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Décision Du Conseil De La Concurrence
publié le 19 août 2005

Conseil de la concurrence. - Décision n° 2005-I/I-24 du 19 mai 2005. - Demande « en interprétation » de la décision n° 2003-C/C-62 du 4 juillet 2003 déposée par Nuon Belgium S.A. et par Essent Belgium S.A. (CONC-I/I-05/0021). - (...) Vu notre décision n° 2003-C/C-62 du 4 juillet 2003 rendue dans l'affaire CONC-C/C-03/0018 en cause (...)

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service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie
numac
2005011276
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19/08/2005
prom.
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Conseil de la concurrence. - Décision n° 2005-I/I-24 du 19 mai 2005. - Demande « en interprétation » de la décision n° 2003-C/C-62 du 4 juillet 2003 déposée par Nuon Belgium S.A. (CONC-I/I-05/0020) et par Essent Belgium S.A. (CONC-I/I-05/0021). - Affaire CONC-C/C-03/0018 : Electrabel Customer Solutions S.A./IGAO Vu notre décision n° 2003-C/C-62 du 4 juillet 2003 rendue dans l'affaire CONC-C/C-03/0018 en cause d'Electrabel Customer Solutions S.A./IGAO, notifiée le 4 juillet 2003 et publiée au Moniteur belge du 29 avril 2004;

Vu la demande « en interprétation » de cette décision introduite par la S.A. Nuon Belgium au Conseil de la concurrence par courrier recommandé daté du 29 mars 2005, reçue au Conseil de la concurrence le 5 avril 2005 et enregistrée sous la référence CONC-I/I-05/0020;

Vu la demande « en interprétation » de la décision n° 2003-C/C-62 du 4 juillet 2003 introduite par la S.A. Essent Belgium au Conseil de la concurrence par courrier recommandé non daté, reçue au Conseil de la concurrence le 7 avril 2005 et enregistrée sous la référence CONC-I/I-05/0021;

Vu les notes d'observations déposées par le Corps des rapporteurs et E.C.S.;

Vu le courriel envoyé le 17 mai 2005 à 13h10 par la S.A. Essent Belgium mentionnant ne pas être en mesure de comparaître à l'audience du même jour;

Entendu à l'audience du 17 mai 2005, - la S.A. Nuon représentée par M. Kristof Mullie et Mme Kathleen Van Boxelaer; - le Corps des rapporteurs représenté par MM. le Rapporteur Patrick Marchand et le Rapporteur Benjamin Matagne; - le Service de la concurrence représenté par Mme le Conseiller Bernadette Crèvecoeur et MM. Géry Marlière et Axel Frennet; - la S.A. Electrabel Customer Solutions (assistée par sa société-mère, la S.A. Electrabel), représentée par M. Patrick Baeten, assisté par Me Alexandre Vandencasteele et Me Annick Vroninks, avocats au barreau de Bruxelles; - la Commission de Régulation de l'Electricité et du Gaz (en abrégé CREG) représentée par M. Paul Martinet.

Objet des demandes des S.A. Nuon Belgium et Essent Belgium Par sa décision n° 2003-C/C-62 du 4 juillet 2003 rendue dans l'affaire CONC-C/C-03/0018 en cause de Electrabel Customer Solutions S.A./IGAO, le Conseil de la concurrence a - Constaté la position dominante sur le marché concerné identifié dans cette décision, des parties notifiantes, d'Electrabel et de Distrigaz avec laquelle ECS forme une entité économique commune; - Constaté que l'opération de concentration notifiée renforce la position des parties notifiantes et d'Electrabel sur le marché de la fourniture de gaz aux clients éligibles; - Constaté qu'elle a pour conséquence d'entraver de manière significative la concurrence effective sur une partie substantielle du marché belge; - Estimé cependant ne pas devoir s'opposer à la concentration notifiée et a déclaré par conséquent cette concentration admissible pour autant que les parties notifiantes et Electrabel respectent les conditions et charges imposées dans cette décision;

