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Décision Du Conseil De La Concurrence
publié le 24 février 2005

Conseil de la Concurrence Décision n° 2004 - C/C - 69 du 24 décembre 2004 Affaire CONC - C/C - 04/0064 : SN Airholding II/Virgin Express 1. Procédure La notification de la concentration a été déposée le 3 novembre 2004 au secrétariat du Conseil de l(...)

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SERVICE PUBLIC FEDERAL ECONOMIE, P.M.E., CLASSES MOYENNES ET ENERGIE


Conseil de la Concurrence Décision n° 2004 - C/C - 69 du 24 décembre 2004 Affaire CONC - C/C - 04/0064 : SN Airholding II/Virgin Express 1. Procédure La notification de la concentration a été déposée le 3 novembre 2004 au secrétariat du Conseil de la concurrence où elle a été enregistrée sous le numéro CONC-C/C-04/0064.En application de l'article 32bis, §1er, de la loi sur la protection de la concurrence économique coordonnée le 1er juillet 1999 (ci-après "la loi" ou "LPCE"), le Conseil de la concurrence a transmis le 4 novembre 2004 au Corps des rapporteurs cette notification.

Le rapport motivé du Corps des rapporteurs (ci-après "le rapport motivé") a été déposé au Conseil de la concurrence le 3 décembre 2004.

En réponse au rapport motivé du Corps des rapporteurs, les parties notifiantes ont déposé au Conseil de la concurrence une note d'observations écrites le 14 décembre 2004.

A l'audience du 17 décembre 2004 le Conseil de la concurrence a entendu pour le Corps des rapporteurs M. le Rapporteur P. Marchand, assisté par Mme Julie Léonard et M. Cosimo Capierri du Service de la concurrence. SN Airholding II y était représentée par son administrateur délégué, M. Michel Meyfroidt, qui est également le représentant commun des parties notifiantes.

Lors de l'audience du 17 décembre 2004, les parties notifiantes ont demandé au Conseil de proroger, conformément à l'article 33, § 3, al. 3 de la loi, le délai visé à l'article 33, § 2, al. 3 de la loi, et ce au maximum jusqu'au 24 décembre 2004. Le Conseil a agréé cette demande. 2. Parties concernées 2.1 L'acheteur est la société anonyme de droit belge "SN Airholding II" dont le siège social est situé à 1000 Bruxelles, rue de la Pépinière, n° 20. Ce holding détient une participation de 91,6343 % de la société d'exploitation « Delta Air Transport S.A. qui opère sous le nom de SN Brussels Airlines et qui est active dans le transport aérien.

La SN Airholding II est détenue à 100 % par des actionnaires publics. 2.2 Le vendeur est la société de droit anglais "Virgin Express Holdings PLC" dont le siège social est situé à Londres W87AR (Royaume-Uni), Campden Hill Road 120. Ce holding gère une participation de 100% de la société d'exploitation "Virgin Express S.A" qui est active dans le transport aérien. 2.3 La société cible est la société d'exploitation de droit belge "Virgin Express S.A" dont le siège social est situé à 1050 Bruxelles, Avenue des Saisons 100-102, B30.

Cette société de transport aérien détient 99,99% des actions de la société Virgin Express France S.A et 50,08 % des actions de la société Virgin Express Catering Services S.A. qui est active sur le marché du catering et de la logistique de la mise des repas, boissons et autres équipements à bord des avions.

Les autres actions de la société Virgin Express Catering Services S.A., à concurrence de 49,92 %, sont détenues par la société de droit néerlandais Alpha Airport Holdings B.V. Selon les parties notifiantes, la structure de l'actionnariat de Virgin Express Catering Services n'est pas modifiée par l'opération de concentration. 3. Opération de concentration 3.1 Les sociétés mentionnées ci-dessus (voy. sous "parties concernées") sont des entreprises au sens de l'article 1, a) de la LPCE et l'opération notifiée est une opération de concentration au sens de l'article 9 de la loi.

Sur la base des indications fournies au cours de l'instruction, les seuils de chiffres d'affaires visés à l'article 11 de la loi sont atteints.

