publié le 29 novembre 2004
Conseil de la Concurrence. - Décision n° 2004-C/C-48 du 12 juillet 2004 Affaire CONC-C/C-04/0034 : CBR BETON/Interbéton Vu la loi sur la protection de la concurrence économique coordonnée le 1 er juillet 1999 ci-après la loi; V Vu le rapport du Corps des rapporteurs du 21 juin 2004. Entendu à l'audience du 12 juillet 2004 (...)
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Conseil de la Concurrence. - Décision n° 2004-C/C-48 du 12 juillet 2004 Affaire CONC-C/C-04/0034 : CBR BETON/Interbéton Vu la loi sur la protection de la concurrence économique coordonnée le 1er juillet 1999 ci-après la loi;
Vu la notification de l'opération de concentration déposée au secrétariat du Conseil de la concurrence le 28 mai 2004.
Vu le rapport du Corps des rapporteurs du 21 juin 2004.
Entendu à l'audience du 12 juillet 2004 : - Le rapporteur, Madame Marielle Fassin représentant le Corps des rapporteurs accompagnée par Monsieur Marlière et Mademoiselle Léonard du Service de la concurrence; - La S.A. Cimenterie CBR Cementbedrijven N.V représentée par son conseil, Me Markus Wellinger, avocat au barreau de Bruxelles et par Madame C. Mingels.
Les parties en cause 1.1. Acquéreur La S.A. Cimenteries CBR Cementbedrijven N.V., ci-après dénommée CBR, dont le siège social est situé Chaussée de la Hulpe 185, à 1170 Bruxelles, est une filiale du groupe HeidelbergCement active dans la production et la commercialisation de ciment. Elle est également présente sur le marché du béton prêt à l'emploi par l'intermédiaire de sa participation dans Interbéton S.A. et sur le marché des granulats via les sociétés Gralex S.A. et Carrières Lemay S.A. La S.A.CBR BETON, dont le siège social est établi à la même adresse, est une filiale à 99,9 % de CBR. Elle a été créée le 8 avril 2004 dans le but de reprendre la moitié des actifs et des activités de la société Interbéton, faisant l'objet de l'opération de scission. Elle a pour objet principal la fabrication, le transport, la vente et la mise en place du béton prêt à l'emploi et toutes opérations industrielles et commerciales complémentaires et annexes, tels que la fabrication, l'extraction et le commerce de tous agrégats. 1.2. Vendeur La S.A. Holcim Belgique, ci-après dénommée Holcim, dont le siège social est situé Rue des Fabriques, 2 à 7034 Obourg, est une filiale à 100 % du groupe Holcim, active dans la production et la commercialisation de ciment. Via sa filiale Holcim granulat et la société Gralex S.A., elle est également présente sur le marché des granulats et, via Interbéton S.A., sur le marché du béton prêt à l'emploi. 1.3. Société cible La S.A. Interbéton, ci-après dénommée Interbéton, sise à Gulledelle 94 à 1200 Woluwe Saint Etienne, est détenue à 96,57 % par la société Grafin S.A. et à 3,43 % par la société De Hoop. Grafin S.A. est elle-même détenue par Gralex S.A. détenue à son tour par CBR et Holcim Belgique selon une répartition 50/50.
Interbéton est active dans la fabrication, le transport, la vente et la mise en place de béton prêt à l'emploi.
CBR et Holcim Belgique ont décidé de scinder cette société et de se répartir ses activités à parts égales.
L'opération de concentration Pour organiser la scission d'Interbéton, CBR et Holcim ont convenu des modalités suivantes : 1° restructuration financière par le biais notamment d'une augmentation de capital; 2° acquisition par chacune d'elles de la moitié des actions d'Interbéton détenue par Grafin S.A.; 3° scission d'Interbéton et apport de son patrimoine aux sociétés absorbantes, respectivement Holcim Béton Belgique et CBR Béton;4° échange des participations respectives dans les sociétés absorbantes. Dès lors que l'opération de scission entraîne le passage d'un contrôle en commun d'Interbéton à un contrôle exclusif des actifs divisés, cette opération s'analyse comme donnant lieu à deux opérations de concentration au sens de l'article 9 de la loi.