Ainsi notamment en ce qui concerne la durée des contrats, afin de permettre aux clients éligibles de changer aisément de fournisseur ..., Electrabel/ECS/Distrigaz (ou toute autre société du groupe) se sont engagés à accorder aux clients des intercommunales mixtes devenus éligibles qui ont signé ou signeront jusqu'au 1er juillet 2005 un contrat avec Electrabel/ECS/Distrigaz (ou toute autre société du groupe) pour la fourniture du gaz d'une durée d'un an ou plus, un droit unilatéral de résilier annuellement ce contrat, à la date anniversaire de sa mise en oeuvre, moyennant un préavis de six mois et sans indemnité;

Afin d'assurer la mise en oeuvre de cet engagement, les contrats à conclure par Electrabel/ECS/Distrigaz avec la clientèle concernée comporteront une clause standard prévoyant un droit de résiliation unilatéral formulé comme suit : « le client aura le droit de mettre fin au contrat chaque année, à la date anniversaire de la mise en oeuvre du contrat, moyennant un préavis de six mois et sans qu'une quelconque indemnité de rupture soit due. » ou toute autre clause au moins aussi favorable au client;

Electrabel/ECS/Distrigaz se sont également engagés à informer endéans les deux mois suivant la décision d'approbation du Conseil les clients devenus éligibles de l'intercommunale concernée ayant déjà signé un contrat d'une durée d'un an ou plus de ce droit;

Le Conseil de la concurrence, estimant que ce nouvel engagement pris par les parties notifiantes est de nature à favoriser l'entrée sur le marché d'autres opérateurs, a retenu et a imposé notamment cet engagement sous forme de condition et charge pour déclarer la concentration notifiée admissible;

Les S.A. Nuon Belgium et Essent Belgium sollicitent le Conseil de la concurrence dans un courrier reçu en avril 2004 « de vouloir clarifier les modalités pratiques de cette mesure spécifique » de résiliation unilatérale visée dans la décision n° 2003-C/C-62 du 4 juillet 2003.

Selon ces entreprises, le préavis peut être donné avant la date du premier anniversaire du contrat de sorte que la résiliation unilatérale puisse produire tous ses effets après un an de fourniture d'énergie par ECS. Cette interprétation n'est pas partagée par ECS qui considère que le préavis ne peut intervenir qu'après un an de fourniture d'énergie.

Remarque liminaire Force est de constater que la décision n° 2003-C/C-62 du 4 juillet 2003 ne concerne que le marché du gaz. Les considérations émises par la S.A. Nuon Belgium et la S.A. Essent Belgium dans leur demande d'interprétation concernant le marché de l'électricité sont dès lors sans objet dans le cadre de cette décision.

Par ailleurs, la S.A. Essent Belgium n'a pas demandé dans le cadre de la procédure en première phase ayant donné lieu le 7 avril 2003 à une décision d'engager la procédure prévue à l'article 34 LPCE, ni dans la procédure de seconde phase ayant donné lieu à la décision n° 2003-C/C-62 du 4 juillet 2003, d'être entendue conformément à l'article 32quater, § 2 LPCE. N'étant pas intervenue dans la procédure ayant donné lieu aux décisions précitées, la S.A. Essent Belgium ne peut en demander l'interprétation.

Développements quant à la possibilité et les limites d'une demande d'interprétation Aucune disposition de la loi sur la protection de la concurrence économique ne confère aux parties la possibilité de solliciter l'interprétation des décisions rendues par le Conseil de la concurrence et a fortiori ne détermine la procédure à suivre pour obtenir une interprétation de ses décisions.

Tout au plus, peut-on dès lors s'inspirer des dispositions contenues dans le code judiciaire (quatrième partie, livre II, titre II, chapitre II, section 9 : interprétation et rectification du jugement) qui énoncent que :

Art. 793.Le juge qui a rendu une décision obscure ou ambiguë peut l'interpréter, sans cependant étendre, restreindre ou modifier les droits qu'elle a consacrés.

Art. 794.Le juge peut rectifier les erreurs matérielles ou de calcul qui seraient contenues dans une décision par lui rendue, sans cependant que puissent être étendus, restreints ou modifiés les droits qu'elle a consacrés.

Art. 795.Les demandes d'interprétation ou de rectification sont portées devant le juge qui a rendu la décision à interpréter ou à rectifier.

Art. 796.Les demandes d'interprétation ou de rectification sont introduites, en cas d'accord des parties, suivant les règles de la comparution volontaire, sinon dans la forme ordinaire des citations. (non applicable en l'espèce).

