac (camions ou wagons citernes) ou par pipeline.
En Belgique, cette société est active via sa filiale Air Liquide Belge, établie rue des vennes 374 à 4020 Liège.
Les sociétés Boc Group sont des sociétés de Holding disposant de participations dans plusieurs sociétés actives dans le secteur des gaz industriels et les technologies du vide.
B) Nature de l'opération.
Air Liquide acquiert au Benelux, en France et en Allemagne les activités de Boc, liées à la fourniture de gaz à usage industriel.
La concentration est réalisée par l'acquisition de 100% des actions de cinq filiales de Boc, à savoir : - Boc N.V. Zaventem, qui achète généralement à Boc Gas N.V., et vend des gaz liquides; - Boc Cylinder Gas N.V. - Herenthout, qui dispose d'un centre de conditionnement chargé de remplir des bonbonnes de gaz et de les vendre; - Boc Gas B.V. à Hoek (Pays-Bas), active dans la production, la compression et la vente de gaz industriels; - Boc Gaz S.A. Paris est active dans la vente en vrac de gaz industriels à un nombre limité de clients dans le Nord de la France; - Boc Gase GmbH - Bopfingen (Allemagne) commercialise le gaz en grande masse, en vrac et en bonbonnes.
La convention a été signée le 26 novembre 1998 et notifiée au Service de la concurrence le 3 décembre 1998, dans le délai prescrit par la loi.
Attendu que les parties notifiantes sont des entreprises au sens de la loi;
Que les seuils, tant en chiffres d'affaires qu'en parts de marché, sont atteints et ce quelle que soit la définition du marché (voir infra);
Que la concentration tombe dans le champ d'application de la loi.
C) Les marchés.
Attendu que, selon les parties, la fabrication et la commercialisation de gaz industriels se décompose en trois marchés caractérisés par trois modes de livraison différents : 1. fourniture de produits gazeux en bonbonnes;c'est à dire la mise à la disposition des clients de bonbonnes remplies et livrées depuis le centre de conditionnement du fournisseur. Ces clients, qui sont de "petits utilisateurs", sont très diversifiés; 2. fourniture de gaz liquéfiés en vrac, par transport cryogénique, dans des camions ou wagons citernes.Le gaz est livré dans les cuves du client, qui l'utilise, soit sous forme liquide, soit après l'avoir vaporisé; 3. livraison de produits gazeux par canalisation (marché dit de grande masse) à de très gros utilisateurs.Selon les cas, il est possible d'installer directement sur les sites des clients des petites unités de production.
Les parties notifiantes estiment que seuls les deux premiers marchés décrits ci-dessus sont affectés par l'opération, puisque Boc n'est pas présente en Belgique sur le marché de grande masse.
Il n'est pas contesté que sur ce marché de grande masse, Air Liquide est le leader en Belgique.
Attendu que les deux concurrents qui ont été entendus estiment quant à eux, à titre principal qu'il n'existe qu'un seul marché - celui du gaz industriel - dont les trois segments s'influencent mutuellement et que par conséquent, l'opération projetée renforce considérablement la position - déjà dominante - d'Air Liquide;
Qu'à titre subsidiaire, si la définition étroite du marché était retenue, ils estiment que l'apport des installations de Boc à la puissance économique d'Air Liquide renforcerait suffisamment la position d'Air Liquide pour, à terme, avoir pour effet le retrait de certains concurrents "plus suffisamment compétitifs".
Attendu que sur la base de ces observations, le Service reconnaissait (page 10 de son rapport) que s'il était avéré que la position détenue sur le marché de grandes masses pouvait influencer la position concurrentielle d'Air Liquide sur le marché global, par l'effet de l'acquisition du site de Terneuzen et sa connexion possible au réseau de canalisations existant, l'opération notifiée pouvait soulever des doutes sérieux quant à son admissibilité; le Service proposant en conséquence d'engager la procédure prévue par l'article 33, §3, de la loi.
Attendu que l'instruction d'audience a mis en lumière de manière suffisamment probante que contrairement aux craintes exprimées par les deux intervenants, l'opération n'a pas pour effet le renforcement de la position dominante d'Air Liquide sur le marché, quelle que soit la définition retenue;
Qu'à l'issue de cette instruction, le Service a d'ailleurs modifié la conclusion de son rapport et a proposé au Conseil de constater que l'opération ne soulève pas de doute sérieux quant à son admissibilité;
Qu'en effet, il est apparu - que les actifs acquis en Belgique étaient assez limités et consistaient principalement en un centre de conditionnement des gaz, quelques camions et unités de stockage; - que la seule unité de production acquise, située à Terneuzen, était dédiée à plus de (...) % aux Pays-Bas, où Air Liquide ne possède aucune unité de production; - que les unités de production d'Air Liquide en Belgique ont des capacités excédentaires par rapport au marché belge et qu'il n'y a donc aucun intérêt à dévier la production de Terneuzen vers la Belgique, (...); - que la probabilité de basculement des clients vrac vers la distribution de grande masse est très limitée (Air Liquide expose qu'en dix ans, sur (...) clients "vrac", seuls (...) ont étés raccordés à son réseau de canalisations; - qu'une proportion importante de clients vrac ne pourront jamais se connecter au réseau de canalisations car ils utilisent le gaz sous forme liquide; - qu'en ce qui concerne l'implantation de petites ou moyennes unités de production sur le site même du client, le marché est totalement ouvert et il existe des exemples où une telle unité est installée à proximité de canalisations d'Air Liquide par l'un ou l'autre de ses concurrents; - que d'autres concurrents interrogés rappellent que le marché est "ultra concurrentiel" et que l'opération projetée ne modifiera en rien l'état actuel de la concurrence en Belgique (doc. 77.298); - que les clients interrogés par le Service ont confirmé qu'il existe beaucoup d'alternatives et qu'ils pouvaient facilement passer d'un fournisseur à un autre.
Attendu que pour l'ensemble de ces raisons, le Conseil estime que la concentration n'aura pas pour effet l'acquisition ou le renforcement d'une position dominante qui entraverait de manière significative une concurrence effective sur les marchés belges concernés ou sur une partie de ceux-ci.
Par ces motifs, Le Conseil de la concurrence constate que la concentration ne soulève pas de doutes sérieux quant à son admissibilité et décide de ne pas s'y opposer.
Ainsi statué le 12 janvier 1999 par la chambre du Conseil de la concurrence composée de Mme Marie-Claude Grégoire, Président de la chambre, MM. Bernard Dauchot, Bernard Remiche et Patrick Van Cayseele, membres.