publié le 29 juin 2009
Conseil de la concurrence. - Décision n° 2009-P/K-10 du 26 mai 2009. - Affaire CONC-P/K-05/0065 : Base/BMB I. Procédure II. Entreprise incriminée et objet du rapport III. Questions de procédure 3.1. La position des tiers 3.2.1 Les pe 3.2.2 Moyen concernant la phase d'instruction 3.2.3 Moyen concernant la communication publique p(...)
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Conseil de la concurrence. - Décision n° 2009-P/K-10 du 26 mai 2009. - Affaire CONC-P/K-05/0065 : Base/BMB I. Procédure II. Entreprise incriminée et objet du rapport III. Questions de procédure 3.1. La position des tiers 3.2.1 Les perquisitions 3.2.2 Moyen concernant la phase d'instruction 3.2.3 Moyen concernant la communication publique par l'auditorat 3.2.4 Moyen concernant les informations confidentielles venant des tiers IV. Marché en cause 4.1. Le secteur des télécommunications mobiles et la coexistence de la régulation et de la législation sur la concurrence 4.1.1 Contexte général 4.1.2 La régulation des charges de terminaison 4.2. Analyse du marché sous l'angle des règles de concurrence 4.2.1. Marché des produits : marché de détail 4.2.2. Marchés des produits : marché de gros 4.2.3. Marché géographique 4.2.4. Conclusion en ce qui concerne l'analyse du marché V. Commerce entre états membres VI. L'existence d'une position dominante 6.1. Les parts de marché 6.2. Autres facteurs 6.3. Conclusion en ce qui concerne la position dominante VII. Les griefs 7.1. La politique de rabais 7.1.1. Les arguments des parties 7.1.2. Examen par le Conseil 7.2. Les autres griefs 7.2.1 Introduction : la tarification on-net et l'unité économique 7.2.2 Le caractère abusif de la tarification on-net 7.2.3 L'amenuisement des marges 1. L'application du test de ciseau tarifaire 2.La méthodologie 3. L'analyse de la marge dans le cas d'espèce 4.Les effets anticoncurrentiels 7.2.4 La discrimination entre les appels on-net et off-net 7.3. Conclusion au sujet de l'abus de position dominante VIII. Sanctions 8.1. Introduction 8.2. Procédure 8.3. Détermination de l'amende par le Conseil IX. Article 11 du Règl. 1/2003 I. Procédure 1. Le 7 octobre 2005, une plainte a été déposée auprès du Conseil de la concurrence par la société Base SA ayant son siège social à Woluwé-Saint-Lambert (ci-après : Base).Cette plainte a été enregistrée sous la référence CONC-P/K-05/0065. Base allègue que Belgacom Mobile, par ses pratiques d'exclusion, abuse de sa position dominante sur le marché de la fourniture de services de téléphonie mobile aux clients professionnels en violation avec l'article 3 de la Loi sur la protection de la concurrence économique (ci-après : « la LPCE ») et que Belgacom et Belgacom Mobile (ci-après : BMB) également par des pratiques d'exclusion, abusent de leur position dominante sur le marché des appels fixes vers mobiles en violation de l'article 3 de la LPCE. L'instruction de cette plainte a été menée au sein du Service de la concurrence. 2. Le 22 avril 2008, l'auditeur a déposé un rapport au Conseil, conformément à l'article 44 § 4 de la LPCE.L'affaire a été attribuée à la onzième chambre du Conseil. 3. Dans son rapport, l'auditeur demande au Conseil de constater que la plainte est recevable et de constater à titre principal que BMB dispose d'une position dominante sur le marché belge des services de téléphonie mobile pour clients professionnels ayant des exigences particulières au sens de l'article 1er, b) de la loi et à titre subsidiaire que BMB dispose d'une position dominante sur le marché belge des services de téléphonie mobile au sens du même article. Ensuite, l'auditeur demande au Conseil de constater que BMB dispose d'une position dominante sur le marché belge de la terminaison d'appel sur son réseau mobile au sens de l'article 1er, b) de la LPCE et que BMB a enfreint l'article 3 de la loi et 82 CE en exploitant de façon abusive cette position dominante par des pratiques restrictives de concurrence. L'auditeur retient plusieurs griefs à l'encontre de BMB (voir ci-après sous II.). 4. L'auditeur demande alors au Conseil d'ordonner que BMB cesse immédiatement les pratiques en cause dans la mesure où elles seraient toujours en cours et d'infliger à BMB, en application de l'article 36, § 1er de la loi, une amende qui tienne compte de la gravité des infractions constatées et de leur durée.5. Le 9 mai 2008, Base, le plaignant, demande au Conseil d'être entendu dans cette affaire conformément à l'article 48 § 5 LPCE.Base demande également une copie du rapport et l'accès au dossier. Les décisions prises à cet égard sont reprises ci-dessous sous 3.1. 6. Le 13 mai 2008, un premier calendrier est fixé pour le dépôt des observations écrites.7. Le 20 mai 2008 la société Mobistar SA (ci-après : Mobistar) demande au Conseil d'être entendue dans cette affaire conformément à l'article 48 § 5 LPCE.Elle demande également un accès au dossier et au rapport de l'auditeur. Les décisions prises à cet égard sont reprises ci-dessous sous 3.1. 8. A l'audience du 4 novembre 2008, la partie incriminée, BMB, l'auditeur et les tiers ont été entendus par la chambre.Lors de l'audience, il a été convenu que toutes les parties auraient encore la possibilité de déposer des observations écrites complémentaires afin de répondre, notamment, aux questions posées par la chambre (accès supplémentaire). Le 7 novembre 2008, les questions ont été transmises aux parties et les délais pour les observations écrites complémentaires ont été fixés.
A l'audience du 4 novembre 2008, et à sa demande, la chambre entend également des représentants de l'IBPT, l'Institut belge des services postaux et des télécommunications. L'IBPT a également déposé des réponses écrites à des questions formulées par la chambre. 9. Une deuxième audience a eu lieu le 18 décembre 2008.La partie incriminée, BMB, l'auditeur et les tiers ont été entendus par la chambre. 10. Après le dépôt du rapport et du dossier au Conseil, la chambre a pris connaissance des observations suivantes : BMB a déposé des observations le 18 juillet 2008, le 16 octobre 2008 et le 31 octobre 2008.Puis, des observations de synthèse ont été déposées le 4 novembre 2008. Suite à l'audience du 4 novembre 2008, BMB a déposé des observations complémentaires le 17 décembre 2008.
Après son rapport, l'auditeur a déposé des observations additionnelles le 22 septembre 2008 et le 23 octobre 2008. Il a déposé une version consolidée de son rapport incluant ses observations, le 31 octobre 2008. Ensuite, il a déposé des observations complémentaires le 28 novembre 2008. Base a déposé des observations écrites le 27 juin 2008 et le 28 novembre 2008. Mobistar a déposé des observations le 28 novembre 2008.
II. Entreprise incriminée et objet du rapport 11. Selon le rapport, les entreprises incriminées sont la société anonyme de droit public Belgacom (ci-après BGC), dont le siège social est situé à Schaerbeek, et la société anonyme Belgacom Mobile dont le siège social est situé à Saint-Josse-Ten-Noode.Belgacom (BGC) est l'opérateur historique du secteur des télécommunications, succédant à l'ancienne RTT. Belgacom Mobile (BMB) est une filiale à 100 % de BGC. Elle fournit des services de téléphonie mobile en Belgique sous la marque Proximus. 12. La plainte déposée par Base était orientée à la fois contre BMB et contre BGC.L'auditeur n'a cependant finalement retenu de griefs qu'à l'encontre de BMB. La plainte, en ce qu'elle visait des offres intégrées émanant de BMB et de BGC permettant d'appeler du poste fixe d'une entreprise des abonnés mobiles à des conditions tarifaires qualifiées par la plaignante de discriminatoires, et constitutives de ciseau tarifaire, n'est pas retenue par le rapport de l'auditeur.
Celui-ci relève en effet que ces éléments ne sont développés que de manière limitée dans la plainte de Base, et que les premiers éléments recueillis par le Service lors de l'instruction n'ont pas permis de confirmer les allégations de Base à cet égard. 13. Le rapport décrit d'abord le contexte historique de la téléphonie en général et de la téléphonie mobile en particulier et décrit également les difficultés que le plaignant, Base, a eu pour rentrer sur le marché des clients professionnels.14. Dans son rapport, l'auditeur retient plusieurs griefs contre BMB qu'il qualifie d'infractions à l'article 3 LPCE et/ou l'article 82 du Traité CE : 1) des différents rabais octroyés par BMB aux clients professionnels ayant des exigences particulières en raison de leur caractère fidélisant et de l'absence de justifications économiques suffisantes apportées par BMB à ce stade de la procédure et ce, pour la période 2002 à 2005 au moins (période ayant fait l'objet de l'instruction) sur le marché des services de téléphonie mobile pour clients professionnels ayant des exigences particulières;2) des coûts facturés par BMB pour la fourniture à des opérateurs tiers de son service de terminaison d'appel sur son propre réseau en raison de leur caractère discriminatoire, BMB n'appliquant pas aux opérateurs tiers désirant s'interconnecter pour la terminaison de trafic des conditions analogues à celles qu'elle se fournit à elle-même et ce pour la période 2002 à 2005 au moins;3) de l'imposition de prix de vente non équitables à des opérateurs tiers concernant son service de terminaison d'appel sur son propre réseau et ce pour la période 2002 à 2005 au moins;4) de l'existence d'un « ciseau tarifaire » résultant de la comparaison entre les prix de gros pratiqués par BMB sur le marché en amont (concernant la terminaison d'appel sur son réseau) et les services de détails correspondants facturés par BMB sur le marché en aval (le marché des services de téléphonie mobile pour clients professionnels ayant des exigences particulières) et ce, en ce qui concerne les années 2002, 2004 et 2005; 5) d'une discrimination abusive sur le marché des services de téléphonie mobile pour clients professionnels ayant des exigences particulières qui est le résultat d'une stratégie tarifaire basée sur une distinction entre les appels on-net et les appels off-net entraînant une différence tarifaire exagérée au regard des M.T.R. officiels et ne reposant sur aucun coût réel et ce pour la période 2002 à 2005 au moins.
III. Questions de procédure 3.1. La position des tiers 15. Le plaignant, Base, ainsi que Mobistar, ont demandé d'être entendus dans cette affaire.16. Dans sa décision du 2 juin 2008, la chambre traite des demandes du plaignant d'être entendu et de recevoir une copie du dossier.Les motifs de la décision sont repris ci-dessous. 17. Elle rappelle d'abord que dans le cadre de la procédure en matière de pratiques restrictives, régie par l'article 48 de la LPCE, le plaignant a un statut particulier par rapport aux autres tiers.Le Conseil entend les tiers qu'il estime nécessaire d'entendre (article 48, § 5, alinéa 2 de la LPCE) mais entend le plaignant à sa demande (article 48, § 5, alinéa 1er de la LPCE). Base sera donc entendu. 18. Base avait également demandé une copie du rapport de l'auditeur. Si la chambre du Conseil qui connaît de l'affaire l'estime nécessaire, le plaignant peut recevoir une version non-confidentielle du rapport de l'auditeur (article 48, § 1er, alinéa 1er de la LPCE). Dans le cas d'espèce, la chambre estime effectivement qu'il est nécessaire que Base, en tant que plaignant, puisse prendre connaissance de la version non-confidentielle du rapport. L'accès au rapport permet également au plaignant de formuler ses observations écrites en fonction des éléments retenus par l'auditeur. Dès lors, Base a reçu une version non-confidentielle du rapport de l'auditeur. 19. En ce qui concerne l'accès au dossier, le président de la chambre rejette la demande de Base dans une décision du 3 juin 2008.Les motifs de cette décision sont repris ci-dessous. 20. Selon l'article 48, § 2, alinéa 2 de la LPCE, le plaignant n'a en principe pas accès au dossier, sauf si le président de la chambre du Conseil qui connaît de l'affaire en décide autrement.21. En matière de pratiques restrictives, la LPCE contient une disposition explicite concernant l'accès au dossier pour les plaignants et autres tiers, contrairement aux règles en matière de concentrations ou encore dans les cas où le Conseil doit se prononcer sur le maintien de conditions imposées à des entreprises dans le cadre du contrôle des concentrations.22. En ce qui concerne l'exception qui peut être appliquée par le président de la chambre, la LPCE ne contient pas de critères pour déterminer dans quels cas cette exception peut s'appliquer.23. Tout d'abord, le président de la chambre rappelle que l'accès au dossier se situe dans le cadre de l'exercice des droits de la défense et du principe de l'égalité des armes.Ce droit vise donc à permettre la défense contre des griefs formulés par l'autorité de concurrence (voir l'article 27 du Règlement 1/2003, J.O.C.E. (2003), L 1 p. 1 et § 1, et 7 de la Communication de la Commission relative aux règles d'accès au dossier, J.O.C.E. (2005), C 325, p. 7; TPI 25 octobre 2005, affaire T-38/02, Groupe Danone; TPI 26 avril 2007, affaires jointes T-109/02 et autres, Bolloré). Sur cette base, l'accès est accordé aux entreprises auxquelles les griefs sont adressés.
La jurisprudence a établi que dès lors, les plaignants n'ont pas les mêmes droits que les parties en cause, puisqu'ils ne font pas l'objet de la procédure en cours devant l'autorité. Par conséquent, ils ne peuvent pas réclamer le droit à l'accès au dossier (Communication précitée, § 30 et TPI 15 juillet 1994, affaire T-17/93, Matra Hachette). 24. Le législateur belge a prévu une exception à cette règle.Une exception semblable n'existe pas au niveau européen sauf de façon limitée dans le cas spécifique où la Commission rejette la plainte (§ 31 de la Communication de la Commission cité ci-dessus).
Il suit du contexte européen et des principes sur lesquels l'accès est basé, que cette exception doit être interprétée de façon restrictive, afin de respecter le rôle distinct de chaque partie à la procédure devant le Conseil. En outre, le président de chambre distingue l'accès à la version non-confidentielle du rapport d'une part (l'équivalent de la communication des griefs au niveau européen) et l'accès au dossier d'autre part. 25. Dans une décision du 2 juin 2008 la chambre avait déjà estimé nécessaire que Base puisse prendre connaissance de la version non-confidentielle du rapport de l'auditeur. 26. Ce critère de nécessité se trouvant dans l'article 48, § 1er, deuxième alinéa de la LPCE, correspond aux critères évoqués par la Cour de Cassation dans son arrêt du 22 janvier 2008 dans l'affaire Tecteo (H.07.0001.F). Dans le contexte du contrôle des concentrations, la Cour a constaté que les tiers n'ont pas le droit d'avoir accès au rapport et au dossier mais que le Conseil peut autoriser l'accès à certains documents strictement nécessaires pour permettre à ces tiers de faire utilement connaître leur point de vue sur l'opération de la concentration notifiée et son impact sur la concurrence.
Selon le président de la chambre, il faut souligner que le cadre légal des pratiques restrictives et des concentrations est différent.
Néanmoins, en l'absence de critères légaux, cette jurisprudence peut être prise en considération par le Conseil dans la mesure où elle est inspirée des mêmes principes que les règles européennes en matière d'accès dans les procédures de pratiques restrictives. 27. Pour le président de la chambre, il découle clairement de l'article 48, § 2, alinéa 2 de la LPCE que l'accès au dossier constitue l'exception à la règle.Cette situation correspond au contexte européen et aux principes qui sont à la base de la jurisprudence de la Cour de Cassation précitée, selon lesquels l'accès au dossier est une composante des droits de la défense. 28. Les critères retenus par la Cour de Cassation dans son arrêt du 22 janvier 2008, peuvent être appliqués par analogie dans ce contexte.Le Conseil peut autoriser l'accès à certains documents strictement nécessaires pour permettre à ces tiers de faire utilement connaître leur point de vue sur l'opération de la concentration notifiée et son impact sur la concurrence. L'étendue de l'éventuel accès à des documents faisant partie du dossier du Conseil, doit être examinée dans le contexte de l'ensemble de la procédure, compte tenu de la nécessité de l'information du tiers et de la nature confidentielle des documents.
Dans cette affaire, le président de la chambre estime que l'accès au rapport est suffisant pour permettre à Base de faire connaître utilement son point de vue sur les griefs retenus par l'auditeur et les arguments sur lesquels ces griefs sont basés. La décision du 3 juin 2008 constate qu'un droit supplémentaire d'accès au dossier n'est pas nécessaire à ce stade de la procédure. 29. Le plaignant, Base, peut amener, sur base du rapport dont il prendra connaissance, des éléments factuels, économiques et/ou juridiques, qui peuvent être utiles pour la chambre.En tant que plaignant, il peut également informer la chambre sur les circonstances qui l'ont mené à déposer sa plainte. 30. Il faut rajouter, selon la décision du président de la chambre, que Base n'a pas invoqué de motifs spécifiques pour justifier sa demande d'accès au dossier.Elle fait uniquement référence à l'existence éventuelle d'éléments supplémentaires qui se seraient rajoutés aux éléments contenus dans sa plainte. Dans la mesure où ces éléments auraient été considérés pertinents par l'auditeur, ils doivent figurer dans son rapport et Base pourra donc en principe en prendre connaissance par l'accès à la version non-confidentielle du rapport qui lui a été accordé par la chambre. 31. Finalement, le président de la chambre remarque que, sur la base des critères de nécessité et d'utilité, il n'est pas exclu que le président de la chambre accorde l'accès à certains documents dans une phase ultérieure de la procédure, en fonction de nouveaux éléments qui seraient invoqués par la partie incriminée, par l'auditeur ou par un éventuel tiers à la procédure et sur la base desquels la chambre estimerait utile de prendre connaissance du point de vue de Base.32. Sur la base de ces considérations, le président de la chambre rejette la demande d'accès au dossier de Base.33. Dans une décision du 2 juin 2008, la chambre traite des demandes de Mobistar.Les motifs de cette décision sont repris ci-dessous.
Mobistar a fait valoir qu'elle est une partie directement intéressée justifiant d'un intérêt suffisant pour être entendue. D'abord, elle a été impliquée dans l'instruction du dossier, fournissant notamment des éléments de faits à l'auditeur suite à des demandes de renseignements.
Ensuite, elle considère que Belgacom Mobile est son concurrent principal et elle estime avoir été directement affectée dans ses intérêts commerciaux par le comportement présumé abusif de Belgacom.
Elle fait référence notamment à des charges de terminaison d'appel excessives et discriminatoires.
En ce qui concerne le droit d'être entendu, il faut rappeler que dans le cadre de la procédure en matière de pratiques restrictives, régie par l'article 48 de la LPCE, le Conseil entend les tiers qu'il estime nécessaire d'entendre (article 48, § 5, alinéa 2 de la LPCE). La chambre considère que Mobistar a démontré un intérêt suffisant et estime souhaitable et nécessaire d'entendre Mobistar en audience. 34. La deuxième demande de Mobistar, qui devait être évaluée par la chambre, consistait à recevoir une copie du rapport déposé par l'auditeur. Si la chambre du Conseil qui connaît de l'affaire l'estime nécessaire, le tiers qui sera entendu, peut recevoir une version non-confidentielle du rapport de l'auditeur (article 48, § 1er, alinéa 1er de la LPCE). Dans le cas d'espèce, la chambre estime effectivement qu'il est nécessaire que Mobistar, en tant que concurrent important de Belgacom Mobile, puisse prendre connaissance de la version non-confidentielle du rapport. L'accès au rapport permettra également à ce tiers de formuler ses observations écrites qui peuvent être rajoutées aux éléments que Mobistar a déjà apportés lors de l'instruction. Dès lors, Mobistar recevra une version non-confidentielle du rapport de l'auditeur. 35. Ensuite, le 3 juin 2008, le président de la chambre a rejeté la demande de Mobistar d'avoir accès au dossier.Les motifs de cette décision sont repris ci-dessous.
Mobistar fait valoir qu'elle est une partie directement intéressée et invoque les motifs suivants. D'abord, elle a répondu à des demandes de renseignements dans le cadre de l'instruction de l'affaire et elle a fourni des éléments de preuve à l'auditeur. Ensuite, elle prétend être affectée tout particulièrement par le comportement présumé abusif de Belgacom.
Tout d'abord, le président de la chambre rappelle que l'accès au dossier se situe dans le cadre de l'exercice des droits de la défense et du principe de l'égalité des armes. La jurisprudence a établi que dès lors, les plaignants n'ont pas les mêmes droits que les parties en cause, puisqu'ils ne font pas l'objet de la procédure en cours devant l'autorité. Par conséquent, ils ne peuvent pas réclamer le droit à l'accès au dossier. Ce principe vaut, a fortiori, pour les autres tiers.
Sur la base des mêmes considérations que dans le cas de Base, le président de la chambre estime que l'accès au rapport est suffisant pour permettre à Mobistar de faire connaître utilement son point de vue sur les griefs retenus par l'auditeur et les arguments sur lesquels ces griefs sont basés. Un droit supplémentaire d'accès au dossier, n'est pas nécessaire à ce stade de la procédure. Tout comme dans la décision concernant Base, le président de la chambre y rajoute qu'il n'est pas exclu que le président de la chambre accorde l'accès à certains documents dans une phase ultérieure de la procédure, en fonction de nouveaux éléments qui seraient invoqués par la partie incriminée, par l'auditeur ou par un éventuel tiers à la procédure et sur la base desquels la chambre estimerait utile de prendre connaissance du point de vue de Mobistar. 36. Dans ses observations écrites du 27 juin 2008, Base a réitéré sa demande d'accès au dossier et a demandé d'avoir accès à une version plus complète du rapport de l'auditeur. Pour autant que ces arguments de Base consistent à remettre en question des décisions prises auparavant par la chambre et par son président, il n'appartient pas à la chambre d'en prendre connaissance dans le cadre de sa décision sur le fond. Pour le surplus, pour autant que de besoin, la chambre rejette les demandes de Base sur base des mêmes motifs que ceux repris ci-dessus sous les nos 16 à 32. 37. En ce qui concerne la position des tiers, il fait rajouter que dans une phase ultérieure de la procédure, le président de la chambre a effectivement fait usage de la possibilité d'accorder un accès supplémentaire au dossier aux tiers suite à des nouveaux éléments soulevés par la partie incriminée et conformément à la réserve explicite qui était contenu à cet égard dans les décisions antérieures concernant l'accès (voir ci-dessus nos 31 et 35). Après la première audience, des questions écrites sont adressées aux parties dans un courrier de 7 novembre 2008 du président de la chambre comme convenu à l'audience du 4 novembre 2008. Un délai pour déposer des observations écrites est accordé à toutes les parties.
Le même jour, le président de la chambre décide de donner accès à Base et à Mobistar à certaines études économiques déposées par la partie incriminée. Les décisions donnent suite à la volonté de la chambre de prendre connaissance de la réaction des tiers par rapport à des nouvelles études qui sont potentiellement importantes pour l'analyse en droit de la concurrence que le Conseil doit faire et pour la question de la définition du marché pertinent. Dès lors, il était nécessaire que le président de la chambre donne, sur la base de l'article 48, § 2, LPCE, accès aux versions non confidentielles de ces documents. 38. Le Conseil tient à rappeler que la procédure devant l'autorité de concurrence est différente d'une procédure devant le juge en civil, tant au niveau de son organisation qu'au niveau de l'objectif poursuivi et des rôles respectifs des parties.Il est utile de rappeler cette différence particulièrement dans ce contexte puisque les mêmes entreprises présentes dans cette affaire sont régulièrement impliquées dans des litiges portés devant les juridictions ordinaires.
Base, en particulier, semble vouloir participer à un débat contradictoire devant le Conseil.