Art. 797.L'interprétation et la rectification ne peuvent être décidées d'office.

Art. 798.Sauf de l'accord de toutes les parties au procès, la demande d'interprétation ne peut être formée avant l'expiration des délais d'appel ou de pourvoi en cassation.

Elle ne peut être formée lorsque la décision a été frappée d'appel ou de pourvoi.

L'interprétation du jugement confirmé appartient au juge qui prononce cette confirmation.

Art. 799.Le juge ne peut rectifier une décision qu'il a rendue que dans la mesure où elle n'a pas été entreprise.

Art. 800.Le greffier fait mention du dispositif de la décision interprétative ou rectificative en marge de la décision interprétée ou rectifiée.

Aucune expédition, ni copie, ni extrait de la décision interprétée ou rectifiée ne peut être délivrée s'il n'y est fait mention du dispositif de la décision interprétative ou rectificative.

Art. 801.Le demandeur en interprétation ou en rectification consigne au greffe le montant des frais et dépens, qui sera fixé par le Roi. La citation est (signifiée) en débet. Si la décision accueille la demande, les frais et dépens sont à charge de l'Etat, et la somme consignée est restituée au demandeur. Dans le cas contraire, les frais et dépens peuvent être mis en tout ou en partie à charge du demandeur et prélevés sur le montant consigné.

Position du Conseil de la concurrence Le Conseil de la concurrence considère conformément à l'esprit de l'article 793 du code judiciaire, ne pouvoir interpréter une décision qu'il a rendue qu'à la condition sine qua non que cette décision soit obscure ou ambiguë. De plus, en vertu du principe général de l'autorité de chose jugée, une telle interprétation ne pourra jamais avoir pour objet ou pour effet d'étendre, restreindre ou modifier la portée de la décision à interpréter.

Le Conseil de la concurrence ne peut ainsi en aucune façon par une nouvelle décision, « clarifier les modalités pratiques d'une mesure spécifique », incorporée dans une décision qu'il a rendue, comme le sollicite les S.A. Essent Belgium et Nuon Belgium dans leur demande qualifiée de « demande en interprétation des décisions du Conseil de la concurrence ».

Tout au plus peut-il examiner, lorsqu'il y est invité par le Service de la concurrence chargé en vertu de l'article 14, § 1er LPCE de veiller à l'exécution des décisions intervenues, ou par une personne physique ou morale justifiant d'un intérêt suffisant ayant demandé d'être entendue, ou par une autre institution habilitée par la LPCE à être entendue, si la décision qu'il a prononcée, est obscure ou ambiguë, et le cas échéant, l'interpréter sans cependant étendre, restreindre ou modifier sa portée.

Dans le cas d'espèce, il y a lieu de constater comme le fait à très juste titre remarquer ECS ayant notifié la concentration faisant l'objet de la décision dont l'interprétation est demandée, que le Conseil de la concurrence a repris dans sa décision le texte des engagements tels que formulés par les parties notifiantes. Ces engagements ne sont ni obscurs ni ambigus et ont été développés dans des notes d'observations déposées dans le cadre de la procédure devant le Conseil de la concurrence.

De manière non équivoque, la décision indique clairement : « Qu'afin de permettre aux clients éligibles de changer aisément de fournisseur au moment où l'état de la libéralisation sera plus avancé, Electrabel/ECS/Distrigaz (ou toute autre société du groupe) s'engagent à accorder aux clients des intercommunales mixtes devenus éligibles qui ont signé ou signeront jusqu'au 1er juillet 2005 un contrat avec Electrabel/ECS/Distrigaz (ou toute autre société du groupe) pour la fourniture du gaz d'une durée d'un an ou plus, un droit unilatéral de résilier annuellement ce contrat, à la date anniversaire de sa mise en oeuvre, moyennant un préavis de six mois et sans indemnité;

Qu'afin d'assurer la mise en oeuvre de cet engagement, les contrats à conclure par Electrabel/ECS/Distrigaz avec la clientèle concernée comporteront une clause standard prévoyant un droit de résiliation unilatéral formulé comme suit : « le client aura le droit de mettre fin au contrat chaque année, à la date anniversaire de la mise en oeuvre du contrat, moyennant un préavis de six mois et sans qu'une quelconque indemnité de rupture soit due. » ou toute autre clause au moins aussi favorable au client;

