publié le 29 novembre 2004
Conseil de la Concurrence. - Décision n° 2004-I/O-42 du 29 juin 2004. Affaire CONC-I/O 00/0049 : Banksys S.A. - Affaire CONC-P/K 02/0043 : FNUCM/Banksys S.A. Affaire CONC-P/K 02/0051 : UNIZO/Banksys S.A. Le Conseil de la concurrence, Vu la loi sur la protection de la concurrence économique coordonnée par arrêté royal du 1 er
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Conseil de la Concurrence. - Décision n° 2004-I/O-42 du 29 juin 2004.
Affaire CONC-I/O 00/0049 : Banksys S.A. - Affaire CONC-P/K 02/0043 : FNUCM/Banksys S.A. Affaire CONC-P/K 02/0051 : UNIZO/Banksys S.A. Le Conseil de la concurrence, Après en avoir délibéré, Vu la loi sur la protection de la concurrence économique coordonnée par arrêté royal du 1er juillet 1999 (ci-après dénommée LPCE ou la loi);
Vu la demande d'instruction datée du 20 octobre 2000 adressée par le Ministre de l'Economie au Conseil de la concurrence et enregistrée sous le n° CONC-I/O 00/0049;
Vu la plainte de la « Fédération nationale des unions de classes moyennes" (en abrégé FNUCM) du 9 juillet 2002 enregistrée au secrétariat du Conseil de la concurrence sous la référence CONC-P/K-02/0043;
Vu la plainte de la « Unie van zelfstandige ondernemers" (en abrégé UNIZO) du 12 août 2002 enregistrée sous la référence CONC-P/K 02/0051;
Vu le dossier d'instruction et le rapport motivé du Corps des rapporteurs daté du 20 décembre 2002 et notifié à la S.A. Banksys le 13 janvier 2003;
Vu le mémoire préliminaire daté du 11 mars 2003 déposé par la S.A. Banksys;
Vu le courrier du Corps des rapporteurs daté du 4 avril 2003 ainsi que la communication de pièces du 7 avril 2003 transmises avant l'audience à la S.A. Banksys;
Vu l'audience du 7 avril 2003 consacrée exclusivement, à la demande de la partie incriminée, à l'examen de la régularité de la procédure; : Vu notre décision n° 2003-I/O-36 du 7 avril 2003 indiquant en son dispositif que le Conseil de la concurrence « avant de dire droit sur la recevabilité et le fond de l'affaire, - Constate que ni les droits de la défense, ni le principe de présomption d'innocence, ni le principe d'égalité des armes n'ont été violés par la conférence de presse donnée par le Ministre de l'Economie; - Constate à ce stade de la procédure que l'affaire n'est pas en état d'être examinée au fond; - Renvoie l'affaire au Corps des rapporteurs pour une nouvelle communication des griefs compte tenu du dépôt des deux nouvelles plaintes, entre autres sur les éléments visés dans le courrier du 4 avril 2003 du Corps des rapporteurs; - Invite le Corps des rapporteurs à déposer un rapport complémentaire au plus tard le 2 juin 2003; - Invite la Commission européenne à informer le Conseil de la concurrence sur l'issue des plaintes déposées devant elle le 12 février 1999 par UNIZO (anciennement NCMV) et 16 février 1998 par UCM et enregistrées sous la référence COMP/D1/36.922 -NCMVe.a./ Banksys. »;
Vu les nouvelles communications des griefs des 29 avril et 30 juin 2003;
Vu le rapport motivé complémentaire daté du 25 juillet 2003;
Vu les décisions sur la confidentialité des pièces du dossier de procédure;
Vu l'ordonnance de mise en état du 17 septembre 2003;
Vu la note du Corps des rapporteurs relative aux amendes et aux remèdes envisageables dans l'affaire Banksys et sa note d'audience datées du 26 novembre 2003;
Vu la note d'observations de la fédération nationale des unions de classes moyennes du 7 novembre 2003;
Vu les diverses notes d'observations et de plaidoiries déposées par la S.A. Banksys et notamment les notes d'observations datées du 4 février, 3 et 17 novembre, 5 et 11 décembre 2003 et la note de plaidoirie du 24 novembre 2003;
Vu la note de plaidoiries du 25 février 2004;
Entendu à l'audience du 25 février 2004 au cours de laquelle les débats ont été repris ab initio conformément aux articles 8 du Règlement d'ordre intérieur du Conseil de la concurrence et 779 du code judiciaire : - M. Patrick Marchand pour le Corps des rapporteurs, assisté de Monsieur Alain Godfurnon du Service de la concurrence; - M. Dirk Syx, Koen Depaemelaere et Olivier Goffard pour Banksys, assistés de leurs conseils, Maîtres Jules Stuyck, Hans Gilliams et Annick Vroninks, avocats à Bruxelles Vu les pièces de la procédure;
I. L'ENTREPRISE INCRIMINEE : S.A. BANKSYS Banksys est une société anonyme de droit belge dont le siège est situé chaussée de Haecht 1442, à 1130 Bruxelles, immatriculée au registre des personnes morales sous le numéro d'entreprise 418.547.872 qui est active dans la conception, la réalisation et l'exploitation d'activités portant sur les systèmes de paiement intégrés et sécurisés.
Banksys produit également des terminaux de paiement et fournit des services liés à ces terminaux (installation et maintenance). Banksys est ainsi l'opérateur du système belge de cartes de débit Bancontact/MisterCash (BC/MC) et a également développé la carte à puce électronique Proton. Banksys est la résultante de la fusion intervenue en 1989 des deux réseaux concurrents en Belgique de cartes de débit à savoir Bancontact (BBL actuellement ING, Kredietbank actuellement KBC et CGER actuellement Fortis) d'une part et MisterCash (Générale de Banque actuellement Fortis et Crédit Communal actuellement Dexia) d'autre part. Son actionnariat est constitué de 59 banques dont quatre d'entre-elles disposent de [Secrets d'affaires - entre 70 et 90 %] des parts, à savoir : Fortis ([Secrets d'affaires - entre 20 et 40 %], Dexia ([Secrets d'affaires - entre 10 et 30 %], KBC ([Secrets d'affaires - entre 10 et 30 %]) et ING ([Secrets d'affaires - entre 10 et 30 %].
II. RECEVABILITE ET REGULARITE DE LA PROCEDURE A. Recevabilité de la procédure 1) Demande du Ministre Conformément à l'article 23, § 1er, c, de la loi, l'instruction des affaires par le Corps des rapporteurs peut se faire sur demande du Ministre quand des indications sérieuses le justifient. Une demande d'instruction du Ministre de l'Economie à l'égard de Bansksys a été adressée le 20 octobre 2000 au Conseil de la concurrence et enregistrée sous le n° CONC-I/O-00/0049. En annexe de cette demande est jointe une copie d'un courrier de l'asbl Commerce Liégeois daté du 23 août 2000.
Les indications sérieuses de l'existence d'un abus de position dominante résultent notamment du courrier de l'asbl Commerce Liégeois daté du 23 août 2000. 2) Plainte d'UCM et d'Unizo La Fédération nationale des unions de classes moyennes asbl (FNUCM) a déposé une plainte contre Banksys en date du 9 juillet 2002 qui a été enregistrée par le secrétariat du Conseil sous le n° CONC-P/K-02/0043. Une plainte a également été introduite en néerlandais le 12 août 2002 par UNIZO vzw et enregistrée par le secrétariat du Conseil de la concurrence sous le n° MEDE-P/K-02/0051. 3) La notion d'intérêt dans le cadre d'une plainte En application de l'article 23, § 1er, c, de la loi, l'instruction des affaires se fait notamment sur plainte d'une personne physique ou morale démontrant d'un intérêt direct et actuel dans le cadre d'une infraction à l'article 2, § 1er (ententes) ou à l'article 3 (abus de position dominante) de la loi. A cet égard, il y a lieu d'interpréter la notion d'intérêt direct et actuel au regard de l'article 18 du code judiciaire. En effet, comme l'indique Monsieur Aerts dans son rapport (Sénat de Belgique, Session 1990-1991, 9 juillet 1991, 1289-2 (1990-1991), p. 55), la rédaction de l'article 23, § 1er, c, de la loi, est "inspirée de celle de l'article 18 du code judiciaire qui dispose que l'intérêt à l'action doit être né et actuel. » Cette notion d'intérêt direct et actuel doit en outre être complété par la notion d'intérêt personnel du plaignant. Le Conseil de la concurrence a déjà à diverses reprises adopté cette interprétation de cette notion d'intérêt dans sa jurisprudence. (voir entre autres les décisions suivantes du Conseil de la concurrence en matière de pratiques restrictives : décision n° 2002-P/K-36 du 22 mai 2002 en cause de Ludwig Van Der Auwera/ziekenfondsen, artsensyndicaten en de Belgische staat (Moniteur belge du 12 février 2003); décision n° 2002-P/K-80 du 5 novembre 2002 - Nubelt/VMV,BFV,VB,VHA,VDK,LTV (Moniteur belge du 19 août 2003).