L'opération de concentration consiste en la prise de contrôle exclusif par "SN Airholding II" de "Virgin Express SA" appartenant à "Virgin Express Holdings PLC". Un contrat signé le 5 octobre 2004 prévoit que la société holding "Virgin Express Holdings PLC" apportera au capital de la société holding "SN Airholding II" pour un montant de 54.000.000 EUR, 100% des actions de la société d'exploitation "Virgin Express SA". En échange, "SN Airholding II" émettra 522,930 nouvelles actions de type "B" qui seront remises à Virgin Express Holdings PLC. Cette dernière détiendra dès lors 29,9 % des actions du holding "SN Airholding II".

Ainsi Delta Air Transport et Virgin Express SA deviennent des sociétés soeurs placées sous le contrôle commun de SN Airholding II. Le contrat prévoit encore l'adoption d'une clause statutaire limitant à 24% le nombre de droits de vote que les actionnaires (en ce compris Virgin Express Holdings PLC) pourront exercer à l'assemblée générale du holding "SN Airholding II".

Delta Air Transport (sous la marque SN Brussels Airline) continuera à se positionner principalement sur le marché des voyageurs d'affaires.

Virgin Express continuera à se positionner principalement sur le marché du loisir.

Le but de la concentration est le développement de l'activité du transport aérien en Belgique et plus particulièrement de la place de Bruxelles et de sa région. Selon les parties notifiantes, la concentration permettra : - de développer conjointement les activités de Delta Air Transport et de Virgin Express; - de maintenir et d'étendre le nombre de destinations depuis et vers Bruxelles en direct et d'offrir un horaire et un service complémentaire quant aux choix des passagers et correspondant au mieux à leurs besoins; - de consolider l'emploi de +/- 2.800 personnes au sein de ces deux entreprises opérationnelles. 4. Analyse concurrentielle.Principes 4.1 Pour définir les marchés de produits et géographique en cause, les parties notifiantes et le Corps des rapporteurs se réfèrent à la pratique de la Commission européenne (1), confirmée par la jurisprudence communautaire (2).

Le Conseil de la concurrence s'aligne également sur la pratique de la Commission européenne pour définir les marchés en cause et pour évaluer la position des parties concernées sur ces marchés. 4.2 Selon la Commission - et dès lors selon le Conseil - dans l'hypothèse d'une concentration entre entreprises du secteur du transport aérien (et qui concerne le transport de passagers (3)), la définition du marché pertinent se fait, aussi bien du point de vue du produit concerné que du point de vue géographique (4), sur la base de la méthode dite "point d'origine/point de destination" (O&D). (5) Selon cette méthode, chaque combinaison d'un point d'origine et d'un point de destination est considérée comme un marché distinct du point de vue du consommateur. Le marché pertinent sera, selon les cas, ou bien la route, ou bien le faisceau de routes pour autant qu'il y ait substituabilité du point de vue du consommateur entre les routes qui composent ledit faisceau.

Pour vérifier si une paire O&D constitue aussi un marché de produits distinct, la Commission prend en considération les diverses possibilités pour les consommateurs de voyager entre le point d'origine et le point de destination. Ainsi, la Commission tiendra non seulement compte des vols directs entre les deux aéroports concernés mais également des moyens de transport alternatifs dans la mesure où ils peuvent se substituer à ces vols directs. Ces moyens de transport alternatifs peuvent comprendre : (a) des vols directs entre d'autres aéroports (du côté du point d'origine ou du point de destination du trajet concerné) dont les bases de clients potentiels se chevauchent (substitution d'aéroports, qui dépend entre autres de la distance entre l'aéroport point de départ et l'aéroport point de destination) (b) des vols indirects entre les aéroports concernés De manière générale, la substituabilité entre les vols directs et les vols indirects dépend de facteurs tels que le temps total du trajet, la fréquence des vols (plus le nombre de fréquences sur une route est grand, plus faible est la substituabilité avec d'autres routes) et leur prix.En général, elle sera plus faible pour les vols européens que pour les vols intercontinentaux. Néanmoins, les vols indirects peuvent constituer une alternative aux vols directs pour les passagers qui sont insensibles au temps si les tarifs sont adaptés. La Commission européenne (6) a même fait remarquer que les vols indirects peuvent exercer une certaine concurrence sur les vols directs à l'égard de passagers "sensibles au temps" lorsqu'un nombre significatif de ceux-ci préfèrent prendre un vol indirect plutôt qu'un vol direct parce que celui-ci ne répond pas à leurs exigences spécifiques de temps, à savoir un nombre important de fréquences permettant de faire un aller-retour dans la journée. (c)d'autres moyens de transport comme le transport par la route, le transport ferroviaire ou maritime (substitution entre modes de transport).