Qu'Electrabel/ECS/Distrigaz s'engagent à informer endéans les deux mois suivant la décision d'approbation du Conseil les clients devenus éligibles de l'intercommunale concernée ayant déjà signé un contrat d'une durée d'un an ou plus de ce droit »;

Dans la note d'observations du 19 juin 2003 déposée dans la même procédure ayant donné lieu à la décision du 4 juillet 2003 dont l'interprétation est demandée, les parties notifiantes précisaient leur engagement formulé au niveau des relations contractuelles avec la clientèle éligible et indiquaient notamment en ce qui concerne la durée des contrats concernant la fourniture de gaz : « ECS/Distrigaz seraient également disposées à prendre un engagement en matière de durée des contrats gaz qu'elles ont signés et signeront jusqu'au 1er juillet 2005 avec la clientèle éligible des intercommunales mixtes. Cet engagement devrait cependant refléter le fait que, dans le secteur gaz, les parties ne bénéficient pas de la flexibilité qu'Electrabel peut avoir en tant que producteur d'électricité. Elles sont au contraire tenues par les contraintes découlant des accords d'achat de gaz qu'elles concluent et qui pour ce segment spécifique sont au moins annuels afin d'assurer la sécurité d'approvisionnement. Les parties peuvent cependant s'engager à octroyer aux clients éligibles des intercommunales mixtes avec lesquelles elles ont conclu ou concluront des contrats jusqu'au 1er juillet 2005 le droit de résilier ce contrat chaque année, à la date anniversaire de sa mise en oeuvre, moyennant un préavis de six mois.

Il est à noter que cet engagement pris par les parties notifiantes est de nature à favoriser l'entrée sur le marché d'autres opérateurs, tout en permettant aux clients ayant le cas échéant pu négocier des conditions financières intéressantes avec Electrabel pour un contrat à plus ou moins long terme, lors de la souscription d'un contrat d'une durée de plus d'un an avant le 1er juillet 2005, de résilier unilatéralement et sans aucune indemnité ce contrat, en vue d'être fourni par un autre opérateur. » Ces observations ont par ailleurs été communiquées en version non confidentielle notamment aux parties intervenantes et donc également à la société Nuon Belgium, de sorte que la portée exacte de cet engagement formulé par les parties notifiantes ne peut être ignorée par cette entreprise.

Le Service de la concurrence a au demeurant également été sollicité par la S.A. Nuon Belgium par fax du 6 janvier 2005 concernant la portée de ce droit de résiliation unilatérale.

En réponse à cette interpellation, le fonctionnaire responsable de la division régulation et organisation des marchés-division prix et concurrence, en l'espèce Mme le Conseiller général M.Th Peeters a également indiqué dans un courrier du 15 mars 2005 que le texte de la décision du 4 juillet 2003 reprenant cette faculté de résiliation unilatérale et sans indemnité, était clair. Le droit à résiliation n'existe qu'après un an.

Enfin, force est enfin de constater que ce n'est que plus de dix-huit mois après le prononcé de la décision, que la demande d'interprétation a été formulée pour la première fois.

Le Conseil de la concurrence estime que le texte concernant la résiliation unilatérale visée dans sa décision dont on demande plus de dix-huit mois après son prononcé l'interprétation voire de vouloir en clarifier les modalités pratiques, n'est ni obscur ni ambigu et ne nécessite aucune interprétation.

Par ces motifs Le Conseil de la concurrence Après en avoir délibéré, - constate que la société anonyme Essent Belgium n'a pas sollicité le droit d'être entendue dans le cadre de la procédure ayant donné lieu au jugement dont elle demande l'interprétation. Que sa demande doit par conséquent être déclarée irrecevable; - constate que la charge imposée dans sa décision concernant le droit de résiliation unilatérale et sans indemnité, dont l'interprétation est demandée plus de dix-huit mois après son prononcé, n'est ni obscure ni ambiguë et ne nécessite aucune interprétation.

Décide en conséquence qu'il n'y a lieu de faire droit à la demande de la S.A. Nuon Belgium;

Ainsi statué le 19 mai 2005 par la chambre du Conseil de la concurrence composée de M. Patrick De Wolf, président de chambre, de Mme Marie-Claude Grégoire, de M. Jacques Schaar et de M. Pierre Battard, membres.

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