La Cour d'appel de Bruxelles partage également cette jurisprudence du Conseil de la concurrence. (Voir notamment l'arrêt du 11 septembre 1996 de la Cour d'appel de Bruxelles, 9e chambre bis, en cause RTBF, SA RMB, SA TVI, SA IPB, SA TVB, Communauté française de Belgique c/ Etat belge).
Cette interprétation de la notion de l'intérêt requis par l'article 23 LPCE a également à diverses reprises été développée dans des décisions en mesures provisoires (voir notamment décision n° 99-vmp-04 du 1er avril 1999 en cause de Francois Detimmerman/ association pharmaceutique de Tournai et du conseil provincial du Hainaut de l'Ordre des pharmaciens. 4) Les plaignantes justifient-elles de l'intérêt requis par la loi? L'UCM et l'UNIZO justifiaient d'un intérêt direct et actuel lors du dépôt de leur plainte dans la mesure où ces groupements ont notamment comme mission de défendre et de représenter leurs membres, qui sont des entreprises subissant les pratiques anticoncurrentielles dénoncées.5) La notion d'entreprise En vertu de l'article 1er, a) de la loi sur la protection de la concurrence économique, celle-ci s'applique aux entreprises, c'est-à -dire à "toute personne physique ou morale poursuivant de manière durable un but économique". Banksys est une société anonyme de droit belge active dans la conception, la réalisation et l'exploitation de systèmes de paiement intégrés et sécurisés et poursuit de manière durable un but économique. Elle est une entreprise au sens de la loi. 6) Conclusion La demande d'instruction du Ministre de l'Economie et les plaintes introduites par la FNUCM et UNIZO sont recevables. B. Régularité de la procédure La société Banksys avait fait valoir dans son mémoire préliminaire daté du 11 mars 2003 1. que l'instruction est nulle en raison d'une violation des droits de la défense;2. que l'affaire n'est pas en état et doit être renvoyée au Corps des rapporteurs;3. que la Commission européenne est saisie d'une plainte similaire -sinon identique- et que le Conseil de la concurrence ne peut statuer aussi longtemps de que la Commission européenne ne s'est pas prononcée. Ces arguments de la partie incriminée ont déjà été examinés dans la précédente décision n° 2003-I/O-36 rendue par le Conseil de la concurrence le 7 avril 2003.
En ce qui concerne la violation des droits de la défense, de la présomption d'innocence et du principe d'égalité des armes, le Conseil de la concurrence a considéré pour les motifs développés dans cette décision, que les droits de la défense de Banksys, de même que la présomption d'innocence n'ont pas été violés dans le cadre de la procédure devant le Conseil de la concurrence et qu'il n'y a dès lors pas lieu de considérer que l'instruction serait nulle pour ces motifs.
Banksys relatait en outre dans son mémoire préliminaire daté du 11 mars 2003 d'une part qu'après la communication des griefs le 4 mars 2002, le Corps des rapporteurs lui a encore adressé le 24 mai 2002 une nouvelle demande de renseignements et d'autre part que les deux plaintes de l'Unizo et de la FNUCM ont été jointes au dossier ouvert à la demande du Ministre de l'Economie sans qu'une nouvelle communication des griefs ne se fasse par la suite.
Conformément à la décision n° 2003-I/O-36 rendue par le Conseil de la concurrence le 7 avril 2003, une nouvelle communication des griefs a été effectuée par le Corps des rapporteurs le 29 avril 2003 et le 30 juin 2003. Par courrier du 10 juillet 2003, Banksys a fait savoir au Corps des rapporteurs qu'elle n'avait pas d'observations complémentaires à formuler à ce stade de la procédure et qu'elle n'estimait pas nécessaire d'être entendue lors de l'audition prévue le 23 juillet 2003.
Le Conseil de la concurrence constate que la procédure est ainsi à présent régulière et que les développements sur ce point de la partie incriminée dans son mémoire préliminaire daté du 11 mars 2003, sont devenus sans objet.
Enfin, la partie incriminée avait également dans son mémoire préliminaire daté du 11 mars 2003, soutenu que l'examen de l'affaire devait être postposé en raison d'un dossier ouvert à la Commission européenne.
La Commission européenne a été saisie les 12 et le 16 février 1998 de deux plaintes quasi similaires, sinon identiques à celle déposée devant le Conseil de la concurrence par l'organisation des classes moyennes (en abrégé NCMV) devenue l'Unizo et FNUCM. Banksys estimait dans ces conditions que le Conseil de la concurrence devait surseoir à statuer à l'examen de cette procédure, aussi longtemps que la Commission européenne ne s'est pas prononcée.
Conformément à notre décision n° 2003-I/O-36 rendue le 7 avril 2003, le secrétaire du Conseil de la concurrence a transmis une copie de cette décision à la Commission européenne aux fins de connaître l'état des procédures ouvertes à la suite des plaintes déposées devant elle le 12 février 1998 par UNIZO (anciennement NCMV) et 16 février 1998 par UCM et enregistrées sous la référence COMP/D1/36.922 - NCMVe.a./ Banksys.
Il y a également lieu de rappeler que le jour de l'audience du 7 avril 2003, le Corps des rapporteurs avait transmis au Conseil de la concurrence les pièces qu'il avait reçues le jour même par télécopie d'UCM et d'Unizo. Ces pièces ont été communiquées à Banksys avant que la cause ne soit prise en délibéré. Banksys a ainsi eu la possibilité de s'exprimer à propos de ces pièces tant lors de l'audience du 7 avril 2003 que lors des audiences des 24 et 26 novembre 2003.
Il appert de l'examen de ces pièces que par courrier du 20 juillet 2001 adressé à Monsieur le Commissaire européen Mario Monti, le Ministre de l'Economie de l'époque avait demandé, « compte tenu du caractère essentiellement belge de la problématique soulevé, que l'instruction soit diligentée et menée à son terme au niveau belge, dans les meilleurs délais ».
Par courrier du 26 septembre 2001, Monsieur Monti a répondu au Ministre de l'Economie Ch. Picqué en ces termes : « Je suis entièrement d'accord avec votre souhait que les autorités belges se saisissent du dossier. Afin d'éviter une duplication d'efforts, et dans l'esprit de la communication du 15 octobre 1997 sur la coopération entre la Commission et les Etats membres, la Commission rejettera prochainement la plainte pour manque d'intérêt communautaire. Ceci permettra à vos services de gérer ce cas en pleine responsabilité ».
Le 23 avril 2002, la Commission européenne (D.G. Concurrence) a fait parvenir aux deux plaignantes, en l'espèce à l'UCM et à UNIZO, la communication visée à l'article 6 du règlement n° 2842/98. Sous le point 1.5 intitulé « procédure » de cette communication, la Commission se réfère expressément au courrier du Ministre belge de l'Economie du 20 juillet 2001 susmentionnée et à la réponse qui y avait été réservée par M. Monti le 26 septembre 2001. Dans cette même communication, la Commission a également fait savoir qu'elle estimait « que l'importance de l'infraction alléguée pour le fonctionnement du marché commun ne présente pas un intérêt communautaire suffisant pour justifier la poursuite de son examen ». Cette conclusion est expliquée notamment par le fait qu' « UCM (ou UNIZO) est libre de porter plainte contre Banksys devant le Conseil belge de la concurrence, l'autorité administrative chargée d'appliquer les articles 81 et 82 du traité CE. Cette autorité administrative est habilitée par la législation belge à traiter effectivement cette affaire, notamment à arrêter les mesures provisoires si elle le juge nécessaire et à imposer des sanctions à toute entreprise coupable de violation des règles de concurrence. Par conséquent, les droits des plaignants sont suffisamment préservés par les autorités nationales en cause ».
En conclusion, la Commission faisait ainsi savoir aux plaignants, « conformément à l'article 6 du règlement n° 2842/98 qu'elle a l'intention de rejeter la plainte pour défaut d'intérêt communautaire suffisant. Cette conclusion est sans préjudice de la question de savoir qu'il y a ou non des raisons de fond suffisantes pour faire droit à la plainte ou la rejeter. Cette question fait actuellement l'objet de l'enquête menée par les autorités belge de la concurrence ».
Cette communication invitait en outre les plaignants à présenter leurs observations éventuelles endéans le mois. Faute de réactions de la part des plaignants, un rappel leur a été adressé le 4 juillet 2002.
Unizo a produit une copie de ce rappel indiquant que « Bij aangetekend schrijven van 23 april 2002jl. hebben wij U bericht dat de Commissie voornemens is het verzoek dat u op 12 februari 1998 jl. namens NCMV (thans Unizo) heeft ingediend tegen Banksys inzake vermeende schendingen van het Europese mededingingsrecht, af te wijzen wegens gebrek aan communautair belang. Aangezien wij geen ontvangstbevestiging van dit schrijven hebben ontvangen, sturen wij U hierbij nogmaals dit schrijven ». (traduction libre : Par courrier recommandé du 23 avril 2001, nous vous avons informé que la Commission a l'intention de rejeter la plainte que vous avez déposée le 12 février 1998 au nom de NCMV (alors Unizo) contre Banksys en cause de prétendues violations du droit de la concurrence communautaire, pour défaut d'intérêt communautaire suffisant. Etant donné que nous n'avons pas reçu d'accusé de réception de ce courrier, nous vous adressons une nouvelle fois, ce courrier »).