La question de savoir si une de ces alternatives peut se substituer au trajet direct dépend d'une multiplicité de facteurs comme la durée globale du voyage, la fréquence des services et le prix des différentes alternatives. Une réponse à cette question ne peut être donnée qu'au cas par cas. 4.3 L'analyse de la Commission ne se limite pourtant pas à la simple approche O&D : "En outre, les conditions structurelles prévalant sur un aéroport et les conditions ayant trait à la capacité de cet aéroport doivent également être prises en considération et leur impact sur le trajet sous examen doit être évalué."(7) 5. Analyse concurrentielle.Application en l'espèce 5.1 Marchés concernés Delta Air Transport offrait 54 destinations en Europe à la fin de l'année 2003 et Virgin Express en offrait 15 à la même période. Sur 6 de ces routes seulement les deux compagnies aériennes sont présentes ensemble en qualité d'opérateur. Sur ces 6 routes également, elles possèdent une part de marché cumulée de 25 % ou plus. Le rapport motivé en déduit qu'il y a six marchés concernés au sens de la loi : - route Bruxelles - Genève; - route Bruxelles - Nice; - route Bruxelles - Madrid; - route Bruxelles - Barcelone; - route Bruxelles - Rome; - route Bruxelles - Milan.

Dans son analyse concurrentielle, le Conseil de la concurrence examinera ces 6 routes. 5.2 Marché non concerné Virgin Express, par l'intermédiaire de Virgin Express Catering Services (ci-après VCATS) dont elle détient 50,08 %, est active sur le marché du catering et de la logistique de la mise des repas, boissons et autres équipements à bord des avions.

VCATS est actif à Bruxelles-National et à Charleroi et a un nombre limité ([Secrets d'affaires ]) de clients. Le Conseil a analysé le chiffre d'affaires de VCATS des années passées et a déterminé que la part de marché de VCATS sur le marché du catering et de la logistique est limitée (- 15 %). Il constate que Delta Air Transport n'est pas présente sur ce marché.

Le Conseil conclut que le marché du catering et de la logistique de la mise des repas, boissons et autres équipements à bord des avions n'est pas un marché concerné. 5.3 Parts de marché des parties concernées : le rapport motivé L'analyse du rapport motivé se base sur des chiffres émis par BIAC, les parties notifiantes et par le "Bank Settlement Plan" (BSP) Belgique. (8) Sur la base de ces chiffres le Corps a produit des estimations détaillées du marché concerné en terme de volume (passagers) et en terme de valeur (en euro). Afin d'estimer les parts de marché des parties, le rapport motivé examine la fréquence des vols (vols directs, vols indirects, tenant compte du code sharing (9)) des parties concernées et des concurrents ainsi que les ventes réalisées en volume par SNBA et Virgin.