L'opération en cause Holcim et Interbéton a également fait l'objet d'une notification en date du 28 mai 2004, enregistrée sous les références CONC-C/C-04/0032.
Le délai La convention-cadre de scission a été signée le 13 mai 2004 et la notification a été effectuée le 28 mai 2004. Toutefois, il ressort des annexes à la convention-cadre que la question de la scission de la S.A Interbéton a fait l'objet d'une demande spécifique antérieure à cette date auprès du Vlaamse Minister van Leefmilieu, Landbouw en Ontwikkelingssamenwerking. Il ressort également du dossier que l'opération de scission a été présentée au Conseil d'Entreprise de la SA Interbéton du 11 février 2004.
Il en résulte que le délai de notification prévu à l'article 12 § 1 de la loi ne semble pas avoir été respecté. Il convient d'inviter le Corps des rapporteurs à poursuivre l'examen de cette question.
Le champ d'application Les parties en cause sont des entreprises au sens de l'article 1er de la loi et l'opération notifiée est une opération de concentration au sens de l'article 9 de la loi.
Considérant les chiffres d'affaires respectifs des parties, les seuils définis à l'article 11 de la loi sont atteints.
Les marchés concernés Le secteur économique concerné est celui de l'industrie des produits minéraux non métalliques (code NACE 26) et, plus précisément, celui de la fabrication de béton prêt à l'emploi (code NACE 26.63) et de ciment (code NACE 26.51). 5.1. Le marché des produits en cause Interbéton est quasi exclusivement active sur le marché du béton prêt à l'emploi et, de façon très marginale sur celui du mortier humide.
CBR est pour sa part active sur les marchés du ciment et du granulat, qui constituent les deux matières premières intervenant dans la composition du béton prêt à l'emploi, et sur le marché du mortier sec. 5.1.1. Le béton prêt à l'emploi Le béton prêt à l'emploi est destiné à être coulé sur chantier et est préparé dans des installations industrielles fixes ou mobiles appelées centrales à béton. Le mélange de base est constitué de ciment (15 %), de granulats (85 %) et d'eau, complété éventuellement d'adjuvants.
Le béton prêt à l'emploi présente la caractéristique d'être non stockable et évolutif dans le temps. Il se solidifie dans un temps relativement court. La durée d'utilisation du produit est de maximum 100 minutes. Les temps de transport, de déchargement et de mise en oeuvre ne peuvent excéder la durée d'utilisation du produit.
L'activité de transport joue dès lors une importance déterminante.
La pratique décisionnelle de la Commission européenne (Décisions de la Commission dans les affaires IV/M.460 - Holdercim/Cedest, IV/M.1030 - Lafarge/Redland et IV/M.1157 - Skanska/Scancem) et du Conseil de la concurrence considère que le béton prêt à l'emploi constitue un marché de produits en tant que tel.
Ce marché est le principal concerné de l'opération en cause. 5.1.2. Le mortier humide Constitué d'un mélange de ciment, de sable et d'eau, complété éventuellement d'adjuvants et d'additifs, le mortier humide se différencie du béton par l'absence de granulats.
Préparé sur place ou livré depuis une centrale, il est utilisé pour la réalisation de joints, d'enduits, de chapes et de travaux de scellement, reprise et bouchage.
Il constitue par lui-même un marché en tant que tel, distinct de celui du mortier sec.
Si CBR n'est pas présent sur ce marché, la présence d'Interbéton y est marginale. Il n'apparaît dès lors pas nécessaire d'examiner plus avant ce marché de produit. En tout état de cause, ce marché ne constitue pas un marché concerné. 5.1.3 Le mortier sec Il s'agit d'un mortier préparé et pré-dosé, composé de ciment et sable, préalablement séché auquel il suffit d'ajouter de l'eau.
Il constitue également un marché en tant que tel.
Toutefois, dans la mesure où ni Interbéton, ni Holcim ne sont présentes sur ce marché, il n'apparaît pas non plus nécessaire d'examiner plus avant ce marché de produit, qui ne constitue pas un marché concerné. 5.1.4 Le ciment Le ciment désigne différents liants hydrauliques qui ont la propriété de durcir après avoir été mélangés à l'eau.
Il trouve son application dans le marché de la construction principalement sous forme de béton (produit en centrale ou sur chantier) et de produits en béton et, subsidiairement, sous forme de mortiers et d'enduits.