L'affaire a ainsi été classée le 27 novembre 2002 comme le révèle le courrier du 9 avril 2003 adressé par la Commission européenne au secrétariat du Conseil de la concurrence en réponse à sa demande du 7 avril 2003 dont question ci-dessus. Dans ce courrier, il est rappelé que la Commission a notifié le 23 avril 2002 à Unizo et à UCM qu'elle avait l'intention de rejeter leurs plaintes, respectivement adressées à la Commission les 12 et 16 février 1998. Ce courrier précise encore pour autant que de besoin que « si vous aviez besoin d'informations complémentaires confirmant que l'affaire a été transmise aux autorités belges de la concurrence et par la suite classée, n'hésitez pas à contacter ... ».
La note destinée au greffe, jointe à ce courrier, indiquant que « l'instruction de l'affaire citée en objet étant terminée, je vous renvoie le dossier en 9 tomes pour classement » ne peut en aucune façon établir, comme le soutient la partie incriminée dans ses notes d'observations et d'audience déposées après la décision du 7 avril 2003 et dans ses plaidoiries que le classement de la procédure par la Commission européenne indique que leur comportement ne présentait pas ou plus d'infraction.
De plus, la présente affaire a été initiée sur demande du ministre de l'Economie. Les plaintes d'Unizo et d'UCM n'ont été jointes qu'en 2002 par le Corps des rapporteurs.
Le problème de l'application parallèle du droit communautaire par la Commission européenne et le Conseil de la concurrence ne se pose pas dans le cas d'espèce. Le Conseil de la concurrence applique en effet le droit belge de la concurrence (soit les articles 2 et 3 LPCE). Une autorité de la concurrence n'est pas obligée de suspendre la procédure même si sur base des mêmes faits, une procédure a été ouverte par la Commission européenne (E. Ballon, « De relatie tussen nationaal en Europees mededingingsrecht » in de hervormde mededingingswet, J. Stuyck et P. Wytinck, Anvers, Kluwer, 2000, p.57, n° 42).
Par conséquent, la procédure est régulière et le Conseil de la concurrence est habilité à examiner les griefs retenus par le Corps des rapporteurs dans le cadre de cette affaire.
III. GRIEFS INVOQUES A. Demande d'instruction du Ministre de l'Economie Le Ministre de l'Economie a demandé d'ouvrir un dossier aux fins de vérifier si Banksys pratique dans sa gestion des paiements par carte de débit, une politique de différenciation qui aurait pour objet ou pour effet de désavantager le petit commerce par rapport à la Fedis (Fédération belge des entreprises de distribution).
Cette politique se traduirait par l'impossibilité pour le petit commerçant d'acquérir les terminaux de paiement et par l'application de conditions tarifaires (de l'année 2000) jugées discriminatoires en ce qu'elles prévoient une somme forfaitaire de [Secrets d'affaires] Bef ([Secrets d'affaires] euro ) pour les [Secrets d'affaires] premières transactions mensuelles.
Il s'en déduirait de la sorte un abus de position dominante dans le chef de Banksys, comportement constitutif d'une infraction à l'article 3 de la loi sur la protection de la concurrence économique coordonnée le 1er juillet 1999.
B. Plainte formulée par la FNUCM Les griefs allégués par la FNUCM recoupent largement ceux retenus dans le cadre de la demande du Ministre et qui ont fait l'objet d'une instruction au fond et des communications des griefs.
Selon la FNUCM, Banksys abuse en violation de l'article 3 de la loi, de sa position dominante sur le marché belge des paiements électroniques en appliquant aux petits détaillants des prix discriminatoires et excessifs.
En outre, elle estime que les quatre principales banques belges qui contrôlent Banksys (FORTIS, BBL, KBC et DEXIA) ont maintenu via Banksys des tarifs et conditions commerciales injustement élevés pour le petit détaillant. Il s'agirait là d'un accord entre entreprises, ou une décision d'une association d'entreprises, qui fausse de manière sensible la concurrence sur le marché belge des paiements électroniques au sens et en violation de l'article 2 de la loi.
C. Plainte formulée par UNIZO Les griefs allégués par UNIZO recoupent également largement ceux retenus dans le cadre de la demande du Ministre et qui ont fait l'objet d'une instruction au fond et des communications des griefs.
Banksys abuserait en violation de l'article 3 de la loi, de sa position dominante sur le marché des paiements électroniques Bancontact/Mister Cash en Belgique, en usant de pratiques et de réductions de prix discriminatoires entre petits et grands commerçants ainsi que des prix excessifs pour ce qui concerne les coûts de transaction et la location des terminaux.
IV. DETERMINATION DES MARCHES EN CAUSE A. Détermination du marché des produits 1. Définition du marché proposée par le Corps des rapporteurs Le Corps des rapporteurs considère dans son rapport motivé qu'il faut distinguer divers marchés : 1.1. Le marché de l'acquisition pour cartes de débit a) Distinction entre émission (issuing) et acquisition (acquiring) Un système de paiement par carte tel que BC/MC implique un accord quadripartite : une banque acquéreuse (acquiring bank : Banksys), une banque émettrice (issuing bank : Dexia, Fortis,...), le commerçant qui accepte le système BC/MC et le détenteur d'une carte BC/MC. Le processus d'achat par le biais d'une carte BC/MC se joue sur deux réseaux différents : le réseau entre le client et le commerçant (les lignes commutées ou louées) et le réseau reliant la banque émettrice et la banque acquéreuse (le réseau carte de débit).
Ce processus peut être illustré de la manière suivante : Pour la consultation du tableau, voir image Trois étapes significatives peuvent être distinguées dans ce processus de paiement électronique. Tout d'abord, grâce à l'autorisation, on confirme que le client a obtenu le feu vert quant à l'utilisation de sa carte. Le commerçant, ayant reçu les informations, transmet celles-ci à la banque acquéreuse (Banksys). Cette dernière transmet ensuite les données à la banque émettrice gérant les avoirs du client via le réseau carte de débit. A ce stade, la banque émettrice vérifie la capacité financière du client. Le résultat, qu'il soit positif ou négatif, est retransmis au commerçant via la banque du commerçant, cette dernière faisant office de liaison. Deuxièmement, en cas de réponse positive de la part de la banque émettrice, une requête de transfert de fonds doit être émise. Le système du commerçant envoie cette requête à la banque émettrice par le biais de la banque acquéreuse (Banksys). Enfin, la dernière étape consiste à assurer au commerçant l'encaissement de son argent. La banque émettrice vire les fonds à la banque acquéreuse (qui retient une commission au passage) qui vire à son tour l'argent sur le compte du commerçant.
Il en ressort que chaque partie de cet accord quadripartite est en relation avec deux autres parties. Par exemple, le commerçant a un contrat avec Banksys pour l'acceptation de la carte. Il a également une relation avec le client détenteur d'une carte BC/MC. La banque acquéreuse et la banque émettrice représentent l'offre du processus de paiement, tandis que le commerçant et le détenteur d'une carte représentent la demande.
Du point de vue de l'offre, les différents services fournis, l'issuing et l'acquiring, sont des activités différentes fournies par des entités séparées. En Belgique l'ensemble des banques sont émettrices de cartes BC/MC et sont en concurrence, mais elles ne proposent pas l'acquisition aux commerçants. Banksys est la seule banque acquéreuse pour le système BC/MC sur le territoire belge, mais elle n'émet pas de carte BC/MC. Il n'existe aucune concurrence entre ces deux pôles qui fournissent des services différents et s'adressent à des clients différents, le commerçant ou le détenteur de carte.
Le marché de l'émission et le marché de l'acquisition sont intimement liés.
Il s'ensuit que l'accord quadripartite décrit plus haut doit être divisé en deux marchés : - le marché de l'émission (issuing market), où l'offre est constituée par les banques émettrices et la demande par le client, - le marché de l'intermédiation - acquisition (acquiring market) où l'offre est constituée par la « banque acquéreuse » et la demande par le commerçant.
La demande du Ministre concerne les agissements de Banksys sur le marché de l'acquisition où Banksys représente l'offre et les commerçants la demande.
L'activité d'acquisition recouvre différentes activités : la prospection de nouveaux clients, la fixation des coûts de transaction, la publicité, la récolte de données et leur traitement, l'autorisation de paiement, l'échange de données entre les banques émettrices et la banque acquéreuse, ainsi que la compensation et le règlement (clearing and settlement).
La fourniture de terminaux de paiement constitue un marché spécifique même s'il est étroitement lié à celui de l'acquisition. Pour le système de paiement BC/MC, Banksys prend en charge toutes ces activités à l'exception de l'échange de données avec les banques émettrices et du clearing and settlement, celles-ci sont prises en charge par CEC/UCV qui dépend de la Banque Nationale de Belgique (BNB). b) Moyens de paiement De nombreux moyens de paiement peuvent être acceptés par point de vente : - argent liquide, - chèques, - cartes de débit, - cartes de débit différé, - cartes de crédit, - etc...
Ils doivent être distingués de ceux qui ne peuvent pas être utilisés à un point de vente comme les chèques de voyage qui ne sont pas une alternative pour les commerçants.