Cependant, la présente procédure a pour objectif de constater si la société BMB a enfreint les règles de concurrence. Le Conseil a une mission d'intérêt général et non pas une mission de protection de droits subjectifs. Il en découle notamment que Base n'est pas une partie à part entière à la procédure et que sa position est différente par rapport à la partie incriminée qui se défend contre les griefs retenus par l'auditeur. Cette différence est notamment à la base des considérations concernant l'accès au dossier. Elle implique aussi que le Conseil n'est pas tenu de répondre à tous les éléments de fait et de droit qui sont apportés par les tiers (Décision 2008-C/C-52 du Conseil du 1er octobre 2008, Kinepolis, n° 104 et les références qui y sont reprises). 3.2.1 Les perquisitions 39. BMB a invoqué plusieurs moyens ayant trait aux perquisitions effectuées lors de l'instruction du dossier.40. En ce qui concerne l'ordre de mission pour les perquisitions, BMB invoque qu'il était rédigé exclusivement en langue française et qu'il n'est pas clair si tous les agents néerlandophones participant aux perquisitions rencontraient le critère de bilinguisme.BMB reproche à l'auditeur de ne pas avoir précisé que les agents ont été informés dans leur langue maternelle. 41. L'auditeur conteste ce moyen et fait valoir qu'il n'est pas tenu à décrire l'organisation pratique de l'instruction dans le rapport déposé au Conseil et que les briefings et informations données aux agents participant aux perquisitions relève de l'organisation interne. Il indique que tous les agents ont été suffisamment informés préalablement. 42. L'article 23 de l'ancienne LPCE, qui était d'application au moment des perquisitions, précise que pour procéder à une perquisition, les fonctionnaires du service doivent être porteurs d'un ordre de mission spécifique délivré le Corps de rapporteurs.43. Il n'a pas été contesté dans ce cas, qu'un tel ordre de mission (qui figure dans le dossier du Conseil) a été rédigé et qu'il contient les noms des agents participant aux perquisitions ainsi que toutes les mentions requises par la loi.44. En ce qui concerne la langue de l'ordre de mission, BMB ne conteste donc pas en soi le fait qu'il soit rédigé en français mais doute si les agents étaient dans la capacité de comprendre son contenu.45. Il faut constater tout d'abord que l'ancienne LPCE ne contenait pas de dispositions au sujet des exigences linguistiques au niveau de l'ordre de mission.De plus, il n'a pas été motivé quel est le critère de bilinguisme que BMB invoque en ce qui concerne les agents du service. 46. L'article 23, § 5, au point 2), de l'ancienne LPCE précise que l'emploi des langues en ce qui concerne la rédaction de procès-verbaux, rapports, etc.est régi par l'article 11 de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. 47. Si l'on applique par analogie les principes contenus dans la loi précitée, qui visent avant tout d'assurer la compréhension de l'ordre par le personnel de l'entreprise, l'ordre de mission pouvait être rédigé en deux langues, français et néerlandais, puisque BMB est établie en région bruxelloise.48. La langue de la procédure, langue de la plainte déposée par Base, étant le français, et aucune disposition ne trouvant à s'appliquer qui justifierait le changement de langue lors de la rédaction de l'ordre de mission critiqué par BMB, c'est à bon droit que l'auditeur a fait usage de la langue française.Il n'apparaît pas du dossier que BMB ait demandé de changer la langue de la procédure. 49. Il incombe ensuite à l'auditeur de vérifier que les instructions soient bien comprises des agents chargés de la perquisition.Le Conseil estime que l'on ne peut déduire du simple fait que certains des nombreux agents présents aux perquisitions étaient néerlandophones, qu'ils n'aient pas saisi pour autant le contenu de leur mission. Au surplus, aucune indication a été fournie pour démontrer qu'un manque de compréhension quelconque dans le chef d'un agent individuel aurait eu des conséquences pour l'entreprise concernée. 50. BMB a également contesté le caractère général de l'ordre de mission et le fait qu'il présume l'existence d'une position dominante dans son chef.51. Le Conseil constate que l'ordre de mission répondait bien, en ce qui concerne son contenu, au prescrit légal, à savoir préciser l'objet et le but de la mission des agents chargés de la perquisition.Il contient un résumé de la plainte et mentionne les dispositions légales qui pourraient être enfreintes. 52. S'agissant de déterminer si des preuves d'une infraction alléguée à la LPCE existent ou non, il n'est pas illogique que l'ordre de mission précise quelle serait, le cas échéant et prima facie, cette infraction éventuelle.En l'absence d'une telle mention dans l'ordre de mission, l'autorité de concurrence ne pourrait pas respecter précisément l'obligation de décrire l'objet et le but de la perquisition. Une indication par rapport à l'infraction éventuelle de la loi, est essentielle, aussi en vue du contrôle de la légalité de la perquisition. 53. Finalement, BMB semble également vouloir contester le choix ou le caractère probant, ou l'utilité de la saisie de certains documents.Il est exact que l'auditeur ne se réfère pas expressément à tous les documents saisis; cependant, la chambre du Conseil en a pris connaissance et les a examinés. BMB ayant, elle aussi, eu l'occasion d'en prendre connaissance et copie, ne cite pas quels seraient les documents qui, selon elle, auraient été indûment saisis et en quoi cela pourrait porter atteinte à ses droits. Il paraît évident que la tâche de l'auditeur est de choisir quelles pièces seront finalement à la base de son rapport et quelles autres pièces seront éventuellement écartées. Par le biais de l'accès au dossier, BMB a analysé et discuté de tous les documents faisant partie du dossier déposé au Conseil. 54. Il apparaît également que BMB ayant eu l'occasion de faire valoir quels documents saisis contiendraient des secrets d'affaires et devraient être considérés comme confidentiels, elle ne justifie d'aucun dommage éventuel que lui aurait causé la perquisition à cet égard. Les moyens concernant les perquisitions sont rejetés. 3.2.2 Moyen concernant la phase d'instruction 55. BMB a soulevé des circonstances qu'elle a qualifiées, dans leur ensemble, de difficultés procédurales.En particulier, elle a insisté dans sa défense sur le manque de dialogue avec l'auditorat pendant l'instruction. Ce moyen comprend également différents aspects. De façon générale, l'entreprise se plaint du manque de concertation avec l'auditorat notamment sur le comportement concret qui lui était reproché, et plus spécifiquement de l'absence de prise de connaissance des griefs retenus avant le dépôt effectif du rapport au Conseil. BMB invoque dans ce contexte le devoir de l'auditeur d'effectuer une instruction en toute impartialité et en examinant les éléments à charge et à décharge.
Selon BMB, toutes ces circonstances portent atteinte à ses droits de défense. Dans ses dernières observations écrites et suite à des questions posées lors de l'audience du 4 novembre 2008, elle suggère au Conseil qu'il pourrait remédier à ces difficultés procédurales en ordonnant éventuellement une instruction complémentaire et en renvoyant le dossier à l'auditorat. 56. Il faut souligner tout d'abord, que la procédure à suivre en ce qui concerne les pratiques restrictives, ne prévoit plus, depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle LPCE, la communication des griefs par les auditeurs et la possibilité pour les parties d'y répondre avant le renvoi du dossier devant le Conseil.Dans ce cas, la nouvelle LPCE a été appliquée. Son application n'a pas été contestée par BMB. 57. La phase d'instruction a été clôturée par un rapport dans lequel plusieurs griefs sont retenus par l'auditeur à l'égard de BMB.Le dépôt du rapport et du dossier indique le moment où la partie incriminée peut exercer ses droits de défense, aussi bien par l'accès au dossier que par le dépôt d'observations écrites et à l'audience.
Dans cette affaire, BMB a déposé plusieurs observations écrites accompagnées de pièces et d'études. 58. Si les droits de défense doivent être assurés dans le cadre du débat contradictoire devant le Conseil, il est vrai que l'auditeur, tout comme la chambre du Conseil, doit faire preuve d'impartialité dans le cadre de la préparation et le traitement du dossier. Néanmoins, il n'y a pas d'éléments qui permettent de mettre en doute l'impartialité de l'auditeur. Le manque de concertation adéquate avec BMB, sur lequel l'entreprise insiste fortement, ne peut pas être une preuve de manque d'impartialité. 59. L'auditeur n'a pas d'obligation de rentrer dans des discussions avec la partie incriminée et de divulguer à ce stade quels seront les griefs qu'il envisage de retenir. Force est de constater d'ailleurs que le rapport répond déjà à des arguments que BMB a manifestement soulevé pendant la phase de l'instruction. Le Conseil ne voit pas en quoi l'auditeur aurait manqué à ses obligations, tenant compte du rôle que la loi lui a attribué et de la procédure comme elle est organisée par la nouvelle LPCE. En outre, le Conseil tient à préciser que c'est à tort que BMB invoque son droit à un dialogue avec l'auditeur, non seulement dans la phase de l'instruction mais également dans la phase devant le Conseil. Il est évident qu'un dialogue entre les parties, sans qu'il soit organisé par la chambre même qui traite du dossier, serait incompatible avec le système que la LPCE a mis en place et la responsabilité d'assurer le respect de la procédure, qui est une compétence de la chambre qui traite de l'affaire. 60. Par contre, BMB a raison de contester un élément concret, c'est à dire le contact qui a eu lieu entre le plaignant d'une part, et le Service et l'auditeur d'autre part, en date du 9 octobre 2008 après le dépôt du rapport au Conseil et sans en aviser la partie incriminée. Lors de ce contact un document a été transmis par Base. Par après, ce document est apparu par le biais d'une référence dans les observations écrites de l'auditeur. Il s'agissait d'une étude économique préparée pour BMB (et qualifiée de confidentielle) dans le cadre d'un litige devant le Tribunal de commerce. Le 24 octobre 2008, l'auditeur a soumis le courrier provenant du plaignant au conseil de BMB. 61. Le moyen concernant l'insuffisance de dialogue avec l'auditorat n'est pas fondée.Dès lors, le Conseil ne doit pas se prononcer sur les remèdes suggérés par BMB. Le document communiqué par le plaignant au Service le 9 octobre 2008 est écarté du débat comme BMB l'a demandé et le Conseil n'en tient pas compte. 3.2.3 Moyen concernant la communication publique par l'auditorat 62. BMB a fait grief à l'auditeur d'avoir publié lors du dépôt du rapport au Conseil, un communiqué de presse résumant les griefs retenus à l'encontre de BMB.63. Quoique la loi n'interdise pas le principe d'une telle communication, qui répond à un souci de transparence, BMB aurait pu craindre qu'un tel communiqué puisse être interprété négativement à son égard par ses partenaires, et particulièrement par le milieu financier.Il est clair que de tels communiqués de presse peuvent potentiellement nuire aux intérêts d'une entreprise. Il faut accorder la plus grande importance à la présomption d'innocence qui est un principe de droit général s'appliquant sans aucun doute dans le contexte des procédures en matière de pratiques restrictives. 64. En l'espèce, il faut constater que les parties ont déjà communiqué à plusieurs reprises du sujet des différents litiges qui les opposent continuellement, en telle sorte que l'effet négatif pour BMB de la communication de l'Auditorat, ne devrait pas avoir été très sensible. Les différentes observations des parties contiennent de nombreuses références aux litiges qui les opposent et de nombreuses publications de presse des uns et des autres. 65. BMB n'indique pas plus concrètement au Conseil comment, dans ces circonstances spécifiques, une communication publique par l'auditorat a pu nuire à ses intérêts.BMB n'indique pas non plus d'ailleurs quelle pourrait être la sanction que le Conseil devrait ou pourrait appliquer pour remédier éventuellement à la situation qu'elle déplore. 66. Dans ce cas, et BMB l'a reconnu, le communiqué de presse de l'auditorat et les publications dans la presse qui ont suivi, faisaient mention explicite du fait que seul le Conseil pouvait décider si une infraction aux règles de concurrence avait été commise par BMB et que les conclusions du rapport ne préjugeaient pas la décision à prendre par le Conseil. 67. Dans la mesure où BMB semble reprocher surtout à l'auditeur de ne pas avoir eu de plus amples possibilités de défense dans la phase d'instruction, et avant le communiqué de presse, cet argument est basé sur une interprétation erronée de la procédure telle que le législateur l'a envisagée (voir ci-dessus sous le point 3.2.2.). Le rapport est le début de la procédure devant le Conseil et la phase contradictoire devant le Conseil a pour but de permettre l'exercice des droits de la défense par la partie incriminée.
Le moyen concernant la communication publique par l'auditorat est non-fondé. 3.2.4 Moyen concernant les informations confidentielles venant des tiers 68. Dans ses dernières observations écrites, BMB a sollicité de pouvoir accéder aux informations confidentielles venant des tiers, dont la chambre aurait pris connaissance, notamment suite à des questions posées à l'audience du 4 novembre 2008 ainsi que dans le cadre des observations écrites des tiers.69. La chambre a constaté que l'auditeur avait remplacé dans le dossier transmis au Conseil, les versions confidentielles de certaines pièces par des versions non-confidentielles.Lors de l'audience, Mobistar et Base ont indiqué qu'en ce qui leur concernait, la chambre pouvait avoir accès aux versions confidentielles des réponses données à l'auditeur et au Service dans le cadre de l'instruction du dossier.
Les tiers confirmaient que la confidentialité pour eux ne visait que la protection de leurs données vis-à -vis des concurrents et principalement vis-à -vis de BMB. Suite à cette audience, les tiers ont communiqué des documents au Conseil et la procédure prévue par l'article 48, § 2, troisième alinéa a été appliquée. Sur base de cet article, BMB a reçu, après l'intervention du conseiller ne faisant pas partie de la chambre, des versions non-confidentielles. Comme BMB l'indique à juste titre, il s'agissait de documents dont elle avait déjà pris connaissance par l'accès au dossier. La chambre a eu accès aux versions confidentielles des documents en question. 70. Le choix de l'auditeur d'accepter la qualification de confidentialité de la part des tiers, sans avoir égard à la distinction entre la prise de connaissance par les autres parties et la chambre, peut mener à une situation peu souhaitable du point de vue de l'efficacité de l'autorité de concurrence. L'apport des tiers au niveau, par exemple, de l'analyse du marché, peut être vidé de tout sens si la chambre ne reçoit pas ou reçoit très peu des informations transmises lors de l'instruction. Le Conseil a déjà indiqué que l'asymétrie d'information entre, d'une part, l'auditeur qui a pris connaissance de toutes les données, et d'autre part la chambre, qui ne reçoit que des versions non-confidentielles, n'est pas efficace et n'est pas une situation nécessaire pour assurer le respect du droit. Cela vaut d'autant plus quand les tiers expriment, comme ils l'ont fait dans cette affaire, qu'ils souhaitent que la chambre puisse prendre connaissance des données confidentielles. 71. Pour autant que le moyen de BMB signifie que l'entreprise incriminée aurait dû avoir accès à toutes les informations accessibles pour la chambre, cette thèse est basée sur une interprétation erronée de la LPCE et des principes sur lesquels elle est basée.72. En tant que juridiction, le Conseil est lié par les principes qui visent à assurer un procès équitable aux entreprises qui font l'objet d'un rapport de l'auditeur.Une des garanties essentielles qui découle de ces principes implique que le Conseil ne peut baser sa décision constatant une infraction à la loi, sur des pièces ou des informations dont la partie incriminée n'aurait pas eu connaissance. Ce principe est à la base des articles 48, § 7, et 57, § 4, de la LPCE. 73. Il n'est pas incompatible avec ce principe que la chambre du Conseil puisse prendre connaissance de certaines données, sans pour autant se baser sur ces données pour sa décision sur le fond.74. Il incombe au Conseil de juger sur quelles données il peut baser sa décision.Le fait que le législateur indique que les informations confidentielles des tiers doivent être enlevées du dossier, implique, selon le Conseil, qu'elles doivent être enlevées du dossier qui sera accessible à certaines parties à la procédure. Le but ne peut être d'enlever ces informations du dossier accessible pour la chambre du Conseil qui traite de l'affaire. 75. La procédure prévue par la loi en matière de la confidentialité des données fournies par des tiers (article 44, § 6- 9, article 48, § 2, de la LPCE) prévoit une évaluation de la confidentialité « à l'égard de chaque personne physique ou morale qui prend connaissance du rapport motivé ».Cette procédure vise la protection des secrets d'affaires et des données confidentielles vis-à -vis d'autres entreprises et non pas vis-à -vis la chambre du Conseil. 76. Il suit des travaux préparatoires de la LPCE que le législateur a voulu que tous les organes de l'autorité de concurrence aient accès aux informations confidentielles dans le cadre de l'exécution de leurs tâches (Doc.parl. Ch. 2005-2006, nr. 2180/01, p. 26). 77. Malgré une référence dans l'Exposé des Motifs au danger que la chambre prenne connaissance de pièces auxquelles les entreprises concernées n'auraient pas eu accès, le législateur même cite extensivement la jurisprudence de la Cour européenne pour les droits de l'homme qui implique qu'il n'y a pas atteinte aux droits de la défense si toutes les pièces du dossier ne sont pas accessibles à la partie incriminée (Doc.parl. Ch. précité et les références qui s'y trouvent, voir également Cour eur. D. H. 24 avril 2007, V vs.
Finlande). La Cour de Justice a confirmé le même principe (CJCE 14 février 2008, affaire C-450/06, Varec, § 44 et suivants). 78. D'ailleurs, si l'article 48, § 7 de la LPCE mentionne que le Conseil ne peut baser sa décision sur le fond que sur les pièces venant des tiers connues par l'entreprise incriminée, cela suppose que le Conseil a également eu accès à d'autres données confidentielles mais ne peut baser la motivation de sa décision sur ces éléments.De même, l'intervention du conseiller ne faisant pas partie de la chambre prévue à l'article 48 § 2 LPCE, vise à garantir une évaluation de la confidentialité en toute indépendance et sans connaissance du dossier mais n'empêche pas l'accès par la chambre à toutes les données apportées par les tiers. 79. C'est à juste titre que BMB présume que toute donnée sur laquelle la décision est basée a été portée à la connaissance de BMB.Il n'est pas nécessaire que BMB ait accès à toute pièce venant des tiers. Pour autant que le moyen de BMB vise un tel accès plus large, ce moyen est rejeté.
IV. Marché en cause 4.1. Le secteur des télécommunications mobiles et la coexistence de la régulation et de la législation sur la concurrence 4.1.1 Contexte général 80. Le marché de la téléphonie, fixe et mobile, faisait l'objet d'un monopole légal confié à la R.T.T. devenue ultérieurement Belgacom. Le 1er janvier 1994, Belgacom lance la téléphonie mobile de la deuxième génération, sur base d'un système numérique GSM. La société BMB a été créée en 1994 et était une filiale de Belgacom.
Le 27 novembre 1995, la réglementation nécessaire pour autoriser un deuxième opérateur est adoptée. Mobistar obtient la licence d'exploitation et peut entamer la commercialisation de ses services en août 1996. Le troisième opérateur actuellement actif sur le marché, Base, acquiert seulement sa licence d'exploitation en 1998 suite à une nouvelle démarche législative permettant un troisième opérateur.
Le législateur belge a donc entendu que seuls trois opérateurs puissent fournir les réseaux et les services de base de GSM. A côté de ces opérateurs, il y a un nombre croissant d'entreprises qui distribuent des services de GSM et qui se fournissent eux-mêmes auprès de l'un des trois opérateurs. 81. Le contexte général dans lequel BMB et ses concurrents opèrent est évidemment caractérisé par l'existence de la régulation, tant au niveau européen, qu'au niveau belge.La régulation du secteur de la télécommunication affecte toutes les entreprises actives dans ce marché et a comme objectif de développer une concurrence loyale et saine entre les différents acteurs afin de leur permettre de déployer leurs activités avec une viabilité financière suffisante d'une part et de protéger les intérêts légitimes des consommateurs finals, tant les particuliers que les entreprises, de disposer de services performants de télécommunications à des prix raisonnables et compétitifs d'autre part.
BMB faisant partie du groupe qui constitue l'opérateur historique pour la téléphonie en général, et qui fut le premier opérateur pour la téléphonie mobile, occupe une position particulière. Tant l'auditeur, que les concurrents de BMB ont mis l'accent sur les conséquences que ce statut peut avoir pour l'évaluation des comportements faisant l'objet du rapport. 4.1.2 La régulation des charges de terminaison 82. Vu l'objet du rapport de l'auditeur et les arguments qui ont été présentés au Conseil, il est important de présenter les éléments essentiels de la régulation des charges de terminaison (ci-après : M.T.R.) qui font partie intégrante du cadre juridique dans lequel le Conseil doit se placer pour évaluer les griefs retenus par l'auditeur. 83. Les charges de terminaison de BMB ont fait l'objet d'une régulation sectorielle depuis 2001, suite à la désignation en octobre 2000 - sous le régime de l'ancien cadre réglementaire (Directive 97/33/CE du 30 juin 1997 ou « Directive ONP-Interconnexion », et articles 106 et 109ter, § 3 la loi du 21 mars 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/03/1991 pub. 09/01/2013 numac 2012000673 source service public federal interieur Loi portant réforme de certaines entreprises publiques économiques. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 21/03/1991 pub. 18/01/2016 numac 2015000792 source service public federal interieur Loi portant réforme de certaines entreprises publiques économiques. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer portant réforme de certaines entreprises publiques économiques) - de cet opérateur comme étant puissant (SMP) sur le marché des réseaux et services de téléphonie mobile d'une part et sur le marché national de l'interconnexion d'autre part.Dans l'ancien cadre réglementaire, le statut de puissance sur un marché impliquait, dans le cas des opérateurs de réseaux et services de téléphonie mobile, une double obligation réglementaire : a) le respect du principe de non-discrimination pour ce qui concerne le statut SMP sur le marché des réseaux publics de téléphonie mobile; cela signifie, une obligation à appliquer les mêmes tarifs d'interconnexion pour les autres opérateurs fixes et mobiles qui souhaitent la terminaison de leurs appels sur le réseau mobile de l'opérateur concerné, que ceux qu'il applique fictivement pour les appels au sein de son propre réseau; b) l'orientation des tarifs en fonction des coûts pour ce qui concerne le statut SMP sur le marché de l'interconnexion inter-opérateurs.84. Ainsi, pendant toute la période de référence retenue dans le rapport (2002 à 2005), les charges de terminaison de BMB devaient être orientées sur les coûts conformément au cadre réglementaire européen et national.A travers différents avis et décisions, l'IBPT a fait baisser les M.T.R. de BMB à des moments différents. Entre 2001 et 2005, cinq diminutions du niveau des charges M.T.R. de BMB ont été imposées par l'IBPT à cet opérateur, respectivement au mois de février 2001, d'octobre 2001, d'août 2002 et d'août 2003 et de novembre 2004.
Tandis que les deux premières baisses étaient le résultat des mesures transitoires sous forme d'un price cap RPI (Retail Price Index) - 15 %, les trois suivants découlaient de l'avis de l'IBPT de 17 décembre 2001, dans lequel celui-ci a institué un mécanisme de price cap régulant le niveau moyen des charges de terminaison de BMB sur base d'un modèle de coût de ce dernier, auditée par le Bureau van Dijk.
L'ensemble de ces baisses correspond à une diminution de plus de 40 % du niveau moyen des charges M.T.R. de BMB. 85. Depuis sa désignation en début 2003 comme opérateur puissant sur le marché de l'interconnexion, Mobistar était également soumise à la même régulation sectorielle : cette société a été déclarée SMP sur le marché national de l'interconnexion en Belgique en janvier 2003, et s'est ensuite (en septembre 2003) vu imposer l'obligation à faire baisser ses M.T.R. annuellement, ainsi qu'une obligation de non-discrimination, c'est-à -dire d'appliquer à ses propres services (appels on-net) les mêmes conditions financières d'interconnexion qu'au trafic off-net en provenance d'autres réseaux belges de télécommunications. 86. Il est intéressant à noter que l'IBPT a lui-même envisagé à cet époque (i.e. sous l'ancien cadre réglementaire) d'effectuer une analyse des prix pratiqués pour les appels on-net au niveau du détail vis-à -vis du niveau des charges M.T.R. régulées au niveau de gros (voir les griefs ci-après). L'IBPT a décrit ces développements devant le Conseil, en présence de BMB qui a eu la faculté d'y réagir.
Des projets de décision avaient même été développés en ce sens par l'IBPT en 2004, portant sur certains plans tarifaires à la fois de BMB et de Mobistar car, sous l'ancien cadre réglementaire, ces deux opérateurs avaient été désignés comme étant puissants (SMP) sur le marché des réseaux publics de téléphonie mobile, ce qui les contraignait à respecter le principe de non-discrimination. L'opinion de l'IBPT était initialement que le principe de non-discrimination impliquait que les appels on-net se voient facturer en interne le coût d'un M.T.R. Cependant, suite à des contacts avec la Commission européenne qui s'opposait fermement à toute intervention de l'IBPT sur des tarifs de détail, et compte tenu également qu'aucune autre autorité de régulation ne semblait envisager une semblable intervention réglementaire, l'IBPT a finalement renoncé à ce projet d'action réglementaire, s'en remettant ainsi à la compétence des autorités responsables en matière de droit de la concurrence.