Sur la base de cette analyse, les conclusions suivantes s'imposent dans le rapport motivé : - Les parties concernées ne détiendront pas de position dominante sur la route Bruxelles-Milan : elles y ont des parts de marché inférieures à 40 % et sont en concurrence avec Alitalia et avec Ryanair si on considère que le marché total comprend les passagers de Bruxelles-Charleroi; - l'acquisition d'une position dominante est improbable sur la route Bruxelles-Madrid où les parties détiendront certes une part de marché considérable ([Secrets d'affaires]) mais où elles seront en concurrence avec Iberia, qui elle aussi détiendra une part de marché considérable ([Secrets d'affaires] en valeur, [Secrets d'affaires] en volume); - sur la route Bruxelles-Rome, si on considère que le marché total comprend les passagers passant par l'aéroport de Charleroi, les parties détiendront ensemble des parts de marché de ([Secrets d'affaires]) en termes de volume et de ([Secrets d'affaires]) en terme de valeur et sont en concurrence avec Alitalia et avec Ryanair qui partagent entre eux le reste des parts de marché; - sur la route Bruxelles-Barcelone, les parties détiennent ensemble une part de marché de ([Secrets d'affaires]) au minimum. Selon le rapport motivé, "cette analyse doit cependant être relativisée dès lors que la part de marché de Ryanair sur sa destination de Girone (Barcelone) n'a pas été comptabilisée, les parties ayant estimé que cette destination était trop éloignée de Barcelone pour faire partie du même marché"; - sur les routes Bruxelles-Genève et Bruxelles-Nice, l'opération de concentration réunit les deux seuls opérateurs de vols directs sur ces marchés; sur ces routes "les parties jouissent d'un monopole" ce qui différencie ces routes de toutes les autres : "même si les parts de marché sont élevées voire très élevées sur les autres marchés concernés, les parties sont en concurrence avec des compagnies importantes (Alitalia et Iberia)". 5.4 Parts de marché des parties concernées : la position du Conseil Tout en appréciant la qualité du travail réalisé par le Service et le Corps, le Conseil de la concurrence ne peut que constater qu'il y a des raisons qui font craindre que les marchés concernés ne soient définis de façon trop restrictive dans le rapport motivé, et que les parts de marché des parties concernées n'aient été surestimées.

D'abord et comme exposé ci-dessus (supra, 4), la définition du marché pertinent dans ce secteur est certes basée sur la méthode "point d'origine / point de destination". On ne peut en déduire que chaque paire de villes point d'origine / point de destination d'un vol direct constitue per se un marché distinct. Une analyse détaillée de la substituabilité d'aéroports, de la substituabilité entre vols directs et indirects, et de la substituabilité entre modes de transport s'impose, tout en tenant compte d'autres facteurs comme les conditions structurelles prévalant sur un aéroport et la capacité de celui-ci.

A cet égard, il est à noter que seuls les aéroports de Bruxelles-National et de Bruxelles-Charleroi ont été pris en compte dans le rapport motivé, tandis que les parties notifiantes ont aussi fait valoir la substituabilité potentielle entre l'aéroport de Bruxelles-National et ceux de Luxembourg, Lille, Cologne (ou encore p.ex. entre les aéroports de Rome Fiumicino et de Rome Ciampino).

Pour ce qui est de la substituabilité des vols directs avec des vols indirects, le rapport motivé fait part des vols indirects pratiqués par Air France, Alitalia, Deutsche Lufthansa et Swiss sur les six routes concernées. L'existence de ces vols indirects peut modérer, comme il apparaît d'ailleurs du rapport motivé, les parts de marché des parties concernées. Par exemple, si on tient compte de ces vols les parties concernées n'apparaissent plus en position de monopole sur les routes Bruxelles-Genève et Bruxelles-Nice.

Pour ce qui est de la substituabilité des vols avec des modes alternatifs de transport, in casu le train à grande vitesse (TGV), le rapport motivé conclut qu'il n'y a pas lieu de tenir compte du marché du TGV dans le cadre de l'analyse du marché. Pourtant, les parties concernées avaient argumenté que le TGV peut se substituer aux vols directs sur les routes Bruxelles-Genève et Bruxelles-Nice, c.à.d. les deux routes les plus délicates du point de vue de l'analyse concurrentielle. En particulier, elles avaient invoqué que pour la route Bruxelles-Genève, le Thalys offre des fréquences entre Bruxelles et les stations de sport d'hiver de Savoie en France en direct ou en correspondance dont le temps de voyage est équivalent au temps de voyage en avion comprenant le temps passé dans les aéroports et la durée d'un trajet en bus vers les stations de ski. Selon les parties, pour les passagers "insensibles au temps", le train est substituable à l'avion sur la route Bruxelles - Nice. La durée du trajet est de 8 h à 8 h 30 en train et de 3 h 15 en avion si on compte le temps passé dans les aéroports. De plus, le TGV présente l'avantage de s'arrêter dans des gares pouvant être plus proches de la destination finale réelle des passagers. Il est difficile pour le Conseil de la concurrence d'évaluer la valeur de ces arguments sur la base d'interrogations de concurrents et de sociétés de transport. Les parties notifiantes ont fait valoir, et n'ont pas été contredites sur ce point par le Corps des rapporteurs, que sur les routes Bruxelles-Genève et Bruxelles-Nice une large majorité des passagers seraient du type "non sensibles au temps". Il est difficile, voire impossible pour le Conseil de vérifier dans ces circonstances si effectivement "cette substituabilité est extrêmement faible puisqu'elle ne peut être envisagée qu'à l'égard d'un nombre très limité de voyageurs dont les passagers 'insensibles au temps'", comme le conclut le rapport motivé.