Afin de déterminer le marché des produits en cause, il est nécessaire de déterminer quels sont les moyens de paiement qui du point de vue du consommateur, dans ce cas-ci le commerçant, sont substituables.
L'argent liquide Suivant en cela l'avis de la Commission dans la décision Visa International (décision de la Commission du 9 août 2001 dans l'affaire comp/29.373 Visa International, point 38), l'argent liquide est d'emblée exclu du marché : l'argent liquide a cours légal et les coûts liés à son acceptation ne sont pas comparables à ceux représentés par l'acceptation de cartes.
Les cartes En Belgique, plusieurs possibilités s'offrent au consommateur s'il dé sire payer par carte dans un point de vente : la carte de débit, la carte de crédit ou débit différé, la carte "détaillant" et le porte-monnaie électronique.
L'ensemble de ces cartes a bien entendu des particularités et des ressemblances. Néanmoins, aux yeux d'un détaillant l'important sera de connaître le nombre de clients potentiels utilisant l'outil de paiement concerné ainsi que le coût pour l'installation d'un système de paiement par carte dans son magasin.
Il existe certaines difficultés dans l'analyse de substituabilité entre différentes cartes de paiement en raison des nombreux scénarios possibles vu l'hétérogénéité des utilisateurs de cartes ainsi que celle des détaillants. A l'occasion de la communication 97/C/372/03 la Commission a proposé comme outil de détermination du marché des produits en cause un exercice mental présupposant une variation légère, mais durable, des prix relatifs suivie d'une évaluation des réactions probables des clients.
Les cartes de détaillants Les cartes émises par les compagnies pétrolières et la grande distribution sont limitativement utilisées aux points de vente contrôlés par les émetteurs. Une distinction peut-être faite entre les cartes "in house" et les cartes qui sont en fait gérées par un autre acquéreur de carte (BCC par ex.). Certaines de ces cartes peuvent être utilisées à des terminaux de paiement tandis que d'autres ne fonctionnent que manuellement.
En prenant en compte le nombre de clients potentiels d'un détaillant, les cartes de détaillants ne constituent pas une alternative dans le cas d'une hausse de 10 % des prix BC/MC. En effet, le but premier d'une carte de détaillant est de fidéliser le client à son ou ses points de vente en lui offrant un service supplémentaire. Or, il est évident qu'un des buts premiers d'un commerçant est, logiquement, d'attirer le plus grand nombre de nouveaux clients, qui, par définition, ne sont pas encore en possession d'une telle carte. De plus, la mise à disposition à sa clientèle de ce type de carte implique bien évidemment un investissement nettement plus conséquent que la simple affiliation au réseau BC/MC, étant entendu que c'est le détaillant lui-même qui devra prendre en charge (ou sous-traiter) la gestion de ce système de carte de l'issuing à l'acquiring. En tout état de cause, en cas d'une hausse de 10 % des frais relatifs à BC/MC, la solution d'installer un réseau interne de cartes de débit ne constitue pas une alternative aux yeux du détaillant.
Les cartes Proton La première remarque d'ordre historique à formuler en terme de substituabilité entre le système Proton et le système BC/MC du point de vue du commerçant est que l'ensemble des détenteurs de la fonctionnalité Proton possède également la fonctionnalité BC/MC sur leur carte, par contre l'inverse n'est pas vrai. Deuxièmement, les nouveaux terminaux C-Zam/Smash, configurés pour le réseau BC/MC sont également configurés pour accepter les cartes Proton, il n'est donc pas nécessaire de changer son parc de terminaux pour passer de la fonctionnalité BC/MC à la fonctionnalité Proton.
Au niveau des modes de tarification, la situation est sensiblement différente entre les abonnements BC/MC et Proton. Banksys charge l'utilisateur de Proton (le commerçant) à hauteur de [Secrets d'affaires] du montant transporté lors des déchargements du terminal.
Pour l'année 2000, les commerçants utilisant Proton ont ainsi déboursé en moyenne [Secrets d'affaires] Bef/mois ([Secrets d'affaires] euro /mois) comme frais de transaction, ce qui peut apparaître relativement bon marché par rapport aux frais liés aux transactions BC/MC qui sont nettement plus élevés. Le petit commerçant doit ainsi s'acquitter d'un forfait de [Secrets d'affaires] Bef/mois (soit [Secrets d'affaires] euro ) qui lui donne droit à [Secrets d'affaires] transactions et le coût des transactions supplémentaires s'élève à [Secrets d'affaires] Bef ([Secrets d'affaires] euro ) dans le meilleur des cas.
En cas d'une hausse limitée des tarifs Banksys, la probabilité qu'un commerçant choisisse d'abandonner BC/MC pour Proton semble toutefois extrêmement faible en raison des caractéristiques des deux produits qui ne les rendent pas substituables.
En effet, Proton est prévu pour les transactions concernant de faibles montants alors que BC/MC concerne des montants moyens. Le plafond de rechargement d'une carte Proton est de [Secrets d'affaires] euro ([Secrets d'affaires] Bef), ce qui limite par définition le montant maximum d'une transaction à ce montant. Le plafond des transactions pour BC/MC est fixé individuellement par les banques émettrices et tourne généralement autour de [Secrets d'affaires] euro ([Secrets d'affaires] Bef). Au regard des moyennes annuelles il est clair que l'utilisateur d'une carte Proton l'utilise à de petits achats tandis que la carte BC/MC est utilisée pour des achats moyens : ainsi, pour l'année 2001, dans la grande distribution, le montant moyen s'est établi à [Secrets d'affaires] euro par transaction BC/MC ([Secrets d'affaires] euro dans les stations-services) à comparer avec une moyenne de [Secrets d'affaires] euro par transaction pour Proton (cf. rapport annuel 2001- Banksys).
En conclusion, le passage du système BC/MC vers Proton en cas d'une augmentation sensible des tarifs du premier ne constitue pas une alternative pour le commerçant utilisant le réseau BC/MC. Les cartes de crédit ou débit différé Rappelons que le commerçant est principalement intéressé par deux éléments de la carte de paiement, à savoir le nombre de clients potentiels en possession de cette carte et le coût qu'il doit supporter pour permettre les paiements, via cette carte.
En ce qui concerne le nombre de cartes émises, BC/MC est de loin la carte la plus populaire avec environ 12 millions de cartes en circulation à la fin 1999. La deuxième carte la plus populaire est la Visa avec 2,2 millions de cartes en circulation à la fin 1999, suivi par Eurocard-Mastercard (EM), avec 450.000 cartes. American Express (Amex) et Diner's Club (DC) se partagent les 200.000 cartes restantes.
Il est à noter qu'il existait une autre carte de débit en circulation en Belgique émise par La Poste mais suite à un accord avec Banksys, La Poste a adopté le système BC/MC et a mis fin à son réseau concurrent en 1999.
Au regard de ces données, le basculement du système BC/MC vers le système de carte de crédit implique un risque élevé de pertes de ventes. En outre, les conditions pour entrer en possession d'une carte de crédit sont généralement plus strictes que pour entrer en possession d'une carte BC/MC. Généralement leur octroi est fonction du revenu annuel de la personne ainsi que de son âge (18 ans minimum).
Leur public cible est dès lors plus restreint que celui de Banksys ce qui limite leurs possibilités de développement futur. Ces caractéristiques, qui expliquent en partie la faiblesse relative de leur pénétration sur le marché belge par rapport à la carte BC/MC, impliquent bien entendu un risque important de perte de clientèle potentielle pour les commerçants choisissant d'abandonner BC/MC pour les cartes de crédit.
Une étude commanditée par Banksys abonde dans ce sens (cf. Etude Censydiam p.10) : « De klant staat centraal in de beslissing van de handelaar om een betaalterminal aan te schaffen : 51,8 % zegt dat de klanten dit zelf hebben gevraagd, 30,6 % noemt de gemakkelijkheid voor de klant en 23,1 % beschouwt de terminal als een extra service voor de klanten. » (traduction libre : Le client est déterminant dans la décision du commerçant d'acquérir un terminal de paiement : 51,8 % signale que les clients l'ont demandé, 30,6 % mentionne la facilité pour le client et 23,1 % considère le terminal comme un service supplémentaire pour les clients).
Cette étude nous apprend également que 58,2 % des commerçants interrogés pensent qu'ils perdront des clients s'ils abandonnent le système BC/MC (Censydiam p.11). Comme cette étude date de 1997 et que la diffusion des cartes BC/MC parmi la population n'a cessé de croître, il est fort probable que ce pourcentage serait encore plus important actuellement.