Néanmoins, dans le cadre de la régulation des marchés de gros et de détail dans le secteur de téléphonie fixe, l'IBPT a publié en juillet 2007 des lignes directrices en matière d'effets de ciseau tarifaire, dont les grands principes sont aussi applicables au secteur mobile (Lignes Directrices de l'IBPT, Décision du 11 juillet 2007). 87. La nouvelle loi du 13 juin 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/06/2005 pub. 20/06/2005 numac 2005011238 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi relative aux communications électroniques fermer relative aux communications électroniques (M.B. 20 juin 2005, Ed. 2, p. 2870) a transposé en droit belge les directives européennes sur les réseaux et services de communications électroniques qui ont introduit un nouveau système - basé sur des concepts et méthodologies du droit de la concurrence - pour la détermination et l'analyse des marchés pertinents dans le secteur des communications électroniques, ainsi que pour la désignation des opérateurs disposant d'une puissance significative sur ces marchés et l'imposition des obligations destinées à assurer une concurrence effective sur lesdits marchés. Le point de départ de cet analyse est la Recommandation de la Commission du 11 février 2003 (J.O.C.E. (2003), L114, p. 45) sur les marchés pertinents, qui a identifié dans le secteur mobile deux marchés de gros pertinents (mais pas de marché de détail) : accès et départ d'appel sur les réseaux téléphoniques publics mobiles (marché 15) et marché de la « terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles individuels » (marché 16). 88. Une première décision de l'IBPT basée sur ce nouveau système est intervenue pour les marchés de terminaison le 11 août 2006.Cette décision désignait les trois opérateurs mobiles, BMB, Mobistar et Base, comme puissants sur les marchés respectifs de terminaison d'appel vocal sur leur réseau mobile. Par conséquent, la décision a imposé que les charges de terminaison moyennes d'appel vocal soient progressivement orientées vers les coûts, sur la base des résultats d'un modèle développé par l'IBPT. Un mécanisme de transition (ou glide path) a été établi sous la forme d'un price cap de type charge maximum plafond (en euro constant) + RPI (Retail Price Index), définissant le niveau maximum du prix moyen de terminaison sur chacun des trois réseaux mobiles aux différentes échéances (1er novembre 2006, 1er mai 2007, 1er janvier 2008, 1er juillet 2008). Les opérateurs concernés sont néanmoins libres de définir leur structure tarifaire, tant qu'ils respectent le prix moyen maximal, compte tenu des caractéristiques de leur trafic de terminaison. Le prix moyen maximal est calculé sur base d'un modèle générique de coûts (qui - au contraire des anciennes décisions - exclut les coûts de nature commerciale), mais est différent pour chaque opérateur, vu les différent points de départ. L'intention est quand même d'arriver à une symétrie complète entre les charges M.T.R. des trois opérateurs mobiles. Vu que cette décision d'août 2006 est intervenue en dehors de la période retenue dans le rapport, elle ne nécessite pas de développements complémentaires. 89. Il est clair que l'existence de la régulation sectorielle et l'éventuel impact sur les comportements de BMB, ainsi que la position (historique) particulière de BMB, devront faire partie de l'analyse du Conseil.A ce stade, le Conseil rappelle que la LPCE s'applique pleinement dans le secteur des télécommunications, comme dans tout autre secteur économique et que le Conseil est compétent, sans la moindre réserve, pour constater et sanctionner une infraction à l'article 3 LPCE si les conditions d'application sont remplies.
L'existence de régulation n'exclut pas l'exercice des compétences propres du Conseil. 90. A cet égard, le Conseil souhaite également souligner qu'il est préférable que l'autorité de concurrence, en l'occurrence le Conseil, et les autorités de régulation, notamment l'IBPT, adoptent des approches similaires en matière d'analyse de marché.Cependant, l'analyse par le Conseil se fait obligatoirement en fonction des faits spécifiques de chaque dossier et sa tâche est, par sa nature, différente de celle des régulateurs. L'application concrète des méthodes d'analyse de marché peut conduire à des résultats différents selon la nature du problème de concurrence en cause (Lignes Directrices de la Commission sur l'analyse du marché et l'évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire sur les réseaux et les services de communication électroniques, J.O.C.E. (2002), C 165, p. 6, chapitre 1.3.). 4.2. Analyse du marché sous l'angle des règles de concurrence 91. Avant de pouvoir examiner l'existence d'une éventuelle position dominante, le Conseil doit analyser le contexte concurrentiel, y inclus le marché pertinent, tant au niveau des produits ou des services, qu'au niveau géographique.92. Il ressort du dossier que les positions respectives des trois opérateurs BMB, Mobistar et Base font l'objet d'une évolution permanente et que, particulièrement, ces évolutions sont plus marquées ces dernières années.Il est évident que la pression concurrentielle sur BMB a évolué avec le temps et que le contexte a été fortement influencé par les entrées, relativement tardives, de Mobistar et de Base dans le marché de la téléphonie mobile. Ce caractère tardif résulte d'un choix effectué par le législateur belge.
Le Conseil a pu constater, à travers tous les éléments apportés par l'auditeur, par BMB et par les tiers, que le marché des télécommunications mobiles présente des caractéristiques dynamiques.
Le caractère évolutif du marché et de la position de chacun sur celui-ci font évidemment partie de l'analyse de marché nécessaire dans une affaire comme la présente. 93. BMB a déposé un grand nombre de pièces, en provenance principalement de la presse et de documents de sociétés (prospectus, bilans) qui montrent l'évolution positive et les ambitions de ses concurrents, Base et Mobistar.Une grande partie de ces documents sont récents. Le Conseil remarque également que la valeur de tous ces documents n'est pas toujours établie, étant donné qu'il s'agit souvent de déclarations dans la presse dont le but est précisément d'exprimer une stratégie ambitieuse et de mettre l'accent sur les bonnes prestations. 94. En tout état de cause, dans la présente décision, le Conseil analyse les griefs formulés par l'auditeur dans le cadre d'une période définie par l'auditeur, c'est-à -dire de 2002 à 2005.Dans l'analyse du marché qui suit, le Conseil doit donc nécessairement se limiter aux données qui concernent la période en question. 95. Vu la nature des griefs que le rapport de l'auditeur a retenus, il est important de disposer de certaines données factuelles pour arriver à un standard de preuve adéquat.Le dossier ne contient pas les éléments nécessaires pour permettre au Conseil d'étendre la période définie dans le rapport. Pour cette raison et par un souci d'efficacité et d'économie de procédure, le Conseil s'aligne dans cette affaire au choix de l'auditeur de limiter son analyse à la période de 2002 à 2005. 4.2.1. Marché des produits : marché de détail 96. Dans le cadre de l'article 3 de la LPCE et l'article 82 du Traité CE, il est essentiel de définir le marché pertinent pour pouvoir conclure à l'existence d'une éventuelle position dominante.Cependant, il ressort clairement de la jurisprudence et de la pratique décisionnelle que dans certains cas, il est possible de retenir plusieurs hypothèses. Il est également évident que l'on ne peut se baser que sur les éléments factuels qui sont disponibles. 97. Le Conseil doit examiner si les hypothèses de l'auditeur au niveau de la définition du marché sont confirmées par les éléments dans le dossier et sont suffisamment convaincantes, en tenant compte des arguments de la partie concernée, BMB ainsi que des observations apportées par les tiers.98. Le but de l'exercice de la définition du marché pertinent doit être de délimiter dans quel marché une entreprise est soumise à de réelles contraintes de concurrence.Il y a trois sources de contrainte généralement identifiées : la substituabilité du côté de la demande, la substituabilité au niveau de l'offre et la concurrence potentielle.
L'approche la plus utilisée est basée sur la substituabilité du côté de l'offre. Font partie du même marché, les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix, et de l'usage auquel ils sont destinés. 99. Le marché des produits ou services concerné a fait l'objet d'un débat approfondi devant le Conseil.Dans le cas d'espèce, il apparaît que les deux questions principales que le Conseil doit examiner sont, d'une part, la substituabilité de la téléphonie fixe avec la téléphonie mobile et, d'autre part, la possibilité de définir un marché pertinent plus restreint au niveau de la téléphonie mobile basé sur une distinction entre la clientèle résidentielle et la clientèle professionnelle et une segmentation plus poussée de cette dernière. 4.2.1.1. Téléphonie fixe et téléphonie mobile 100. Tout d'abord, à l'instar de l'auditeur et de plusieurs autres autorités de concurrence, le Conseil considère que le marché de la téléphonie mobile est à distinguer du marché de la téléphonie fixe (voir également les décisions de la Commission COMP/M.1795 - Vodaphone Airtouch/Mannesmann, 12 décembre 2000; COMP/M.3914 - Tele2/Versatel, 7 septembre 2005; Décision 2006-C/C-23 du Conseil du 30 octobre 2006;
Décision 2008-C/C-59 du Conseil du 7 novembre 2008). 101. L'auditeur se base principalement sur le manque de substituabilité du point de vue de la demande et de l'offre dans la période qui fait l'objet de son rapport.Il ressort du dossier que la partie concernée, BMB, ainsi que les concurrents qui sont intervenus en tant que tiers dans cette procédure, ne contestent pas l'argumentation de l'auditeur pour cet aspect de la définition du marché.
La téléphonie fixe et la téléphonie mobile constituent donc des marchés distincts pour les besoins de l'analyse dans cette affaire. 4.2.1.2. Segmentation du marché de la téléphonie mobile : arguments des parties 102. La définition du marché des produits en cause en ce qui concerne la substituabilité des services offerts aux clients résidentiels (dénomination généralement admise de la clientèle privée) d'une part, et des services offerts aux clients professionnels d'autre part, a soulevé davantage de discussions.103. Dans son rapport, l'auditeur a défini le marché comme étant celui des services de téléphonie mobile pour clients professionnels ayant des exigences particulières.Ce choix est basé sur les considérations suivantes. 104. L'auditeur se base d'abord sur la pratique au niveau européen ainsi que sur des décisions antérieures de l'IBPT et reconnaît qu'il n'y a pas de précédents pour la segmentation du marché qu'il propose mais il voit, néanmoins, des arguments dans la pratique européenne pour soutenir son choix.105. Il constate que les services de téléphonie mobile offerts aux clients professionnels ont des caractéristiques différentes des services offerts aux clients résidentiels.Ce constat est basé principalement sur le fait que les clients professionnels ont généralement d'autres besoins que les clients résidentiels. Il se fonde aussi bien sur des déclarations de BMB que sur des déclarations de concurrents se trouvant dans le dossier. L'auditeur a analysé les offres faites aux clients professionnels, d'une part, et aux clients résidentiels, d'autre part. Il reconnaît qu'il peut exister une frontière relativement floue entre les deux marchés. Cependant, il considère que les différences de caractéristiques entre clients résidentiels et professionnels n'ayant pas d'exigences particulières et professionnels ayant des exigences particulières sont suffisamment claires.
L'auditeur conclut qu'en raison de leurs caractéristiques, de leurs prix et de leurs usages, les offres de téléphonie mobile destinées aux clients professionnels ayant des exigences particulières ne sont pas interchangeables avec les offres destinées aux clients résidentiels et professionnels n'ayant pas d'exigences particulières. 106. Au point de vue de la substituabilité du côté l'offre, l'auditeur constate que les trois opérateurs font une distinction claire entre les offres destinées à la clientèle professionnelle et les offres destinées à la clientèle résidentielle.La stratégie commerciale de BMB et de ses concurrents pour les clients professionnels est clairement différenciée de la stratégie commerciale pour les clients résidentiels. L'auditeur y rajoute la difficulté pour Base, le plaignant, de rentrer sur le marché professionnel. Ce constat démontre, selon l'auditeur, que disposer d'un réseau ne suffit pas pour pouvoir pénétrer le marché professionnel. Cet exemple est cité pour démontrer qu'un opérateur qui est uniquement présent sur le marché avec des offres visant les besoins de la clientèle résidentielle et professionnelle sans exigence particulière, et qui décide de pénétrer le marché professionnel, ne peut pas le faire de manière immédiate et efficace. 107. A titre subsidiaire, l'auditeur suggère que dans l'hypothèse où le Conseil déciderait de ne pas suivre la distinction entre utilisateurs résidentiels et professionnels n'ayant pas d'exigences particulières et utilisateurs ayant des exigences particulières, et de retenir comme marché concerné le marché de détail des services de télécommunications mobiles en général, BMB se trouve, selon lui, de toute façon en position dominante dans les deux scénarios.108. Dans ses premières observations écrites, le plaignant, Base, rejoint les conclusions du rapport tant sur le point de la définition du marché que concernant la position dominante.Cependant, Base affirme également qu'il existe dans le marché de la téléphonie mobile une sous-segmentation entre les offres pre-paid et post-paid, d'une part, et parmi les offres post-paid, une sous-segmentation pour les clients professionnels, d'autre part. Selon Base, cette définition découle de l'absence de la substituabilité du côté de la demande et du côté de l'offre entre les offres pre-paid et post-paid et les offres post-paid aux clients résidentiels et professionnels.
Suite aux questions posées par la chambre, Base rejette la possibilité de définir un marché de clients professionnels sur la base d'un certain nombre de cartes SIM. Base rajoute qu'il ressort de la jurisprudence communautaire qu'une pratique anticoncurrentielle affectant une partie du marché peut-être considérée comme constitutive d'un abus. Dès lors, il ne faut pas que toutes les pratiques tarifaires de BMB sur le marché pertinent soient abusives pour qu'elles soient interdites. 109. Mobistar soutient également la position de l'auditeur.Mobistar considère qu'une définition du marché des services des télécommunications mobiles à destination de la clientèle professionnelle, délimitée sur la base du qualificatif « clients professionnels ayant des exigences particulières » est justifiée.
Mobistar reconnaît qu'aucune autorité n'a pour le moment pris position en faveur de cette distinction basée sur les exigences particulières.
Cependant, selon Mobistar, il y a suffisamment d'indications au niveau européen pour permettre d'isoler un marché de services de télécommunications mobiles à destination des clients affaires. 110. La partie concernée, BMB, conteste le choix de l'auditeur au niveau de la définition du marché, tant en ce qui concerne la distinction entre les clients résidentiels et les clients professionnels, qu'en ce qui concerne la délimitation basée sur « les exigences particulières ».Les arguments de BMB peuvent être résumés comme suit. 111. Selon BMB, il ressort de l'instruction que le service de mobilophonie constitue le marché pertinent.Il se présente comme une unité indivisible en ce que l'utilisateur mobile utilise la carte SIM pour l'intégralité de ses besoins en mobilophonie. Il s'agit de la nature même du service en question. Cette constatation vaut, selon BMB, également pour les utilisateurs professionnels pour qui les besoins en mobilophonie constituent dans leur globalité un des postes de coûts dans leur budget opérationnel. Dans leur choix de réseau, ils ne se concentrent pas sur un type d'appel mais ils examinent les offres mobiles de manière globale en tenant compte de leurs besoins qui sont aussi variés qu'il y a de clients professionnels. BMB insiste sur le fait que le service de mobilophonie constitue une unité économique. 112. BMB attire également l'attention sur le fait qu'il s'agit d'un secteur régulé.Le service d'interconnexion de terminaisons des appels, faisant également l'objet de la présente procédure, était un des services directement visé par la régulation. Tant BMB que Mobistar ont un statut d'opérateur puissant qui les soumet à certaines obligations. 113. BMB se base aussi sur la pratique au niveau européen et en déduit que la Commission estime que le marché de la téléphonie mobile doit être pris dans son ensemble.BMB y voit également confirmation dans le cadre des décisions de contrôle des concentrations en Belgique. Elle en déduit qu'il n'y a pas de précédent qui retienne une définition de marché plus restreinte que le marché de la téléphonie mobile dans son ensemble. 114. BMB considère que l'approche défendue dans le rapport est essentiellement centrée sur la substituabilité de la demande et que la délimitation proposée par l'auditeur est particulièrement floue.Il en résulte, selon BMB, que la définition de marché retenue dans le rapport n'est pas suffisamment motivée et donne également lieu à diverses difficultés lors de l'analyse ultérieure (analyse du marché et analyse des pratiques incriminées).
Selon BMB, la demande de mobilophonie est aussi variée et fragmentée qu'il existe de consommateurs. Il est artificiel de vouloir scinder le marché entre offres résidentielles et professionnelles. La distinction ne reflète pas, selon BMB, la diversité des offres disponibles du côté de la demande, en l'occurrence linéaire, ni des options et fonctionnalités additionnelles qui peuvent être attachées à l'offre standard. Le point de rupture dans l'effet de substitution en chaîne des différentes offres de mobilophonie se trouvant dans le rapport de l'auditeur, n'est pas prouvé selon BMB. BMB ne nie pas le fait qu'il existe certaines différences au sein de la demande, mais les différences qui peuvent être identifiées ne sont pas déterminantes. La demande d'exigences particulières manque d'homogénéité requise et une partie importante de la demande professionnelle présente des habitudes de consommation qui sont relativement proches de celles des clients résidentiels ou PME. 115. BMB conteste, en outre, que la substituabilité du côté de l'offre soit insuffisante.Selon BMB, la diversité des offres de mobilophonie plaide justement en faveur d'une substituabilité du côté de l'offre.
En outre, BMB souligne que les performances commerciales d'un des fournisseurs n'est pas un élément déterminant dans ce dossier. BMB souligne également que l'IBPT n'a pas la même approche que l'auditeur sur ce point. 4.2.1.3. Segmentation du marché de la téléphonie mobile : examen par le Conseil 116. Le point de départ de l'analyse du Conseil est l'existence d'un marché de la téléphonie mobile.La question que le Conseil doit trancher est de savoir s'il est possible, voire nécessaire, de retenir une définition plus restreinte du marché : c'est-à -dire de retenir comme marché pertinent distinct, un ou plusieurs segments de ce marché de la téléphonie mobile.
Le Conseil remarque d'abord que la question de la définition du marché présente des particularités liées aux caractéristiques du service de la téléphonie mobile. Dans le cadre de l'analyse du marché pertinent, le Conseil doit tenir compte du contexte particulier de l'affaire et des différents éléments dans le dossier, pour délimiter le contexte dans lequel la concurrence a lieu et pour bien saisir les pressions concurrentielles que subit l'entreprise qui est visée par le rapport. 117. Dans le cas d'espèce, les services de mobilophonie de base qui sont demandés par les clients particuliers et par les clients professionnels, sont semblables, sinon identiques. En d'autres termes, la nature du service et ses caractéristiques, ne peuvent pas être déterminants dans l'exercice de la définition du marché pertinent. Ce qui est offert aux clients et ce qui distingue les offres des différents concurrents, est plus caractérisé par l'ensemble des modalités de commercialisation que par le service même.
Le service de base, constitué de l'appel, de l'interconnexion et de la terminaison d'appel, est en soi identique pour tous les clients, qu'ils soient résidentiels ou professionnels de toute catégorie. 118. Ce contexte particulier implique que l'analyse du marché pertinent doit porter une attention particulière aux caractéristiques de l'offre commerciale faite aux différents clients et des exigences que ces clients pourraient avoir, surtout au niveau des différentes modalités commerciales de l'offre en téléphonie mobile.La stratégie commerciale des entreprises sera un facteur important dans l'analyse. 119. Le Conseil considère que le rapport et le dossier soulèvent certainement des éléments importants qui caractérisent, d'une part, les services offerts aux clients résidentiels et, d'autre part, les services offerts aux clients professionnels et qui les distinguent.120. La différence entre les offres semble correspondre réellement à des besoins différents de la part des clients résidentiels et de la part des clients professionnels.Ces besoins différents ont trait notamment à la gestion du budget, à la facturation, aux possibilités d'appels à l'étranger, aux possibilités de transfert d'appel, à l'organisation de réunions par téléphone, aux exigences particulières au niveau de la boîte vocale, à la possibilité de recevoir des fax etc. Base et Mobistar ont confirmé l'existence de ces besoins particuliers chez les clients professionnels d'une certaine taille comme décrit dans le rapport. Il s'agit d'exigences qui n'apparaissent pas au sein du groupe de la clientèle résidentielle, cette dernière étant plus caractérisée par des demandes relatives aux divertissements. 121. Il est, cependant, clair que la frontière entre les deux marchés est relativement difficile à cerner.En réalité, les différences semblent également grandes au sein du groupe de la clientèle professionnelle. Pour cette raison, l'auditeur a retenu la qualification des exigences particulières. Cette qualification permet de distinguer les (grandes) entreprises qui ont des besoins différents des petites sociétés, PME ou des indépendants. 122. L'idée qu'il existe un marché distinct des clients professionnels ayant des exigences particulières, est confirmée par la stratégie commerciale de BMB mais aussi par celle de ses concurrents.Plus encore que les caractéristiques des offres, qui sont effectivement très diverses, le Conseil constate que les trois opérateurs ont chacun adopté une stratégie commerciale visant spécifiquement une certaine partie de la clientèle professionnelle. Il s'agit des plus grandes entreprises ou institutions publiques qui représentent un chiffre important d'affaires et/ou un volume important au niveau des communications, et pour lesquels la concurrence est la plus vive. 123. Lors de la procédure devant le Conseil, le caractère flou de la notion des exigences particulières a fait l'objet de discussions élaborées.La question s'est posé de savoir s'il existe des alternatives plus objectives à cette qualification comme, par exemple, une définition de marché basée sur le nombre de cartes SIM ou encore sur le nombre d'employés d'une société ou de personnes faisant partie de l'institution achetant collectivement les abonnements. Des questions ont été posées par la chambre aux parties à ce sujet mais il ne s'est pas avéré possible de trouver un critère acceptable, moins controversé que le choix de l'auditeur, et suffisamment convaincant, qui serait basé sur un critère quantitatif. 124. Dès lors, le Conseil constate qu'il existe un segment du marché de la téléphonie mobile qui est constitué par des clients importants professionnels qui font l'objet d'une stratégie commerciale bien définie de la part de BMB et de ses concurrents.Cependant, le Conseil estime qu'une délimitation claire et nette d'un marché distinct basé sur la qualification des exigences particulières n'est pas possible.
Il est clair qu'il existe toujours un certain chevauchement aux frontières d'un marché pertinent et que ce constat ne doit pas empêcher la délimitation d'un marché distinct. Néanmoins, dans ce cas, le Conseil estime que l'analyse du dossier ne permet pas de conclure que cette possibilité de chevauchement est compensée par l'existence démontrée d'un marché plus ou moins homogène. La délimitation n'est pas satisfaisante au point de pouvoir réellement considérer qu'il s'agit d'un marché pertinent distinct. Le Conseil rejette l'hypothèse de l'auditeur à ce sujet. 125. Le Conseil considère qu'il n'est pas nécessaire, vu l'analyse concurrentielle qui suit, de retenir un marché plus restreint.Rien n'empêche d'examiner le comportement d'une entreprise sur seulement un segment du marché pertinent (la téléphonie mobile) pour autant que la position dominante soit établie sur ce marché pertinent selon les critères juridiques appropriés (voir TPI 7 octobre 1999, affaire T-228/97, Irish Sugar; CJCE 14 novembre 1996, affaire C-333/94 P, Tetra Pak). La condition de la connexité qui doit exister entre le marché sur lequel l'entreprise occupe une position dominante d'une part, et le marché sur lequel l'abus éventuel a lieu d'autre part, est forcément remplie quand le marché pertinent englobe le (segment du) marché où l'abus prétendu existe. 126. Finalement, la distinction entre un marché « pre-paid » et un marché « post-paid », comme défendue par Base, n'est pas retenue.Dans son rapport, l'auditeur n'a pas examiné cette hypothèse de la partie plaignante. La principale différence entre ces deux types d'offres tient au mode de paiement. Sur base du dossier et des éléments apportés par les différentes parties, le Conseil n'est pas convaincu que les offres « pre paid » et « post paid » ne sont pas substituables tant sur le plan de l'offre que sur le plan de la demande. 127. Pour les besoins de l'analyse dans le cas d'espèce, le Conseil retient le marché de la téléphonie mobile comme le marché pertinent clairement distinct, tout en ayant égard également à des segments au sein de ce marché qui présentent des caractéristiques propres, principalement en vue des stratégies commerciales de tous les concurrents, sans pour autant pouvoir considérer qu'il s'agit de marchés distincts.Le marché de la téléphonie mobile offert aux clients professionnels ayant des exigences particulières constitue un segment du marché pertinent qui sera examiné en tant que tel par le Conseil pour autant que besoin par la suite. 4.2.2. Marchés des produits : marché de gros 128. Vu les griefs qui ont été retenus dans le rapport, il convient également d'examiner l'existence d'un marché de la terminaison d'appels sur le réseau mobile des différents opérateurs.129. En ce qui concerne ce marché, le Conseil constate que toutes les parties s'accordent pour dire que le marché concerné est le marché de la terminaison d'appels sur le réseau mobile de BMB.Il est de pratique constante aussi bien au niveau européen qu'au niveau belge que le service de la terminaison d'appels sur les réseaux mobiles individuels est un marché de gros qui met en relation les opérateurs mobiles, d'une part, (vendeurs) et, les autres opérateurs tant fixes que mobiles, d'autre part, (acheteurs). Les acheteurs sont nécessairement contraints d'acheter ces services de terminaison s'ils désirent terminer les appels débutant ou transitant sur leur propre réseau. Chaque réseau mobile est donc à considérer comme un marché distinct au niveau de la terminaison d'appels. 4.2.3. Marché géographique 130. En ce qui concerne la dimension géographique, les parties semblent toutes d'accord de dire que le marché pertinent est le territoire de la Belgique.Le caractère national du marché provient essentiellement de la régulation dans le secteur des télécommunications dont le champ d'application est défini de façon nationale. Les licences sont accordées aux opérateurs pour le territoire d'un état membre et la tarification, par exemple en ce qui concerne les tarifs de terminaison, est fixée par état membre par le régulateur.
Le Conseil retient donc le marché belge. 4.2.4. Conclusion en ce qui concerne l'analyse du marché 131. Dans la présente décision, le marché pertinent qui servira de point de départ pour évaluer les griefs soulevés par l'auditeur contre BMB, sera le marché belge de la téléphonie mobile.Dans le cadre de l'analyse du comportement de BMB, et pour autant qu'il soit établi qu'elle occupe une position dominante sur le marché pertinent, le Conseil pourra également tenir compte du segment de la clientèle professionnelle ayant des exigences particulières.