D'autres éléments qui pourraient influencer, voire même déterminer les conclusions du Conseil de la concurrence, n'ont pas pu être abordés dans les délais d'instruction inhérents à la durée de la procédure en première phase. Le rapport motivé mentionne par exemple "le rôle que peut jouer l'utilisation des codes share au regard de la concurrence au sein d'un marché" ([Secrets d'affaires]).

Il convient de faire ici la remarque de principe suivante. Une procédure dite "de seconde phase" prévue par l'article 34 de la loi a de profondes conséquences, en particulier pour les parties notifiantes qui voient l'exécution de leur opération retardée. C'est au demeurant pour cette raison que les législateurs européen et belge ont créé un système de contrôle des concentrations soumis à des délais stricts et contraignants.

Conformément à l'article 33, § 2, al. 1er, sub b, de la loi, la procédure visée à l'article 34 ne peut être engagée que si le Conseil constate "qu'il y a des doutes sérieux à propos de l'admissibilité de la concentration". La circonstance, indépendante de la volonté des parties notifiantes, qu'"il n'a pas été possible d'obtenir tous les éléments de réponse permettant d'écarter les doutes subsistant" ne peut dès lors constituer en soi une raison valable pour engager la procédure de l'article 34. En décider autrement serait, contra legem, déplacer la charge de la preuve du Conseil - qui doit selon l'article 33 constater qu'il y a "des doutes sérieux" - vers les parties notifiantes. Si des questions encore ouvertes à l'issue de l'instruction, aussi compréhensible soit-il en raison des délais extrêmement stricts, laissent subsister des interrogations sur l'existence ou non de doutes sérieux au sens de l'article 33, § 2, al. 1er, sub b, susmentionné, cette incertitude ne peut profiter qu'aux parties notifiantes. Pour autant que nécessaire, le Conseil rappelle que le délai de quarante-cinq jours prévu à l'article 33, § 2, 2ème alinéa court "si les renseignements à fournir lors de la notification sont incomplets, à partir du lendemain du jour de la réception des renseignements complets". 5.5 Conclusion provisoire Sur la base de ce qui précède et de l'instruction menée, le Conseil de la concurrence est d'avis qu'il n'y a pas de doutes sérieux quant à l'admissibilité de la concentration pour autant qu'elle concerne les routes Bruxelles-Rome, Bruxelles-Barcelone, Bruxelles-Milan et Bruxelles-Madrid.

Restent à examiner les routes Bruxelles-Genève et Bruxelles-Nice. La concentration créera sur ces routes, si non un monopole, tout au moins une position dominante. Cela n'entraîne toutefois pas automatiquement l'inadmissibilité de l'opération de concentration. Conformément à l'article 10, § 4, les opérations de concentration qui créent ou renforcent une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans le marché belge ou une partie substantielle de celui-ci doivent être déclarées inadmissibles.

Il en est de même au niveau européen, comme le prouve la pratique décisionnelle de la Commission européenne. La Commission a approuvé - sans semble-t-il jamais ouvrir la "seconde phase" de la procédure - un bon nombre de concentrations dans le secteur du transport aérien où des compagnies aériennes nettement plus importantes que les parties concernées obtiendraient des positions dominantes ou même des monopoles (10) sur certaines routes. Dans ces cas, si une position dominante ou même un monopole existe, la Commission ne demande pas qu'une des parties se retire du marché (de la route) mais se contente de voir assurée la possibilité pour de nouveaux opérateurs d'entrer le marché. (11) Ce n'est donc pas la position dominante, ni même le monopole en soi qui bloque l'admissibilité de la concentration mais plutôt la combinaison de position dominante ou monopole d'une part, et barrières à l'entrée du marché de l'autre.