Les tarifs relatifs à l'acceptation du système de carte se divisent en deux postes. Le premier est la commission redevable à BCC qui varie en fonction du type de terminal. Le commerçant disposant d'un terminal "on-line" sera redevable à BCC de [Secrets d'affaires] % du volume des transactions. S'il dispose d'un terminal "semi-online" il est redevable à BCC de [Secrets d'affaires] % du volume total des transactions. Le commerçant disposant d'un poste manuel (empreinte de la carte) est lui redevable de 2,25 % du montant total des transactions. Le deuxième poste concerne les frais de processing, qui sont en fait réalisés par Banksys depuis le 22 décembre 1999. Ces frais s'élèvent à 4 Bef (0,10 euro ) par transaction. Amex et DC ne facturent aucun frais de processing mais prélèvent en moyenne 3 % du montant transporté. Cette tarification, nettement plus onéreuse, entraîne qu'il est improbable qu'un commerçant passe de BC/MC vers les cartes de crédit suite à une hausse légère mais constante des tarifs BC/MC du fait que l'acceptation des différentes cartes de crédit est déjà nettement plus chère que l'acceptation BC/MC. Coût moyen par transaction pour le commerçant (en 2000) Pour la consultation du tableau, voir image (*) Il est utile de souligner que les commerçants payent en plus 4 Bef/transaction (0,10 euro ) à Banksys.
Ces tarifs relativement importants s'expliquent principalement par le risque élevé d'utilisation frauduleuse des cartes de crédit du fait de leurs nombreuses lacunes concernant la protection entourant l'autorisation de paiement.
Comme le souligne American Express Services Europe Limited : « Du point de vue du commerçant, l'acceptation de tous ces moyens de paiement n'est pas considérée de la même manière, il faut d'abord différencier les moyens de paiement qui se font au moyen d'un terminal de paiement (...) de ceux pour lesquels un terminal n'est pas nécessaire (...). Les coûts d'acceptation de ces différents moyens de paiement diffèrent également. En ce qui concerne les acceptations par terminal, il existe des différences dans les coûts d'acceptation importants entre les cartes de débit et les cartes de crédit. » Diners Club Benelux, interrogé sur la nature de son activité, précise que : « Notre marché est celui d'une carte de paiement différé essentiellement adressée aux populations à haut pouvoir d'achat et aux grandes entreprises. Cette carte ne peut être considérée comme une carte de débit, une puce (Proton), des chèques, le paiement en espèce, les titres monnayables ou travellers chèques étant donné que le type de clientèle utilisant ce mode de paiement est variable tant du point de vue de son profil que de son comportement d'achat. » Il n'y a donc pas de substituabilité du point de vue du commerçant entre le système BC/MC et les cartes de crédit en raison de la moindre diffusion des cartes de crédit dans la population belge et de la différence importante de coût entre les deux systèmes.
Autres moyens de paiement (chèques, chèques repas,...) Le chèque est utilisé pour effectuer un paiement unique. D'une utilisation assez simple, il est (était) accepté partout dans la mesure où, jusque fin décembre 2001, les banques émettrices garantissaient le paiement à concurrence d'un plafond de 7.000 Bef, soit 173,53 euro (maximum garanti). D'année en année l'utilisation des chèques diminue au profit des virements et des cartes de débit. Selon l'ABB la disparition à moyen terme de ce mode de paiement est à envisager sérieusement. Cette raison fait qu'il est peu probable qu'un commerçant choisira de se reporter sur ce mode de paiement s'il désire abandonner le système BC/MC en cas d'une légère augmentation des tarifs. La sécurité est également nettement moindre que celle entourant le système BC/MC. Pour toutes ces raisons (voir également décision de la Commission du 9 août 2001 dans l'affaire Visa International, op. cit., point 39.), il est réellement peu probable qu'il existe une quelconque substituabilité entre les chèques et les cartes BC/MC. Les chèques repas quant à eux sont émis par deux sociétés françaises, "Le Chèque Repas" et "Ticket Restaurant" à toute société désirant les distribuer auprès de leurs employés comme partie de leur rémunération.
Depuis le 1er avril 1994 leur période de validité a été limitée à trois mois et ils ne peuvent être utilisés que pour payer une note de restaurant ou l'achat de produits alimentaires. Les caractéristiques de ce moyen de paiement font qu'il ne peut être substituable à la carte BC/MC. En effet, les chèques repas sont uniquement émis aux personnes salariées et leur champ d'utilisation est limité, contrairement à la carte BC/MC. c) Marché géographique en cause Le Corps des rapporteurs considère qu'il convient à l'instar de la Commission, dans sa décision Visa International, de prendre en considération un marché national pour l'appréciation des aspects concurrentiels des systèmes de cartes de paiement.Le marché géographique en cause est donc l'ensemble du territoire belge. d) Conclusion Le premier marché à prendre en considération selon le Corps des rapporteurs est celui de l'acquisition des cartes de débit sur le territoire belge en raison du manque de substituabilité entre les différents moyens de paiement présentés ci-dessus. 1.2. Le marché des terminaux de paiement acceptant la fonctionnalité BC/MC Bien que la fourniture de terminaux de paiement compatibles BC/MC fasse partie du service d'acquisition de Banksys, le Corps des rapporteurs considère dans son rapport motivé qu'il constitue un marché séparé. En effet, les terminaux ne constituent que l'un des éléments de l'infrastructure qui permet d'accéder au service BC/MC au même titre que la connexion téléphonique pour les petits distributeurs.
Depuis 1999 la procédure pour mettre sur le marché un terminal de paiement conforme aux normes BC/MC est supervisée par l'Electronic Payments Certification Institute asbl (EPCI), société mise en place par la grande majorité des banques belges, c.-à -d. les actionnaires de Banksys. L'objectif de la mise en place de cet organisme de certification est de permettre à d'autres opérateurs de mettre en circulation sur le marché belge des terminaux de paiement conformes aux normes exigées par Banksys pour son réseau BC/MC, procédure qui auparavant n'existait pas. Seul Banksys fabriquait des terminaux pour son réseau de cartes de débit.
Contrairement à ce qu'avance Banksys, le Corps des rapporteurs considère que le marché des terminaux de paiement acceptant la fonctionnalité BC/MC doit être considéré comme un marché distinct des autres terminaux de paiement. Il est évident qu'un commerçant utilisant le réseau BC/MC ne va pas opter pour un terminal ne permettant pas cette fonctionnalité.
Ce marché fait actuellement l'objet d'une ouverture à la concurrence, certains terminaux de paiement acceptant la fonctionnalité BC/MC, autres que ceux proposés par Bansksys, étant récemment apparus sur le marché. 1.3. Marchés devant être retenus suivant le Corps des rapporteurs Les marchés à prendre en considération selon le Corps des rapporteurs sont d'une part celui de l'acquisition des cartes de débit sur le territoire belge en raison du manque de substituabilité entre les différents moyens de paiement présentés ci-dessus et d'autre part, le marché des terminaux de paiement acceptant la fonctionnalité BC/MC 2. Définition du marché proposée par Banksys Banksys, en tant qu'opérateur de BC/MC et Proton, distingue quatre marchés sur lesquels il est présent : 1/ le marché des moyens de paiement. Au sein de ce marché, Banksys définit dans la relation entre le commerçant et son client trois grands types de moyens de paiement : - le "pay now" : le paiement du commerçant et le débit du compte bancaire du client se font de manière quasi-instantanée. Les chèques, les chèques-repas et autres chèques monnayables et la carte de débit se trouvent dans cette catégorie. - le "pay before" le débit du compte bancaire de l'utilisateur a lieu avant l'acte de paiement; il s'agit de la carte Proton et du paiement en espèces. - le "pay after " le débit du compte bancaire du client a lieu après l'acte de paiement. Cette catégorie regroupe : la carte de crédit, le virement, les formules de paiement à crédit.
Tous ces modes de paiement font partie, selon Banksys, du même marché "car tant du point de vue du commerçant que celui de son client, le choix d'utiliser ou d'accepter un ou plusieurs de ces moyens de paiement est laissé à chacun des acteurs". De plus, chacun de ces moyens de paiement peut être utilisé selon le choix des acteurs pour l'ensemble des produits et services offerts dans le commerce en Belgique (à l'exception des titres monnayables comme les chèques repas). Le libre choix des acteurs d'utiliser indifféremment ces différents moyens de paiement pour des achats de nature identique justifie qu'on les considère comme appartenant à un seul et même marché. Bank Card Company (BCC) adopte le même point de vue; 2/ le marché de la mise à disposition de terminaux de paiement (location, vente); 3/ le marché de la maintenance des terminaux; 4/ le marché de la consultance relative à la sécurité des moyens de paiements. 3. Position du Conseil de la concurrence 3.1. Résumé des définitions des marchés en présence Le Conseil de la concurrence constate que le Corps des rapporteurs retient deux marchés de produits : 1. Le marché de l'acquisition pour cartes de débit;2. Le marché des terminaux de paiement acceptant la fonctionnalité BC/MC. La société Banksys estime quant à elle que tous les types de moyens de paiement font partie d'un même marché qu'elle propose de retenir. 3.2. Examen de la définition du marché des produits proposée par Banksys et de la jurisprudence de la Commission européenne dans l'affaire Visa international La société Visa International a également soutenu devant la Commission européenne (dans l'affaire Comp/29.373- J.O. du 10.11.2001 L293/30 point 7.1.1 et J.O. du 22.11.2002 L 318/24 n° 40) que « le marché des produits en cause comprend tous les instruments de paiements utilisés par le consommateur, c'est à dire, outre les cartes de paiement de tous types ( par exemple, les cartes de débit, les cartes de débit différé, les cartes de débit immédiat, les porte-monnaie électroniques et les cartes privatives qu'il s'agisse de cartes nationales ou internationales), les chèques et l'argent liquide ». La Commission européenne a réfuté dans ses décisions du 9 août 2001 (n° 2001/782/CE aff. Comp/29.373 J.O. du 10.11.2001 L293/ 24 à 41) et du 24 juillet 2002 (n° 2002/914/CE J.O. du 22.11.2002 L 318/17 n° 7.1.3 L 318/25 et 26) cette théorie pour plusieurs motifs. Ces décisions ont été discutées notamment durant l'audience tenue le 25 février 2004 dans le cadre de la présente affaire et il convient de reproduire et d'examiner l'enseignement de la Commission européenne dans cette affaire.