V. Commerce entre états membres 132. Sur la base de l'article 3 du Règlement 1/2003 (J.O.C.E. (2003), L 1, p. 1), le Conseil de la concurrence doit d'abord examiner si les pratiques qui font l'objet de cette affaire doivent également être analysées sous l'angle de l'article 82 du Traité CE. 133. L'auditeur estime que l'article 82 du Traité CE s'applique puisque les comportements de BMB affectent sensiblement le commerce entre états membres. 134. Selon les lignes directrices de la Commission relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du Traité CE (J.O.C.E. (2004), C 101, p. 7), le comportement d'une entreprise en position dominante qui fait partie d'une stratégie générale doit être apprécié quant à son incidence globale. Lorsqu'une entreprise en position dominante adopte diverses pratiques dans la poursuite d'un même objectif, par exemple des pratiques visant à éliminer ou à évincer des concurrents, il suffit, pour que l'article 82 soit applicable à toutes les pratiques faisant parties de cette stratégie générale, que l'une d'elles soit susceptible d'affecter le commerce entre états membres (§ 17 des Lignes Directrices précitées). 135. Il a été établi ci-dessus que dans les différentes hypothèses à distinguer, en tout état de cause, le marché géographique comprend tout le territoire de la Belgique.Lorsqu'une entreprise qui occupe une position dominante couvrant l'ensemble d'un état membre constitue une entrave abusive à l'entrée, le commerce entre états membres peut normalement être affecté (§ 93 des Lignes Directrices). Les entraves abusives à l'entrée qui affectent la structure concurrentielle du marché à l'intérieur d'un état membre, par exemple en éliminant ou en menaçant d'éliminer un concurrent, peuvent également affecter le commerce entre états membres (§ 94 des Lignes Directrices).
La partie incriminée n'a pas contesté l'application parallèle de l'article 82 du Traité CE sur la base de l'article 3 Règl. 1/2003. 136. Dans la présente décision, les pratiques qui font l'objet du rapport seront donc examinées aussi bien sur la base de l'article 3 de la LPCE que sur la base de l'article 82 du Traité CE. VI. L'existence d'une position dominante 137. Le point de départ de toute analyse basée sur l'article 82 CE et l'article 3 LPCE est que l'existence d'une position dominante n'est pas interdite et qu'une entreprise dominante peut rentrer en concurrence par les mérites, tout comme tout autre opérateur économique actif sur le marché pertinent.Cependant, l'entreprise en question a une responsabilité particulière de ne pas rendre la concurrence inefficace par son comportement sur le marché. 138. Il est rappelé qu'une position dominante au sens de l'article 3 LPCE et l'article 82 du Traité CE est une position de puissance économique détenue par une entreprise qui lui confère le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause, en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à -vis de ses concurrents, des ses clients et, finalement, des consommateurs. L'article 1er de la LPCE reprend cette formule classique de la jurisprudence communautaire en stipulant qu'il s'agit d'une position permettant à une entreprise de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à -vis de ses concurrents, clients ou fournisseurs. 139. Pour déterminer s'il existe une telle position dominante, le Conseil devra examiner plusieurs facteurs qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants.Parmi ces facteurs, une grande importance est généralement attachée à la part de marché puisqu'une part de marché très importante constitue une présomption d'existence de position dominante.
Il est évident, comme le souligne BMB, qu'une décision portant sur l'existence d'une position dominante doit être basée sur une analyse de marché et une définition de marché pertinent. La dominance n'existe que par rapport à un marché spécifique. Le Conseil tiendra donc compte de l'analyse de marché décrite sous IV. 6.1. Les parts de marché 140. Il y a lieu d'examiner d'abord la part de marché de BMB.Le Conseil rappelle que l'analyse du rapport de l'auditeur traite d'une période définie, soit de 2002 à 2005, et que la présente décision s'aligne à ce choix. 141. Le Conseil relève que la part de marché de BMB sur le marché de la téléphonie mobile dans la période concernée était importante.142. Les estimations avancées par l'auditeur, en ce qui concerne les parts de marché de BMB au cours de la période retenue, sont contestées par BMB. Il faut cependant retenir que, selon les sources, l'auditeur indique que cette part de marché peut être évaluée à :
Source
Année
Part de marché
LECG
2004
50-57 %
BCG
2003
54 %
prospectus
IBPT
2002
61,5 %
Chiffre d'affaires
IBPT
2003
60 %
IBPT
2004
57,2 %
IBPT
2005
53,3 %
IBPT
2002-2005
55,7 - 48,3 %
Cartes actives
Mobistar
2005
53,3 %
volume
Selon l'auditeur, les parts de marché des concurrents, sur base de leurs revenus nets, s'établiraient comme suit :
Année
2002
2003
2004
2005
Mobistar
24-27 %
25-29 %
28-31 %
30-34 %
Base
4,6-9 %
5-9 %
5-9 %
7-11 %
143. Les estimations qui sont données aussi bien dans le rapport que dans les observations des parties montrent que la part de marché de BMB est encore plus importante en ce qui concerne la clientèle professionnelle, voire la clientèle professionnelle ayant des exigences particulières.Même si ce marché n'est pas retenu comme un marché pertinent juridiquement distinct, le Conseil peut tenir compte du fait que toutes les estimations s'accordent pour dire que la part de marché de BMB est nettement plus importante que celle de ses concurrents en ce qui concerne cette clientèle spécifique. 144. L'auditeur relève qu'en ce qui concerne le segment des entreprises, BMB estime sa part de marché en valeur à [60-70 %];si l'on se fonde sur le nombre de minutes de communications consommées par ces clients, l'auditeur relève que la part de marché de BMB passe de plus de [70-80 %] en 2002 à plus de [60-70 %] en 2005. 145. BMB fait certaines remarques notamment quant à la computation des clients telle que reprise par l'auditeur, et remarque que le fait de comptabiliser les parts de marché à partir du nombre de cartes émises n'est sans doute pas un procédé fiable.146. Il ressort cependant des chiffres avancés par BMB et relatifs à la période considérée (BMB remarquant à juste titre que les chiffres postérieurs à cette période ne sont pas pertinents) que sa part de marché était en toute hypothèse supérieure à 50 % en 2005, et nettement supérieure à 50 % les années antérieures.147. Il n'est pas réellement contesté par BMB que sa pénétration du segment des entreprises - et particulièrement des grandes entreprises - étaient à l'époque plus forte (nonobstant les progrès en la matière de la part de Mobistar).Si les outils de mesure de ce segment du marché qu'a utilisés l'auditeur sont contestés par BMB, il n'en demeure pas moins que la part de marché de BMB dans ce segment-là , n'est nulle part évaluée à moins de 60 %. 148. En ce qui concerne le segment des « clients professionnels ayant des exigences particulières », l'évaluation, pour autant que de besoin, de la part de marché de B.M.B. est plus difficile (voir ci-dessus au niveau de la définition du marché).
L'auditeur les estime cependant ainsi :
Année
2002
2003
2004
2005
B.M.B.
[75- 80 %]
[75- 80 %]
[75- 80 %]
[70- 75 %]
Mobistar
[20-25 %]
[15-20 %]
[20-25 %]
[20-30 %]
Base
[0 - 5 %]
[0 - 5 %]
[0 - 5 %]
[0 - 5 %]
BMB cite deux estimations produites par Mobistar dans d'autres litiges, concernant, la première, les entreprises en général constituant la clientèle « affaires » :
Année
2002
2003
2004
2005
B.M.B.
[70- 75 %]
[65- 70 %]
[65- 70 %]
[60- 65 %]
Mobistar
[25- 30 %]
[25- 30 %]
[30- 35 %]
[30- 35 %]
Base
[0 - 5 %]
[0 - 5 %]
[0 - 5 %]
[0 - 5 %]
Et la clientèle « Grands comptes - Top 200 » :
Année
2002
2003
2004
2005
B.M.B.
[75- 80 %]
[75- 80 %]
[65- 70 %]
[60- 65 %]
Mobistar
[20-25 %]
[20-25 %]
[30- 35 %]
[35- 40 %]
Il en résulte qu'à l'estimation de Mobistar, Base est quasi absente du marché des grands comptes. Ceci est confirmé par la plainte de l'intéressée.
Il en résulte également que BMB avait, pendant la période considérée, une part de marché supérieure à [60- 70 %] quel que soit le mode de calcul, et très proche de [60- 70 %], sur ce segment particulier. 149. Le Conseil constate que, comme le souligne B.M.B. à plusieurs reprises, sa part de marché s'est érodée (quelle que soit le mode de mesure de cette part de marché) au cours de la période considérée, et que cette érosion s'est poursuivie depuis lors. Les graphiques repris par BMB dans ses observations de synthèse démontrent qu'elle a perdu des clients existants au profit de ses concurrents entre 2002 et 2006 mais en nombre variant assez considérablement selon les époques, les fins d'années semblant particulièrement propices à ces fuites de clientèle. 150. Cependant, il est constant qu'une part de marché de plus de 40 % n'est peut-être pas décisive en soi mais constitue un indice très important de l'existence d'une position dominante.Dans ce cas, la part de marché est nettement supérieure. 151. Le Conseil a déjà fait référence au caractère dynamique du marché de la téléphonie mobile qui est illustré par l'évolution des parts de marché des différents opérateurs.A cet égard, il convient de souligner que l'existence d'une certaine concurrence, voire une concurrence vive, n'exclut pas l'existence d'une position dominante (voir également dans le secteur des télécommunications, TPI 30 janvier 2007, affaire T-340/03, France Télécom/Commission (Wanadoo), § 101, récemment confirmé par la Cour, affaire C-202/07 P). En outre, le Conseil rappelle que, dans cette affaire, l'analyse ne concerne pas la situation actuelle sur le marché mais la période définie dans le rapport. 152. Les estimations se trouvant dans le dossier, sont basées aussi bien sur le chiffre d'affaires que sur le volume d'appels.Le Conseil peut constater que les parts de marché de BMB sont considérables pour toute la période étudiée et que par rapport aux autres concurrents, la position est importante. 153. Ces estimations démontrent une part de marché qui est en tout cas nettement plus élevée que celle du plus proche concurrent, en l'occurrence Mobistar.L'auditeur fait remarquer qu'en réalité ce marché, en tout cas pour les clients professionnels, est duopolistique du fait de la quasi absence de Base avec des parts de marché en dessous de 5 %, en tout cas dans la période définie.
La part de marché importante de BMB est donc renforcée par la structure de la concurrence et la position des concurrents. 6.2. Autres facteurs 154. Comme il a été dit auparavant, le Conseil reconnaît que le marché montre des caractéristiques dynamiques.C'est à juste titre que BMB invoque l'existence d'une certaine pression concurrentielle et rappelle que la définition de position dominante prévoit la capacité de pouvoir se comporter de façon indépendante. Il est clair qu'il n'y a pas d'automatisme dans le constat d'une position dominante dès qu'une part de marché importante existe. 155. Le rapport définit d'autres éléments à prendre en considération pour déterminer s'il existe une position dominante dans le sens de l'article 3 LPCE et l'article 82 du Traité CE.L'auditeur cite la puissance financière, l'appartenance à BGC et la participation de Vodafone, le réseau de vente extrêmement développé, la reconnaissance de la marque, l'avance technologique et enfin, la capacité à maintenir des prix élevés. 156. En revanche, BMB estime qu'aucun de ces autres éléments ne peut mener à la conclusion que BMB se trouve en position dominante. D'abord, BMB soulève que les concurrents, Mobistar et Base, se trouvent également dans des situations financières favorables. De toute façon, BMB n'a pas tiré d'avantages de son éventuelle puissance financière. En ce qui concerne les liens structurels avec le groupe Belgacom, il est également souligné que les concurrents appartiennent à de grands groupes internationaux. 157. En outre, Belgacom relativise l'importance de son réseau de vente et fait référence aux téléboutiques de Mobistar.Selon BMB, l'existence de trois réseaux de distributions similaires neutralise l'avantage concurrentiel qu'un tel réseau peut conférer à une entreprise comme BMB. La pertinence de la reconnaissance de la marque est également rejetée étant donné que d'autres opérateurs consacrent des budgets publicitaires importants à cet effet. L'existence d'une avance technologique ainsi que la capacité à maintenir des prix élevés sont rejetées par BMB. Elle attire également l'attention sur le contre pouvoir d'achat et de négociation des clients professionnels. 158. En ce qui concerne la puissance financière et l'appartenance au groupe Belgacom, le Conseil estime que, sans doute, BMB a bénéficié de certains avantages au niveau du développement de son réseau.Le Conseil estime que le fait d'appartenir au groupe Belgacom procure certainement des avantages à BMB, notamment parce que Belgacom (BGC) est un client captif très important pour BMB. Le dossier démontre qu'en termes de revenus, Belgacom est même le premier client de Proximus et en termes de nombre de cartes, le deuxième. 159. Il est clair que Base, en tant que troisième opérateur, et étant donné la nécessité de développer un réseau, a eu beaucoup de difficultés pour entrer dans le marché des clients professionnels, comparé à BMB.Cependant, il faut constater qu'aussi bien Mobistar que Base font partie de groupes internationaux et disposent de ce chef de ressources importantes, voire équivalentes à celles de BMB. La puissance financière de BMB n'est donc pas un facteur que le Conseil retient pour confirmer la présomption basée sur la part de marché. 160. Pour les mêmes raisons, le Conseil n'est pas convaincu que l'avance technologique soit un facteur qui renforce la position dominante de BMB.Il est certain que les opérateurs doivent suivre les développements technologiques rapides et que cela nécessité des investissements importants. Les choix d'investissements peuvent être différents en fonction de la stratégie de chacun et le rapport n'a pas démontré pour quelles raisons techniques ou juridiques BMB serait avantagé au niveau technologique. 161. Par contre, l'existence d'un réseau de vente extrêmement développé est un facteur à prendre en considération.La vente des services de BMB peut se faire par les téléboutiques Belgacom. Il s'agit d'un réseau de vente préexistant à l'introduction des services en question. En revanche, les concurrents ont dû établir un nouveau réseau de points de vente : ce qui constitue une différence importante entre, d'une part, BMB, d'autre part, les concurrents. Il faut rappeler que l'analyse se base sur la période 2002-2005.
De plus, non seulement le nombre de téléboutiques est pertinent mais également le fait que ces boutiques vendent l'ensemble des produits Belgacom, la société mère de BMB qui est présente sur plusieurs autres marchés connexes. 162. Selon le Conseil, il ne faut pas avoir égard uniquement à ce réseau de téléboutiques mais dans cette affaire il est important également de souligner les ressources importantes au niveau commercial qui sont dédiées à la vente des services aux grands clients.Le dossier montre que BMB a investi des moyens considérables pour cibler la clientèle professionnelle. 163. En ce qui concerne la possibilité de maintenir des prix élevés, le Conseil prend acte du fait que BMB a reconnu devant le Conseil à l'audience du 4 novembre 2008, qu'elle a effectivement cette possibilité par sa puissance sur le marché.164. BMB a invoqué le pouvoir de marché de ses clients pour relativiser sa part de marché.165. Il est clair que le contre pouvoir éventuel des clients fait partie du contexte pertinent.Les clients ne disposent pas d'offres de substitution en matière de téléphonie mobile, et les dispositions légales et réglementaires en la matière sont telles que seuls trois opérateurs (BMB, Mobistar et Base) sont actifs sur ce marché. Il s'ensuit que les clients sont uniquement en mesure d'avoir une influence sur les prix et les conditions en la matière, en faisant jouer la concurrence entre ces opérateurs. Cette faculté a entraîné une perte de clientèle (« churn ») pour BMB, et l'a amenée à consentir des efforts commerciaux en vue de conserver et de fidéliser sa clientèle. Il est clair aussi que le pouvoir de négociation des clients demeure réduit et est limité au segment des (très) grandes entreprises ou instances publiques. 166. Finalement, le marché de la téléphonie mobile se caractérise par deux types de barrières à l'entrée.D'une part, la nécessité légale d'acquérir une licence afin de devenir opérateur, ce qui limite le nombre de concurrents à trois. D'autre part, les coûts très importants d'investissements nécessaires à l'installation, la maintenance et la modernisation constante d'un réseau de mobilophonie couvrant l'ensemble du territoire. Le fait que BMB ne doit faire face qu'à deux concurrents principaux, peut être un élément à prendre en considération. 167. En ce qui concerne l'existence d'une position dominante au sens de l'article 82 CE et l'article 3 LPCE, le Conseil conclut comme suit.168. La part de marché très importante de BMB sur le marché de la téléphonie mobile dans la période retenue par l'auditeur et un pouvoir de marché important sur le segment du marché de la clientèle professionnelle ayant des exigences particulières, sont établis.Le marché pertinent est un marché très concentré et la position de BMB, en tout cas au début, a été renforcée par sa situation historique et le groupe auquel elle appartient. BMB a pu bénéficier de l'avantage d'un réseau de vente très développé pour maintenir pendant la période concernée sa position sur le marché après l'arrivée de Mobistar et de Base. 6.3. Conclusion en ce qui concerne la position dominante 169. Dès lors, le Conseil considère que dans la période 2002-2005 BMB occupait une position dominante dans le sens de l'article 82 du Traité CE et de l'article 3 de la LPCE sur le marché belge des services de téléphonie mobile. VII. Les griefs 170. Dans ce qui suit, le Conseil examinera les différents griefs dans une approche qui tient compte des liens importants qui existent entre ces différents griefs et en les regroupant, pour autant que de besoin, pour son analyse.171. En effet, selon le Conseil, les différents griefs retenus dans le rapport de l'auditeur, ont en commun d'être, en réalité, des manifestations différentes d'un même comportement plus général qui vise, soit à fidéliser un segment particulier de la clientèle, soit à acquérir des nouveaux clients, à savoir dans le segment des clients professionnels ayant des exigences particulières qui constitue manifestement un des segments les plus rentables du marché de téléphonie mobile.Vus dans leur ensemble, ces griefs reprochent à BMB d'avoir poursuivi dans la période concernée une stratégie commerciale spécifique qui se caractérisait, notamment, par des tarifs bas pour les appels on-net et qui lui permettait de maintenir sa position dominante au détriment des concurrents. 172. La plupart des griefs sont basés sur la comparaison entre les tarifs on-net de BMB d'une part et les tarifs de terminaison facturés aux autres opérateurs d'autre part (voir les griefs énumérés sous II.). Cela vaut pour le grief concernant les tarifs non équitables et discriminatoires (deuxième et troisième grief), l'amenuisement des marges (quatrième grief) et la discrimination entre les appels on-net et off-net (cinquième grief). Le premier grief concernant les rabais n'est pas directement fondé sur cette comparaison mais exprime la même idée de base sous-jacente au rapport, c'est-à -dire l'existence d'une stratégie commerciale ciblée sur la clientèle professionnelle, jugée abusive par l'auditeur, et qui se manifeste de plusieurs façons. 7.1. La politique de rabais 7.1.1. Les arguments des parties 173. Le premier grief que l'auditeur soulève, concerne des rabais accordés par BMB à certains clients, et qualifiés de rabais de fidélité.174. Selon l'auditeur, la stratégie de BMB pendant la période étudiée a consisté à être un « follower in price decrease » tout en contrant ses concurrents par une politique de rabais ciblée.Il est fait référence à un programme commercial spécifique lancé en 2005 qui vise à maintenir et à accroître la base de clientèle existante. Selon l'auditeur, cette stratégie de prix bas accompagnés de rabais ciblés a été durement ressentie par le concurrent principal de BMB, Mobistar, ainsi que par Base. Une stratégie commerciale appelée « [...] » visant à conserver des clients actuels, a été appliquée. Selon le rapport, BMB tend à augmenter de manière exponentielle l'octroi de rabais à partir de 2004 et 2005. 175. Le rapport mentionne différents types de rabais dans le cadre des offres faites aux clients professionnels ayant des exigences particulières.Il s'agit notamment de l'abonnement gratuit souvent octroyé sous la forme de remboursement par BMB des frais d'abonnement.
Une autre forme est le rabais sur l'entièreté du chiffre d'affaires, également sous forme de remboursement basé sur le montant des dépenses du client. En outre, le rapport fait mention de rabais de pourcentage sur certains types d'appels. Les différents rabais peuvent se cumuler entre eux. Il y a encore les rabais simples, rabais sous forme de minutes ou SMS gratuits et la benchmark clause qui implique qu'un client peut, après une première période, signaler qu'un concurrent lui a soumis une offre meilleur marché et si BMB ne s'aligne pas, ce dernier peut résilier le contrat dans les 60 jours. BMB prévoit également toute une série de rabais pour les petites et moyennes entreprises et les indépendants. 176. Selon l'auditeur, des rabais qui visent à ce que le consommateur achète la totalité ou la majorité de ces produits ou services auprès d'une seule entreprise sont généralement considérés comme étant constitutifs d'un abus de position dominante.Il met l'accent sur le caractère fidélisant des rabais de BMB et sur l'absence de justification économique. 177. La partie incriminée, BMB, précise d'abord qu'elle ne conteste pas avoir octroyé certains rabais aux utilisateurs professionnels qui choisissent ses services.Cependant, elle estime que l'on ne peut considérer que ces rabais constituent un abus de position dominante.
Elle considère principalement que les conditions d'application de la doctrine et de la jurisprudence traditionnelle en matière de rabais fidélisant ne sont pas réunies en l'espèce parce que BMB ne dispose pas d'un statut particulier (notion de fournisseur incontournable) lui permettant de lier le client sur la base de moyen autre que la concurrence par les mérites. Il y a lieu de constater que l'intégralité de la demande est effectivement ouverte à la concurrence. Le service de détail de BMB n'a pas, partiellement ou intégralement, un caractère inévitable pour l'utilisateur final qui l'achète. 178. Il s'agit en premier lieu selon BMB, de déterminer si le régime de rabais produit des effets fidélisants au sens de la jurisprudence et, si tel est le cas, il peut être démontré que le régime de rabais se justifie économiquement.Cette analyse consiste donc à démonter d'abord l'existence de certains effets au niveau de la concurrence. 179. Il convient d'abord selon BMB d'appliquer les principes qui suivent de la pratique administrative et de la jurisprudence et qui exige d'abord de pouvoir établir que l'entreprise en position dominante est incontournable.BMB invoque les conditions de fonctionnement du marché de téléphonie mobile ainsi que le comportement de son entreprise pour contester la qualification de partenaire commercial incontournable. Les rabais qui sont visés dans le rapport font, en réalité, partie intégrante des conditions tarifaires dont l'utilisateur professionnel en question bénéficie par le biais de négociations. Les rabais ne peuvent pas être examinés de manière isolée. L'ensemble de ces éléments, à savoir les conditions financières et la promotion, détermine la facture globale du client.
Le client achète un service complet de mobilophonie. Selon BMB, il n'est pas envisageable d'appliquer une tarification purement standardisée et entièrement transparente vers le monde extérieur.