Or, pour ce qui est des routes Bruxelles-Genève et Bruxelles-Nice il n'y a pas de barrières significatives à l'entrée comme il sera exposé ci-dessous. 5.6 Routes Bruxelles-Genève et Bruxelles-Nice : entrées effectives et/ou potentielles, absence de barrières significatives à l'entrée.

Afin d'apprécier si la concurrence sur les marchés concernés risque d'être éliminée par l'opération de concentration, il convient de prendre en compte non seulement la position occupée par les parties sur les marchés en cause, le degré de concurrence existant avant l'accord et le degré de concurrence résiduelle mais aussi la probabilité d'une concurrence potentielle. L'article 10, § 2, sub b, de la loi le confirme lorsqu'il impose au Conseil de tenir compte, entre autres, "de l'évolution de l'offre et de la demande des produits et services concernées".

A cet égard : - les prix pratiqués par des compagnies aériennes concurrentes pour des vols indirects sur ces deux routes influencent les prix qui pourraient être fixés par la nouvelle entité; - les surcapacités dans le secteur du transport aérien permettent aux compagnies concurrentes d'affecter rapidement des avions à ces deux routes en cas de hausse des prix pratiqués par la nouvelle entité.

Il convient d'analyser dans quelle mesure des barrières significatives à l'entrée sont présentes sur les routes Bruxelles-Genève et Bruxelles-Nice.

Certificat de Transport Aérien (CTA) Le CTA est délivré à une nouvelle entreprise de droit belge basée à Bruxelles par le SPF Mobilité et Transport. L'entreprise doit être capitalisée à un montant lui permettant d'opérer pendant trois mois sans aucun revenu et pour autant qu'elle dispose de l'organisation, des compétences et du matériel adéquat. Pour une nouvelle entreprise de droit étranger basée dans un aéroport étranger, ce certificat sera délivré selon la réglementation du pays où il est demandé. La CTA ne pose donc pas de barrière à l'entrée.

Coût d'entrée Le coût d'entrée sera minimal si l'entreprise est déjà présente à l'aéroport de Bruxelles, l'infrastructure et les contrats de sous-traitance pouvant être étendus à une nouvelle destination. Pour faire connaître sa nouvelle route, l'entreprise devra supporter un coût marketing. Si l'entreprise s'installe pour la première fois à l'aéroport de Bruxelles, le coût d'entrée sera principalement lié au coût managérial pour mettre en place les opérations (de plus en plus sous-traitées comme le traitement des passagers, des bagages et la préparation des repas) et le coût de marketing de cette nouvelle route.

Rien ne permet au Conseil de la concurrence de conclure que les coûts - qui ne dépendent pas des parties concernées, celles-ci ne bénéficiant pas d'une aide quelconque, par exemple, de la part de l'aéroport - constitueraient en soi une barrière significative à l'entrée.

Créneaux horaires (slots) L'entrée sur le marché semble surtout conditionnée par l'obtention de créneaux horaires dans les aéroports souhaités.

Le Conseil partage le point de vue du Service de la concurrence, du rapport motivé, des concurrents et des spécialistes indépendants selon lequel les aéroports concernés présentent une disponibilité de slots n'entravant pas l'entrée de nouvelles entreprises sur les marchés concernés qui pourront y obtenir des créneaux horaires appropriés.

A Bruxelles-National entre 50 % et 55 % des slots seulement seraient effectivement utilisés; Delta Air Transport utiliserait [Secrets d'affaires] % des slots et Virgin Express [Secrets d'affaires] %, soit un (faible) total combiné de [Secrets d'affaires - inférieur à 25 %]; leur demande de slots combinée représenterait environ [Secrets d'affaires - inférieur à 50 %] de la demande totale. Selon le rapport motivé, les quelques contraintes au niveau de la disponibilité des slots en semaine pour la saison d'hiver 2004-2005 devraient être encore plus limitées pour la saison d'été 2005.