Les différents types de ciment dérivent d'un produit intermédiaire appelé clinker. Celui-ci est obtenu par cuisson dans le four d'un mélange de matériaux contenant du calcaire (la craie et la chaux) avec des produits argileux (les schistes, l'ardoise et le sable). Les deux procédés essentiels de production de clinker sont le procédé "humide" (procédé traditionnel) et le procédé sec.
Pour obtenir du ciment, le clinker doit être broyé et mélangé avec d'autres substances telles que le gypse, les pouzzolanes naturelles, les cendres volantes ou le laitier.
Il existe deux types principaux de ciment : le ciment gris et le ciment blanc. La principale différence réside dans l'utilisation, pour la production de ciment blanc, d'une qualité très particulière de craie pour la production de clinker blanc.
Conformément à la pratique décisionnelle de la Commission européenne (Décision IV/M.1157 Skanska/Skancem) et du Conseil de la concurrence ( Décision précitée du 9 janvier 1996 - n° 96-C/C-01), le ciment gris constitue un marché de produit en tant que tel. Dès lors que le marché du ciment gris est verticalement lié à celui du béton prêt à l'emploi, il est susceptible de constituer un marché concerné dans le cadre de la présente affaire.
Le ciment blanc constitue quant à lui un marché distinct du ciment gris. Sur le marché belge, le ciment blanc est quasi exclusivement utilisé pour la préfabrication ou vendu au détail en sacs. A de rares exceptions près, le ciment blanc n'est pas utilisé dans la production de béton prêt à l'emploi. Le marché du ciment blanc n'est donc pas susceptible d'être concerné dans le cas présent. 5.1.5 Les granulats Les granulats sont des matériaux granulaires d'origine minérale principalement issus de gisements alluvionnaires (sables et graviers) ou du concassage de roches massives.
Ce sont des produits pondéreux et volumineux dont le coût de transport constitue une part importante du prix. A la différence du béton prêt à l'emploi, les granulats ne sont pas des produits périssables.
Conformément à la pratique décisionnelle de la Commission européenne (Affaire IV/M.1030 - Lafarge/Redland) et du Conseil de la concurrence (Décision précitée n° 93-C/C-16 du 26 octobre 1993 du Conseil de la concurrence), les granulats constituent un marché de produit en tant que tel.
Etant lié verticalement à celui du béton prêt à l'emploi, il est susceptible de constituer un marché concerné. 5. 2.Le marché géographique en cause 5.2.1 Du béton prêt à l'emploi Le marché du béton prêt à l'emploi présente une dimension locale par nature. En effet, une fois mélangé, il doit être acheminé dans un laps de temps relativement court, au-delà duquel il se solidifie et devient inutilisable.
Dès lors, la zone de chalandise d'une centrale à béton se limite normalement à la zone dans laquelle le transport peut être assuré en moins d'une heure. Cette zone correspond généralement à un périmètre d'un rayon de 20 à 30 kilomètres autour de chaque centrale fixe.
En Belgique, les zones de chalandise se situent autour des différentes centrales fixes fournissant du béton prêt à l'emploi. Elles se chevauchent très largement dans tout le pays. Il en résulte une homogénéisation des conditions de concurrence sur l'ensemble du territoire belge.
Dans ces conditions, le marché géographique pertinent en l'espèce recouvre l'ensemble du territoire belge.
Cette approche est conforme à la pratique de la Commission européenne qui considère, au niveau de la dimension géographique d'un produit dont les coûts de transport sont très élevés, que, dans de tels cas, les livraisons au départ d'une usine donnée sont limitées à un certain périmètre autour de cette usine. En principe, ce périmètre pourrait constituer le marché géographique en cause. Toutefois, si la répartition des usines est telle qu'il existe d'importants chevauchements entre les périmètres autour de chaque usine, il est possible qu'un effet de substitution en chaîne influe sur les prix pratiqués pour ces produits et que le marché géographique à retenir soit plus étendu.