L'approche tarifaire est le résultat de la structure et du fonctionnement du marché. 180. Dans le cadre de ce premier grief, BMB a relevé avoir souhaité dialoguer avec l'Auditorat sur les questions soulevées par rapport au rabais.Selon BMB, il n'y a pas eu d'effet d'éviction suite à l'application de tarifs vers les clients professionnels. BMB ne conteste pas qu'elle a réagi par rapport aux initiatives concurrentielles de ses concurrents mais se pose la question de savoir comment elle peut, de façon indépendante, tenir compte des initiatives des ses concurrents si la politique de rabais appliquée et faisant partie d'une stratégie commerciale plus large ne serait pas admise. Il serait en ligne avec le comportement d'une entreprise, même en position dominante, de suivre de près les initiatives concurrentielles des concurrents. BMB soulève également qu'il n'y a aucune preuve des faits d'éviction de, par exemple, Mobistar suite aux pratiques prétendument anticoncurrentielles de BMB. Au contraire, le dossier semble faire apparaître plutôt un succès important pour Mobistar dans le segment professionnel. Dans le cadre d'une analyse de la politique des rabais, il aurait été nécessaire, selon BMB, de procéder à un examen des offres commerciales des concurrents. Une telle analyse aurait pu permettre également de déterminer quel était le niveau des offres proposées par exemple par Base de voir si ces offres étaient réellement supérieures à celles de BMB ou si, par contre, le choix du client n'a pas été guidé par d'autres éléments que la seule tarification. 181. Finalement, BMB conteste la définition temporelle retenue dans le rapport puisque la plupart des documents cités dans le dossier datent de l'année 2005.En outre, BMB soulève que le rapport semble reprocher également à BMB la durée des contrats offerts aux clients professionnels. Cet élément de la durée de contrat démontrerait le caractère fidélisant des rabais en question. Cependant, le rapport ne contiendrait aucune analyse à ce sujet autre qu'une affirmation qu'il s'agit d'une période relativement longue en général. 182. En ce qui concerne la deuxième étape de l'analyse, soit la justification économique, BMB considère que la question ne se pose pas étant qu'il n'y a pas de preuve que le régime de ristournes produit des effets de fidélisation au sens de la jurisprudence.183. Selon Base, BMB tente de restreindre le champ d'application de la jurisprudence communautaire en matière de rabais en soutenant, d'une part, qu'elle ne s'applique qu'aux relations entre intermédiaires professionnels et, d'autre part, qu'elle ne s'applique que dans la relation où le fournisseur est un partenaire obligé.Selon Base, une telle interprétation ne reflète nullement l'état actuel du droit. 7.1.2. Examen par le Conseil 184. Tout d'abord, le Conseil constate que le premier grief retenu dans le rapport vise en réalité toute une série de types de rabais très divers faisant partie d'une politique commerciale ciblée vers certains clients professionnels.Le rapport met l'accent sur le caractère fidélisant des rabais en raison de leurs caractéristiques spécifiques. 185. Le dossier contient des éléments révélant une politique commerciale qui peut paraître agressive et qui vise à conquérir de nouveaux clients ou à conserver des clients actuels de grande importance.L'octroi de rabais semble être une partie intégrante de cette politique commerciale. En outre, le Conseil constate la diversité très importante des offres commerciales, aussi bien au niveau des conditions financières qu'au niveau de la durée du contrat. 186. Il convient au Conseil d'examiner si les rabais tels qu'ils ont été décrits dans le rapport, constitue une pratique abusive au sens de l'article 3 de la LPC et de l'article 82 du Traité CE.187. Dans le marché professionnel, certainement dans le segment des grandes entreprises, il est clair que les rabais octroyés font partie des conditions commerciales faisant l'objet d'une négociation individuelle avec le fournisseur de téléphonie mobile.Il semble également non contesté que le client se fournit généralement chez un seul opérateur pour les services de téléphonie mobile pendant une certaine période. Les rabais qui sont octroyés font partie du prix que le client paye pour les services pendant la durée du contrat et ce prix évalué sur cette période et tenant compte des rabais, pourra servir de base au budget que le client doit établir et qui sera un facteur important dans le choix du fournisseur. 188. Les rabais, plus particulièrement les rabais conditionnels, sont susceptibles d'être considérés comme un abus de position dominante s'ils ont des effets d'éviction actuels ou potentiels.Les rabais conditionnels récompensent un client pour un certain comportement d'achat, par exemple l'atteinte d'un seuil d'un certain volume d'achat. Dans ce dossier, l'auditeur fait mention aussi bien de rabais rétroactifs que de rabais progressifs. 189. Contrairement à ce que prétend BMB, un système de rabais peut aussi constituer une infraction aux règles sur la concurrence dans l'hypothèse de rabais accordés à des utilisateurs finaux et non pas uniquement dans l'hypothèse de produits ou de services intermédiaires. De même, il n'est pas requis comme le prétend BMB, qu'une entreprise soit un partenaire commercial incontournable pour pouvoir examiner des rabais sous l'angle de l'article 3 LPCE et l'article 82 du Traité CE. 190. Comme l'a souligné à juste titre l'auditeur, les effets d'éviction actuels ou potentiels sont généralement liés aux effets de fidélisation des rabais.De tels effets de fidélisation pourraient empêcher aux autres opérateurs de pouvoir faire concurrence à l'entreprise dominante à armes égales pour la totalité des besoins des clients en question. De telle façon, l'expansion ou même l'entrée d'un concurrent aussi efficace pourraient être entravées. 191. Dans ce cas, le Conseil n'est pas convaincu que le rapport et/ou le dossier ont apporté suffisamment d'éléments à ce sujet.192. Premièrement, il n'a pas été démontré que les rabais donnés concrètement par BMB étaient de nature à avoir une influence réelle sur le choix du client.En d'autres termes, il n'a pas été démontré que les offres de l'entreprise en position dominante étaient de nature à lier les clients et à empêcher l'accès à ses concurrents : leur caractère d'éviction n'est pas établi. 193. Ensuite, le rapport ne détermine pas clairement s'il vise l'ensemble des différents rabais et donc les caractéristiques communes de ces rabais, qui, dans ce cas, auraient dû être décrites, ou encore certains rabais spécifiques.Dans cette dernière hypothèse, il fallait prouver de façon plus détaillée en quoi certains de ces rabais portent atteinte à la concurrence. 194. Puis, selon le Conseil, un examen des rabais peut difficilement se faire sans comparer les offres de l'entreprise en position dominante d'une part, et les concurrents d'autre part.Si les rabais donnés par BMB ne se distinguent pas des offres des concurrents, ni par leur modalités, ni par leur valeur, il est difficile de concevoir comment ces rabais peuvent constituer un abus. Il est évident que l'entreprise en position dominante a une responsabilité particulière et que certains comportements peuvent lui être reprochés alors qu'ils pourraient être parfaitement acceptables dans le chef d'autres entreprises. Néanmoins, pour pouvoir qualifier des rabais comme abusifs, il est nécessaire d'avoir égard aux conditions des autres concurrents, pour voir s'ils étaient capables d'offrir les mêmes conditions. 195. Le Conseil a posé la question de savoir en quoi l'approche des grands clients par BMB était différente ou anormale.Il s'agit notamment de voir s'il pouvait être réaliste pour un concurrent d'offrir les mêmes prix. La question de la durée moyenne d'un contrat avec un client professionnel a aussi été posée puisqu'une durée relativement longue pourrait renforcer les effets de fidélisation des rabais, vu que les clients ne se fournissent généralement que près d'un opérateur à la fois.
Ces questions n'ont pas apporté de nouveaux éléments permettant au Conseil de cerner en quoi la politique des rabais de BMB posait des problèmes spécifiques du point de vue de la concurrence. 196. Il faut également noter que dans ce cas BMB soulève à juste titre que le résultat d'une analyse des rabais ne peut pas être qu'il serait finalement préférable qu'une entreprise fasse des offres tout à fait standardisées permettant une grande transparence.Dans le marché des professionnels, l'on ne peut reprocher à un opérateur dominant une certaine divergence des offres, adaptées dans chaque cas aux besoins des (grands) clients. 197. En outre, il apparaît du dossier que Mobistar a vu augmenter sa part de marché dans la période retenu dans le rapport, tout en restant bien en-dessous de la part de marché de BMB.Il figure dans le dossier des exemples d'offres commerciales très proches de celles de BMB. Ces éléments montrent également que l'approche individualisée caractérisée par une assez grande divergence des offres, semble être courante. 198. En ce qui concerne Base, il y a effectivement des indications que cet opérateur ne pouvait pas économiquement, offrir les mêmes rabais que BMB ou tout de moins la même offre commerciale globale.Cependant, dans le cadre d'une analyse de rabais, il suffit, selon le Conseil, qu'un autre opérateur (in casu Mobistar) soit capable d'offrir des conditions semblables à un client et que le dossier contienne des éléments de clients importants qui changent d'opérateur dans la période en question, pour créer suffisamment de doute quant eux effets d'éviction des rabais. 199. Le rapport ne fait pas apparaître d'autres éléments qui pourraient mener à la conclusion que, soit des rabais concrets offerts par BMB, soit le système de rabais en tant que tel, créaient des effets d'éviction.Il n'a pas non plus été démontré que les rabais créaient des difficultés pour les clients désireux de changer d'opérateur. En plus, il faut tenir compte du fait qu'il s'agit dans le segment des clients professionnels ayant des exigences particulières, de clients bien informés, ayant un certain pouvoir d'achat et généralement proactifs pour trouver la meilleure offre qui répond à leurs besoins en faisant souvent une comparaison de plusieurs offres concrètes. 200. De plus, la partie incriminée a soulevé que la plupart des pièces sur lesquelles le rapport se base pour ce grief datent de 2005.Le Conseil estime que c'est à juste titre que cet argument temporel est soulevé. Or, de façon plus générale, la durée de la période infractionnelle a été limitée de 2002 à 2005. Il serait donc difficile d'envisager une décision basée principalement sur une politique tarifaire dont le rapport même dit qu'elle s'applique depuis 2005. 201. Le rapport et le dossier démontrent une stratégie commerciale très diverse et individualisée par rapport à la clientèle professionnelle et plus particulièrement par rapport à certains grands clients importants.Cependant, le Conseil considère que le caractère abusif des rabais donnés dans le cadre de cette stratégie commerciale n'a pas été démontré. 202. Dès lors, il n'y a pas lieu d'examiner les arguments de BMB selon lesquels les rabais se justifient par des avantages, notamment au niveau des coûts.203. En ce qui concerne la thèse de BMB qu'elle aurait souhaité avoir un dialogue avec l'auditorat au sujet de sa politique des rabais (un souhait qui est exprimé à plusieurs reprises en rapport également avec d'autres griefs), il n'est pas apparu au Conseil quel est l'objectif de cette argumentation, ni quelles auraient été les propositions, soit des engagements, qui auraient pu faire l'objet d'un tel dialogue. Force est de constater qu'au stade de l'instruction de ce dossier, il y a eu des contacts fréquents entre la partie incriminée et l'auditorat mais BMB n'indique pas quel acte ou omission de la part de l'auditorat lui est reproché dans ce stade, qui pourrait faire l'objet d'un contrôle de légalité par le Conseil. Le cas échéant, il n'appartient pas au Conseil, à défaut d'éléments plus concrets amenés par BMB, de se prononcer sur les contacts ou l'absence de contacts informels visant principalement le comportement futur de l'entreprise. 7.2. Les autres griefs 7.2.1 Introduction : la tarification on-net et l'unité économique 204. Les autres griefs retenus par l'auditeur dans son rapport ont en commun de se baser en grande partie sur la comparaison entre les appels on-net, d'une part, et les appels off-net d'autre part.Les appels on-net sont les appels qu'un opérateur termine sur son propre réseau tandis que les appels off-net ont leur origine dans le réseau de l'opérateur mais se terminent sur le réseau d'un autre opérateur.
Dans cette deuxième hypothèse, l'opérateur est redevable de frais de terminaison à l'autre opérateur. Ces coûts de terminaison font l'objet de réglementation par l'IBPT (voir ci-dessus sous 4.2.1.). 205. A travers ses différentes observations écrites ainsi que lors des audiences, la partie incriminée a contesté la possibilité d'identifier les appels on-net et leur tarification en tant que tels.Cette contestation est basée en grande partie sur la théorie de l'unité économique. Vu l'importance de cette question pour les différents griefs retenus dans le rapport, le Conseil doit d'abord l'examiner. 206. BMB a invoqué la théorie de l'unité économique à l'appui de plusieurs études économiques.Cette théorie figure dans ses arguments au niveau de plusieurs des griefs retenus dans le rapport. En revanche, l'auditeur, ainsi que les tiers, n'acceptent pas la pertinence de cette théorie dans la mesure où elle est invoquée, en général, pour nier l'existence d'un service distinct qui est « l'appel on-net » qui sert de base pour évaluer certains comportements de la partie incriminée. Les tiers ont déposé des études, qui contredisent, du moins en partie, celles déposées par BMB. 207. La question est posée de savoir si les pratiques tarifaires visées par l'auditeur doivent être examinées indépendamment des autres éléments de l'offre globale de téléphonie mobile, ou si, au contraire, comme le soutient BMB, les différents tarifs sont constitutifs d'une unité économique, d'un « bouquet ».Dans cette dernière hypothèse, les prix d'un service « de gros » (in casu, le prix des M.T.R.) ne devraient pas être comparés à ceux du service de « détail » (la connexion on-net) qui lui est directement liés, mais mis en relation avec l'ensemble des frais et revenus liés à la fourniture des services de téléphonie mobile, dont ils sont une des composantes. 208. Il est exact qu'en ce qui concerne les opérateurs, les services de téléphonie mobile font l'objet d'une offre globale comprenant les divers services;le marché est bien celui de l'ensemble des services de téléphonie mobile. 209. Cependant, il est constant que, durant la période incriminée, les opérateurs facturaient ces services à leurs clients en fonction de leur utilisation réelle, et, en particulier, reportaient à charge de l'utilisateur les coûts de M.T.R. (interconnexion) engendrés par ses appels off-net (appels à destination d'abonnés à un autre réseau). 210. Il n'est pas non plus inutile de relever que ces opérateurs, lorsque leurs clients reçoivent des appels initiés à partir d'autres réseaux, perçoivent des M.T.R. (à charge du réseau à partir duquel l'appel est initié, et portés par l'opérateur à charge du client initiant l'appel); ces recettes-là ne sont pas portées au crédit du destinataire de l'appel.
Les opérateurs avaient la possibilité technique de proposer des abonnements à prix fixe ou non, comprenant tous les appels à destination de tous les réseaux belges sans distinction (A.T.A.N.), ce qu'ils commencèrent à proposer à certains clients privilégiés dès 2005.
La dissymétrie qui résulte de la méthode de facturation choisie par les opérateurs a pour conséquence que les M.T.R. ne se compensent pas au niveau des clients comme ils auraient pu le faire (du moins en grande partie) entre les opérateurs; il s'ensuit qu'en ce qui concerne la relation opérateurs - clients, l'offre de services de mobilophonie ne peut être considérée comme formant un tout, un ensemble. 211. Le coût des appels, en ce qui concerne les clients, se répartit donc entre celui des appels on-net et des appels off-net;le coût des derniers étant plus élevé, car l'opérateur y ajoutait un supplément basé sur le coût des M.T.R. 212. Toujours en ce qui concerne l'abonné, ce dernier considérera que tous ses appels internes (entre les éléments d'une même entreprise, collaborateurs, bureaux, etc.) seront par définition des appels on-net, quel que soit l'opérateur choisi. 213. Par contre, en ce qui concerne ses appels vers l'extérieur (fournisseurs, clients, services etc.) l'abonné considérera qu'en théorie (en supposant un marché homogène), la proportion d'appels off-net qu'il devra passer sera inversement proportionnelle à la part de marché de l'opérateur choisi. Il s'ensuit que, plus la part de marché de l'opérateur retenu sera grande, moins le client devra supporter des coûts d'appel off-net. 214. Il est possible pour le Conseil d'identifier les appels on-net ainsi que leur tarification de façon distincte pour les besoins de son analyse dans le cas d'espèce.Ce constat semble particulièrement pertinent dans le cas des clients professionnels. Le client connaît ses besoins en terme de téléphonie et peut estimer dans ce cadre le volume des appels on-net, d'une part, et le volume des appels off-net d'autre part. Il y a lieu de considérer donc que les effets de réseaux sont réels. Du point de vue du client, un appel on-net est donc un service spécifique. En outre, il n'a pas été contesté par BMB que les coûts d'un appel on-net sont identifiables au niveau de la facturation. 215. Il faut considérer que les appels on-net présentent des caractéristiques particulières justifiant un examen individuel des conditions tarifaires de ce service.Comme l'a souligné notamment Mobistar, au vu de l'intérêt du consommateur (dans ce cas, le client professionnel), ce type d'appel fonctionne comme un produit d'appel.
Le Conseil considère par ailleurs que le rapport, le dossier, ainsi que les différentes observations déposées (y inclus les études) démontrent que les appels on-net et leur coût étaient un facteur important dans la concurrence entre les opérateurs pour les clients professionnels dans la période 2002-2005. 216. Dans la mesure où BMB a invoqué à plusieurs reprises l'argument de la théorie d'unité économique et ses conséquences et considérant tous les griefs mentionnés ci-dessous, cet argument est donc rejeté. 7.2.2 Le caractère abusif de la tarification on-net 7.2.2.1. Les arguments des parties 217. Le deuxième et le troisième grief retenus par le rapport concernent la discrimination et l'imposition des prix de vente non équitables sur le marché de la terminaison d'appels.218. Le deuxième grief qui est retenu par l'auditeur concerne la facturation des frais de terminaison d'appel par BMB aux opérateurs tiers.Le rapport critique le calcul des coûts de terminaison par BMB. Le rapport reconnaît que la facturation des frais de terminaison est régulée par l'IBPT mais estime que la régulation ne dispense nullement BMB à respecter également les obligations issues de l'article 82 du Traité CE puisque la régulation instaure un prix maximum. 219. En ce qui concerne le caractère discriminatoire de la tarification de BMB, le rapport rappelle que l'accès aux services d'une entreprise en position dominante doit se faire de façon non discriminatoire et sur la base de prix calculés en fonction des coûts propres de l'opérateur.Sur la base de fichiers dans le dossier, l'auditeur compare ses coûts de terminaison avec les M.T.R. tarifés à ses concurrents. 220. En ce qui concerne le deuxième grief, l'auditeur conclut que pour la période de 2002 à 2005 au moins, les coûts facturés par BMB pour la fourniture à des opérateurs tiers de son service de terminaison d'appels sur son propre réseau sont constitutifs d'un abus de position dominante au sens de l'article 3 LPCE et l'article 82 du Traité CE en raison de leur caractère discriminatoire, BMB n'appliquant pas aux opérateurs tiers désirant s'interconnecter pour la terminaison de trafic, des conditions analogues à celles qu'elle se fournit à elle-même.221. Le troisième grief concerne le caractère non équitable des prix de vente.Selon l'auditeur, le prix de vente du service de terminaison d'appels de BMB est 3 à 6 fois supérieur à ses coûts de production, ce qui démontre que ce service n'est pas orienté sur les coûts et peut, dès lors, être jugé manifestement excessif au regard du différentiel énorme entre les coûts et le prix de vente. Ce tarif excessif donnerait deux avantages anticoncurrentiels à BMB. Premièrement, en augmentant ses profits aux dépens de ses concurrents possédant une base de clientèle plus petite, BMB se crée artificiellement des revenus lui permettant de lancer de larges campagnes d'acquisition et de rétention de clientèle. Deuxièmement, ce tarif excessif permet selon l'auditeur, également de rendre artificiellement ses deux concurrents plus petits et moins attractifs. 222. Ces griefs sont contestés par BMB.Ses arguments peuvent être résumés comme suit.
Selon BMB, ces deux griefs se basent essentiellement sur une comparaison entre certaines données identifiées par le rapport dans le Customer Profitability Database - Customer Profitability Calculator et les charges de terminaison appliquées par BMB lors de la période de référence aux autres opérateurs utilisant le service de terminaison de BMB. Le rapport compare la somme de deux rubriques de coûts (Effective Network Cost and Spare Capacity) et les charges de terminaison de BMB. 223. BMB rappelle d'abord qu'elle a été désignée comme opérateur puissant sur le marché de l'interconnection par l'IBPT.Les charges de terminaison font donc l'objet d'une régulation sectorielle. Pendant la période de référence retenue dans le rapport (2002 à 2005), les charges de terminaison de BMB devaient être orientées sur les coûts conformément aux cadres réglementaires européen et national. Selon BMB, dans cette période et afin d'assurer le respect de ces obligations réglementaires, BMB a toujours collaboré avec l'IBPT. L'approche suivie en matière de régulation de charges de terminaison a toujours été connue de tous, l'IBPT ayant rendu publique la méthodologie suivie en la matière par le biais de la publication de ses décisions, de ses avis et de ses communications. La méthodologie suivie par l'IBPT est décrite en détail par la partie incriminée. 224. BMB tire deux conclusions principales de la régulation des charges de terminaison lors de la période de référence.La première est que les charges de BMB n'étaient pas excessives. Cette première conclusion est basée sur le fait que les interventions de l'IBPT lui ont permis d'exercer un contrôle détaillé sur les charges de terminaison et que ce contrôle a tenu compte de l'ensemble des objectifs prescrits par le cadre réglementaire sur la base d'une méthodologie qui s'inscrit pleinement dans le cadre européen et belge de la régulation sectorielle. Selon BMB, il faut tenir compte de la jurisprudence qui prescrit de prendre en considération la régulation des prix. 225. La deuxième conclusion que BMB tire de l'existence de la régulation des charges de terminaison est qu'aucun abus ne peut être reproché à BMB.En effet, selon BMB, l'IBPT même a insisté sur le fait que les charges de terminaison de BMB ne devaient pas être réduites de manière trop brutale ou trop brusque parce qu'un tel scénario pourrait avoir des effets négatifs pour les concurrents, notamment Base. Dès lors, la partie incriminée considère qu'il ne peut lui être fait grief d'avoir appliqué des charges de terminaison excessivement élevées. Il ne s'agit pas de comportements autonomes de l'entreprise BMB et, dès lors, une infraction à l'article 82 du Traité CE ne peut être retenue.
Les tarifs de BMB étaient le résultat direct de l'application du cadre légal et réglementaire. BMB ne disposait pas d'une marge de manoeuvre suffisante pour éliminer le comportement qui lui est aujourd'hui reproché au niveau des règles de concurrence. 226. BMB soulève que la régulation de charges de terminaison en Belgique a subi des évolutions et se réfère à la décision de l'IBPT du 11 août 2006 à laquelle le rapport fait également référence (voir ci-dessus n° 88).Dans cette décision, l'IBPT a imposé une baisse substantielle des charges de terminaison des trois opérateurs mobiles.
Une des raisons principales de cette décision était que, eu égard à l'évolution du marché et aux évolutions similaires dans d'autres états membres, il n'était plus justifié d'inclure une partie des coûts commerciaux dans l'assiette des coûts pris en considération pour la détermination des charges de terminaison. Cependant, l'IBPT n'a pas suggéré que pour les périodes antérieures, il aurait suivi un régime de régulation erroné à l'époque.
Dans la mesure où BMB a toujours respecté la régulation, elle estime qu'elle ne peut être coupable d'un abus de position dominante en appliquant les charges de terminaison telles que fixées par l'autorité de régulation. 227. En ce qui concerne le raisonnement suivi dans le rapport qui compare les coûts directs (réels) avec la valeur officielle des charges de terminaison, BMB conteste l'exclusion des coûts commerciaux.228. En ce qui concerne plus particulièrement le caractère discriminatoire du tarif dans la période de 2002 à 2005, BMB soulève, en premier lieu, que les faits retenus dans le rapport pour la discrimination et pour le caractère excessif sont quasi identiques.Il s'agit essentiellement de comparer certaines valeurs identifiées dans la Customer Profitability Database avec les charges de terminaison appliquées par BMB. De l'écart important entre ces deux paramètres, le rapport déduit, selon BMB, l'existence d'une discrimination tarifaire.
Or, selon BMB, une telle discrimination n'existe pas. BMB se réfère d'abord aux arguments invoqués dans le cadre du grief concernant les tarifs excessifs. Il s'agit principalement du fait que certains postes de coûts n'ont pas été pris en considération. En outre, BMB rappelle la signification qu'il faut donner dans ce contexte au principe de non-discrimination qui est contenu également dans la régulation sectorielle. 229. Selon BMB, le rapport procède à une comparaison entre, d'une part, des outils internes et, d'autre part, un modèle régulateur.Si, malgré tout, ces outils internes devaient servir de base unique pour apprécier les pratiques incriminées, ce qui est contesté par BMB, l'auditeur aurait dû au moins tenir compte de tous les coûts qui sont repris. Belgacom se réfère notamment à l'exclusion des coûts commerciaux précités, l'exclusion des coûts techniques, l'exclusion de certains coûts divers et l'exclusion de la rémunération des capitaux investis. Le rapport n'explique pas, selon BMB, pour quelles raisons des coûts que l'IBPT a estimés pertinents dans le cadre ex ante ne le seraient plus en droit de la concurrence appliqué dans un contexte ex post comme dans le cadre de cette affaire. 230. Pour BMB, le droit de la concurrence requiert au titre de la non-discrimination qu'une entreprise verticalement intégrée, dominante au niveau du gros, prenne en charge pour ses services de détail une compensation similaire au prix facturé aux tiers pour la prestation intermédiaire, lorsque ce tiers la lui achète afin de la concurrencer au détail.Cependant, selon BMB, elle est libre de décider de la manière dont elle impute cette compensation dans les différents aspects de la tarification de détail et sur les différents services de détail au niveau duquel les acheteurs de la prestation intermédiaire la concurrence. 231. En ce qui concerne ces deux griefs, les tiers n'ont pas apporté d'éléments juridiques ou factuels substantiels, différents de ce qui est développé dans le rapport. 7.2.2.2. Examen par le Conseil 232. Ces deux griefs visent le niveau des M.T.R. facturés par BMB à ses concurrents en les qualifiant de non équitables et de discriminatoires. 233. Il ressort aussi bien du rapport que des arguments apportés par BMB, que l'examen de ces griefs touche à la question importante de la coexistence de la régulation des M.T.R. d'une part et l'application du droit de la concurrence d'autre part. 234. Il y a lieu d'abord de rappeler qu'il est inexact qu'en principe la régulation des M.T.R. par le régulateur, in casu l'IBPT, rend impossible l'intervention d'une autorité de concurrence et, en particulier, l'examen du niveau des tarifs pratiqués par un opérateur dominant. La justification réside en grande partie dans la différence entre le rôle des autorités respectives et l'objectif de leur intervention. 235. En outre, il faut souligner que les tarifs M.T.R. comme ils étaient fixés par l'IBPT, ne sont pas des tarifs fixes mais bien des tarifs maximum; en d'autres termes le régulateur introduit un plafond (voir la description sous 4.1.2.). 236. Cela veut dire que l'opérateur, dans ce cas BMB, garde une marge de manoeuvre en ce qui concerne la fixation de ces tarifs. Pour cette raison, c'est à tort que BMB invoque la jurisprudence communautaire selon laquelle le droit de la concurrence ne peut être appliqué puisqu'elle ne sera pas en mesure de se comporter de façon autonome sur le marché. Il est clairement établi qu'une entreprise active dans un secteur réglementé doit utiliser activement la marge qui reste pour veiller à ne pas entraver la libre concurrence sur le marché. Un comportement qu'une entreprise adopte de sa propre initiative pourra être évalué sous l'angle de l'article 82 du Traité CE (CJE 11 novembre 1997, affaire C-359/95 P et C-379/95 P, Ladbroke et également TPI 10 avril 2008, affaire T-271/03, Deutsche Telekom). 237. S'il est donc possible d'examiner en principe une tarification qui laisse encore une marge à l'entreprise en question, il importe tout de même, en particulier pour ces deux griefs, de tenir compte dans ce cas de l'impact que l'intervention du régulateur a eu sur le niveau des tarifs facturés par BMB. 238. Premièrement, l'on peut déduire du contexte réglementaire et du dossier qu'en déterminant les M.T.R. dans la période 2002-2005 le régulateur a été inspiré par le souci de les fixer à un niveau suffisamment élevé dans l'intérêt des opérateurs alternatifs, rentrés plus tard dans le marché. 239. Dès lors, même si en théorie le plus grand opérateur, BMB, aurait pu facturer des M.T.R. moins élevés et sans se prononcer sur la question de savoir s'il était nécessaire de le faire, il faut constater qu'il pouvait tenir compte de cette volonté exprimé à travers la régulation sectorielle et l'intervention de l'IBPT. En d'autres termes, il n'y avait en tous cas pas d'incitation à adopter des tarifs moins élevés ni de réserve ou de mise en garde à l'attention de BMB. 240. Il ne paraît pas possible de qualifier des tarifs d'excessifs dès lors qu'ils ont été fixés par une autorité de régulation après un examen approfondi et en adoptant une méthodologie basée sur le cadre réglementaire européen. Un prix ne peut être excessif que quand des conditions relativement strictes sont réunies et ne peut donc être abusif que dans des circonstances bien définies. Il faut établir s'il existe une disproportion excessive entre le coût effectivement supporté et le prix effectivement réclamé et, dans l'affirmative, il faut examiner s'il y a imposition d'un prix inéquitable, soit au niveau absolu, soit par comparaison avec les produits des concurrents (CJCE 14 février 1973, affaire 27/76, United Brands). Ces conditions ne sont pas réunies dans le cas d'espèce; l'examen requis n'a pas été effectué. 241. En outre, c'est à juste titre que BMB invoque le principe de sécurité juridique. Vu les circonstances décrites ci-dessus et la façon dont les tarifs M.T.R. ont été déterminés par le régulateur, ainsi que l'absence de recours contre les décisions en question, BMB pouvait légitimement croire qu'elle pouvait facturer effectivement les M.T.R. comme ils avaient été déterminés par l'IBPT. 242. En ce qui concerne le caractère discriminatoire, il faut également tenir compte du rôle que le principe de non-discrimination a déjà joué dans le cadre de la détermination des M.T.R. (voir ci-dessus sous 4.1.2.). Il est difficile de concevoir que ce principe pourrait avoir un sens différent dans le cadre du contrôle ex ante par le régulateur et le contrôle a posteriori par l'autorité de concurrence. 243. Selon l'auditeur, il a pu obtenir des données qui n'étaient pas disponibles pour l'IBPT, en particulier sur les coûts de BMB et sa tarification M.T.R. Si tel est le cas, il reste néanmoins le principe de la sécurité juridique qui s'oppose alors à ce que le Conseil qualifie dans ce cas les M.T.R. de discriminatoires, tandis que ces M.T.R. ont été fixés en tenant compte du principe de non-discrimination.