A l'aéroport de Genève des créneaux horaires sont encore disponibles, l'aéroport n'est pas saturé. Ceci vaut aussi pour les aéroports de Nice et de Bruxelles-Charleroi, qui ne sont même pas coordonnés : une compagnie peut fixer elle-même l'horaire de vols. 5.7 Conclusion Sur la base de ce qui précède, le Conseil de la concurrence est d'avis qu'il n'y a pas de doutes sérieux quant à l'admissibilité de la concentration non seulement en ce qui concerne les routes Bruxelles-Rome, Bruxelles-Barcelone, Bruxelles-Milan et Bruxelles-Madrid mais aussi en ce qui concerne les routes Bruxelles-Genève et Bruxelles-Nice. Sur ces dernières routes, la concentration créera certes une forte position dominante mais celle-ci n'entravera de manière significative la concurrence effective dans le marché belge ou une partie substantielle de celui-ci. Sur aucune des routes sous examen, la concentration entravera de manière significative l'entrée de nouveaux opérateurs. Des compagnies aériennes sont déjà entrées sur certaines de ces routes au cours des cinq dernières années, (12) et d'autres compagnies pourraient bientôt suivre.

La disponibilité des créneaux horaires, critère qui semble en effet déterminant pour les compagnies aériennes souhaitant pénétrer le marché, semble assurée. L'aéroport de Bruxelles-National est loin d'être saturé, permettant ainsi l'accès à tout nouvel entrant qui souhaiterait disposer d'un créneau horaire pour développer une nouvelle ligne. En outre, il est à signaler que les parties concernées détiendront à l'issue de l'opération moins de slots que la compagnie Sabena n'en détenait quand cette dernière était encore en activité.

Dans ces circonstances et conformément à la pratique décisionnelle de la Commission, il n'est pas nécessaire d'imposer des obligations aux parties notifiantes ou de leur suggérer de modifier leur notification pour prendre des engagements visant à garantir l'absence de barrières significatives à l'entrée.

Sur la base des éléments qui précèdent, le Conseil conclut à l'admissibilité de la concentration notifiée.

Finalement et sans que ce soit nécessaire pour fonder juridiquement cette conclusion, le Conseil de la concurrence souhaite rappeler le contexte dans lequel cette opération de concentration se situe : - Elle prend place dans un contexte international de surcapacité dans le secteur des services de transport aérien et de restructuration de ce secteur en raison de sa libéralisation. Les concurrents des parties concernées reconnaissent (13) qu'un certain nombre de consolidations dans l'industrie européenne du transport aérien sont inévitables. (14) - La situation financière des parties concernées est telle (une d'elles se trouve sous l'application de l'article 634 du Code des sociétés) qu'en absence de cette concentration un réel risque existe qu'il y ait un (à court terme) ou deux (à moyen terme) opérateur(s) en moins sur le marché et donc moins de choix encore pour le consommateur par rapport à une reprise telle que prévue dans le cadre de la présente opération. - Après la concentration, sur le marché international, les parts de marché des parties concernées resteront faibles, aussi bien comparées à celles des concurrents directs, low cost ou autre, qu'à celles de l'ancienne compagnie Sabena. Plutôt que d'entraver la concurrence, cette concentration peut créer les possibilités d'une concurrence plus effective entre d'une part, la nouvelle entité et, d'autre part, les grands opérateurs existants.

PAR CES MOTIFS Le Conseil de la concurrence Après en avoir délibéré, - constate que la concentration en cause tombe dans le champ d'application de la loi; - constate que l'opération notifiée n'aura pas pour effet l'acquisition ou le renforcement d'une position dominante qui entrave de manière significative une concurrence effective sur le marché belge en cause ou sur une partie substantielle de celui-ci; - la déclare admissible, conformément aux articles 33 § 1er et 33 § 2, 1.a de la loi.