La Commission européenne, dans ses décisions prononcées au terme de l'examen de l'affaire Visa International, a distingué « deux types de concurrence portant sur les cartes de paiement. La première s'exerce entre les différents systèmes/réseaux de paiement (c'est-à -dire différents systèmes/réseaux de cartes de paiement et éventuellement de moyens de paiements autres que les cartes), tandis que la seconde oppose les institutions financières (généralement les banques) pour les activités liées aux cartes (essentiellement la délivrance de cartes aux particuliers et les activités d' « acquisition » comprenant l'affiliation des commerçants pour l'acceptation des cartes et la gestion consécutive des transactions.
Le premier de ces deux types de concurrence concerne le marché "des systèmes/réseaux", également dit "en amont", le second les marchés "intrasystèmes", également dits "en aval".
Sur les marchés intrasystèmes, c'est-à -dire à l'intérieur de chaque système de paiement (Visa, par exemple), les institutions financières se livrent concurrence pour l'émission de cartes portant cette marque ou pour l'affiliation de commerçants acceptant cette carte. (...) La Commission n'est pas convaincue par le point de vue de Visa selon lequel le marché en cause comprend tous les moyens de paiement utilisés par le consommateur.
Tout d'abord, selon la Commission, l'argent liquide peut être exclu du marché en cause pour plusieurs raisons. Pour les commerçants, l'argent liquide a cours légal et ils sont tenus de l'accepter lorsque c'est possible. Les coûts liés à l'acceptation d'argent liquide sont essentiellement d'ordre administratif et ils sont difficilement comparables au coût représenté par l'acceptation de cartes. Du point de vue du client, le transport d'argent liquide n'est pas pratique et peut être dangereux s'il s'agit de montants importants; le paiement en argent liquide n'est pas adapté pour les achats coûteux. Le client se trouve souvent à court d'argent liquide et doit se réapprovisionner (normalement au moyen d'une carte de retrait d'espèces). Dans tous les Etats membres, le montant moyen des achats payés en argent liquide est nettement inférieur à celui des achats payés par carte et, bien que ces deux instruments soient utilisés pour le paiement de montants moyens, l'utilisation de l'argent liquide se distingue clairement de celle des cartes selon le montant de l'opération. Il est donc peu probable qu'une augmentation faible mais significative du coût d'utilisation des cartes ou de l'argent liquide (soit pour les commerçants, soit pour leurs clients) modifie sensiblement les habitudes d'utilisation de chacun de ces deux instruments.
Deuxièmement, la Commission estime que les chèques peuvent être exclus du marché en cause. Dans la plupart des Etats membres, les chèques ne sont guère utilisés pour les paiements effectués dans les points de vente (et sont réservés aux paiements à distance). Dans les Etats membres où les chèques sont souvent utilisés chez les commerçants (principalement la France, le Royaume-Uni et l'Irlande), le cadre réglementaire peut varier (par exemple, en France, la loi interdit actuellement aux banques de facturer des frais pour l'émission de chèques) et, en tout état de cause, les chèques se différencient nettement des cartes par plusieurs caractéristiques (un carnet de chèques est souvent épuisé, un chèque n'est généralement accepté que s'il est accompagné d'une carte de garantie ou d'une carte d'identité, et un chèque doit être libellé, ce qui entraîne une perte de temps).
En outre, on peut, de toute évidence, exclure du marché en cause tous les types de paiement à distance (virements et autres) étant donné qu'ils ne peuvent être utilisés pour payer des achats dans un point de vente. Il reste à examiner si tous les types de cartes doivent être inclus dans le marché en cause. Pour distinguer les différents types de cartes, on peut utiliser comme critères la question de savoir si la carte peut être utilisée dans plusieurs pays ou seulement dans celui où elle est émise et quelles sont les facilités de paiement offertes par la carte (débit immédiat, débit différé ou crédit). Dans la pratique, les cartes de crédit sont normalement (mais pas exclusivement) internationales et les cartes de débit sont normalement (mais pas exclusivement) nationales. Dans de nombreux Etats membres, un grand nombre de particuliers détiennent à la fois une carte de débit nationale et une carte de crédit internationale. Il va de soi, cependant, que les cartes de crédit internationales peuvent aussi être utilisées pour les paiements nationaux (les paiements effectués au moyen de cartes de crédit internationales sont, dans leur grande majorité, des paiements nationaux), et pour de très nombreuses cartes de crédit, la fonction de crédit n'est jamais utilisée. Les cartes Visa sont toujours utilisables à l'échelle internationale, mais les modalités de paiement varient : il peut s'agir de cartes de crédit ou de cartes de débit différé, voire de cartes de débit immédiat (certaines cartes Visa/CB émises en France et certaines cartes Visa/Delta émises au Royaume-Uni, par exemple). » En ce qui concerne le marché géographique en cause, la Commission européenne a dans le cadre de l'affaire Visa International estimé que « le marché géographique en cause se définit comme le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l'offre de biens et de services, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué de zones géographiques voisines parce que, en particulier, les conditions de concurrence y diffèrent de manière sensible.
La Commission considère que le marché géographique qu'il convient de prendre en considération aux fins de l'appréciation des aspects concurrentiels des systèmes de cartes de paiement demeure national. (...) ». 3.3. Définition du marché des produits et services concernés retenu par le Conseil de la Concurrence 3.3.1. Introduction Les documents produits dans le cadre de la présente procédure révèlent qu'il n'y a pas « un accord quadripartite » comme le présente le Corps des rapporteurs (voir page 8 de cette décision) mais plusieurs contrats qui sont signés entre quatre parties distinctes, soit en l'espèce une banque acquéreuse (acquiring bank : Banksys), une banque émettrice (issuing bank : Dexia, Fortis,...), le commerçant qui accepte le système BC/MC et le détenteur d'une carte BC/MC. Ces différentes demandes et offres distinctes sont certes interactives comme le précise également la décision de la Commission européenne du 24 juillet 2002 dans l'affaire Visa International.
La définition d'un marché, au niveau tant des produits que de sa dimension géographique, doit permettre de déterminer s'il existe des concurrents réels, capables de peser sur le comportement des entreprises en cause ou de les empêcher d'agir indépendamment des pressions qu'exerce une concurrence effective. C'est dans cette optique que la définition du marché permet entre autres de calculer les parts de marché, qui apportent des informations utiles concernant le pouvoir de marché pour l'appréciation d'une position dominante.
Pour définir le marché pertinent, il convient comme le précise la Communication de la Commission européenne sur la définition du marché en cause parue dans le JOCE n° C 372 du 9 décembre 1997 de d'examiner les services et/ou produits offerts et si du point de vue de la demande ils peuvent être considérés comme substituables à des services offerts par d'autres opérateurs. 3.3.2. Services et produits offerts Dans la brochure intitulée « Payment-related solutions » déposée dans le cadre de la présente procédure., Banksys précise qu'elle « gère tous les éléments du processus de gestion des transactions électroniques entre les clients et les commerçants, depuis la conception, le développement des logiciels, la vente, l'installation et l'entretien des terminaux jusqu'à la gestion des autorisations et le règlement des transactions avec les banques partenaires, les titulaires de cartes et les commerçants, via notre propre réseau (BankNET) et notre ordinateur central (host) ».
Elle : - est le principal opérateur EFT (Electronic Fund Transfer) et POS (Point of sale) et gère à la fois l'ordinateur central qui traite les transactions, le réseau, les terminaux de paiement et les distributeurs de billets; - développe des activités liées aux terminaux (logiciels, sécurité, marketing et vente, nouveaux appareils, contrôle de la qualité des cartes, etc; - gère les marques Bancontact/Mister Cash et Proton et se charge du traitement des cartes de débit, des cartes Proton et des cartes de carburants pour les banques; - gère et exploite le Card Stop Center, la centrale de blocage des diverses cartes, opérationnelle 24 heures sur 24; - depuis 1999, fournit des services liés aux transactions effectuées avec les cartes de crédit; - est également présente à l'étranger et exporte les intégrations de systèmes, de systèmes d'autorisation, des terminaux, des solutions de sécurisation... » Cet ensemble de services représente en réalité l'activité d'intermédiaire dans le processus de paiements sécurisés, de « payment related solutions » (services liés au paiement) et est distinct du marché des moyens de paiement (systèmes par carte ou autre).
En effet, cette activité ne consiste pas à proposer des moyens de payement : ni cartes de crédit, ni cartes de débit, ni argent liquide, ni chèques, ni aucun autre moyen de paiement.