C'est ainsi que la Commission a conclu que le marché du béton prêt à l'emploi pouvait être apprécié au niveau national (Affaire COMP/M.3141 - Cementbouw/ENCI/JV - 01/08/2003, IV/M.460 - Holdercim/Cedest, IV/M.1030 - Lafarge/Redland). Cette conclusion est également celle retenue par le Conseil de la concurrence dans sa décision n° 93 précitée. 5.2.2. Du ciment gris Dans sa décision du 30 novembre 1994 (Affaire IV/33.126 et 33.322 Ciment), la Commission européenne a considéré que le marché géographique du ciment s'étendait à l'Europe.
Par contre, dans d'autres décisions en matière de concentration, elle a laissé ouverte la définition géographique de ce marché.
Le Conseil de la concurrence a, dans ses décisions précitées, considéré que la dimension géographique du marché du ciment s'étendait au territoire belge. Dans le cadre de la présente concentration, le marché a cette dimension. 5.2.3. Des granulats Le marché géographique des granulats doit être considéré comme national.
Analyse concurrentielle 6.1. Le marché du béton prêt à l'emploi Afin de permettre une information complète des autorités belges de concurrence, CBR a communiqué dans sa notification les principales données relatives à ce marché.
CBR n'étant pas présente sur le marché du béton prêt à l'emploi, la reprise de la moitié des actifs d'Interbéton ne donnera lieu à aucun chevauchement sur ce marché.
En outre, vu les parts de marché concernées par la reprise des actifs d'Interbéton (moins de 25%), le marché du béton prêt à l'emploi ne constitue pas un marché concerné. 6.2. Les marchés du ciment gris et des granulats Les marchés liés verticalement au marché du béton prêt à l'emploi sont les marchés du ciment gris et des granulats. Ceux-ci se situent en effet en amont du marché du béton prêt à l'emploi.
Les parties en cause s'attribuent des parts de marché [ Secrets d'affaires ] sur ces deux marchés. En outre, selon elles, l'acquisition par CBR d'une partie des activités d'Interbéton n'est cependant pas susceptible de modifier les conditions de concurrence sur les marchés en amont du béton prêt à l'emploi. En effet, les liens verticaux existants aujourd'hui ne sont pas modifiés, CBR étant déjà intégrée verticalement dans le marché du béton prêt à l'emploi à travers sa participation de contrôle dans Interbéton. Et enfin, il existe de nombreux fournisseurs alternatifs de ciments (et de granulats). Les producteurs de béton prêt à l'emploi peuvent facilement changer de fournisseur et ne sont pas dépendants des parties en cause pour leurs besoins en matières premières.
Selon FEBELCEM, fédération de l'industrie cimentière fondée en 1949 par 27 opérateurs actifs mais qui aujourd'hui ne regroupe plus que 3 opérateurs actifs à savoir CBR, CCB et Holcim, la part en volume à attribuer serait supérieure à 30 %.
Il résulte de l'examen effectué par le Corps des rapporteurs qu'aucun des concurrents ne s'oppose à la concentration. 6.3. Position du Conseil de la concurrence L'opération de concentration porte sur un marché sur lequel CBR n'était pas directement présent, à savoir le marché du béton prêt à l'emploi, que le Conseil ne considère pas comme un marché concerné.
Les deux autres marchés situés en amont (le ciment gris et les granulats) ne connaissent pas de modification résultant de l'opération en cause. Quelles que soient leurs parts de marché sur ces deux marchés, celles-ci sont antérieures à la concentration notifiée et indépendantes de celle-ci.
Par ces motifs Le Conseil de la concurrence, Après en avoir délibéré, - constate que la concentration tombe dans le champ d'application de la loi sur la protection de la concurrence économique et qu'elle n'aura pas pour effet l'acquisition d'une position dominante qui entrave de manière significative une concurrence effective sur le marché belge ou sur une partie substantielle de celui-ci; - par conséquent, la déclare admissible en vertu de l'article 33 § 1er et de l'article 33, § 2, 1.a, de la loi sur la protection de la concurrence économique coordonnée le 1er juillet 1999; - Invite le Corps des rapporteurs à vérifier si les dispositions de l'article 12 § 1er de la loi ont été respectées.
Ainsi décidé le 12 juillet 2004 par la chambre du Conseil de la concurrence composée de Monsieur Jacques Schaar, président de chambre, de Madame Anne Junion, Messieurs Patrick De Wolf et Eric Balate, membres.