Ainsi statué le 24 décembre 2004 par les chambres réunies du Conseil de la concurrence composées de M. Stefaan Raes, président du Conseil de la concurrence et président de chambre, de M. Patrick De Wolf, vice-président du Conseil de la concurrence, de Mme Dominique Smeets et de Messieurs Pierre Battard, Wouter Devroe, Christian Huveneers, David Szafran, et Patrick Van Cayseele, membres. _______ Notes (1) Décisions de la Commission du 11 février 2004, aff.No COMP/M.3280, Air France / KLM, JO C 60/5, 9 mars 2004; du 5 juillet 2002, aff. No COMP/37/730, AuA / Lufthansa, JO C 242/25, 10 septembre 2002; du 11 août 1999, aff. No IV/M.0019, JO C 96/5, 5 avril 2000; du 20 juillet 1995, aff. No IV/M.616, Swissair / Sabena, JO C 200/10, 4 août 1995; du 5 octobre 1992, No IV/M.157, Air France / Sabena, JO C 272/5, 21 octobre 1992. (2) Arrêt du TPI du 19 mai 1994, Air France / Commission, aff.T-2/93, Rec. 1994, p. II-323 et arrêt de la CJCE du 11 avril 1989, Ahmed Saeed Flugreisen, aff. 66/86, Rec. 1989, p. 803. (3) La définition de marché pertinent peut varier selon qu'il s'agit de transport de passagers ou de fret.Voy. p.ex. décision de la Commission du 27 juillet 2000, aff. No COMP/M.2008, AOM/Air Liberté/Air Littoral, point 14. (4) Voy.en ce sens l'arrêt du TPI du 19 mai 1994, précité, point 83 : "A cet égard, le Tribunal estime que la définition du marché à laquelle a procédé la Commission est correcte, tant du point de vue du produit concerné que du point de vue géographique" (mis en italique par nous). (5) Décision de la Commission du 11 février 2004, précité, point 9.(6) Décision de la Commission du 11 février 2004, précité, point 20.(7) Décision de la Commission du 28 février 1997, aff.No IV/M.857, British Airways / Air Liberté, point 14 : "Furthermore, the structural conditions prevailing at airports and in respect of airport capacity must also be considered and an assessment made of their impact on a relevant route. » (8) Le BSP est le système standardisé pour les compagnies aériennes et les agences de voyage pour l'administration des ventes sous le contrôle de l'IATA.Il existe un BSP Belgique principalement responsable de la collecte des ventes auprès de toutes les agences de voyage. (9) Le code sharing ou partage de codes constitue généralement un élément majeur de la stratégie d'une compagnie aérienne.Un accord de partage de codes permet à un transporteur de vendre des services de transport pour des vols réalisés par un autre transporteur, au moyen de son propre code et numéro de vol. Le partage de codes peut se faire sur des routes communes à deux transporteurs ce qui permet d'offrir un plus grand nombre de fréquences par jour, ou sur une route où un seul transporteur est présent, ce qui permet à une compagnie aérienne d'offrir un plus grand nombre de destinations. (10) Voy.p.ex. affaire no IV/M.157 - Air France/Sabena, précité. (11) Voy.p.ex affaire no IV/M.616 - Swissair/Sabena, précité. (12) Selon les parties notifiantes il s'agit de Ryanair sur les routes Bruxelles-Milan, Bruxelles-Rome et Bruxelles-Girona (Barcelone) et de Vueling sur la route Bruxelles-Barcelone.(13) Les avis des concurrents interrogés dans cette affaire sont d'ailleurs plutôt nuancés.Seul un d'entre eux soutient que la concentration permettra aux parties concernées de fermer le marché.

Les autres déclarent que la concentration renforcera bien sûr la position concurrentielle des parties concernées (plus grandes parts de capacité et de marché, revenus plus importants, coûts plus bas), mais ne voient pas de risque d'abus de position dominante (présence de concurrents offrant des services directs ou indirects, absence de barrières significatives à l'entrée) et relèvent parfois même des aspects positifs (moyen d'élimination de la surcapacité qui est défavorable à la continuité de l'industrie). (14) "Generally speaking, the European aviation market continues to be too fragmented.The results of this fragmentation of the industry and the market are making themselves felt: European airline companies and their customers are not deriving.

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