La discussion quant à la substituabilité entre le paiement électronique et les autres types de paiement et notamment en liquide est dès lors sans pertinence. Il ne faut en effet pas confondre les activités spécifiques mises en oeuvre qui font l'objet du marché des produits en cause permettant le paiement électronique et le paiement électronique en lui-même.
En conclusion, l'ensemble des services décrits ci-dessus forme un marché spécifique. Il est distinct de celui des moyens de paiement, distinct de celui de l'émission des cartes de débit et de crédit et distinct également des marchés analysés par la Commission européenne dans l'affaire Visa (marché intra-système et marché inter-système) (point 7.1.3.1). 3.3.3. Demande sur le marché concerné La demande sur le marché ainsi défini est constituée par les destinataires des services offerts, à savoir principalement les commerçants. 3.3.4. Conclusion Le Conseil de la concurrence retient donc comme marché concerné le marché des services et systèmes intégrés liés aux paiements électroniques sécurisés au comptant effectués par le consommateur final, titulaire d'une carte de paiement. 3.4. Le marché de la fourniture de terminaux de paiement La fourniture de terminaux de paiement constitue un marché spécifique même s'il peut être (comme c'était le cas dans le passé) étroitement lié au marché défini au point 3.3.4.
En effet, les terminaux ne constituent que l'un des éléments de l'infrastructure qui permet d'accéder au service BC/MC au même titre que la connexion téléphonique pour les petits distributeurs.
Depuis 1999 la procédure pour mettre sur le marché un terminal de paiement conforme aux normes BC/MC est supervisée par l'Electronic Payments Certification Institute asbl (EPCI), mise en place par la grande majorité des banques belges, c.-à -d. les actionnaires de Banksys. L'objectif de la mise en place de cet organisme de certification est de permettre à d'autres opérateurs de mettre en circulation sur le marché belge des terminaux de paiement conformes aux normes exigées par Banksys pour son réseau BC/MC, procédure qui auparavant n'existait pas. Seul Banksys fabriquait des terminaux pour son réseau de cartes de débit.
Contrairement à ce qu'avance Banksys, le marché des terminaux de paiement acceptant la fonctionnalité BC/MC doit être considéré comme un marché distinct des autres terminaux de paiement. Un commerçant utilisant le réseau BC/MC ne va pas opter pour un terminal ne permettant pas cette fonctionnalité.
Ce marché fait actuellement et spécialement depuis 2003, l'objet d'une ouverture à la concurrence. Certains terminaux de paiement acceptant la fonctionnalité BC/MC, autres que ceux proposés par Bansksys, sont récemment apparus sur le marché.
B. Détermination du marché géographique en cause 1. En ce qui concerne le marché des services reliés aux solutions sécurisés des paiements électroniques Comme le précise le Directeur général de la Direction générale Concurrence dans son courrier du 23 avril 2002 envoyé en vertu de l'article 6 du Règlement n° 2842/98 au point 17, « la carte BC/MC est une carte de paiement nationale.Elle ne peut être utilisée qu'aux points de vente des commerçants établis en Belgique; elle ne concerne donc que les activités économiques nationales (c'est à dire l'achat de produits et de services en Belgique). Par conséquent, la carte BC/MC n'est pas en soi de nature transfrontalière, contrairement aux cartes internationales telles que Visa et EuroCard/MasterCard. Banksys ne prévoit pas de changement à cet égard dans un proche avenir.
Si des paiements peuvent être faits à l'aide de cartes BC/MC aux points de vente de distributeurs en dehors de la Belgique, c'est grâce à la fonction Maestro qui figure sur certaines cartes BC/MC. Cette fonction est fournie par Europay (propriétaire de la marque Maestro), qui a passé contrat avec les commerçants étrangers qui acceptent Maestro. Cet élément est donc sans objet dans la présente affaire, puisqu'il ne s'agit pas de services fournis par Banksys..." A l'époque des faits, les cartes de débit permettaient en effet une utilisation que sur le territoire national.
Sur base des éléments du dossier et notamment compte tenu de la limitation à l'espace national des activités faisant l'objet du marché de produit en cause retenu, spécialement à l'époque des faits visés dans la demande d'instruction du Ministre de l'Economie et des plaignantes UCM et Unizo et pour les motifs exposés par la Commission européenne dans l'affaire Visa International repris ci-dessus et également pertinents dans le cadre de la présente procédure, le Conseil de la concurrence considère que le marché géographique en cause est l'ensemble du territoire belge. 2. En ce qui concerne le marché des terminaux de paiement En ce qui concerne le marché des terminaux des paiements, le Corps des rapporteurs considère que l'étendue géographique du marché est limitée au territoire belge dans la mesure où une présence sur le marché suppose la mise en conformité des terminaux de paiement conformément aux normes exigées par Banksys pour son réseau BC/MC en Belgique. Banksys estime au contraire que ce marché ne peut en aucun cas être limité au seul territoire de la Belgique et considère qu'il s'étend à toute la Communauté.
Sur base des éléments du dossier, il y a lieu de considérer que l'étendue géographique du marché des terminaux de paiements doit être limitée au territoire belge notamment dans la mesure où, principalement à l'époque des faits, une présence sur le marché suppose la mise en conformité des terminaux de paiement conformément aux normes exigées par Banksys pour son réseau BC/MC en Belgique.
V. EXAMEN D'UNE EVENTUELLE POSITION DOMINANTE DE BANKSYS 1. Le marché des services et systèmes intégrés liés aux paiements électroniques sécurisés au comptant effectués par le consommateur final, titulaire d'une carte de paiement Il résulte de l'instruction menée par le Service de la concurrence et du rapport motivé du Corps des rapporteurs que Banksys est l'unique opérateur en Belgique sur ce marché depuis la signature du contrat avec la Poste et la Banque de la Poste (qui avait développé son propre réseau de cartes de débit).Banksys est donc en position de monopole de fait sur ce marché.
Le Conseil de la concurrence constate qu'il n'y a pas de substituabilité pour les services offerts par Banksys sur le marché concerné. En effet, il ressort de l'instruction que les commerçants ne peuvent pas se passer de ce système et qu'il n'existait pas de système alternatif à celui offert par Banksys, pour répondre aux exigences du consommateur final titulaire d'une carte de paiements au moment des faits.
L'existence d'un monopole implique normalement en pratique celle d'une position dominante. Cependant, en théorie, on pourrait concevoir qu'une entreprise monopolistique ne détienne pas une position dominante si l'accès des tiers au marché est entièrement libre. Ce n'est pas le cas pour ce marché où les barrières à l'entrée sont importantes. En effet, mettre en place un réseau de cartes de débit à l'échelle nationale implique des investissements lourds et de nombreuses alliances (banques, commerçants, entreprises de télécommunication, ...). La Poste a d'ailleurs renoncé à maintenir son propre réseau Postomat ce qui est exemplaire en ce sens.
Par ailleurs, comme indiqué ci-avant, l'actionnariat de la S.A. Banksys est constitué de 59 banques dont les quatre plus grandes banques opérant en Belgique détiennent [Secrets d'affaires - entre 70 et 90 %] % de son capital. Du fait de cette particularité, il s'avère difficile d'imaginer comme le fait remarquer la Fédération nationale des Unions des Classes moyennes et l'Unie van Zelfstandige Ondernemers, qu'un autre système de paiement électronique puisse accéder au marché et faire une concurrence effective à Banksys.
A l'audience, Banksys a encore insisté sur l'importance des investissements liés à la mise en place de l'infrastructure et du coût de la sécurité, de la gestion et de la maintenance du réseau, qui sont de nature à dissuader l'établissement d'un réseau concurrent sur un territoire aussi limité que la Belgique. Comme l'indique expressément la société incriminée sur son Website, « Banksys investit énormément en recherche et développement pour s'assurer une position dominante sur le marché ».
De l'ensemble de l'avis des intervenants, il n'est pas économiquement justifié vu la taille du marché belge de créer et/ou de maintenir un réseau concurrent. Ces investissements conséquents et nécessaires constituent ainsi également une barrière à l'entrée.
En conclusion, Banksys détient une position dominante sur marché des services et systèmes intégrés liés aux paiements électroniques sécurisés au comptant effectués par le consommateur final, titulaire d'une carte de paiement. 2. Le marché des terminaux de paiement pour cartes de débit Comme le révèle l'instruction menée par le Service de la concurrence et comme exposé par le Corps des rapporteurs dans le rapport motivé, le marché belge des terminaux de paiement était complètement fermé jusqu'à la création de l'EPCI en 1999 et seul Banksys produisait les terminaux de paiement compatibles BC/MC.Seule Belgacom avait ainsi la possibilité de commercialiser ce type de terminaux. Fin 2000, il y avait sur le marché entre 5.000 ( selon les chiffres de Belgacom/Credipos) et 1.500 (selon Banksys) terminaux compatibles BC/MC assemblés par Banksys et commercialisés par Belgacom.
Depuis, Belgacom a décidé de se défaire de ses activités sur le marché des terminaux de paiement. Après la création le 15 août 2000 de Credipos sa - une nouvelle société regroupant ses activités "terminaux de paiement", Belgacom a cédé le 22 septembre 2000 une participation de 55 % à Banksys en invoquant les raisons suivantes : « Banksys devant rendre publiques ses spécifications Bancontact/Mister Cash et Proton, de nouveaux acteurs seraient apparus sur le marché.