L'auditeur n'a pas apporté d'autres éléments permettant au Conseil de constater qu'il y a lieu de constater une discrimination qui peut être qualifié comme un comportement abusif dans le chef de BMB. 244. Pour ces raisons, le Conseil arrive à la conclusion que, pendant la période incriminée, les tarifs M.T.R. de BMB ne peuvent être qualifiés d'un abus de position dominante par leur caractère excessif ou discriminatoire. Les deuxième et troisième griefs sont donc écartés. 7.2.3 L'amenuisement des marges 7.2.3.1 Les arguments des parties 245. Dans son rapport, l'auditeur a également retenu un grief contre BMB qui concerne une pratique d'amenuisement des marges.En effet, le rapport constate l'existence d'un effet de ciseau qui apparaît lorsqu'il existe un écart entre le prix de prestations intermédiaires, d'une part, et les prix de détail des services de gros et de détail, d'autre part, et qui est trop serré pour refléter réellement les coûts de l'opérateur historique pour ses activités en aval. Un écart trop restreint entre ces deux prix peut refléter une conduite anticoncurrentielle, selon le rapport, si elle exclut les opérateurs alternatifs qui sont au moins aussi efficaces que l'opérateur historique. L'auditeur se base sur la définition de l'effet de ciseau donnée par la Communication relative à l'application aux règles de concurrence aux accords d'accès dans le secteur des télécommunications et à la jurisprudence communautaire en la matière. 246. Le rapport explique la méthodologie d'évaluation de l'effet de ciseau qui est retenue dans le cadre de cette affaire.Se basant sur des cas similaires dans d'autres états membres, l'auditeur dit comparer les prix de gros de BMB (dans ce cas-ci la terminaison d'appels sur le réseau de BMB) sur le marché en amont avec les prix des services de détails correspondants facturés par BMB. Il s'agit, selon l'auditeur, de vérifier si les activités de BMB seraient rentables sur le marché en aval concerné si elle devait s'acquitter des mêmes coûts d'accès que les opérateurs alternatifs sur le marché en aval. L'auditeur souligne que même si les activités correspondantes aux services de gros de BMB en aval sont rentables, ceci ne signifie pas encore qu'il y ait absence d'effet de ciseau, encore faut-il que les concurrents puissent réaliser un profit normal. Pour qu'il y ait un abus de position dominante au sens de l'article 3 de la LPC et l'article 82 du Traité CE, il ne faut pas une disparition complète des marges bénéficiaires des concurrents mais ces concurrents doivent être au moins aussi performants que l'opérateur historique. 247. L'auditeur en déduit qu'il y a lieu de comparer les tarifs de terminaison d'appel de BMB avec le service de détail correspondant, c'est-à -dire dans ce cas, les tarifs on-net de BMB.L'auditeur rejette la théorie de l'unité économique (voir ci-dessus sous 7.2.1.). Selon l'auditeur, il faut bien partir du marché en amont, dans ce cas-ci le marché de la terminaison d'appel sur le réseau de BMB, et le comparer aux services que cette terminaison permet d'offrir. L'abus sous forme de ciseau tarifaire prend sa source dans le marché en amont, ce qui est démontré par le fait que la jurisprudence communautaire n'exige pas la double position dominante pour éventuellement estimer qu'un amenuisement des marges bénéficiaires est constitutif d'un abus. 248. Les valeurs qui sont utilisées pour déterminer les coûts et les revenus décrits dans le rapport sont issues de données saisies durant la perquisition dans les locaux de BMB ou fournies par cette dernière dans le cadre des demandes de renseignements du Service. Le rapport procède ensuite à une application de cette méthodologie en décrivant les coûts qui sont pris en considération et en faisant des calculs avec les revenus. L'évaluation de l'amenuisement des marges se fait sur le marché des services de téléphonie mobile pour clients professionnels ayant des exigences particulières. Les calculs sont contenus dans un fichier joint au rapport. Le fichier se base en grande partie sur un outil interne de BMB qui permet, selon le rapport, d'évaluer la marge bénéficiaire des appels on-net. Le rapport conclut que pour 2004 et 2005, la marge bénéficiaire de BMB aurait été négative et que BMB s'est donc rendue coupable d'un ciseau tarifaire.
Les conclusions sont les mêmes sur base de l'entièreté de la base clientèle corporate. Selon l'auditeur, si BMB devait supporter ses propres coûts de terminaison, elle verrait la disparition complète de sa marge bénéficiaire. En ce qui concerne les années 2002 et 2003, le rapport constate que BMB a été dans l'incapacité de fournir les données pertinentes. Pour l'année 2002, l'auditeur a néanmoins pu faire un calcul; pour l'année 2003, l'auditeur décide de ne pas approfondir le grief. 249. Le rapport conclut que sur le marché des services de téléphonie mobile pour clients professionnels ayant des exigences particulières et en ce qui concerne les années 2002, 2004 et 2005, BMB a abusé de sa position dominante par le biais d'un ciseau tarifaire résultant de la comparaison entre les prix de gros pratiqués par BMB sur le marché en amont (concernant la terminaison d'appels sur son réseau) et les services de détails correspondants facturés par BMB sur le marché en aval concerné.250. BMB estime que le test de ciseau tarifaire mis en avant dans le rapport ne peut être retenu afin de démontrer l'existence d'une pratique anticoncurrentielle.D'abord, elle estime que l'analyse avancée dans le rapport ne concerne pas le marché pertinent.
Deuxièmement, BMB critique la méthodologie retenue dans le rapport et, finalement, BMB estime qu'il n'y a pas de preuve de l'existence d'une pratique anticoncurrentielle. 251. BMB déduit de la jurisprudence communautaire que l'analyse d'une pratique de ciseau tarifaire doit se faire au regard de tous les services composant le marché pertinent en aval et non pas au regard de certains d'entre eux qui seraient ainsi artificiellement isolés des autres.Il s'agit de déterminer si les pratiques tarifaires excluent les concurrents du marché pertinent ou si elles entravent la concurrence sur le marché. Selon BMB, le rapport s'écarte de ce principe en isolant les appels on-net des autres prestations de mobilophonie qui sont vendues aux clients sous la forme d'une offre globale des services mobiles indissociables les uns des autres. BMB insiste également sur l'importance de la nature des services en cause.
Ce qui distingue le cas actuel des cas traités dans la pratique communautaire est le fait qu'il s'agit d'une situation de « two way access ». Chaque opérateur doit faire appel aux services des autres opérateurs pour offrir un service de téléphonie mobile à ses utilisateurs. Il ne s'agit donc pas de « one way access », soit la situation où l'activité sur le marché de détail en aval nécessite l'accès à un service essentiel incontournable fourni par l'entreprise dominante qui contrôlait l'accès à cette ressource essentielle en amont. 252. BMB se base donc en premier lieu essentiellement sur la théorie de l'unité économique discutée ci-dessus.Selon la partie incriminée, on ne peut décomposer les offres de détails pour procéder à un test de ciseau tarifaire. 253. A titre subsidiaire, BMB critique concrètement le test tel qu'il a été déployé dans le rapport de l'auditeur.En particulier, BMB discute et corrige à certains endroits les formules de calculs qui sont intégrées dans les fichiers joints au rapport. Ensuite, BMB critique spécifiquement l'application du test pour les années 2002 et 2003. 254. Ensuite, BMB formule quelques critiques additionnelles par rapport à la méthodologie suivie dans le rapport.Il s'agit, tout d'abord, de l'allocation des revenus d'abonnement et des coûts d'abonnement aux appels on-net et, ensuite, de l'inclusion de la valeur M.T.R. dans le test de ciseau tarifaire. 255. Finalement, en ordre infiniment subsidiaire, BMB invoque l'absence de démonstration d'effets anticoncurrentiels concrets.Dans le rapport, l'existence d'une pratique anticoncurrentielle abusive est déduite directement et sans autre analyse du résultat des calculs mathématiques qui sont présentés. Selon BMB, il faut également démontrer en l'espèce les effets anticoncurrentiels que cette pratique pourrait avoir. 256. Les tiers, Base et Mobistar, soutiennent la position prise par l'auditeur dans son rapport et affirment que la théorie du ciseau tarifaire et la jurisprudence en la matière peuvent être appliquées dans le cas d'espèce.Base attire également l'attention du Conseil qu'une méthodologie alternative, basée sur les coûts d'un opérateur alternatif, est aussi envisageable suite à l'arrêt du TPI dans l'affaire Deutsche Telekom et que le Tribunal n'a pas voulu l'exclure.
Selon Base, ce faisant le Tribunal aurait voulu assurer l'égalité des chances entre les opérateurs. 7.2.3.2. Examen par le Conseil 257. Il convient au Conseil d'examiner ce grief en plusieurs étapes. Tout d'abord, il y a la question de savoir si l'on se trouve dans cette affaire dans un cas de figure où le test du « ciseau tarifaire » peut être appliqué pour déterminer si le comportement de BMB est abusif au sens des règles sur la concurrence. 258. Ensuite, le cas échéant, le Conseil devra se pencher non pas de façon générale sur la méthodologie à suivre dans le cas d'un ciseau tarifaire, mais devra évaluer si le choix concret de méthodologie par l'auditeur est, dans ce cas, satisfaisant.259. Enfin, il faudra examiner si l'application concrète de cette méthode remplit les conditions nécessaires au niveau de la preuve d'une infraction à la LPCE et aux règles européennes sur la concurrence, tenant compte de la disponibilité des données factuelles nécessaires.1. L'application du test de ciseau tarifaire 260.Il peut y avoir abus de position dominante lorsque la différence entre les prix de détail d'une entreprise qui domine le marché et le tarif des prestations intermédiaires pour des services comparables à ses concurrents est soit négative, soit insuffisante pour couvrir les coûts spécifiques des produits de l'opérateur dominant pour la prestation de ses propres services aux abonnés sur le marché en aval (Décision de la Commission du 21 mai 2003, Deutsche Telekom, § 107, J.O.C.E. (2003), L 263, p. 9; TPI, Deutsche Telekom, § 166 mentionné ci-dessus au n° 236). L'entreprise dominante peut obtenir ce résultat en augmentant les prix de gros ou en réduisant les prix de détail.
Ceci n'implique pas que le caractère excessif des prix de gros et/ou le caractère prédateur des prix de détail soit prouvé. Le caractère abusif est lié au caractère non équitable de l'écart entre les prix pour les prestations intermédiaires et les prix de détail, qui revêt la forme d'un effet de ciseau tarifaire (TPI, Deutsche Telekom, § 166; citée ci-dessus au n° 236).
Le Conseil fait référence aux conditions mentionnées par l'IBPT dans ses lignes directrices en la matière. Pour qu'une entreprise puisse être accusée de pratiquer un effet de ciseau tarifaire, cette entreprise doit : - être intégrée verticalement, c'est-à -dire être active sur un marché en aval et en amont; - être dominante sur le marché en amont, de sorte que les concurrents en aval aient un certain degré de dépendance à l'égard de l'input produit par l'entreprise sur le marché en amont; - fixer une marge entre le prix de détail en aval et le prix de gros en amont (payé par les concurrents en aval) qui soit insuffisante pour couvrir les coûts encourus en aval; et - être significativement active sur le marché en aval, de sorte qu'elle puise influencer le degré de concurrence sur ce marché (voir Lignes Directrices de l'IBPT 2007, citées ci-dessus au n° 86). 261. BMB est une entreprise verticalement intégrée offrant des services de terminaison sur le marché en amont et des services de téléphonie mobile sur le marché en aval.Comme l'auditeur le constate à juste titre, les services dont il faut comparer les tarifs en l'espèce sont les services de terminaison d'appel de BMB et les appels on-net de BMB. Ces deux types de services ont la même fonctionnalité, soit la communication avec les abonnés du réseau de Proximus, les uns au niveau de gros, les autres au niveau de détail et sont donc comparables. 262. Les services de terminaison ont le caractère d'un input essentiel pour les concurrents de BMB, nonobstant le fait que BMB doive également se fournir chez ses concurrents pour les services de terminaison (« two-way access »).S'il est vrai que la situation en l'espèce se distingue de certains précédents dans la jurisprudence communautaire à cet égard (voir ci-dessus au n° 260 ainsi que la décision de la Commission du 4 juillet 2007, Telefónica, J.O.C.E. (2007), C 83, p. 6) - où l'opérateur dominant avait effectué un squeeze entre ses tarifs de gros et ses tarifs de détail pour l'accès local, sans avoir besoin d'acheter d'accès local chez ses concurrents - il n y'a pas lieu de prendre en compte le fait que les trois opérateurs se facturent mutuellement des droits d'accès à des tarifs différents.
La situation de « two-way access » affecte tous les opérateurs qui sont dépendants des autres pour la transmission d'appels de leur réseau vers ceux des concurrents mais cette situation affecte sans doute différemment BMB que Base et Mobistar vu leur nombre d'abonnés respectifs. En plus, cette situation de « two way access », et le fait que chaque opérateur doit - d'une manière ou d'une autre - faire appel au service des autres opérateurs pour réaliser une offre complète des services de téléphonie mobile à ses utilisateurs, n'est pertinent que dans le scénario dans lequel le Conseil estimerait que le test du squeeze devrait être appliqué au niveau du marché pertinent de détail (en tenant compte des coûts et revenus de tous les services de communications mobiles - voix, SMS, données - nationales et internationales, qui constituent le marché pertinent de détail retenu). Ce scénario impliquerait l'acceptation de la théorie de l'unité économique, déjà rejetée. 263. Cependant, comme l'auditeur le note à juste titre, l'évaluation d'un effet de ciseau tarifaire se fait entre le marché de gros d'une part et les services découlant du marché de gros sur le marché de détail d'autre part.Il s'agit dès lors de vérifier si BMB serait capable de réaliser un profit normal sur ses appels on-net si elle devait s'acquitter du tarif de terminaison qu'elle facture à ses concurrents. 264. Les arguments de BMB relatifs à la nature du service de mobilophonie et à l'unité indivisible englobant accès et communications, le fait que les consommateurs achètent un « bouquet », un « panier » de services intégrant diverses prestations sont certes pertinents dans le cadre de la définition du marché (comme le montre la définition retenue par le Conseil en l'espèce), mais pas pour l'évaluation de l'abus en cause, consistant d'un squeeze, où l'analyse peut se limiter à une partie seulement du marché pertinent de détail. Pour l'évaluation du squeeze, il ne faut pas partir du point de vue du consommateur, mais de celui des concurrents voulant dupliquer et concurrencer l'offre de l'opérateur dominant. 265. En effet, l'argument de BMB que l'analyse doit se faire au niveau du marché pertinent de détail doit être rejeté, parce que l'élément clé dans une analyse d'un amenuisement des marges constitue de l'input essentiel au niveau de gros.Le point de départ d'une pratique d'amenuisement des marges bénéficiaires est bien le marché de gros et non le marché de détail. Il faut donc bien partir du marché en amont - en l'espèce le marché de la terminaison d'appels sur le réseau de BMB - afin de comparer les tarifs du service de gros avec les tarifs de détails des services correspondants sur le marché de détail. Comme indiqué ci-dessus, ces services correspondants sont les appels on-net (appels d'un abonné de BMB vers d'autres abonnés de BMB, ainsi que les appels intra-entreprises sur le réseau de BMB), vu que ce sont les seuls services que le service de terminaison sur le réseau de BMB permet à BMB d'offrir. En outre, les appels on-net présentent des caractéristiques particulières justifiant un examen individuel des conditions tarifaires de ce service (cf. supra, rejet de la théorie de l'unité économique, sous le point 7.2.1.). 266. Il n'est pas requis que ces appels on-net constituent un marché pertinent eux-mêmes.Le fait que le Conseil ait retenu un marché de détail plus large, incluant tant l'accès que l'ensemble des communications mobiles (voix, SMS, données) nationales et internationales, n'exclut pas l'isolation des appels on-net pour appliquer le test du squeeze. 267. Ainsi l'a fait le Conseil de la concurrence français, dans sa décision de 14 octobre 2004 (Décision 04-D-48), en réalisant le test du squeeze par la comparaison du M.T.R. de chacun des deux opérateurs dominants avec le service correspondant sur le marché de détail (défini comme le marché des services d'acheminement du trafic fixe vers mobile des entreprises), à savoir uniquement les appels utilisant ce M.T.R. - i.e. les communications fixe vers le réseau de l'opérateur mobile dominant respectif - et non avec l'ensemble des appels compris dans le marché. 268. Par ailleurs, il est de jurisprudence communautaire constante que l'existence d'un abus peut être établie sur une partie d'un marché plus vaste sur lequel l'entreprise dispose d'une position dominante (voir également ci-dessus les Lignes directrices relatives à l'évaluation des effets de ciseau tarifaire de l'IBPT, ci-dessus n° 86).L'IBPT a également reconnu qu'un test de ciseau tarifaire pourrait être appliqué à des niveaux différents (non seulement au niveau d'un marché pertinent, mais aussi d'une offre de détail, d'un type de service, de chaque client ou catégorie de clients ou même de chaque communication, voire chaque minute de communication; § 33). 269. Le Conseil se rend compte que l'application du test à un niveau trop restreint risque de priver l'opérateur dominant de sa flexibilité en matière de structure tarifaire et de générer des erreurs de type II, c'est-à -dire l'interdiction de tarifs qui n'ont en réalité aucun effet anticoncurrentiel.Il faut donc toujours veiller à ce que l'application du test respecte au tant que possible la liberté d'un opérateur ou laisse une certaine flexibilité à l'opérateur concerné pour gérer ses coûts et revenus comme il le considère le plus efficace, pour répartir ses coûts communs ou conjoints sur différents services de gros et de détail en fonction de l'élasticité de la demande et/ou des choix de stratégie commerciale. 270. Néanmoins, l'application du test au niveau d'un type de service (in casu, les appels on-net) est justifiée dans l'espèce, vu les caractéristiques spécifiques des appels on-net, qui en font un élément clé dans le jeu concurrentiel.Dans ce contexte, le Conseil retient le fait que les tarifs des appels on-net sont un élément clé dans la sélection de fournisseur mobile par les consommateurs. Le surcoût lié aux appels off-net renforce, en outre, l'effet dit « de club » par lequel les utilisateurs qui forment un réseau, tendent à se regrouper auprès du même opérateur. Un plus petit opérateur qui vise à gagner des clients dans ce segment du marché, doit pouvoir offrir des tarifs off-net comparables aux tarifs on-net de l'opérateur dominant. De telles offres sont impossibles tant que les M.T.R. de l'opérateur dominant sont nettement plus élevés que ses tarifs on-net. 271. Il ressort de la jurisprudence que la méthode appliquée en l'espèce pour le calcul de l'effet de ciseau repose précisément sur le principe qui veut que la structure tarifaire de l'opérateur historique permette aux concurrents de rivaliser efficacement avec lui et de reproduire au moins la composition de sa clientèle.Il ne faut pas partir de l'hypothèse que la composition de la clientèle et l'offre de services des concurrents doivent être plus rentables que celles de l'opérateur établi. Sur ce point, ce sont les effets sur l'entrée des concurrents sur le marché qui sont déterminants au premier chef et non la question de savoir si, dans l'optique de l'abonné, les services d'accès et les appels se présentent comme un seul et même produit groupé. (TPI, Deutsche Telekom, § 127, repris ci-dessus sous le n° 236). 272. Comme l'IBPT l'a souligné dans les lignes directrices relatives à l'évaluation des effets de ciseau tarifaire, le choix du niveau d'application du test de ciseau tarifaire doit s'effectuer en tenant compte des conditions particulières du cas (§ 41, citées au n° 86).Vu que le comportement principal attaqué dans ce cas constitue la stratégie commerciale spécifique de BMB qui se caractérisait, notamment, par des tarifs bas pour les appels on-net et qui lui permettait de maintenir sa position dominante au détriment des concurrents, le Conseil soutient le choix de l'auditeur d'appliquer le test au niveau d'un type de service, en particulier les appels on-net, autrement dit de limiter la portée du test de ciseau tarifaire à un type de service, en particulier les appels on-net. 273. Finalement, même si la jurisprudence communautaire n'exige pas systématiquement la double position dominante dans ce contexte, force est de constater que BMB occupe une position dominante aussi bien sur le marché de gros (terminaison) que sur le marché de détail (téléphonie mobile).274. Ayant établi que l'on se trouve dans cette affaire dans un cas de figure où le test du « ciseau tarifaire » peut être appliqué pour déterminer si le comportement de BMB est abusif au sens des règles de concurrence, le Conseil doit se pencher sur la méthodologie choisie par l'auditeur.2. La méthodologie 275.En bref, il faut d'abord déterminer quel est le standard de référence pour évaluer les tarifs de BMB : le concurrent raisonnablement efficace (reasonably efficient operator) ou le concurrent aussi efficace (equally efficient operator). 276. Le Conseil soutient le test appliqué par l'auditeur, qui est basé sur les coûts de BMB.Il ressort de la jurisprudence européenne que le caractère abusif des pratiques tarifaires d'une entreprise dominante est en principe déterminé par référence à sa propre situation et, partant, par référence à ses propres tarifs et coûts, et non par référence à la situation des concurrents actuels ou potentiels (TPI, Deutsche Telekom, § 188, § 204, § 294). Cette même approche, basée sur le standard du concurrent aussi efficace se trouve privilégiée dans la Communication récente de la Commission (Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l'application de l'article 82 du Traité CE au pratiques d'évictions abusives des entreprises dominantes, C (2009) 864-final). Dans le cadre du contrôle ex post effectué par le Conseil en tant qu'autorité de concurrence, ce standard paraît en tout cas le plus approprié. 277. Même si le juge communautaire n'exclut pas explicitement le test du « reasonably efficient competitor/operator », il a considéré que celui-ci risquerait de violer le principe général de sécurité juridique.En effet, si la légalité des pratiques tarifaires d'une entreprise dominante dépendait de la situation spécifique des entreprises concurrentes, notamment par la structure des coûts de celles-ci, qui sont des données qui ne sont généralement pas connues de l'entreprise dominante, cette dernière ne serait pas à même d'apprécier la légalité de ses propres comportements (TPI, Deutsche Telekom, § 192, repris ci-dessus sous le n° 236). En outre, comme l'IBPT l'a noté, la prise en compte des coûts de l'opérateur dominant est aussi justifiée par le fait qu'il est en pratique plus aisé de collecter des données de coûts de ce dernier. Ce constat est également valable dans le cadre d'une procédure devant l'autorité de concurrence. 278. Un autre avantage du test EEO qui peut être mentionné est qu'il permet d'éviter de stimuler l'entrée sur le marché d'opérateurs moins efficaces (voir également les Lignes Directrices de l'IBPT, § 47, mentionnées ci-dessus au n° 86).279. Ensuite, la question se pose de savoir quels sont les coûts à prendre en considération.La méthodologie utilisée dans le rapport se base sur trois catégories de coûts et les revenus issus des services au détail dérivés du service de gros de terminaison d'appel. 280. Les coûts à prendre en considération pour les appels on-net sont, d'une part les coûts de réseau constitués des coûts de collecte d'appel et de terminaison d'appel (plus spécifiquement les M.T.R. facturés par BMB), ainsi que les coûts de « spare capacity », et d'autre part, les coûts de détail (en proportion de l'utilisation des services « on-net » par rapport à l'ensemble de l'utilisation). 281. Les coûts de la collecte d'appel utilisé par l'auditeur sont les coûts réels, issus de données saisies durant la perquisition dans les locaux de Belgacom Mobile ou fournis par cette dernière dans le cadre de demandes de renseignements émanant du Service de la concurrence visant à pouvoir disposer de l'outil similaire à la Profit Calculator Database pour les années 2002, 2003 et 2005, même si, techniquement, il n'y a pas de raison que les coûts de collecte d'appel soient sensiblement différents de ceux de la terminaison d'appel étant donné que ces deux services utilisent la même infrastructure.Le fait d'utiliser des coûts réels (et pas simplement multiplier les M.T.R.) est en faveur de BMB vu que selon ses propres estimations, ses coûts de collecte d'appel sont extrêmement bas. Il est justifié de prendre en compte aussi des coûts dits de « spare capacity », qu'un opérateur supporte afin de continuer à garantir ses services si un pic inhabituel d'utilisation de son réseau apparaît. 282. Afin d'adopter l'approche la plus favorable à BMB, l'auditeur a, à bon droit, retenu le M.T.R. le plus bas au cours de la période incriminée, soit au cours celui en vigueur du 1er novembre 2004 au 31 décembre 2005. 283. Les coûts de détail comprennent les coûts commerciaux et un pourcentage des coûts par carte.Ces coûts de détail sont définis par BMB comme suit : - M&S Non Recurring Cost/lifetime - CS Non Recurring Cost/lifetime - Sim Non Recurring Cost/lifetime - CS recurring - Billing cost - Customer Evolution - MKG recurring - SALES recurring - MDG recurring - SIM recurring A ces coûts de détail, il faut encore ajouter les coûts « bad debt ». 284. Les coûts de détail tels que définis ci-dessus sont communs à l'ensemble des services de détail et il y a donc lieu de les ventiler en fonction des différents services.L'auditeur a opté pour une ventilation en fonction de l'usage réel. Pour calculer ce pourcentage, l'auditeur a considéré que 1 minute est égale à une unité et qu'un service data (SMS, MMS, etc...) est égal à une unité également.
En termes d'unités de consommation les appels on-net représentent pour 2004, [...] % de l'usage total des différents services et [...] % (en terme de minutes) pour 2005. Il faut donc rajouter [...] % des coûts communs de détail aux coûts de collecte, de terminaison et de « spare capacity » pour avoir la somme des coûts engendrés par les appel on-net. Il en va de même pour 2005 où il faut ajouter [...] % des coûts de détail commun. 285. Au niveau des revenus issus des services au détail dérivés du service de gros de terminaison d'appel, il faut tenir compte des revenus par minute provenant des appels on-net, y compris les appels intra-entreprise (dénommé « closed user group »).Y est ajoutée une partie des revenus d'abonnement, de nouveau en fonction de la proportion de ces appels par rapport à l'usage total. 286. En réalité, la critique fondamentale de BMB par rapport à la méthodologie choisie par le rapport revient à contester la possibilité d'identifier les appels on-net en tant que tels.Le Conseil a déjà rejeté cette argumentation ci-dessus sous le point 7.2.1. 287. En outre, BMB conteste l'allocation des coûts et des revenus d'abonnement.Le rapport a alloué ces coûts et revenus sur base de l'usage réel des utilisateurs des services de BMB (à savoir [...] % en 2004 et 2002 et [...] % en 2005). Le Conseil considère cette méthode plus appropriée que le modèle proposé par BMB. La méthodologie a le mérite de se rapprocher le plus possible de la réalité économique du point de vue de l'utilisateur. 288. En tous les cas, il faut constater que BMB a eu l'occasion d'apporter des corrections au cours de la procédure par rapport aux chiffres retenus par l'auditeur et en appliquant sa propre méthode. Elle l'a fait aussi bien pour l'allocation des coûts et des revenus que pour le calcul des marges. Ces corrections ont fait l'objet de débat contradictoire devant le Conseil et certaines ont été acceptées par l'auditeur.
Il est important pour le Conseil de constater que ni le résultat de l'analyse dans le cas d'espèce, ni les conclusions que l'on peut tirer des résultats de cette analyse, ne changent de façon significative quand cette analyse s'effectue sur base des chiffres corrigés et adaptés par BMB. 3. L'analyse de la marge dans le cas d'espèce 289.La question se pose de savoir si dans le cas d'espèce l'application de cette méthodologie aboutit à la preuve d'une infraction à l'article 3 LPCE et l'article 82 du Traite CE. 290. Dans le cadre de la procédure devant le Conseil, BMB a eu accès à l'entièreté du dossier déposé par l'auditeur et, bien évidemment, à son rapport.BMB a eu l'occasion, et a en effet saisi cette occasion, pour examiner en détail les calculs effectués par l'auditeur et pour y répondre. Dans ses différentes observations écrites, la partie incriminée a apporté des corrections à certains chiffres. Le Conseil tient compte de ces corrections, qui ont été acceptées par l'auditeur. 291. A part les corrections d'ordre purement matérielles (tableau figurant en annexe confidentielle E du dossier de BMB), BMB a refait les calculs des marges sur base de sa méthode d'allocation alternative.292. En ce qui concerne les calculs pour le ciseau tarifaire, basés sur la méthodologie décrite ci-dessus, le Conseil constate qu'il existe une divergence, parfois considérable, entre les résultats obtenus par l'auditeur et BMB.Les différents résultats seront donnés par la suite. 293. Pour l'année 2004, le rapport tient compte de données portant sur un total de [...] cartes pour les clients corporate. BMB note qu'il s'agit d'entreprises ayant plusieurs entités ou sièges d'exploitation en Belgique, tels que des holdings, etc. Cette clientèle peut être considérée comme se situant au « high end » du segment corporate, soit une clientèle qui fait davantage jouer la concurrence entre les opérateurs mobiles en les confrontant par diverses techniques. Il ne s'agit donc pas de l'entièreté de ce que BMB estime constituer la clientèle corporate pour les besoins de son organisation interne. 294. Il peut être déduit de l'analyse par l'auditeur que la marge pour l'année 2004 est négative, se situant à [...] % selon le rapport. Dans son rapport, l'auditeur arrivait à cette marge en tenant compte d'une clé d'allocation des coûts de [...] %. Par après, il a reconnu qu'il s'agissait d'une erreur et que le pourcentage devait s'élever à [...] % selon sa propre méthodologie. Cependant, il n'a pas fourni au Conseil de nouveau calcul de la marge sur cette base. 295. Sur base des chiffres de BMB même, calculés sur base d'une clé d'allocation des coûts de [...] %, le résultat est également négatif puisqu'il s'élève à [...] %. 296. Le Conseil en déduit qu'en tout état de cause, la marge pour l'année 2004 était largement négative, se situant entre [...] % et [...] %. 297. Pour l'année 2005, le rapport tient compte de certaines données relatives à un total de [...] « lignes » reprises dans un ficher fourni par BMB en réponse aux demandes de renseignements qui lui ont été adressées. Selon le rapport, il s'agit de « l'entièreté de la base de clientèle corporate ». 298. Pour l'année 2005, l'auditeur arrive à la conclusion que la marge est également négative, soit de [...] %. Ce calcul est basé sur une clé d'allocation des coûts de [...] % dans le rapport. Par après, lors de la procédure, l'auditeur a reconnu que la clé selon sa propre méthodologie devait être de [...] %. Il n'a pas fourni au Conseil de nouveau calcul de la marge. 299. Sur base des chiffres de BMB même, calculés sur base d'une clé d'allocation des coûts de [...] % (revenus) et [...] % (coûts), le résultat est également négatif puisqu'il s'élève à [...] %. 300. La conclusion ne peut être que la marge était également largement négative en se situant en tout cas entre [...] % et [...] %. Pour l'année 2005, BMB s'est à nouveau rendue coupable d'un ciseau tarifaire. 301. En ce qui concerne les années antérieures, c'est-à -dire 2002 et 2003, malgré une demande du Service, BMB a été dans l'incapacité de fournir sa « calculette de profitabilité » pour les années 2002 et 2003.302. L'enquête a cependant retrouvé des traces de leurs évaluations pour un nombre restreint d'entreprises.Selon l'auditeur, on peut estimer que les profils d'appels entre 2002 et 2003 n'ont pas fortement évolué, principalement en raison du fait que l'on se concentre sur les appels « on-net » et que donc la distribution entre les différents services mobiles n'a dès lors que peu d'importance. 303. En ce qui concerne les revenus, il a été décidé de se baser sur le contrat [...] proposant un tarif ATAN de [...] EUR par minute et un abonnement mensuel de [...] EUR. L'auditeur note que c'est la solution conservatrice qui est choisie, le contrat [...] étant commercialement plus agressif. L'auditeur conclut que pour l'année 2002, la marge est [...] % mais positive, [...] %, si on décide de ne pas inclure les coûts et revenus communs de détail. 304. Les informations fournies par BMB n'ont pas permis d'isoler les coûts pour 2003 comme l'auditeur a pu le faire sur base du modèle 2004 et seule une extrapolation des coûts des années 2002 et/ou 2004 aurait permis de déterminer la marge de BMB pour 2003.Compte tenu de l'imprécision liée à cette approche, il a été décidé de ne pas approfondir ce grief pour 2003. 305. Tant le Conseil considère que pour les années 2004 et 2005, l'auditeur peut se baser essentiellement sur les bases de données retrouvées chez BMB, tant pour les années 2002 et 2003, il estime que le standard de preuve n'a pas été atteint.Si l'on peut accepter qu'inévitablement chaque analyse factuelle et chaque évaluation peut contenir des erreurs marginales, il est nécessaire que l'analyse soit basée sur suffisamment de faits et contienne le moins d'extrapolations possibles. Il n'est pas suffisant, pour l'année 2002, de se baser sur l'offre faite à un seul client. Le Conseil estime que la preuve de l'infraction n'est pas ramenée à suffisance de droit.
Pour l'année 2003, l'auditeur lui-même admet qu'il n'y a pas assez de données pour déterminer la marge. 306. Le Conseil constate donc l'existence d'un ciseau tarifaire pour les années 2004 et 2005.Les marges sont largement négatives. Un tel ciseau tarifaire constitue une infraction à l'article 3 LPCE et l'article 82 du Traité CE. 4. Les effets anticoncurrentiels 307.A titre (infiniment) subsidiaire, BMB a invoqué l'absence de preuve d'effets anticoncurrentiels d'un éventuel ciseau tarifaire. 308. Le Conseil souligne tout d'abord, que chaque analyse sous l'angle des règles de concurrence, doit être basée sur une analyse de marché et doit tenir compte du contexte économique pertinent.Cependant, il faut clairement distinguer la nécessité d'avoir égard au contexte global, au marché pertinent et à la structure de la concurrence d'une part, de la problématique de la charge de preuve, et en particulier la preuve des effets, d'autre part. 309. Comme l'a souligné l'auditeur, il suffit de démontrer que le comportement abusif de l'entreprise en position dominante tend à restreindre la concurrence ou, en d'autres termes, que le comportement est de nature ou susceptible d'avoir un tel effet.En d'autres termes, pour certains comportements, les effets (potentiels) peuvent être déduits du fait que certaines conditions sont réunies (comme dans le cas du ciseau tarifaire) pour constater une infraction. 310. Dans cette affaire, ce qui est reproché à BMB n'est pas d'avoir pratiqué des prix prédateurs, mais que la marge entre son tarif de gros et ses tarifs de détail correspondants est négative.Une telle marge ne permet pas aux concurrents de rentrer en concurrence sur le segment de marché sur lequel ce comportement est établi. Autrement dit, l'infraction aux règles de concurrence provient du fait que le ciseau tarifaire même entrave la concurrence et rend difficile, voire impossible, l'accès à un certain segment du marché pour les concurrents. 311. Le Conseil rappelle que ce grief est à considérer dans l'ensemble des faits qui ont été établis dans ce dossier et qui montrent, pendant la période infractionnelle définie, une stratégie commerciale de BMB envers les clients professionnels ayant des exigences particulières, qui était particulièrement agressive et qui était basée en grande partie sur la tarification on-net.312. Ainsi, il faut également rejeter l'argument selon lequel BMB ne faisait que s'aligner aux concurrents (meeting competition defense). BMB n'a pas démontré que les offres prises en compte pour l'évaluation du ciseau tarifaire, n'était qu'une tentative de pallier les offres de concurrents. 313. Contrairement à ce que prétend BMB, la Commission a bien retenu ce principe que les effets concrets ne doivent pas être démontrés et a été suivi par le juge communautaire (Décision de la Commission du 4 juillet 2007, Téléfonica, § 543;TPI, Deutsche Telekom précité au n° 236; voir également TPI 30 septembre 2003, affaire T-203/01, Michelin, §§ 239 et 241). Dans ce cadre, il faut constater que les prestations intermédiaires de BMB (marché de gros, terminaison) sont indispensables pour permettre aux concurrents d'entrer en concurrence avec elle sur le marché en aval des services d'accès pour les abonnés (marché de détail). Dès lors, un effet de ciseau entre les tarifs des prestations intermédiaires et les tarifs de détail de la requérante entravera en principe le développement de la concurrence sur les marchés en aval. En effet, si les prix de détail de la requérante sont inférieurs aux tarifs de ses prestations intermédiaires ou si l'écart entre les tarifs des prestations intermédiaires et les tarifs de détail de la requérante est insuffisant pour permettre à un opérateur aussi efficace qu'elle de couvrir ses coûts spécifiques pour la fourniture de services d'accès aux abonnés, un concurrent potentiel aussi efficace que la requérante ne pourrait entrer sur le marché des services d'accès aux abonnés qu'en subissant des pertes (arrêt Deutsche Telekom, § 237). 314. Le ciseau tarifaire est donc capable, par sa nature, d'entraver la concurrence.Le moyen de BMB basé sur l'absence d'effets anticoncurrentiels démontrés est rejeté. 7.2.4 La discrimination entre les appels on-net et off-net 315. Le dernier grief que le rapport a retenu contre BMB consiste en une pratique de discrimination entre les prix des appels on-net et des appels off-net.La différence créerait une barrière à l'entrée qui a tendance à renforcer la position de l'opérateur historique et désavantage les opérateurs alternatifs. Selon le rapport, BMB a mis en oeuvre pendant plusieurs années une stratégie tarifaire qui était basée sur une distinction entre les appels on-net et les appels off-net. En 2005, l'entreprise a progressivement basculé vers une stratégie ATAN tout en maintenant les anciens plans tarifaires pour ceux qui le souhaitaient. Dans la période de référence dans ce dossier, la grande majorité des plans tarifaires de BMB faisait une distinction entre les appels on-net et les appels off-net. Selon l'auditeur, BMB a maintenu une distinction sensible entre les deux catégories d'appels qui dépassaient les différentiels constatés entre les différents M.T.R. 316. Les effets anticoncurrentiels sont situés à plusieurs niveaux dans le rapport.D'abord, il serait plus avantageux pour un client de choisir un opérateur possédant la plus grande partie du marché à moins que le plus petit opérateur propose des tarifs très inférieurs à ceux de l'opérateur dominant. Dans le cas d'un marché déséquilibré, les petits opérateurs sont structurellement contraints d'offrir des prix sensiblement plus bas que ceux de l'opérateur dominant s'ils veulent rester attractifs. Une discrimination non justifiée entre les appels on-net et les appels off-net peut avoir un effet négatif sur les capacités financières des plus petits opérateurs à faire les investissements et les dépenses absolument nécessaires à améliorer leur position sur le marché. En outre, les consommateurs, selon le rapport, ont tendance à choisir leur réseau en fonction du réseau de personnes qu'ils appellent le plus souvent. Le rapport vise à démontrer que cet effet dit « cluster » (ou club) est accentué par la pratique de prix excessifs de la part de BMB sur le marché de la terminaison d'appels sur son réseau. Selon l'auditeur, la stratégie tarifaire basée sur une distinction entre les appels on-net et les appels off-net entraîne une différence tarifaire élevée au regard des M.T.R. officiels et ne repose sur aucun coût réel. 317. BMB soulève d'abord des arguments qui ont trait aux critères influençant la décision d'achat.BMB critique la position de l'étude LECG (sur lequel l'auditeur se fonde en grande partie) qui suggère que le choix des consommateurs serait guidé pour l'essentiel par le fait de se trouver sur le même réseau que la famille et les amis et serait donc intimement lié à la tarification offerte pour les appels on-net.
BMB estime qu'il ne faut pas perdre de vue que le rapport retient le marché des utilisateurs professionnels ayant des exigences particulières et que les études ne portent pas sur ce marché. Ensuite, il y a diverses autres raisons qui expliquent le fait de vouloir être sur le même réseau que celui utilisé par les amis et la famille. BMB cite le besoin d'information, le réseau social, l'image de marque et la couverture de réseau. La partie incriminée en conclut que le prix des appels on-net n'est pas l'élément principal du choix des clients visés dans le rapport. Ce choix n'est certainement pas guidé uniquement ou principalement par le fait de se trouver sur le même réseau que la famille et les amis pour bénéficier des tarifs on-net moins élevés. Les éléments qualitatifs (qualité du réseau, disponibilité de certains services, l'image de marque et le sérieux de l'opérateur) sont encore plus importants pour les clients professionnels ayant des exigences particulières.
BMB conteste également que le marché soit arrivé à maturité à partir de 2002, qu'il n'y ait donc plus de nouveaux arrivants et que toute croissance passe nécessairement par l'attrait d'utilisateurs déjà clients d'autres opérateurs mobiles. Selon BMB, le marché mobile était bien encore en phase de croissance pendant la période étudiée. BMB rejette également l'argument selon lequel la différenciation tarifaire entre les appels on-net et les appels off-net est particulièrement aigüe dans le chef des clients professionnels du fait que leur ARPU est nettement supérieur à celui de la clientèle prépayée. 318. Dans ses différentes observations écrites, la partie incriminée s'appuie sur l'absence de précédent au niveau européen et national. Selon BMB, un cas de différenciation tarifaire entre les appels on-net et les appels off-net n'a jamais été considéré en tant que tel comme une pratique abusive dans le chef d'un opérateur dominant. La pertinence du cas français qui est cité dans le rapport est aussi contestée. Le rapport se réfère, en effet, à deux décisions du Conseil de la concurrence français mais selon BMB, le Conseil de la concurrence français n'a pas pris une position définitive quant aux conditions qui devaient être réunies pour qualifier une pratique de différenciation tarifaire d'abusive. Dans un cas (Orange Caraïbe), des mesures provisoires ont été imposées mais il s'agissait de tarifs d'une offre prépayée. Les enseignements qui peuvent être tirés de ces deux précédents sont limités et, en tous cas, montre qu'un effet anticoncurrentiel concret est une condition. Cette condition est confirmée par l'étude Frontier Economics. Cette dernière étude contredit, selon BMB, certaines conclusions dans l'étude LECG citée dans le rapport. Pour BMB, le rapport ne contient aucun élément de preuve matériel qui démontrerait la relation directe entre le niveau du différentiel tarifaire on-net / off-net dans les offres litigieuses de BMB, d'une part, et les parts de marché des concurrents d'autre part. Or, selon BMB, il s'agit d'une condition nécessaire pour pouvoir conclure à l'existence d'une pratique abusive. 319. BMB a reconstruit le modèle de simulation sur lequel le rapport se fonde pour démontrer des contraintes imposées aux plus petits opérateurs en matière d'ARPU (revenu moyen par utilisateur).Selon BMB, le résultat de cette simulation (refaite) permet de constater que la différenciation tarifaire on-net / off-net ne condamne pas l'opérateur plus petit à gérer des valeurs ARPU moins élevées que celles obtenues par le plus grand opérateur.
A titre subsidiaire en ce qui concerne ce test, BMB estime que certains frais ne sont pas repris correctement dans le test.
Finalement, BMB conteste le choix des offres tarifaires qui sont visées dans le rapport dans le cadre de ce grief. 320. BMB conclut que le rapport ne montre ni l'objet ni l'effet anticoncurrentiel de la différenciation tarifaire incriminée dans le chef de BMB.Les arguments développés à propos de la diminution de la valeur ARPU sont erronés et contredits par le modèle d'analyse du rapport même. Certains des plans tarifaires visés par le grief sont hors du marché pertinent et le modèle utilisé dans le rapport ne reflète pas le comportement d'achat ni le profil de consommation des clients professionnels ayant des exigences particulières. 321. En ce qui concerne ce dernier grief, les tiers n'ont pas invoqué devant le Conseil des éléments substantiels, autres que ceux contenus dans le rapport de l'auditeur.322. Le Conseil rappelle tout d'abord qu'il considère que l'appel on-net, du moins pour la période concernée, peut être considéré comme un produit d'appel distinct, ce qui permet de comparer son coût et son prix à l'appel off-net.323. Dans ce cadre, le Conseil s'est dit convaincu par le fait que le choix du client est déterminé, en partie, par le prix des appels on-net et par les effets de réseau auxquels l'auditeur fait également référence concernant ce grief.Le prix d'appel on-net du plus grand opérateur entraîne aussi des difficultés pour les concurrents dans la mesure où ils sont obligés de baisser leur prix à un niveau plus bas que l'opérateur historique sans avoir la possibilité de compenser ou mettre à charge les M.T.R. redevables à BMB. Dans la mesure où la défense de BMB est basée en partie sur la théorie de l'unité économique, le Conseil se réfère aux motifs repris ci-dessus sous le point 7.2.1. sur le rejet de la théorie de l'unité économique et les appels on-net. 324. Ces considérations font également partie des raisons qui ont conduit le Conseil à retenir le grief précédant concernant l'amenuisement des marges en tant que manifestation d'une stratégie commerciale visant à acquérir ou du moins sauvegarder des clients faisant partie du marché de la clientèle professionnelle.Cette pratique est susceptible de nuire à la concurrence parce qu'il a été établi selon le Conseil, que les appels on-net sont un élément important dans la concurrence entre les opérateurs de téléphonie mobile. 325. Cependant, en ce qui concerne ce dernier grief, le Conseil estime qu'il ne peut pas constituer une base suffisante pour parvenir à la conclusion qu'un abus de position dominante a été établi.326. En premier lieu, il n'y a pas lieu de qualifier le comportement tel que décrit par l'auditeur, comme discriminatoire.327. Une discrimination peut exister quand deux situations identiques voire suffisamment semblables, sont traités de façon différente, ou quand deux situations différentes sont traitées de façon identique.Le rapport ne contient pas de motivation à ce sujet, qui puisse faire rentrer le comportement de BMB dans la catégorie de pratiques discriminatoires abusives.
L'interdiction spécifique de la discrimination visée à l'article 82 du Traité CE signifie que le comportement commercial de l'entreprise en position dominante ne doit pas fausser la concurrence sur un marché en amont ou en aval (fournisseurs ou clients) : les cocontractants ne doivent pas être favorisés ou défavorisés dans la concurrence qu'ils se livrent entre eux (voir CJCE 15 mars 2007, affaire C-95/0 P, British Airways). 328. La comparaison des prix on-net avec les prix off-net ne peut pas être considérée comme une comparaison de deux produits ou services identiques, voire semblables pour les besoins de la qualification juridique.La discrimination ne se situe pas non plus au niveau des effets pour les clients, que ce soit sur le marché de gros (les autres opérateurs) ou sur le marché de détail (les clients/consommateurs). Il n'y a pas de différentiation démontrée entre clients ou groupes de clients, ne fût-ce qu'indirectement. 329. Ce grief semble viser, en réalité, le caractère excessif des prix off-net.Cependant, le Conseil n'est pas convaincu que les preuves apportées par l'auditeur puissent mener à la conclusion que les tarifs soient excessifs, ni sur le marché pertinent comme le Conseil l'a défini, ni sur le segment des clients professionnels ayant des exigences particulières. Le caractère excessif d'un prix demande une preuve spécifique par rapport à la détermination des prix et la comparaison aux coûts qui ne sont pas contenus dans ce rapport (voir la discussion sous 7.2.2).