Tous les constructeurs/distributeurs auraient dès lors proposé des terminaux permettant des fonctionnalités identiques pour le paiement entraînant logiquement une guerre des prix et la nécessité pour se différencier, de créer des services à valeur ajoutée. Dans ce scénario Belgacom se serait éloigné de sa mission d'opérateur télécom vers celle d'un intégrateur de système. » Le nombre de terminaux mis en circulation par Banksys pour les années 1998, 1999 et 2000 se monte respectivement à 65.987, 71.426 et 78.231.
Le nombre total de terminaux Belgacom compatibles BC/MC en 2000 est de 3.482. Depuis la cession de 55 % des actifs de Credipos à Banksys, ce nombre doit être ajouté à ceux mis en circulation par Banksys en nom propre. Banksys détient dès lors le monopole sur le marché des terminaux de paiement BC/MC avec un nombre de points de transaction s'élevant pour 2001 à 89.255 en hausse de 17 % par rapport à l'année précédente (Cf. Rapport annuel 2001 Banksys). En effet aucun autre terminal n'est configuré pour accepter les transactions BC/MC. Rappelons qu'une situation de monopole implique normalement une position dominante sauf si l'entrée sur le marché est entièrement libre, ce qui n'est manifestement pas le cas non-plus ici. Depuis 1999 en effet, tout opérateur voulant commercialiser des terminaux acceptant le système BC/MC doit se conformer à une procédure de certification onéreuse et relativement longue sous l'égide de l'EPCI. De plus, comme Banksys a renouvelé en grande partie son parc de terminaux en raison de l'arrivée de l'Euro et du passage au C-ZAM/Smash, les nouveaux entrants devront en priorité s'adresser aux commerçants ne disposant pas encore de terminal de paiement ce qui limite quelque peu les débouchés à court terme.
Pour la période antérieure au rachat par Banksys de 55 % des actifs de Credipos, la position dominante de Banksys était sensiblement identique. En effet les 3.482 terminaux de paiement compatibles BC/MC mis en circulation par Belgacom représentaient une part de marché inférieure à 5 % en 2000.
Pour rappel, à propos de parts de marché importantes, la jurisprudence de la CJCE stipule que : « si la signification des parts de marché peut différer d'un marché à l'autre, on peut, à juste titre, estimer que des parts extrêmement importantes constituent par elles-mêmes, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l'existence d'une position dominante » (Hoffman-La Roche c. Commission; aff. 85/76; Rec. 1979; pp.508-558; att. 41) La part de marché de Banksys avant le rachat des activités "terminaux de paiement" de Belgacom était d'au minimum 95 %, ce qui constitue une part de marché extrêmement importante et place Banksys en situation de quasi-monopole. De plus, la structure du marché avant 1999 plaçait Banksys dans une situation de dominance incontestable pour au moins trois raisons : 1/ le coût d'achat des terminaux de paiement étant relativement élevé, les commerçants auront tendance à le rentabiliser sur plusieurs années et la probabilité qu'ils se tournent vers l'achat d'un terminal concurrent est fortement réduite; 2/ si le commerçant a opté pour la location, les clauses du contrat (prévoyant de substantielles indemnités de rupture) font en sorte qu'il était extrêmement onéreux de rompre ses relations contractuelles avec Banksys pour se tourner vers Credipos. 3/ enfin, même si Credipos a mis en circulation des terminaux de paiement compatibles BC/MC ces derniers étaient fabriqués par Banksys, à l'époque seul à produire ce type de terminaux.
En conclusion, Banksys détient depuis sa création en 1989 une position dominante sur le marché des terminaux de paiement compatibles BC/MC, seuls terminaux de paiement pour carte de débit encore présents sur le territoire belge. Cette position dominante s'est encore renforcée en 2000 par le rachat de 55 % des actifs de la société Credipos.
Ce marché fait toutefois depuis peu de temps l'objet d'une ouverture à la concurrence. Certains terminaux de paiement acceptant la fonctionnalité BC/MC, autres que ceux proposés par Bansksys, sont récemment apparus sur le marché.
VI. GRIEFS RETENUS PAR LE CORPS DES RAPPORTEURS POUR ETABLIR UN ABUS DE POSITION DOMINANTE Le Corps des rapporteurs a retenu plusieurs griefs à charge de Banksys : 1. avoir appliqué depuis l'accord conclu le 20 janvier 1998 entre Banksys et la Fedis à des partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes et plus spécialement avoir accordé des rabais discriminatoires aux utilisateurs de la configuration « leased line » (principalement la grande distribution) au détriment des utilisateurs de la configuration « dial-up » (principalement la petite distribution).2. Avoir abusé de sa position dominante en augmentant les tarifs mensuels d'abonnement relatifs aux services BC/MC à l'égard de la petite distribution à concurrence de 38,25 % à l'occasion du renouvellement du parc des terminaux de paiement de Banksys.3. avoir appliqué un transfert de coût qui n'est pas basé sur des critères d'efficience entre un marché qui s'ouvre à la concurrence sur lequel Banksys dispose d'une position dominante et un marché sur lequel elle dispose d'un monopole de fait, faussant ainsi la concurrence;4. Avoir abusé de sa position dominante en imposant des indemnités forfaitaires excessives au commerçant en cas de résiliation anticipée du contrat de location 5.Avoir abusé de sa position dominante en fixant des prix de ventes excessifs pour les terminaux C-Zam/Smash, y compris les produits périphériques ou accessoires et indirectement lors de la fixation des prix de location à la petite distribution de ces mêmes terminaux y compris les produits périphériques ou accessoires.
Les trois premiers griefs ainsi retenus concernent le premier marché des services reliés aux solutions sécurisés des paiements électroniques alors que les deux derniers griefs formulés concernent le marché des terminaux de paiement.
VII. EXAMEN DES GRIEFS RETENUS PAR LE CORPS DES RAPPORTEURS Attendu qu'un des griefs invoqués dans les plaintes concerne la pratique de prix « injustement élevés » (plainte d'UCM) et de prix excessifs pour ce qui concerne les coûts de transaction et la location des terminaux (plainte d'UNIZO).
Attendu que l'article 3, a), de la LPCE interdit à une entreprise d'exploiter de façon abusive une position dominante en imposant de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction non équitables.
L'application de prix de vente excessifs peut venir de la fixation des prix de vente sans relation raisonnable avec la valeur économique du produit ou du service proposé par l'entreprise en position dominante.
La Cour de Justice des Communautés européennes a donné des développements substantiels dans cette matière dans sa décision United Brands c. Commission européenne du 14 février 1978.
La qualification d'abus pour application de tarifs excessifs peut notamment être déduite de l'analyse de la rentabilité des investissements au regard du coût des capitaux mobilisés.
Ainsi, le rendement des capitaux investis peut être comparé au coût moyen pondéré du capital. En théorie, si le rendement réalisé est égal au coût du capital, le marché est en équilibre sur le plan de la concurrence et il n'y a pas d'indication pour conclure à l'existence de prix excessifs. Dans ce cas, les consommateurs sont protégés contre des prix supérieurs au prix d'équilibre et les investisseurs en capital sont rémunérés au taux du marché.
A l'opposé, dans un marché où existe une position dominante, un rendement structurellement et sensiblement supérieur au coût du capital peut être caractéristique d'un abus.
Celui-ci se révèle également par une importante disproportion entre les coûts supportés et les prix demandés. Il convient donc, pour déceler l'abus, de rechercher ainsi si le détenteur de position dominante a utilisé les possibilités qui en découlent pour obtenir des avantages qu'il n'aurait pas obtenus en cas de concurrence praticable et suffisamment efficace.
Il convient par conséquent d'inviter le Corps des rapporteurs de compléter son rapport par une analyse économique sur ce point.
Par ces motifs, Le Conseil de la concurrence - décide que la demande d'instruction du Ministre de l'Economie et les plaintes introduites par la FNUCM et UNIZO sont recevables; - constate que la procédure est régulière et que le Conseil de la concurrence est habilité à examiner les griefs retenus par le Corps des rapporteurs dans le cadre de cette affaire; - retient comme marché des produits concernés, le marché des services et systèmes intégrés liés aux paiements électroniques sécurisés au comptant effectués par le consommateur final et le marché des terminaux de paiement acceptant la fonctionnalité BC/MC et comme marché géographique, l'ensemble du territoire belge pour ces deux marchés de produits; - demande, avant de statuer sur les griefs retenus, au Corps des rapporteurs d'examiner si, entre 1997 et 2002, une comparaison entre les rendements (incluant les opérations entre Banksys et tout ou partie de ses actionnaires) des investissements réalisés par Banksys et le coût des capitaux mobilisés révèle l'imposition de prix de vente non équitable;
Ainsi statué le 29 juin 2004 par la Chambre du Conseil de la concurrence composée de Monsieur Patrick De Wolf, président de Chambre, de Madame Marie-Claude Grégoire, de Monsieur David Szafran et de Monsieur Pierre Battard, membres.