Le Conseil ne peut pas requalifier le grief en l'absence de suffisamment d'éléments dans le dossier et dans le rapport. 330. De toute façon, il faut remarquer, comme l'a souligné BMB, que l'analyse de l'auditeur est en grande partie basée sur des données factuelles qui concernent la clientèle résidentielle.Le grief manque donc aussi de base factuelle suffisamment solide. 331. Le cinquième grief, consistant à qualifier la différence entre les appels on-net et les appels off-net comme une pratique discriminatoire abusive, est rejeté. 7.3. Conclusion au sujet de l'abus de position dominante 332. Sur la base des considérations précédentes, le Conseil conclut qu'une infraction à l'article 3 LPCE et à l'article 82 du Traité CE a été établie dans le chef de la partie incriminée, BMB.333. Cette infraction consiste à avoir abusé, en 2004 et 2005, de sa position dominante sur le marché belge de la téléphonie mobile en adoptant une stratégie commerciale envers une partie de la clientèle professionnelle, soit les clients ayant des exigences particulières. Le caractère abusif de cette stratégie provient du fait qu'elle était axée sur la différence entre la tarification on-net et la tarification M.T.R. Pour la période incriminée, l'auditeur a démontré que cette stratégie se manifestait par un amenuisement des marges dans les années 2004 et 2005. Cette pratique d'amenuisement de marges est à considérer comme un abus de position dominante dans le sens de l'article 3 de la LPCE et l'article 82 du Traité CE. 334. Le caractère abusif du comportement a trait à la différence entre le prix de gros (tarif de terminaison) et le prix de détail (prix on-net).Le Conseil a rejeté les griefs qui visaient à qualifier soit les tarifs on-net comme étant trop bas, soit à qualifier les prix off-net comme trop élevés, parce que les conditions pour constater un abus de position dominante n'étaient pas remplies. La présente décision ne se prononce pas sur le niveau de la tarification par BMB pour l'un ou l'autre service sous l'angle des règles de concurrence.
Il est précisé que la nuisance pour la concurrence et pour l'entrée et le maintien dans le marché des concurrents aussi efficaces, résidait pour la période incriminée dans le différentiel mentionné.
VIII. Sanctions 8.1. Introduction 335. Il suit de ce qui précède que le Conseil a constaté une infraction à l'article 3 LPCE et à l'article 82 du Traité CE et que cette infraction peut être attribuée à BMB.Sur la base de l'article 63 de la LPCE, le Conseil peut infliger une amende à BMB. L'article 63 LPCE constitue la base légale pour une telle sanction, aussi bien pour l'infraction au droit communautaire que pour l'infraction à la LPCE. 336. Dans son rapport, l'auditeur a décrit de façon détaillée les différents griefs qui selon lui, étaient susceptibles de constituer des infractions à l'article 3 de la LPCE et à l'article 82 du traité CE.Il conclut son rapport en demandant au Conseil d'infliger une amende et en donnant des indications concernant les facteurs à prendre en considération. Dans ses observations devant le Conseil, il a demandé au Conseil d'imposer des amendes significatives. Après avoir pris connaissance des arguments de BMB plus tard dans la procédure, il a également fourni des éléments supplémentaires au Conseil, en particulier sur la gravité de l'infraction, la durée de l'infraction, les effets sur le marché, l'étendue géographique et les circonstances particulières du cas à prendre en considération. 8.2. Procédure 337. BMB a critiqué l'absence d'une proposition concrète d'amende par l'auditeur et en déduit qu'elle n'est pas en mesure d'exercer pleinement ses droits de la défense.Dans ses dernières observations écrites ce moyen n'est plus repris, mais, pour autant que de besoin, le Conseil estime tout de même utile d'y répondre. 338. Tout d'abord, il faut souligner que BMB n'indique en rien sur quelle base légale elle se fonde pour prétendre que l'auditeur serait dans l'obligation de faire une proposition concrète de l'amende ou alternativement, en quoi le respect de ses droits de la défense exigerait une telle proposition concrète et en quoi elle devrait consister. Sans vouloir se prononcer de façon générale sur la nécessité ou l'opportunité d'une telle proposition concrète, ou même chiffrée, par l'auditeur, force est de constater que, selon le Conseil, il n'y a pas d'obligation légale pour l'auditeur de proposer une amende concrète.
Une telle obligation ne figure ni dans la loi belge, ni dans les règles applicables au niveau européen.
Ne sachant d'ailleurs pas quels seront les éléments que le Conseil va définitivement retenir ou pas, un tel exercice pourrait s'avérer difficile, voire inefficace dans certaines affaires. 339. Pour le Conseil, une telle obligation de faire une proposition chiffrée d'amende ne découle pas non plus du principe général du respect des droits de la défense. Cette conclusion s'impose lorsque les exigences qui découlent de la pratique décisionnelle et de la jurisprudence en matière de calcul des amendes sont examinées. 340. Selon la jurisprudence communautaire constante, la partie incriminée doit connaître les faits qui pourront être retenus contre elle et les conséquences juridiques que l'autorité estime devoir en tirer (voir à ce sujet notamment : CJCE 29 juin 2006, C-289/04P, Showa Denko, §§ 68-74;concernant la phase devant le Tribunal : CJCE, affaire C-3/06 P, §§ 68-83, Danone). En outre, elle doit avoir une indication de l'évaluation des facteurs les plus importants qui peuvent déterminer l'amende, c'est-à -dire dans un cas comme celui-ci, la gravité et la durée de l'infraction Ensuite, elle doit avoir la possibilité d'être entendu et donc la possibilité de développer, si elle le souhaite, des arguments concernant toutes les circonstances qu'elle estime pouvoir avoir une influence sur la détermination de l'amende. Il s'agit donc pour l'entreprise incriminée de connaître les éléments nécessaires pour se défendre non seulement contre la constatation de l'infraction, mais également contre le fait de se voir infliger une amende (voir par analogie au niveau européen également TPI 30 avril 2009, affaire T-13/03, Nintendo, § 84). 341. Force est de constater que dans cette procédure, toutes les conditions mentionnées au paragraphe précédant ont été remplies. L'auditeur a fourni suffisamment d'éléments afin de permettre à BMB d'exercer utilement sa défense (voir ci-dessus n° 336) et BMB a fait usage de la possibilité de développer des moyens au sujet du calcul de l'amende.
Si BMB, au départ, a choisi de développer que de façon succincte ses arguments à ce sujet et s'est ensuite réservé ses droits, ce choix ne peut mener à la conclusion que l'auditeur aurait manqué à ses obligations, ou que l'affaire ne serait pas en état, ne permettant pas au Conseil de prendre une décision sur le fond et déxercer sa compétence exclusive de déterminer une sanction.
Le moyen concernant l'absence de proposition plus motivée de l'auditeur, est donc rejeté. 8.3. Détermination de l'amende par le Conseil 342. Le Conseil estime qu'il y a lieu de sanctionner BMB pour l'infraction qui a été établie dans la présente décision.343. A titre d'introduction, le Conseil rappelle qu'une décision au sens de l'article 5, § 52, LPCE et 5 du Règl.1/2003 constatant l'existence d'un abus de position dominante, doit contenir des motifs quant au calcul de la sanction, en tenant compte des droits fondamentaux de la partie incriminée d'une part, et des caractéristiques essentielles et spécifiques d'une procédure en droit de la concurrence d'autre part. La décision doit permettre à la partie incriminée et à l'auditeur de saisir la méthode que le Conseil a utilisée pour arriver à l'amende, tout en permettant, à l'autorité de concurrence, in casu le Conseil, d'exercer sa compétence exclusive dans le domaine des sanctions en tenant compte de la marge de discrétion qui la caractérise. 344. Dans ce cadre légal, l'amende est déterminée comme suit.345. Les Lignes directrices de 2004 pour le calcul des amendes (Moniteur belge du 30 avril 2004, Ed.2, pp. 36261 - 36264) qui ont été publiées dans le cadre de l'ancienne LPCE et dont la formulation s'articulait entièrement sur l'ancienne LPCE, ne sont plus d'application depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle LPCE, sauf dans les cas où le Conseil a prévu explicitement qu'il les appliquera encore au titre de droit transitoire (voir la nouvelle Communication sur la clémence, M.B. du 22 octobre 2007, § 50; voir également la Décision 2008-I/O-13 du 4 avril 2008, BBP). 346. Les facteurs les plus importants pour le calcul de l'amende dans le cadre des Lignes directrices susmentionnées, étaient la nature et la gravité de l'infraction ainsi que sa durée (Décision 2008-I/O-04 du 25 janvier 2008, VEBIC;Décision BBP, citée au n° précédent, Décision 2008-P/K-43 du 7 juillet 2008, FAB). Au niveau européen, ces deux facteurs sont toujours à la base du calcul des amendes (voir au niveau de la Commission, l'article 23 § 3 du Règl. 1/2003; les Lignes Directrices pour le calcul des amendes de la Commission, J.O.C.E. (2006) C 210, p.2 ainsi que les Lignes directrices antérieures de 1998). Les facteurs sur lesquels le calcul d'amende est basé, sont donc suffisamment prévisibles (voir CJCE 22 mai 2008, affaire C-266/08 P, Degussa). 347. En exerçant son pouvoir d'infliger des amendes sur la base de l'article 63 LPCE, la loi prévoit uniquement que le Conseil doit tenir compte d'un montant maximal de 10 % du chiffre d'affaires total de l'entreprise réalisé sur le marché national et à l'exportation, à déterminer sur la base de l'article 86 LPCE. Dans ce contexte, le Conseil dispose donc clairement d'une large marge d'appréciation (voir Décision 2008-I/O-04; Décision 2008-I/O-13 du 4 avril 2008, BBP; jurisprudence constante au niveau communautaire, voir récemment notamment CJCE, Danone, § 35, arrêt précité au n° 340). 348. En ce qui concerne la gravité de l'infraction, le Conseil considère que l'infraction peut être qualifiée comme une restriction grave. Il s'agit d'un abus de position dominante qui a pu avoir des effets négatifs pour les concurrents, dans un marché qui est de grande importance pour les consommateurs. Il s'agit d'un secteur concentré où, ne fût-ce que par l'existence de la régulation, nul ne peut ignorer l'importance de la libéralisation et de la protection de la libre concurrence. Il faut y rajouter que les pratiques abusives ont pu avoir des effets sur tout le territoire de la Belgique.
Le régime légal en Belgique ne connaissant pas actuellement des catégories plus détaillées d'infractions, l'on peut néanmoins s'inspirer de l'ancienne communication et des textes européens. Dans des cas similaires des comportements abusifs ont aussi été qualifiés de graves mais non pas très graves (TPI, Deutsche Telekom, repris ci-dessus sous le n° 236 et plus récemment CJCE 2 avril 2009, affaire C-202/07 P, Wanadoo). 349. La gravité de l'infraction doit déterminer le montant de base pour le calcul de l'amende, avant de prendre en considération, ensuite, la durée de l'infraction.Afin de pouvoir refléter l'importance économique de l'infraction et le poids de l'entreprise en question sur le marché, le montant de base est généralement fixé comme une proportion de la valeur des ventes sur le marché qui est en lien direct ou indirect avec l'infraction. 350. Le marché pertinent retenu par le Conseil dans la présente décision est le marché de la téléphonie mobile en Belgique.Cependant, il faut constater que les comportements qualifiés comme étant contraires aux règles de concurrence, se situent dans un segment spécifique de ce marché, soit les clients professionnels ayant des exigences particulières. 351. Sans pour autant exclure qu'en principe le Conseil pourrait se baser sur le chiffre d'affaires du marché pertinent dans sa globalité, il est opportun dans ce cas, selon le Conseil, de prendre comme point de départ un montant en lien plus direct avec l'infraction, même s'il faut alors se baser sur des estimations.352. Pour déterminer la valeur des ventes pertinentes, une autorité de concurrence peut se baser sur les chiffres disponibles qui correspondent au marché concerné présentant un lien direct ou indirect avec l'infraction.Dans ce cas, l'auditeur a communiqué au Conseil des estimations du chiffre d'affaires correspondant au segment de la clientèle professionnelle ayant des exigences particulières.
D'une part, il est vrai que BMB a contesté la définition de ce segment comme marché pertinent. D'autre part, BMB n'a pas contesté les estimations contenues dans les observations écrites de l'auditeur quand il s'agissait du calcul de l'amende. Au contraire, dans ses dernières observations elle déclare que ces estimations semblent correctes. 353. Le fait de tenir compte de la meilleure estimation possible venant de l'auditeur concernant ce segment de marché pour les besoins du calcul de l'amende, n'est pas en contradiction avec la décision du Conseil de retenir un marché pertinent plus large pour l'analyse juridique des griefs.Au contraire, même si, quod non, il y avait éventuellement un doute possible sur la délimitation du segment de marché et donc sur le chiffre d'affaire à retenir, la solution adoptée ici par le Conseil implique que l'éventuel doute bénéficie à la partie incriminée, parce qu'alternativement il aurait fallu retenir le chiffre d'affaires de tout le marché pertinent ou, en tous cas, d'un marché plus étendu.
Compte tenu de ces circonstances, le Conseil peut raisonnablement se baser sur ces estimations de l'auditeur. 354. Dans le rapport (version consolidée) et dans ses observations écrites, l'auditeur a évalué le chiffre d'affaires des clients corporate pour l'année 2005 (dernière année complète d'infraction) à 340.000.000 euro . 355. En ce qui concerne, le pourcentage à appliquer, le Conseil prend en considération les facteurs suivants.356. Comme il a été mentionné ci-dessus, il s'agit d'une restriction grave.357. BMB a invoqué le fait que les griefs contenus dans le rapport étaient en partie basés sur des nouvelles théories ou des nouvelles interprétations du droit.Elle a fait état aussi de la complexité des questions soulevées par les griefs. 358. Dans cette décision, l'infraction qui est établie concerne l'amenuisement des marges, d'autres griefs qualifiés comme novateurs par BMB n'ayant pas été retenus.Bien qu'il s'agisse d'une problématique complexe, la méthodologie appliquée par l'auditeur n'a rien de surprenant et correspond à la méthodologie appliquée dans plusieurs autres cas qui sont largement analysés et commentées par la partie incriminée. L'existence de controverses autour des questions juridiques et économiques qui sont en jeu, montrent précisément que le sujet n'est pas nouveau et que BMB ne peut pas prétendre que le caractère potentiellement infractionnel des comportements était imprévisible.
Le ciseau tarifaire, ou l'amenuisement de marges, est effectivement un des sujets plus complexes dans le cadre de l'application de l'article 82 du Traité CE et qui a fait l'objet au courant de la période de l'instruction et de la procédure devant le Conseil de développements importants au niveau belge et européen. Le Conseil y voit une raison, non pas pour justifier le comportement de BMB (dans ce cas, il n'y aurait plus d'abus) ni pour retenir une circonstance atténuante (voir dans ce sens, TPI 17 septembre 2007, affaire T-201/04, Microsoft, §§ 1335 et suivants) mais pour déterminer le pourcentage appliqué par rapport aux ventes prises en considération pour le montant de base. Il s'agit pour cette raison d'ailleurs d'une infraction grave et non pas très grave. 359. Dans ce cas, le Conseil fixe le pourcentage à 15 %.A titre de comparaison, l'échelle appliquée au niveau européen, indique jusqu'à 30 % pour des restrictions graves (Lignes Directrices de la Commission, précitées sous le n° 346). Ce pourcentage traduit le caractère grave de l'infraction.
Il tient compte également de la nature de l'abus, son impact sur le marché et l'étendue du marché (voir TPI, Microsoft, notamment aux §§ 1345, 1360, 1361, arrêt précité au n° 358). Le Conseil a constaté que l'abus a eu lieu sur un segment où BMB occupe une position importante et où les concurrents sont proportionnellement moins présents. Il s'agit aussi d'un segment de marché considéré par tous comme commercialement fort intéressant.
Le montant de base est donc de 51.000.000 euro . 360. Il y a lieu alors de prendre en considération la durée de l'infraction.361. Il ressort de la présente décision que le Conseil a retenu les années 2004 et 2005 comme période infractionnelle.Il faut noter que la particularité de ce dossier est que le grief d'amenuisement des marges requiert des calculs pour lesquels l'auditeur avait besoin de données qu'il n'a pas réussi à obtenir de la part de BMB pour les autres années examinées, c'est-à -dire 2002 et 2003. Le Conseil n'a retenu que deux années puisque le doute sur les chiffres pertinents doit bénéficier à l'entreprise incriminée. En outre, l'auditeur a choisi de limiter son instruction à la période 2002-2005, ne se prononçant pas sur les années plus récentes, ce qui explique également la durée.
Il ne s'agit donc pas d'une période très longue. A titre de comparaison, une période de deux ans aurait été qualifiée de durée moyenne sous l'empire des anciennes Lignes Directrices du Conseil et selon les catégories qui étaient décrites dans les Lignes Directrices de la Commission de 1998. Une majoration avec un facteur de 30 %, correspondant à la deuxième année d'infraction, est appliquée pour arriver à l'amende de base. Ce facteur de majoration traduit, tout comme le choix du pourcentage pour le montant de base, le caractère grave de l'infraction tout en tenant compte de la nature de l'abus et de l'ensemble des circonstances de la cause.
Le calcul se présente alors comme suit : montant de base (15 % de la valeur des ventes pertinentes en 2005) + 30 % = 66.300.000 euro . 362. Ensuite, il y a lieu de tenir compte des circonstances spécifiques éventuelles du cas qui peuvent être de nature à avoir une influence sur la sanction ainsi que des principes généraux de droit applicables.Ces circonstances peuvent conduire à ajuster le montant de l'amende à la hausse ou à la baisse. 363. Il n'y a pas de circonstances aggravantes.364. Dans ce qui précède le Conseil a déjà rejeté le moyen de BMB par lequel elle demandait une réduction de l'amende pour cause des circonstances complexes de l'affaire.La décision tient compte de la complexité du sujet dans la détermination de la gravité de l'abus et dans le choix du pourcentage de la majoration. Il n'y a pas lieu de retenir ces circonstances à titre de circonstances atténuantes (voir ci-dessus n° 358). 365. Il n'y a pas d'autres circonstances atténuantes à retenir.366. La proposition de l'auditeur de réduire l'amende de 10 % à cause de l'existence de la régulation doit être rejetée.L'existence de la régulation et plus particulièrement de la fixation des M.T.R., a fait partie de l'examen par le Conseil du comportement de BMB. Si, après cet examen, le Conseil arrive à la conclusion qu'un certain comportement constitue un abus de position dominante, tout en tenant compte de la régulation qui est en place, la seule existence de cette régulation ne peut alors mener à une réduction de l'amende. Une telle évaluation risque de créer une incohérence dans l'approche du Conseil et constituerait un signal peu opportun au marché des télécommunications. Finalement, il faut rappeler que les entreprises qui opèrent dans un marché régulé doivent être attentives à l'interdiction de ne pas fausser la concurrence de leur propre initiative si la régulation en place limite déjà le jeu de la libre concurrence. 367. Il n'y a donc pas de circonstances particulières qui nécessitent une adaptation du montant de base de l'amende.368. En ce qui concerne la proportionnalité et l'équité, il y a lieu de tenir compte d'une part du fait que finalement seul un des cinq griefs de l'auditeur a pu être retenu après une instruction qui a duré de 2005 à 2008 et durant laquelle des communications publiques à son sujet ont eu lieu, aussi bien après les perquisitions qu'après le dépôt du rapport.Le Conseil y rajoute que pour des raisons d'efficacité de procédure, l'on aurait pu envisager d'étendre l'instruction du dossier aux années 2006 et 2007, le dossier et le rapport n'étant déposé qu'en avril 2008.
A cet égard, il rajoute qu'il s'agit d'une infraction dans le passé et que jusquà présent relativement peu d'amendes ont encore été imposées par le Conseil.
D'autre part, le Conseil a examiné le montant de l'amende en comparaison avec le chiffre d'affaire de BMB en 2007 (le dernier bilan dans le dossier) et également en comparaison avec les bénéfices (avant impôts) de la partie incriminée dans la même année. Le dossier montre également que BMB occupe toujours une place très importance dans le secteur de la mobilophonie et en particulier dans le marché des clients professionnels. Pendant la période couverte par la présente décision, la part de marché de BMB était très importante. Le Conseil tient compte également de la capacité économique effective de l'entreprise de causer des dommages aux concurrents sur un segment de marché commercialement important où l'écart entre la part de marché de BMB et les concurrents était considérable (voir TPI 12 septembre 2007, affaire T-30/05, Prym et Conclusions de l'Avocat Général Mengozzi du 30 avril 2009 dans l'affaire en appel, affaire C-534/07 P).
Cet exercice mène à la conclusion que l'amende est proportionnelle vu, d'une part, la procédure qui a mené à la présente décision, et, d'autre part, la position de BMB sur le marché, aussi bien dans la période incriminée que plus récemment. 369. Pour les mêmes raisons, le Conseil estime également que l'amende a un effet dissuasif suffisant.La portée dissuasive de l'amende est suffisamment assurée en appliquant une majoration supplémentaire pour la deuxième année d'infraction (voir ci-dessus au n° 361).
L'application d'un facteur de multiplication à la fin du calcul n'est dès lors pas nécessaire. 370. En tout dernier lieu, il faut s'assurer que l'amende ne dépasse pas le maximum légal de 10 % du chiffre d'affaire (article 63 de la LPCE).Sur base du dernier bilan disponible au Conseil (pour l'exercice 2007), il apparaît que l'amende reste bien en-dessous du seuil légal. 371. Le Conseil inflige à la société Belgacom Mobile, une amende de 66.300.000 euro .
IX. Article 11 du Règl. 1/2003 372. BMB a demandé d'être associée dans la procédure qui vise à respecter l'obligation qui découle pour le Conseil de l'article 11 § 4 du Règl.1/2003. Selon cette disposition, l'autorité de concurrence doit informer la Commission au plus tard trente jours avant l'adoption d'une décision d'infraction. Il est prévu qu'à cet effet, les autorités communiquent à la Commission un résumé de l'affaire, la décision envisagée ou, en l'absence de celle-ci, tout autre document exposant l'orientation envisagée.
En tant qu'autorité de concurrence, désignée comme telle par la Belgique, le Conseil doit respecter cette obligation qui trouve sa base légale directement dans le règlement. 373. Il n'y a aucune disposition qui prévoit que les parties à la procédure devant l'autorité soient impliquées dans ce processus.Cela vaut donc également pour l'auditorat. 374. Il s'agit d'un mécanisme spécifique de coopération entre autorités de concurrence qui a été mis en place au niveau européen. Il découle clairement de l'article 11 précité que la Commission doit être informée, il ne s'agit donc pas d'une procédure de consultation, et a fortiori, la Commission n'a pas de droit de veto ni même l'obligation de donner des commentaires.
Un éventuel avis donné par la Commission, pour autant que l'information par le Conseil y donne lieu, n'est en tout cas pas contraignant. 375. Reste à examiner si, en l'absence de dispositions légales à cet effet, l'obligation d'impliquer BMB dans ce processus, suit du principe général du respect des droits de la défense.Le Conseil suppose que BMB viserait alors éventuellement de pouvoir être à nouveau entendu par la chambre. 376. A supposer même que la Commission émette des commentaires, la chambre considère que le Conseil doit alors appliquer par analogie la même règle que pour les informations venant des tiers (voir ci-dessus n° 72), c'est-à -dire qu'elle ne pourra en aucun cas fonder sa décision sur des éléments qui n'ont pas été portés à la connaissance de la partie incriminée.Dans l'hypothèse donc d'éléments qui seraient de nature à avoir une influence sur la décision de la chambre et après délibération, il pourrait être nécessaire de rouvrir les débats afin de permettre aussi bien à la partie incriminée qu'à l'auditeur de prendre connaissance d'éventuels nouveaux éléments. 377. Dans le cas d'espèce, le Conseil a soumis sa décision envisagée à la Commission le 20 avril 2009, soit au plus tard 30 jours avant la présente décision.La chambre n'a pu constater aucun élément qui nécessiterait la réouverture des débats.
Par ces motifs, Le Conseil de la concurrence, - Constate que la société anonyme Belgacom Mobile a enfreint, dans les années 2004 et 2005, l'article 3 de la loi sur la protection de la concurrence économique et l'article 82 du Traité CE en adoptant dans le segment du marché de la téléphonie mobile des clients professionnels ayant des exigences particulières, une stratégie commerciale caractérisée par un amenuisement de marges; - Inflige à la société anonyme Belgacom Mobile une amende de 66.300.000 euro (soixante six millions trois cent mille euros) sur base de l'article 63 de la LPCE, à payer selon les modalités prévues par l'article 2 de l'arrêté royal du 31 octobre 2006 relatif au paiement et au recouvrement des amendes administratives et astreintes prévues par la loi sur la protection de la concurrence économique (M.B. 22 novembre 2006, Ed. 2, p. 64628-64629).
Ainsi décidé le 26 mai 2009 par la 11e chambre du Conseil de la concurrence composée de Madame Laura Parret, président de chambre, Monsieur Olivier Gutt et Madame Peggy Valcke, conseillers.
Conformément à l'article 67 de la loi sur la protection de la concurrence économique, coordonnée le 15 septembre 2006, la notification de la présente décision sera effectuée à Belgacom Mobile SA, Base SA, Mobistar SA et au Ministre qui a l'Economie dans ses attributions.